UNIVERSITE MOHAMMED V DE RABAT

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES,

ÉCONOMIQUES ET SOCIALES – AGDAL -

Master des Finances Publiques et Fiscalité

LA GENDERISATION
DU BUDGET
Encadré Par : Réalisé par :
Professeur - Aziz HACHIMI
Hassane EL ARAFI - Nizar LAZRAK
- El Houssine SADIK
- Hakim HANIDA

ANNEE UNIVERSITAIRE 2023-2024

Introduction
 LA GENDERISATION DU BUDGET

La gendérisation est devenue une approche privilégiée adoptée par la

plupart des pays modernes dans leurs politiques publiques, en raison de son
importance dans la réalisation de l’équilibre sociétal. Dans ce cadre, les budgets
des Etats modernes veillent sur l’intégration de cette question d’une perpétuelle
importance.

Le droit international a œuvré à consolider cette approche, depuis

l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, qui appelait
nécessairement au rejet de la discrimination fondée sur le sexe. D'autres
conventions ont émergé qui l'appelaient explicitement, notamment la Convention
sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des Femmes
(CEDAW 1993).

Depuis plusieurs années, le Maroc a mis en place une dynamique de

réformes budgétaires basées sur la logique de résultats, notamment à travers la
programmation budgétaire pluriannuelle, la globalisation des crédits, la
contractualisation entre l’administration centrale et ses services extérieurs et le
partenariat entre l’Etat et la société civile.

Le Maroc et depuis la révision constitutionnelle de 1996, a veillé sur la

concrétisation de l’aspect genre, notamment en matière budgétaire. Dans ce cadre,
la circulaire du premier ministre datée du 8 mars 2007 a appelé l’ensemble des
départements ministérielles à intégrer cette approche dans toutes les politiques de
développement.

Grâce à des efforts continus, cette démarche s’est progressivement

ancrée dans le processus de réforme budgétaire du Maroc, dans son expérience
dans le domaine de la gestion des finances publiques sensible au genre et axée sur
les résultats, qui dure de plus de 10 ans, a entrainé l’adoption de la nouvelle loi
organique de finances, qui institutionnalise sur le plan juridique l’égalité des sexes
dans l’ensemble des processus budgétaires.

L’intérêt de ce sujet réside essentiellement dans le caractère novateur de

l’analyse du budget marocain d’un point de vue genre, et la dynamique normative
et institutionnelle qu’accompagne ce processus de la gendérisation du budget de
l’Etat.

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

D’où l’importance d’exposer la problématique suivante :

Dans un contexte national caractérisé par une volonté politique

d’éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dans quelle
mesure la gendérisation du budget au Maroc a pu réduire les inégalités de
genre et assurer une redistribution équitable des richesses ?

Pour répondre à cette problématique, nous adoptons le plan suivant :

Partie I : Fondements et concrétisation de la gendérisation.

Chapitre I : Fondements conventionnels.

Section I :

Section II :

Chapitre II : Fondements constitutionnel et législatifs.

Section I :

Section II :

Chapitre III : Les défis de la gendérisation dans les pratiques comparées.

Partie II : Prérequis et contraintes de la mise en œuvre.

Chapitre I : Les limites et les contraintes d'une concrétisation effective de la

gendérisation.

Section I :

Section II :

Chapitre II : Les prérequis de la gendérisation.

Section I :

Section II :

Chapitre III : Les clés de réussite de la gendérisation dans les pratiques

comparées.

Partie II : Prérequis et contraintes de la mise en œuvre.

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

Chapitre I : Les limites et les contraintes d'une concrétisation effective

de la gendérisation.

Plusieurs obstacles s’opposent à la réalisation d’une budgétisation

sensible au genre dont certains sont d’ordres socioculturels et d’autres sont
d’ordres fonctionnels.

Section 1 : Des contraintes socioculturelles :

Pour mieux cerner ces facteurs de blocage d’une concrétisation effective

de la genderisation sensible au genre, il faut partir du constat que les inégalités
entre hommes et femmes sont construites par les sociétés et que les rapports entre
eux ainsi que les rôles assignés à chaque sexe sont attribués selon qu’on est
féminin ou masculin.

Ces rapports sont le fruit de la construction sociale, ils ne sont pas

naturels. C’est ainsi que l’approche genre1 met en évidence ces rapports
traditionnels entre les femmes et les hommes et tente à rendre visibles les écarts
des inégalités. Bien que le sexe renvoie à la distinction biologique entre les
hommes et les femmes, le genre renvoie à la distinction culturelle et à la
répartition des rôles sociaux attribués à chaque sexe.

Ces rôles varient selon l’époque, la société, le pays, la culture, la classe

sociale, l’âge, etc. Ils sont institutionnalisés et font partie intégrante des mentalités
et des cultures et sont véhiculés par la socialisation notamment : l’institution, la
famille, les médias, l’éducation, etc.

Dès sa naissance, l’enfant baigne dans un environnement marqué par le

genre à travers toute une série de conduite. Les filles et garçons ne sont pas élevés,
éduqués, socialisés de la même manière.

Les garçons doivent être forts, dominants, vigoureux, courageux,

guerrier, autoritaire, performant, peu habiles en communication et ne pas
1
Le « genre » (issu de l’anglais gender) est un concept sociologique, utilisé dans une signification
différente de la grammaire. Il se traduit en français par : « rapports sociaux des sexes » ou encore «
rapports socialement et culturellement construits entre femmes et hommes ». Lorsqu’on parle de
genre, on parle du sexe social, construit socialement par la socialisation, et qui induit certains
comportements ou certaines attitudes.

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

ressembler aux filles. Leurs jouets sont axés sur les explorations, les compétences
spatiales, les mathématiques, l’analytiques et les sciences ;

Les filles doivent être élégantes, aimées, dominantes, belles et douces,

laissent guider par leurs émotions et esthétique à l’image de certaines poupées et
princesses. Leurs jouets sont limités en nombre et souvent relevant de la sphère
domestique et maternelle.

C’est à partir de ces différences sexuelles produites par les moyens de la

socialisation que les inégalités se construisent. Ce qui traduit la position de
subordination de la femme vis-à-vis de l’homme. C’est à partir des identités
biologiques que les sociétés attribuent symboliquement aux hommes et aux
femmes des valeurs différentes et créent de ce fait l'inégalité entre eux.

Les comportements sociaux et culturels sont bien enracinés dans la

société. La relation entre les deux sexes se basent encore sur la division sexuelle
du travail notamment espace publique pour les hommes et sphère privée pour les
femmes. Les personnes sont étiquetées, l’identité féminine et masculine est fixée et
les fonctions et les responsabilités des femmes et des hommes sont attribuées
selon les différences biologiques des sexes.

De cela s’ajoute une mentalité conservatrice qui résiste au changement

et s’oppose aux influences dites « occidentales » sous prétexte du respect de la
spécificité culturelle et le référentiel religieux.

Ce modèle de conduite sociale et culturelle caractérisé de patriarcale

cantonnant la femme dans un état de subordination à l’homme. Il fait accroitre le
fossé d’inégalité au détriment de développement socio-économique et conduis à la
marginalisation et à l’exclusion de la femme.

Les comportements sociaux et culturels sont bien enracinés dans la

société. La relation entre les deux sexes se basent encore sur la division sexuelle
du travail notamment espace publique pour les hommes et sphère privée pour les
femmes. Les personnes sont étiquetées, l’identité féminine et masculine est fixée et
les fonctions et les responsabilités des femmes et des hommes sont attribuées
selon les différences biologiques des sexes.

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

Les rôles sociaux des femmes sont bien définis, ils sont liés à la
reproduction et aux tâches ménagères. Les obligations domestiques à savoir le
devoir de la femme au foyer et l’intensité de la charge des travaux domestiques
ainsi que la grossesse, l’allaitement, la maternité, l’éducation et la garde des
enfants se répercutent sur la santé et l’émancipation de la gente féminine. Ces
tâches et responsabilités constituent leur plus grande contrainte et rendent
difficile la conciliation entre la vie privée et la carrière professionnelle.

Section 2 : Une volonté politique peu déterminée :

La budgétisation sensible au genre implique un changement de points de

vue et de pratiques des pouvoirs gouvernementaux. Comme dans tout
changement, il existe des obstacles à surmonter. Il est facile d’introduire la
budgétisation genre, mais le défi majeur est de soutenir l’initiative et de la
maintenir dans la durée. Les obstacles majeurs à la budgétisation genre sont entre
autres :

• des systèmes de budgétisation et de planification peu efficaces : Ils ne

fournissent pas assez de données permettant une analyse détaillée des questions
relatives au genre. Des données désagrégées sur le genre et des statistiques de
référence pour la plupart des indicateurs font défaut.

• Une expertise limitée en analyse genre et en intégration du genre : La

budgétisation genre est plus facile à dire qu’à faire. Elle nécessite un personnel
bien formé avec des compétences spécifiques pour effectuer une budgétisation
sensible au genre.

• La budgétisation sensible au genre nécessite des efforts soutenus et

continus. Dans la plupart des agences gouvernementales, le changement du
personnel affecte négativement sa performance.

• Les pratiques et attitudes établies sur plusieurs centaines d’années ne

peuvent pas changer du jour au lendemain. Le défi majeur de la budgétisation
sensible au genre demeure le changement de mentalité et de façon de voir des
autorités chargées de sa mise en oeuvre.

• La budgétisation sensible au genre implique souvent un changement de

perception sur les relations de pouvoir et pourrait ne pas avoir le soutien pourtant

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

crucial de l’équipe dirigeante. Si cette dernière n’adhère pas à la cause de l’égalité

des genres, la budgétisation sensible au genre devient difficile à mettre en œuvre.

• Faiblesse des institutions : La collaboration avec les mécanismes

institutionnels pour le genre est essentielle pour travailler au changement de
mentalité et de la façon de voir. Si les institutions sont absentes ou faibles, la
budgétisation sensible au genre ne sera pas effective.

• L’absence d’arrangements institutionnels pour mettre en œuvre la

budgétisation sensible au genre : La budgétisation genre est d’abord une fonction
de planification et de budgétisation, sa place est naturellement au ministère
chargé des Finances et celui du Plan. Lorsque l’initiative de BSG est mise en œuvre
par des OSC, ou un ministère chargé du genre ou tout autre institution, la
budgétisation genre est non seulement difficile à mettre en œuvre, mais aussi à
maintenir.

• Manque de dialogue politique : Il est important que différentes parties

prenantes qui interviennent dans la BSG, en particulier les bailleurs, le parlement,
le gouvernement et les OSC soient impliqués. Cependant, si ces interventions ne
sont pas correctement coordonnées, la confusion s’installe et mine les efforts
consentis pour la budgétisation sensible au genre.

• Manque de disponibilité des statistiques sensibles aux genres ;

• Mobilité des points focaux : La nécessité de passer des points focaux

genre vers des cellules genre pour éviter les difficultés liées à la mobilité des points
focaux.

Chapitre II : Les prérequis de la gendérisation.

La budgétisation sensible au genre au Maroc s’inscrit dans le contexte
d’une société en reconfiguration, cette dernière a été accompagnée par une
évolution des structures politiques et économiques.

Section 1 : Des transformations sociales favorables :

Les rapports de genre au Maroc s’inscrivent dans le contexte d’une

société en reconfiguration. Plusieurs facteurs y contribuent : l’ouverture de la
société par la mobilité physique et virtuelle des individus, l’exposition des

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

Marocains à l’offre d’un paysage médiatique pluriel, la montée progressive d’une

culture des droits humains dont font partie les droits des femmes, une conscience
féminine qui s’accroît sur le rôle de la femme dans la société, autant de facteurs
qui déroutent toute tentative de figer la société marocaine dans un modèle
déterminé.

D’autres atouts, qui constituent un capital valorisant pour la femme au

sein de la société, ont émergé, tels que l’éducation et l’emploi rémunéré qui, même
s’ils ne sont pas entièrement généralisés, permettent aux femmes de sortir de chez
elles et ne plus être uniquement des femmes au foyer. L’éducation des filles
acquiert plus de valeur au sein de la société par le fait qu’elle ouvre plus de
perspectives et permet aux filles de rompre avec les perceptions stéréotypes de la
femme comme femme au foyer.

L’âge au mariage augmente de manière sensible sous l’effet de facteurs

éducatifs, culturels et économiques. L’âge moyen au mariage connaît une élévation
importante. Bien que certains cas de mariage forcé de petites filles existent
toujours, notamment en milieu rural, les jeunes filles, en général, surtout en
milieu urbain, commencent à maîtriser le choix de leur vie. Il devient difficile
d’accepter les mariages arrangés ou de se soumettre aux décisions arbitraires des
parents.

Dans le cas où la fille dispose d’un emploi, elle devient une source de
revenu pour la famille. Elle y acquiert de ce fait un statut élevé, par rapport à
celles qui ne sont pas éduquées et n’ont pas accès à l’emploi. Dans les familles
défavorisées, elle peut même déstabiliser le pouvoir d’un père chômeur.

Section 2 : L’évolution des structures politiques et économiques :

Au Maroc, force est de constater, ces dernières années, une amélioration

importante dans la participation de la femme à la vie politique et publique. En
effet, aussi bien dans le domaine politique que dans la sphère de la haute
administration, l’inclusion de la femme dans les niveaux de la prise de décision
constitue, aujourd’hui, une réalité et un acquis majeur, et qui traduit une
amélioration de l’image et de la perception de la femme dans la société.

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

Ainsi, outre les avancées importantes en termes de représentativité au

sein du Parlement réalisées depuis les élections législatives de 2002, avancées
dont la pérennité reste cependant tributaire du respect de l’engagement moral pris
par les partis politiques marocains, figurent actuellement, au sein d’instances
diverses de décision, un nombre appréciable de femmes notamment en qualité de
conseillère auprès de Sa Majesté le Roi, de membre du Conseil Constitutionnel, du
Conseil National des Droits de l’Homme, et du Gouvernement actuel.

Au niveau des postes de haute responsabilité au sein de l'administration

marocaine, les femmes restent, il est vrai, insuffisamment représentées.
Cependant, elles ont pu parvenir à des fonctions autrefois difficiles d’accès aux
femmes notamment secrétaire général de département ministériel, directrice
centrale, gouverneur et ambassadrice.

Le phénomène de l’implication des femmes dans la sphère économique et

la progressive augmentation des femmes actives sur le marché du travail sont
devenus un acquis de l’évolution sociale et culturelle et des rapports de genre dans
la société. Bien que le taux d’activité des femmes n’atteigne pas encore celui des
hommes, 19,8% en 2022, contre 69,6 % pour les hommes (HCP, 2022), cette
entrée des femmes sur le marché du travail est socialement significative, même si
elle ne touche pas la majorité d’entre elles et qu’une bonne partie est active dans
l’économie informelle. En effet, la recherche de moyens pour subvenir aux besoins
des familles incite de nombreuses femmes, surtout dans les couches défavorisées,
à travailler dans le secteur informel, où les activités ne sont pas toujours déclarées
par les intéressés et ne sont, par conséquent, pas recensées par les statistiques.
Production artisanale au foyer destinée à être commercialisée, travail domestique,
vente à la sauvette de différents produits dans les rues des grandes villes sont
autant de formes et de moyens procurant un revenu pour les femmes et leurs
familles. Il est à noter qu’un ménage sur cinq est entretenu par une femme. Cette
implication des femmes dans la vie active ne les dispense pas des responsabilités
domestiques traditionnelles. Dans le contexte actuel, la femme idéale est celle qui
est une bonne professionnelle procurant un revenu à sa famille, une bonne
épouse, une bonne maîtresse de maison et une bonne mère, cumulant ainsi tous
les rôles joués par les femmes à travers l’histoire. L’accès des femmes à l’emploi et
leur contribution dans le revenu de la famille ont une répercussion sociologique

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 LA GENDERISATION DU BUDGET

profonde sur le rapport des femmes à l’espace privé et public, dans la mesure où
les femmes ne sont plus confinées à l’intérieur de l’espace domestique mais
brouillent les frontières qui les séparent.