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MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS BURKINA FASO

SECONDAIRE, SUPERIEUR
UNITE – PROGRES - JUSTICE
UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU

UNITE DE FORMATION EN
SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

MAITRISE DE SOCIOLOGIE

EXPLOITATION INDUSTRIELLE DES


MINES D’OR ET CHANGEMENT SOCIAL
DANS LA COMMUNE RURALE DE BANA
AU BURKINA FASO

Etudiant: Sous la Direction


SIRI Yamba Dr SEINDIRA Magnini
78 85 22 20 Maître-assistant de sociologie
siriyamba@yahoo.fr

2012
i
SOMMAIRE
DEDICACE ............................................................................................................................................ iii

REMERCIEMENTS .............................................................................................................................. iv

INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1

CHAPITRE I. PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE ................................................................ 48

CHAPITRE II : EXPLOITATION INDUSTRIELLE DES MINES ET BOULEVERSEMENT DES


RESEAUX SOCIAUX .......................................................................................................................... 53

CHAPITRE III : L’IMPACT DE L’EXPLOITATION INDUSTRIELLE DE L’OR SUR LES


RELATIONS COMMUNAUTAIRES ET INTERCOMMUNAUTAIRES ......................................... 73

CHAPITRE IV : CONTRIBUTION DE SEMAFO AU DEVELOPPEMENT LOCAL DE LA


COMMUNE RURALE DE BANA ...................................................................................................... 79

CONCLUSION………………………………………………………………………………………..83

ii
DEDICACE

Ce document est dédicacé à la mémoire de mon père SIRI Sindaneba Daouda et à ma mère
SOURA Fagatie.

iii
REMERCIEMENTS

Je ne saurais commencer ce propos, sans tout d’abord exprimer toute ma


reconnaissance et ma sollicitude à un homme, SEINDIRA Magnini, Maître Assistant en
Sociologie à l’Université de Ouagadougou. Il a été durant ce parcours de combattant mon
éclaireur.
Nous aimerions remercier tous les enseignants du département de Sociologie qui ont
contribués d’une manière ou d’une autre à cette étude.
Nous remercions aussi Dr SOURA Abdramane, Enseignant chercheur à l’ISSP.
Nous adressons également nos vives reconnaissances aux étudiants de sociologie,
parents, amis et alliés.
Enfin, et surtout, nous tenons à adresser nos sincères remerciements aux autorités
administratives et coutumières de la commune de BANA.

iv
Introduction

Depuis les années 1990, la banque mondiale a approfondi le concept de sa mission de


développement en accordant une plus grande importance à l’éradication de la pauvreté et à la
gestion de l’environnement. C’est ainsi qu’elle prône le développement du secteur minier en
Afrique pour doper la croissance économique du continent en concluant du même coup à
l’incapacité des Etats Africains de posséder et gérer cette activité économique qui exige des
investissements importants et des capacités techniques. Elle prescrit donc de privatiser le secteur
minier et d’attirer des investisseurs privés qu’elle juge seuls à même d’en assurer la compétitivité.
S’inscrivant dans la même dynamique, le Burkina Faso a adopté de nos jours la Stratégie de
Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD) qui vient en remplacement du
Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). En effet, les investigations géologiques et
minières ont montré que le pays dispose d’un potentiel riche de base notamment l’or, le zinc, le
plomb, le manganèse, le phosphate et le cuivre. Par conséquent, incité par les institutions de
Bretton Woods et la hausse des cours des ressources minières qui marquent le contexte mondial,
conduit le pays à se doter du nouveau code minier en 1997 qui revalorise d’attractivités,
notamment sur le plan fiscal. C’est ainsi que nous assistons à l’implantation de bon nombres de
sociétés minières dans le pays dont la priorité est l’or. Ainsi, l’or joue un rôle important dans
l’économie nationale en tant que première ressource d’exportation depuis 2009. Dans cette
perspective, le chef de l’Etat Burkinabè affirme dans les cahiers de la présidence du Faso
N°193 (2011 :03) que : « le secteur minier est de nos jours l’un des principaux piliers de
l’économie Burkinabè, notamment avec l’or qui en constitue le premier produit d’exportation.
Afin de renforcer la part contributive de l’exploitation minière au développement national, des
réformes appropriées seront entreprises afin d’optimiser l’impact économique, financier, et
social du développement de ce secteur, pour les populations ». Cependant, l’action de l’industrie
extractive, tenue dans la plupart des cas par des capitaux étrangers, n’est pas sans conséquences
dans les zones aurifères. Si la découverte d’un gisement aurifère a la capacité de mobiliser
plusieurs acteurs en contribuant à améliorer sensiblement les économies locales et la création des

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richesses nationales, elle produit également les effets négatifs qui se répercutent sur
l’environnement social immédiat.

Dans l’itinéraire de réflexion que nous proposons ci-dessous pour étudier le changement
social induit par l’exploitation industrielle des mines dans la commune de Bana au Burkina Faso,
nous nous sommes doté d’abord d’un cadre théorique pour faire l’Etat actuel des connaissances
antérieures sur le thème et construire du même coup l’objet d’étude. Le premier grand point de la
recherche, présente ce cadre et les théories auxquelles il fait appel. Ensuite l’ensemble de la
stratégie méthodologique nous permettant de collecter les données empiriques est décrit dans le
deuxième grand point de la recherche. Les données recueillies sont essentiellement de nature
qualitative. La collecte de ces données a été facilitée par notre présence sur le terrain et la
stratégie d’alliances à plaisanterie que nous avons mis en évidence.

En outre, la présentation des résultats qui suit un plan orienté par le cadre d’analyse est
effectuée au cours de quatre chapitres consécutifs. Une fois le contexte local décrit en détail
(premier chapitre), nous décortiquons le bouleversement des réseaux sociaux induit par
l’exploitation de la mine dans la région où nous avons mené la présente recherche (deuxième
chapitre). Aussi, nous avons analysé l’impact de l’exploitation de la mine sur les relations
communautaires et intercommunautaires (troisième chapitre). Enfin, nous nous intéressons à la
contribution de la SEMAFO au développement local de la commune de Bana (quatrième
chapitre).

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I: CADRE THEORIQUE

1- Justification du choix de thème

Ces dernières décennies ont été marquées par des débats sur la problématique des
violences dans les formations sociales africaines autour de la gestion des ressources
naturelles. Ainsi au Burkina Faso, l’actualité rurale fût marquée par l’exploitation des
mines qui continue d’alimenter la presse nationale et renouveler la critique sociale. Le
secteur minier Burkinabé connaît un développement à l'heure actuelle du fait des
énormes potentialités minières que renferme le sous-sol du pays. Dans le rapport du
premier ministère (2000 :92), il ressort que « sur une superficie de 274200km 2 le
Burkina dispose plus de 70 000 km 2 de formation Volcano sédimentaire birimienne
connu pour leur immense ressources minérales. Environs 200 sites sont orpaillés ».

Le choix du thème se justifie avant tout par l'actualité que soulève de nos jours la
croissance rapide et spectaculaire des sociétés minières implantées dans le pays.
L'arrivée massive des sociétés minières est due en partie au nouveau code minier adopté
en 1996 et sa mise en application à partir de janvier 1997. L’adoption de cette
législation qui favorise les investissements offre de multiples avantages douaniers et
fiscaux tant pendant la phase de recherche des substances minérales contenues dans le
sol et le sous-sol, que pendant celle d’équipement et de production.

Par ailleurs, le choix du thème se justifie par le fait que l'implantation d'un
complexe industriel en zone rurale engendre certes un enjeu économique mais également
et surtout des transformations culturelles, sociales et environnementales. Ce sont donc
ces processus de changements et leurs ramifications qui attirent notre attention. Ce qui
nous amène à poser la question de recherche suivante : quelle relation peut-on établir
entre l’exploitation des mines d’or et le changement social dans la commune rurale de
BANA ?

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2- Revue documentaire

Dans le but de mieux cerner le thème, nous avons exploré une revue
documentaire spécifique pour connaître les divers angles du problème abordés par les
auteurs ; ce qui nous a permis d'affiner notre problématique de recherche. Les données
recueillies de nos différentes lectures sont regroupées sous forme de thématique :

2.1 Représentation sociale de l’or


L'or est au cœur de la vie sociale et politique dans bon nombre de sociétés.
L’exploitation de cette ressource naturelle et autres activités liées à la terre sont à la
base même des moyens de revenu et d'emploi. L'or revêt une importante dimension
spirituelle et idéologique dans les sociétés traditionnelles. NIANGORA-BOUAH
Georges in (la revue Missions Africaines 2008), nous fait constater que de Lahou
(Côte D'Ivoire) à Accra (Ghana), les mines d'or jalonnent la zone côtière peuplée par les
AKAN. L'exploitation et la commercialisation de ces richesses naturelles favoris ent
l'implantation d'Etats puissants, à tel point que l'on parlera de « la civilisation de l'or ».
Ainsi, pour les AKAN, l'or dans sa dimension spirituelle est un être qui, en pépite, est
vivant : lorsqu'il meurt, il devient poudre. En plus, découvrir l'or dans la nature est un
heureux présage pour celui qui le trouve, mais rencontrer de l’or en rêve est un signe de
grand malheur et de ruine. Toujours dans cet extrait ; il ressort que l'or est intimement
lié au culte des ancêtres. Il rythme directement le règne du souverain. L'intronisation du
roi est symbolisée par le siège sacré en or, considéré comme un autel et sur lequel est
invoqué l'esprit fondateur du royaume. Chaque année, lors des fêtes d'adae, célébrant le
nouvel an, le roi est tenu de déposer une «pépite» dans une boite à couvercle appelé
"kuduo''. Cette pièce d'or lui confère ‘’respect et puissance économique’’. A la mort du
souverain, ces pépites dont le nombre correspond aux années du règne, sont placées
dans son lieu d'inhumation. L'or joue un rôle essentiel dans la bonne marche du
royaume.
Dans la même perspective OUEDRAOGO Ousmane (1992 :108) paraphrase
ainsi les propos d'un de ses enquêtés d'ethnie Samo : « l'or est un être vivant qui souvent
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nous créé des ennuis, nos vieux disent que souvent, il a besoin de sang ou de sacrifice humaine
».Pour l’auteur, l’or revêt un caractère maléfique, symbole d’insécurité. Aussi dans la résurgence
de l’idéologie traditionnelle de l’or à POURA, l’or se déplace d’un point à un autre de la terre. Il
peut se rendre visible et invisible. L’auteur fait constater également qu'en raison des pouvoirs qui
sont prêtés à l’or dans la tradition de POURA, il est cependant utilisé dans de multiples
cérémonies rituelles notamment la prestation de serments, la conclusion de mariage, la résolution
de conflit…
Allant dans le même sens mais de contexte différent, KIETHEGAJ.B (1983) stipule
que l’on conservait l’or pour des besoins sociologiques. L’inhumation des personnes âgées ou le
chef d’une grande famille ne se faisait pas sans qu’une certaine quantité d’or ait été placée dans la
poche de son boubou pour l’accompagner dans l’au- delà. Il fallait aussi disposer d’or pour régler
les nombreuses questions de la dot. L’auteur révèle également que l’or thésaurisé est conservé
dans des tiges de bambous, ou dans des chiffons qui sont ensuite déposés au fond de petits
greniers de cases et à un moment donné, il rentre dans le circuit économique marchand d’autant
plus qu’il n’était pas utilisé en bijouterie. L’auteur affirme qu’à l’exception de l’or qui retournait
à la terre avec les morts, l’essentiel de la production était commercialisé. L’or dans la société était
considéré comme la racine de toute richesse. Aucun animal, aucun objet ne pourrait avoir le pas
sur la moindre parcelle d’or. Aussi l’or ne s’ajoute pas à d’autres richesses ; ce sont les autres
richesses qui viennent s’ajouter à lui. C’est donc évoquer ce que le métal précieux représente
pour la société. L’or régente ainsi les mœurs et la vie sociale. Il impose par conséquent les
interdits. L’auteur nous fait constater que l’or peut tuer si l’homme qui le recherche ne s’entoure
pas de certaines précautions et ne jouit pas d’une parfaite moralité. « Si quelqu’un en dehors du
chef de famille vend de l’or, il meurt dans un puits de mine. L’or est un génie présent dans la
famille. Aucun mineur ne devait faire la cour à la femme d’un griot, d’un parent ou d’un ami »
KIETHEGA J P (1983 : 187). Il montre par ailleurs que dans la coutume Gourounsi et bobo-
dyula, le premier or cueilli sur une mine revient au maître de la terre.
Au-delà de ces aspects représentationnels de l’or, l’auteur nous retrace l’historique de
l’exploitation de l’or en Haute Volta qui débute depuis 1926. Cette perspective théorique est
importante dans notre étude en ce sens qu’elle permet de mettre en lumière l’évolution de
l’exploitation minière et nous tirons du coup l’enseignement que l’activité de l’or n’est pas un

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nouveau phénomène au Burkina Faso. Ainsi, l’auteur développe que l’exploitation de l’or en
Haute Volta est marquée par deux temps distingués ou l’industrie nationale était entre les mains
de la puissance colonisatrice. Le premier se situe avant la seconde guerre mondiale. Il est marqué
par des recherches et des exploitations européennes en pays Lobi. L’auteur souligne qu’avant la
seconde guerre mondiale, c'est-à-dire en 1926, la Compagnie Equatoriale des Mines (C.E.M)
arrivait dans la région de Gaoua. Trois ans plus tard, en 1929, elle installait à Gaoua une filiale
appelée Compagnie Minière de Haute Volta (C.M.H.V). Ses objectifs étaient l’étude des
gisements de cuivre et d’or du cercle de Gaoua. La C.M.H.V. fut d’abord encouragée par de
jolies teneurs relevées localement dans sa concession minière. Ensuite, l’irrégularité des
gisements devrait contraindre la compagnie, dès 1931, à se contenter seulement du gisement de
Cisse où le métal jaune était contenu dans la couche latéritique constituant une colline qui fut
arrosée à l’explosif. La production dura cinq mois avec une moyenne de 1kg par mois. La
compagnie dut à la fin fermer son exploitation et reporter son effort sur les gisements
d’Oubangui- Chari à cause des circonstances liées à la crise économique. L’avenir était
cependant prometteur et une faible activité subsista jusqu’en 1937. Après la guerre, la recherche
sur l’or en Haute Volta est dominée par les organismes officiels, même si l’exploitation demeure
entre les mains des compagnies privées. Si l’or du Lobi conserve un certain attrait, l’essentiel de
l’effort des industriels s’est portée sur la rive gauche de la Volta Noire autour du village de
POURA ; les travaux anciens des autochtones ont donné des fils conducteurs aux géologues. Une
prospection a été amorcée depuis 1939. L’exploitation de l’or de POURA avait démarré en 1939
avec les Travaux de l’Ouest Africain (T.O.A). Puis en 1939 était créé le syndicat de POURA qui
regroupait la société africaine des grands travaux de l’Est, le Bureau minier de la France d’Outre-
Mer et la société marocaine des mines et produits chimiques.
L’auteur toujours dans son ouvrage fait cas de la conjoncture du deuxième conflit mondial
qui aurait pu permettre, en effet, de tirer un meilleur profit des gisements aurifères de la Haute-
Volta. Il souligne qu’elle a en tout cas dicté sa conduite à SAGATZKY Jean qui a élaboré la
théorie de l’orpaillage contrôlé en Haute Côte d’Ivoire et réalisé son expérimentation sur deux
placers: Diosso aux environs de Houndé et Gaoho au Nord de la Volta blanche dans le cercle de
Kombissiri de 1940 à 1941. Le principe de cette politique d’organisation étant, l’or à l’Etat
colonisateur et, dans les circonstances précises du conflit pour servir à l’effort de guerre. Mais les

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projets de SAGATZKY Jean ont échoué suite à la résistance de l’administration locale et s’il
avait été suivi, peut être le pays disposerait à l’heure actuelle, surtout dans le sud- Ouest, le
centre et le Nord où des placers à teneurs moyennes ont été reconnus, d’un personnel autochtone
qualifié pouvant opérer avec des méthodes plus rationnelles. Il mentionne par ailleurs que la
Société de Recherche et d’Exploitation Minière (SOREMI) est un compromis dans le conflit qui
a opposé l’ancienne société des mines de POURA et les gouvernements voltaïques jusqu’en 1972
dans le but de garantir une perspective d’avenir de POURA.
Dans le même ouvrage, KIETHEGA J. P (1983) nous décrit les techniques et les méthodes
d’exploitations. En effet, l’extraction du minerai nécessite le plus souvent des opérations telles
que le fonçage des puits, galeries et tranchées ; le lavage, précédé d’un transport Laborieux et
d’un broyage éreintant. Ces étapes ne constituent que les éléments principaux d’une chaine
opératoire. Mais il faut remarquer qu’à chaque catégorie de mines correspondent des pratiques
opératoires différentes au niveau de la prospection et de l’extraction. Il distingue cependant deux
types de prospections: la prospection alluvionnaire et éluvionnaire qui s’appuie beaucoup sur les
découvertes fortuites, et la prospection filonienne qui réclame plus d’expérience de la part du
mineur. Pour les formes de prospections, il faut que la saison de l’hivernage soit plus favorable à
l’exception de la prospection filonienne. Retenus par les travaux champêtres et par les nombreux
inconvénients que comporte l’ouverture de puits de mines en saison de pluies, les chercheurs d’or
se contenteraient pendant cette période de localiser les gîtes pour exploitation en fin de saison. La
phase d’extraction des roches aurifères requiert des méthodes et des techniques toutes différentes
selon qu’il s’agit d’alluvions ou d’éluvions sous formes de terres végétales ou de graviers
superficiels, ou qu’il s’agit de filon recouverts par une importante couche stérile. L’auteur
identifie que les vestiges d’exploitation par ces méthodes sont très abondants dans la région de
POURA. Le décapage des terres superficielles et le laborieux fonçage de puits, galeries et tranché
sont les techniques utilisées et est le seul mode d’extraction dans la région. Le lavage constitue
une autre phase d’exploitation de l’or.
L’auteur arrive au terme de la description des méthodes d’exploitation de l’or en affirmant
que la poudre d’or obtenu par lavage ne subissait aucune transformation par les orpailleurs eux-
mêmes. Ces derniers la conservaient dans des creux de tiges d’os ou de cornes bouchées par une
pièce de tissu.

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2.2 Exploitation minière et impact environnemental

Plusieurs études montrent que l'exploitation de l'or a un impact sur


l'environnement. Selon SAFFACHE Pascal et al (2006) la question de l’activité minière n’est
pas en adéquation avec la démarche de développement durable qui est prônée par les collectivités
guyanaises. Mais rappelons que la Guyane Française située au Nord- Est de l’Amérique du sud
entre le Surinam et le Brésil, n’est pas connue uniquement pour son lanceur spatial, puisque son
secteur minier occupe une position économique importante ; en excluant l’activité spatiale, l’or se
positionne au premier rang des activités industrielles en termes de valeur à l’exportation,
expliquent les auteurs. Ils analysent par conséquent l’état de la question par le fait que l’activité
aurifère, sous tendu de véritables problèmes environnementaux et plus généralement de santé
publique; l’action érosive induite par ces techniques (l’utilisation de jets à haute pression) eut
pour effet de libérer le mercure stocké naturellement dans les sols auxquels vint s’ajouter le
mercure utilisé pour la récupération des microparticules d’or. En effet, le mercure est un métal
qui est présent naturellement dans les sols guyanais, le rôle de l’orpailleur est donc double dans
le processus de contamination du milieu naturel. Ainsi, l’orpailleur utilise le mercure sous sa
forme métallique, dans le but de récupérer les particules d’or piégées dans les boues aurifères ;
une partie de ce mercure se retrouve donc dans le milieu naturel au cours des opérations
d’amalgame. La destruction de l’amalgame par vaporisation constitue un risque de santé pour la
population proche des sites. A cette pollution directe, s’ajoute l’utilisation de pelles à godets qui
déstructurent le sol, de jets à haute pression qui décapent les parois des «baranques», la
déforestation et le brûlage de la biomasse végétale qui fragilisent le substratum pédologique et
favorisent l’augmentation de la turbidité du fleuve .

A ces problèmes écologiques s’agrègent des problèmes sociaux de type prostitution,


criminalité, etc. Ils poursuivent toujours leurs explications en abordant que l’introduction du
mercure dans l’environnement ne s’arrête pas mais s’accumule dans des zones ou la teneur en
oxygène est faible ce qui facilite sa transformation en méthyle mercure (mercure organique). Le
mercure organique est la forme la plus dangereuse pour l’homme et cette méthylation est rendue
possible au niveau des retenues d’eau qui jouent le rôle de véritables bio amplificateurs .Le
poisson étant à la base de l’alimentation des populations leur contamination est inéluctable .En

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réponse à ces risques liés à l’activité minier, les recommandations ont été formulées telle la
modification du code minier pour donner une plus grande marge de manœuvre aux opérations de
gendarmerie sur le terrain . Des solutions existent mais encore faut-il aller jusqu’au bout de la
démarche en appliquant ces recommandations dans le cadre d’une loi? se demandent les mêmes
auteurs. Les populations du fleuve sont les premiers à être menées pour que ces groupes prennent
conscience de la récessivité de modifier leurs pratiques alimentaires en adoptant une pèche
sélective par exemple. Il convient aussi de sensibiliser les orpailleurs qui sont exposés
directement aux vapeurs toxiques du mercure lors de la destruction de l’amalgame. Ils terminent
en définitive leurs papiers en affirmant que la modification des pratiques alimentaires ne doit
être envisagée qu’en dernier recours, car une pêche sélective risque de déséquilibrer la ressource
halieutique.

Le rapport ORCADE (2006) s’inscrivant dans la même perspective, aborde le cas


de POURA et d’ESSAKANE en soulignant que les risques de contamination, voire de
pollution des sols et la nappe phréatique sont associées aux produits chimiques utilisés
autant dans l’exploitation industrielle qu’artisanale de l’or. Le cyanure et autres produits
utilisés dans le procédé de récupération de l’or constituent les principales sources de
contamination et de pollution du milieu. En effet, les résidus de traitement contiennent
toujours de faible concentration en produits chimiques utilisés au niveau de
l’usine, notamment le cyanure. Ce produit chimique est toxique et à un c ertain seuil de
concentration devient nocif pour l’homme, les animaux et la végétation. Le rapport
signal aussi que les drainages miniers acide associés à l’oxydation des sulfures
contenues dans les parcs de résidus de traitement et les stériles miniers mo bilisent et
dispersent dans l’environnement les métaux lourds par dissolution et contribuent ainsi à
la dégradation de la qualité des sols, des eaux de surfaces et souterraines par
acidification des sols et par l’augmentation des métaux lourds dans les eau x. Au-delà de
l’aspect environnemental, il est important de mentionner que l’exploitation minière a
également un impact socioculturel et économique.

10 | P a g e
2.3 Exploitation minière et impact socioculturel et économique

En ce qui concerne l’impact socioculturel, PANELLA Cristina (2007) nous fait


constater que dans le Basidibé, où la fragmentation des activités économiques a inséré
l'orpaillage dans une dynamique marchande qui ne témoigne plus de l'unité familiale,
mais plutôt d'une réorganisation en unités économiques séparées en Co - habitantes.
L'auteur souligne que le « Fabonda » demeure le pilier de l'organisation sociale «
wasolonka ». La gestion économique de l'or et son impact sur l'organisation du « Sô »
représentent des enjeux marquants du changement social régional, ainsi que la
perception de l'éthique individuelle et de l'héritage familial. Le changement de ces
valeurs suite à la monétarisation des placers (migration urbaine, location d'outils
mécaniques, essor de l'exploitation industrielle), marque le passage d'un principe
éthique de thésaurisation des biens, à un principe marchand de fragmentation des
revenus familiaux et d'accumulation individuelle. L'auteur en arrive à la conclusion que
l'or semble de nos jours ne plus témoigner de la cohésion familiale mais sa division et
de sa restructuration.

A la question de l’impact socioéconomique lié à l’activité minière, DIALLO M.


Lamine (2009) met l’accent sur les enjeux sociaux et spatiaux relatifs à l’ouverture de la mine,
dans un contexte où les discours, mais aussi les dispositifs légaux et les modalités techniques de
fonctionnement du secteur minier, sont influencés par des logiques du développement durable. Il
relève à travers son étude que, dans ces localités (sabodala et Bandarala), les principales sources
de revenus sont la culture du coton et l’extraction artisanale de l’or. Les champs de cultures et les
sites d’extraction de l’or se côtoient. Cependant plusieurs champs de cultures ont été transformés
en sites d’extraction minière. Toutefois, la complémentarité entre agriculture et orpaillage risque
d’être interrompue par la présence des industries extractives, parce que l’insertion d’une mine
moderne dans cet environnement traditionnel tend à bouleverser l’organisation socio-économique
villageoise. Dans la même optique, il affirme que l’impact de la mine sur les activités
traditionnelles est d’autant plus important que la culture du coton soit également menacée par les
difficultés de l’ensemble de la filière. L’auteur dans son article soulève par ailleurs, la
problématique de l’emploi lié à tous les rapports entre sociétés minières et populations ce qui

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conduit la plupart des paysans à abandonner leurs champs, espérant trouver un emploi à la mine.
Ce fut donc la « ruée vers la mine ». Mais le manque de qualification, dans une zone dépourvue
de formation, adaptée au secteur minier des possibilités d’emploi limitées dans l’entreprise
minière s’est avéré des contraintes indépassables. Il donne l’exemple de 2007 où les jeunes des
24 villages de la communauté rurale de Khossanto se sont mobilisés pour barrer l’accès à la mine.
Alors que le débat suscité par les attentes des populations est loin d’être éteint, les principes
revendiqués par l’Etat et les sociétés minières appellent d’autres interrogations, relatives aux
enjeux du développement durable.

Outre, ces enjeux énoncés viennent se greffer d’autres problèmes liés à la gestion des
territoires dans un contexte de décentralisation. En effet, l’auteur souligne qu’on assiste à une
cristallisation de pouvoirs potentiellement concurrents (sociétés minières, Etats, collectivités
locales, sociétés civiles) autour de Sabodala. Cette situation soulève des enjeux de gouvernance
quant à la gestion des territoires et de leurs ressources. Elle peut aussi mettre en danger l’équité
sociale et la durabilité environnementale. Ainsi, la présence de la société minière complexifie les
relations entre ces pouvoirs. Celle-ci s’est manifestée, notamment, dans le processus de
recrutement de la main d’œuvre entre 2005 et 2008. L’Etat avait confié le recrutement de la main
d’œuvre locale au chef de village de Sabodala. En 2006, à la suite d’accusation de favoritisme et
de clientélisme dans le recrutement, portées par la population à l’encontre du chef du village, un
comité dirigé par le sous-préfet est mis en place. Mais le sous-préfet a été victime des mêmes
accusations en 2007. Les enjeux de forces décrits semblent, en réalité, subordonnés à des intérêts
sous-jacents qui risquent d’aller à l’encontre de l’implication des acteurs locaux dans la gestion
de leur territoire. Dans ces jeux, les autorités locales semblent être dépossédées de leur pouvoir
sur les terres du domaine national et sur certaines ressources, par manque de poids dans le
système politique d’assurance, de compétence et d’information. Au-delà de cette imbrication des
territoires, ajoutée à la décentralisation et au développement industriel, c’est surtout la
compétition des activités (agricoles et minières) qui semble inquiétante. L’auteur fait remarquer
que ces collectivités locales ne pourraient tendre vers le développement local durable, horizon
partout revendiqué dans les politiques de décentralisation, sans contrôler au minimum les
ressources de leurs sous –sols. Les effets négatifs (pollutions dégradation de la nature,
expropriation des terres et diffusion de maladies) vont continuer à bouleverser la vie des
12 | P a g e
populations riveraines. L’optimisme de façade sur la transformation des ressources minières en
facteur du développement durable aboutit à la déception prévisible des populations avoisinantes.
Cela masque aussi un large fossé entre les normes environnementales affichées et leurs
applications.

MBODJ B. Faty (2009) analyse la conjoncture mondiale et les réformes minières


entreprises par des pays comme la Guinée (1995), le Mali (1999) et le Sénégal (2003) qui ont
créé les conditions favorables à l’investissement de multinationales de l’or dans un espace
transfrontalier situé entre l’est du Sénégal, l’Ouest du Mali et le Nord-est de la Guinée. A travers
les activités annexes et les investissements directs occasionnés, ces multinationales apparaissent
comme un facteur d’intégration nationale et sous régionale de ces zones aurifères jusqu’ici en
marge. Toutefois, l’insuffisance de leurs contributions financières, la gestion peu efficace de
celles-ci, ainsi que la concurrence directe et indirecte que subissent les économies agricoles
soulèvent des interrogations sur l’avenir économique des régions étudiées face aux activités
extractives. L’auteur justifie ce boom aurifère par le fait qu’après que la Guinée(1995) soit incité
par les institutions de Brettons Wood et la hausse des cours des ressources minières qui marque le
contexte mondiale de la fin des années (1990), certains pays comme le Mali (1999) et le Sénégal
(2003) se dotent de nouveaux codes miniers créant ainsi un climat favorable à l’investissement de
capitaux étrangers, via des compagnies sud-africaine. La présence des multinationales
s’accompagne d’enjeux cruciaux à différentes échelles parce que leurs activités se déroulent
dans des espaces transfrontaliers, correspondant aux anciennes provinces aurifères de Bouré et du
Bambouk caractérisés depuis l’époque coloniale par l’enclavement, la pauvreté et l’exclusion.
Pour ces différentes raisons, les espoirs portés par l’exploitation de type industriel sont
considérables. Mais les transformations qu’elle pourrait induire sont-elles réellement susceptibles
de concrétiser de tels espoirs, à l’échelle locale, à travers des dynamiques de développements, et
à l’échelle sous régionale et nationale, par une meilleure intégration de ces espaces? S’interroge
l’auteur étant donné que ces régions ont en commun une histoire économique mouvementée. Il
mentionne qu’après avoir été pendant plusieurs siècles des régions très dynamiques, elles ont été
reléguées en marge du développement. Mais cette situation semble désormais évoluer vers une
intégration économique et territoriale accrue grâce à un ensemble de facteurs, dont les
dynamiques de restructurations des flux de personnes et de biens observés à l’échelle sous
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régionales, se positionnant au carrefour des échanges entre le Maghreb et l’Afrique noire. Les
régions aurifères du Bouré et du Bambouk constituaient l’un des grands pôles structurants du
commerce transsaharien qui a atteint son âge d’or entre le VIIIe et le XVe siècle. L’élément le
plus important de ce commerce historique était l’or, issu des gisements qu’elles abritaient. Il
aborde par ailleurs, et en réponse à sa question, les transformations liées à l’exploitation
industrielle. En effet, les collectivités locales peinent à profiter de l’autonomie et des ressources
financières que la décentralisation est censée leur apporter, les multinationales de l’or se
positionnent comme les premiers bailleurs des projets de développement locaux grâce aux fonds
qu’elles alimentent régulièrement. Dans chacune des zones étudiées, des fonds de développement
communautaire sont alimentés par les compagnies minières. Par exemple dans la commune de
Sadiola, il s’agit de 5000 dollars mensuels versés par la SEMOS depuis 1997 et Yatéla depuis
2000 à Siguiri, ils correspondent à 0,4% du chiffre d’affaires annuel de la SAG. A Sabodala, la
MDL (Minéral Deposit Limited) déploie 425000 dollars par an. Ces fonds ont permis la
réalisation de plusieurs infrastructures (écoles, forages et puits, poste de santé…). Toutefois les
problèmes se posent. Premièrement, ils sont territorialisés, c'est-à-dire qu’ils portent souvent
uniquement sur les villages situés dans les périmètres des sociétés et cela entraîne une inégalité
spatiale et des rivalités. Deuxièmement, même si à l’échelle locale les investissements paraissent
considérables, ils sont faibles, comparé aux flux financiers en jeu. Troisièmement, ils sont peu
porteurs de développements durables.

MBODJ B. Faty analyse également les mutations économiques au niveau sous régional où
elles jouent un rôle considérable dans l’intensification des échanges entre le Sénégal et le Mali
puisque, plus de la moitié des mines maliennes se trouvent dans les régions de Kayes, le long de
la falaise de Tambaoura. En raison de cette proximité géographique, toutes les sociétés minières
implantées dans cette zone (Yatéla, Sadiola, Tabakoto, Loulo) s’approvisionnent à Dakar et y
font transiter leurs marchandises, tels que les produits alimentaires, les hydrocarbures ou encore
des produits chimiques. Par ailleurs, l’auteur révèle que l’entrée en vigueur de la production des
multinationales de l’or correspond à une phase de crise des cultures de rente (coton et arachides
qui structuraient les économies nationales et locales des pays et régions étudiées). Cette
production constitue un moteur de bouleversement des relations agriculture-exploitation minière
(artisanale) parce qu’elle entraîne des pertes de terres de culture, de la pollution ou encore
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l’abandon de l’agriculture par les populations riveraines espérant trouver un emploi minier etc.
Autant au Sénégal, au Mali qu’en Guinée les économies agricoles des zones étudiées sont en
grande difficulté. Les cultures de rente constituaient les principales sources de revenus pour les
paysans. Or, depuis plusieurs années, elles sont soumises à des contraintes externes qui
accentuent leurs difficultés aux points de causer parfois leur disparition. A ces difficultés
existantes s’ajoutent celles liées aux activités des multinationales qui exercent une concurrence
directe et indirecte sur les économies agricoles. En effets, l’implantation des sociétés minières,
dans un contexte de crise du coton, provoque le bouleversement des calendriers qui structuraient
jusque-là les activités économiques rurales, et instaure un cercle vicieux. L’auteur nous donne un
exemple concret; un ancien coton-culteur qui décroche un contrat de 6 mois à la mine est sûr de
gagner plus que s’il cultivait du coton avec un salaire journalier de 2500F CFA. Un mois de
travail représente 70 000 F CFA. Il se retrouve ainsi avec 420 000F CFA soit pratiquement le
triple des revenus d’une production d’un hectare de coton de premier choix. Un autre exemple
dans le Bélédougou, un fort taux d’abandon de la culture cotonnière a été constaté. Dans certains
villages proches du centre minier, il dépasse les 50% et quelques villages ont tout simplement
abandonné la culture du coton. Une telle situation qu’affirme l’auteur, entraîne un risque de
déficit alimentaire pour les paysans de ces villages. Comme la production locale diminue, les prix
des ressources vivrières augmentent et l’argent gagné dans les mines et dans les sites d’orpaillage
servent alors essentiellement à acheter du riz. Cela se traduit par une accentuation de la
modification des pratiques alimentaires, traditionnellement fondées sur le mil. Dans la même
perspective, l’auteur souligne que les activités extractives perturbent considérablement
l’agriculture, à travers notamment la baisse des superficies cultivables et les nombreux cas
d’expropriation qu’elles occasionnent. Toujours dans la même lancée, à Signiri, autant
l’exploitation industrielle affecte les superficies agricoles, autant elle est devenue un facteur
stimulant pour l’arboriculture. En dehors de l’arboriculture les activités extractives ont stimulé le
maraîchage.

L’étude de ces localités permet à l’auteur de conclure que, certes, les activités extractives
dans les territoires du Bouré et du Bambouk constituent des facteurs favorables au
développement, aux transformations directes ou indirectes qu’elles entraînent, et notamment à la
stimulation de l’économie du vivrier marchand. Mais les retombées à l’échelle locale ne sont pas
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à la hauteur de la valeur économique des ressources aurifères extraites, notamment dans le
contexte actuel. L’insuffisance de ces retombées hypothèque l’avenir économique des régions
aurifères étudiées, d’autant plus que les ressources en question ne sont pas renouvelables. Les
économies agricoles sont en crise et l’orpaillage est devenu le parent pauvre de l’exploitation
industrielle. Dans certains cas comme au Sénégal, le cours des évènements peut prendre une autre
tournure si des efforts sont déployés en faveur d’un renforcement des capacités de négociations
des riverains, d’une augmentation des retombées locales de l’exploitation, mais aussi de
l’orientation de celles-ci vers des modes d’investissement plus durables. Dans le contexte actuel
plus que jamais, les gouvernants des Etats miniers doivent profiter du caractère stratégique de
leurs ressources. En effet, malgré l’intensité de la crise économique générale en cours, l’or est
épargné et représente une valeur refuge qui justifie l’augmentation continue de son prix.
DUCHEME François (2008) s’inscrit dans la même perspective théorique de
l’exploitation minière et de son impact. Ainsi l’auteur identifie que les affaissements miniers
constituent un risque particulier, les désordres des sous-sols sont causés par une extraction
minière, régie par une organisation de type industriel. Compte tenu des modes d’exploitation les
risques d’affaissements ont toujours existé depuis les débuts de la mine. Ils vont devenir une «
Affaire d’Etat» avec la fin de la période d’extraction et donc la fin de la prise en charge des
dégâts par les compagnies minières. Plus précisément, il s’agit d’une transformation du statut de
ce risque, contenu jusque-là dans la catégorie « risques liés au travail» et qui va basculer vers
celle des « risques environnementaux». L’auteur montre particulièrement que ce risque a été
amplifié et travaillé par le contexte économique et social dans lequel il a changé de statut, lors de
la désindustrialisation de la Lorraine et la fin de l’exploitation Ferrifère. A travers la méthode
d’exploitation pour récupérer l’essentiel du minerai provoque en surface un affaissement dit
minier. Il poursuit ses analyses, en expliquant que les dernières exploitations ont cessé à la fin des
années 1990. Les fermetures de mines et d’usines ont aussi marqué la fin d’un « système
industriel total», dans lequel l’employeur prenait en charge non seulement le travail mais aussi
d’autres aspects de la vie. La solidité de ce système était fondée sur une forme de garantie de
l’emploi sur plusieurs générations et une relative protection sociale pour les salariés et leur
famille. Les fermetures ont localement représenté bien plus que la seule perte de l’emploi. Or, au
contexte catastrophique ambiant, vécu comme tel par de nombreux Lorrains, sont venus s’ajouter

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d’autres sinistrés. En effet, la fin progressive des exploitations s’est accompagnée de plusieurs
effondrements d’anciens quartiers miniers. Il identifie également que, un affaissement minier
dépend, pour l’essentiel, de la nature du sous-sol et de sa composition, de la profondeur de
l’exploitation minière, de la façon dont celle-ci a été conduite et enfin de l’effet de l’eau lorsque
les galeries ne sont plus exploitées ni exhaures. Sa manifestation revêt diverses formes, mais les
plus courants, en fragilisant fortement les structures porteuses rendent inutilisables les bâtiments
affectés. Au final, selon l’auteur, c’est précisément parce qu’il y’avait un contexte territorial
spécifique, avec la modification de forces sociales encore chargés d’une histoire toute proche,
qu’une dimension politique s’est imposée dans la gestion et le traitement de ces risques.
Dans le contexte burkinabè, le rapport ORCADE (2006) nous révèle l’expérience de la
mine d’or de POURA et d’ESSAKANE. Ainsi, ces sites miniers ont provoqué des flux
migratoires impulsant une nouvelle dynamique aux localités. De ce fait, des agglomérations se
sont systématiquement créées. Il ressort dans ce rapport que la forte croissance démographique a
contribué à désorganiser le tissu social et a affaibli considérablement la légitimité des
responsables coutumiers. En effet, il était devenu pratiquement impossible pour ces derniers de
jouer leurs rôles qui est d’administrer les populations au quotidien sur le plan coutumier. Par
ailleurs, l’importance de cette activité minière se manifeste par la dynamisation et la
diversification des activités économiques. Ainsi, elle a créé parallèlement aux emplois indirects
de l’auto-emploi allant des activités génératrices de revenus des femmes aux commerces. Ce qui
a l’avantage d’améliorer le pouvoir d’achat et, partant, les conditions et le niveau de vie des
populations. L’activité industrielle n’a pas cependant eu que des retombés positifs. En effet, selon
le même rapport, l’après mine a souvent pris une allure conflictuelle. A ESSAKANE et à
POURA les travailleurs ont été chassés et déguerpis à coup de gaz lacrymogène par les forces de
l’ordre. A cela s’ajoute, l’écroulement du tissu économique qui était lié aux activités de la
mine. On arrive à la conclusion de ce rapport que l’exploitation industrielle de l’or est une
activité rentable pour toutes les parties prenantes si toutes les dispositions sont prises et que
l’ensemble des acteurs collaborent dans l’optique d’une préparation de l’après mine. Toute mine
a une durée de vie scientifiquement estimable, mais les facteurs pouvant concourir à sa fermeture
ne dépendent pas que de cela. Au-delà des avantages comparatifs que constituent les
investissements, les taxes et autres redevances minières tant au niveau local que national,

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l’industrie minière ne pourra pas jouer son rôle de levier du développement si les pratiques ne
sont pas profondément repensées.
Au vue de ce qui vient d’être souligné par les auteurs par rapport à l’impact de
l’exploitation minière, et il nous ait apparu nécessaire de faire un aperçu du cadre institutionnel
réglementant cette activité au Burkina Faso.

2.4 Aperçu du code minier burkinabé

Le Burkina Faso dispose d'un cadre institutionnel et juridique réglementant l'activité industrielle
minière. C'est ainsi que, nous parlerons d'un code minier Burkinabé. Examinons donc quelques
lois relatives aux mines et à l'environnement. La loi n 14-93/ADP du 19 mai 1993 a institué le
code des investissements miniers. Ce code aussi mettrait à la charge des sociétés minières
l'obligation de « respecter les lois et règlements sur l'hygiène, la sécurité et l'environnement
conformément aux dispositions contenues dans la RAF». La loi n°023-97/AN du 22 octobre 1997
portant code minier pose pour la première fois la prise en compte de la préservation de
l'environnement minier. Il pose le principe selon lequel les activités minières doivent se mener
dans la préservation de l'environnement et la réhabilitation des sites. La loi n°013-2003/AN du 8
mai 2003 portant code minier au Burkina- Faso qui est une relecture du code de 1997 en y
introduisant plus de précision et certaines innovations, à reconduit les dispositions
environnementales ainsi que la participation de l'Etat au capital des sociétés d'exploitations. Le
code minier dispose que : « les gîtes naturels de substances minérales contenus dans le sol et le
sous- sol du Burkina sont, de plein droit propriété de l'Etat, celui-ci assure la mise en valeur en
faisant appel notamment à l'initiative privée conformément aux dispositions du code minier ». De
ce fait, toute activité minière sur une portion quelconque du territoire national burkinabé est
soumise à la délivrance préalable de titres miniers. Le code minier s'applique également à la
prospection, la recherche et l'exploitation de gîtes de substances minérales ainsi qu'au traitement,
le transport et la transformation des substances minérales à l'exclusion de l'eau et des
hydrocarbures liquides et gazeux. En outre l'Etat octroie des avantages fiscaux et douaniers aux
investisseurs. Le code des investissements et le code de l'environnement incitent également les
investisseurs miniers à venir au Burkina. Les activités régies par le code minier doivent être
conduites de manières à assurer la préservation, la gestion de l'environnement et la réhabilitation
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des sites exploités selon les normes et les modalités établies par la réglementation en vigueur.
Burkina et Shell a organisé mardi 22 mars 2005 à Ouagadougou, un atelier d'information et
d'échanges sur le nouveau code minier, la fiscalité minière et les textes d'application du code
minier. Pour Burkina et Shell, « l'application de ce code implique non seulement une bonne
compréhension des textes qui le régissent, mais aussi l'instauration entre tous les acteurs de
l'activité minière que sont l'administration les compagnies minières et leurs sous- traitants d'un
système de communication fluide et constructif ». Il ressort également de cet atelier que «
l'activité minière constituera dans les années à venir l'un des principaux piliers du développement
économique du Burkina Faso et les dirigeants de ce pays en ont été très conscients en adoptant un
nouveau code minier attractif pour les investisseurs ».

Enfin, pour comprendre les contours du changement social, il est important de


s'interroger sur les déterminants qui le déclenchent.

2.5 Les facteurs explicatifs du changement social


Si la notion du changement social a été réhabilitée dans les sciences sociales, la
question fondamentale que l'on se pose est la recherche des déterminants qui le
déclenchent. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer, la démographie, l'économie,
l'idéologie, le conflit, la technologie et les valeurs culturelles.

En effet, la démographie a été considérée par certains auteurs comme l'élément


déterminant du changement social. Pour DURKHEIM Emile (2007), c'est
l'augmentation de la « densité démographique » qui est à la base de la « division du travail »,
ce qui traduit une « complexification » de l'organisation sociale. L'intensification de la
division du travail modifie la nature des relations que les hommes entretiennent entre
eux, accentuant la dépendance des uns vers les autres et instaure des nouvelles formes
de sociabilité (solidarité organique). Dans cette optique Durkheim (in Pierre- Yves
Cusset, 2007 : 23) affirme que : « L'accroissement de la division du travail est donc dû à ce
fait que les segments sociaux perdent de leur individualité, que les cloisons qui les séparent
deviennent plus perméables, en un mot qu’il s 'effectue entre eux une coalescence qui rend la
matière sociale libre pour entrer dans des combinaisons nouvelles [....] la division du travail

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progresse donc d'autant plus qu'il y a plus d'individus qui sont suffisamment en contact pour
pouvoir agir et réagir les uns sur les autres. Si nous convenons d'appeler densité dynamique ou
morale ce rapprochement et le commerce actif qui en résulte, nous pourrons dire que le progrès
de la division du travail est en raison directe de la densité morale ou dynamique de la société ».
Pour lui, l'accroissement de la densité du travail n’est en effet pas la cause du
changement, mais la conséquence. Le progrès de la division du travail a entraîné une
transformation radicale des sociétés ; c’est par suite d’une division du travail de plus en plus
réaffirmée que s’est opéré le passage de la société traditionnelle, fondée sur la solidarité
mécanique à une société organique. Ainsi, lorsque dans une société la population est peu
nombreuse et est dispersée sur un vaste territoire, elle peut survivre sans recourir à une division
complexe du travail. Lorsque la population s’accroît et en même temps devient plus dense, la
survivance du groupe n’est possible qu’à la condition d’opérer une division des tâches, de
développer la spécialisation et la complémentarité des fonctions.

BOUCHERL. Jacques (2005) quant à lui fait cas de l’accélération du processus de


mondialisation et de globalisation de l’économie qui entraîne des changements dans les sociétés
et les institutions qui fragilisent plusieurs individus et groupes sociaux. Cela entraine de
nouvelles formes de pauvreté, de figures d’errance, des tendances au repli et à l’isolement qui
conduit jusqu’à la désinsertion sociale dans certains cas. Il est connu désormais qu’en dépit d’une
augmentation constante du PIB, la pauvreté s’est aggravée dans les sociétés industrielles depuis
25 ans. L’auteur souligne par conséquent que cette pauvreté est certes une insuffisance de
revenus mais aussi et surtout un déficit de liens sociaux et d’un effritement des réseaux
d’insertion. Les individus passent par un processus, une sorte de glissement vers un
appauvrissement de plus en plus grand qui peut conduire à la désaffiliation (castel, 1995) et
éventuellement à la marginalité. L’auteur nous fait constater par ailleurs, que les changements des
rapports entre les hommes et les femmes, dans le couple et la famille contribuent à fragiliser des
personnes, qui de plus en plus nombreuses, doivent vivre l’isolement collectif. C’est dire que les
transformations qui traversent les sociétés dans divers domaines génèrent des insécurités, des
fragilités et des mises à l’écart de groupes sociaux comme d’individus. Des repères et des formes
de solidarités anciennes disparaissent, mais de nouvelles se construisent sur la base d’ajustements
de modes d’interventions existant ou en inventant de nouvelles façons de faire. A ce propos, les
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conditions de logement jouent un rôle important dans la stabilisation des individus, dans la
construction des réseaux de soutien et la formation des repères.
Par contre, pour certains auteurs, c’est la technologie qui s'avère être un puissant
variable qui détermine la nature de la société. La technologie est la science et l'art de
créer et d'utiliser les objets. Seul l’être humain est capable de transformer les matériaux
naturels en outils, en machines et en systèmes performants. Le primat de la technologie
a été résumé par MENDRAS Henri et FORSE Michel (1983 : 136) : « l'innovation
technologique déclenche des changements économiques qui entraînent des conséquences sociales
qui a leur tour déclenchent des transformations culturelles ». Ils font observer que
l'introduction du maïs hybride en Béarn à complètement changé la société villageoise.
Le maïs nouveau nécessite d'acheter de l'engrais, donc de se procurer de l'argent, de
sortir du cycle de l’autoconsommation et de devenir dépendant d'un marché. Le constat
est bien clair, au XIXe siècle, où le travail sort du cadre protecteur qui était jusqu'à
présent le « sien » celui de la « corporation » du village et de la famille. Paysans et
artisans se transforment en ouvriers enfermés dans les usines ( CUSSET Pierre-Yves,
2007). Par conséquent c'est l'ensemble de la vie humaine qui a subi l'impact de la
révolution technologique.
Dans la même perspective théorique mais de contexte différent, BALANDIER
Georges(1968) analyse que toutes les sociétés mêmes les plus ouvertes aux changements rapides
et cumulés manifestent une certaine continuité ; tout ne change pas, et ce qui change ne se
modifie pas « en bloc ». Il souligne que les sociétés entreprenantes sont maintenant le lieu de
transformation toujours plus nombreuses et plus rapides. Les sociétés développées demeurent
celles où les générateurs de changement deviennent de plus en plus opérants, ou de larges
domaines sont successivement affectés. La création de nouvelles sources d’énergie,
l’automatisation de la production, l’action des nouveaux traitements de l’information et les
progrès rapides de l’informatique, tels sont les aspects les plus fréquemment considérés. L’auteur
se borne sur deux processus dominants de transformation de la société. Il s’agit entre autre de
l’accession aux techniques complexes et de la civilisation urbaine. Tous deux sont créateurs
d’inégalités régionales, dans la mesure où ils fondent des îlots de modernisme au sein de vastes
espaces ruraux peu affectés par le changement. Il évoque également les conditions nouvelles de

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l’éducation, les formes nouvelles du savoir, la diffusion des mass media comme agents des
changements qui entraînent un affaiblissement des gardiens du traditionalisme. Toujours dans la
même logique mais dans un de ses articles différents BALANDIER Georges (1971 :12) nous
fournit la formule de LUHAN Mac : « Nous sommes tout aussi engourdis dans notre nouveau
monde électrique que l’est l’indigène engagé dans notre culture livresque et mécanicienne ». A
ce sujet, Z. Brzezinski (in BALANDIER G, 1971 : 12) parvient à une conclusion : « il semble
que la vie perde de sa cohérence...tout semble plus passager, plus éphémère : la réalité
extérieure paraît plus fluide que solide, l’homme plus synthétique qu’authentique ». Par ailleurs,
BALANDIER Georges ( 1981) dans la même logique que KARL Marx fait cas du facteur
conflit comme déterminant du changement social en regroupant les pratiques des acteurs en
quatre catégories ; la conformité ; la stratégie, la manipulation et la contestation. Ces différentes
pratiques correspondent à des types différents d’agents sociaux. Ainsi, les adeptes de la
conformité sont les privilégiés du système, qui peuvent être les détenteurs du pouvoir, de
l’autorité, les signes et les symboles les plus favorisés, le savoir, les moyens du contrôle du
savoir. La contestation est le fait des agents sociaux qui veulent modifier ou faire modifier les
procédures d’attribution et parfois la nature même des ressources valorisantes : ce sont donc ceux
qui jugent le système injuste. Ces différentes pratiques décrites ne sont pas dichotomiques, elles
peuvent être alternativement pratiquées par un même acteur. Les nouvelles valeurs, visions et
aspirations émergentes sont d’abord véhiculées par une minorité, à ce stade, ces valeurs et ces
pratiques sont illégales et illégitimes. Elles sont donc combattues par les institutions. Avec le
temps, elles se répandent progressivement dans la société et finissent par s’imposer en entraînant
une redéfinition des règles et des normes ainsi qu’une redistribution des cartes. Tout ce processus
se réalise dans une logique conflictuelle qui aboutit aux crises ; ces crises traduisent
l’approfondissement du non concordance des différents niveaux de la réalité.

OLIVIER de SARDAN J. P(2003) souligne dans le même sens que les conflits
sont des indicateurs du changement social, particulièrement pertinents pour une
anthropologie de développement. Il affirme qu’un village africain n’est pas une
communauté unie par la tradition, cimentée par le consensus, et régie par une culture

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commune mais basée sur le postulat selon lequel un village est une arène, traversée de
conflits, où se confrontent divers « groupes stratégiques ». Pour lui, un conflit entre
personnes ou entre groupes n’est pas que l’expression d’intérêts « objectifs » opposés,
mais aussi l’effet de stratégies personnelles, plus ou moins insérées dans des réseaux et
organisées en alliances. Les conflits sont un des meilleurs « fils directeurs » qui soient
pour « pénétrer » une société et en révéler tant la structure que les normes ou que les
codes. Ce sont des indicateurs privilégiés du fonctionnement d’une société locale.
MONTOUSSE Marc et RENOURD Gilles (1997) abondent dans la même logique en
identifiant les facteurs du changement social, mais ils ont une vision beaucoup plus axé sur
l’interdépendance des facteurs. Ils soulignent que les facteurs du changement sont les éléments
qui favorisent ce changement. L’économie, la technologie, les valeurs ou encore les conflits sont
quelques-uns des facteurs le plus souvent avancés pour expliquer les transformations de la
société. Ils reconnaissent la pluralité des facteurs, mais deux facteurs attirent leurs attentions. Il
s’agit de l’économie et la culture. En raison de l’importance prise par l’économie dans la société
moderne, il est légitime, en effet, de considérer que les changements économiques ont toujours
des répercussions sur les autres domaines sociaux. Mais, ils s’inscrivent en désaccord avec cette
vision en estimant avec weber que les transformations culturelles peuvent être une des causes
des changements économiques. Ils poursuivent leurs analyses en exposant de façon succincte
la distinction faite par KARL Marx entre « infrastructure » et « superstructure ». Les forces
productives sont constituées des moyens de production (bâtiments, machines) et de
l’organisation du travail propre à la société. Sur cette infrastructure, ils construisent une
superstructure qui englobe la culture, la religion, le droit et finalement la politique. La famille,
l’Etat, les valeurs, les idéologies appartiennent donc à cette superstructure. KARL Marx
explique le changement social par les transformations économiques. Dans cette perspective, les
transformations économiques sont la cause du changement social. Gilles et Montousse,
affirment que la distinction faite par KARL Marx entre « infrastructure » et « superstructure »
est critiquable. Ainsi, au sein d’une société, les machines utilisées par des entreprises ainsi que
l’organisation du travail dépendent des connaissances et, éventuellement des valeurs qui toutes
deux, sont du domaine de la superstructure.
Ils notent par ailleurs que la technologie est parfois présentée comme le facteur décisif du

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changement social mais soutiennent que la technologie, l’économie et la culture sont intimement
liées en ce sens que les progrès réalisés dans les domaines de l’informatique et des
télécommunications ont bouleversé la façon de produire, de vendre et l’utilisation de ces
nouvelles technologies par les ménages n’a pas bouleversé les pratiques sociales mais s’est , au
contraire effectuée dans le cadre d’une reproduction sociale. C’est donc plutôt, la culture qui
oriente l’utilisation faite par les ménages des nouvelles technologies.
Rappelons que ces deux auteurs n’épargnent pas aussi la démographie comme facteur du
changement social. L’idéologie est un autre élément pouvant transformer la nature de la société
selon les auteurs. Ils affirment que l’idéologie est un puissant facteur de mobilisation pour un
groupe social dont l’action peut modifier la société. Mais elle ne constitue pas une variable
autonome et doit être replacée dans un contexte économique et politique. C’est dire que le groupe
social se mobilise autour d’une idéologie. Sans faire une liste exhaustive, ils considèrent tout
aussi que les facteurs précédents, le conflit, les valeurs religieuses et le groupe social exerçant le
pouvoir comme déterminant du changement social. Dans cette optique les transformations
économiques alimentent les transformations culturelles qui en retour rendent possibles les
changements économiques sans qu’il ne soit possible de donner la priorité à l’un des facteurs sur
l’autre.
ROCHER Guy (1968) par contre dans son ouvrage s’inscrit dans une perspective
relativiste des facteurs et conditions du changement social. Il passe en revue sur quelques-uns des
principaux facteurs explicatifs qui ont retenu l’attention des sociologues. Mais il insiste chaque
fois sur l’interdépendance possible de chacun de ces facteurs avec d’autres, ou encore sur
l’influence que diverses conditions peuvent exercer sur ces facteurs. Rappelons que l’auteur met
de côté les discussions qui ont porté sur l’influence historique de certains facteurs, tels le milieu
physique, le climat, la race, pour s’attacher à l’analyse la plus importante en sociologie : ce sont
notamment le facteur démographique, le facteur technologique, l’infrastructure économique, les
valeurs, les idéologies et les conflits. En ce qui concerne le facteur démographique, l’auteur
reconnaît que c’est assurément DURKHEIM Emile qui a poussé le plus avant l’analyse du
facteur démographique dans le changement social. Il retrouve dans le texte de DURKHEIM
EMILE comme facteur principal de civilisation, l’interaction sociale c'est-à-dire l’influence
réciproque des personnes dans les relations humaines. La densité morale, moteur du

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développement des sociétés et sources de civilisation, est en réalité le produit d’une multiplicité
d’interactions, d’une intensification de l’influence réciproque des personnes. ROCHER Guy
toujours dans son exposé fait cas de l’interdépendance des facteurs démographiques,
économiques et culturels. De cette thèse pluraliste, il présente JANNE Henri qui souligne que
l’accroissement démographique ne serait donc un facteur favorable au développement
économique et social qu’en conjugaison avec d’une part, un facteur économique : La présence de
certaines ressources potentielles et d’autre part, avec un facteur culturel : la capacité de
développer les techniques nécessaires. Dans le même sens, il présente une citation empirique de
BALANDIER Georges (1968:40): «Les caractéristiques démographiques et les caractéristiques
économiques des groupements sont étroitement liées; elles contribuent ensemble à créer (ou à ne
pas créer) une conjoncture favorable aux initiatives de réorganisation sociale et culturelle». Il
résume en affirmant que, ce soit BALANDIER, ou JANNE, les trois facteurs démographiques
(volume et densité de la population), économique (potentiel de l’économie locale) et culturel
(capacité d’adaptation à des réalités économiques, par des normes et valeurs appropriées de la
culture) sont étroitement associés, et leur liaison pouvait même composer la base d’une grille de
classification dynamique des pays en voie de développement. Toujours dans son ouvrage,
ROCHER Guy révèle également le facteur technique comme déterminant du changement
social. En réalité, c’est tout l’ensemble de la vie humaine et sociale qui a subi l’impact de la
révolution technologique : vie familiale, vie religieuse, littérature, arts, attitudes politiques. C'est
ce qui lui fait dire que l'industrie est en quelque sorte le fer de lance de la mentalité positive,
dont l'influence ira s'étendre à l'ensemble de la société. C’est par l'industrie et aussi par
l'enseignement des sciences positives que la mentalité positive va se répandre, provoquant une
transformation radicale de l'organisation en même temps qu’une réforme profonde des mentalités.
L’auteur affirme que la révolution technologique se continue et se poursuit : elle transforme le
monde rural, fait éclater de vieilles cultures traditionnelles, ouvre à des pays et à des continents la
voie du développement économique, social et politique. Il note que les moyens de
communication de masse ont envahi les vies individuelles et les foyers. Il arrive à la conclusion
de cette partie que l’influence historique de l’Etat et du progrès de la technologie n’est pas un
phénomène simple. Le facteur technique est perçu par l’auteur comme une variable lourde et on
ne peut apprécier l’influence réelle de la technologie sans tenir compte du contexte culturel où

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elle se trouve. Car la technologie ne se situe pas au seul palier de l’infrastructure, selon la
terminologie de KARL Marx; elle relève en même temps du monde des choses et de l’univers
de la pensée, des attitudes et des valeurs. Il expose donc l’infrastructure économique développée
par Marx et Engels comme condition du changement social. ROCHER Guy explique que
l’infrastructure technique et économique n’est pas indépendante de l’univers culturel. Les forces
productives ne sont pas une base purement matérielle de l’organisation sociale et du changement,
elles ont des racines dans les connaissances scientifiques et techniques acquises et dans les
attitudes psycho- sociales essentielles à l’invention, à l’utilisation et à la propagation de ces
connaissances. Il fait cas par ailleurs dans son ouvrage le facteur conflit comme déterminant des
changements sociaux. A ce sujet, il passe en revue sur le texte de Marx et Engels qui nous
fournissent une belle citation empirique : « les rapport sociaux sont intimement liés aux
forces productives. En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur
mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils
changent tous leurs rapports sociaux [....] les mêmes hommes qui établissent les rapports sociaux
conformément à leur production matérielle, produisent aussi les principes, les idées, les
catégories conformément à leurs rapports sociaux »mais ajoute dans la même logique qu’on
aborde alors une ère nouvelle de changement social plus rapide qui va aboutir à la transformation
de l’ancienne société en une nouvelle plus adaptée à l’état des forces productives. Cette
transformation sera principalement opérée par la lutte organisée que la classe opprimée, aliénée
des moyens de production du pouvoir politique et même de la culture, entreprend contre la classe
dominante. Il révèle que l’analyse Marxiste a été relativisée par DAHRENDORF Ralph qu’il
résume à ces termes, les conflits peuvent engendrer des changements sans nécessairement aboutir
à la révolution. Ainsi la classe dominante peut intégrer certains revendications des dominés qui
par conséquent amenuisent l’ardeur des contestations, démobilisent les mouvements sociaux et
anéantissent les risquent de révolution. C’est pourquoi d’ailleurs dans l’histoire de l’humanité les
révolutions sont exceptionnelles. L’auteur nous fait remarquer aussi que l’idéologie pourrait
expliquer le changement social. Pour ce faire, il définit l’idéologie comme un système d’idées et
de jugements, explicite et généralement organisé, qui sert à décrire, expliciter, interpréter ou
justifier la situation d’un groupe ou d’une collectivité et qui, s’inspirant largement de valeurs,
propose une orientation précise à l’action historique de ce groupe ou de cette collectivité. Elle

26 | P a g e
prend souvent des allures scientifiques à cause de sa cohérence mais en réalité elle s’en
différencie à cause de l’importance qu’elle accorde aux jugements de valeurs. Développée par
une catégorie d’acteurs, elle permet à ses usagers de pouvoir comprendre et expliquer leur
situation. C’est dire en dernière instance que l’idéologie fonde et légitime l’action, elle constitue
un moyen de mobilisation de la population dont l’action peut modifier le cours de l’histoire en
déclenchant le changement. Dans le même ordre d’idée, l’auteur fait constater que l’univers des
valeurs culturelles c'est-à-dire les idées ou les connaissances sont aussi les facteurs explicatifs du
changement social. Bien que la thèse de WEBER Max demeure d’ailleurs la principale à travers
son analyse de l’éthique protestante sur le développement, ROCHER Guy quant à lui souligne
que les idées exercent une influence sur le choix possible. Elles exercent une influence sur le
changement social en autant qu’elles deviennent des valeurs capables de susciter une assez forte
motivation ou encore dans la mesure où elles s’intègrent dans le système idéologique proposé
comme explication et comme projet à l’ensemble d’une collectivité. En bref l’auteur arrive au
terme de son analyse en montrant que les facteurs cités n’agissent efficacement que dans des
contextes donnés dans lesquels ils s‘inscrivent et tirent leur dynamique.
Nous convenons ensemble que le changement social est toujours le produit d’une
pluralité de facteurs qui agissent simultanément et qui interagissent les uns sur les
autres. Ils varient donc dans le temps et dans l'espace. Dans notre contexte c'est de
s'interroger sur l'extraction industrielle de l'or comme déterminant des mutations
sociales.
Il ressort en définitive que les études antérieures montrent essentiellement
l'exploitation industrielle ou artisanale de l'or et son impact sur l'environnement et la
santé humaine. Mais les mutations socioéconomiques opérées au cours de l’extraction
industrielle de l'or allant de leurs évolutions à la question de leur maîtrise dans les
villages de Bana,Wona, Somana, Dangouna, Yona et Bissa restent un champ inexploré.

27 | P a g e
3- Problématique de recherche
L’avènement du phénomène industriel dans une société produit nécessairement un
changement social. Ce changement s’opère par une certaine transformation de l’espace
social et l’appropriation de nouveaux modes de vie. Comme le résume bien la formule
de KARL Marx (in ROCHER Guy, 1968: 51) : « le moulin à bras vous donnera la
société avec le suzerain, le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel ».
Dans cette perspective, l’examen socio-anthropologique du changement social en
tant qu’étude empirique multidimensionnelle de groupes sociaux contemporains et de
leurs interactions dans un processus diachronique requiert une analyse profonde des
dynamiques au cœur des institutions sociales.
Cependant, les difficultés à mener une étude objective du changement social liées à
la multiplicité des déterminants qui agissent simultanément et qui interagissent les uns
sur les autres nous paraissent évidentes. Ainsi, la présente recherche aura pour mission,
d'investiguer les mutations sociales provoquées par l’exploitation industrielle de l’or. Et
comme nous pouvons le soutenir, la formation de cette industrie ne se cristallise pas
dans un espace neutre. En effet, l’implantation de ce complexe industriel en activité à un
impact non seulement sur la vulnérabilité de l’environnement et la santé humaine à
travers l’utilisation de l’acide cyanurique et mercurique par les orpailleurs (industriel ou
artisanale) lors des opérations d’amalgamation, mais aussi et surtout sur l’armature
sociale qui constitue une préoccupation. Comme le note MENDRAS Henri. (1983:
136): « l’innovation technologique déclenche des changements économiques qui
entraînent des conséquences sociales qui à leur tour déclenchent des transformations
culturelles».
Cette étude, pour être féconde nous renvoie à une perspective historico -sociale des
formes anciennes d’organisations sociales des villages de BANA, WONA, SOMANA,
DANGOUNA, YONA et BISSA. Cette procédure permet de voir les dynamiques
sociales en cours. Et pourtant nous savons déjà avec OLIVIER de SARDAN JP
(1995:176) qu’aucun village n’est une communauté unie par la tradition, cimentée par
le consensus, organisée par une « vision du monde » partagée et régie par une culture
commune. Un village est une arène, traversée de conflit, où se confrontent divers «

28 | P a g e
groupes stratégiques. »
Ainsi, dans cette société locale en perpétuelle recomposition, à laquelle vient se
juxtaposer l'industrie extractive de l'or, les nouveaux acteurs venant d'ailleurs en
interaction avec la population locale, entraîne une désorganisation et une réorganisation
de la structure sociale, une interdépendance nouvelle entre groupe au -delà du village
lui-même. Dans cette logique ROCHER Guy (1968: 46) exprime que : « la révolution
technologique se continue et se poursuit : elle transforme le monde rural, fait éclater de vieilles
cultures traditionnelle, ouvre à des pays et des continents la voie du développement économique,
social et politique».
En outre, l’exploitation industrielle de la mine d’or impacte les exploitations agricoles
(terres cultivables) entrainant du coup comme effet direct une augmentation de la pression
foncière qui va modifier à la fois la pratique de la jachère et le mode de gestion de la production
agricole. La raréfaction progressive des terres qui en découle fait que la même famille exploitera
les mêmes terres durant plusieurs campagnes agricoles successives. Aussi, la complémentarité
qui existait entre les différentes activités d’exploitation des ressources naturelles s’est
transformée en une concurrence pour l’accès à ces ressources. Par conséquent, la gestion des frais
de compensations des champs impactés fait naître entre les parents/enfants, aînés/cadets des
conflits dont la persistance constitue un obstacle à la stabilité des liens familiaux.
De ce qui précède, il reste que, ce dispositif industriel en pleine activité modifie le «jeu
social» induisant une transformation de la nature des rapports sociaux de production tant au
niveau familial que communautaire.
Par ailleurs dans cette société « agricole » locale, les champs de cultures et les sites
d’extraction de l’or se côtoient. L’encastrement de ces activités crée une sorte de compétition
entre l’agriculture et la mine. Dans cette concurrence, les modalités de déploiement individuelles
ou collectives selon l’expression de OLIVIER de SARDAN J. P (2003) «les stratégies de mise
en scène» qui s’effectuent engendrent certes les actions économiques mais aussi des
contradictions structurelles pouvant conduire à desserrer les liens sociaux, ce que PAUGAM
serge (2002) appelle la « disqualification sociale » au sein de la société. La dynamisation des
activités économiques induite par la mine, ajoutée à l’affrontement continuel des groupes sociaux
stratégiques engagés dans un rapport discursif, conduits les acteurs à l’adoption des nouveaux

29 | P a g e
comportements. Les nouveaux emplois qui se présentent comme une alternative ou une
complémentarité de l’activité agro-Silvio-pastorale permettent à la population locale de
bénéficier d’un niveau de vie dépassant celui de la simple subsistance. Selon le rapport
ORCADE (2006: 27) «l’importances de l’activité minière au niveau local se manifeste par la
dynamisation et la diversification des activités économiques ». Il sera important de redessiner
objectivement l’incidence économique de l’extraction industrielle de l’or dans la commune rurale
de Bana. De ce fait, l’anthropologie du changement social et la sociologie du développement sont
des champs de connaissance indispensables pour rendre intelligible cet état. La mise en
perspective scientifique de cette situation problématique suscite des questionnements qui
nécessitent une investigation.
Quelles sont les impacts de l’exploitation industrielle des mines d’or sur les réseaux sociaux dans
la commune rurale de Bana? En d’autres termes:
 En quoi la transformation de la nature des rapports sociaux de production relève t- elle des
conséquences de l’exploitation industrielle de l’or dans la commune rurale de Bana?
 Quelle est la conséquence des espaces de production agricole impactés par la mine sur les
rapports familiaux?
 Quel est l’impact de l’accès des acteurs locaux à des emplois rémunérés sur les relations
familiales?
 Quel est l’impact des nouveaux types de comportements induits par l’activité minière sur
les relations sociales?

3.1. Objectif de recherche


L’ambition de cette étude est d’analyser les contradictions structurelles induites par l’exploitation
industrielle de l’or dans la commune rurale de Bana. De façon spécifique il s’agit de:
 Analyser les dynamiques des rapports sociaux de production induites par l’activité
minière dans le contexte où l’activité principale est basée sur l’agriculture ;
 Appréhender la répercussion des effets des champs impactés sur les liens familiaux ;
 Appréhender l’impact de l’accès des acteurs locaux à des emplois rémunérés sur les
rapports familiaux ;

30 | P a g e
 Analyser l’impact de la convergence des acteurs locaux aux nouveaux types de
comportements induits par l’activité minière sur les rapports sociaux.

3.2. Hypothèse de recherche


Partant de l’idée de JAVEAU Claude (1986 :119) selon laquelle « la recherche, c’est la
construction du modèle elle-même », l’épreuve de la formulation des hypothèses y revêt, une
importance capitale en ce sens qu’elles nous dirigent et nous désignent les questions à poser aux
informateurs, les faits à observer et sélectionner afin d’éviter une navigation à l’aveuglette.

3.2.1 Hypothèse principale


 L’exploitation industrielle de l’or entraine un bouleversement des réseaux sociaux dans la
commune rurale de Bana.

3.2.2 Hypothèses secondaires


 La transformation des rapports sociaux de production est liée à l’activité industrielle de
l’or ;
 La gestion des frais de compensations des champs impactés par l’exploitation industrielle
de l’or entraine le passage des liens consensuels aux liens conflictuels au niveau familial ;
 L’exploitation industrielle de l’or rend les rapports conflictuels entre aîné/cadet du fait de
leur accessibilité à des emplois rémunérés dans ladite industrie ;
 L’adoption des nouveaux types de comportements des acteurs locaux s’expliquent par la
diversification des activités économiques induites par l’exploitation industrielle de l’or
qui rendent les rapports fragiles entre d’un côté les jeunes, de l’autre, entre les jeunes et
les parents.

31 | P a g e
4. Identification des variables

4.1 Variable relative aux phénomènes à étudier

Concepts Dimensions Indicateurs


 Entraide
 Respect des décisions
consensuel  Alliance

Conflictuel  Divergence/mésentente
Lien social
 Non-respect des règles
 Opposition
 Dispute
 Don
 Prêt
Appropriation du foncier  Vente
 Location

 Entraide
Rapport sociaux  Échange de main
Travaux coopératifs
de production d’œuvre
 Alliance
 Salariat

 Bœuf
 Intrants
Échange des moyens de travail
 Charrue

32 | P a g e
4.2 Variables individuels

Variables Modalités

 Somana
 Dangouna
 Bissa
Village  Yona
 Wona
 Bana

Sexe  Homme
 Femme
Capital scolaire  sans niveau d’instruction
 primaire
 secondaire
 supérieur
 autres
Situation matrimoniale  mariée
 célibataire
 divorcé
 veuf/veuve
 autres
Religion  musulman
 chrétien
 animiste
 autres

33 | P a g e
5-Définition des concepts
Partant du postulat de Lapeysonnie (1988 : 7) « La sagesse des nations, à défaut de la
logique formelle, nous enseigne qu'il faut, lorsqu'on prend la parole, savoir de quoi l'on parle».
Donc, cette approche notionnelle est d'une importance capitale, comme prélude aussi
bien à des analyses empiriques qu'à des constructions théoriques exigent que soit éclairé
initialement le champ dans lequel la réflexion prétend se mouvoir.

5.1 Changement social


RIVIERE Claude (1978:23) définit la notion du changement social à partir de
l’analyse de la dynamique sociale qui prend pour objet l’«étude à travers l’histoire des
processus sociaux périodiques, des rythmes de transformations et de tous les
changements qui affectent un groupe social ou une société globale ».
Etymologiquement, le mot « dynamique » inclut les idées de force et de mouvement.
« Si la dynamique sociale prend en compte la forme et la dimension de l’objet social
(Institution-chose, institution- groupe) elle le considère sous l’angle de mouvement par
lequel il se modifie dans une certaine période de temps et selon les rythmes propres,
sujet à accélération et à décélération ». En bref, il souligne qu’elle a pour objet le
changement social, « identifiable dans le temps comme ensemble de transformations
dans les conditions et modes de vie d'une collectivité ou comme succession d’états ( T 1 , T2,
T3...), le changement social se détermine positivement comme phénomène à la fois historique,
collectif et structurel affectant l'organisation sociale, sinon dans sa totalité, du moins dons
certaines de ses composantes ».
MORIN J.M. (1996 : 108) abonde un peu dans le même sens en mettant au centre
de ces analyses « le problème de l'innovation ». Pour lui. «L’analyse dynamique porte sur le
changement social : le fait de bouger, de voir les structures se modifier, les relations évoluer, de
ne pas rester dans la même situation. Pour commencer, quand le changement n'est pas spontané,
on peut se demander d’où il vient et par qui il est provoqué. C'est le problème de l'innovation ».
Cherchant à le définir de manière différentielle, ROCHER Guy (1968 :16-25) en
cerne la signification par rapport à l’action historique, au processus social et à

34 | P a g e
l'évolution sociale. Est changement social, dit-il. « Toute transformation observable dans le
temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas provisoire ou éphémère, la structure ou le
fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée, et modifie le cours de son
histoire ». L'action historique est « l'ensemble des activités des membres d'une société, qui
sont de nature ou qui sont destinées à provoquer, intensifier, freiner ou empêcher des
transformations de l'organisation sociale dans sa totalité ou dans certaines de ses parties ». Par
processus social, il faut entendre « la séquence et l'enchaînement des événements, des
phénomènes, des actions dont l'ensemble constitue la démarche du changement ». Quant à
l'évolution sociale résultant d'un cumul de nombreux changement est l’ensemble des
transformations se rapportant sinon à des tendances séculaires, du moins à des
perspectives à très long terme.
Envisager de manière interprétative, la notion du changement social, il ressort
l'idée du processus de transformation des structures sociales d'un e société dans le temps
et dans l'espace.
On pourrait dire, en dernière instance dans le cadre de notre recherche que le
changement social est l'ensemble des processus de modification des rapports sociaux de
base à court, moyen et long terme dans la commune rurale de BANA. Autrement dit on
parlera de changement social dès lors qu'il y a une transformation continue de l'armature
sociale.

5.2 Réseau social


Nous avons vu avec CUSSET pierre-Yves (2007 :28-30 ) que la notion de
« réseau social » (sociale network) a fait sa première apparition en 1954 dans un article
de l’anthropologie britannique John A. Barnes intitulé « class and committees in
anorwegian Island parish ».A cette date G. Simmel (in Cusset) définit la notion à partir
du lien social qui pour lui l’homme est un « être de liaison ».Dès lors, parler de société
revient à parler de lien social et parler de lien social, c’est avant tout partir du constat
que les « relations qui se jouent de personne à personne, brèves ou durables,
conscientes ou inconscientes, fugaces ou lourdes de conséquences (…), nous relient

35 | P a g e
sans cesse les uns aux autres.(…) Ce sont les pas infiniment petits qui produisent la
cohésion de l’unité historique, les actions réciproques tout aussi peu voyantes de
personne à personne qui produisent la cohésion de l’unité sociale. Tous les contacts
physiques et psychiques, les échanges de plaisir et de douleur, les conversations et les
silences, les manifestations d’intérêts communs ou opposés qui se produisent sans
cesse- voilà d’abord ce qui fait la prodigieuse solidité du tissu social, sa vie fluctuante,
avec laquelle ses éléments trouvent , perdent, déplacent sans cesse leur équilibre ».
Le Dictionnaire de sociologie (2004 :196) définit le réseau individuel comme «
l’ensemble des liens (ou relation) d’un individu donné avec d’autres personnes » et le
réseau social : « l’ensemble des liens entre les individus d’une population données ».
Nous emprunterons également la définition de MORIN J.M. (1996 :96) qui pour
lui le réseau social est « la configuration des liens unissant des individus ».Il note que
la configuration des liens tissés entre les acteurs constituent un réseau. Par conséquent,
identifier une personne dans un réseau, ce n’est plus s’attacher à une qualité in dividuelle
(âge, richesse), c’est l’appréhender dans ses relations (avec ses voisins dans un groupe,
etc.).
Par construction dans notre contexte le réseau social signifie une trame d’innombrables
de liens interconnaissances plus ou moins finement noués ou au contraire relativement
lâchés.Ils’agit de relations entre un ensemble d’acteurs. Par exemple : liens entre les
membres d’une unité de production, les associations pour les travaux, liens d’amitiés,
liens entre les acteurs d’une communauté autour de la production etc. Ces réseaux se
branchent les uns sur les autres et se débrancher selon les circonstances.

5.3. Consensus

À propos de ce concept, BOUDON Raymond et al (1982 :111 – 114) affirment que « le


consensus apparait comme la dimension cohésive de la société, qui résulte de l’action des
individus, même si la cohésion de l’ensemble n’est pas du tout le but que se proposent
explicitement et principalement les acteurs individuels ». Il ajoute que la notion désigne une
« pure et simple assimilation des consciences individuelles entre elles, qui résulteraient de leur

36 | P a g e
commune immersion dans la conscience collective ».

MORIN J.M (1996 : 138) définit le consensus à partir de l’analyse d’Auguste Comte qui fait du
consensus « le ciment de la cohésion sociale. Le jugement commun, la décision unanime tirent
une force de l’unité ».

Pour notre part, le consensus s’oppose à l’expression d’intérêt divergent.

5.4. Conflit sociaux

A cette notion nous avons vu OLIVIER DE SARDAN J.P (1995 :175 – 176) qui la renvoie a
trois niveaux d’analyses. Il nous présente tout d’abord le constat empirique qui souligne que
toutes les sociétés sont traversées de conflit. C’est donc un élément inhérent à toute vie sociale.
Ensuite l’analyse structurelle qui estime que les conflits expriment « des intérêts liés à des
positions sociales différentes et sont culturellement structurés ». Enfin, le postulat fonctionnaliste
qui définit la notion comme concourant à la « reproduction sociale » et au « renforcement de la
cohésion sociale ». Pour l’auteur, le constat empirique reste valable et ajoute que « un conflit
entre personne ou entre groupe n’est pas seulement l’expression d’intérêt « l’objectifs » opposé,
c’est aussi, l’effet de stratégie personnelle et de phénomène idiosyncratique ».

Dans le cadre de notre étude, nous nous inscrivons dans la perspective définitionnelle de
OLIVIER DE SARDAN J. P.

5.5. Contradiction structurelle

Nous avons vu KARL Marx avec ALPE Yves et al (2007 :54 – 57) que la contradiction désigne
au sens général l’affirmation des thèses ou des points de vue incompatibles. Dans le cadre du
matérialisme historique, ce sont les contradictions des divers modes de production entre
(notamment la contradiction entre les forces productives et les rapports de productions) qui
expliquent leurs disparitions. Dans cette approche, les luttes sociales sont l’expression des
contradictions inhérente à chaque mode de production. « La lutte des classes est donc la
37 | P a g e
manifestation des intérêts contradictoires des classes sociales en lutte ». En effet, les forces
productives sont la combinaison des facteurs de productions tels que les moyens techniques et
matériel, le travail (c'est-à-dire les savoirs et le savoir – faire pour utiliser les moyens techniques)
et enfin les ressources naturelles. Les rapports de productions sont les relations qui s’établissent
entre les deux classes sociales engagées dans un procès de production par rapport au capital. Les
rapports de production, dont l’ensemble constitue la structure économique d’une société sont de
leur nature des rapports contradictoires ou conflictuels entre les groupes ayant des intérêts
opposés. Cependant, le progrès des forces productives sous l’influence des moyens techniques et
matériels fait que celles-ci entre en contradiction avec les rapports de productions.
ROCHER Guy (1968:122 – 127) s’appuyant sur la théorie marxiste sans y voir cependant
à la notion de contradiction structurale le produit des seuls rapports de production. Il souligne que
toute organisation sociale comporte en effet diverses contradictions de structure, source constante
de friction et conflit. Par exemple, « toute société porte son histoire inscrite dans ses structures
sociales. Tout comme les couches géologiques se superposent les unes aux autres dans un sol et
en disent l’histoire, des institutions plus anciennes voisinent dans la société avec de plus
récentes». La structure d’une société comporte un grand nombre de contradictions diverses et
que ces contradictions sont inhérentes à l’organisation sociale. Mais «certaines contradictions
peuvent n’avoir aucune influence dynamique sur la société ; du moins pendant un certain temps :
les éléments contradictoires cohabitent pacifiquement sans provoquer de frictions ou de
conflits».
De ce qui précède, il nous reste que dans notre étude, la contradiction structurelle signifie
les oppositions entre les acteurs locaux liés à l’activité minière.

5.6 Rapport sociaux de production


ROCHER Guy (1968:38) définit la notion de rapport de production comme «l’ensemble
des rapports établis entre les hommes en vue de la production». Il précise que les rapports de
production sont essentiellement, pour MARX et ENGELS, «des rapports de propriété », c'est-à-
dire des rapports de travail entre propriétaires des forces productives et non-propriétaires, entre
«exploitants et exploités», entre classe dominante et classe dominée. En effet, en produisant, les
hommes ne sont pas seulement en rapport avec la nature. Ils ne produisent que s’ils collaborent
38 | P a g e
d’une certaine façon et font échange, de leurs activités. Pour produire, ils établissent entre eux
des liens et des rapports biens déterminés. Ces rapports de productions, pris dans leurs totalités
constituent ce que KARL Max appelle des «rapports sociaux».
MONTOUSSE Marc, RENOUARD Gilles (2009 :26) allant dans le même sens
soulignent que les rapports de production sont « les rapports de propriétés sur les ressources
matérielles. De ces rapports de production dérivent des rapports d’exploitation. Car la classe
sociale qui ne possède que sa force de travail est bien obligée de mettre cette capacité de travail
au service de la classe qui a la propriété des moyens de production».
Dans le cadre de notre étude, les rapports sociaux de production désignent l’ensemble des
relations précises qui s’établissent entre les acteurs locaux engagés dans un procès de production
notamment l’appropriation sociale des facteurs de production et des travaux champêtres en
coopératifs.

39 | P a g e
II- METHODOLOGIE
Cette partie est la mise en œuvre des logiques d’administration de la preuve
scientifique autrement dit, c’est le dispositif mis en place pour la production des
données.

1. Justification du choix du site


Dans la commune de BANA, l’activité minière touche directement ou
indirectement un grand nombre de village environ une dizaine mais l’étude s’est opérée
sur six (6) sites : Il s'agit des villages de Bana, Wona, Somana, Dangouna, Yona et
Bissa. Ce choix se justifie d'une part, par le fait que les travaux d’exploration et
d'exploitation des mines d'or ont commencé, il y a environ cinq ans. En témoigne le
rapport de la direction générale de l’aménagement du territoire et du
développement local et régionale(2010 :79) : « la société Canadienne SEMAFO a
entrepris la recherche minière dans les provinces des Bal és et du Mouhoun depuis 1998
à travers sa filiale Mana Minérale S.A. Sur les huit (8) permis d’exploration d’une
superficie de 1700km 2 que détient la société cinq (5) sont situés dans la province du
Mouhoun et les trois autres dans les Balés. Mana Minérale qui a obtenu un permis
d’exploitation par décret N o 2007-144/PRES/MCE/MFB/MEDE/MECV a procédé le
lundi 30 juin 2008 à l’inauguration de la mine d’or de Mana. Les réserves exploitables
de cette mine d’or sont estimées à 35 tonnes d’or ». D’autre part, le choix de ces sites a
été motivé par leurs proximités avec l’activité minière. Ainsi le village de Wona se situe
à trois (3) km de la mine, Somana et Dangouna à deux (2) km, Bana à huit (8) km,
Yona et Bissa à sept (7) km. Il est important de noter que Somana et Dangouna ont été
délocalisés par la mine. Par conséquent nous estimons que cela pourrait permettre
d’appréhender les changements sociaux induits dans ces localités. Quelques dates
historiques de la mine :
 1996 : accord de permis d’exploitation par le gouvernement du Burkina
Faso ;
 1998 : découverte du site aurifère de Nyafé ;
 Février 2001 : découverte du site aurifère de Wona ;

40 | P a g e
 Juin 2001 découverte du site aurifère de Maoula ;
 Octobre 2006 : confirmation écrite de la conformité environnementale ;
 Février 2007 : permis d’exploitation délivré par le gouvernement du
Burkina Faso ;
 Mai 2007 : lancement officiel des travaux de construction de la mine de
Mana ;
 Octobre 2007 : signature de la convention minière ;
 Février 2008 : mise en marche de l’usine ;
 Avril 2008 : première coulée d’or
 Octobre 2011 : présentation officielle de la mine souterraine.

2. La population d'enquête

2.1 Population cible


Les populations qui nous ont permis de documenter les changements sociaux
concernent entre autres les chefs de ménages et les cadets ayant des champs impactés
par l’activité minière, ceux qui sont employés par la société SEMAFO et leurs frères
non employés mais également les jeunes qui tendent à la captivité des nouveaux types
de comportements. Dans un souci d’hétérogénéité, de diversité et de confrontation des
points de vues, il s’est avéré nécessaire de prendre en compte les avis des ménages dont
les champs n’ont pas été affectés par la mine, ceux qui sont employés par la société
SEMAFO mais aussi ceux qui n'ont pas été employés à SEMAFO et les migrants. Étant
donné que les femmes participent au système de production et de reproduction, il est
important de tenir compte de leurs points de vue.

2.2 Les personnes ressources


Les personnes ressources sont celles qui ont non seulement des connaissances sur
notre thème de recherche, au regard de leurs expériences, mais qui interviennen t aussi
dans le domaine. On a à ce niveau les chefs coutumiers, les responsables de la société

41 | P a g e
SEMAFO, les autorités administratives et les responsables techniques. Il s’agit de:
-l’adjoint du maire de la commune de Bana ;
- le directeur général de la géologie et du cadastre minier ;
-l’encadreur du village de Bana;
- deux responsables de la fondation SEMAFO chargé du suivi des actions
sociales dans la commune de Bana;
-le chef du village de Bana.

3. Echantillonnage et échantillon
S’inscrivant dans une perspective dynamiste qui entend saisir les dynamiques des
structures tout autant que le système des relations qui les con stituent c'est-à-dire la prise
en compte des incompatibilités, des contradictions et le mouvement inhérent à toutes
sociétés, notre étude repose sur un cheminement qualitatif. Le choix de cette approche
dépend de la problématique bâtit autour d’un faisceau d’axiomes (principe posé
hypothétiquement) sur la base d’une théorie déductive car, comme le note N’DA
Paul (2006 :21):«on ne choisit pas au hasard une stratégie de vérification. Chacune
suppose une idée sur la nature des faits considérés ; et le choix dépend de la
problématique et de l’hypothèse formulée ».
L’approche étant qualitative, la dynamique de l’enquête a été basée sur le
principe d’hétérogénéité et de diversité des points de vue. Le choix de l’échantillon
s’est fait de manière raisonnée, ce que OLIVIER DE SARDAN J. P (2003) appelle le
« buissonnement »ou l’ « arborescence », ce qui nous a d’ailleurs permis d’atteindre
l’indicateur méthodologique qui informe la non variabilité des i nformations recueillies.
Autrement dit, on s’est aperçu que la productivité des observations et des entretiens
décroît. A chaque nouvel entretien, on obtient de moins en moins d’informations
nouvelles.
Nous avons pu administrer le guide d’entretien auprès de 54 personnes dont 16
enquêtés à Wona, 6 à Somana, 8 à Dangouna, 10 à Bana, 10 à Yona et 4 à bissa. Ces
enquêtés se répartissent en fonctions des profils suivants dans le tableau ci-dessous :

42 | P a g e
Tableau 1: Répartition des enquêtés en fonction des profils

Autochtones Migrants
Champs impactés Champs non impactés Agricul Elev Emplo
teurs eurs yés
Hommes Femmes Hommes Femmes 3 H, 1 H, 1
empl Non empl Non Empl Non empl Non CM qui CM jeune
oyés empl oyés empl oyés empl oyés empl ont des qui a emplo
oyés oyés oyés oyés champs un yeur
5 CM 16 0 3 1 CM 10 0 3 impacté pâtur
et 2 J CM dont et 3 J CM s age
et 4 J 1 CM et 2 J impa
cté
Source : enquête personnel 2011
H : homme
CM : chef de ménage
J : jeune
Par ailleurs, il faut noter qu’on a réalisé 2 entretiens collectifs dont un groupe de
4 jeunes (deux sont employés par la SEMAFO et deux non employés) et un groupe de 4
femmes à Somana (dont une femme ayant son enfant employé par la SEMAFO).

4. Technique et Outil de collecte de données


La mise en œuvre de l’entretien et l’observation directe non participative ont été
les outils de production de données à partir du monde empirique. En effet , l’entretien est
une interaction discursive délibérément suscitée par le chercheur. Son déroulement
dépend évidemment de stratégies déployées entre l’enquêteur et l’enquêté. Nous avons
privilégié dans notre cas le type d’entretien semi-directif. Cet outil de collecte des
données permet, d'« instaurer une relation d'écoute active et méthodique, aussi éloigné du pur
43 | P a g e
laissé- faire de l'entretien non- directif que du dirigisme du questionnaire» (Bourdieu 1993).
Cette technique est relativement fructueuse par rapport au corpus de réponses
standardisées qu'impose le questionnaire. Cependant, son application demande de
l'imagination sociologique afin de réduire les effets doubles de la violence symbolique
due aux écarts de position sociale entre l'enquêteur et l'enquêté, et du décalage entre les
enjeux de l'objet et l'enquêté. Cette précaution est nécessaire d'autant plus que
l'expérience des significations, comme le disent Bourdieu et al. (Voir le métier du
sociologue, 1968), fait partie de la signification totale de l'expérience.
En ce qui concerne l’observation directe, elle révèle toute aussi son importance
que l’entretien en ce sens qu’elle doit être systématique, minutieuse, réflexive et
interprétative. Cet outil est important dans notre contexte en ce sens qu’il nous a permis
non seulement d’appréhender les nouveaux types de comportements des acteurs locaux à
travers notre présence chaque soir dans les cabarets modernes induis par l’activité
minière. En effet, durant le séjour : « je fréquentais les différents cabarets modernes de 19h30 à
23h40mn. De fois j’intègre le groupe de jeunes employés pour prendre ma bière et le lendemain
le groupe de jeunes non employé. Ce qui m’a permis de voir que les jeunes filles s’intéressent
plus au groupe des ouvriers qui les tapotent entraînant des frustrations du côté des non
employés. Ce sont ces observations qui m’ont permis de voir aussi le jargon populaire « le
bouquantier » qui signifie celui qui a l’argent. Une attitude adoptée par les jeunes employés dans
les bars» ; mais aussi, la nécessité d’une confrontation des discours à la réalité.
Il est important de signaler que la recherche documentaire qui consiste à
l’exploitation de documents produits par des chercheurs nous a permis de collecter des
données écrites relatives au thème. Cette revue de la littérature, est selon N’DA Paul
(2006 :32) « un test ordonné, structuré qui fait l’état des lieux, l’état du niveau actuel
des connaissances relatives aux problèmes à l’étude, dans un espace cognitif », c’est-à-
dire à l’intérieur des paramètres du domaine de connaissance.

5. Déroulement de la collecte des données


Le processus de la production des informations qui consiste à recueillir de façon
progressive les renseignements désirés, grâce aux instruments choisis à cette fin s’est déroulé

44 | P a g e
durant le mois de décembre 2011 dans la commune rurale de BANA et le mois de janvier 2012 à
Ouagadougou. Ainsi, parti de Ouagadougou le 03/12/2011 à 12h30mn en direction de la
commune de BANA, nous sommes arrivés à destination à 22h15mn. Comme c’était la première
fois de découvrir cette localité, le point de repère était le village de WONA et particulièrement
prendre attache avec les autorités locales. L’arrivée tardive nous a contraints à dormir à la gare.
Dans la matinée, nous avons demandé à rentrer en contact avec le chef du village qui très
rapidement nous a trouvé un logement. Dans cette localité en pleine dynamique, l’accueil
chaleureux était au rendez-vous en ce sens que nous avons mis en évidence la stratégie d’alliance
à plaisanterie bien que nous ne le sommes pas, pour enfin en arriver à nous familiariser avec cet
univers social. Quelques instants après la présentation de l’objet du séjour de terrain auprès des
responsables coutumiers et administratifs, nous avons eu le premier enquêté le 04/12/2011 à 14h
49mn. Cet entretien a suscité de nouveaux questionnements nous référant ainsi à d’autres
personnes. La tendance d’administration du guide d’entretien était à 02h48mn au maximum. Il est
important de noter que certains enquêtés notamment ceux qui sont employés à SEMAFO
exprimaient un sentiment de réticence mais nous avons pu lever ces obstacles à travers
l’instauration d’une confiance et la stratégie d’alliance à plaisanterie. L’adjoint au maire de la
commune fut notre dernier enquêté.
Par ailleurs, le terrain nous a amené à réaliser certains entretiens collectifs et visiter
également la réalisation de la fondation SEMAFO pour la commune rurale. Il s’agit entre autre le
forage à BANA, l’usine de transformation de beurre de karité biologique en savon à YONA,
l’école primaire B de WONA et le CEG en cours de réalisation. Durant tout le long du séjour,
nous avons fait des observations directes dans les cabarets modernes chaque soir de 20h à
23h15mn. Le terrain nous a conduits à réaliser certains entretiens à Ouagadougou dans le mois de
janvier 2012 avec les responsables de la fondation de la SEMAFO.

6. Traitement des données


Pour une question d’anonymat, l’identification des enquêtés a été codifiée. Partant du
postulat d’une analyse thématique de contenu, la technique de traitement dans notre contexte a
été manuelle. Cette opération a constitué d’abord à la lecture et relecture des données en

45 | P a g e
procédant de façon minutieuse au marquage des passages les plus intéressants. On a constitué une
liste de concepts clés liés à la problématique de recherche dans un autre cahier grand format de
200 pages auquel nous avons rangé toutes les données disponibles. Ensuite, nous avons procédé à
la même opération de lecture et relecture, ce qui nous a permis de sélectionner dans la masse des
données de chaque concept clé les discours livrés par les enquêtés qui seraient mis en œuvre pour
la rédaction.

7. Limites de la méthodologie et difficultés rencontrées


Notre activité d’investigation a consisté à la collecte d’information qua litative. La
perspective qualitative par le biais des entretiens semi-directif s’est heurtée aux
réticences de certaines personnes notamment des employés et quelques responsables de
la SEMAFO. Cette démarche n’a donc pas toujours, connu des résultats intéressants. Par
conséquent, certaines informations qui s’avéraient impropres pour l’analyse ont été
annulées.
Les difficultés d’ordre générales rencontrées sont la réticence des sociétés
d’exploitation minière et les structures étatiques d’organisation de ce secteur pour un
thème de recherche « exploitation des mines et changement social ». En effet, pour les
structures étatiques, sous prétexte de la confidentialité, l’accès à certains documents qui
pouvaient apporter un plus au travail nous a été interdit. Au niveau de la SEMAFO, le
refus d’autorisation d’accès non seulement à l’usine d’exploitation mais aussi de
s’entretenir avec les employés a été une difficulté majeure. Mais grâce à l’imagination
sociologique, cette difficulté a été minimisée.

46 | P a g e
47 | P a g e
CHAPITRE I. PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE

I. MILIEU PHYSIQUE
Eriger en département depuis 1984 par ordonnance N°84055 CNR/ PRSS du 15 Août
1984, Banaet sa commune couvrent de nos jours une superficie totale environ 470 Km2.
La commune de Bana est située à une distance de 75Km de Boromo chef-lieu de la
province des Balés. A la faveur de la loi N°055-2004/An portant code général des collectivités
territoriales au Burkina Faso et des élections municipales de 2006, elle est devenue une
commune rurale composée de 10 villagesà savoir : le village de Bana, Wona, Somana,
Dangouna, Yona, Bissa, Sienkoro, Fofina, Bassana et Danou.
La commune rurale de Bana est située au Nord-Ouest du Burkina Faso. Elle est limitée au
Nord par les communes de Kona et Safané; au Sud par les communes Yaho et de Bagassi ; à l’Est
par la commune de Pompoi ; à l’Ouest par la commune de Boudokouy. Les voies d’accès à la
commune sont peu nombreuses. Une seule route départementale, difficilement praticable en
saison des pluies, traverse la commune du Nord au Sud reliant les villages de Wona, de Bana, de
Mana et Bagassi au Sud. Cet itinéraire conduit à la route nationale N°1 à Ouahabou (rapport du
conseil municipal de la commune de Bana2008).

1- Climat
Dans cette commune rurale, le climat est de type Soudano-Sahélien marqué par la présence
de deux saisons : une saison sèche dominée par des vents secs et frais (harmattan) de décembre à
février et des courants d’air secs et chaud de mars et d’avril. La saison pluvieuse est caractérisée
par une pluviosité assez importante mais mal repartie tant sur le plan spatial que temporel.

2- Relief et formation végétale.


La commune de Bana a un relief très accidenté. Son paysage est marqué de chaînes, de
collines assez fréquentes auxquelles succèdent plaines et bas –fonds exploités à des fins
agricoles. Ces formes du relief très contrastées exposent les terres agricoles à une forte érosion

48 | P a g e
hydrique nécessitant une gestion particulière et appropriée de l’espace. Le couvert végétal est de
type soudano sahélien. On rencontre des formations de savane arbustive, arborée, herbeuse et
ripicole.

3- Les sols
Part les élévations, la commune de Bana présente des sols propices à l’agriculture. Ces sols
peuvent être résumés en 04 types selon le rapport du conseil municipal de la commune
(2008). On trouve les sols minéraux bruts peu évolués faiblement étendus et occupant surtout les
plateaux ; les sols ferrugineux généralement présents sur les façades pentues des élévations ; les
sols bruns, très fertiles couvrant la plus grande partie des terres de la commune et les sols hydro
morphes au niveau des plaines et des bas- fonds. Ils sont en général utilisés pour la riziculture et
maraîchage.
Ce sont ces sols minéraux qui ont attiré la Société d’Exploitation des Mines de l’Afrique de
l’Ouest (SEMFO) à travers sa filiale Mana Minéral S.A. depuis 1996.

II. LES FORMES D’ORGANISATION SOCIALES


Selon le rapport du conseil municipal de la commune de Bana (2008), la population de
la commune de Bana est estimée à 12999 habitants soit 6279 femmes et 6620 hommes (selon
RGPH, 2006). C’est un pays dafing à organisation lignagère, et les langues parlées sont le
daffing, le dioula, le bwaba, le Moore et le fulfuldé. Le Dioula est la langue d’échanges
commerciale par excellence. La religion dominante est l’islam (75%). On y distingue également
les catholiques (10%), les protestants (5%) et les animistes (10%). Nous remarquons que
l’occupation de l’espace social relatif au cadre physique de l’unité familiale est essentiellement
constituée de deux types de bâtis que sont les cases rondes et les maisons modernes d’où une
juxtaposition écologique de deux types d’habitats. Les maisons sont dans leurs ensembles
dispersées et constituées de cases rondes avec des toitures en chaumes, de construction en banco
sous forme rectangulaire avec des toits en terre battue ou en tôle. Quelquefois les matériaux
constitutifs du bâti moderne sont construits en ciment souvent composé d’une ou deux pièces. En
ce qui concerne les marchés locaux, c’est Wona et Bana qui constituent les agglomérations

49 | P a g e
importantes et mobilisent les commerçants de Dédougou, Boromo, Safané et Pompoi. En effet,
c’est Wona qui a le marché central, carrefour des échanges de la commune.

1- Organisation socio-politique
L’Organisation sociale dans la commune de Bana varie suivant les pratiques des différentes
communautés qui s’y sont installées. Chaque village est marqué par l’existence d’un chef de
village qui est chargé d’administrer et de régir la vie de sa communauté. Pour ce faire, il
représente son village auprès des autres communautés et intervient dans le règlement des litiges.
Chaque chef traditionnel a des prérogatives foncières et est soutenue à ce titre par le chef de terre.
Le chef de terre est garant des rites, des coutumes et du domaine foncier. L’organisation sociale,
selon les entretiens réalisés sur le terrain, repose sur un système lignager qui constitue la base des
liens de parenté. L’unité de référence est la grande famille, composée des parents issus d’un
même ancêtre. Les descendants de la lignée portent le même patronyme et habitent généralement
regroupés dans un même quartier. La communauté familiale est placée sous l’autorité d’un chef
du lignage à l’intérieur d’une même famille. L’organisation se fonde sur les principes d’aînesse,
qui impliquent des rapports d’autorité et de subordination. La chefferie traditionnelle participe
par conséquent à la gestion de la cité.

2- Gestion du foncier.
La gestion du foncier étant une problématique très importante pour le développement local,
elle exige une forte implication de la chefferie traditionnelle. La gestion des terres est sous la
responsabilité du chef de terre en relation avec le chef coutumier et le collège des sages.
Toutefois, chaque chef de lignage dispose d’un domaine foncier qu’il gère de façon
autonome avec les différents membres qui le constituent. De ce fait, les autochtones héritent des
terres appartenant à leur lignage. Tout demandeur de lopin de terre s’adresse au chef coutumier
pour en obtenir, pourvu qu’il respecte les clauses sociales (interdiction de planter des arbres ou de
creuser un puits). Il faut noter également que des prêts ou emprunts de terre sont possibles aux
bénéfices des alliés de la famille, des amis ou connaissances. Le « statut coutumier des terres
est attribué à des puissances surnaturelles, considérées comme étant les fondements de leur
création et de leur régénération naturelle. L’acquisition des terres n’a pas de particularité du

50 | P a g e
fait des caractères sacrés qui leur sont dévolus (sèvres nourricières des vivants ; lieux de repas
des âmes et ancêtres) et de ce fait , l’octroie ne doit faire l’objet d’aucune spéculation » (rapport
du conseil municipal de la commune de Bana 2008 :24)
Mais il faut noter qu’avec l’intrusion dans le milieu rural de nouveaux acteurs que sont les
fonctionnaires, les hommes politiques, etc. la terre devient un bien économique et une
marchandise comme le souligne bien MATHIEU Paul, Philipe L et al (2005:01)
: «On observe notamment, dans certaines zones, un nombre croissant de transactions dans
lesquelles des terres rurales sont échangées de façon définitive contre des paiements en argent.
Mais d’autres transactions et pratiques nouvelles changent également le paysage de la gestion
foncière: locations temporaires contre argent, retraits de terres forcées et conflits qui en
résultent, etc.».
En cas de conflit lié à la terre dans la commune, la résolution se fait au niveau local, à
l’amiable entre les parties ou auprès des autorités coutumières. Dans le cas d’échec, le problème
est porté devant les autorités administratives compétentes (préfecture, mairie). Dans cette société
la femme qui est à la fois productrice et reproductrice peut accéder à la terre par don ou emprunt
par l’intermédiaire de son mari. Elle ne dispose que de droit d’usage. Au plan socio culturel, elle
bénéficie moins de prise de parole en public. Nous comprenons pourquoi MEILLASSOUX
Claude (1992) avait mis en évidence les rapports de domination et d’exploitation entre hommes
/femmes et aînés cadets. Mais notons que les femmes dans cette localité disposent de nos jours
d’un cadre d’expression tels que les associations et groupements.
Etant donné que c’est une société agricole, les acteurs locaux s’organisent pour les activités
agricoles.

3- Les formes de coopérations agricoles


L’agriculture est la première activité économique de la commune rurale de Bana. Cette
activité socio- professionnelle occupe selon le rapport du plan communal de développement
sectoriel, Approvisionnement en eau et Assainissement (2010) 91,1% des ménages enquêtés.
Jadis qualifiée d’agriculture de subsistance en raison de sa faible productivité due aux outils et
méthodes de culture rudimentaire utilisées. Nous savons également qu’il y a d’autres activités
notamment l’élevage, l’artisanat et l’activité minière, etc.
51 | P a g e
Au plan de la coopération pour l’activité agricole, il ressort du constat fait sur le terrain
qu’il existait des associations par classes d’âges pour cultiver dans les champs. Il s’agissait donc
de l’entraide communautaire tel que l’échange de la main d’œuvre interne à l’unité de production
ou externe à l’unité de production, organisée par classe d’âge de 10 ans jusqu’à 40 ans et se
faisait à tour de rôle selon un cycle qu’ils appellent le [dama]1. Les différents bénéficiaires de
cette aide la leur rendront en aidant à leurs tours chacun des membres venus coopérer. Certaines
unités de production de lignage utilisaient le salariat pour les activités ponctuelles et précises
qu’ils appellent les [kide] lorsqu’ils sont en face d’une insuffisance de la main d’œuvre et les
moyens de production pour réaliser certaines opérations productives du cycle agricole. C’est dans
ce contexte que GODELIER Maurice (1971 : 150-151) affirme que: «Pour obtenir le
complément nécessaire de facteurs de production, le chef du lignage fait alors appel à ses
parents ou à ses alliés ou aux membres d’une classe d’âge, à des clients, éventuellement à du
travail salarié. De ce fait, le travail productif s’organise à l’aide de services personnels rendus
(spontanément ou parfois par contrainte) par ces travailleurs additionnels aux membres du
lignage au nom de leurs rapports familiaux, politiques ou religieux».
Mais de nos jours dans cette commune de Bana, tous ces rapports sociaux qui
s’établissaient entre les acteurs autour de la production agricole connaissent des bouleversements
du fait de l’activité minière que nous présenterons dans les chapitres ultérieurs.

1
Echange de main d’œuvre
52 | P a g e
CHAPITRE II : EXPLOITATION INDUSTRIELLE DES MINES ET
BOULEVERSEMENT DES RESEAUX SOCIAUX

L’exploitation industrielle de l’or dans la commune rurale de Bana a conduit les acteurs
locaux à un élargissement de la perception du rapport à l’or du fait de ses retombées
économiques.
Autrefois, l’or perçu comme la propriété d’êtres invisibles que sont les génies, une idée
répandue selon laquelle l’or a une dimension mystique. De ce fait, il était proscrit tout rapport à
l’or. En témoigne les propos d’un répondant, ancien délégué du village de Somana: « l’or est
notre totem et nos vieux disent que c’est un trésor de génies et c’est la nuit qu’ils marchent
ensemble. Aussi, un orpailleur dans notre tradition est qualifié de déviant (délinquant) »2 ; alors
que KIETHEGA J.B (1983-187) affirme que : « l’or est un génie présent dans la famille ».
De nos jours, avec les dynamiques sociales et économiques en cours du fait de
l’exploitation de l’or par SEMAFO, la perception traditionnelle du rapport de l’or au cosmos a
été réajustée. Ainsi, l’or devient à présent pour les acteurs locaux « de l’argent ». C’est dans ce
contexte qu’un enquêté souligne que : « c’est la plus grosse tête d’or qui s’est transformée pour
devenir une bonne qualité à Somana ici, raison pour laquelle SEMAFO l’exploite et comme c’est
l’argent et que ce sont les blancs aussi qui exploitent donc on peut bouffer son argent »3. C’est
ainsi que, chaque acteur social s’est orienté vers la mine et cette activité de SEMAFO ne peut se
faire sans bouleverser les réseaux sociaux anciennement établie dans la commune de Bana. C’est
dans la même perspective que DIALLO M. Lamine (2009) révèle que l’insertion d’une mine
moderne dans un environnement traditionnel tend à bouleverser l’organisation socio-économique.

I. VARIATION DE LA NATURE DES RAPPORTS SOCIAUX DE PRODUCTION


Dans la commune de Bana, l’exploitation industrielle de l’or en pleine activité a modifié les
rapports sociaux de production notamment le mode social d’appropriation des objets de travail,
l’échange des moyens de travail et les formes de coopérations qui sont aujourd’hui en
changement rapide , affectés par des transitions et transformations multiples.
2
Entretien réalisé avec un ancien délégué du village de Somana, marié, niveau primaire, animiste
3
Idem
53 | P a g e
1- Les tendances récentes d’appropriation de l’espace foncier
Les liens qui attachent l’homme à la terre forment partout un faisceau de relations
complexes dont les implications sont aussi bien d’ordre religieux, politique que sociale et
économique. Le foncier étant le produit d’une construction sociale, cette complexité trouve son
origine dans la diversité des formes d’organisations sociales des groupes ethniques ou
sociopolitiques. Les différents groupes d’utilisateurs des ressources naturelles ont depuis très
longtemps élaboré des modes d’accès aux dites ressources basés sur la complémentarité dans les
villages de Bana, wona, Somana, Dangouna, Yona et Bissa. Dans ces localités, jadis, la terre
revêtait une dimension spirituelle de sacralité dont la gestion était fondée sur l’héritage et le
don ; à une époque encore récente une transition s’est opérée progressivement dépassant le cadre
de l’héritage. En effet, il s’agit de la location et la vente des terres. Ces modalités peuvent
s’expliquer en partie par l’arrivée des nouveaux acteurs dans le foncier rural (agro business).
Aujourd’hui l’avènement de l’exploitation industrielle de l’or a accéléré ce processus de vente et
de location. En témoigne les entretiens réalisés sur le terrain. Ainsi, si pour un membre du CVD
du village de Bana, des marchés affairés de vente de terrain ont vu le jour c’est parce qu’ : « On
n’a plus de terres cultivables car SEMAFO a tout retiré, quand nous partions dans les villages
environnants pour demander un champ, les propriétaires terriens nous vendent un ha à 200.000F
et nous disent qu’on travaille à SEMAFO or nous ne sommes pas employés de SEMAFO. Alors
qu’avant on échangeait les terres gratuitement sans prendre de l’argent et c’était en contre
partie des sacrifices. Aussi dans notre tradition on ne vend pas la terre »4.
Par contre, certains acteurs soulignent qu’il n’existe plus de bonnes terres cultivables
encore moins les prêter, les vendre ou les louer. Cela se justifie par le fait que : « SEMAFO a
détruit tous nos champs donc il n’y a plus de champs pour prêter, vendre, encore moins louer.
Comme ça ne va pas, nous tous on va fuir laisser le village »5.
Envisagés de façon interprétative, ces propos des enquêtés laissent entrevoir que
l’exploitation industrielle de l’or a fait que la terre d’aujourd’hui s’achète et se loue. La vente et
la location constituent d’ailleurs les formes émergeantes d’accès à la terre dans la commune de
Bana. A l’instar, des autres aspects de la vie sociale, les pratiques foncières évoluent aussi bien

4
Entretien réalisé avec le vice-président CVD du village de Bana, marié, niveau primaire, musulman, agriculteur
5
Entretien avec un conseiller du village de Dangouna, sans niveau d’instruction, marié, animiste, agriculteur
54 | P a g e
dans leur forme que dans leur fond. C’est que, même les formes et les modalités de l’héritage des
droits fonciers en vigueur dans les campagnes d’aujourd’hui ne sont plus identiques à celles qui
étaient pratiquées il y a une décennie.
Un tel constat, et comme évoqué dans la problématique que l’implantation d’une industrie
ne se cristallise pas dans un espace neutre, par conséquent les terres cultivables occupées par
l’exploitation industrielle de l’or dans la commune de Bana a entrainé une augmentation de la
pression foncière modifiant ainsi le rapport social ancien d’accès à la terre. C'est-à-dire que les
principaux modes traditionnels d’accès à la terre qui étaient fondés sur les dons sans restriction,
les prêts à court terme sans contrepartie ont connu des bouleversements. Le principal
changement récent réside dans l’apparition du processus d’accélération des formes monétarisées
à un coût excessif du fait de la raréfaction progressive des terres. Mais dans certaines zones
notamment les localités de Somana et Dangouna qui ont été délocalisées et réhabilitées, le
manque d’exploitation agricole fait que les acteurs locaux sont aujourd’hui réticents au
marchandage ou au don de terre.

2- Changement de la forme de coopération agricole


De la coopération solidaire dans le travail agricole, hier tenure dominante, on est
aujourd’hui passé à l’institution de la main d’œuvre salariale pour les activités ponctuelles. En
témoigne, les propos rapportés sur le terrain d’un employé à SEMAFO : « avant l’activité
minière, on travaillait ensemble. On s’organisait pour faire le [dama] (échange de la main
d’œuvre) de même classe d’âge à partir de 10 ans jusqu’à 40 ans et on prenait de fois les [kide] 6
( main d’œuvre salariale à 500), mais de nos jours les jeunes sont devenus paresseux et sont tous
orientés vers la mine parce que quand ils voient le salaire des ouvriers de SEMAFO, ils se
découragent des travaux champêtres, ils trouvent qu’ils travaillent pendant un an au champ mais
ne gagnent pas plus de 500 000F alors que les ouvriers non qualifiés touchent 400 000 F par
mois. Donc dans notre communauté il n’existe plus le [dama] si ce n’est pas seulement prendre
les [kide], encore !, il faudrait les négocier et payer très chère à 1500F/ jour pour qu’ils
acceptent travailler dans les champs. Aussi comme on ne s’entend plus et il n’y a plus de bonne

6
Main d’œuvre salariale
55 | P a g e
terre dans le village, chacun préfère travailler seul dans son champ. Je ne peux plus participer
car je suis employé à SEMAFO »7.
Allant dans le même ordre d’idée un conseiller du village de Dangouna affirme que :
« avant l’activité minière, on s’organisait pour travailler au champ, il y avait le système du tour
à tour lors des travaux champêtres ; mais aujourd’hui tout a changé parce que, depuis que
SEMAFO est venu, les vieux sont devenus les jeunes et les jeunes sont les vieux et ne considèrent
plus l’activité agricole encore moins partir au champ. Nous tous on veut travailler à SEMAFO et
comme on a plus de bonne terre, chacun cultive seul ou encore prendre les [kide] »8
Par contre un conseiller du village de Yona (marié, niveau Primaire, musulman) souligne
que : « Il y a toujours de l’entraide lors des travaux champêtres mais le nombre de main d’œuvre
a diminué et personne n’est prêt pour une bonne collaboration comme avant. En tout cas, nous
qui nous entendions, on pratique toujours sans problème ».
Il ressort de ces différents discours des enquêtés que l’organisation en coopération dans les
travaux champêtres a connu un bouleversement du fait de l’activité minière.
Au-delà de ces constats sur le terrain, il faut noter que le travail salarial et la raréfaction
des terres cultivables induits par l’activité minière dans la commune de Bana en pleine
mouvement à modifié le système d’échange de la main d’œuvre, expression pratique d’entraide
communautaire nécessaire entre les producteurs. Les principales mutations résident dans
l’affirmation du choix personnel des acteurs sociaux et l’émergence de la main d’œuvre salariale
pour les activités agricoles. La cherté de cette main d’œuvre, se justifie non seulement par
l’inflation du coût de la vie mais aussi par le fait que dans cette communauté agricole les acteurs
sociaux sont liés les uns aux autres de nos jours par l’argent.

3- Mutation de la nature d’échange des moyens de travail


L’exploitation des mines dans la commune de Bana a modifié également l’échange de la
nature des moyens de travail entre les producteurs. C’est ainsi qu’un répondant affirme
qu’« avant l’activité minière on s’organisait pour échanger nos moyens de travail. Moi j’ai des
bœufs et mon ami a une charrue donc souvent je lui donnais mes bœufs pour qu’il laboure son

7
Entretien avec un conseiller du village de Somana, employer à SOMAFO, marié, musulman, niveau primaire
8
Entretien avec un conseiller du village de Dangouna, agriculteur, marié, école coranique
56 | P a g e
champ et en retour, il me prêtait sa charrue où de fois leurs enfants viennent nous aider au
champ mais depuis que SEMAFO est venu, tout a changé. Les yeux de tout le monde sont ouverts
avec l’argent. De nos jours, les bœufs ou charrue se louent à un prix de 10 000 Frs par jour,
encore plus élevé si tu es employé de SEMAFO. Dans notre village aujourd’hui, même si ce n’est
pas les moyens de travail, tout est en location »9
Le témoignage de cet enquêté révèle qu’il y a un changement qui s’est opéré dans les
échanges des moyens de travail. En effet, fondé sur un système de solidarité sans contrepartie de
monnaie, de nos jours cet échange a pris une forme monétarisée essentiellement basée sur la
location. Cette situation s’explique d’une part, par les effets de la dynamisation économique
induite par l’exploitation des mines et d’autre part des flux migratoires provoqués par cette
activité.
En dernière instance, il demeure que l’observation faite sur le terrain et l’analyse de
contenu des discours des enquêtés laissent percevoir que ce soit l’accélération des transactions
foncières, l’émergence de la main d’œuvre salariale au niveau des activités agricoles ou la
location des moyens de travail, c’est le facteur argent qui tend à intégrer aux relations sociales
comme moyen essentiel des échanges dans la commune rurale de Bana. Avec le travail industriel
de l’or, l’usage de la monnaie s’est répandu dans cette société favorisant l’apparition de besoins
nouveaux.
Ainsi, chaque acteur social s’en protège de nos jours en réagissant par des comportements
individuels. Les relations entre les personnes s’établissent sur la base des intérêts individuels. Il
est nécessaire de signaler également que la variation de la nature des rapports sociaux de
productions dans cette commune de Bana peut s’expliquer aussi par une multiplicité de facteurs
qui agissent simultanément telle que l’introduction de nouvelles techniques de productions
(tracteur), l’importance de la migration, la raréfaction et la valorisation de la terre, etc. D’autres
conditions sociologiques et moins objectivables jouent certainement un rôle important (relations
conflictuelles entre autochtones, personnalité des responsables coutumiers…). Mais l’activité
minière n’a fait qu’accélérer le processus.

9
Entretien réalisé avec un agriculteur, niveau primaire, forgeron, musulman, village de Yona, secrétaire des parents
d’élèves de l’école primaire de Wona
57 | P a g e
Par ailleurs, il faut noter que l’exploitation industrielle de l’or a rendu les rapports
conflictuels au niveau familial du fait de la gestion des frais de compensations des terres
cultivables et l’accessibilité des acteurs dans ladite industrie.

II. PASSAGE DES LIENS CONSENSUELS AUX LIENS CONFLICTUELS AU NIVEAU


FAMILIAL
Les liens conflictuels dans la commune de Bana au niveau familial s’expliquent par la
gestion des frais de dédommagement des champs impactés par l’exploitation industrielle de l’or
et l’accessibilité des acteurs à des emplois rémunérés dans ladite industrie.

1. Gestion des frais de dédommagement des champs impactés


L’exploitation industrielle de l’or au Burkina Faso dépend du droit foncier général. Les
sociétés minières doivent se mettre d’accord avec les propriétaires fonciers, ce qui peut vouloir
dire leurs verser des compensations. Selon GRÄTZ Tilo (2011 :319) : « dès qu’un site minier
offre un potentiel permettant une exploitation industrielle, l’Etat se réserve le droit d’accorder à
une compagnie un permis de prospection et d’exploitation sur le domaine concerné. Les
propriétaires fonciers ont alors droit à une compensation adaptée (dont le montant est souvent
sujet de dispute), mais ils ne peuvent pas objecter sur le fond ». Dans la commune de Bana, les
différents champs impactés par la mine ont été dédommagés. Cependant, chaque membre de la
famille ayant les mêmes droits sur le patrimoine foncier, la gestion de ses frais de compensation a
rendu les liens conflictuels notamment les oppositions entre parents/ enfants et aînés/ cadets. En
ce qui concerne l’opposition entre parents/ enfants/ ; un enquêté témoigne que : « toutes nos
terres ont été retirées par SEMAFO mais dédommagées ; en tout cas, la gestion des frais a divisé
notre famille parce que c’est notre papa qui est le chef du lignage et le [MASSAKE] du village a
mal reparti entre nous ses enfants. Pire encore, il a retiré les terres qu’il nous avait données pour
l’exploitation. Et il s’est accaparé des frais de dédommagement de nos terres. Il nous a fait
comprendre qu’il est le propriétaire de ses terres qu’il nous avait légué. Cela fait que de nos
jours, il n’y a plus de respect entre lui et certains de ses enfants. Pourtant avant il y avait un bon
climat entre nous. L’implantation de l’industrie a engendré beaucoup de conflits dans les

58 | P a g e
familles. Il y a certains enfants qui ont même convoqué leur père parce qu’il a refusé de partager
avec leurs enfants les frais de dédommagement. C’est le préfet qui a intervenu dans certains
conflits familiaux afin de trouver un accord dans le partage des frais de dédommagement et des
champs restant non impactés»10
S’inscrivant dans la même logique, un de nos répondants s’exprime que : « les mésententes
que j’ai assistées, c’est entre un fils et son papa parce que le fils a détourné les frais et son papa
l’a maudit devant tout le monde dans le village et il était obligé de sortir de la cours familiale
jusqu’à ce que son papa soit décédé actuellement. L’argent là même ! Est fini chez son fils et il
n’a pas pu réaliser quelque chose »11.La gestion des frais de compensation au sein de plusieurs
familles généré des rapports conflictuels entre certains parents et leurs enfants dont la
conséquence est la remise en cause d’une part de l’autorité parentale et d’autre part conduit dans
certains cas à l’ exclusion des enfants de la cellule familiale ou de l’unité de production.
Selon une autorité de l’administration de la commune de Bana, qui est une personne
ressource, vient dans une perspective de confirmation des différents discours en soulignant que :
« bon ! Comme je suis adjoint au maire de la commune de Bana, on a vraiment assisté à
plusieurs conflits liés à la répartition des frais de dédommagement au niveau familial. C’est moi
de fois je fais appel à la famille en cas de mésentente et à travers une audience, nous procédons à
la répartition des frais pour que chacun gagne sa part qui lui revient. (…), il y a des familles où
les enfants et les parents se sont séparés et on était contraint de partager au-delà des frais leur
champ restant non impacté. Généralement les bagarres constatées, c’est entre fils et papa où le
fils même a convoqué son papa à la préfecture. En tout cas ! C’est le problème de
l’analphabétisme et le montant que le chef de famille a pris qui entraine ces mésententes parce
qu’il y a certains chefs qui n’étaient pas ouvert avec leur famille, aussi ce n’est pas tout le monde
qui sait lire à plus forte raison de lire le montant inscrit sur le reçu (…), il y a des enfants même
qui ont détourné les fonds et dire à leurs parents que SEMAFO n’a pas encore dédommagé » .
Au regard des discours de ces enquêtés, il ressort que la gestion des frais de
dédommagement des champs impactés semble ne pas consolider l’institution familiale mais
entraine plutôt sa nucléarisation. C’est ainsi que nous avons vu, PARSONS Talcott in

10
Entretien avec un agriculteur du village de Dangouna, marié, animiste, sans niveau d’instruction
11
Entretien avec un jeune du village de Bissa employé à SEMAFO, niveau primaire, chrétien, marié
59 | P a g e
MENDRAS Henri (1983 : 233) qui souligne que : « l’industrialisation a eu pour conséquence
de faire éclater la famille traditionnelle, d’abord en l’isolant de son réseau de parenté, puis en
réduisant la taille du groupe domestique à un ménage conjugal avec un petit nombre d’enfants.
Ainsi apparait la « famille nucléaire ». Ce groupe n’est plus qu’une unité de résidence et de
consommation. Il a perdu la plupart de ses fonctions traditionnelles, politiques, religieuses et de
productions ». C’est dire que dans la commune de Bana des oppositions entre parents/ enfants
liées à la gestion des frais de champs affectés par l’activité minière a entrainé un effritement du
lien social.
Les disputes entre aînés / cadets s’inscrivent dans la même logique. Comme l’atteste, les
propos d’un responsable CVD du village de Bana: « on a beaucoup de nos champs qui ont été
détruits par la mine contre le dédommagement. Bon ! Il y a eu des bagarres parce que le jour
même de paiement des frais ; deux frères (aîné/ cadet) se sont frappés jusqu’à déchirer certains
billets de 10 000F mais on les a séparé. C’est nous les responsables de CVD qui avons gérer
beaucoup de ces mésententes familiales ».
Dans la même logique un enquêté affirme que : « Dans notre famille, ça chauffe
actuellement, d’abord je suis le grand frère et c’est mon nom que SEMAFO avait écrit lors de
l’enregistrement. Le jour même de paiement mes frères se sont révoltés contre moi devant les
gens donc on a partagé les frais de dédommagement et le reste de champs non impactés. De nos
jours, on ne travaille plus ensemble car on ne s’entend pas, pire encore SEMAFO nous ait dit
que nos terres ne nous appartiennent plus, ça fait que d’autres personnes pleuraient le jour du
paiement ».12
Loin de s’inscrire en faux, une femme mariée du village de Yona témoigne que :
« SEMAFO a retiré nos champs mais dédommagé, lors de la répartition il y a eu des bagarres
entre enfants dans notre famille. Comme c’est une famille polygame et notre mari aime une
femme plus que nous les autres femmes donc les enfants de notre coépouse ont eu plus d’argent
que nos enfants, ça fait que les enfants se sont frappés et nous les femmes, on vit ensemble mais
on ne s’entend pas et d’autres enfants sont sortis de la cour pour aller construire ailleurs avec

12
Entretien avec un agriculteur du village de Somana , marié, chrétien, sans niveau d’instruction
60 | P a g e
leurs femmes et leurs enfants. Ah ! Nos maris nous ont rien donné comme argent dans les frais
de dédommagement »13
Par contre, d’autres enquêtés témoignent d’une gestion des frais qui n’a pas entraîné des
conflits dans leur famille. Cela se justifie par les Propos d’un de nos enquêté : « SEMAFO a
retiré beaucoup de nos champs plus de 6 hectares et demis mais dédommagé. Je suis allé
chercher les frais moi-même. On a fait une réunion familiale pour décider de la gestion et on
s’est entendu pour payer des champs dans d’autres villages. Par contre dans la famille voisine
deux frères ne se sont pas entendu parce que lors du paiement de la 1ère tranche, c’est le grand
frère qui a géréla somme, mais à la 2ème tranche, le petit frère s’est opposé en disant que son
grand frère avait mal géré la 1ère tranche donc la gestion de la 2e tranche doit lui revenir. Ils
étaient obligé de saisir la préfecture pour la résolution et se sont séparés »14.
Tout en mettant en exergue les oppositions entre Parents/ Enfants et Ainés/ Cadets, il faut
mentionner que dans le contexte actuel de recomposition sociale des villages de Bana, Wona,
Somana, Dangouna, Yona et Bissa, l’institution familiale connaît des secousses du fait de la
gestion des frais de compensation des champs impactés par l’exploitation industrielle de l’or.
En effet, les modalités de déploiement individuelles ou collectives qui s ‘effectuent entre les
acteurs dans le but d’une maximisation du profit des frais de dédommagement a créé des
contradictions d’intérêts manifestes dont les incidences contribuent à fracturer les liens
domestiques « patriarcales » au ménage. C’est dans ce contexte que nous épousons l’idée
MENDRAS Henri (1983 : 190) selon laquelle : « Dans une situation conflictuelle sociale
donnée, la maximisation des avantages est un rêve que le réaliste ne prend pas réellement en
compte. Son but n’est pas d’obtenir quelque chose qui améliore sa situation et diminue ses
faiblesses. Le but est de se trouver au bout du conflit dans une meilleure position de pouvoir
relatif par rapport à l’autre ».Aussi, ces tensions familiales s’expliquent par le fait que certains
aînés de par leur position d’autorité patriarcale dans l’unité de production tendent à adopter une
gestion des frais de dédommagement fondé sur les règles traditionnellement établies notamment
le droit d’aînesse (c’est l’aîné qui définit les règles de fonctionnent de la survie de l’unité de
production). Or, dans la plupart des cas ces derniers s’inscrivent dans une logique

13
Entretien avec une femme mariée du village de Yona, niveau primaire, musulmane (membre du groupement
féminin Gnongondémè)
14
Entretien avec un agriculteur du village de Yona, musulman, marié, niveau primaire
61 | P a g e
d’accaparement des richesses. Du coup, les cadets qui sont considérés comme sans autonomie
d’exploitation sont en désaccord avec cette mise en œuvre traditionnelle de gestion dont l’issue
dans certains cas est l’avènement d’un nouveau mode de gestion. Il est important de noter que
dans ces villages, la famille est une institution tellement consubstantielle à la société que ses
mutations peuvent apparaître comme le reflet des changements de la société globale autant que,
comme, un des mécanismes de mutation de la société globale.
Pour la gestion de ces conflits au sein des différentes familles dans la commune de Bana,
les catégories sociales en adversité saisissent l’entreprise de reconstitution du champ juridique
telle que la mairie ou la préfecture considérée comme un espace d’orchestration des relations
constitutives du système de médiation sociale ou encore le droit coutumier. Les protagonistes
sont obligés d’accepter la médiation du préfet ou du maire parce qu’ils disposent d’une force
légitime.
Par ailleurs, il est capital de signaler que si les frais de dédommagement ont bouleversé le
microsocial qu’est la famille dans ces villages, cela ne s’avère pas être le cas dans certaines
cellules familiales où le risque de conflit est minime comme l’atteste un enquêté : « SEMAFO
nous a retiré 13ha, on n’a plus de champs de culture. Oui ! On a été dédommagé à 18 000 000F.
J’ai donné l’argent au vieux et il nous a réuni en famille, repartit les frais, chacun a eu la part
qui lui revenait ; d’autres frères ont construit et se sont mariés, moi je suis allé payer un champ
dans les villages environnant. On s’entend en famille seulement qu’on ne travaille plus
ensemble ».15
Le dépouillement de ces propos révèle que, malgré la minimisation du risque de
discordance liée à la gestion des frais de dédommagement dans certaines familles, la crise du
réseau social de base reste une réalité dans cette commune de Bana et se manifeste par
l’éclatement familial. Par conséquent, le constat de terrain révèle également que, plus SEMAFO
serait en pleine activité à travers ses opérations de dynamitage pour la récupération de l’or, plus
les espaces de productions agricoles seront impactés et les institutions familiales dans ces
différents villages seront loin d’être des systèmes en équilibre mais un jeu de forces
contradictoires qui sécrète et organise le changement.

15
Entretien avec un agriculteur du village de Yona, marié, musulman, sans niveau d’instruction
62 | P a g e
L’émergence du conflit au sein de la cellule familiale, ne s’explique pas uniquement par la
gestion des frais de dédommagement, mais aussi par l’accès des acteurs aux emplois rémunérés
au sein de l’entreprise SEMAFO.

2- L’accès à des emplois rémunérés et conflits familiaux


Les réalités observées dans la zone d’étude démontrent l’existence de conflit au sein des
familles qui découle de l’accès des acteurs à des emplois rémunérés dans l’industrie
d’exploitation de l’or. Ainsi, pour un de nos répondant : « Mon petit frère est employé à
SEMAFO ; de nos jours, à vrai dire on ne s’entend pas parce qu’il a l’argent maintenant. A
chaque fois qu’il y’a un problème familial, c’est lui on écoute parce que je n’ai rien malgré que
je suis grand frère. On ne me considère plus or avant c’est moi qui organisait tout en famille
surtout les travaux aux champs. On n’a pas fait bagarre mais dans notre cœur, on se déteste et
quelque fois des petites discussions. Aussi, avant qu’il ne soit recruté il était marié mais
actuellement ce sont des problèmes puisqu’il ne considère même plus sa femme encore moins
nous les grands frères ».16
L’ancien délégué du village de Somana, allant dans le même sens, précise que : « J’ai deux
enfants qui sont employés à SEMAFO. Là où je ne m’entends pas avec eux c’est le problème
d’argent ; quand ils touchent leur salaire, ils mettent dans la poche et me donne rien par contre
ils ne s’entendent plus avec mes enfants qui ne sont pas recrutés, ça fait que chaque fois c’est
des disputes entre eux que je tente de gérer. A cause de ces mésententes, ils refusent
actuellement de partir au champ et veulent travailler à SEMAFO. »
Dans le même ordre d’idée un migrant dans le village de Wona souligne que : « j’ai
assisté à une dispute entre Ainé /cadet parce que c’est le petit frère qui est employé à SEMAFO
et ne respecte plus de nos jours son grand frère. C’est le petit frère même qui commande dans
leur famille car il a ses propres moyens financiers. Il est sorti même de la cour familiale pour
aller construire ailleurs ».17
Par contre, un jeune employé à SEMAFO témoigne l’absence de mésententes avec les
autres membres de sa famille « on s’entend en famille et c’est moi je contribue beaucoup pour

16
Entretien avec un agriculteur de Bana, musulman, sans niveau d’instruction, marié
17
Entretien avec un migrant dans le village de Wona, célibataire, Mossi, niveau secondaire, musulman
63 | P a g e
les besoins sociaux tels que le paiement des ordonnances médicales, scolarisation et je donne
l’argent à mon grand frère quand il me demande. Mais dans certaines familles les employés ne
s’entendent pas avec leurs frères ».18
Il apparaît à travers ces différents témoignages, l’existence de disputes entre aînés /cadets
du fait de leur accès à des emplois rémunérés dans la commune de Bana.
A la lumière de ce qui vient d’être développé, il reste que le travail salarial institutionnalisé
par l’industrie d’exploitation de l’or dans la commune de Bana a entrainé les conflits entre les
acteurs de la même cellule familiale. Ces conflits s’opèrent généralement entre aînés / cadets.
Ainsi, à partir de l’analyse des discours des enquêtés, il ressort visiblement que les différentes
oppositions sont manifestes quand ce sont des cadets qui sont employés à SEMAFO et latents
quand ce sont les aînés. Cette situation a pour conséquence l’érosion des rapports aînés /cadets.
Contrairement à certains auteurs tel que MEILLASSOUX Claude (1992) qui avait mis en
évidence les rapports de dépendance et d’exploitation entre aîné / cadet, dans la commune de
Bana en perpétuelle recomposition, la tendance a changé avec l’accessibilité des acteurs locaux à
des emplois rémunérés dans l’industrie d’exploitation de l’or. En effet, les cadets employés
expriment de plus en plus une volonté d’autonomisation qui entraine la scission de l’exploitation.
Cela se justifie par le fait que la mobilité sociale ascendante des cadets les amène non seulement
à contribuer aux besoins sociaux de l’unité de production plus que les aînés, ou à s’écarter de
l’unité de production. Ainsi, l’organisation sociale qui se fondait sur les principes d’aînesse
impliquant les rapports d’autorité et de subordination se désolidarisent. Par contre, les rapports de
dépendance et d’exploitation ont demeuré dans les lignages où se sont les aînés qui sont
employés à SEMAFO.
Par ailleurs, il faut signaler que l’appréciation de ces changements par les acteurs locaux
converge sur un point qui est l’expression d’un sentiment d’insatisfaction et ils s’interrogent du
même coup sur la question après mine. Comme ce fut le cas de POURA où le chef de village (in
ORCADE 2006 : 42-43) disait que : « les blancs sont venus nous trouver dans nos cases et sont
partis nous laisser dans nos cases ». Les habitants des villages qui ont connu la délocalisation (le
village de Somana et Dangouna) soulignent qu’ils sont plus touchés que les autres villages car les
nouvelles constructions de maison en pierre taillée sont très petites et ne peuvent contenir tous les

18
Entretien avec un jeune employé a SEMAFO résidant à Bana, célibataire, musulman sans niveau d’instruction
64 | P a g e
bagages alors qu’avec les cases, ils n’avaient pas ces difficultés. Ils affirment aussi qu’ils ne sont
pas proches de leurs anciens voisins. Par conséquent, la délocalisation et la réhabilitation a fait
que les acteurs locaux affirment ne pas trouver l’armature sociale d’avant. Par contre les acteurs
locaux qui sont employés apprécient positivement les actions menées par SEMAFO, ce qui
dénote l’expression d’intérêt individuel. Aussi, d’autres difficultés rencontrées par les acteurs
résident dans les opérations de dynamitages qui fissurent les bâtiments, et la poussière qui les
exposent aux maladies. La population riveraine se plaint également d’une part de la diminution
de plus en plus de l’eau de puits et de forages à travers l’utilisation de ladite ressource pour
l’activité industrielle de l’or et d’autre part, cela affecte la bonne pratique de l’élevage en ce sens
que la destruction végétale induite par l’exploitation de la mine fait que les herbes deviennent
rares pour les troupeaux. Un tel constat nous amène à poser l’hypothèse selon laquelle il existe
une inadéquation entre l’exploitation minière et les objectifs de la Stratégie de Croissance
Accélérée pour un Développement Durable(SCADD) initiée par l’Etat Burkinabé, si nous
entendons par développement durable, un développement qui répond aux besoins des générations
du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

III. NOUVEAUX TYPES DE COMPORTEMENTS DES JEUNES


Dans la commune de Bana en particulier le village de Wona situé au cœur des autres
villages environnant, le constat est la prolifération des activités économiques notamment les
cabarets modernes(les bars), le travail salariat et l’avènement de la prostitution induits par la
dynamique d’exploitation industrielle de l’or. Ces différentes activités économiques ont conduit
les acteurs locaux particulièrement les jeunes à l’adoption de nouveaux types de comportements
dont les effets se répercutent sur les réseaux sociaux de base anciennement établis. Dans les
lignes qui suivent, nous verrons les nouveaux types de comportements des jeunes garçons
employés à SEMAFO en essayant d’établir une relation avec les nouveaux types de
comportements des jeunes garçons non employés et aussi les jeunes filles.

65 | P a g e
1- Nouveaux types de comportements des jeunes garçons
Dans la commune de Bana, les jeunes ouvriers pour les emplois non qualifiés ont adopté de
nouveaux comportements. Le nouveau type de comportement observable est la fréquentation des
bars et des prostituées. Les points de vue recueillis sur le terrain bien que tendant à être
divergeant justifient tout de même ce constat. Ainsi, pour un de nos enquêté employé à SEMAFO
résident dans le village de Bana: « je suis employé à SEMAFO. En tout cas je fréquente de temps
en temps les bars avec mes collègues de travail. Avant je ne fréquentais pas mais comme je
gagne un peu d’argent et aussi il y a des bons maquis comme pour Ouagadougou donc on part
s’amuser. Les filles là me dérangent beaucoup parce que chacune veut sortir avec moi mais je ne
les considère pas. Ce sont mes amis qui fréquentent les prostituées. Avec mes anciens amis on
n’a plus le temps pour causer ensemble et il y a d’autres qui sont jaloux de mon recrutement à
SEMAFO alors que, quand SEMAFO est venu nouvellement, les gens étaient réticents mais
comme ils ont vu que nous, on gagne l’argent maintenant chacun veut travailler ».
Par contre, d’autres employés ne fréquentent pas les maquis et justifient cela par leur
position sociale actuelle en famille comme le montre les propos d’un enquêté : « Je suis employé
à SEMAFO mais je ne fréquente pas les bars ni les prostituées parce qu’il y a trop de problèmes
en famille actuellement auxquels je contribue financièrement. Aussi je suis en train de construire
une maison donc je ne peux pas m’adonner à cette vie. Par contre, j’ai un collègue qui touche
plus de 300 000F par mois et il me dit que quand tu travailles, il faut bien vivre donc il est tout
le temps dans les maquis avec les prostituées. Bon ! Je n’ai pas le temps pour causer avec mes
anciens amis et d’autre même sont aigris de moi »19. En décortiquant ces propos, il en ressort des
aspects positifs du changement social.
Selon un enquêté non employé à SEMAFO : « j’ai un ami employé mais de nos jours, on
se promène plus ensemble parce que ses collègues de travail sont devenus ses amis. Il ne
s’entend même plus avec son papa qui est un maître coranique car il passe son temps dans les
bars avec des prostituées »20
L’observation fait sur le terrain et l’interprétation des propos des enquêtés relatent
clairement que les jeunes ouvriers autochtones non qualifiés ont adopté des nouveaux types de

19
Entretien avec un jeune du village de Bissa, employé à SEMAFO, marié, niveau primaire, chrétien
20
Entretien avec un agriculteur du village de Wona, école coranique, marié
66 | P a g e
comportements qui s’observent généralement par la fréquentation non seulement des bars mais
aussi des prostituées. Dans les maquis étant sous l’effet de l’alcool, certains ouvriers exposent
leur argent. Une attitude qualifiée de « bouquantier » dans le jargon populaire ce qui favorise des
mésententes souvent avec les jeunes non employés. Et pourtant nous savons que c’est une
population à majorité musulmans soit 75% (rapport du conseil municipal de la Commune de
Bana, 2008 : 21). Ces nouveaux de types de comportements sont la résultante des activités
économiques interagissant des acteurs induits par l’exploitation industrielle de la mine. Par
conséquent le réseau social anciennement établi avec leurs amis se trouve ainsi bouleversé, et
apparaît la constitution de nouvelles relations en fonction de la catégorie socio- professionnelle. Il
est nécessaire de souligner que les nouveaux types de comportements de certains jeunes ouvriers
autochtones ont également entrainé des conflits au sein de leur famille rendant ainsi les liens
fragiles. Cependant, il faut noter que d’autres ouvriers ont changé de site d’habitation et sont
actuellement dans les nouveaux logements en dure qu’ils ont pu réaliser. L’émergence de ces
bâtis modernes marque le passage de la case ronde à la maison rectangulaire, qui est une
aspiration des jeunes paysans employés. Très rapidement ces types de comportements ou
attitudes des jeunes employés influencent les jeunes non employés qui se retrouvent également en
réseau aptes à adopter à leur tour de nouveaux comportements. Il s’agit d’abandon de l’activité
agricole ce qui est source de conflits avec les parents. Cela se justifie par les propos de cet
enquêté : « De nos jours, nous tous on veut travailler à SEMAFO par ce que ceux qui sont
recrutés pour les emplois non qualifiés touchent 300 000 à 400 000 F/ mois et vivent bien dans
les bars avec les jolies filles et d’autres même ont construit des belles maisons et aussi ils se
« gonflent » ! Il y a d’autres personnes quand elles prennent le repos, elles partent à Bobo ou
Ouagadougou pour se reposer dans les hôtels. Nous ne faisons plus les travaux agricoles. Pour
cela on ne s’entend pas avec les parents mais on a plus le choix que de travailler à SEMAFO. Il
fut un moment, on a voulu se révolter mais on nous a calmé et recruté quelques jeunes »21
Ce constat de terrain à notre avis montre que la manifestation du changement de
comportement des jeunes non employés s’exprime à travers l’abandon des activités agricoles et
les révoltes dont le but est d’amener SEMAFO à recruter. Il est important de noter que
l’observation faite sur le terrain a révélé d’une part que certains jeunes non employés fréquentent

21
Entretien avec un jeune agriculteur du village de Wona, célibataire, musulman, sans niveau d’instruction
67 | P a g e
aussi les débits de boissons et les prostituées et d’autre part les conflits familiaux découlant de
ces nouveaux types de comportements. Mais certains de ces comportements sont catalogués par
les acteurs locaux comme déviant telles que la fréquentation des prostituées et la consommation
de l’alcool. Dans ces localités de nos jours, tous les jeunes non employés « réfléchissent en
SEMAFO ».
Par ailleurs, il faut noter que les jeunes filles de la localité se trouvent du coup affectés non
seulement par les nouvelles attitudes des ouvriers salariés mais aussi de l’interaction avec les
filles prostituées.

2- Les nouveaux types de comportement des jeunes filles


Disons que dans les différents villages où les enquêtes ont été conduites nous n’avons pas
pu détecter une fille de la localité employée à SEMAFO. Les nouveaux types de comportements
des jeunes filles découlent de la fréquentation des cabarets modernes accompagnés des ouvriers
de SEMAFO et du rêve de se marier avec ces derniers. On peut souligner avec le responsable
administratif de la commune de Bana que : « Chaque fois, je fais des audiences concernant les
filles prostituées qui se frappent à cause des clients. Elles ont commencé à contaminer nos filles
d’ici parce que certaines d’entre elles se côtoient déjà dans les bars avec les ouvriers. Ce qui fait
que les filles de WONA refusent de se marier si ce n’est pas avec les ouvriers de SEMAFO. Il y a
certaines prostituées venues de Ouagadougou qui ont été chassées du village ».
Loin d’aller dans le sens opposé, le responsable de la fondation SEMAFO (chargé des
actions sociales de SEMAFO pour la commune), indique que : « Il n’y avait pas de vol et de
prostitution dans notre localité mais de nos jours avec l’arrivé de SEMAFO, c’est notre quotidien
et la naissance de quelque maquis. Nos propres filles sont devenues les prostituées dans les bars
parce qu’elles ne gagnent pas l’argent en restant en famille et refusent de se marier si ce n’est
pas avec les ouvriers de SEMAFO qui les donnent les portables ».
A travers ces propos, il ressort que les nouveaux types de comportements de certaines
jeunes filles de la commune rurale de Bana résultent de la fréquentation des bars accompagnés
des jeunes employés de SEMAFO et des possibilités d’interactions qu’offrent ces espaces avec
d’autres filles venues d’ailleurs, notamment les prostituées. De ce fait, une des conséquences est
la tentation à la prostitution. Ce qu’il faut noter en plus, c’est la tendance au choix délibéré du
68 | P a g e
conjoint orienté surtout vers les salariés. Ces nouvelles attitudes tendent à bouleverser le système
matrimonial traditionnel et contribuent à l’émergence de nouvelles formes de matrimonialité
induisant en retour des conflits au sein de la famille.
A la lumière de ce constat fait sur le terrain, il reste que, l’adoption des nouveaux types de
comportements des jeunes de la commune de Bana du fait de la diversité des activités
économiques induit par l’exploitation industrielle de la mine désorganise les réseaux sociaux de
base non seulement entre les jeunes eux-mêmes mais aussi avec leurs parents dont les incidents
contribuent à affaiblir peu à peu la solidarité naturelle qui animait les groupements locaux et
l’action collective.

IV. L’IMPACT DE L’EXPLOITATION MINIERE SUR LA PRODUCTION AGRICOLE


Cette partie est la conséquence des différents points traités précédemment qui se résument
en deux grands axes à savoir le délaissement de l’activité agricole au profit de la mine et les
espaces de production agricole impacté par la dite mine.

1- Délaissement de l’activité agricole au profit de la mine


Le travail salarial induit par l’activité minière dans la commune rurale de Bana à conduit la
plupart de la main d’œuvre agricole à abandonner l’activité agricole espérant trouver de l’emploi
à SEMAFO. Ainsi, un agriculteur du village de Wona affirme que : « je ne pars plus au champ
parce que je suis découragé de l’agriculture. Ah ! On ne gagne rien dans l’agriculture alors que
ceux qui sont employés touchent plus de 400 000 FCFA par mois ; donc nous tous on cherche à
travailler à SEMAFO ».
Les femmes également espèrent travailler à SEMAFO comme l’atteste les propos de cette
enquêtée : « nous les femmes aussi souhaitons travailler à SEMAFO, tel que le nettoyage. On ne
gagne rien en restant dans l’agriculture »22.
Ce constat de terrain laisse entrevoir que l’activité agricole dans la commune de Bana est
menacée, cela est dû à l’exploitation minière qui a eu pour conséquence la baisse de la
productivité. Conformément à la revue documentaire, MBODJB. Faty (2009) fait constaté

22
Entretien avec une femme mariée à Somana, ménagère, sans niveau d’instruction, musulmane.

69 | P a g e
l’expérience de la mine d’or de Sénégal, Mali et Guinée en montrant que l’implantation des
sociétés minières dans un contexte de crise du coton provoque les bouleversements des
calendriers qui structuraient les activités économiques rurales et instaurent un cercle vicieux. Un
ancien coton culteur qui décroche un contrat de six mois à la mine est sûr de gagner plus que s’il
cultivait du coton avec un salaire journalier de 2500frcs. Un mois de travail représente
70 000frcs. Il se retrouve ainsi avec 420 000frs sois pratiquement le triple des revenus d’une
production d’un hectare de coton de premier choix.
De ce qui précède, il reste qu’il y a une baisse de la productivité agricole dans la
commune rurale de Bana entrainant à la fois un déficit alimentaire et une augmentation du coût
des denrées dans les marchés locaux. En exemple, la diminution de la culture du riz dans la
commune de Bana a conduit les acteurs à importer le riz de Bobo Dioulasso et Dédougou. Ce qui
fait que le plat du riz qui était vendu à 150 francs est passé de nos jours à 450 FCFA soit le triple.
A ces conséquences liées au délaissement de l’activité agricole s’agrègent celles des champs
impactés par la mine.

2- L’impact de l’exploitation minière sur les espaces de production agricoles


Dans la commune rurale de Bana, l’activité minière et agricole se côtoie. De ce fait,
l’activité de SEMAFO ne se réalisant pas sur un espace neutre, elle procède au retrait de plusieurs
champs cultivables. Nous savons pourtant avec le rapport de la Direction Générale de
l’Aménagement du Territoire du Développement Local et Régional du Burkina Faso (2010 :
79) que SEMAFO détient huit permis sur une superficie de 1700Km² dans la province du
Mouhoun ( Kona, Bara, Bombouéla, Oula et Massala) et les Balés ( Mana-Ouest et Mana-Est,
Fobiri ). Par conséquent, les exploitations agricoles impactées par la mine entrainent une
augmentation de la pression foncière. La raréfaction progressive des terres cultivables qui en
découlent modifie du coup la pratique de la jachère. En témoigne les propos de cet enquêté :
« SEMAFO a retiré nos terres. On est obligé de cultiver sur les petits champs restant durant
plusieurs campagnes agricoles. Ça fait que notre production a beaucoup baissé. Aussi ce sont les
bonnes terres qu’ils ont retiré »23.

23
Entretien avec un agriculteur du village de Yona, Niveau primaire, Musulman Marié.
70 | P a g e
Par contre, dans le rapport du conseil municipal de la commune de Bana (2008), il ressort
que la production agricole pour ces dernières campagnes agricoles à augmenter. La production
des denrées alimentaires des deux dernières campagnes est présentée dans le tableau suivant :

Tableau 2 : Situation des denrées alimentaires pour les campagnes agricoles 2006-2008

Spéculation Rendement(t/ha) Superficie emblavée Production(t) Production


(ha) moyenne(t)
2006- 2007- 2006- 2007- 2006-2007
2007 2008 2007 2008(prévision)
Sorgho 0,8 22794 3213 2235 2570 2409
Maïs 3,0 1915 2202 5745 6606 6175
Riz 3,5 30 34 105 121 113
Mil 0,7 678 779 475 545 510
Total 8560 9842 9207
céréales
Niébé 0,4 422 485 169 194 181,5
Arachide 0,3 328 377 98 113 105,5
Source : ZATA BANA, septembre 2008

Ce tableau fait constater une évolution du rendement du riz et du maïs à l’hectare les plus
élevés. Mais le niébé et l’arachide ont connu des rendements à l’hectare faibles. En ce qui
concerne le coton, la monographie de Bana et de correspondant coton de Bana, Septembre 2008
dans le même rapport décrit l’évolution de la production cotonnière de 2001 à 2007.

Tableau 3 : Evolution de la production cotonnière ces trois dernières campagnes

Campagne 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2005-2006 2006-2007 2007-2008


Production 2600 2350 3350 4008 4140 2152
en tonne
Source : monographie et correspondant coton Bana (septembre 2008)

71 | P a g e
Ce tableau dresse une tendance générale de l’évolution de la production cotonnière les trois
dernières campagnes avec une chute de la production pour la campagne 2007-2008. Cependant,
un entretien réalisé avec un responsable technique d’encadrement agricole dans le village de
Bana (marié, niveau second aire, musulman), pour la discussion de ces résultats a révélé
qu’objectivement : « Ce sont des données qui ne reflètent pas la réalité puisque à chaque
campagne agricole, l’Etat nous impose les prévisions et au niveau des réalisations, on bonifie les
données de chaque prévision ou on reporte les mêmes données de prévision comme réalisation.
Ah ! Comme l’Etat a des objectifs qu’il vise, sinon il n’y a pas eu des enquêtes qui ont été mené
pour avoir ces données. De nos jours, avec l’activité minière il y’a beaucoup de paysans qui ont
perdu leurs champs mais dédommagés. Nous même on constate que la production agricole baisse
au fur et à mesure qu’on évolue dans le temps mais on ne peut rien dire ».

En décryptant ces discours, la baisse de la productivité agricole dans la commune rurale de


Bana reste une réalité qui s’impose à l’observation. Allant dans le même sens, MBODJB. Faty
(2009 :13-15) souligne que : « Dans la CRD (communauté rurale de développement) de Kintian,
les activités extractives de la SAG perturbent considérablement l’agriculture, à travers
notamment la baisse des superficies cultivables et les nombreux cas d’expropriation qu’elles
occasionnent » dont la conséquence a précédemment évoqué le déficit alimentaire.

Il est important de souligner par ailleurs que le bouleversement des réseaux sociaux liés à
l’activité minière dépassent le simple cadre familial et s’étend également au niveau
communautaire et inter- communautaire.

72 | P a g e
CHAPITRE III : L’IMPACT DE L’EXPLOITATION INDUSTRIELLE DE L’OR SUR
LES RELATIONS COMMUNAUTAIRES ET INTERCOMMUNAUTAIRES

I. CONFLITS COMMUNAUTAIRES
L’étude menée a révélé des contradictions communautaires qui s’expliquent par la gestion
de recrutements des jeunes au niveau local dont les conséquences rendent distant les rapports
sociaux.

1. Liens conflictuels entre la population et les élus locaux


Les procédures de recrutement des jeunes pour l’accès à des emplois salariaux sont sources
de mésententes entre une catégorie de la communauté et les élus locaux. Il est à retenir du
discours de ces derniers que ce sont généralement les enfants de [massake]24 qui pour la plupart
du temps sont employés dans cette industrie. Le recrutement des jeunes semble donc être
considéré comme un business. De ce fait, les membres du CVD ont pris en charge la gestion de
ladite question. Cet état de fait, créé ainsi une discorde entre d’un côté la population et le
[massake] et de l’autre entre le [massake] et les CVD. Cela à comme illustration des propos de ce
répondant qui stipule que : « Nos élus locaux ont la plupart des enfants qui sont employés et
dans notre grande famille, il n’y a pas un enfant embauché. Tout le monde est mécontent du chef
du village parce qu’il partait à SEMAFO, faire des déclarations qu’on a tel problème dans le
village, SEMAFO lui donne l’argent, il bouffe. Ah ! C’est un chef d’affaire ce qui fait que les
gens se sont révoltés dans le village et on a pris certains de ses pouvoirs donné au CVD. C’était
le détournement qu’il faisait »25.
S’inscrivant dans la même perspective mais de localités différentes, un migrant peulh dans
le village de Bissa (marié, école coranique) souligne que : « Dans notre quartier « Flaki », il n’y
a même pas un jeune qui a été recruté. Ce sont les conseillers et les délégués du village qui
prennent les jeunes de leur quartier pour donner à SEMAFO et on ne nous considère pas. Ils

24
Chef du village
25
Entretien avec un agriculteur du village de Dangouna, sans niveau d’instruction, marié, animiste.
73 | P a g e
disent qu’on n’a pas de diplôme or dans leur quartier, il y a beaucoup de jeunes qui sont recrutés
sans diplôme. C’est ça qui a créé des mésententes actuelles entre nous et les élus locaux ».
Par contre le responsable administratif de la commune de Bana ( responsable du comité
local de recrutement) exprime que : « Au niveau du recrutement au départ les gens déposaient
individuellement leurs dossiers mais à un certain moment, les jeunes voulaient se révolter parce
que SEMAFO n’arrivait pas à prendre tout le monde et avec la pression des revendications, nous
les responsables de la mairie les avons calmé et SEMAFO a dit de mettre en place un comité
local de recrutement pour les emplois non qualifiés en mars 2011. Moi-même qui suis le maire
adjoint, je suis dans le comité. A chaque recrutement je dis à chaque village d’envoyer les
dossiers et on essaie de faire la répartition. Ça fait qu’on m’accuse dans le village de nos jours
que toute ma famille travaille dans SEMAFO alors que c’est mon petit frère, l’enfant de mon
grand frère et mon premier fils seulement qui sont employés ».
Ces constats ci-dessus évoqués s’appliquent à toutes les six localités. Il ressort de ces
discours des enquêtés qu’au début de l’activité minière, le recrutement des jeunes de la localité
pour les emplois non qualifiés se faisait individuellement c'est-à-dire que chacun déposait
individuellement ses dossiers. Mais la tendance actuelle est l’engouement de la population locale
autour de la mine. La plupart des paysans ont abandonné leurs champs espérant trouver un
emploi à la mine. SEMAFO n’arrivant pas à recruter tous les jeunes de la commune alors qu’:
« Au début, quand SEMAFO est venu en 1998, ils ont convoqués nous les autorités coutumières
pour discuter de l’activité minière. Nous avons refusé et SEMAFO nous a dit que si on accepte,
notre pauvreté est finie qu’on ne va plus pratiquer l’agriculture puisqu’ils vont recruter tout le
monde donc on était obligé d’accepter en les faisant des bénédictions. Mais aujourd’hui ce n’est
pas le cas et on a compris qu’ils nous ont flattés. Actuellement on a dit au responsable de la
mairie de dire à SEMAFO que [an yi dugamike ko semafokayan, an bise ka dugake ko semafo ka
tchien]26»27. Le non-respect des promesses faites par SEMAFO a contribué à révolter les jeunes
qui ont réclamé leur employabilité, ce qui a conduit à la mise en place d’un comité local de
gestion de recrutement. Ce comité est animé par les élus locaux et administratifs. Mais cette

26
La bénédiction qu’on a faite pour que SEMAFO aille de l’avant, nous allions faire cette même bénédiction pour
qu’elle retourne en arrière.
27
Entretien avec une autorité coutumière du village de Bana, Marié, Animiste, agriculteur, sans niveau
d’instruction.
74 | P a g e
procédure de recrutement de la main d’œuvre est source de conflit entre certains membres de la
communauté et les élus locaux. En effet, les élus locaux sont accusés de favoritisme et de
clientélisme dans le recrutement dont les incidences continuent à cliver les communautés des
différents villages étudiés.
Dans la même perspective DIALLO Mouhamadou L. (2007 : 07) fait constaté
l’expérience de la mine de Sabodala (Sénégal oriental) : « en 2006, à la suite d’accusations de
favoritisme et de clientélisme dans le recrutement, portées par la population à l’encontre du chef
de village (enquête personnelle), un comité dirigé par le sous- préfet est mis en place. Le comité
gérait à la fois le système de recrutement de la main d’œuvre locale et les tensions entre la
société minière et les populations riveraines. Théoriquement, il était constitué du sous-préfet, des
chefs des villages de Sobodala et Faloumbou, des représentants de la jeunesse et de conseillers
ruraux. Mais, dans la pratique, les autorités décentralisés y étaient peu impliquées et le sous-
préfet, coordonnateur du comité, a été confiée au chef du centre d’Appui au développement
(CADL), qui représente les services techniques de l’Etat au niveau local : Destitué pour des
raisons similaires, son poste est aujourd’hui confié au président des jeunes de la communauté
rurale ». Ces mésententes liées au processus de recrutement des jeunes contribuent certes à
distendre les liens entre certains membres de la communauté et les élus locaux mais aussi rendre
les rapports inter- familiaux conflictuels.

2. Conflit inter familial


Les conflits entre familles sont généralement latents et cela s’expliquent par la gestion du
recrutement des jeunes à la SEMAFO. Les différentes familles où il y a l’absence d’un enfant
recruté à la SEMAFO sont directement en désaccord avec celles qui ont des jeunes employés
parce que « c’est la corruption sinon nos enfants seraient employés »28, ce qui témoigne de
l’existence de relation distendue entre d’un côté les parents, de l’autre les jeunes. Les oppositions
entre autochtones et migrants se sont évidemment accentuées dans cette commune de Bana du
fait, également de la problématique de l’employabilité des jeunes dans ladite industrie comme le
soutient les propos de ce migrant peulh « on ne peut même pas s’entendre avec les autochtones

28
Entretien avec agriculteur du village de Bana, Marié, Musulman, sans niveau d’instruction.
75 | P a g e
en ce sens qu’on n’a pas un enfant recruté. Ils disent que nous les peulh, sommes les étrangers
alors qu’on est tous burkinabè »29.
Les réalités observées dans la zone d’étude démontrent que les acteurs principaux dans
l’arène des conflits sont bien sûr les employés, les non employés et leurs familles respectives.
Pour les acteurs d’antagonisme, les conflits résident dans la perception que les uns ont des autres.
En effet, les non employés estiment que ceux qui sont employés sont parvenus à bénéficier de
leur position par le biais de l’affairisme et le jeu des affinités. Par conséquent, les différents
parents respectifs en état de tension émanent des précédents.

II. CONFLIT INTER- COMMUNAUTAIRE


Les jeux de forces inter - communautaires semblent en réalité, subordonnés à des stratégies
des acteurs locaux pour bénéficier des retombés de l’activité minière.

1- Stratégies liées à la revendication du statut de commune intégrale


Dans sa dynamique du développement économique et de consolidation de la démocratie, le
Burkina Faso s’est engagé depuis plus d’une décennie dans le processus de décentralisation.
C’est dans ce contexte de communalisation intégrale que Bana est devenu commune rurale
regroupant dix villages. L’arrivée de l’activité minière semble ne pas consolider la commune
mais plutôt à son clivage. En effet, les acteurs locaux déploient des stratégies pour pouvoir
bénéficier des retombés de la mine. L’une des stratégies de certaines localités est la revendication
du statut de communalisation intégrale qui ne veulent plus relever de la commune de Bana parce
qu’: « à chaque fois qu’on formule une demande d’aide auprès de SEMAFO tel que le
lotissement, la mairie refuse de signer notre dossier et dit que le lotissement doit commencer à
Bana alors que notre localité Wona est le plus gros village et SEMAFO est prêt pour lotir. C’est
à cause de ça on veut actuellement être une commune intégrale à part pour bénéficier du
lotissement et de l’électrification. Là aussi la mairie a bloqué nos dossiers. On était contraint de
saisir le gouvernorat dont la gestion du dossier est arrivée au ministère mais jusqu’à présent ça
traine. De nos jours, on ne s’entend plus avec le village où il y a le chef-lieu de la commune et
29
Entretien avec un migrant peulh résident dans le village de Bana, éleveur, Marié, école coranique.
76 | P a g e
cela s’est amplifié à travers les conflits liés à la culture du coton »30. Les autorités
administratives de la mairie ont confirmé les propos de cet enquêté et ajoutent que : « cette
situation est liée à la complicité de SEMAFO et on les a dit tout simplement de ne pas diviser
notre commune ». Ces conflits se manifestent à la fois par des tensions et des barrières sociales,
des actions politiques et violentes confrontations dont la persistance contribuent à mettre fin au
renforcement du caractère collectif de la vie sociale qui était perçue comme un investissement en
terme de ‘’ capital social’’ par les acteurs locaux.
Au-delà de cette concurrence inter- communautaire qui s’effectue à travers l’expression
d’Olivier de Sardan J. P (2003) “ Les stratégies de mise en scène’’, il reste que la gestion des
retombées de l’activité minière contribuent à la distanciation des liens inter- communautaires qui
risquent d’aller à l’encontre de l’implication des acteurs locaux dans la gestion de leur territoire
comme le prévoit l’article 91 du code général des collectivités territoriales, « les collectivités ont
la responsabilité de l’élaboration des plans locaux de développement et la maîtrise d’ouvrage et
gestion des investissements cofinancés ». (Le rapport du conseil municipal de la commune de
Bana, 2008 : 08).
Par ailleurs, les stratégies liées à l’employabilité des jeunes ont amplifié les tensions et les
contradictions inter- communautaires.

2- Stratégies de recrutement des jeunes et conflits intercommunautaires


Les points de vue constatés sur le terrain bien qu’hétérogènes, convergent sur l’élément
fondamental notamment les stratégies adoptées par les acteurs dans le processus de recrutement
des jeunes. Ces stratégies sont sources de conflit inter- communautaire. C’est ainsi qu’une
autorité coutumière du village de Bana souligne que : « SEMAFO est venu nous séparer avec les
autres villages à cause du recrutement parce que le comité local de recrutement, au moment du
recrutement modifie les listes que chaque village les envois et à notre surprise, on voit qu’il y a
les localités ou 7 personnes sont employées et chez nous 2 personnes. C’est à dire qu’ils peuvent
prendre les jeunes de Wona et disent que ce sont les jeunes de Bana ». Ce qui remet du coup à
jour la question de la crédibilité locale de gestion de recrutement.

30
Entretien avec un agriculteur du village de Wona, Marié, Niveau Primaire, Musulman, Secrétaire des parents
d’élèves de l’école primaire de Wona.
77 | P a g e
A la lumière de ces constats faits sur le terrain, il ressort que la question de l’employabilité
des jeunes se pose avec plus d’acuité ce qui entraine une sorte de compétition inter-
communautaire pour l’accès à des emplois rémunérés. C’est dans cette concurrence que les
relations se bouleversent à travers les oppositions, par exemple le village où il y a moins de
jeunes recrutés sont automatiquement en désaccord avec, non seulement la SEMAFO mais aussi
les villages où se manifestent plus de jeunes recrutés. Ces rapports contradictoires ou conflictuels
entre les acteurs locaux vont aboutir au processus d’individuation et le risque de compromettre la
sécurité intercommunautaire à long terme. Par ailleurs, nous avons constaté qu’en dehors de ces
variables, d’autres facteurs tels que la pression démographique induit des rapports conflictuels.
En effet, cette pression démographique a contribué à engendrer une raréfaction des ressources
induisant une concurrence entre les utilisateurs pour l’accès à ces ressources. Cette concurrence
fait naître des conflits dont la persistance constitue un obstacle à la gestion efficiente et durable
des ressources naturelles. En outre, ces conflits ruinent les investissements déjà réalisé dans le
développement rural et compromettent le succès de ceux qui sont en voie d’être consentis. En
définitive, nous retenons dans ce chapitre que les tensions communautaires et
intercommunautaires s’opèrent par une multiplicité de facteurs induits par l’activité industrielle
de l’or. Ces changements auraient certes provoqués en retour de nouveaux conflits.

78 | P a g e
CHAPITRE IV : CONTRIBUTION DE SEMAFO AU DEVELOPPEMENT LOCAL DE
LA COMMUNE RURALE DE BANA

L’exploitation industrielle de l’or a un impact non seulement pour les entreprises minières
mais aussi pour l’économie du pays et particulièrement les populations riveraines. En effet, selon
les cahiers de la présidence du Faso, n°193 (2011), l’or se positionne comme le 1er produit
d’exportation du Burkina. La contribution de ce secteur minier au PIB était de 1 ,4% en 1987 est
tombé à 0,3% en 2001 suite à la fermeture de la mine d’or de POURA en 1999 pour remonter à
1% en 2007 ; 2% en 2008 et 2,8% en 2009 avec l’ouverture à partir de 2007 des mines de
Taparko, Youga, Mana, Kalsaba et Inata. Aujourd’hui, il est de 7,28%. Au niveau des
collectivités locales, les sociétés minières industrielles et artisanales soutiennent les communautés
afin d’améliorer leurs conditions de vie. Dans cette perspective, quelle est la place de SEMAFO
dans le développement local de la commune rurale de Bana ?

Conformément à la réglementation en vigueur à travers le code minier Burkinabè,


SEMAFO n’est pas resté en marge de cette procédure officielle même si de nombreux défis
restent à relever. SEMAFO BF SA a crée une fondation dénommée Fondation SEMAFO pour
améliorer les situations d’insatisfaction de la commune. Elle s’implique dans des projets de
développement communautaire, dans la formation et la valorisation des populations. Elle a trois
principaux domaines d’investigation : l’éducation et la formation, la santé et les activités
génératrices de revenus.

I- APPUI DE SEMAFO A L’AMELIORATION DES FORMATIONS SANITAIRES,


EDUCATIVES, ET D’EAU POTABLE
La fondation SEMAFO qui s’occupe du volet social et humanitaire a contribué au bien être
de la population locale.

79 | P a g e
1- Domaine sanitaire
La commune de Bana compte au total trois (3) CSPS fonctionnels respectivement dans les
villages de Bana, Wona et Yona. La réalisation concrète de SEMAFO est la dotation de ces CSPS
en énergie solaire et autres équipements tels que les lits et vêtements pour les patients. Cela
permettra aux personnels des formations sanitaires de travailler 24h/24h sans difficultés majeures
et de conserver les produits pharmaceutiques qui nécessitent le frais.

2- Domaine éducatif
L’observation directe et les entretiens faits sur le terrain ont révélé que la Fondation
SEMAFO a, au centre de ses préoccupations, le secteur éducatif. Ainsi, la fondation a construit
une école primaire (Ecole B de Wona) et un CEG en cours de réalisation. De ce fait, il faut noter
que toutes les 31 écoles de la localité ont bénéficié de : « 75 000 kits scolaires. Nous œuvrons
dans le sens du développement social. Les premières réalisations débutent en 2008. On a pu
construire une école primaire à Wona et le CEG est en cours de finissions. Tous les élèves
bénéficient de la cantine scolaire qu’on leur offre… » (Responsable de la fondation SEMAFO à
Ouagadougou). Le terrain a dicté également la rénovation de quelques tables et bancs d’écoliers.

3- Eau potable
Le problème d’eau étant au cœur de la préoccupation des populations de la commune de
Bana, la fondation SEMAFO a réalisé un forage dans le village de Bana. Ce forage contribue à
résoudre un tant soit peu à la problématique d’eau potable. Dans chaque école de la commune, la
Fondation entend réaliser un forage.

II- CREATION D’ACTIVITE GENERATRICE DE REVENUS

1- Emplois salariés
L’exploitation industrielle de la mine d’or a créé des emplois salariés dans la commune à
travers le recrutement des populations riveraines pour les emplois non qualifiés. Le rapport du
conseil municipal de la commune de Bana (2008) fait constater la situation des emplois créés
par SEMAFO.
80 | P a g e
Tableau 4 : Situation des emplois crées par la SEMAFO

Type Sécurité Usine Restauration Gardiens Total


d’emplois d’exploitation

Nombre 44 12 30 15 101

Source : Mairie de Bana, septembre 2008

C’est dire que dans la commune de Bana, jusqu’à 2008, il y avait 101 ouvriers. Les entretiens
réalisés sur le terrain nous dictent que le salaire de ces ouvriers varient entre 300 000 et 400 000
F par mois selon les types d’emplois. Ce qui a permis à ces employés de bénéficier d’un niveau
de vie dépassant celui de la simple subsistance. En exemple, certains contribuent aux services
sociaux de la famille ou de l’unité de production. En témoignent les propos de cet employé du
village de Somana: « Je suis employé de SEMAFO. En tout cas, je gagne plus de 300 000 F. Bon,
je paie actuellement les ordonnances, la scolarisation des enfants. J’ai même construit à Bobo et
à Dédougou pour mettre en location et j’envisage aussi faire un magasin pour mon petit frère ».
Ces propos montrent clairement l’amélioration des conditions de vie tant pour les ménages mais
aussi de la société globale.

2- Unité de Savonnerie
La fondation SEMAFO accordant une place importante aux projets générateurs de revenus
a apporté un appui à la mise en place d’une unité de production de beurre de karité biologique et
d’une unité artisanale de savonnerie en Février 2011, au profit des femmes à Yona en leur
garantissant des marchés extérieurs. Les femmes sont associées en groupement dénommé
« Gnongondémé » constitué d’un bureau exécutif de 14 personnes. Selon les cahiers de la
présidence du Faso n°193 (Novembre 2011), les femmes du groupement de cette unité ont
honoré une commande Canadienne de 8000 morceaux de savons certifiés bio et plus de 600
femmes bénéficient des retombées. Ces données sont confirmées à travers l’entretien avec la
présidente (marié à Yona, sans niveau d’instruction, musulmane) du groupement
« Gnongondèmè » : « on a un bureau de 14 personnes et c’est moi la présidente. Le groupement
fait au total 66 femmes. En tout cas comme toi-même tu vois, c’est le savon qu’on fabrique à base
de Karité. C’est la fondation SEMAFO qui a construit l’usine pour nous et ont trouvé les clients
81 | P a g e
au Canada pour nous. Comme c’est le début chaque femme du groupement touche 4500F par
mois ». Au-delà de ces constats faits sur le terrain, il reste que l’usine de savon qui est un cadre
d’expression des femmes est en même temps source de revenus permettant de satisfaire les
besoins secondaires.

82 | P a g e
CONCLUSION
Comme nous l’avons déclaré au début de la problématique de recherche que l’exploitation
industrielle de l’or dans un environnement traditionnel entraine nécessairement un changement
social, dans la commune rurale de Bana, les nouvelles mutations s’opèrent par le fait que les
réseaux unissant les acteurs s’établissent de nos jours sur la base des intérêts individuels. En
effet, les conflits familiaux naissent d’une part par l’accessibilité des acteurs aux emplois
rémunérés et d’autre part par la gestion des frais de dédommagement qui enchevêtrés contribuent
à distendre les rapports sociaux. Les nouveaux types de comportements adoptés par les jeunes
dans cette commune rurale génèrent des tensions entre les jeunes eux-mêmes et leurs parents
respectifs concourant à l’ébranlement des réseaux sociaux anciennement établis.
Nous avons vu aussi dans l’étude que le renforcement des contradictions entre les acteurs
locaux découlant de l’exploitation industrielle des mines s’étend au niveau communautaire et
intercommunautaire. Ainsi les manifestations d’intérêts individuels qui constituent des nouveaux
changements s’opérant en partie par une succession de conflits, sont eux-mêmes facteurs de
nouveaux changements. Le secteur minier est un de ceux où se saisissent de nos jours les
incompatibilités et les contradictions dans la commune de BANA. Toutefois, malgré la gestion de
ces oppositions pour mettre à l’écart la perturbation à long terme des relations sociales à travers
les instances juridiques au niveau communal qui sont des espaces de médiation sociale, le
bouleversement du réseau social est loin de prendre fin dans cette société « agricole ». Cela
suggère que l’existence ou la constitution d’un « capital social » n’évite pas toujours les conflits.
La mise en œuvre de ces rapports conflictuels ajoutés à la variation de la nature des rapports de
production influencent la productivité agricole dont la conséquence est l’insécurité alimentaire.
En outre, il s’avère nécessaire de préciser que la dynamique d’exploitation minière ne
peut être considérée uniquement comme facteur du changement social, seulement qu’elle joue un
rôle actif dans la transformation du monde rural à travers la dislocation des structures sociales en
mettant en contact milieu traditionnel et société moderne.
Par ailleurs, il a été évoqué dans l’étude des réalisations objectives de SEMAFO pour
contribuer à transformer les situations d’insatisfaction des populations riveraines.
Au regard de tout ce qui précède, le secteur minier burkinabé mérite une attention
particulière tant sur le plan juridico-politique, socio- économique, qu’environnemental.

83 | P a g e
BIOBIOGRAPHIE
Ouvrages

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 PAUGAM (Serge), 2007, le lien social, Paris/PUF, 127P
 RENOUARD (Gilles), MONTOUSSE (Marc), 1997, 100 Fiches pour comprendre la
sociologie, 2è édition, Bréal, 234P.
 RENOUARD (Gilles), MONTOUSSE (Marc), 2009, 100 Fiches pour comprendre la
sociologie, 4è édition, Bréal, 234P.
 RIVIERE (Claude), 1978, l’analyse dynamique en sociologie, Puf, 108Ed, 208P.
 ROCHER (Guy), 1968, Introduction à la sociologie générale, 2.l’organisation social,
HMH, Ltée, 252P.
 ROCHER (Guy), 1968, Introduction à la sociologie générale, 3. Le changement social,
HMH, Ltée, 318P.
 PAUGAM (Serge), 2002, La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvreté,
Paris, PUF, 1991, coll. « Quadrige ».
 DURKHEIM (Emile), 2007, la division du travail social, Paris, PUF,

Articles

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d’intuité, vol .51 Juillet-décembre 1971, Puf, Publié dans les cahiers internationaux de
sociologie.

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 BALANDIER (Georges) « tradition et continuité », Sociologie des sociétés en
changement, Vol. 44 Janvier-Juin 1968, Puf, Publié dans les cahiers internationaux de
sociologie.
 BOUCHER (Jacques.P), « Pauvreté, fragilités individuelles et habitat : Le rôle de
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le 01 Juillet 2005, Consulté le 08 Août 2011. URL :
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 CHAUVEAU (Jean-Pierre), 1978, contribution à la géographie historique de l’or en
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(en ligne), Numéro8/2009, mis en ligne le 26 mars 2009. URL : http :
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consulté le 02 août 2011.URL :hHp://dévelopementdurable.revues.org/7073.
 GRÄTZ (Tilo), « Orpaillage, droits d’usage et conflits sur les ressources Etudes de cas
au Bénin et au Mali » pp 303 - 325, in SD LARSEN (EyolfJul) LAURENT (Pierre-
Joseph) Le MEUR (Pierre Yves), LEONARD (Eric), Une anthropologie entre pouvoirs
et histoire, © IRD ET Karthala, 2011.
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Guinée », EchoGéo (en ligne), Numéro 8/2009, mis en ligne le 25 mars 2009, consulté le
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 PANELLA (Cristiana), « l’éthique Sociale du damansen », cahiers d’études africaines
(en ligne), 186/2007, mis en ligne le 31 mai 2010. URL : http :
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 TRANSLER (Anne-Laure), SAFFACHE (Pascal) et MOULLET (Didier),« l’activité
aurifère en guyane : contexte et perspective », Etudes caribéennes (en ligne), 5/Décembre

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URL :hHp://etudescaribeennes.revues.org /315.

MEMOIRES RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS

 Burkina Faso 2000, Burkina 2000 :les atouts économiques, Premier Ministère,
Abidjan : Promotion Afrique, P 80-95.
 Le rapport de la Direction Générale de l’Aménagement du Territoire du
Développement local et régional, 2010, profil des régions au Burkina Faso, P75-90
 Le rapport du conseil municipal de la commune de Bana, 2008, Diagnostic conjoint
de la commune de Bana, 30P.
 Les cahiers de la présidence du Faso, novembre 2011, n°193, Mensuel d’information,
19P.
 Loi n°031-2003/An du 08 Mai 2003 portant CODE MINIER au Burkina Faso.
 ORCADE, 2006, étude diagnostique du cadre institutionnel et juridique de l’activité
minière industrielle au Burkina Faso : cas de POURA et ESSAKANE, 55 P.
 OUEDRAOGO (Ousmane), 1992, l’impact de l’exploitation minière sur la vie
socioprofessionnelle du mineur de POURA, Mémoire de Maîtrise/Département de
sociologie, Université de Ouagadougou, 119P.

87 | P a g e
88 | P a g e
G U I D E D'ENTRETIEN POUR LA COLLECTE D E DONNEES (GLOBALES DANS
LES VILLAGES)

IDENTIFICATION DE L'ENQUETE
Fiche ............................. ;...............................................................................................
Numéro ............................. ……………….………………………………………………….
Village .......................................... ………………………………………………………………….
Niveau d'étude.................. …………………………………………………………………...
Religion ........................... ……………………………………………………………………
Sexe ……………………………………………………………………………………………
Situation matrimoniale ………………………………………………………………………
Activité principale………………………………………………………………………….

Trois aspects feront l'objet des enquêtes de base dans les villages :
A- Connaissance des Formes anciennes d'organisation sociale
B- Les variations induites par l’exploitation de la mine d’or
C- Autres initiatives entreprises.

A- Connaissance des formes anciennes d'organisation sociale avant l'implantation de


complexe industriel
 Histoire du village
 Typologie des Formations sociales
 Processus d’appropriation de l’espace
 Habitat

89 | P a g e
 Exploitation agricole
 Rapports sociaux
 Lien familial / réunion familial
 Rapport Aîné/ cadet et Homme/ Femme
 Lien communautaire/ rencontre publics/arbre à palabre
 Recours aux autres membres en cas de besoin
 Relation avec les villages environnement.
 Les travaux communautaires :
 Coopération simple
 Coopération complexe
 Coopération avec des villages environnement
 Pratiques sociales et organisation :
 Religion
 Rituelle
 Funérailles
 Initiation
 Sacrifice
 Mariage
 Type de conflit et leur mode de gestion

B- Les variations induites par l’exploitation de la mine d’or


 Vous travaillez dans la société minière (ou vous cherchez à travailler, vous n’avez pas
eu ?
 Quels sont vos parents, Amis ou voisins qui sont employés par la société ?
 Représentation sociale de l’or
 Dimension symbolique ?
 Dimension culturelle ?
 Dimension spirituelle ?
 Changement social suite à l’exploitation de l’or
 Rapport entre hommes et femmes.

90 | P a g e
 Les relations entre les chefs de ménages.
 Les liens parents / enfants.
 Les relations avec les voisins.
 Les relations avec les autorités coutumières.
 Appréciation de ces changements.
 Changement si vous êtes employé.
 Changement si vous n’êtes pas employé.
 Conflit familial suite à l’exploitation de la mine.

 Dispute
 Mésentente/ opposition/ adversité
 Non respect des règles de l’UP (Unité de production)
 Rapport Ainé/ cadet, homme/ femme
 Alliance.
 Conflit avec les parents.
 La gestion de ces conflits.
 Conflit extra- familial suite à l’exploitation de l’or.
 Conflit avec les anciens amis.
 Conflit avec les anciens voisins.
 Conflit entre les différentes familles.
 Conflit communautaire.
 Conflit inter- village.
 La gestion de ces conflits.
 Qu’est ce que cela a changé dans votre vie ?
 Travaux collectifs champêtres bouleversés par l’exploitation de la mine.
 Echange de la main d’œuvre
 Main d’œuvre interne à l’unité de production
 Main d’œuvre externe à l’unité de production
 Echange des moyens de production
 Bœufs

91 | P a g e
 Terres
 Salariat
 Entraide
 Rituel champêtre
 Sacrifice
 Rencontre coutumière autour des travaux champêtres
 Rencontre paysannes
 Réunions familiales
 Comment arrivez-vous à gérer ces changements ?
 Changement de la productivité agricole suite à l’exploitation de l’or
 Réduction des champs cultivable en nombre et en superficie
 Délaissement de l’activité agricole
 Champ de culture et pâturage détruits par l’exploitation de l’or
 Compensation des champs et pâturage détruits par l’exploitation de l’or
 Quels sont les aspects qui vous ont touche ?
 Appréciation suite à la délocalisation et la réhabilitation de la population locale
 Quel changement cela à entrainer ?
 Quels sont les aspects qui vous touchent?
 Etes-vous satisfait ?
 Adoption de nouveau comportement.
 Les nouveaux comportements des chefs de ménage.
 Les nouveaux comportements des femmes.
 Les nouveaux comportements des jeunes.
C- AUTRES INITIATIVES
 Difficultés suite à l’exploitation de l’or
 Quelles autres actions vous avez entrepris suite à l’exploitation de l’or ?
 Quelle autres activités les autres ont mis en œuvre suite l’exploitation de l’or ?
 Précisez ce que les femmes ont entrepris ?
 Précisez ce que les élus locaux font
 Précisez ce que font les non-résidents ?

92 | P a g e
 Précisez ce que la société a réalisé dans votre village ?
 Etes-vous satisfait des actions ?
 Précisez s’il y a d’autres choses ?
 Conflit avec les autres villages
TABLE DE MATIERE
DEDICACE .............................................................................................................................................iii

REMERCIEMENTS ............................................................................................................................... iv

Introduction ............................................................................................................................................. 1

I: CADRE THEORIQUE ........................................................................................................................ 4

1- Justification du choix de thème ....................................................................................................... 4

2- Revue documentaire ........................................................................................................................ 5

2.1 Représentation sociale de l’or ................................................................................................... 5

2.2 Exploitation minière et impact environnemental....................................................................... 9

2.3 Exploitation minière et impact socioculturel et économique .................................................. 11

2.5 Les facteurs explicatifs du changement social ........................................................................ 19

3- Problématique de recherche .......................................................................................................... 28

3.1. Objectif de recherche .............................................................................................................. 30

3.2.Hypothèse de recherche .......................................................................................................... 31

4. Identification des variables ............................................................................................................ 32

4.1 Variable relative aux phénomènes à étudier ............................................................................ 32

4.2 Variables individuels ............................................................................................................... 33

5-Définition des concepts .................................................................................................................. 34

5.1 Changement social .................................................................................................................. 34

5.2 Réseau social ........................................................................................................................... 35

5.3. Consensus ............................................................................................................................... 36

5.4. Conflit sociaux ....................................................................................................................... 37


93 | P a g e
5.5. Contradiction structurelle ....................................................................................................... 37

5.6 Rapport sociaux de production ................................................................................................ 38

II- METHODOLOGIE .......................................................................................................................... 40

1. Justification du choix du site ......................................................................................................... 40

2. La population d'enquête................................................................................................................. 41

2.1 Population cible ....................................................................................................................... 41

2.2 Les personnes ressources ......................................................................................................... 41

3. Echantillonnage et échantillon ...................................................................................................... 42

4. Technique et Outil de collecte de données .................................................................................... 43

5. Déroulement de la collecte des données ....................................................................................... 44

6. Traitement des données ................................................................................................................. 45

7. Limites de la méthodologie et difficultés rencontrées ................................................................... 46

CHAPITRE I. PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE ................................................................ 48

I. MILIEU PHYSIQUE .................................................................................................................... 48

1- Climat ........................................................................................................................................ 48

2- Relief et formation végétale. ..................................................................................................... 48

3- Les sols ...................................................................................................................................... 49

II. LES FORMES D’ORGANISATION SOCIALES ........................................................................... 49

1- Organisation socio-politique ..................................................................................................... 50

2- Gestion du foncier. .................................................................................................................... 50

3- Les formes de coopérations agricoles........................................................................................ 51

CHAPITRE II : EXPLOITATION INDUSTRIELLE DES MINES ET BOULEVERSEMENT DES


RESEAUX SOCIAUX .......................................................................................................................... 53

I. VARIATION DE LA NATURE DES RAPPORTS SOCIAUX DE PRODUCTION ...................... 53

1- Les tendances récentes d’appropriation de l’espace foncier...................................................... 54

94 | P a g e
2- Changement de la forme de coopération agricole ..................................................................... 55

3- Mutation de la nature d’échange des moyens de travail ............................................................ 56

II. PASSAGE DES LIENS CONSENSUELS AUX LIENS CONFLICTUELS AU NIVEAU


FAMILIAL ............................................................................................................................................ 58

1. Gestion des frais de dédommagement des champs impactés ........................................................ 58

2- L’accès à des emplois rémunérés et conflits familiaux ................................................................. 63

III. NOUVEAUX TYPES DE COMPORTEMENTS DES JEUNES ............................................. 65

1- Nouveaux types de comportements des jeunes garçons ............................................................ 66

2- Les nouveaux types de comportement des jeunes filles ................................................................ 68

IV. L’IMPACT DE L’EXPLOITATION MINIERE SUR LA PRODUCTION AGRICOLE ........ 69

1- Délaissement de l’activité agricole au profit de la mine ........................................................... 69

2- L’impact de l’exploitation minière sur les espacesde production agricoles .............................. 70

CHAPITRE III : L’IMPACT DE L’EXPLOITATION INDUSTRIELLE DE L’OR SUR LES


RELATIONS COMMUNAUTAIRES ET INTERCOMMUNAUTAIRES ......................................... 73

I. CONFLITS COMMUNAUTAIRES ............................................................................................. 73

1. Liens conflictuels entre la population et les élus locaux ............................................................... 73

2. Conflit inter familial ...................................................................................................................... 75

II. CONFLIT INTER- COMMUNAUTAIRE ................................................................................... 76

1- Stratégies liées à la revendication du statut de commune intégrale........................................... 76

2- Stratégies de recrutement des jeunes et conflits intercommunautaires ..................................... 77

CHAPITRE IV : CONTRIBUTION DE SEMAFO AU DEVELOPPEMENT LOCAL DE LA


COMMUNE RURALE DE BANA ...................................................................................................... 79

I- APPUI DE SEMAFO A L’AMELIORATION DES FORMATIONS SANITAIRES, EDUCATIVES,


ET D’EAU POTABLE .......................................................................................................................... 79

1- Domaine sanitaire ...................................................................................................................... 80

2- Domaine éducatif ...................................................................................................................... 80

3- Eau potable ................................................................................................................................ 80


95 | P a g e
II- CREATION D’ACTIVITE GENERATRICE DE REVENUS ................................................. 80

1- Emplois salariés ......................................................................................................................... 80

2- Unité de Savonnerie .................................................................................................................. 81

CONCLUSION ..................................................................................................................................... 83

BIOBIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 84

ANNEXE.……………………………………………………………………………………..88

G U I D E D'ENTRETIEN POUR LA COLLECTE D E DONNEES (GLOBALES DANS LES


VILLAGES) .......................................................................................................................................... 89

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