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CHAPITRE 2 : LES THEORIES DU COMMERCE INTERNATIONAL

Les premiers libéraux ne limitent pas leurs investigations à l’économie


nationale ; ils pensent aussi que le libéralisme doit s’appliquer aux échanges avec
l’extérieur. Ils sont les premiers à préconiser l’ouverture des frontières. C’est
Adam Smith et David Ricardo qui, les premiers, ont présenté les avantages que
peuvent tirer les pays à libéraliser leurs échanges. La théorie du XXe siècle a
prolongé leurs thèses en présentant les différents déterminants et gains de
l’échange et en restant profondément libre-échangiste.

SECTION 1 : Les fondateurs de la théorie libre échangiste : Smith A. et


Ricardo D.

Les deux arguments principaux du protectionnisme sont que la protection aux


frontières favorise l’enrichissement monétaire et permet d’abriter les industries
en difficulté. Les classiques anglais répondent à ces deux arguments.

1.1 : La réponse des classiques aux mercantilistes

Pour les mercantilistes, le commerce extérieur est le moyen qui permet d’obtenir
et d’accumuler les richesses au sein d’une nation grâce à un excédent
commercial. Il n’est acceptable que s’il permet de transférer les richesses (or et
argent).
Smith A. rétorque aux mercantilistes que la vraie richesse n’est pas l’or mais la
production ; déjà au XVIe siècle, jean Bodin avait démontré qu’amasser de l’or
était illogique puisque la valeur de l’or dépend de la rareté. Un excédent
commercial risque d’appauvrir le pays plus que de l’enrichir ; en effet si un pays
exporte plus qu’il n’importe, il se retrouve, en fin de course, avec moins de
produits que s’il n’avait pas pris part au commerce. Bien sûr, il a gagné de l’or,
mais à quoi peut servir du métal précieux non utilisé ?

 Selon les classiques, tout le monde peut être gagnant au commerce,


contrairement à ce que pensent les mercantilistes, le commerce n’est pas un jeu
à somme nulle (les différents excédents et déficits commerciaux s’annulent) mais
un jeu à somme positive. L’objectif du commerce ne réside pas le solde
commercial, mais dans le fait de pouvoir se procurer des produits à meilleur
marché que si on les produisait soi-même.

1.2 : La protection des industries non compétitives est inutile

A : La théorie des avantages absolus de SMITH

 Selon les classiques, les manques de compétitivité de certaines industries ne


posent pas réel problème. Si une activité est incapable de supporter la
concurrence, cela signifie qu’elle n’est pas viable et qu’il est de l’intérêt du pays
de l’abandonner afin de se consacrer aux autres activités, celles pour lesquelles

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le pays est avantagé. Adam Smith compare la nation à un père de famille et il
considère que, tout comme le père de famille n’a pas intérêt à produire lui-même
ce qu’il peut acheter à moindre prix, un pays n’a pas intérêt à produire un bien
qu’il peut importer à un prix plus faible.

 Ainsi, Smith formule sa célèbre théorie des avantages absolus qui énonce que
chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels il est le plus
avantagé (produits nécessitant une quantité de travail plus faible pour les
produire) et à abandonner la production des autres produits. Cette théorie mêne
donc naturellement à la spécialisation internationale et à la mise en place d’une
DIT (division internationale du travail).
Quoique séductrice, la théorie, des avantages absolus de Smith présente un
défaut : seul les pays compétitifs dans au moins un produit peuvent participer au
commerce international, les autres pays en sont exclus à moins qu’ils ne doivent
importer sans pouvoir exporter.

B : La théorie des avantages comparatifs de RICARDO

 Dans la théorie de Ricardo, aucun pays n’est exclu du commerce mondial. En


prenant l’exemple de deux pays, la Grande-Bretagne et le Portugal, et de deux
produits, le vin et le drap, Ricardo démontre que, même peu compétitif, tout pays
a intérêt au commerce international et à la spécialisation. En effet, chaque pays
a intérêt à se spécialiser dans les produits pour lesquels il est le plus avantagé ou
le moins désavantagé et à abandonner les autres productions.

 Les hypothèses de cette théorie sont assez restrictives : coût de transports


négligeable, prix de la main-d’œuvre équivalents dans tous les pays, rapport
d’échange international se situant entre le rapport des coûts de chaque pays. Cette
théorie n’en est pas moins celle qui légitime le commerce international depuis le
début du XIXe siècle. Démontrant que tous les pays, quel que soit leur degré de
développement, peuvent bénéficier du commerce international, la théorie de
Ricardo reste le fondement de toute la théorie du commerce international.

Les conséquences du modèle de Ricardo sont essentielles, et principalement au


nombre de trois. Le libre-échange est bénéfique à tous les pays, quel que soit leur
degré de compétitivité internationale ; cette conclusion offre ainsi un espoir aux
pays « pauvres » dans la compétition internationale. Un pays n’est pas pauvre s’il
n’a aucun avantage comparatif ; un pays peut être extrêmement inefficace dans
tous les secteurs, mais il y en a forcément un dans lequel il a intérêt à se spécialiser.
la compétition étrangère ne peut être jugée comme injuste si elle est fondée sur des
salaires bas.

SECTION 2 : LES DIFFERENTS COURANTS MODERNES DU LIBRE-


ECHANGISME

Les différentes théories modernes du commerce international cherchent à


déterminer les raisons de l’échange et, ce qui va de paire, les sources des gains
qu’il induit. Dans la tradition des auteurs classiques, ces différentes théories
demeurent fidèles au libre-échange. Les trois courants principaux sont le courant

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néoclassique (ou factoriel), le courant technologique et le courant qui situe les
déterminants de l’échange du côté de la demande.

2.1. : Le courant néo-classique : les échanges sont déterminés par les


différentes dotations en facteurs

A : L’analyse factorielle
B.Ohlin, homme politique et économiste suédois, est un grand défenseur du
libéralisme. Il a reçu le prix Nobel en 1977. Avec E. F. Heckscher ils créent en
1933 le célèbre théorème d’Heckscher-Ohlin appelé aussi théorème
d’Heckscher-Ohlin-Sammuelson (HOS) car P.A Sammuelson en a présenté une
formulation mathématique.

I) L’idée de départ de ces théories consiste à dire que chaque pays est doté de
facteurs de production en proportion différente. Cette différence de proportion
conditionne la nature des échanges entre les pays.

L’analyse factorielle tente de fournir une explication à la différence des coûts


relatifs pouvant exister entre les pays.. Il admet que les techniques de production
peuvent être facilement transférées d’un pays à l’autre (alors que Ricardo ne
l’admettait pas). Partant de là, si les coûts de production sont différents entre les
pays c’est en raison du fait que les prix des facteurs de production y sont
différents. Chaque pays est donc amené à combiner ses facteurs de production
(travail, capital, ressources naturelles) de manière différente. Par exemple, dans
les pays où la main-d’oeuvre est abondante le prix du travail sera faible et la
production se spécialisera dans des biens incorporant une forte proportion de
facteur Travail et une faible proportion de facteur Capital. Le commerce extérieur
de ces pays se caractérisera donc par une spécialisation dans l’exportation de ces
biens.

Cette analyse considère donc que les échanges internationaux sont déterminés
par l’abondance relative de chaque pays en facteurs de production. Ainsi chaque
pays aura tendance à exporter les produits incorporant une forte quantité du
facteur de production qu’il détient en abondance et importer les produits
incorporant une forte quantité du facteur de production dont il est peu doté. Cette
approche peut être considérée comme un approfondissement de celle de Ricardo,
car ce dernier limitait son analyse à un seul facteur de production : le travail, ici
les auteurs raisonnent explicitement avec deux facteurs de production, le travail
et le capital.
L’abondance relative d’un facteur dépend de deux critères : un critère physique
(quantité du facteur) et un critère économique

En d’autres termes, et pour résumer :.

La production de biens différents nécessite des facteurs de production dans des


proportions différentes.

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Les pays ont des dotations relatives différentes en facteurs de production.

Chaque pays à un avantage comparatif pour les biens qui contiennent une
proportion élevée du facteur dont il est abondamment doté — il exportera ces
biens et importera des biens qui, au contraire, contiennent une forte proportion
de facteurs dont il est faiblement doté.

Par exemple, le Canada connaît une abondance de ressources naturelles tandis


que la main-d’oeuvre y est le facteur rare — l’Inde est pourvue d’une main-
d’oeuvre non qualifiée très abondante alors que le capital et le facteur rare —
etc….

II) Les auteurs prolongent cette analyse en expliquant que les rémunérations des
facteurs de production (et donc leurs coûts) tendent à converger entre les
différents pays. En effet, les facteurs abondants (donc au départ les moins chers)
sont les plus utilisés pour exporter, cela fait diminuer leur abondance relative et
augmente donc leur prix ; les facteurs rares (au départ les plus chers) seront de
moins en moins utilisés puisque les produits qui en nécessitent beaucoup sont
importés, ils verront donc leur prix diminuer. La spécialisation internationale
provoque une certaine convergence des économies dont tout le monde devrait
profiter. Ainsi, les salariés des pays à main-d’œuvre abondante et bon marché
doivent normalement escompter une augmentation de leurs rémunérations.

B : L’analyse néofactorielle : la qualité des facteurs de production doit aussi


être prise en compte

L’analyse néofactorielle a été esquissée par wassily leontief (prix Nobel en 1973)
dans son célèbre paradoxe. Il remarque que les Etats-Unis exportent surtout des
produits à forte teneur en travail et non en capital. Ce paradoxe semble contredire
le théorème de HOS, en réalité il ne fait que le prolonger. En effet, il ne faut pas
seulement tenir compte de la quantité de facteurs de production, mais aussi de
leur qualité. Ainsi, Leontief explique son paradoxe en affirmant que le travailleur
américain vaut trois travailleurs étrangers.

L’objet de l’analyse néofactorielle sera alors de considérer l’hétérogénéité des


facteurs de production. On ne raisonne plus sur deux facteurs, mais sur cinq voire
six et même parfois davantage. Ainsi, tenant compte de l’hétérogénéité due aux
différences de qualification du facteur travail, Keesing décompose ce facteur de
production en cinq groupes allant du plus qualifié (scientifiques, ingénieurs et
techniciens) au moins qualifié (manœuvres). De la même façon, le capital ne doit
plus être considéré comme un stock homogène, il faut différencier les ressources
naturelles des moyens matériels de production et distinguer ces derniers par le
degré de technologie qu’ils incorporent.

2.2 Le courant technologique : le progrès technique et l’innovation sont les


déterminants des échanges

Le courant technologique s’est surtout constitué à partir de l’analyse de Posner,


il fut poursuivi par Vernon. Ce courant explique les avantages comparatifs par le
progrès technique. L’avantage repose sur un processus de croissance économique

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qui engendre le progrès technique et sur le monopole momentané de la firme
innovatrice ; d’où le rôle considérable de la recherche-développement dans ces
modèles.

A : L’analyse de POSNER explique l’avantage comparatif et donc le


commerce par le progrès technique

L’avantage technologique d’un pays permet soit de produire avec des coûts de
production moindres soit de produire de nouveaux produits. Elle confère ainsi un
avantage comparatif, offrant au pays en question une situation de monopole à la
production et à l’exportation de ce produit. Mais cet avantage est nécessairement
momentané, car d’autres pays ou d’autres firmes chercheront à rattraper l’avance
technologique et à imiter le nouveau processus de production. Ainsi le pays ou
la firme innovatrice devra de nouveau innover dans de nouveaux processus de
production ou dans de nouveaux produits pour se doter d’un nouvel avantage.
L’avantage comparatif par l’écart technologique est donc par nature temporaire
et instable, il est aussi dynamique.

Cette analyse des déterminants de l’échange peut s’appliquer aussi bien aux
échanges entre pays de niveaux différents qu’aux échanges entre pays à
développement similaire. Ainsi, l’écart technologique peut être global et
concerner l’ensemble des appareils de production, dans ce cas les pays les plus
avancés technologiquement disposent d’un avantage à l’exportation dans les
produits à haute intensité technologique et vont importer des biens dans la
production qui requiert des technologies moins pointues. L’analyse
technologique peut aussi s’appliquer au cas de pays relativement semblables ;
chaque pays pourra connaître un avantage technologique dans des
branches différentes ; On a dans ce cas des échanges croisés dus aux innovations.

B : R.VERNON s’attache, a précisé le processus d’innovation en distinguant


les trois phases du cycle de vie du produit

La première phase est celle de l’innovation et de l’introduction du produit sur le


marché intérieur de la firme innovatrice. Le coût du produit est élevé car
l’entreprise produit en petites séries et cherche à amortir les dépenses de
recherche-développement. Ainsi, le marché intérieur sert en quelque sorte
d’observatoire et permet d’étudier les réactions de la demande qui reste de toute
façon limitée en raison de la cherté du produit.

Les produits qui traversent avec succès la première phase peuvent accéder à celle
de la diffusion. Production de masse et consommation de masse sont introduites,
mais de nombreuses nouvelles firmes entrent sur le marché afin de profiter des
nouvelles conditions de croissance.
La firme innovatrice perdant le monopole sur son marché va chercher à en
acquérir un sur les marchés extérieurs ; elle a donc tendance à exporter son
produit. L’exportation est nécessaire si elle veut conserver la production en
grande série malgré les limites du marché intérieur et, malgré la forte
augmentation du nombre de producteurs.

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La troisième phase est celle de la maturité du produit. Le marché intérieur du
pays innovateur est maintenant saturé. Sur les marchés étrangers, des firmes
nationales produisent désormais le produit et concurrencent ainsi les firmes
innovatrices. En raison du faible coût de la main-d’œuvre de ces pays, la firme
innovatrice se retrouve face à deux possibilités : soit se désengager peu à peu de
la production du produit et donc trouver de nouvelles innovations pour
redémarrer un cycle, soit délocaliser sa production afin de pouvoir elle aussi
bénéficier des faibles coûts de la main-d’œuvre. Souvent, le pays innovateur sera
amené, à la fin du cycle du produit à importer le produit qui avait été innové sur
son sol.

2.3 : Les déterminants de l’échange se situent aussi du côté de la demande

A : La théorie de la <<demande représentative>> de LINDER

L’économiste suédois Linder reconnaît que de nombreux déterminants des


échanges se situent du côté de l’offre, mais il considère que l’existence d’une
<<demande représentative>> est une condition nécessaire à l’exportation. Selon
Linder, les différentes théories du commerce international expliquent les
échanges entre pays différents, mais pas les échanges entre pays semblables alors
que ces derniers sont largement majoritaires dans la réalité du commerce
international.

Linder pense qu’une condition nécessaire (mais non suffisante) doit être remplie
pour exporter : l’existence d’une <<demande représentative>>. La production est
d’autant plus efficiente que la demande intérieure (demande représentative) est
grande. En définitive, un bien n’est exportable que s’il est établi sur des bases
solides et donc qu’il a d’abord satisfait de façon efficiente la demande intérieure.
Ainsi, le volume des échanges entre deux pays sera d’autant plus important que
leur demande intérieure est forte ; la demande intérieure est selon Linder un
déterminant de <<l’exportabilité>> des produits, mais aussi bien évidemment de
leur <<importabilité>> (on n’importe que ce qui s’est vendu sur le marché).

Si l’existence d’une demande représentative est, selon Linder, la condition


nécessaire à l’échange, elle n’est pas une condition suffisante. Ici Linder fait
appel aux autres théories du commerce en affirmant qu’une fois la condition
d’existence <<d’une demande représentative>> remplie, un produit ne sera
effectivement exporté que si une ou plusieurs autres conditions sont réunies :
dotation en ressources naturelles, compétence entrepreneuriale, réalisation
d’économies d’échelle, dotation factorielle ou concurrence monopolistique.

B : <<La demande de différence>>

Bernard Lassudrie-Duchêne propose aussi une explication du commerce de


similarité. Pour lui, les consommateurs des pays développés exigent une grande
diversité dans les produits qui leur sont proposés. Cette demande de
différenciation joue un rôle considérable car les firmes se livrent de ce fait une
concurrence hors prix et l’importation devient nécessaire pour proposer aux
consommateurs une large gamme de produits.

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En raison de la nécessité de réaliser des économies d’échelle, chaque entreprise
est obligée de limiter la gamme de produits qu’elle propose aux consommateurs.
L’augmentation de la taille du marché et l’échange international sont donc
nécessaires pour satisfaire cette <<demande de différences >>. Cette thèse
fournir une explication intéressante au développement des échanges
intrabranches, dont l’exemple le plus éloquent est celui de la branche automobile
française qui est fortement exportatrice, mais aussi fortement importatrice.

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