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DCG2-UE5-Economie-redistribution, inégalités, pauvreté : mesure, enjeux

Redistribution, inégalités et pauvreté : mesure et enjeux


I- La mesure de la pauvreté et des inégalités

1.1- Pauvreté absolue et pauvreté relative

 Pauvreté absolue : par rapport à un panier fixe de biens ou un seuil de niveau de vie en dollar
constant. % de gens vivant avec moins d’un dollar par jour, ou n’ayant pas l’eau courante, ou
l’électricité ou moins de x m2 de logement par personne.
 Pauvreté relative : la pauvreté est alors un sentiment ; un pauvre absolu au milieu de pauvres
absolus souffrirait moins qu’un millionnaire au milieu de milliardaires.

1.2- Indicateur de pauvreté relative


 Indice de Gini : compris entre 0 (inégalité maximale) et 1 (égalité parfaite). Construit à partir
de la courbe de Lorenz.
 Taux de pauvreté : % de personnes en dessous de 60% du revenu médian, soit 60%*1800 =
1080 euros en France pour un célibataire.
 Rapport interdécile D9/D1 : on découpe la population en tranches de 10% (décile) soit 6,7
millions en France par décile. On mesure le revenu en dessous duquel se situent les 10% les
plus pauvres (D1) et le seuil au-dessus duquel se situent les 10% les plus riches (D9) : en
France 10% gagnent moins que 900 euros, 10% plus de 3200 euros donc le rapport D9/D1 est
d’environ 3200/900 =3.6

1.3- Débat sur les instruments de mesure de la pauvreté


1- On peut combattre la pauvreté absolue, mais pas la pauvreté relative, par construction.
2- La mesure de la pauvreté relative mesure moins la pauvreté que les inégalités.
3- La pauvreté relative peut augmente alors que le niveau de vie moyen augmente.
4- C’est parce que la pauvreté absolue a été éradiquée dans les pays développés que l’on
privilégie les indicateurs de pauvreté relative, donc d’inégalités
5- Problème des comparaisons entre pays à partir d’indicateur de pauvreté relative
6- Inégalité de patrimoine : le piège des statistiques. On omet que le capital se constitue tout au
long de la vie. Même dans une société communiste avec des revenus annuels identiques, 10%
de la population posséderait 20% du patrimoine global. Sophisme des statistiques d’Oxfam
selon lesquels 1% de la population mondiale posséderait 50% du patrimoine mondiale.
7- Dynamique des inégalités : il faut aussi étudier la durée moyenne dans la pauvreté plutôt que
le taux de pauvreté lui-même. De même, 10% des Américains ont fait partie dans leur vie au
moins une fois des 1% les plus riches.
8- Les auteurs libéraux préfèrent lutter contre la pauvreté absolue, quitte à ce que la pauvreté
relative (donc les inégalités) augmente ; les auteurs keynésiens sont plus sensibles aux
inégalités (donc à la pauvreté relative) qu’à la pauvreté absolue. L’opinion publique, via le
marché politique, pousse mécaniquement à favoriser les politiques luttant contre les inégalités,
donc la pauvreté relative, quitte à accroître la pauvreté absolue.

1.4- Les autres inégalités


Elles découlent parfois des inégalités monétaires, mais pas toujours. Inégalités
H/F, inégalités d’accès à la santé, à l’éducation, au logement à l’emploi stable en
CDI et à plein temps, inégalités de patrimoine, inégalités intergénérationnelle
entre jeunes et vieux (Millenials vs. Boomers)

1.5- Evolutions historiques


 Dans le monde, on observe depuis les années 1980 une forte baisse de la pauvreté absolue,
notamment en Chine (stagnation aux EU). Conséquence positive de la mondialisation, de

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l’insertion dans le libre-échange mondial, du passage d’économies planifiées à des économies


de marché.
 Dans les pays développés : forte réduction des inégalités de 1945 à 1980 (mise en place des
Etats-providence, salaire ou revenu minimum, impôts progressifs). Augmentation depuis.
Cette augmentation a plusieurs causes :
 Mondialisation qui favorise le capital au détriment du travail, d’où une déformation
du partage de la VA au détriment des salariés, donc des revenus modestes. Emergence
d’entreprises mondiales, d’où les fortunes accumulées par leurs actionnaires et les
salaires élevés des dirigeants.
 Politiques libérales de privatisation des services publics et de réduction de la
progressivité de l’impôt (influence de Hayek/Friedman et de Reagan/Thatcher)
 Evolution des techniques : secteurs à rendements croissants (économies d’échelles)
comme les industries à réseaux, favorisant les monopoles naturels (« the winner takes
all »). En outre, la demande s’oriente vers les activités consommant du travail qualifié, au
détriment des activités consommant du travail non qualifié
 Rentes de monopole : propriétaires immobiliers (bulle spéculative alimenté par le
monopole d’émission de la banque centrale, rareté artificielle du foncier entretenue par les
pouvoirs publics), détenteurs d’actions et traders (comme V=d/r, V augmente quand la BC
baisse r), joueurs de football, droits d’auteur pour les artistes et brevets octroyés par les
Etats au profit des laboratoires pharmaceutiques.

 En France, la pauvreté relative concerne surtout les jeunes (-30 ans), les familles
monoparentales (mères célibataires), les immigrés.

II- Enjeux de la lutte contre les inégalités

2.1- le point de vue libéral : la redistribution n’est ni morale ni efficace économiquement

2.1.1- sur le plan philosophique ou moral


 Les pièges sémantiques : inégalités plutôt que différences, redistribution alors que production
et distribution de revenus sont liés et ont lieu simultanément, justice sociale (crime sans
auteur, sans responsable), égalité (égalité des droits ou égalité des conditions, « droits de » vs
« droits à »), solidarité (qu’est-ce qu’une solidarité obligatoire ? mais il existe aussi une
solidarité privée)
 Droit naturel : caractère sacré de la propriété privée (article XVII de la DDHC de 1789), a-t-
on un droit sur le revenu des autres ? les revenus n’ont pas été créés mais produits (ils
n’existaient pas auparavant) ; les revenus de Bill Gates n’ont spolié personne, ni les acheteurs
de produits Microsoft, ni ceux qui n’en ont jamais achetés. La démocratie (=marché politique)
incite les individus à se procurer des revenus via la redistribution par l’Etat plutôt que par des
efforts individuels productifs : c’est injuste car la majorité (les plus pauvres) spolie les droits
de propriété d’une minorité (les plus riches).
 Difficultés à juger de la légitimité de la redistribution à partir d’un seul critère, le
revenu. Difficulté à évaluer le mérite personnel. Les individus sont différents dans leurs
ambitions, leurs objectifs, leur plus ou moins grande facilité à réaliser tel effort ou acquérir
telle compétence
 Sophisme de la distribution qui interviendrait après la production de richesses, sans que cette
distribution influence le niveau de la production. En fait, la façon de répartir les richesses
influence leur production.
 Certaines inégalités sont justes : écart de productivité donc de mérite personnel, nombre
d’heures travaillées, investissement en capital humain. Les rémunérations élevées
récompensent des individus qui proposent des biens ou services rares et très demandés : elles
récompensent des personnes utiles, aux yeux des consommateurs.

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 Les hauts revenus viennent soit d’une compétence rare très demandée sur le marché
(revenu légitime alors), soit d’une rente illégitime créée par l’intervention de l’Etat (mais
alors, ce ne sont pas les revenus qu’il fait plafonner ou taxer, mais la rente de monopole,
donc l’action de l’Etat, qu’il faut supprimer)

2.1.2- sur le plan économique


 Les revenus sont des prix qui agissent comme des signaux de rareté : les inégalités entre
revenus dans la finance et revenus dans les métiers de caissiers incitent les salariés à quitter le
secteur des supermarchés pour acquérir des compétences leur permettant de trouver un emploi
rémunéré dans la finance. Ce faisant, les prix (les revenus ici) font bien plus qu’orienter les
intérêts privés : ils contribuent à l’intérêt général, la pénurie de salariés dans la finance se
résorbant à mesure que l’excès d’offre de caissiers se réduit. La redistribution rend les emplois
attractifs moins attractifs et incite les gens à conserver des emplois peu productifs mal payés
(le statut de caissier est rendu acceptable par les aides et services gratuits apportés par l’Etat-
providence)
 Il n’y a pas de raison pou que le même panier de biens soit payé à un prix différent selon
que l’on soit smicard ou cadre supérieur. L’impôt par capitation (poll tax) ou proportionnel
est plus juste que l’impôt progressif
 Les inégalités sont des incitations à faire des efforts productifs (acquérir du capital humain,
épargner, travailler plus). A l’inverse, la redistribution taxe les efforts productifs (d’où moins
d’efforts productifs) et subventionne l’inactivité ou les bas salaires (d’où plus d’inactivité et
de bas salaires). Notion de trappe à pauvreté
 Les inégalités accroissent le niveau de l’épargne, donc le capital accumulé, donc le capital
productif par salarié, donc à terme la croissance de la production et celle des revenus, y
compris des salariés modestes. En redistribuant, on réduit la pauvreté relative mais on ne fait
pas reculer la pauvreté absolue.

2.2- le point de vue keynésien ou social-démocrate : la redistribution est non seulement morale
mais aussi efficace économiquement

2.2.1- sur le plan moral et philosophique


 Les sociétés inégalitaires sont perçues comme très injustes, d’où violence et délinquance,
les pauvres se faisant justice eux-mêmes. Société à la brésilienne. C’est l’intérêt des riches que
de soutenir financièrement les pauvres, s’ils veulent pouvoir quitter leurs villas bunkerisés à
l’abri de miradors, de vigiles privés et de caméras de surveillance.
 Les inégalités reflètent moins le mérite ou l’effort personnel que la reproduction sociale :
transmission d’un capital culturel et financier au sein des familles bourgeoises, ce qui favorise
leurs enfants dans la course aux diplômes, aux bons emplois, aux revenus élevés. Thèse de
Bourdieu. D’où la nécessité de taxer les patrimoines et/ ou les héritages, de mettre en place un
impôt progressif et de distribuer des services gratuits financés par l’impôt des plus riches
(santé, éducation…)
 Il existe des risques sociaux (maladie, retraite, baisse du niveau de vie si enfants, chômage)
que l’Etat doit prendre en charge au titre de l’assurance (mutualiser les risques) mais aussi de
la solidarité (pour que les plus pauvres aient accès à ces biens). La sécurité sociale doit
s’ajouter à la sécurité physique que l’Etat assure déjà via ses fonctions régaliennes (justice,
police)

2.2.2- sur le plan économique


 Les bas revenus ont une propension à consommer plus élevée que les hauts revenus, qui
épargnent trop (= une partie de l’épargne est donc thésaurisée = revenu non réinjecté dans
l’économie =fuite du circuit économique). La redistribution des riches vers les pauvres accroît
donc la consommation, donc la demande intérieure porivée C+I, donc stimule la croissance et
l’emploi

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 La redistribution accroît l’efficacité des relances budgétaires, le multiplicateur 1/(1-c)


étant plus élevé

2.3- synthèse des enjeux : liberté vs. Egalité

 On pourrait résumer le débat sur les inégalités par un arbitrage entre liberté et l’égalité : les
libéraux veulent la liberté, plus efficace pour créer de la croissance, fût-ce au ^prix
d’inégalités croissantes. Les sociaux-démocrates privilégient l’égalité des conditions, fût-ce au
détriment de la liberté.
 L’arbitrage peut aussi opposer le CT et le LT. Les libéraux se placent sur le très long
terme : la liberté crée certes des inégalités mais à long terme, le sort de tous s’améliore
grandement, y compris le pouvoir d’achat des plus pauvres. Les sociaux-démocrates
privilégient le CT, voulant corriger dès maintenant les inégalités, même si c’est au prix d’une
croissance future plus faible et donc d’une stagnation à long terme du revenu des plus pauvres.
 Cf. position de John Rawls : le voile d’ignorance et les inégalités acceptables (« Théorie de
la justice », 1971)

Sujet de dissertation : faut-il plafonner les hauts revenus ?

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