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Regards croisés

QUELLES INEGALITES SONT COMPATIBLES AVEC LES DIFFERENTES


CONCEPTIONS DE LA JUSTICE SOCIALE ?

Objectifs
- Connaître les grandes tendances d’évolution des inégalités économiques depuis le début du
XXème siècle et comprendre que les inégalités économiques et sociales présentent un caractère
multiforme et cumulatif.
- Savoir interpréter les principaux outils de mesure des inégalités, statique (rapport interquantiles,
courbe de Lorenz et coefficient de Gini, top 1%) et dynamique (corrélation de revenu parents-
enfants).
- Comprendre que les différentes formes d’égalité (égalité des droits, des chances ou des situations)
permettent de définir ce qui est considéré comme juste selon les différentes conceptions de la justice
sociale (notamment l’utilitarisme, le libertarisme, l’égalitarisme libéral, l’égalitarisme strict).
- Comprendre que l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale (fiscalité, protection
sociale, services collectifs, mesures de lutte contre les discriminations) s’exerce sous contrainte de
financement et fait l’objet de débats en termes d’efficacité (réduction des inégalités), de légitimité
(notamment consentement à l’impôt) et de risque d’effets pervers (désincitations).

Auteurs
Amartya Sen (1933), Jérémy Bentham (1748 – 1832), Friedrich Hayek (1899 – 1992), John Rawls
(1921 – 2002), William Beveridge (1879 – 1963), Otto von Bismarck (1815 – 1898), Arthur Laffer
(1940).

I– COMMENT DEFINIR ET MESURER LES INEGALITES ?

I.1 – Définition d’inégalité


I.2 – La mesure des inégalités
I.3 – L’évolution des inégalités économiques

II – QUELLES FORMES PEUT PRENDRE LA JUSTICE SOCIALE ?

II.1 – Les objectifs de la justice sociale


II.2 – Les différentes conceptions de la justice sociale

III – PAR QUELS MOYENS LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT ILS INTERVENIR
POUR ASSURER LA JUSTICE SOCIALE ?

III.1 – La fiscalité et la protection sociale


III.2 – Les services collectifs
III.3 – La lutte contre les discriminations

IV – QUELLES CONTRAINTES PESENT SUR L’ACTION DES POUVOIRS PUBLICS ?

IV.1 – Crise de financement de l’État Providence


IV.2 – La crise de légitimité et le risque d’effets pervers
IV.3 – L’effet relatif de la réduction des inégalités
Regards croisés

QUELLES INEGALITES SONT COMPATIBLES AVEC LES DIFFERENTES


CONCEPTIONS DE LA JUSTICE SOCIALE ?

Introduction

La notion de justice sociale renvoie à l’idée d’une société plus juste au regard des inégalités qu’elle
constate, c’est-à-dire qui affirme une égale considération pour tous les citoyens. Cependant, il existe
une pluralité de critères qui permettent de définir ce qu'est une société juste ou injuste et qui varient
en fonction des écoles de pensée auxquelles on se réfère. Il existe donc plusieurs conceptions de la
justice.
Pour contribuer à cette justice sociale, les Pouvoirs Publics disposent d'un certain nombre de
dispositifs qui sont des politiques de lutte contre les inégalités. Celles-ci correspondent à des
logiques diverses. Ainsi, certains instruments sont jugés efficaces tandis que d'autres font l'objet de
critiques. L'action des Pouvoirs Publics s'exerce sous contraintes et c'est la raison pour laquelle, elle
fait l'objet de débats quant à son efficacité.

PBK 1 Comment définir et mesurer les inégalités ?


PBK 2 Quelles formes peut prendre la justice sociale ?
PBK 3 Par quels moyens les pouvoirs publics peuvent ils intervenir pour assurer la justice sociale ?
PBK 4 Quelles contraintes pèsent sur l’action des pouvoirs publics ?

I– COMMENT DEFINIR ET MESURER LES INEGALITES ?

I.1 – Définition d’inégalité

Objectif 1 Définir les inégalités et comprendre qu’elles présentent un caractère multiforme


et cumulatif

Une inégalité est définie comme une différence d'accès à des ressources rares. Toutes les différences
ne sont cependant pas des inégalités. Une différence ne devient une inégalité que si elle concerne un
accès différencié à des ressources socialement valorisées. Elles dépendent donc de l'échelle de
valorisation des normes et des valeurs hiérarchisées par la société.

Les inégalités sont multiformes. Ainsi, elles peuvent être de nature économique : inégalités de
revenus, de patrimoine…, de nature sociale : conditions d'existence, d'éducation, de santé, d'accès
au pouvoir, d'accès à l'emploi.…

Déf. Inégalité économique : écart de situation entre individus au regard du revenu, du patrimoine
ou de l'accès à certaines prestations allouées par le marché ou par l'État.

Déf. Inégalité sociale : conséquence d'une inégale répartition, au sein de la société, des ressources
matérielles, sociales, politiques et culturelles.

Les inégalités économiques portent sur le revenu et sur le patrimoine.

En ce qui concerne les revenus, l'évolution des inégalités de revenus du travail ont eu tendance à se
réduire pendant les trente glorieuses, mais ont augmenté à nouveau depuis les années 1980. Ce
phénomène s'est amplifié par la montée du chômage et la précarisation des emplois. Depuis les
années 2000, les écarts ont continué leur ascension du fait d'une hausse rapide des revenus financiers
(revenus du capital) des plus aisés.

En ce qui concerne les inégalités de patrimoine, qui concernent le patrimoine financier, immobilier,
ainsi que les objets de valeur, celles-ci sont plus marquantes : 10 % des ménages les plus fortunés
cumulent 48 % du total, 1 % des plus aisés en accumulent 17 %.

Ces inégalités, qui forment un système dans lequel elles s'auto-entretiennent, tendent à se
reproduire au cours des générations - Pierre Bourdieu.

''La reproduction des inégalités sociales par l'école vient de la mise en œuvre d'un égalitarisme
formel, à savoir que l'école traite comme ''égaux en droits'' des individus ''inégaux en fait'', c’est-
à-dire inégalement préparés par leur culture familiale à assimiler un message pédagogique''.

Les inégalités économiques se cumulent ainsi avec d'autres formes d'inégalités sociales. Il existe
donc une dynamique des inégalités qui s'auto-entretiennent et se cumulent. Par exemple, les
placements immobiliers et financiers permettent d'accumuler des revenus supplémentaires qui
permettent d'augmenter l'épargne et le patrimoine.

Les inégalités économiques engendrent ainsi des inégalités sociales, d'accès aux soins, au logement,
à l'éducation et aux services collectifs en général. Il existe aussi des inégalités face au chômage et
d'accès à l'emploi. De plus, les écarts demeurent importants en ce qui concerne l'accès aux loisirs et
les départs en vacances. On peut également relever qu'à cela s'ajoute les inégalités de conditions de
travail, particulièrement pénalisantes pour certains métiers qui relèvent d'une certaine pénibilité au
travail. L'espérance de vie chez les cadres se trouve supérieure à celle des ouvriers par ex.

Ceci remet en question le fondement démocratique des sociétés qui met à mal l’égalité en droits des
citoyens concernant des besoins fondamentaux tels que le logement, l’éducation, le travail, la santé.

L’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine peut être lié à l’endogamie, phénomène
qui traduit l’union de couples issus d’une même catégorie sociale. Les couples unissent en effet le
plus souvent des personnes issues de milieux semblables et agrègent les revenus élevés d’un côté et
les bas revenus de l’autre. L’impact de l’endogamie sociale sur les écarts de revenus et sur le
patrimoine se démultiplient.

I.2 – La mesure des inégalités

Objectif 2 Savoir interpréter les différents outils de mesure des inégalités

Les outils de mesures des inégalités peuvent être des outils statiques, c’est-à-dire qu’ils évaluent les
écarts entre individus à une date donnée.

1°) La courbe de Lorenz et le coefficicent de Gini


Les économistes représentent graphiquement les inégalités de ressources économiques par la courbe
de Lorenz qui permet de visualiser facilement si la dispersion du revenu ou du patrimoine d’un pays
s’améliore ou pas.
La courbe de Lorenz permet de se poser la question : quelle part de la richesse totale (revenu,
patrimoine) détient telle part de la population ? Dans ce carré, l'abscisse correspond à la population
cumulée classée de la moins favorisée à la plus favorisée ; en ordonnée, on retrouve le pourcentage
cumulé des richesses. La diagonale correspond à l'égalité parfaite, telle que 50 % de la population
détiendrait 50 % des richesses par exemple (droite équirépartition). À partir de la courbe, on peut
calculer le coefficient de Gini (compris entre 0 et 1). Plus le coefficient est proche de 1, plus les
inégalités sont fortes. Si ce coefficient diminue dans le temps, cela signifie que les inégalités
baissent. Si un pays a un coefficient de Gini plus élevé qu'un autre, alors il est plus inégalitaire.

2°) Le rapport interquantile :

Les quantiles divisent une population en groupes. La médiane divise la population en deux, les
quartiles en quatre, les quintiles en cinq et les déciles en dix.
Le rapport interquantile permet de rapporter le niveau d’une tranche sur une autre. On peut calculer
par exemple les écarts interdécile = D9/D1. D9/D1 rapporte le niveau de revenu minimum des 10
% les plus riches au revenu maximum des 10 % les plus pauvres.
On peut également comparer les écarts d’inégalités entre les 50 % les plus modestes et les 50 % les
plus riches en faisant : D9/D5 et D5/D1.

Les outils de mesure des inégalités peuvent être dynamiques, c’est-à-dire qu’ils évaluent la
transmission des inégalités d’une génération à l’autre. Par exemple, la corrélation de revenus
parents-enfants mesure jusqu’à quel point des parents plus riches que d’autres ont des enfants plus
riches que d’autres.

I.3 – L’évolution des inégalités économiques

Objectif 3 Connaître les grandes tendances d’évolution des inégalités économiques depuis
le début du XXème siècle
Si on choisit comme indicateur le « top 1 % », on observe une diminution des inégalités de revenu
depuis le début du XXe siècle jusque dans les années 1980, puis une augmentation ensuite. Les
différents pays développés suivent cette évolution, même si la remontée des inégalités est plus
accentuée dans certains pays comme les États-Unis.

Le cumul des inégalités se transmet donc de génération en génération comme le révèle la


corrélation de revenus parents-enfants, soit le lien fort entre le revenu parental et le revenu futur des
enfants, ce qui témoigne d’une faible mobilité sociale. Or nos sociétés contemporaines se traduisent
depuis les années 1980 par un renforcement de cette corrélation. Les enfants bénéficiant (ou
subissant) des avantages/désavantages économiques de leurs parents. Ainsi, les parents issus des
catégories socioprofessionnelles supérieures (comme les cadres) disposent des revenus nécessaires
pour permettre à leurs enfants d’intégrer à leur tour ces catégories comme l’analyse de la mobilité
sociale l’a révélé. Il faut ainsi en France 6 générations à un enfant issu d’une famille pauvre pour
obtenir le revenu moyen de son pays.

II – QUELLES FORMES PEUT PRENDRE LA JUSTICE SOCIALE ?

II.1 – Les objectifs de la justice sociale

Objectif 4 Comprendre les différentes formes d’égalité

Déf. Justice sociale : Ensemble des principes découlant des valeurs ou des choix collectifs d'une
société régissant la définition et la répartition équitable des droits sociaux et des devoirs entre les
membres de cette société.

La justice sociale est liée au principe d'égalité.

Déf. Égalité : Principe qui établit une équivalence des ressources, des conditions, des attributs entre
individus.

Dans une société démocratique, l'aspiration à l'égalité peut revêtir différentes dimensions telles que
l'égalité des droits, l'égalité des situations ou encore l'égalité des chances. Parce que l’égalité
peut revêtir des contenus différents, la poursuite de l’égalité dans une de ses dimensions peut
coexister avec le maintien d’inégalités dans une ou plusieurs autres dimensions.

Une société peut chercher d'abord à assurer l'égalité des droits, c’est-à-dire l'égalité devant la loi,
qui est largement garantie dans les sociétés démocratiques même s'il reste des débats (ex. droit de
vote des étrangers, citoyenneté européenne…). Cette égalité des droits politiques et civiques
s'applique à tous les membres de la société, ceux-ci au-delà de leurs particularités et de leurs
différences. Tous les citoyens sont sur un même pied d'égalité.
Il s'agit, dans ce cas, d'une justice universaliste.

Ensuite, une société peut chercher à assurer l'égalité des chances en lien avec l'idéal démocratique.
Dans une société où les positions sont inégales, on peut ainsi souhaiter que la distribution de ces
positions ne se fasse pas de façon arbitraire mais qu'elle se fasse sur la seule base des mérites
individuels. Les positions dominantes doivent être réservées à ceux qui les doivent à leur seul
mérite individuel, sans que la compétition pour ces places se trouve faussée par des inégalités de
départ. Celle ci permet l'idée que l'on peut échapper au destin de son groupe social et accéder à des
positions plus élevées dans la société. Cette égalité repose sur une participation équitable entre tous
les individus à la vie économique et sociale, et s'attache à réduire les inégalités de départs.
Il s'agit, dans ce cas, d'une justice distributive.
Enfin, une société peut chercher à assurer l'égalité des situations ou l'égalité réelle entre différents
groupes. Il s'agit d'assurer à chacun non pas les mêmes chances d'accès aux biens et aux positions,
mais un même accès effectif. Par ex., en matière de revenu, l'égalité consiste non pas à ce que
chacun ait les mêmes chances d'accéder par son mérite aux plus hauts revenus, mais que tous aient
des revenus approximativement égaux.
Il s'agit, dans ce cas, d'une justice correctrice.

II.2 – Les différentes conceptions de la justice sociale

Objectif 5 Comprendre ce qui est considéré comme juste selon les différentes conceptions
de la justice

Il existe des divergences théoriques sur la définition d’une société juste.

Les utilitaristes : Jérémy Bentham (1748-1832, philosophe anglais), considère qu'une société
juste suppose l'égalité du bonheur subjectif.

Les libertariens (= ultra libéraux) : Friedrich von Hayek (1899-1992), philosophe et économiste
britannique d'origine autrichienne, réfute l'idée d'une justice sociale émanant de l'État, contrevenant
ainsi à l'ordre naturel des choses. Il considère que les inégalités entre les hommes sont le résultat
normal de différences naturelles de talents, de compétences et d'efforts. Il lui semble illégitime de
modifier l'ordre naturel des choses par une action volontariste de l'État.

Les égalitaristes : K. Marx prône une égalité réelle grâce au communisme et considère qu'une
société juste suppose l'égalité des ressources.

Les libéraux égalitaires : J. Rawls (1921-2002 philosophe libéral américain, à gauche de


l'échiquier politique, connu pour la théorie de la justice en 1971) considère qu'une société juste
suppose l'égalité des chances. Il cherche à réconcilier liberté individuelle et solidarité collective à
travers le concept d'équité. Pour atteindre l’égalité des chances, il faut traiter les individus de
manière équitable.

Déf. Équité : Principe de justice sociale, qui peut amener à traiter différemment les individus dans
le but de corriger les inégalités de fait (= inégalités sociales).

La théorie de la justice sociale énonce que dans un État parfaitement juste, il doit être indifférent de
naître avec telles caractéristiques plutôt que telles autres. Elle repose sur deux principes :

- Le principe de liberté : chaque citoyen doit avoir accès aux mêmes libertés, et la liberté de
chacun doit être compatible avec la liberté des autres membres de la société.
- Le principe de différence : certaines différences (= inégalités) peuvent être tolérées dans une
société juste, à une double condition :
1. les fonctions qui procurent des avantages doivent être accessibles de la même manière à tous les
membres de la société. L’égalité des chances est le socle nécessaire d’une société juste.
2. les inégalités sont justifiées lorsqu’elles permettent d’améliorer la situation des plus
désavantagés. Ce principe justifie les aides accordées aux plus pauvres, mais aussi certains écarts de
salaires (« une personne talentueuse aura […] droit légitimement aux revenus plus élevés que lui
vaut son talent si la collectivité en profite aussi »). Il préconise ainsi des mesures de discriminations
positives.

Selon Amartya Sen (Economiste et philosophe indien, né en 1933, Prix Nobel de l’économie en
1998), la théorie de Rawls pose problème : il est possible qu’on ne parvienne à aucun accord
raisonné sur la nature de la société juste et il peut y avoir des principes contradictoires. Plus
largement, l’auteur invalide toutes les démarches qui visent à trouver des procédures idéales pour
obtenir une diminution des inégalités, car il existe toujours une pluralité des systèmes de valeurs et
de critères pour penser la justice. Il utilise l’exemple de la flûte : soit une flûte qu’il faut attribuer à
un seul parmi trois enfants. Le premier déclare la mériter car il est le seul à en jouer, le second
clame qu’il est le seul à n’avoir aucun jouet et le troisième affirme qu’il l’a fabriquée de ses propres
mains. Dans ce cas, l’attribution est impossible à effectuer. ¨Pour Sen la résolution de ce type de
conflit ne peut pas venir d’une institution mais seulement d’une délibération publique. Mais elle
implique aussi qu’on ait auparavant exclu les critères non pertinents pour mesurer la justice. En
effet, les manières d’utiliser ces biens et d’en bénéficier pour accroître sa capacité d’agir sont
différentes selon les dispositions des individus et leurs milieux sociaux. Cela dépend donc des
capabilités de chacun, c’est-à-dire des possibilités réelles pour un individu de faire des choix parmi
les biens qu’ils jugent estimables et de les atteindre effectivement. Autrement dit, la possibilité qu’a
l’individu d’améliorer son sort dans une direction souhaitée. Ex. avoir une voiture ne constitue pas
pour tous une capabilité. En effet, cette voiture ne sera convertie en liberté concrète que pour une
personne ayant le permis, recherchant la mobilité, dans une société où a circulation est libre et où la
pollution ne la rend pas plus coûteuse que désirable.
Selon Sen, la liberté et l’égalité sont appréciées et désirées différemment par les individus.

III – PAR QUELS MOYENS LES POUVOIRS PUBLICS PEUVENT ILS INTERVENIR
POUR ASSURER LA JUSTICE SOCIALE ?

III.1 – La fiscalité et la protection sociale

Objectif 6 Comprendre comment la fiscalité et la protection sociale contribuent à la justice


sociale

Déf. Fiscalité : Réglementation définissant les impôts d'une collectivité locale, d'un pays ou d'un
organisme international et sa perception.

La fiscalité consiste à opérer des prélèvements sur les revenus primaires et distribuer des revenus de
transfert pour réduire les inégalités de départ. Il existe deux principaux modes de prélèvements :
l'impôt qui est un prélèvement obligatoire sans contrepartie d'un service, et les cotisations sociales
qui ouvrent droit à des prestations sociales réservées à ceux qui ont cotisé.

Au niveau des impôts, en France, on distingue :


- la TVA, première recette de l’Etat (45 %) qui est un impôt proportionnel, c’est-à-dire que son taux
est le même pour tous. On distingue cependant plusieurs taux (20 %, 10 %, 5 % et 2,1%) en
fonction des biens.
- L’impôt sur le revenu (environ 1 foyer fiscal sur deux paye l’IR). L’IR est un impôt progressif.
- L’IS = impôt sur les sociétés (Taux : 33,33 %)
- La TICPE
- L’IFI = impôts sur la fortune immobilière

Déf. Cotisations sociales : Prélèvements obligatoires sur les salaires que les salariés et les
employeurs effectuent aux administrations de sécurité sociale pour financer un ou plusieurs risques
couverts par celles-ci.

Ex. La CSG signifie « Contribution Sociale Généralisée » et a été créée en 1991. Elle vise la quasi
totalité des recettes perçues par les personnes domiciliées en France :
1. Les revenus d’activité (salaires, primes...),
2. Les revenus de remplacement (pensions retraite, allocations chômage, indemnités
maladie...),
3. Les revenus du patrimoine (revenus fonciers, plus-values sur valeurs mobilières,
dividendes, intérêts....),
4. Les revenus de placement,
5. Les gains de jeux
Taux : au départ 1, 3 % aujourd’hui 9,5 %
Ex. La CRDS

La CRDS signifie « Contribution au Remboursement de la Dette Sociale » et a été créé en 1996


pour compléter la CSG et aider à résorber la dette de la Sécurité sociale. La CRDS est assise sur les
mêmes revenus.
La CRDS était à la base un impôt temporaire prévu jusqu’au 31 janvier 2014, mais son prélèvement
a été prolongé et continuera à être perçu par l’administration jusqu’à la fin de la dette sociale
française.
CSG : Contribution Sociale Généralisée : 7 , 5 % I mpôt français dû par les personnes physiques
fiscalement domiciliées en France mis en place en 1990 sous le gouvernement Rocard.
Il est destiné au financement d'une partie des dépenses de sécurité sociale relevant des
prestations familiales, des prestations liées à la dépendance, de l'assurance maladie et des
prestations non contributives des régimes de base de l'assurance vieillesse. Son taux varie selon le
type de revenu et la situation du salarié.
CRDS : Contribution au Remboursement de la Dette Sociale : I mpôt français dû par les
personnes physiques fiscalement domiciliées en France mis en place en 1996 sous le gouvernement
Juppé dont le but est de résorber l'endettement de la sécurité sociale. Son taux est fixé à 0.5 %
quelque soit le type de revenu.

L'impôt est proportionnel lorsque son taux est constant et s'énonce par un pourcentage fixe de la
base d'imposition.

L'impôt est progressif lorsque son taux s'accroît en raison de l'importance de la base d'imposition.

Remarque : Si la courbe de Lorenz, après redistribution, se rapproche de la droite de parfaite


égalité, on peut considérer que la fiscalité et les transferts permettent d'assurer une redistribution.

L'État reverse ce qu'il a prélevé. Il est alors qualifié d'État Providence. Il prélève d'un côté (PO),
puis redistribue de l'autre (sous forme de prestations sociales).

Déf. État Providence : État préoccupé du bien être de la collectivité, qui se donne pour mission
de produire des services non marchands, de garantir une protection sociale, d'opérer une
redistribution des revenus, et de réguler l'économie au moyen de politiques économiques.

Au sens strict, on parle d'ÉTAT PROVIDENCE pour évoquer la protection sociale en France. Il
s'est développé dans la seconde moitié du XXème siècle.

Déf. Prestations sociales : Versements effectués par les administrations publiques au profit des
ménages, en général en contrepartie de cotisations sociales, afin de protéger les individus contre
certains risques sociaux (maladie, invalidité, vieillesse, chômage).

Que recouvre la protection sociale ?


Rappel : L'État Providence est opposé à l'État gendarme

Cette protection sociale est universelle, c’est-à-dire qu'elle concerne l'ensemble des personnes
vivant sur le territoire national. Concrètement, la solidarité s'exprime à travers le financement de la
protection sociale : tous les citoyens financent les dépenses de protection sociale, indépendamment
de leur situation personnelle face aux divers risques sociaux.

Qu'est qu'un risque social ?


Un risque social est défini comme un événement incontrôlable provoquant soit des
dépenses importantes pour l'individu (maladie ou accident) soit une diminution sensible de ses
revenus habituels (chômage, cessation d'activité).

Ainsi, la protection sociale se traduit par une importante redistribution des revenus : cette
redistribution est horizontale. C'est le cas des remboursements maladie par ex. mais elle peut être
également verticale lorsque le système vise à redistribuer l'argent des ménages les plus riches vers
les ménages les plus modestes. C'est le cas du RSA par ex.

L'EP met en place deux types de redistribution (de solidarité) : l'assurance contre la perte de
revenus et l'assistance aux plus démunis.

Deux systèmes majeurs : système bismarckien et système beveridgien.

La logique de l'assurance : système bismarckien (chancelier allemand, mise en place en


Allemagne à la fin du XIXè siècle). Chaque actif cotise proportionnellement à son revenu et reçoit
des prestations proportionnelles à ses cotisations. Pour les personnes qui ne travaillent pas, il
faut envisager un système d'aide sociale particulier. Le versement des prestations est donc sous
condition de cotisation. L’objectif n’est pas de réduire les inégalités.

La logique d'assistance : système beveridgien (Lord Beveridge, économiste et homme politique


britannique, 1879-1963, 1942 rapport sur le Welfare State RU). Tous les individus sont
couverts quelle que soit leur situation professionnelle. Les prestations dépendent des besoins
et non pas du montant des cotisations. L’objectif est de réduire les inégalités.

En France, le système mis en place aujourd'hui tient des deux logiques : assurance et assistance. La
France a donc choisi d'adapter un système mixte qui combine des traits du système beveridgien et
du système bismarckien.

Ex. depuis 2000, la CMU relève de l'assistance. Par contre, lorsqu'un individu choisit de cotiser à
une mutuelle pour compléter ce que rembourse la sécurité sociale, il obtient des prestations
selon le principe de l'assurance.
Ex. Le minimum vieillesse n'implique pas d'avoir cotisé durant sa vie (assistance) ; la retraite de
base et la retraite complémentaire, elles, sont liées aux cotisations versées et relèvent donc de
l'assurance.
Ex. Les particuliers peuvent s'assurer pour obtenir une allocation veuvage, tandis que la
sécurité sociale assure par exemple une allocation de rentrée scolaire (assistance).
Ex. Les chômeurs peuvent percevoir une allocation de solidarité (assistance), tandis que l'allocation
chômage dépend des cotisations du salarié privé d'emploi.
Ex. Aux personnes à revenus modestes, l'Etat assure le RSA et l'AL (aide au logement), qui
relèvent de l'assistance. En revanche, l'assurance contre la pauvreté n'existe pas.

Déf. Assistance : Système de protection sociale dans lequel la solidarité est organisée pour tous,
le financement étant assuré par l'impôt.
Déf. Assurance : Système de protection sociale dans lequel la solidarité est organisée pour ceux
qui cotisent et qui contribuent au financement.

Justice distributive ou corrective/Justice commutative.

La justice commutative consiste en l'égalité de droit ou formelle. Elle est fondée sur la réciprocité
(chacun doit récupérer son dû). L'équité consiste en ce que chacun reçoive l'équivalent de son
apport et peut être mise en œuvre sans intervention de l'État et reposer sur les seuls mécanismes de
contrat et de l'assurance.

La justice distributive vise l'égalité réelle, c’est-à-dire à une redistribution de revenu ou de


richesse entre les individus. Dans sa forme ultime, elle vise à donner à chacun selon ses besoins ou
ses handicaps.

La solidarité est plus ou moins étendue. Ainsi, L'EP est universel, corporatiste ou libéral.
Les modèles universaliste, corporatiste et libéral selon Esping-Andersen (Économiste et sociologue
danois né en 1947).
Chaque pays a construit son propre système de protection sociale, en fonction de ses valeurs, de
son histoire ou de ses ressources.

Le modèle libéral : ex. USA : la protection sociale doit être assurée par les cotisations
personnelles, volontaires des individus. Il n'y a donc pas de système de protection sociale à
proprement parler, mais des assurances privées auxquelles chacun cotise en fonction de ses moyens
et de ses choix personnels. On a y ici un Etat Providence très restreint qui se contente
d'instaurer un minimum de protection sociale aux plus démunis et qui se limite aux prestations
essentielles.

Le modèle corporatiste : la France ou l'Allemagne : le système repose essentiellement sur


les cotisations des actifs. C'est donc l'activité (le travail) qui ouvre les droits. Ces droits sont
souvent proportionnels aux cotisations, selon la logique assurantielle. Les assurés sociaux
peuvent compléter leur protection personnelle en souscrivant des assurances privées ou en adhérant
à des mutuelles.

Le modèle universaliste : les pays scandinaves : son objectif est de permettre un accès universel,
c’est-à-dire de tous les citoyens, à un niveau élevé des prestations et de services. Ces services sont
offerts gratuitement et sont financés par les prélèvements obligatoires. La protection sociale ne
dépend pas du travail, elle est garantie à tous les citoyens. On parle également de système social-
démocrate.

Le système de protection sociale français s'est historiquement constitué sur la logique assurantielle
(bismarckienne), en se développant notamment après la seconde guerre mondiale. Cette logique,
adaptée à la période de croissance exceptionnelle des 30 G, a été confrontée, à partir du milieu des
années 1970, à la montée du chômage de masse risquant de priver de protection tous ceux qui
n'accèdent plus à l'emploi. La logique universaliste, c’est-à-dire sans cotisation préalable, est donc
venue compléter le dispositif avec la création du RMI (remplacé depuis par le RSA, 2009), la CMU
(Couverture maladie universelle), le minimum vieillesse et l'allocation de parent isolé. Si le socle
du système repose toujours sur une logique d'assurance, la logique d'assistance est venue combler
les défaillances.

III.2 – Les services collectifs

Objectif 7 Comprendre comment les services collectifs contribuent à la justice sociale


Déf. Service collectif : Service non rival (pouvant être consommé par plusieurs personnes à la fois)
et non excluable (non marchand).

Un service collectif (financé par l'impôt) peut lui aussi avoir des effets redistributifs sur les revenus
des ménages et donc réduire les inégalités de situations. A travers ces services publics financés par
la collectivité (en particulier la santé, l’éducation), l’État contribue puissamment à la réduction des
inégalités de niveau de vie. En effet, les services publics collectifs sont gratuits ou quasi gratuits,
c’est-à-dire à un coût inférieur à leur coût réel. Dans ce cas, les ménages ne perçoivent pas de
revenus de transfert (par ex. des prestations sociales), mais des transferts en nature, par ex. l’accès à
l’éducation ou l’accès aux soins (qui provient aussi des administrations).

Sans les missions de service public développées par l’État, les individus n’auraient pas un accès
égal à certains services publics jugés indispensables. Ex. infrastructures routières, communication,
transports, éducation…

Cependant, certains services publics, à l’instar de l’éducation, restent largement reproducteurs


d’inégalités (l’école selon Pierre Bourdieu).

Loi SRU
Loi Solidarité et Renouvellement Urbain créée en 2000. Le but de cette loi est d’offrir à tous les
conditions de se loger décemment. Il s’agit d’une politique sur le logement social.

Depuis 2000, la loi SRU impose aux communes de disposer d’au moins 20 % de logements
sociaux. Dans le cadre de cette loi, le logement social est considéré à la fois comme un service
d’intérêt général et un instrument efficace de la mixité sociale. Pourtant, nombre de communes,
redoutant une dégradation de leur image avec l’arrivée de populations à faible revenus, préfèrent
payer une amende plutôt que de construire des logements sociaux. Le nombre de personnes
connaissant des difficultés de logement s’accroît. Pour y répondre, la loi du 5 mars 2007 institue le
droit au logement opposable (dalo) et désigne l’État comme le garant du droit au logement.
Néanmoins, face à l’important déficit de logements en France, la mise en application de ce nouveau
droit rencontre de nombreuses difficultés.

III.3 – La lutte contre les discriminations

Objectif 8 Comprendre comment la lutte contre les discriminations contribue à la justice


sociale

L'action positive (ou politique de discrimination positive) peut être définie comme le traitement
préférentiel volontairement accordé aux membres d'une minorité traditionnellement désavantagée
afin de compenser les désavantages associés à cette appartenance.

On distingue deux formes d'actions positives selon qu'elles interviennent a priori (notamment en
favorisant l'accès à l'éducation des catégories discriminées) ou à posteriori (notamment en
corrigeant les mécanismes de marché).

L'exigence de justice sociale a ainsi conduit les pouvoirs publics à renforcer la législation contre les
discriminations en favorisant des politiques de discrimination positive tant au niveau de l'éducation
qu'au niveau de la parité homme/femme en matière de mandat politique par exemple.

En 2004, l’État français a créé la HALDE, Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et
pour l’Egalité remplacée depuis 2011 par le défenseur des droits (DDD).
Objectif : mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de
race ou d’origine ethnique.
Elle peut être saisie de tous les cas de discriminations, qu’ils proviennent du racisme, de
l’intolérance religieuse, du sexisme, de l’homophobie ou du rejet des handicaps.
Elle peut formuler des recommandations visant à remédier à des pratiques discriminatoires
reconnues, témoigner devant les juridictions, proposer des modifications législatives ou
réglementaires et prendre l’initiative d’actions visant à assurer la promotion de l’égalité.
Elle remet chaque année un rapport au Président de la République.

IV – QUELLES CONTRAINTES PESENT SUR L’ACTION DES POUVOIRS PUBLICS ?

IV.1 – Crise de financement de l’État Providence

Objectif 9 Comprendre que l’action des pouvoirs publics s’exerce sous contrainte de
financement

L’État Providence traverse une crise de financement. En effet, le fonctionnement de la protection


sociale pose problème. Pendant les années de forte croissance, l'enrichissement de la société
permettait de financer des prestations sociales, ce qui réduisait les inégalités en donnant à tous
l'accès à la société de consommation et la protection contre les risques de la vie. Aujourd'hui, la
crise économique rend les ressources plus rares et l'on découvre les difficultés qu'a l'État
Providence à atteindre les objectifs qui lui ont été assignés.

Mais, la crise de l’État Providence signifie aussi que, face à ces difficultés de fonctionnement, celui
ci doit se transformer, ce qui fait débat dans nos sociétés contemporaines. C'est aux Pouvoirs
Publics de prendre en charge les fonctions de solidarité et de distribution qui étaient
traditionnellement dévolues à d'autres (familles, églises...), mais celles ci ne pouvaient plus
remplir ce rôle compte tenu de l'évolution de la société. Toutefois, on peut se demander aujourd'hui
jusqu'où doit aller le rôle de l'État et où commence la responsabilité individuelle.

IV.2 – La crise de légitimité et le risque d’effets pervers

Objectif 10 Comprendre que l’action des pouvoirs publics fait l’objet de débats en termes
de légitimité et de risque d’effets pervers

La protection sociale peut avoir des effets pervers : La protection sociale risque de
déresponsabiliser l'individu. On reproche souvent à l’État Providence de développer une culture de
l'assistance, de faire perdre aux individus le sens de la responsabilité. Dès lors que la société
procure une aide en cas de difficulté, on n'a plus à se soucier des risques que l'on court en se
reposant sur l'idée que la collectivité interviendra en cas de besoin (aléa moral).
Pourquoi un travailleur chercherait-il un emploi payé au SMIC s'il peut bénéficier sans travailler
d'allocations d'un montant voisin du SMIC ?)

Il s'agit du débat équité/efficacité.


Selon les néolibéraux (F. von Hayek), l'égalitarisme n'est pas efficace. Les inégalités sont justes
parce qu'elles résultent de l'exercice de la liberté de chacun. En redistribuant, l'Etat désincite les
entreprises à produire plus et favorise les trappes à pauvreté.

Pour Arthur Laffer, ''Trop d'impôt tue l'impôt''

Arthur Laffer a été conseiller du Président Reagan au début des années 1980 et considérait que trop
d'impôt tue l'impôt. En effet, selon lui, les États Unis étaient déjà entrés dans une phase où les taux
d'imposition étaient dissuasifs. Par conséquent, Laffer supposait que les effets de substitution étaient
dominants : Toute hausse du taux d'imposition (''trop d'impôt'') avait pour effet de réduire l'incitation
à produire ou à travailler davantage et favorisait les activités de substitution (production
domestique, loisirs) échappant à l'impôt (''tue l'impôt'').
Selon l'auteur, une baisse du taux d'imposition entraîne une diminution des recettes fiscales.

Aujourd’hui, le risque majeur pris par les responsables politiques est que de trop taxer les plus
fortunés conduit à l’évasion fiscale (fin de l’ISF au profit de l’IFI).

IV.3 – L’effet relatif de la réduction des inégalités

Objectif 11 Comprendre que l’action des pouvoirs publics fait l’objet de débats en termes
d’efficacité

La protection sociale ne profite pas toujours à ceux qui en ont le plus besoin. Ainsi, l'EP est accusé
de ne pas réduire suffisamment les inégalités.
Le système français bâti dans les années 1950, é t a i t adapté pour protéger les travailleurs
stables et leurs familles. Mais, les jeunes chômeurs, les chômeurs de longue durée, les mères
célibataires ne pouvant pas cotiser, ne bénéficiaient pas des prestations. Il a fallu attendre la
création du RMI et de la CMU pour corriger cette défaillance.
Aujourd'hui, les dépenses de santé sont mal régulées (contrôlées), ce qui peut conduire à un
reversement non optimal des prestations sociales (gaspillage de l'argent public).

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