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Université Sidi Mohammed Ben Abdellah

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales,


Fès.

6ème semestre : 2019 – 2020

Parcours : Economie & Gestion

Matière : Relations Economiques Internationales

Enseignante : Mme. Nada Moufdi

Chapitre 4 : Le libre-échange et le protectionnisme

Semestre 6

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Depuis 1945, la libéralisation des échanges n’a cessé de progresser, accompagnant et
impulsant une vigoureuse croissance du commerce mondial. L’organisation Mondiale du
commerce, ce gardien de la Citadelle libre-échangiste, n’œuvre-elle pas dans ce sens ?
Cependant, avec le ralentissement de la croissance dans les grands pays industrialisés
depuis le milieu de la décennie 70 et avec l’apparition de nouveaux compétiteurs, les
conditions d’émergence d’un protectionnisme « aussi inévitable qu’inévitablement
limité » (B. Lassudrie-Duchêne) sont objectivement réunies.

Si l’analyse des Coûts et des avantages du commerce international expliquent en grande


partie la spécialisation des pays industriels, deux grands types de politique commerciale
sont généralement associés aux politiques économiques: le libre-échange et le
protectionnisme.

Section 1 : Le libre-échange
Le libre-échange c’est le libéralisme appliqué au commerce international. Historiquement,
le libéralisme est une doctrine politique, apparue au XIXème siècle, qui réclamait la liberté
politique, religieuse, économique, etc …, dans l’esprit des principes de 1789.

En matière politique, le libéralisme est de nos jours, une attitude qui défend la démocratie
politique et les libertés individuelles (opposé : totalitarisme).

En matière économique, le libéralisme est une doctrine qui défend la libre entreprise et la
liberté du marché. Le principe fondamental du libéralisme est qu’il existe un ordre naturel
qui tend à conduire le système économique vers l’équilibre.

Le libéralisme économique s’oppose au contrôle par l’Etat des moyens de production et à


l’intervention de celui-ci dans l’économie, si ce n’est pour coordonner les entreprises ou
garantir un marché équitable.

1.1. Définition

La notion de libre-échange est naturellement une doctrine libérale, il s’agit d’une doctrine
économique favorable à la libre circulation des marchandises. Cette libre circulation peut
s’étendre aux services, aux capitaux et à la main d’œuvre. Pour cela, les libres échangistes
préconisent la suppression de toutes les entraves aux échanges.

Dans son ouvrage Economics (1983), Paul Samuelson précise que : « le libre échange
favorise une division internationale du travail mutuellement profitable, accroît grandement
les produits nationaux réels susceptibles d’être obtenus dans tous les pays et permet
d’élever les niveaux d’existence dans le monde entier ». (1983, p. 431).

1.2. Fondements et objectifs du libre-échange

La politique du libre-échange est fondée sur la théorie des avantages comparatifs de


Ricardo et sur les effets bénéfiques de la concurrence. Chaque pays a intérêt à se
spécialiser dans les productions où il possède un avantage relatif en termes de coûts de
production et à se procurer à l’étranger les produits pour lesquels ses coûts de production

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sont comparativement trop élevés. L’échange international n’est pas un jeu dans lequel il y
aurait des gagnants et des perdants : Tous les participants au commerce international en
retirent des gains.

Les effets bénéfiques de la concurrence permettent d’obtenir une réduction des prix de
vente au profit des consommateurs ( d’une part, ces derniers peuvent acheter des produits
étrangers à meilleur marché, d’autre part, les producteurs nationaux sont obligés de
s’aligner sur des prix compétitifs) ; une affectation optimale des ressources ( la
spécialisation internationale conduit à utiliser les facteurs de production dans les secteurs
où ils sont les plus productifs) ; un dynamisme de l’appareil productif ( la concurrence
internationale permet d’assainir le système de production nationale ; disparition des
secteurs en déclin, et oblige les entreprises nationales à innover sans cesse).

1.3. Les conditions du libre échange

La mise en place d’une politique de libre échange suppose cependant la suppression des
obstacles tarifaires et non tarifaires. Un des principaux obstacles à la libre circulation des
marchandises entre les pays, est constitué par l’existence de droits de douane ayant pour
effet de rendre les marchandises étrangères plus chères sur le marché national. La
réduction progressive des droits de douane a été amorcée au 19ème siècle par l’Angleterre
avec la suppression en 1846 des droits de douane sur le blé (accusé par les libres
échangistes de renchérir le prix du pain). L’Allemagne avec la mise en place de l’union
douanière en 1834, la France avec la signature du traité de commerce France – britannique
en 1860, s’engagèrent également dans cette voie. Cependant, le retour à la protection
douanière caractérisa la fin du 19ème siècle et la première moitié du 20ème siècle. Aux Etats
Unis, les droits de douane atteignaient près de 60 % de la valeur des marchandises. Ces
tarifs ont été réduits de façon très importante après la seconde guerre mondial au cours des
négociations du GATT (General Agreement on tariffs and trade, accord commercial conclu
à Genève en 1947 pour favoriser la libéralisation des échanges entre les pays développés à
économie de marché). Ils sont passés d’une moyenne de 40 % de la valeur des
marchandises dans les pays industrialisés en 1940, à 25 % en 1950 et 5 % en 1990.

L’élimination des barrières non tarifaires suppose quant à elle la suppression, des quotas et
contingentements fixant une limite aux importations, des réglementations protectrices
interdisant l’entrée de certains produits étrangers ne correspondant pas à des normes
techniques ou sanitaires, et des aides gouvernementales aux entreprise nationales sous
forme de subventions ( exemple du déficit du crédit Lyonnais , de Air France), de crédits
bonifiés ou d’attribution préférentielle de marchés publics . La libéralisation des échanges
peut cependant comporter des effets négatifs qui contribuent à contrebalancer les effets
positifs de l’ouverture des frontières et conforter la thèse du protectionnisme.

1.4. Les critiques adressées à la théorie du libre-échange

La théorie du libre échange ne peut pas interpréter le commerce intra-branche entre deux
pays industrialisés : par exemple, la France et l’Allemagne échangent des voitures, le
Japon et les Etats-Unis échangent du matériel informatique.

Ce commerce intra branche entre pays industrialisés à beaucoup progressé depuis 1945. Il
explique en grande partie la croissance économique mondiale depuis la fin de la seconde
guerre mondiale.

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La théorie du libre échange justifie la domination politique et économique des pays
développés sur les pays en développement : les économistes, d’inspiration marxisante,
montrent que les pays les plus développés ont intérêt à promouvoir le libre-échange, car
cela renforce leur domination sur le reste du monde.
Les historiens de l’économie prennent souvent comme exemple le Royaume-Uni et l’Inde
à la fin du XIX siècle. Le Royaume-Uni, puissance coloniale, s’était spécialisé dans les
produits manufacturés, en particulier dans le textile. L’Inde a dû abandonner sa propre
production textile et se spécialiser dans la production de produits agricoles tropicaux :
coton, jute, indigo. Par l’échange commercial imposé par la logique coloniale, l’Inde s’est
progressivement désindustrialisée à la fin du XIX siècle en se spécialisant dans des
produits agricoles non alimentaires.
Encore aujourd’hui, les pays en développement vendent essentiellement des produits de
base (hydrocarbures, minerais, produits agricoles) et achètent des produits industriels. Le
choix de la spécialisation n’est pas neutre politiquement. Il peut y avoir une dégradation
des termes de l’échange pour les pays en développement, qui se sont spécialisées dans des
productions ou le prix a tendance à baisser sur les marchés mondiaux.
Exemple : le Mali s’est spécialisé dans le Coton. Si le prix du Coton baisse, le pays
importe moins de produits industriels et son développement est compromis.

On calcule l’indice des termes de l’échange de la manière suivante :

Indice des prix des exportations


Indice des termes de l’échange =
Indice des prix des importations

Prenons l’exemple de la Côte-D’ivoire qui exporte surtout du cacao et importe l’essentiel


de ses biens manufacturés. On peut calculer l’indice des termes de l’échange en 1995 et en
2008. On observe alors s’il y a eu, entre ces deux dates, une amélioration ou dégradation
des termes de l’échange pour la Côte- d’Ivoire. Malheureusement pour ce pays en
développement, il ya eu dégradation.

L’indice des prix des exportations peut brutalement diminuer en cas de baisse du cours du
cacao, alors que l’indice des prix des importations reste stable ou augmente pour les
produits manufacturés. Le développement de la Côte-d’Ivoire a été freiné par la baisse
tendancielle du cours du cacao sur les marchés mondiaux (offre supérieure à la demande).

Cette théorie de la détérioration des termes de l’échange, très en vogue dans les années
1970 à 1990 pour expliquer les difficultés de développement des pays en développement, à
perdu dernièrement un peu de son acuité.

D’une part, elle est incapable d’expliquer le développement rapide des nouveaux pays
industrialisés depuis 1970. D’autre part, on observe que le prix des minerais (Or, argent,
manganèse, Cuivre…) et des hydrocarbures a tendance à fortement augmenter depuis
2000. Cela améliore les termes de l’échange pour les pays en développement spécialisés
dans la production de ces ressources. Les prix de ces produits de base sont soutenus par le
développement rapide de la Chine et de l’Inde (demande mondiale supérieure à l’offre
mondiale).

Pour les produits agricoles alimentaires, on observe récemment le même phénomène


d’augmentation des cours mondiaux, qui sont soutenus par la forte croissance
démographique dans les pays en développement (Asie, Afrique et Amérique latine). Le
prix des céréales et de la viande augmente désormais tendanciellement. Par exemple, avec

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le développement de leur pays, les chinois changent leurs habitudes alimentaires et
consomment davantage de viande. En 2007, on a même assisté à « des émeutes de la
faim » dans certains pays pauvres (Haïti, Bangladesh…). La population réagissait
violemment à l’augmentation des denrées alimentaires de base comme le riz. Comme
l’affirmait le président français Jacques Chirac (1995-2007), pour défendre la Politique
Agricole Commune : « l’agriculture est un secteur économique d’avenir ». Les prix des
produits agricoles seront soutenus par l’expansion démographique des pays du Sud. Une
telle évolution pourrait avantager certains pays d’Amérique Latine Comme le Brésil et
l’Argentine.

Se pose pourtant encore aujourd’hui le problème de la détérioration de Termes de


l’échange pour certains produits agricoles non indispensables comme le coton, le cacao et
le café.

Section 2 : Le protectionnisme

Une première approche du protectionnisme est à mettre au crédit des mercantilistes.


Associant la richesse à la détention d’or et d’argent, ils préconisaient au 17ème et au 18ème
siècle, une politique de soutien aux exportations (via la création par l’Etat des grandes
Compagnies de commerce ou de manufactures) et une limitation des importations
(synonyme de sorties d’or). Le commerce était ainsi un jeu à somme nulle : tout
enrichissement d’un Etat s’effectuait au détriment d’un autre Etat.

A L’époque, l’économie était au service du pouvoir politique. Le but de l’économie était


d’enrichir l’Etat. En favorisant les exportations et en limitant les importations par un
protectionnisme très strict, la balance commerciale devenait excédentaire et l’Etat
s’enrichissait. Dans son ouvrage « Traité d’économie politique » (1615), le Français
Antoine de Montchrestien (1575-1621) fut le premier théoricien moderne du
protectionnisme. Ses idées furent mise en pratique par le contrôleur des finances de Louis
XIV, Jean – Baptiste Colbert (1616 – 1688). Le colbertisme permet l’intervention de l’Etat
pour favoriser les exportations de la production nationale et limiter les importations de
produits étrangers. Le pays s’enrichit alors par une balance commerciale excédentaire.

L’esprit du mercantilisme a continué d’exister au travers des siècles. Actuellement, au


début du XXI siècle, les dirigeants de la Chine utilisent cette doctrine économique pour
enrichir leur pays.

2.1. Définition

Le mot « protectionnisme » désigne d’abord une doctrine économique, mais aussi, très
souvent, les pratiques qui résultent de l’application de cette doctrine par un pays.

Une doctrine économique et, surtout, politique qui recommande de limiter l’entrée des
produits (biens et services) et/ou des capitaux en provenance de l’étranger sur le territoire
national par des moyens divers. L’objectif est toujours de protéger les acteurs économiques
nationaux de la concurrence étrangère, soit que l’on espère ainsi encourager la production

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nationale et protéger ainsi l’emploi, soit que l’on affirme vouloir conserver un haut niveau
de protection sociale (ce qui contribue à l’élévation des prix et donc à une moindre
compétitivité), soit qu’il s’agisse de productions qualifiées de « sensibles » pour lesquelles
on veut conserver une indépendance nationale.

Un ensemble de pratiques résulte de cette doctrine :

- Le protectionnisme peut être avoué, apparent, ou rampant, c'est-à-dire plus ou moins


caché. Il peut ne concerner que certains produits ou être généralisé.

- Les mesures protectionnistes peuvent être financières (droits de douane plus ou moins
élevés), radicales (interdiction totale de l’importation de tel ou tel produit ou
contingentement, c'est-à-dire limitation quantitative), ou indirectes (établissement de
normes pour l’entrée de certains produits, subventions aux produits nationaux, compagne
de soutien aux produits nationaux… etc.)

2.2. Les motivations du protectionnisme

2.2.1. Le protectionnisme éducateur de F. List


La doctrine du protectionnisme a été formulée par Friedrich List, économiste allemand du
XIXème siècle. List considérait que son pays ne pouvait se développer, face à la
concurrence anglaise dominante à l’époque, qu’à l’abri de la protection commerciale.
En effet, à l’époque, l’Allemagne est un pays agricole avec un embryon d’industrie peu
compétitif face à la puissance industrielle du Royaume-Uni. Si elle abaisse les droits de
douane, les produits industriels britanniques inonderont l’Allemagne et les industries
naissantes allemandes disparaîtront rapidement (Le prix des produits allemands est
supérieur à ceux du Royaume-Uni et leur qualité inférieure). Les différents Etats allemands
décident donc de créer une Union Douanière, le Zollverein en 1834. Tout produit importé
est taxé à l’entrée d’un de ces Etats allemands pour protéger les industries naissantes
(Lorsque les coûts de productions de la production allemande diminuent, les droits de
douane baissent).

Le protectionnisme éducateur est donc transitoire. Ce mécanisme a parfaitement


fonctionné, puisque, cinquante ans plus tard (vers 1884), l’Allemagne est devenue une
puissance industrielle de premier plan, rivalisant avec le Royaume-Uni.

Au XX siècle, les pays en développement ont imité la stratégie de développement


industriel de l’Allemagne du XIX siècle, en cherchant à protéger leur marché intérieur de
la concurrence étrangère. C’est le cas du japon au début du XX siècle, de la Corée du Sud
dans les années 1960 et surtout de la Chine à la fin du XX Siècle.

2.2.1. Les autres justifications du protectionnisme

- L’argument de la balance commerciale : le tarif douanier augmente le Coût des


importations. Les consommateurs limitent leurs achats de produits étrangers. Les
importations diminuent et le solde de la balance commerciale s’améliore.

- L’argument des représailles : si un pays concurrent a pris des mesures protectionnistes,


on exerce des représailles en augmentant ses tarifs douaniers.

- L’argument de l’indépendance nationale : Certains régimes politiques souhaitent être


indépendants des économies étrangères et isolent leur pays par un tarif douanier élevé.

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- L’argument de défense nationale : le Pays interdit ou limite certaines importations en
matière d’armes pour protéger sa propre industrie d’armement. Par exemple, la France
achète des avions Dassault, des chars ou des missiles Français (Lagardère, thalles…).
- L’argument de l’emploi : il faut protéger les entreprises nationales par des tarifs
douaniers élevés car, si la concurrence est trop forte ou jugée déloyale (dumping social),
les entreprises nationales licencient leur main-d’œuvre. Le taux de chômage augmente.
Cette argumentation revient en force dans les médias des pays développés actuellement
avec la crainte des délocalisations.
Le protectionnisme de l’Union européenne en matière agricole (PAC) s’explique par la
sauvegarde de nombreux emplois dans ce secteur.

- L’argument des industries sénescentes : c’est un protectionnisme qui vise à protéger les
industries en déclin (Textile ou sidérurgie dans les pays développés) par un tarif douanier
élevé, afin de les aider à se restructurer et à se moderniser. Il s’agit d’éviter des
licenciements massifs dans les industries vieillissantes. Le pouvoir politique peut être
sensible au groupe de pression que constituent ces chefs d’entreprise. En France, au sein du
Medef1, l’Union des Industries Métallurgiques est encore très puissante.

2.3. Les mesures protectionnistes

Le protectionnisme se traduit par un ensemble de mesures qui tendent à favoriser les


activités nationales et à pénaliser la concurrence étrangère. Ces mesures sont généralement
regroupées en deux catégories : les mesures tarifaires et les mesures non tarifaires.

2.3.1. Les mesures tarifaires

Le tarif douanier a longtemps constitué la principale restriction à l’échange international, et


ce, jusqu’au début des années 1970. Un tarif ou un droit de douane est une charge imposée
sur des biens importés et vise essentiellement à réduire le volume des importations. La taxe
agit sur le prix du produit étranger vendu sur le marché intérieur. Les consommateurs
nationaux sont dissuadés d’acheter ces produits étrangers jugés trop coûteux et préfèrent
acheter la production locale.

Exemple : En 2009, les Etats-Unis ont relevé fortement les taxes douanières sur la
moutarde et le fromage. Automatiquement, les exportations françaises de ces deux produits
ont diminué sensiblement et certains petits producteurs français ont connu de graves
difficultés financières.
Il faut signaler qu’un tarif s’applique aussi sur des biens exportés. Par exemple, les pays en
développement exportateurs de biens de ressources naturelles imposent un tarif sur ces
biens afin d’accroître les revenus des gouvernements. L’Argentine, dans sa politique
agricole, impose un tarif sur ses exportations de blé.

Il y a deux types de tarifs : les tarifs ad valorem et les tarifs spécifiques.

- Le tarif ad valorem : est un pourcentage de la valeur du bien importé, exemple : 10 %


du prix d’un ordinateur.

- Le tarif spécifique : est un droit fixe par unité de bien importée, exemple : 1 DH par kg
d’Ananas Importé.

1
MEDEF : c’est le mouvement des entreprises de France, qui est une organisation patronale représentant des
dirigeants des entreprises françaises (patronat français).

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Le tarif ad valorem est le plus largement utilisé et présente, en effet, certains avantages.
Comparativement au tarif spécifique, il est plus équitable et protège davantage contre
l’inflation. Ainsi, plus la valeur d’un bien est élevée, plus l’application du tarif ad valorem
donne des charges élevées.

2.3.2. Les mesures non tarifaires

Si le tarif a constitué le principal instrument de politique commerciale, il n’en demeure pas


moins que d’autres formes de protectionnisme existent et ont pris de l’ampleur avec le
temps. Et comme l’OMC a si bien réussi à faire chuter le mur tarifaire, un peu partout dans
le monde au cours de ces 50 ans d’existence, on comprend la prolifération actuelle des
mesures non tarifaires. Passons en revue certaines d’entre elles parmi les plus utilisées.

2.3.2.1. Les restrictions quantitatives au commerce

Principalement le quota ou le contingentement. Il s’agit en somme de n’autoriser qu’une


quantité limitée d’un bien, soit en valeur ou en unités physiques, d’entrer au pays ou de
dépasser les frontières nationales. On parle donc de quota à l’importation et de quota à
l’exportation.

Comme le quota est généralement arbitraire et discriminant à l’égard des pays et empêche
le mécanisme de fonctionnement du système des prix, c’est un instrument de politique
commerciale condamné par l’OMC. Ironiquement, l’OMC a « Sanctionné » l’arrangement
multifibre (AMF) qui constitue un quota sur les produits de textile et de vêtement. Ainsi,
l’on distingue un quota multilatéral, tel l’AMF, d’un quota bilatéral. On parle également de
restrictions volontaires d’exportation, mieux connues sous le sigle anglais VER (voluntary
export restraints). Le VER constitue le quota négocié entre deux pays pour se soustraire
aux dispositions du GATT.

En Novembre 1993, le litige commercial entre le Canada et les Etats-Unis sur le blé d’orge
a débouché sur l’établissement d’un quota volontaire d’exploitation sur le produit
Canadien par l’Administration américaine.

Le quota à l’exportation est aussi utilisé quoiqu’il soit moins généralisé que celui à
l’importation. Le quota à l’exportation, concentré dans certaines industries, dérive souvent
de considérations relatives aux « politiques stratégiques » ou à la sécurité nationale. La
Maison Blanche a mis en place une politique de restrictions à l’exportation des super
ordinateurs qui pourraient avoir un impact militaire considérable sur la sécurité des Etats-
Unis ou de leurs alliés.

2.3.2.2. Les subventions

Ce sont des aides financières (ou autres) versées par l’Etat ou un organisme publique, à une
entreprise dans le but de favoriser l’activité à laquelle elle se livre. Elles agissent
directement sur les coûts de production et de revient du bien, ou service produit, et ont
comme conséquence de modifier les prix relatifs et les flux commerciaux internationaux.
Elles peuvent porter soit sur la production soit sur l’exportation.

Les subventions à l’exportation constituent une forme déguisée et subtile de


protectionnisme. Il peut s’agir de concessions fiscales pour des opérations internationales,

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de bonifications de taux d’intérêt, de programmes généreux d’assurance à l’exportation,
de lignes de crédit ouvertes à l’acheteur étranger à des conditions avantageuses, de
versements monétaires directs pour des opérations internationales, etc. Par ces mesures,
on confère des avantages compétitifs aux firmes domestiques face à des concurrents
étrangers. Les subventions directes ou indirectes à l’exportation empêchent le
fonctionnement du système de prix et peuvent biaiser l’orientation du commerce, d’où leur
condamnation par l’OMC sous réserve des exceptions.

2.3.2.3. Les normes de sécurité, de santé et d’environnement

Les normes de sécurité, de santé et d’environnement passent souvent pour des mesures
protectionnistes.

Les producteurs étrangers doivent s’adapter aux normes et réglementations nationales. Les
normes de santé invoquées pour empêcher l’entrée de nombreux produits agricoles
peuvent, d’ailleurs être très discutables parfois. Les réglementations relatives à la santé ou
à l’environnement engendrent des coûts considérables tant pour les exportateurs que pour
les importateurs.

2.3.2.4. Les règlements administratifs

Certaines tracasseries administratives s’avèrent des instruments de politiques commerciales


très efficaces également. Il s’agit d’alourdir les procédures administratives pour les
importations (obligation de remplir des documents administratifs compliqués, longue
période de blocage en douane, etc.).
Le cas désormais célèbre de la procédure de dédouanement des vidéos imaginée par le
gouvernement français en octobre 1982, en est un exemple.
Au lieu de dédouaner les importations des vidéocassettes aux ports du nord du pays, la
France choisit de le faire au poste de douanes de Poitiers déjà débordé. Il s’ensuivit un
délai de deux à trois mois pour dédouaner les produits d’un camion, comparativement à un
équivalent de deux jours avant l’application de cette décision. Selon la Banque mondiale
(1987, p. 141), cette politique protectionniste a fait chuter les importations françaises de
vidéocassettes de 64.000 unités par mois durant l’année 1981 à environ 10.000 par mois
durant le reste de l’année 1982.

En outre, on peut retarder indéfiniment l’émission de permis d’importation, l’octroi de visa


de séjour, l’ouverture des bureaux, de filiales, et ce, dans le seul but de décourager les
importations.

2.3.2.5. L’exigence du contenu local

Cette mesure a pour objet d’augmenter la production locale au détriment des importations
directes.

Cette mesure impose à une firme étrangère, qui s’installe dans un pays d’accueil, d’utiliser
un pourcentage minimal des composants d’origine local pour qu’un bien produit soit
considéré comme étant d’origine domestique, et par conséquent, sera exonéré de droit de
douane. Ces mesures ont été dans un premier temps un instrument de politiques
administratives des pays en développement. Mais avec les problèmes économiques et
sociaux et le tarissement des ressources d’endettement, au cours des années 80 et 90, ces
pays tendent à encourager les IDE et à faciliter l’implantation des entreprises étrangères.
Les mesures du contenu local ne sont que rarement évoquées. Elles deviennent, par contre

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un instrument de protection des firmes nationales contre les firmes étrangères dans les pays
développés ; notamment au sein de l’Union Européenne et les Etats-Unis contre les firmes
japonaises.

2.3.2.6. L’esprit patriotique

Certains pays diffusent un esprit protectionniste dans leur population c’est le cas du Japon.
Le consommateur Japonais est réticent à acheter des produits étrangers.

En France, sous la présidence Mitterrand, des spots de T.V avaient été diffusés : « Nous
emplettes font nos emplois ». Des années plus tard, le premier ministre Dominique De
Villepin avait parlé de « patriotisme économique ».

2.3.2.6. Le dumping

Le dumping est une mesure qui consiste à vendre les biens à l’extérieur à un prix inférieur
à celui pratiqué à l’intérieur du pays. Cet instrument de la politique commerciale, considéré
comme étant une pratique discriminatoire, est condamné par la réglementation du GATT et
de l’OMC.

2.3.2.7. La manipulation du taux de change

Une politique de change habile permet d’améliorer artificiellement le solde commercial.


Lorsqu’un pays possède une monnaie faible, ses exportations sont favorisées. De plus, ses
importations lui coûtent plus chères. Ses consommateurs évitent donc, dans la mesure du
possible, d’acheter des produits étrangers. Le solde de la Balance commerciale s’améliore
de cette manière.

Dans les années 60 et 70, le Japon, L’Italie, ou l’Espagne ont élaboré ce type de stratégie
commerciale, axée sur des prix à l’exportation faibles. Actuellement, les Etats-Unis et
surtout la Chine (Yuan faible qui suit la baisse du dollar) ont une politique de change
agressive à l’égard des autres pays pour favoriser leurs exportations. Inversement, un pays,
qui détient une monnaie forte, est défavorisé dans ses exportations, car la compétitivité
prix de ses produits se dégrade. C’est le cas de la zone Euro avant 2015 incapable
d’élaborer une politique de change favorable à ses exportations. De plus, les
consommateurs de ces pays partent dans les pays à monnaie faible dépenser leur argent en
tant que touristes.

L’avantage d’une monnaie forte pour les pays de la zone Euro est que le coût des
importations diminue, en particulier pour les matières premières et les hydrocarbures.
L’exemple réussi de cette stratégie commerciale est l’Allemagne qui vend des produits
industriels à forte valeur ajoutée, qui possède une forte compétitivité hors prix. Peu
importe le prix de ces produits, ils se vendent car ils sont indispensables (machines-outils)
ou jouissent d’une excellente réputation (voitures).

A l’aube de l’année 2015, la baisse de l’Euro, hautement souhaitée par les industriels
européens, se révélait inéluctable. C’est l’aubaine, tant attendue pour ceux-ci, qui n’ont
cessé de dénoncer l’Euro fort, en le considérant comme le saboteur décisif de leurs
compétitivités respectives. Ils se félicitent, à cet égard, de la bonne décision de la Banque
centrale européenne (BCE), de faire baisser l’Euro !

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En ce début de 2018, le Maroc a franchi le pas pour l’amorce d’une « flexibilité » du
dirham, plusieurs fois reportée au cours des dernières années. Si certains opérateurs
économiques y voient une opportunité avantageuse pour les exportations, sous l’effet d’une
dépréciation de la monnaie locale, d’autres y perçoivent un risque non négligeable induit
par le renchérissement des importations, particulièrement celles concernant les produits
pétroliers.

Les instruments de la politique commerciale tendent à limiter les importations et à


encourager les exportations. Ces mesures constituent des entraves et des obstacles au
commerce international, et est à l’origine de plusieurs conflits commerciaux entre les
nations. L’OMC s’est assignée comme principale tâche de poursuivre l’œuvre du GATT en
matière de libéralisation du commerce international à travers les négociations
commerciales multilatérales (NCM), et de résoudre les conflits entre nations par le biais de
l’organe de règlement des différends.

2.4. Les critiques adressées au protectionnisme

Les libéraux, depuis la Richesse des nations d’Adam Smith (1976), ont beaucoup critiqué
les théories protectionnistes des mercantilistes. Selon eux, le protectionnisme est une
imposture intellectuelle qui ne sert qu’à favoriser des groupes d’intérêt aux dépens du plus
grand nombre et du bien public.

Pour les libéraux, alors que le libre marché est une démocratie de consommateurs, le
protectionnisme consiste à faire peser sur le contribuable la protection politique de secteurs
économiques défaillants.

Les branches d’activités protégées ne sont plus soumises à la concurrence internationale.


Pour eux, cela nuit aux consommateurs nationaux, car, sans l’aiguillon de la concurrence
internationale, la qualité des produits se détériore et le prix augmente sur le long terme. Les
industriels nationaux comprennent qu’ils ont une clientèle captive obligée d’acheter leurs
produits. Ils ne font donc plus d’efforts pour améliorer leur production par des
investissements. C’est l’exemple des pays communistes qui étaient protectionnistes à
l’égard de la production occidentale entre 1945 et 1989. A la chute du mur de Berlin, la
RDA, qui possédait la meilleure industrie des pays européens communistes, proposait
comme voiture la Traban qui correspondait à une voiture occidentale des années 50. Il y
avait donc un retard technologique de 40 ans. L’entreprise n’a pas survécu à l’ouverture
des frontières.

Les libéraux considèrent que le protectionnisme est une arme pour le nationalisme. Les
régimes autoritaires (nazisme, Fascisme) sont toujours idéologiquement favorables au
protectionnisme, et visent l’autarcie pour ne plus dépendre des autres pays. Ces pays
développent des produits de remplacement (exemple : Le caoutchouc synthétique en
Allemagne nazie). Le protectionnisme est selon eux défavorable à la paix, car les pays qui
commercent entre eux sont obligés de coopérer.

Autre critique adressée au protectionnisme, est que le protectionnisme engendre le


protectionnisme, Lorsqu’un payas décide d’augmenter ses droits de douane, ses partenaires
prennent souvent des mesures de représailles en augmentant les leurs.

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La plupart des économistes sont hostiles au protectionnisme, car ils considèrent que le
protectionnisme limite artificiellement l’extension du marché. Les entreprises nationales
sont confinées dans un marché local étroit et ne peuvent pas se développer à
l’international. Cela limite la croissance économique mondiale.

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