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De Bretton Woods à l’OMC, l’histoire du multilatéralisme commercial

Qu’est-ce que le multilatéralisme commercial ?


Commençons par une définition ! Le multilatéralisme commercial c’est un système d’accords
et de règles qui viennent approfondir les liens commerciaux entre de nombreux États (plus de
deux sinon on parle de bilatéralisme). Le multilatéralisme c’est aussi un processus historique
long, complexe et erratique issu d’une volonté politique apparue à la fin de la deuxième
guerre mondiale, notamment pour endiguer la monté du communisme. Dès lors une analyse
historique devient nécessaire pour comprendre ce phénomène incontournable dans beaucoup
de sujets d’ESH et d’HGGMC.
Une histoire du multilatéralisme commercial

Pourquoi commencer par Bretton Woods ? En effet, un préparationnaire assidu aura


remarqué que le XIXe siècle avait connu une première mondialisation,
accompagnée d’une parenthèse libre-échangiste. Cependant, malgré quelques
tentatives d’institutionnaliser le libre-échangisme comme le traité Cobden-
Chevalier en 1860 qui servira d’étalon à d’autres accords entre pays européens, il
s’agissait de traités bilatéraux (donc non multilatéraux) qui accompagnaient plus
qu’ils n’animaient cette première mondialisation. La Première Guerre Mondiale
puis la crise des années 30 ont d’ailleurs achevé cette vague spontanée
d’accélération des échanges internationaux. Malgré la création de la SDN et de
l’OIT, les deux en 1919 à la suite de la Première Guerre Mondiale, en vue
d’approfondir les liens entre les pays. C’est donc après la Deuxième guerre
mondiale que commence effectivement le multilatéralisme commercial, et ce avec
les accords de Bretton Woods.
Le 22 juillet 1944 sont signés les accords de Bretton Woods, parachevant la
construction d’un système monétaire nouveau autour de l’étalon-dollar basé sur des
institutions internationales majeures : le FMI et la Banque Mondiale. En parallèle,
se construit l’ONU qui voit le jour en 1945. Cependant, le projet
d’institutionnaliser le commerce international, abordé lors des accords de Bretton
Woods, ne voit pas le jour. Il faudra attendre 1947 et les accords du GATT
(General agreement on tariffs and trade) pour que se formalise un véritable
multilatéralisme commercial. En 1947 les accords du GATT sont signés par 23
pays avec pour mot d’ordre une bonne conduite libérale et multilatérale de
l’accroissement des échanges par l’abaissement des droits de douane et par la
réduction des restrictions quantitatives ou qualitatives aux échanges.
Ainsi, parmi les règles adoptées, les droits de douane doivent être le seul moyen
de protection mais les signataires se fixent comme objectif de les réduire
progressivement sur la base de la réciprocité. Autre avancée, le fait que les tarifs
douaniers fixés au sein des accords ne puissent augmenter par la suite. Autre point
important, « la clause dite de la Nation la plus favorisée » qui exige qu’un pays qui
accorde un avantage commercial à un autre pays doit l’étendre immédiatement aux
pays signataires de l’accord. Cela met théoriquement fin au bilatéralisme pour les
pays signataires, et accentue la progression du multilatéralisme. Aussi, la clause du
traitement national obligeant chaque pays s’engageant à appliquer les mêmes règles
(fiscalité, normes) sur son territoire au niveau des produits et entreprises étrangers
qu’au niveau des produits et entreprises nationaux. Enfin, il est à noter la création
du règlement des différends, qui privilégiait les règlements à l’amiable, et qui
participera aux limites des accords du GATT.
Les tarifs douaniers s’élevaient en moyenne à l’époque de l’adoption du traité
autours de 45% en moyenne dans le monde. Pour les baisser jusqu’aux 5% à l’aube
du XXIe siècle, il n’aura pas fallu moins de 8 cycles de négociations pour y
parvenir, notamment les 5 premiers (cycle de Genève (1947), cycle d’Annecy
(1949), cycle de Torquay (1951), un autre cycle de Genève (1956) et le Dillon
Round (1960–1961)). Cette première vague ne s’est pas faite sans accrocs,
particulièrement en 1963 où la France de De Gaulle décide de sortir du GATT,
avant de le réintégrer la même année face à la pression anti-protectionniste. Les 3
cycles suivants (Kennedy Round, de mai 1964 à juin 1967, Tokyo
Round de septembre 1973 à avril 1979, Uruguay Round de septembre 1986 à avril
1994) se sont plutôt concentrés sur l’extension du nombre de pays membres. Pour
rappel, il y avait 23 pays en 1947, 120 en 1994.
L’Uruguay round a été le plus long et le plus discuté des cycles de négociations.
Outre une nouvelle réduction des tarifs douaniers, ont été négociés un accord sur
les mesures non tarifaires, l’agriculture, les services, la propriété intellectuelle, le
système de préférence généralisée pour les pays en voie de développement. C’est
d’ailleurs avec ce cycle que viendra la nécessité de changer l’institution gérant le
commerce international. En effet, la structure des accords du GATT devient
obsolète au fur et à mesure de la croissance de la mondialisation. C’est ainsi qu’en
1994 les accords de Marrakech signent la création de l’OMC (Organisation
Mondiale du Commerce) officiellement née le 1er janvier 1995. L’OMC comprend
aujourd’hui 162 pays membres.
L’OMC permet-elle l’aboutissement du multilatéralisme ? L’OMC a été élaborée
afin de promouvoir le libre-échangisme au sein d’un cadre plus institutionnalisé et
plus large. En plus de reprendre les acquis du GATT, l’OMC les étend au domaine
des services (AGS) et de la propriété intellectuelle (afin notamment de limiter la
contrefaçon). Autre nouveauté apparue avec l’OMC, le système de règlement des
différends qui est devenu le pilier du système commercial multilatéral et qui est
l’outil privilégié pour mettre en place les « règles » de libéralisation des échanges.
Cependant, ce sont les intérêts de grands opérateurs privés qui sont au centre de ce
système. De grandes entreprises nationales qui s’estiment lésées par la législation
d’un autre État peuvent ainsi entreprendre des pressions pour que des actions soient
intentées. Le système en devient donc pervers et ressuscite une « loi du plus fort »
en favorisant les lobbies les plus puissants, seuls capables d’initier cette protection.
Mais l’OMC va rapidement échouer à approfondir l’institutionnalisation de la
mondialisation, en effet, l’élan libre-échangiste tend à s’affaiblir à l’aube du XXIe
siècle. Les tarifs douaniers ont déjà énormément baissé et les balances
commerciales des pays les plus avancés sont désormais pour beaucoup largement
déséquilibrées ; tous cela vient accroître les tensions économiques internationales,
les intérêts étant de plus en plus divergents. Un des thèmes les plus clivants est
celui de l’Agriculture, très subventionnée par les États du Nord, concurrençant de
façon déloyale la production des pays du Sud. Par ailleurs, certains États avancés
exigent que des clauses environnementales et sociales soient introduites lors des
négociations pendant qu’une pression sociale pro-protectionnisme et
altermondialiste se manifeste contre l’avancée du protectionnisme. Tous ces
phénomènes entraînent une série de blocages (Seattle en 1999, Cancun en 2003)
qui empêchent l’avancée du multilatéralisme. Ainsi, le dernier cycle, celui de Doha
commencé en 2001, s’est finalement conclu par un échec.
Le multilatéralisme aujourd’hui

Dès lors, les Etats qui cherchent à approfondir le libre-échange contournent l’OMC
et négocient de façon bilatérale ou régionale. En effet, durant les onze premières
années de l’OMC (1995-2005), le nombre des ACR (Accords Commerciaux
Régionaux) officiellement notifiés à l’OMC a presque triplé, passant de 58 à 188.
Les États-Unis, autrefois précurseurs dans le multilatéralisme, sont désormais les
fers de lance d’une politique d’accords régionaux. L’accord de partenariat
transpacifique (TPP en anglais) signé en 2016 en est le parfait exemple. Mais cette
voie-là pour le libre-échangisme semble caduque, puisque le traité de libre-échange
transatlantique (TAFTA en anglais) est aujourd’hui au bord de l’abandon, face aux
contestations publiques et politiques de chaque côté de l’océan.

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