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Le libre-échange 
 

Le libre-échange est un courant de pensée né au XVIIIè siècle en réaction contre les politiques
mercantilistes et protectionnistes : il repose sur l’idée du « laissez faire laissez passer » et à ce titre est
le contemporain des idées libérales des Lumières. Il constitue depuis 1945 le cadre théorique dans
lequel se déroule les échanges mondiaux. Il repose en grande partie sur la théorie ricardienne des
avantages comparatifs (1ère partie). S’il a sans doute contribué à la croissance du Pib mondial (2ème
partie), il n’est cependant pas exempt de critiques (3ème partie) 

I- Les fondements théoriques du libre-échange 


 

1. Avantages absolus, avantages comparatifs 

Adam Smith a  montré que les échanges internationaux étaient fondés sur les différences de coût de
production entre pays. Si le pays A exporte des automobiles vers le pays B, c’est que leur coût de
production est moins élevé dans le pays A que dans le pays B. On dira que A dispose d’un avantage
absolu dans la production de voitures. Il a dès lors intérêt à se spécialiser dans les secteurs où ils
disposent d’un avantage absolu, et à importer les biens pour lesquels il ne dispose pas d’avantage
absolu. 

Le problème est qu’il est possible que le pays soit le plus productif dans tous les domaines et que le
pays B ne possède aucun avantage absolu. Dès lors, le pays B serait exclu des échanges
internationaux, aucune de ses exportations n’étant compétitives au niveau mondial. Ricardo va
montrer que même dans ce cas, le pays le plus compétitif dans tous les secteurs a tout de même intérêt
à se spécialiser et à abandonner certaines activités au pays le moins compétitif. 

Son raisonnement se fonde non pas sur l’idée d’avantage absolu, mais sur celui d’avantage
comparatif. La France peut être plus productive dans la production d’automobiles et dans celle du blé
que l’Argentine : on dira qu’elle possède des avantages absolus dans les deux secteurs. Mais il est
nécessairement un domaine où, comparativement à l’autre, elle est meilleure : par exemple, ses gains
en termes de coût sont peut être plus importants dans l’automobile que dans le blé. On dira que la
France possède un avantage comparatif dans la production automobile ; réciproquement, même si
l’Argentine ne possède aucun avantage absolu dans aucun secteur, on dira qu’elle possède un avantage
comparatif dans la production de blé, secteur où elle est relativement moins mauvaise. Chaque pays
aura dès lors intérêt à se spécialiser là où il possède un avantage comparatif (la France dans
l’automobile et l’Argentine dans le blé), et à échanger avec l’autre pays. En effet, la production
globale d’automobiles et de blé sera supérieure à la situation où les pays ne se seraient pas spécialisés :
le niveau de vie des deux Etats aura donc augmenté. En renonçant à l’autarcie et en se spécialisant, les
Etats réalisent donc un gain à l’échange. 

L’apport ricardien est fondamental pour plusieurs raisons : 

 il montre que même sans avantage absolu, un Etat peut tout de même participer aux
échanges mondiaux : cette thèse remet donc en cause l’idée selon laquelle l’Afrique serait
exclue des échanges mondiaux parce qu’elle serait peu productive. Ricardo montre en effet
que chaque Etat, même le moins productif, possède au moins un avantage
comparatif. 

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 Il montre qu’un Etat très productif dans plusieurs domaines a tout de même intérêt à se
spécialiser là où il est le plus efficace, et à renoncer aux activités où il est le moins
efficace. La division du travail profite donc également aux Etats les plus productifs : elle
est préférable à l’autarcie, même si ces Etats sont les plus compétitifs dans tous les
domaines 
 Le théorème ricardien est enfin fondamental car, tout en expliquant à la fois le
fondement des échanges, il s’avère totalement contre-intuitif. Il remet ainsi en cause
l’idée reçue de « guerre économique » entre Etats : celle-ci n’a pas de sens puisque tous
les Etats profitent du libre-échange, même les plus déshérités, même les moins
« compétitifs ». C’est que le jeu économique n’est pas à somme nulle : en échangeant, ce
que gagne A n’est pas perdu par B ; au contraire, en échangeant et en se spécialisant, A et
B sont tous deux gagnants. 
 La théorie des avantages comparatifs reste encore aujourd’hui la pierre angulaire
justifiant les politiques favorables au libre-échange. 

.1.2- Prolongement de la théorie ricardienne : le théorème HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson)  

Si Ricardo montre que tout Etat dispose d’un avantage comparatif, il n’explique pas d’où vient
cet avantage comparatif. Le théorème HOS montrera au début du XXè siècle que ce sont les dotations
relatives de facteurs de production qui fondent les avantages comparatifs : un pays a intérêt à se
spécialiser dans la production du bien qui utilise intensément le facteur dont il est le mieux doté.  Les
Etats-Unis disposant d’un capital relativement abondant (par rapport à la main d’œuvre) doivent donc
se spécialiser dans les biens très capitalistiques ; les Chinois disposant d’une main d’œuvre
relativement abondante se spécialiseront dans les activités fortement consommatrices de main d’œuvre
(industrie textile par exemple) ; le Moyen-Orient relativement bien doté en richesses minières se
spécialisera dans l’extraction pétrolière ; l’Argentine aux terres riches et fertiles aura intérêt à se
spécialiser dans l’agriculture.  Ce sont donc bien les dotations en facteurs de production qui expliquent
les avantages comparatifs et les spécialisations. 

Complément (optionnel) : Léontief en 1953 a tenté de valider empiriquement cette théorie. Or,
contrairement à ce qui était attendu, il est apparu que les EU importaient des biens intensifs en capital
et exportaient plutôt des biens intensifs au travail. C’est ce qu’on a appelé le paradoxe de Léontief .
En fait, on s’est aperçu qu’il fallait raffiner le raisonnement, le travail n’étant pas un facteur
homogène, notamment si on distingue travail qualifié et non qualifié : la main d’œuvre qualifiée étant
importante aux EU, les Américains sont en fait relativement mieux dotés en travail qu’en capital, d’où
le fait qu’ils se spécialisent dans des activités intensives en travail (en travail qualifié en fait). Le
paradoxe était ainsi expliqué et le théorème HOS validé. 

2. Les avantages du libre-échange 


2.1- Augmentation du niveau de vie :  

Ricardo a montré que grâce  à la spécialisation, chaque Etat gagnait à l’échange. On a en effet
constaté que les périodes de libre-échange étaient généralement corrélées avec des périodes de
croissance : XIXè siècle, après-guerre et singulièrement la période contemporaine (deuxième
mondialisation : croissance des exportations de 8 à 10% / an, croissance du Pib mondial de 5% / an).
En France, l’insertion dans le marché commun à partir de 1958  explique sans doute une partie du
miracle économique des Trente Glorieuses. Dans les pays en développement, les pays insérés dans le
commerce mondial sont sortis de la pauvreté, l’exemple le plus emblématique étant la Corée du Sud, si

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on la compare à sa cousine du Nord. Ces fortes croissances se sont accompagnées d’une hausse des
niveaux de vie, permises notamment par la baisse des prix des produits importés. 

2.2- Les effets induits du libre-échange  

Il apporte l’aiguillon de la concurrence :  il incite à innover, à rechercher des gains de


productivité, il favorise la diffusion des savoir-faire et des technologies, il est une source de
destruction créatrice, donc de croissance.

2.3- Pour les libéraux, les problèmes que connaissent les pays développés ne
viennent pas du libre-échange  

Le libre-échange est parfois critiqué car il créerait du chômage dans les pays développés,
notamment parmi les travailleurs qualifiés concurrencés par la main d’oeuvre bon marché des pays du
Sud. Pour les économistes libre-échangistes, cet argument ne tient pas : la destruction d’emplois liés à
l’abandon de certains secteurs est nécessairement compensée par la création d’emplois dans les
secteurs où les pays développés disposent d’avantages comparatifs. Par exemple des emplois
d’informaticiens ont compensé les suppressions d’emplois dans l’automobile ou le textile. En outre, la
part des échanges concernant les pays à bas salaires est faible : ainsi, la France échange à 75% avec
des pays de niveau équivalent, et seulement à 15% avec des pays à bas salaires ou pratiquant un
« dumping » social. Comme le taux d’ouverture de la France est d’environ 30%, 30%*15%= 5%
d’échanges avec des pays à bas salaires ne peuvent expliquer le chômage de masse. D’autant que la
France, comme les autres pays développés, est une économie dominée par les services, peu exposés à
la mondialisation. Enfin, la désindustrialisation en Europe a d’abord pour origine le progrès
technique : ce ne sont pas les chinois qui volent les emplois industriels des européens, mais les
machines qui remplacent l’homme, la robotisation qui se substitue à la main d’œuvre.

Si les pays développés connaissent un chômage persistant, c’est donc pour d’autres raisons : le
marché du travail serait insuffisamment flexible (salaire minimum, allocations-chômage,
réglementation des licenciements). De même, la stagnation des salaires ne vient pas, pour les apôtres
du LE, de la concurrence des pays à bas salaires, mais de gains de productivité insuffisants : en effet,
les salaires dans un pays dépendent toujours de la productivité moyenne de l’ensemble de l’économie,
qui elle-même dépend du stock de capital accumulé. La faiblesse des salaires serait donc moins liée à
l’ouverture des frontières qu’à une accumulation du capital trop faible, à des politiques fiscales
décourageant l’épargne…  

III- Les coûts du libre-échange 


3.1- La mobilité des facteurs de production n’est pas parfaite : 

Le libre-échange repose sur des hypothèses de mobilité interne parfaite des facteurs de production : en
ouvrant ses frontières, le pays se spécialiserait là où il possède un avantage comparatif, abandonnant
ainsi les autres activités. Or, cette restructuration de l’appareil de production ne se fait pas sans coût :
la mobilité géographique et professionnelle de la main d’oeuvre n’est pas totale, ce qui entraîne un
chômage transitoire et des coûts sociaux élevés de reconversion. C’est ce qui s’est passé par exemple
quand la France a fermé ses mines dans le Nord ou en Lorraine. Le libre-échange est donc peut-être
bénéfique à long terme ; il entraîne cependant des coûts de transition à court terme. Il existe donc des

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gagnants et des perdants de l’ouverture des frontières. Si le jeu est à somme positive, il est cependant
possible pour les gagnants d’indemniser les perdants, pour que ceux-ci acceptent l’ouverture des
frontières : cette indemnisation peut prendre la forme de transferts sociaux, de formation pour se
reconvertir, etc  

3.2- Le problème de la spécialisation : 

- Certaines spécialisations sont moins nobles, en ce sens qu’il ne s’agirait pas d’activités à fort
potentiel. Un pays pourrait par exemple avoir des réticences à se spécialiser dans la production
agricole, dont la valeur ajoutée est moins elevée qua certaines industries technologiques ; Or, une fois
choisi une spécialisation, il serait difficile d’en changer : el choix serait en partie irréversible.  

- Certains pays peuvent redouter la dépendance que crée la mono-activité. 

- Certains pays mettent en avant le caractère stratégique ou vital de certaines activités pour refuser de
les abandonner même s’il ne possède pas d’avantage comparatif pour ces secteurs ; C’est souvent le
cas de l’agriculture, de la défense, des industries culturelles, de la santé ou de l’éducation. 

  

Conclusion : Il est sans doute vrai que le libre-échange a permis d’alimenter la croissance mondiale
et la hausse des niveaux de vie, contribuant à sortir à des dizaines de millions d’individus de la
pauvreté (Asie du sud-Est) :  

Mais l’on peut se demander si ces bienfaits sont si universels : n’est-il pas des cas où le
protectionnisme pourrait être justifié ? voir chapitre suivant 

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