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DCG2-UE5-Economie-Lucas- l’OMC et l’organisation des échanges internationaux

L’organisation des échanges mondiaux 


 

Le libre-échange se répand à partir de 1846,  date de l’abrogation en Angleterre des Corn Laws, lois
sur le blé qui protègent les agricultures depuis la fin du XVIIIè siècle. Toute l’Europe va être atteinte
par cette vague libre-échangiste (cf. « l’Empire libéral » de Napoléon III), donnant naissance à la
« première mondialisation » (1870-1914). Le repli protectionniste de l’entre-deux-guerres, accusé de
prolonger la récession, sera remis en cause en 1945, si bien que le monde qui sort du second conflit
mondial s’organise autour de deux institutions chargées de veiller au libre-échange, le GATT et
l’OMC. 

1. Le GATT (General Agreement on Tariff and Trade) : 1947-1993

1.1- Genèse du GATT 

Créé en 1947 (accords de La Havane et de Genève), il regroupe à l’origine 23 pays dans le but
d’organiser et de libéraliser les échanges internationaux.  L’objectif est double : 

 assurer la prospérité mutuelle des nations par le libre-échange (théorie


ricardienne de l’avantage comparatif) 
 réduire les risques de guerre grâce à la prospérité et grâce à
l’interdépendance économique que crée le commerce (cf. Montesquieu). 

1.2- Principes du GATT 

1- clause de la nation la plus favorisée (principe de non discrimination) : chaque pays


doit étendre à tous les pays les avantages qu’il accorde à l’un d’entre eux. Il s’agit
d’éviter le recours aux négociations bilatérales : l’idée est que le libre-échange ne
progresser qu’avec la mise en place du multilatéralisme. 
2- Principe de réciprocité : tout pays qui reçoit des avantages commerciaux doit en
accorder en retour. 
3- Principe de loyauté des échanges : les subventions aux exportations sont prohibées 
4- Suppression des restrictions quantitatives telles que les quotas. 

1.3- Cycles de négociations du GATT 

Il y en a eu 8, dont les 3 derniers sont : 

 le Kennedy Round (1964-1967) 


 le Tokyo Round (ou  Nixon round) : 1973-1979 
 l’Uruguay Round (ou Reagan Round) :1986-1994 

Ces négociations ont permis de réduire très fortement les droits de douane sur les produits industriels,
de 40% en moyenne au lendemain de la guerre à environ 5%. Les barrières tarifaires aux échanges  de
biens manufacturés ont donc quasiment disparu.  

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Toutefois : 

 les Etats ont eu tendance à contourner les principes du GATT en


mettant en place des barrières non tarifaires plus opaques (réglementation
technique par exemple, subventions, quotas) 
 les cycles de négociation sont de plus en plus longs, traduisant des
points de vue différents entre Etats, et la difficulté d’imposer le libre-
échange dans un contexte de ralentissement de la croissance (années
1970) 
 si le GATT a largement atteint ses objectifs dans le domaine
industriel, les négociations portant sur d’autres secteurs butent sur les
intérêts nationaux que mettent en avant les Etats : agriculture, prospérité
intellectuelle, exception culturelle, services. 

C’est pourquoi il est apparu nécessaire de créer, à l’issue de l’Uruguay Round, une institution pérenne,
siégeant de façon permanente : l’OMC 

2. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC ou WTO) : de 1993 à


aujourd’hui

Créée par les accords de Marakkech, elle remplace le GATT au 1er janvier 1995. Elle regroupe 150
Etats, dont la Chine, pesant au total 90% du commerce mondial.  

2.1- Principes régissant l’OMC  

L’OMC reprend l’intégralité des principes du GATT (voir plus haut). Comme le GATT, l’OMC admet
les accords commerciaux régionaux (ALENA, UE, Mercosur), à condition qu’ils n’accroissent pas le
niveau de protection à l’égard des autres pays.  

2.2- Organisation de l’OMC 

1. une conférence ministérielle se réunit au moins une fois tous les deux
ans : les décisions y sont prises à l’unanimité, sur le principe un Etat = une
voix, si bien que chaque Etat dispose d’un droit de veto. 

2. L’Organe de règlement des différends : c’est la réelle nouveauté de


l’OMC. Les Etats y soumettent les litiges, que l’ORD tranche (possibilité
d’appel). Plusieurs signes montrent que ce tribunal du contentieux commercial
fonctionne bien : 50% des plaintes se règlent à l’amiable ; les délais sont
courts, inférieurs à 12 mois ; le taux d’appel est descendu de 100% à 60%. 

2.3- Bilan de l’OMC : points positifs 

1- les négociations pour libéraliser certains services : télécommunications, services


financiers 
2- le succès de l’ORD 
3- l’adhésion de la Chine en 2001, qui se soumet ainsi aux grands principes du
commerce mondial 

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2.4- Les échecs de l’OMC 

1- Echec du cycle de Doha, ouvert en 2001 : il portait sur la libéralisation des


services et de l’agriculture. Il s’est heurté à l’opposition des pays du Sud qui
considèrent que jusqu’ici la libéralisation des échanges leur a peu profité (cf.
marginalisation des PMA). Ils n’acceptent donc une libéralisation des services
qu’à condition que les pays du Nord libéralisent leur agriculture, domaine où
les pays du Sud ont un avantage comparatif. Les Etats-Unis et l’Europe s’y
refusent, ce qui bloque les négociations.  
2- Poussée du mouvement anti-mondialisation ou altermondialiste (voir les
manifestations à Seattle 1999 ou à Gênes 2000) : l’OMC favoriserait les
délocalisations, les évasions fiscales, la destruction des modes de vie locaux.
3- La montée des accords régionaux au détriment du commerce mondial ; la
montée du protectionnisme dans l’opinion publique et la pratique de certains
Etats (politique de Trump par ex.) ; les volontés de relocalisations (avec les
arguments du climat, du Covid ou de l’indépendance stratégique) 

3- Multilatéralisme et accords régionaux 

L’OMC est fondée sur le multilatéralisme : les négociations doivent concernées l’ensemble
des membres de l’OMC. Or des ensembles commerciaux régionaux se sont constitués, en marge du
GATT ou de l’OMC : l’UE dès 1958, l’ALENA en 1994, le Mercosur en Amérique latine, l’ASEAN
en Asie, pour ne citer que les principaux parmi eux. En 2020, un nouvel accord de LE vient d’être
signé dans le Sud-Est Pacifique regroupant Chine, Corée du sud, Japon, Australie, NZ, Malaisie,
Philippines... 

Ces accords sont certes contraires aux principes du GATT et de l’OMC : ils sont
cependant autorisés à titre dérogatoire, dans la mesure où ils n’entraînent pas une augmentation des
droits de douane vis à vis des pays tiers. Toutefois, en instaurant un libre-échange en leur sein, ces
accords accroissent les flux commerciaux entre les pays membres de l’accord, ce qui diminue les flux
commerciaux vis à vis des pays tiers, combien même ces derniers posséderaient des avantages
comparatifs. 

Le risque est donc que ces échanges diminuent le bien-être mondial, par réduction du surplus
du consommateur. Il peut également fragmenter le commerce mondial, qui deviendrait alors
multipolaire, les échanges s’intensifiant au sein de chaque pôle mais se réduisant entre les différents
pôles. Toutefois, l’expérience montre que ces ensembles régionaux ont eu plus pour but de resserrer
les liens entre les pays membres, que de se protéger contre la mondialisation : en ce sens, ils ont plus
contribué à développer le libre-échange qu’à le limiter.  

4- La mondialisation 

4.1- Le concept de mondialisation 

La mondialisation est la conjonction de trois caractéristiques : 

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1. la libre circulation des marchandises : la Chine devient ainsi « l’atelier


du monde », uniformisation du prix des marchandises, ouverture et
interdépendance des économies 

2. la libre circulation des hommes : cf les mouvements migratoires du


Sud vers le Nord 

3. la libre circulation des capitaux : les excédents chinois financent les


déficits jumeaux US, émergence des fonds de pension, OPA de Mittal sur
Arcelor. 

Elle n’est pas le résultat du destin : elle est le fruit de décisions politiques (Reagan et Thatcher
influencés par Friedman-Hayek) ou économiques (accords de libre-échange, abaissement des droits de
douane), même si l’évolution des techniques (transports, internet) l’a puissamment favorisée. Il ne
faut cependant pas considérer la mondialisation actuelle comme historique, au sens où elle serait un
fait inouï ou isolé dans l’histoire : le monde a en effet déjà connu une première vague de
mondialisation (1870-1914) 

4.2- Aspects positifs de la mondialisation : « la mondialisation heureuse » (Alain Minc) 

1. conformément à la théorie ricardienne, les Etats se spécialisent peu à


peu dans les domaines où ils disposent d’un avantage comparatif (division
international du travail) : d’où un gain à l’échange mutuel, qui entraîne un
surplus de richesse. La mondialisation participe donc à la croissance du Pib
mondial (5% par an en moyenne) 

2. l’allocation des ressources est plus optimale : le capital n’est plus


limité à financer des investissements nationaux, mais peut s’investir dans les
pays où il est le plus rentable 

3. la pauvreté au niveau mondial recule (notamment en Asie du Sud-


Est) 

4. la mondialisation concerne aussi la démocratie et les Droits de


l’Homme, qui se sont répandus.  

4.3- Critiques de la mondialisation 

1. Dans les pays du Nord, le libre-échange entraîne des coûts de transition des secteurs
en déclin vers les secteurs d’avenir (chômage frictionnel, exemple du Nord-Pas-de-
Calais ou de la Lorraine). On accuse également la mondialisation de contribuer à la
désindustrialisation des économies du Nord, à l’augmentation des inégalités entre
gagnants et perdants au jeu de l’ouverture des frontières, et à la baisse du salaire des
travailleurs non qualifiés.  La Chine et les pays du Sud-est sont particulièrement
pointés du doigt, en raison du dumping social, monétaire et écologique qu’ils
pratiqueraient. D’où pour les partisans de ces thèses la nécessité de soumettre le libre-
échange à des clauses sociales (harmonisation du droit social et fiscal) ou de souhaiter
un protectionnisme à l’échelle européenne (Emmanuel Todd). Les libre-échangistes
répondent qu’il est difficile de demander aux pays pauvres de renoncer au seul

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avantage comparatif dont ils disposent (les bas salaires) ; par ailleurs, ils soulignent
qu’au fur et à mesure qu’ils se développent grâce au libre-échange, les salaires et les
conditions sociales de ces pays s’améliorent.  

2. La mondialisation économique et financière accroît l’interdépendance des économies,


ce qui a pour effet : 

 de créer un risque systémique (cf crises financières à répétition depuis


le début des années 1990) 
 de limiter l’autonomie des politiques économiques nationales
(multiplicateur keynésien inopérant en économie ouverte) 
 d’accroître les coûts écologiques de la croissance (coûts écologiques
des transports, responsables de l’effet de serre) : la mondialisation serait
incompatible avec le développement durable, il faudrait relocaliser les
économies. 

3. La mondialisation entraîne une perte de souveraineté des Etats (concurrence fiscale


des Etats, dépendance à l’égard des prêteurs étrangers, rôle croissant des entreprises
multinationales et des fonds de pension). Cela consacre le déclin du politique et de la
démocratie (un homme = une voix) au profit du marché. Cela impliquerait la mise en
place d’une gouvernance mondiale pour harmoniser les fiscalités, régler le problème
des taux de change, mener des politiques de relance commune ou penser le
développement durable. C’est ainsi que certains plaident pour la mise en place d’une
taxe Tobin. Le G20 pourrait être l’embryon d’un gouvernement mondial, capable de
la mettre en place.  

4. La mondialisation serait avant tout une mondialisation du capital : le capital serait


devenu nomade à l’échelon mondial, mettant en concurrence les économies et les
places financières, à la recherche des meilleurs rendements tandis que les marchés du
travail resteraient largement nationaux, cloisonnés. D’où un rapport de force favorable
au capital qui expliquerait que le partage de la VA entre salaires et profits se fasse
plutôt en faveur du capital. Il en résulterait une stagnation des salaires réels dans les
pays du Nord. Pour Krugman, cette stagnation doit cependant moins au libre-échange
qu’au progrès technique, qui défavorise le travail non qualifié et favorise le travail
qualifié.  

5. La mondialisation entraînerait une homogénéisation des modes de vie, des


représentations culturelles, autour de l’American way of life : en ce sens, loin d’être
une mondialisation, il s’agirait plutôt d’une occidentalisation du monde (« le divers
décroît », écrivait déjà Victor Segalen dans les années 1920) : cf. les automobiles, les
MacDo, la télévision et le cinéma hollywoodien…. A cela, les libéraux répondent que
ce sont les individus qui plébiscitent le mode de vie occidental ; par ailleurs, cette
homogénéisation est aussi celle des Droits de l’homme, de la démocratie, de la
possibilité de s’accomplir individuellement. 

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