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COMMERCE INTERNATIONAL

La théorie du commerce international est la branche de la science économique qui


s'intéresse à la modélisation des échanges de biens et de services entre États. Elle se penche
également sur les questions d'investissement international et de taux de change.

La théorie du commerce international comprend deux branches essentielles. La première est


fondée sur la pensée classique inspirée de David Ricardo, et la seconde s'inspire des outils de
l'organisation industrielle et de l'économie géographique.

Les théories classiques


Théorie des avantages absolus

Cherchant à défendre l'idée du libre échange, Adam Smith montre, à la fin du XVIIIeme
siècle, qu'un pays ne doit pas hésiter à acheter à l'extérieur ce que les producteurs étrangers
peuvent produire à meilleur compte que les producteurs nationaux. Le pays qui vend un
certain produit moins cher que tous les autres pays possède ainsi un avantage absolu pour ce
produit. Smith indique alors qu'un pays doit se spécialiser dans la production de biens pour
lesquels il possède cet avantage absolu et acheter tous les autres biens.

La théorie des avantages absolus exclut l'échange réciproque entre pays ayant des niveaux très
différents de développement. En effet, le plus développé des pays est susceptible de bénéficier
de la productivité la plus élevée dans tous les secteurs.

Théorie ricardienne des avantages comparatifs

David Ricardo, en 1817, développe la théorie de l’avantage comparatif : un pays peut


bénéficier de la spécialisation en produisant les biens pour lesquels il possède un avantage
comparatif et ce, même s’il possède un désavantage absolu pour tous les biens qu’il produit.
David Ricardo suppose que le travail est le seul facteur de production et que ce facteur est
mobile à l’intérieur du pays mais immobile internationalement. Pour montrer que l’échange
est toujours préférable, il imagine que le Portugal possède un avantage absolu sur l’Angleterre
pour deux biens, c'est-à-dire un cas où, dans la théorie d’Adam Smith, l’échange ne pourrait
avoir lieu. En raisonnant sur les coûts comparatifs et non absolus, il démontre qu’il est
avantageux pour chacun de se spécialiser dans la production pour laquelle il possède
l’avantage le plus fort (vin portugais), ou le désavantage le plus faible (drap anglais).

La théorie ricardienne des avantages comparatifs lie le commerce international à des


différences de technologie de production entre les pays. Le modèle de Ricardo a deux
conclusions fondamentales : les pays sont toujours gagnants à l'échange qui permet de
produire de manière plus efficace et, en situation d'échange, les pays vont se spécialiser dans
la production du bien où ils possèdent un avantage comparatif.

Modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson

Ce modèle est connu sous plusieurs noms. Il fut d'abord publié sous une forme plus littéraire
par Bertil Ohlin, qui attribua la co-paternité du modèle à son directeur de thèse, Eli Heckscher
en 1933. En 1941, Paul Samuelson et Wolfgang Stolper en déduisirent un théorème important
sur la rémunération des facteurs, qui fut systématiquement incorporé dans la présentation du
modèle, désormais connu sous l'acronyme HOS.

Les conclusions du modèle sont :

1. On a spécialisation partielle de chaque pays dans le bien relativement le plus intensif


dans le facteur dont ce pays est relativement le mieux doté.
2. On a égalisation des prix relatifs des biens entre les pays.
3. En raison de la relation entre prix relatifs et rémunérations relatives, la rémunération
relative du facteur relativement le plus rare dans chaque pays diminue tandis que
celle du facteur relativement le plus abondant augmente.

Limites

Si ce modèle occupe une place centrale dans la littérature, c'est avant tout à cause des
intuitions qu'il souligne, et de la richesse des résultats qu'il propose. Cependant, il est
contestable sur plusieurs points :

• La plupart de ses prédictions sont infirmées par les flux du commerce international :
o Alors que les États-Unis ont un taux de capital par tête parmi les plus élevés,
ils exportent des produits relativement intensifs en travail (paradoxe de
Leontief);
o L'égalisation des prix relatifs n'est que rarement observée, même au sein d'une
union monétaire comme la zone euro. Cette observation amène à étudier les
conséquences de différences de demande entre les pays.
• Dans ce modèle, la mobilité du capital conduit à une situation dégénérée : après un
équilibrage des dotations relatives, les pays se retrouvent en autarcie.

Modèle Cairnes-Haberler

Dans le modèle Cairnes-Haberler, tous les facteurs de production sont fixes (ils ne peuvent
même pas passer d'une industrie à l'autre).

Modèle Ricardo-Viner

Dans le modèle Ricardo-Viner, certains facteurs de production sont fixes, mais pas tous. Deux
biens sont produits et l'offre de travail est répartie entre deux secteurs. Le modèle Ricardo-
Viner explique le sens de l'échange international en développant un modèle à facteurs
spécifiques (ou analyse néofactorielle). Ce modèle énonce ses principes en introduisant
d'autres facteurs de production que le travail qui sont le capital et la terre. Le travail est le
facteur le plus mobile (peut se déplacer d'une industrie à l'autre), le capital et la terre sont
spécifiques à une industrie et des ajustements vont se faire au niveau de ces facteurs : Ricardo
et Viner ont démontré que la dotation en facteurs spécifiques va maintenant déterminer le sens
de l'échange et remettent en cause l'approche HOS (Heckscher-Ohlin et Samuelson). Le sens
de l'échange est maintenant déterminé à travers la qualification de travail (plus le travail est
qualifié, plus il devient un facteur spécifique). Les propositions apportées par Ricardo et
Viner montrent que le revenu du travail diminue en termes du bien dont le prix augmente :
l'augmentation de la valeur d'échange d'un bien (prix relatif) conduit à une augmentation de la
rémunération réelle du facteur spécifique utilisé dans la fabrication de ce bien et diminue la
rémuneration réelle du facteur spécifique utilisé dans la fabrication de l'autre bien dans
l'hypothèse ou deux biens sont produits.

Les théories protectionnistes


Protectionnisme ou libre-échange ?

Si la dynamique du commerce international tend à favoriser la constitution des monopoles,


alors il semble que le protectionnisme soit justifié pour contrôler les abus de position
dominante des monopoles étrangers ou bien empêcher leur constitution. Selon Paul Krugman,
l’imperfection de la concurrence constituait l’argument théorique suffisant pour réfuter les
thèses du libre-échange.

La première réponse à cette objection vint de la théorie des marchés contestables selon
laquelle la concurrence peut être inexistante au plan matériel, mais toutefois jouer son rôle. En
effet selon cette théorie, une entreprise en situation de monopole est contrainte de se
soumettre aux exigences de la concurrence si elle ne veut pas voir surgir de nouveaux
concurrents.

La seconde réponse est que l’intervention protectionniste suscite des représailles et provoque
au final une dégradation économique de tous les protagonistes.

Face à ces nouveaux arguments et aux études économétriques sur le sujet, on a finalement vu
les nouveaux théoriciens du commerce international adopter une position favorable au libre-
échange. Paul Krugman devenu depuis l’un des plus fervent partisan du libre-échange est un
exemple frappant de ce phénomène.

Mercantilisme

Les mercantilistes sont apparus via le bullionisme, le colbertisme et le nationalisme.

Le bullionisme correspond au mercantilisme méditerranéen de l’Espagne, du Portugal et de


l’Italie. Il est axé sur l’accumulation de l'or. L'Etat veut s'enrichir pour financer les Etats-
nations et cela le conduit à l'inflation et à la dépréciation de l'or. On assiste alors à une
économie d'oisifs avec obligation d'importer des produits donc l'Espagne ne s'enrichira pas
mais les pays voisins vendront à l'Espagne et s'enrichiront.
Le colbertisme correspond au mercantilisme français et de l'Europe de l'Est. Les ministres
cherchent à recentrer l'État dans les pays. L'Etat décide de tout : c'est la centralisation. Colbert
va mettre en place des structures dans le but de produire pour revendre par la suite et exporter.

Le nationalisme concerne les pays anglo-saxons et la Hollande. Les anglais sont de bons
navigateurs et ils achètent à un endroit pour revendre à un autre. Ils développent le secteur des
banques et assurances. La Hollande se financera grâce aux bourses de valeurs qu'elle créée.
Les banques vont vouloir convertir les monnaies et il y aura création de la monnaie papier
ainsi que des accords entre les banques des différents pays. Les monnaies seront convertibles
selon l'étalon or.

Échange inégal avec le tiers-monde

Les différentes théories du commerce international définissent dans leur globalité un état
optimal pour l'économie mondiale. Cependant ces théories sont le résultat d'études, d'analyses
qui sont exprimées sans tenir compte des variables liées aux situations des pays du tiers
monde. Il ne faudra plus dorénavant se mettre dans une bulle parfaite, où la libre-échange ne
provoque que des résultats positives mais par exemple laisser place aux situations
d'oligopole1. Il y a une sorte de pessimisme vis à vis des théories précédentes mais cela
n'empêche la recherche de l'amélioration des conditions de libre-échange.

Les États disposent d'instruments d'actions directs sur les flux commerciaux : administration
douanières, ou indirects : les taux de change. Les multinationales ont un rôle important dans
la régulation des flux commerciaux, les fixations de prix et les échanges de marchandises.

Avantages comparatifs autoconsolidants

Avec le développement d’une industrie apparaissent des externalités positives : accroissement


des qualifications, développement des industries sous-traitantes et des fournisseurs à
proximité. Dès lors on peut conclure que la taille du marché consolide l’avantage comparatif.
En d’autres termes, plus un marché est grand, plus les entreprises sont compétitives en
comparaison de celles des autres marchés. D’autres facteurs sont alors susceptibles de créer
l’avantage comparatif : subventions publiques, volume de la consommation nationale …De
plus il en découle que l’ouverture au commerce international ne fait qu’accroître les écarts de
compétitivité en renforçant les entreprises dominantes et en concentrant les industries là où se
présentent les avantages comparatifs initiaux. Cette dynamique du commerce international
provoque une tendance à l’émergence de forme de monopoles. Avantages comparatifs
souvent étudiés en termes de rendements croissants.

Les nouvelles théories du commerce international


Théorie stratégique du commerce

La théorie traditionnelle de l’échange international s’intéresse aux effets du commerce


international sur les nations en retenant comme hypothèse de base que la concurrence est pure
et parfaite. Il est déduit que le libre-échange améliore la position des nations qui échangent,
incitant donc au démantèlement des barrières protectionnistes.
Toutefois les situations de concurrence pure et parfaite sont rares: "l’essentiel du commerce
industriel est réalisé pour des produits de secteurs que nous considérons comme des
oligopoles lorsque nous les étudions sous leur aspect domestique" (Krugman, 1989). Dans la
majorité des cas les marchés sont en situation de concurrence imparfaite où le nombre de
firmes produisant un bien et agissant sur le marché est faible.

L’environnement oligopolistique ainsi obtenu est appelé un environnement stratégique. Cet


environnement stratégique se caractérise par l’émergence et la résistance du profit. Dans ces
conditions, il peut être rationnel d’imposer une règlementation protectionniste.

Ces idées constituent la base théorique de la politique commerciale stratégique et ont donné
naissance à une nouvelle approche économique de l’échange international, dénommée
"nouvelle économie internationale". Initiée par Brander et Spencer, Paul Krugman a participé
à cette nouvelle approche. L’apparition de cette théorie remonte à la fin des années 70, mais
elle s’est surtout développée dans les années 80.

Concurrence monopolistique

Selon la théorie de la concurrence monopolistique des années 1930, la concurrence entre les
entreprises ne se fait pas seulement sur les prix, mais aussi sur les produits. Chaque entreprise
dispose d’un monopole sur un produit qui n’est pas strictement identique à ceux des
entreprises concurrentes. Si on s’intéresse à l’application de cette théorie sur le commerce
international on découvre que :

• vu que la création d’un nouveau produit n’est limité que par la taille du marché, alors
l’ouverture au commerce mondial permet d’accroître la variété des biens, ce qui
permet une meilleure adaptation de l’offre aux demandes spécifiques des
consommateurs.
• le commerce international se fait de manière intra-branche : un pays peut à la fois
importer et exporter une même catégorie de produit.

Rendements d'échelle croissants et effets de réseau

Les économies d’échelle peuvent justifier la spécialisation internationale. Si l’on prend deux
pays semblables en tous points : même niveau technique, même dotation en facteurs, même
taille et les consommateurs y ont les mêmes goûts variés… et si l’on prend deux biens
fabriqués dans les mêmes conditions mais avec des rendements croissants dans les deux pays,
on montre que malgré la similitude des coûts comparatifs qui ne justifierait aucun échange
entre les deux pays, chaque pays peut trouver avantage à la spécialisation et au commerce
international pour obtenir plus de biens qu’en autarcie : le commerce international permet à
chaque pays de produire plus efficacement un registre limité de biens sans sacrifier la variété
des biens consommés. En effet, l’augmentation de la production dans l’un des biens génère
des gains de productivité, grâce aux économies d’échelle, et donc un avantage comparatif.
Mais celui-ci ne résulte pas de différences initiales entre les deux pays puisque par hypothèse
ils étaient parfaitement semblables ; en revanche, cet avantage comparatif trouve son origine
dans la spécialisation elle-même, recherchée pour bénéficier de rendements croissants. C’est
pourquoi on qualifie cette explication de « théorie endogène » de l’échange international, car
c’est la spécialisation et l’échange international qui créent l’avantage comparatif issu du
phénomène d’économies d’échelle.

La poupe du porte-conteneurs géant Colombo Express

Les dix principaux pays pour le commerce international

Le commerce international correspond à l'échange de biens et de services; terme qui


englobe le commerce, l'importation et l'exportation de biens et des services, la concession de
licences dans d'autres pays.

Ce type de commerce existe depuis des siècles (cf. route de la soie), mais il connaît un essor
récent du fait de la mondialisationLa théorie du commerce international est la branche de
l'économie qui cherche à fournir un cadre d'explication au commerce international.

Par ailleurs il existe un droit des opérations de commerce international, formalisé


notamment par les incoterms de la Chambre de commerce internationale.
Évolution du commerce international [modifier]
Ces deux dernières décennies, les échanges commerciaux internationaux se sont multipliés,
plus particulièrement pour les pays développés, et pour les nouveaux pays industrialisés,
favorisant la croissance de ces derniers. Les pays les moins avancés n'ont pas connu une telle
hausse des échanges commerciaux internationaux. Le volume du commerce mondial est 14
fois supérieur à ce qu'il était en 1950

Théorie du commerce international


Caractéristiques actuelles du commerce international
• La zone d’échange préférentielle qui lève les obstacles au commerce interrégional
pour certains produits. C’est par exemple le cas de l’ASEAN (1967) ou des rapports
entre les pays de l’ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) et la CEE depuis les années
1960 (pour la banane par exemple, source de conflit au sein de l’OMC).
• La zone de libre-échange qui est marquée par une suppression des obstacles
tarifaires. C’est par exemple le cas de l’ALENA depuis 1994
• L’union douanière qui combine une libre circulation des marchandises et l’adoption
d’un tarif extérieur commun, c’est-à-dire des taxes douanières identiques à chaque
pays membre vis-à-vis des pays tiers.
• Le marché commun marqué par une libre circulation des biens, des services et des
facteurs de production (capital et travail), débarrassé des obstacles tarifaires et non
tarifaires (normes, quotas…)
• L’union économique qui vise à l’harmonisation des politiques économiques et à
l’adoption d’une monnaie unique. C’est le stade visé par le Traité de Maastricht
(1993).

Cette classification est celle proposée en 1961 par Bela Balassa dans The theory of economic
integration. On peut y ajouter l’union politique. L’Allemagne du XIXe siècle a atteint ce
stade en 1870, soit 46 ans après la création d’une union douanière entre différents États
allemands, le Zollverein.

Indicateurs

Exportations de biens et services en pourcentage du PIB ;

• Variation annuelle de la production mondiale par rapport à la variation annuelle du


volume des exportations ;
• Volume total des importations et exportations (échanges internationaux) mondiales.
• Taux d'ouverture des économies (exports + imports divisés par deux fois le PIB)

Impacts

Depuis les années 1990 le commerce intrarégional a progressé eu sein de l’ALENA, passant
de 42 à 54% des exportations totales des pays membres, au sein du Mercosur ce chiffre est
passé de 9 à 20% sur la même période, tandis qu’en Europe la part des échanges
intracommunautaires n’a guère progressé en dépit d’une intégration croissante, restant
toutefois au niveau élevé de 74% en 20061.

Des impacts difficiles à cerner

Avant l’entrée en vigueur de l’ALENA en 1994, Paul Krugman (La mondialisation n’est pas
coupable) s’interrogeait sur les conséquences de cet accord alors que certains hommes
politiques américains prévoyaient la disparition de centaines de millions d’emplois. Selon lui,
la portée de tels accords est limitée. En effet les droits de douanes internationaux sont
aujourd’hui de l’ordre de 3 ou 4%, ce qui signifie un faible impact de leur disparition. Dans le
cas précis de l’ALENA, l’intégration du Mexique dans une zone de libre-échange avec les
États-Unis et le Canada aura surtout comme effet de redonner confiance aux investisseurs
financiers en ce pays en proie à des difficultés économiques : une conséquence des
comportements irrationnels des acteurs financiers n’ayant que peu à voir avec le commerce
international.

En 1950, Jacob Viner (The Custom Union Issue) a tenté de prévoir les conséquences de la
constitution d’unions économiques régionales. Elles ont selon lui un double impact sur le
commerce international :

• Elles sont d’abord destructrices de certains flux commerciaux, vu que les partenaires
d’une même union économique tendent à réduire leurs importations en provenance des
pays tiers. Ce fut par exemple le cas de la Grande-Bretagne vis-à-vis du
Commonwealth suite à son entrée dans l’Union européenne. La préférence
communautaire (une des clauses de la PAC par exemple) supplantant dès lors la
« préférence impériale ». Plus récemment l’entrée des pays d’Europe de l’Est dans
l’Union européenne risque de nuire aux importations textiles en provenance du
Maghreb.
• Elles sont d’un autre coté créatrices de flux. Elles permettent une collaboration, et
donc une spécialisation accrue des différents pays membres qui accroît le commerce
international. Elles permettent une meilleure entente et une connaissance accrue des
partenaires commerciaux qui apporte confiance et facilité dans les échanges (il est par
exemple plus aisé d'organiser un échange avec les Allemands qu'avec les Chinois).
Enfin le développement de certains secteurs protégés peut finalement se révéler
profitable pour certaines économies étrangères. La politique agricole commune, bien
qu’ayant freiné les importations agricoles américaines, a toutefois accru les
commandes à ces derniers de matériel agricole.

Finalement il est difficile de conclure quant au côté profitable ou non de la constitution


d’espaces économiques régionaux pour la croissance des volumes d’échanges internationaux.

Dangers vis-à-vis du multilatéralisme

Il est enfin à noter que la constitution d’espaces économiques régionaux réduit le nombre de
négociateurs lors des réunions de l’OMC (l’Union européenne est par exemple représentée en
tant que membre de l’organisation), ce qui peut faciliter les accords. En permettant le
développement des économies dans un cadre protégé, le régionalisme peut être une étape
préalable au multilatéralisme, permettant à certains pays de prendre de l’assurance. C’est ainsi
que Mike Moore, ancien président de l’OMC, déclarait que le régionalisme pouvait servir à
compléter et à promouvoir le multilatéralisme, mais qu’il ne devait en aucun cas le remplacer.
Mais le risque est grand selon lui de voir les économies se refermer sur des zones restreintes
de commerce privilégié, encourageant en retour les autres économies à faire de même, spirale
négative qui pourrait mener à une contraction des échanges mondiaux et du PIB mondial.

L’autre danger est une focalisation des ensembles économiques régionaux sur leur
compétitivité face aux autres grandes économies. Le vocable de « guerre économique » ou la
recherche systématique de la « compétitivité » sont les symptômes d’un retour des dogmes
mercantilistes, de ce que Paul Krugman appelle la « théorie pop du commerce international ».
Cette mentalité qui associe le commerce international à une compétition où il y aurait des
gagnants et des perdants se manifeste régulièrement dans les discours politiques liés à la
constitution de zone de coopération économique : « il faut faire l’Europe pour faire le
poids ! » disent certains. Sur le long terme, la diffusion de ce genre d’idées pourrait nuire au
libre-échange et donc au commerce international.

Le commerce international

Le commerce international comprend toutes les opérations sur le marché mondial. Il est
l'organe regroupant les divers pays du monde engagés dans la production des biens destinés
aux marchés étrangers.

Le commerce mondial comprend:

• Le commerce de concentration: qui consiste à assembler les petites productions locales


ou régionales dans des comptoirs crées à cette fin, en quantités convenables pour être
manipulés sur le marche mondial.
• Le commerce de distribution: consiste à se procurer les marchandises en très grandes
quantités sur le marché mondial et à les enmmagasiner pour les distribuer aux
consommateurs sur le plan mondial.

Le commerce extérieur s'effectue entre les habitants de deux ou plusieurs pays. Il comprend
les importations, achats à l'étranger et les exportations, ventes à l'étranger des biens produits à
l'intérieur d'un pays.

Le commerce de transit n'est rien d'autre que la faculté accordé à un produit originaire du pays
X et destiné à la consommation dans le pays Y, de traverser le pays Z sans acquitter les droits
de douane.

On distingue le commerce général qui est l'ensemble de commerce d'importation,


d'exportation et de transit, du commerce spécial qui ne comprend que le commerce
d'importation et le commerce d'exportation. Il ne comprend pas non plus le commerce en
relation avec des zones franches et des entrepots douaniers.
L’ Autarcie
L'autarcie est un système économique idéal d'un territoire géographiquement défini, d'une
région ou d'un État habité par des acteurs économiques qui peuvent suffire à tous leurs
besoins et vivrent seulement de leurs propres ressources. L'entité économique réelle déclarée
vivant en autarcie peut être une famille, un groupe humain, une communauté insulaire, un
gouvernement isolé.

Annihilation des flux d'échanges ?


Des facteurs physiques d'isolement peuvent expliquer l'absence temporaire d'échanges, par
exemple dans une île non desservie. L'autarcie qui se rapproche ici de la survie de naufragés
ou d'autochtones consiste à gérer ou à accumuler des réserves de nourriture et de biens
nécessaires.

Mais, en présence d'une économie monétaire, l'autarcie apparente est souvent le fruit d'une
politique économique dite autarcique, qui préconise l'autoproduction par un pays de la plus
grande partie de ce qu'il a besoin de consommer, et la réduction des importations au strict
minimum pour la plus grande partie de la population. Un pays vivant en autarcie s'efforce de
fonctionner ainsi en économie fermée. Inversement, un pays qui ouvre son activité
commerciale à l'étranger a une économie ouverte.

L'autarcie a ainsi pour but principal de réduire le plus possible les dépenses à l'importation, et
ainsi d'établir un équilibre économique à l'intérieur du pays. Par extension, l'autarcie désigne
également un mode de vie dans lequel un foyer produit tout ce qu'il consomme, ou du moins
l'essentiel, et ne recourt donc pas ou peu au commerce pour compléter ses besoins.

L'autarcie intellectuelle, au sens d'une autonomie sous une forme immatérielle, préconise l'état
de ce qui se suffit à soi-même et n'entretient pas d'échanges. Si l'individu sans autorité s'isole
et ne perd que lui-même dans sa requête autarcique, les cercles ou groupes savants qui
pratiquent cette autosuffisance pour d'excellentes raisons pratiques ou des intérêts de pouvoir
momentanés condamnent ou dégradent à terme la science en arguments idéologique et la
technique en levier d'asservissement.

Histoire d'un mythe


Paul Veyne a étudié le mythe de l'autarcie du domaine romain, avec ses terres cultivables et
ses réserves forestières. Ce mythe semble se justifier par une fonction de sécurité et
d'assurance temporaire1.

Historiquement, aucun État n'est parvenu à établir un système parfaitement autarcique.


L'exception du Japon au XVIIe siècle, où le commerce officiel est réduit à un seul port sur l'île
artificielle de Dejima créé dans la baie de Nagasaki à l'extrémité sud-ouest du pays ne peut
être retenue car des intenses trafics illégaux ont été entretenus par ses marins et pêcheurs.
Cette politique autarcique doublée d'un contrôle du territoire et d'un code d'honneur de la
guerre a eu toutefois un singulier effet : la réduction puis la quasi-disparition des armes à feu.
La plupart des sociétés complexes ne sont pas auto-suffisantes, et toutes entretiennent
nécessairement des échanges avec leurs voisines proches et lointaines. L'exemple le plus
frappant est le mur de Berlin dont on a pu faire croire qu'il constituait une barrière autarcique
au minimum terrestre. Au delà des passages controlés ou illégaux rendant de plus en plus
risqués par l'équipement de surveillance, une multitude d'accord et de modus vivendi entre
autorités sont intervenus pour résoudre les problèmes les plus triviaux, une fois les blocus
drastiques de crise levés.

La connaissance des échanges marchands et des grandes routes souvent antiques permet de
réduire les croyances autarciques que la culture gréco-latine semble avoir mythifiées. Le
commerce du sel est le plus ancien et le plus fréquent des commerces. De plus, très rares sont
les pays qui disposent sur leur sol de la plupart des matières premières en quantités suffisantes
pour subvenir à leurs propres besoins.

Même l'économie de pays dits en situation d'autarcie par la fermeture politique de leurs
frontières à l'extérieur pour les civils est qualifiée autrement : pour la Corée du Nord, le
modèle est l'économie palatine, compte tenu d'échanges de subsistance avec la Chine.

Etymologie d'un néologisme


Le terme autarcie est un néologisme gréco-romain, qui apparaît dans le dictionnaire de
médecine Lavoisien en 1793. Autarcie vient de l'adaptation du grec autarkeïa, de autos, soi-
même et arkein, c'est-à-dire protéger, secourir, se suffire. Le mot français est employé par un
groupe de sociétés savantes françaises, animées en particulier par le chimiste et minéralogiste
Antoine Lavoisier2.

Les savants français réfléchissent généreusement à l'avenir économique du grand Royaume de


France bien qu'ils se trouvent de plus en plus placé en retrait par rapport à l'action
désordonnée d'une Assemblée constituante, puis destabilisés par les actes d'une République
devenue folle. Le néologisme a d'abord le sens d'euphorie, de frugalité et de sobriété qui
apporte le bonheur. Il s'applique ironiquement autant à l'effort nécessaire à demander à un
pays au bord du gouffre qu'à la situation chaque jour de plus en plus précaire et menacée par
les déferlements de haines politiques des dignes savants français3.

Le mot ressort de l'anonymat à partir des années 1830 et évolue. Sous la plume des
économistes, il s'écrit sous une forme pseudo-savante autarchie en 1896 pour le distinguer de
l'autarcie. Le premier terme des économistes mentionne un pays ou un groupe qui n'a pas
besoin d'importation ou d'apports externes pour subsister, donc reste en économie fermée. Le
second terme plus populaire désigne ce bien être résultant de la sobriété dans laquelle une
personne ou une famille se suffit à elle-même. Mais il reprend lentement sa même forme
savante primitive par l'effet des mouvements régionalistes de la Belle Époque ou pacifiques
de l'entre-deux-guerres, imprégnés de mythes paysans et écologiques. Le Larousse mensuel
illustré de 1938 écrit à nouveau autarcie. L'adjectif autarcique l'emporte aussi sur
autarchique, encore prépondérant dans les écrits des années vingt
Libre-échange
Le libre-échange est un système de commerce international reposant sur l'absence de
barrières douanières et non douanières à la circulation des biens et des services. Au sens strict,
la notion ne s'étend pas aux mouvements de travailleurs ou de capitaux1.

De façon plus pragmatique, pour Cordell Hull2 le ministre de Franklin Delano Roosevelt en
très grande partie à l'origine du retour au libre-échange après la Seconde Guerre Mondiale, il
s'agit du principe de non-discrimination appliqué au commerce de biens et de services.

Un porte-conteneurs et son chargement le long des docks de Hambourg.

Historique
Pratique

Historiquement, le libre-échange est une rareté exceptionnelle. Chaque État se définit


notamment par ses frontières et l'existence de taxes et toutes sortes de règlements propres
concernant l'importation et l'exportation, érigeant autant de barrières. La pensée économique
rudimentaire animant les dirigeants des anciens États les conduit à toujours préférer, entre
deux biens similaires, celui produit par leur nation à celui d'importation. Forcer les étrangers à
ouvrir leur commerce, abaisser leurs barrières et leurs droits de douanes, tout en tâchant de
conserver les siennes, est une politique ordinaire des relations internationales, éventuellement
appuyée par la menace militaire ou obtenue à l'issue d'une guerre. Du fait de ces pratiques, le
commerce international peut consister pour une part notable en contrebande, contournement
illégal des règles sur les importations, d'autant plus rentable que ces règles sont plus
coûteuses.

Le libre-échange n'est donc en pratique que le fruit rare et limité (ne portant en général que
sur certains biens) d'accords internationaux, par lesquels les états acceptent de réduire en
tout ou partie les traitements spécifiques qu'ils appliquent aux marchandises étrangères et qui
les handicapent sur leur marché.

• traités inégaux imposés à une nation plus faible par une nation plus forte, forçant la
première à admettre les biens produits par la seconde ;
• traités bilatéraux de réciprocité commerciale entre deux pays amis, pour une quantité
plus ou moins étendue de biens ;
• et, dans le cadre de la mondialisation moderne, des accords multilatéraux négociés au
niveau de l'organisme mondial ad hoc : l'OMC ;
• zones de libre-échange, lorsque le traité de libre échange implique plusieurs pays et
s'étend à l'ensemble des biens (avec éventuellement des exceptions pour certains
biens).

Cette présentation fait apparaître la protection nationale comme la norme et le libre-échange


comme l'exception, ce qui est conforme à la vérité historique. Mais les accords de libre
échange ne sont nécessaires que parce que les États ont d'abord érigé des barrières. En ce
sens, le libre-échange est au contraire l'état naturel de l'économie, avant toute intervention
étatique.

Historique de la théorie

Genèse

La première analyse rigoureuse du libre-échange3 est due à Henry Martyn dans


Considérations sur le commerce avec les Indes orientales (1701) ; dès la préface, il prévient :
« la plupart des idées dans ces travaux sont directement opposées aux opinions reçues. »
Martyn s'oppose à la fois au monopole de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et
aux restrictions sur les importations de biens manufacturés en provenance de l'Inde. Il
explique que la liberté de commerce va diminuer la rente des marchands déjà établis, et
accroître le volume au bénéfice de la nation tout entière. Martyn est aussi le premier à
appliquer le principe de la division du travail au commerce international.

En 1720, Isaac Gervaise écrit Le système ou théorie du commerce du monde (The System or
Theory of the Trade of the World), et emploie le principe du coût d'opportunité pour mettre en
doute la capacité de l'intervention de l'État à accroître la richesse nationale4. Appliqué au
commerce international, il conclut que ce principe pousse les manufactures protégées à
s'étendre au-delà de leurs capacités naturelles, aux dépens des autres activités.

Au XVIIIe siècle, les physiocrates français considèrent qu'une politique visant à réduire le prix
des denrées agricoles afin de promouvoir les manufactures — telle que l'envisagent certains
mercantilistes — conduirait à la ruine5.

Adam Smith et le modèle classique

Adam Smith fonde les bases de l'analyse économique moderne en 1776 avec sa Recherche
sur la nature et les causes de la richesse des nations. Dans le livre IV, il introduit un nouveau
critère d'évaluation d'une politique économique : son impact sur le revenu réel du pays (idée
que l'on retrouve aujourd'hui sous la forme du produit intérieur brut).

« Par avantage ou gain, je n'entends pas dire un accroissement dans la quantité de l'or
et de l'argent du pays, mais un accroissement dans la valeur échangeable du produit
annuel de ses terres et de son travail, ou bien un accroissement dans le revenu de ses
habitants. »6

Avec ce critère, on ne peut plus se contenter d'évaluer l'impact d'une politique protectionniste
en se limitant simplement à l'étude de l'emploi et de la production du secteur protégé. Ainsi,
« Il n'y a pas de doute que ce monopole dans le marché intérieur ne donne souvent un
grand encouragement à l'espèce particulière d'industrie qui en jouit, et que souvent il
ne tourne vers ce genre d'emploi une portion du travail et des capitaux du pays, plus
grande que celle qui y aurait été employée sans cela. - Mais ce qui n'est peut-être pas
tout à fait aussi évident, c'est de savoir s'il tend à augmenter l'industrie générale de la
société, ou à lui donner la direction la plus avantageuse. »

Comment l'optimisation du revenu national se fait-elle ? Smith répond qu'il s'agit du résultat
de l'agrégation de décisions individuelles :

« (...) chaque individu qui emploie son capital à faire valoir l'industrie nationale, tâche
nécessairement de diriger cette industrie de manière que le produit qu'elle donne ait la
plus grande valeur possible. »

La décision de commercer avec l'étranger n'est pas naturelle, et ne vient que des profits
attendus :

« (...) chaque individu tâche d'employer son capital aussi près de lui qu'il le peut et, par
conséquent, autant qu'il le peut, il tâche de faire valoir l'industrie nationale, pourvu
qu'il puisse gagner par là les profits ordinaires que rendent les capitaux, ou guère
moins. Ainsi, à égalité de profits ou à peu près, tout marchand en gros préférera
naturellement le commerce intérieur au commerce étranger de consommation, et le
commerce étranger de consommation au commerce de transport. »

Il conclut, dans un des passages les plus célèbres de l'histoire de la pensée économique :

« Mais le revenu annuel de toute société est toujours précisément égal à la valeur
échangeable de tout le produit annuel de son industrie, ou plutôt c'est précisément la
même chose que cette valeur échangeable. Par conséquent, puisque chaque individu
tâche, le plus qu'il peut, 1° d'employer son capital à faire valoir l'industrie nationale, et
- 2° de diriger cette industrie de manière à lui faire produire la plus grande valeur
possible, chaque individu travaille nécessairement à rendre aussi grand que possible le
revenu annuel de la société. A la vérité, son intention, en général, n'est pas en cela de
servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être utile à la
société. En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il
ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté; et en dirigeant cette
industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à
son propre gain; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une
main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions; et ce n'est
pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans
ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent
d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement
pour but d'y travailler. je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises
de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il
est vrai que cette belle passion n'est pas très commune parmi les marchands, et qu'il ne
faudrait pas de longs discours pour les en guérir. »

Smith envisage deux exceptions au principe de libre-échange :


« Le premier, c'est quand une espèce particulière d'industrie est nécessaire à la défense
du pays ».
« Le second cas dans lequel il sera avantageux, en général, de mettre quelque charge
sur l'industrie étrangère pour encourager l'industrie nationale, c'est quand le produit de
celle-ci est chargé lui-même de quelque impôt dans l'intérieur. Dans ce cas, il paraît
raisonnable d'établir un pareil impôt sur le produit du même genre, venu de fabrique
étrangère. »

À la suite de Smith, les économistes de l'École classique développent ses idées et renforcent la
présomption que le libre-échange permet à un pays d'obtenir une quantité de biens supérieure
à ce qu'il pourrait produire par lui-même7. Robert Torrens et David Ricardo poursuivent le
développement de cette théorie en introduisant la notion d'avantage comparatif entre 1815 et
1817, qui permet de démontrer8 qu'aucun pays n'a besoin d'être « le meilleur » pour pouvoir
obtenir des gains à l'échange.

Les termes de l'échange

Entre 1833 et 1844, Robert Torrens revient peu-à-peu sur ses positions libre-échangistes, et
développe le premier argument « moderne » contre le libre-échange : lorsqu'un pays peut agir
sur les termes de l'échange (par exemple, parce qu'il est « gros », ou parce qu'il détient un
monopole), il peut alors choisir un niveau de droits de douane optimal, qui maximise les
termes de l'échange en sa faveur. Torrens en déduit que la politique la plus souhaitable est
alors d'exiger la réciprocité commerciale : en adoptant unilatéralement le libre-échange, un
pays s'expose à la « capture » d'une partie des gains à l'échange par ses partenaires. Il
provoque une vive polémique, jusqu'à ce que John Stuart Mill tranche en sa faveur9 en
analysant les mécanismes de détermination des termes de l'échange. L'argument de Torrens
sera ensuite raffiné, jusqu'à la version publiée par Harry Johnson en 195010, qui donne une
formule mathématique précise de détermination du niveau optimal des droits de douane en
fonction de l'élasticité de la courbe d'offre de l'étranger. À ce jour, l'objection de Torrens reste
l'entorse la plus sérieuse au principe de libre-échange11.

Les industries naissantes

Dans son Rapport sur les manufactures (1791), le Secrétaire au Trésor américain Alexander
Hamilton détaille une autre objection sérieuse : livrée à elle-même, l'industrie américaine n'est
pas en mesure de concurrencer sur son propre territoire l'industrie britannique, en raison de
son manque d'expérience et de savoir-faire. Hamilton propose de protéger temporairement les
industries naissantes, de préférence via des subventions. En 1834, l'Écossais John Rae
approfondit l'analyse de Hamilton, et propose diverses méthodes pour favoriser le transfert de
technologie en provenance de l'étranger. Friedrich List, qui a été exilé aux Etats-Unis de 1825
à 1832 où il a été imprégné de la tradition protectionniste de Alexander Hamilton, James
Madison et Andrew Jackson, publie en 1841 Das Nationale System der Politischen Ökonomie
(Système national d'économie politique), qui rejette l'analyse classique au profit de l'analyse
historique, et popularise le principe de protection des industries naissantes (ou "protection des
industries dans l'enfance") par des barrières douanières, qu'il appelle « protectionnisme
éducateur ».

Si List connaît un grand succès populaire, son analyse, entièrement fondée sur des précédents
historiques et sans la moindre avancée théorique12, ne convainc pas les économistes. C'est
encore John Stuart Mill qui légitimise la « doctrine des industries naissantes » dans ses
Principes d'économie politique (1848). Sa caution rencontre une franche opposition pendant
les décennies suivantes (Alfred Marshall parle de « son seul manquement regrettable aux
sains principes de la rectitude économique»13), Mill lui-même regrette que les protectionnistes
exagèrent fortement la portée de sa doctrine, et finit par la renier partiellement en 1871. La
doctrine devient toutefois généralement acceptée au début du XXe siècle comme une
exception théorique légitime au principe de libre-échange, malgré le flou de ses hypothèses, et
la difficulté à la transposer en une politique industrielle concrète. L'analyse moderne de la
doctrine de Mill repose sur l'étude des défaillances du marché afin de déterminer quel type
d'intervention publique serait le plus efficace. Ainsi, James Meade conclut que l'intervention
douanière n'est pas justifiée : si une entreprise est capable à terme de devenir rentable, il se
trouvera toujours des investisseurs pour lui fournir les fonds nécessaires, à condition que les
marchés des capitaux soient efficients. Et, s'ils ne le sont pas, la méthode d'intervention
préférable consisterait à corriger cette défaillance précise, plutôt que d'imposer des restrictions
sur le commerce14. Si elle n'a pas disparu, la doctrine des industries naissantes a perdu une
grande partie de son cachet, et n'est plus considérée comme un pur problème de commerce
international.

Les rendements croissants

En 1923, Frank Graham s'attaque à un autre cas15, qui lui pourrait justifier une protection
permanente, celui des rendements croissants. Il utilise l'exemple de deux pays qui produisent
des montres et du blé. Si la production industrielle (les montres) est sujette à des rendements
croissants tandis que la production agricole (le blé) est soumise à des rendements
décroissants, un pays qui se spécialise dans l'agriculture s'expose à une érosion inéluctable des
termes de l'échange, et des barrières douanières permanentes sur les importations industrielles
deviennent alors préférables au libre-échange.

L'année suivante, Frank Knight décèle une faille majeure dans le raisonnement de Graham : il
n'explique pas l'origine des économies d'échelle, et en particulier il ne fait pas de différence
entre économies internes ou externes à la firme. Or, s'il s'agit d'économies internes, elles sont
par nature incompatibles avec l'équilibre concurrentiel, puisque dans ce cas une seule firme
finit par tout produire et devient un monopole.

En 1937, Jacob Viner approfondit l'étude du cas des économies externes. Il montre que
l'intérêt de la protection dépend de si celles-ci proviennent de la taille de l'industrie mondiale
ou de l'industrie nationale. Il prend l'exemple des rendements croissants dans l'industrie des
montres, et suppose que ceux-ci dépendent des outils de fabrication : si le libre-échange existe
pour ces outils, alors les producteurs de montres bénéficient des rendements croissants
procurés par les outils, même s'ils sont de moins en moins nombreux à l'intérieur du pays. Il
n'y a pas alors lieu de les protéger. Il introduit également la distinction entre économies
d'échelle « technologiques » (la fonction de production de chaque firme est affectée
directement par la production de l'industrie) et « pécuniaires » (elle est affectée par des
producteurs en amont ou en aval). Le cas des économies d'échelles pécuniaires est, lui aussi,
incompatible avec l'équilibre concurrentiel. Les hypothèses de Graham s'en retrouvent très
réduites, Viner conclut que le modèle de Graham ne vaut « pas mieux qu'une curiosité
technique ».
Débats contemporains sur le libre-échange et le
protectionnisme
Selon ses défenseurs, les effets du libre-échange sont semblables à ceux du progrès
technique : il favorise à long terme le développement économique général et permet d'obtenir
une meilleure efficacité en accélérant l'utilisation optimale des facteurs de production par la
spécialisation géographique de chaque pays (voir avantage comparatif). Comme le progrès
technique, le libre-échange peut provoquer la disparition de certains emplois, mais les
bénéfices qu'il procure permettent de compenser ses victimes, de sorte que le résultat global
peut être gagnant-gagnant.

Pour ses détracteurs, prônant l'interventionnisme ou le protectionnisme, le libre-échange


provoque des coûts d'ajustement (en termes d'emplois, d'activités, etc.) aux chocs créés par
l'ouverture sur le marché extérieur. Il entraîne aussi l'apparition d'une contrainte exogène sur
les politiques économiques nationales, qui deviennent plus difficile à mener afin de rechercher
à réduire le chômage. Enfin, certaines catégories sociales peuvent être défavorisées par une
libéralisation des échanges.

Le libre-échange est-il historiquement un facteur de croissance ?

Au XIXe siècle

Selon Paul Bairoch (Mythes et paradoxes de l’histoire économique, 1994), le libre-échange a


constitué une exception dans l’histoire économique du XIXe siècle, la règle restant le
protectionnisme. Si la pensée économique s’est clairement orientée vers le libre-échangisme
tout au long du siècle, le monde industrialisé de 1913 est semblable à celui de 1815 : « un
océan de protectionnisme cernant quelques îlots libéraux. », à l’exception notable du
Royaume-Uni, et d’une courte parenthèse libre-échangiste en Europe entre 1860 et 1870. En
revanche, « le tiers monde était un océan de libéralisme sans îlot protectionniste », les pays
occidentaux imposant aux pays colonisés et même à ceux politiquement indépendants des
traités dits « inégaux » contraignant à l’abaissement des barrières douanières.

Finalement seul le Royaume-Uni aurait profité du libre-échange car il disposait d’une avance
technologique antérieurement acquise qui lui permettait de s’imposer sur les marchés
mondiaux. Au contraire, le reste de l’Europe a vu la Grande Dépression (1873-1896) éclater
au moment même où les droits de douanes étaient au plus bas, puis le retour au
protectionnisme aurait entraîné un retour de la prospérité.

On peut ainsi distinguer deux exemples opposés. Les États-Unis qui ont pratiqué un
protectionnisme sans concessions ont connu des taux de croissance parmi les plus élevés au
monde après la guerre de sécession (qui oppose d’ailleurs un Sud libre-échangiste au Nord
protectionniste). À l’opposé le tiers monde n’a pu se développer et certains pays ont soufferts
du libre-échangisme imposé par les puissances occidentales. L’Inde par exemple, colonie
britannique, a vu disparaître un artisanat textile très développé à cause du commerce imposé
par la Grande-Bretagne qui avait renoncé à certaines de ses cultures en faveur du
développement de l’industrie cotonnière.
On peut toutefois faire plusieurs objections à cette analyse :

• Les pays protectionnistes ont pour la plupart tenté d’accroître le plus possible la taille
de leur marché, ce qui revient finalement à agrandir les espaces géographiques où les
produits voyagent sans entraves. L’Allemagne s’est constituée sur la base d’une union
douanière, le Zollverein, mise en place en 1834, tandis que les États-Unis n’ont cessé
d’agrandir leur territoire tout au long du XIXe siècle.
• Le Royaume-Uni aurait été le seul à profiter du libre-échange, mais il est aussi le seul
à l’avoir réellement pratiqué sur une longue période.
• Le Japon a connu un développement économique précoce et rapide après que les
occidentaux lui ont imposé l'ouverture aux échanges. Mais, contrairement aux pays
colonisés, il restait un pays autonome, capable de gérer sa politique et notamment
d'importer les techniques modernes.

De plus, la description du monde par Paul Bairoch ci-dessus, même si elle est très fortement
partagée par l'opinion publique française, semble marquée par le désir de voir le libéralisme
partout, notamment là où il n'y a que du protectionnisme. On peut par exemple remarquer que
des barrières douanières caractérisent le protectionnisme : elles n'existent pas dans un océan
de libéralisme mais bien dans un océan de protectionnisme. De même le commerce imposé
n'est pas une forme de libre-échange, le libre-échange étant caractérisé par le libre
consentement des parties.

Dans la première moitié du XXe siècle, loin de cette préoccupation du « dumping social »,
trois économistes – Eli Heckscher, Bertil Ohlin, et Paul Samuelson – ont associé leurs noms à
l’élaboration d’une théorie du commerce international dit « Théorème H.O.S. ». Selon ce
théorème, dans le cadre du libre-échange, les nations ont tendance à se spécialiser dans le
secteur qui requiert les facteurs de production les plus abondants sur leur territoire. Ainsi, les
nations fortement dotées en main-d’œuvre se spécialiseront dans les industries de main-
d’œuvre, inversement les pays fortement dotés en capital se spécialiseront dans les secteurs
qui requièrent une importante concentration capitalistique. On peut bien sur effectuer des
distinctions plus subtiles : entre travailleurs qualifiés et travailleurs peu qualifiés dans le cas
qui nous intéresse.

Quelle conséquence16 pour les pays s’ouvrant au commerce international ? Les pays du Sud se
spécialiseront évidemment dans les productions manufacturières les plus triviales demandant
un nombre important de travailleurs faiblement rémunérés. Inversement les pays riches
concentreront les activités qui exigent de lourds investissement ou de la main-d’œuvre
qualifiée. De fait, l’activité mondiale tend par exemple à voir les activités de conceptions
s’effectuer au Nord et celle de production au Sud.

Quel impact sur les inégalités ? Dans un article de 1941, Paul Samuelson et Wolfgang Stolper
déduisirent que cette dynamique de spécialisation conduirait à la réduction des inégalités et
qu’il était donc nécessaire de renoncer aux politiques protectionnistes17. En effet, si on
considère deux facteurs distincts A et B, si A est très abondant sur le sol national
comparativement à B, il s’en suivra naturellement que les loi de l’offre et de la demande
favoriseront injustement le facteur rare A au détriment du facteur B. Par contre si le pays
commerce avec une autre nation ayant une situation inverse, l’inégalité tendra à disparaître
sous l’effet de la spécialisation. Autre effet logique, la rémunération d’un facteur tendra, à
long terme, à devenir similaire dans les deux pays : pour une même qualification, le salaire de
l’ouvrier chinois sera comparable à celui de l’américain.
Effets sur les travailleurs peu qualifiés

En conséquence, il est communément admis que l'ouverture totale au commerce international


entraînerait une convergence des salaires des travailleurs peu qualifiés du Nord et du Sud.

Selon les opposants au libre-échange, le niveau vers lequel convergeraient les salaires serait
intermédiaire entre le salaire actuel des salariés peu qualifiés du sud et celui des salariés peu
qualifiés du nord, si bien que les salariés peu qualifiés du nord auraient intérêt à la fermeture
des frontières.

Selon les partisans du libre-échange, le niveau vers lequel convergeraient les salaires serait
supérieur à l'actuel salaire des salariés peu qualifiés du nord, si bien que même les salariés peu
qualifiés du nord auraient intérêt à l'ouverture des frontières.

David Ricardo avait avancé dans ses Principes de l'économie politique et de l'impôt que
l'importation de produits étrangers moins onéreux permettait une baisse des prix favorable au
pouvoir d'achat. Dès lors les entreprises pouvaient diminuer les salaires nominaux (sans
réduire le salaire réel) et donc rendre le travail plus compétitif, favorisant l'essor de l'industrie
résidente et donc en définif l'emploi.

Études empiriques

Selon une étude publiée par l’INSEE18, le commerce français avec les pays en voie de
développement aurait provoqué au maximum une perte de 330 000 emplois, chiffre
relativement faible au vu du chômage du pays. Mais ces calculs sont contestés. Ainsi pour
l’économiste américain A. Wood19, les échanges aurait provoqué la perte de 9 millions
d’emplois dans les pays développés et en aurait créés 22 millions dans les pays en
développement. On note donc que même les statistiques démontrant l’existence du
phénomène dit de « dumping social » soulignent qu’il est à l’échelle globale largement
créateur d’emplois, mais ce gain quantitatif est relativisé par les caractères qualitativement
différents entre emploi perdus et créés.

Le libre-échange provoque-t-il une « course vers le bas » ?

Erreurs courantes au sujet du libre-échange


Aujourd'hui, s'il existe un fort consensus entre économistes de toutes tendances en faveur du
libre-échange, le grand public est en général méfiant, voire hostile, envers cette notion20.
L'économiste John Kay estime21 que les personnes ont tendance à s'estimer capable de
raisonnements économiques sans en avoir les compétences. Ce type de considérations n'est
pas du tout partagé, par exemple, par les syndicats, qui voient dans le libre-échange une
course au « moins-disant social », des risques de dumping social, et une guerre économique
accrue entre les travailleurs du monde entier.
Conception de l'échange comme un jeu à somme nulle

La première croyance est que, s'il y a un gagnant à l'échange, il y a forcément aussi un


perdant. Conjuguée au « fétichisme monétaire », cela conduit à penser que les exportations
sont « bonnes » tandis que les importations sont « mauvaises ». La théorie de l'avantage
comparatif de David Ricardo (1817) tente d'invalider ce raisonnement22.

On retrouve la même croyance dans le domaine du travail : c'est le sophisme d'une masse fixe
de travail. Appliqué au commerce international, il pousse à croire que les importations
détruiraient du travail, et seraient donc néfastes. On retrouve encore cette croyance comme un
des moteurs du commerce équitable, reposant implicitement sur l'idée que le commerce
ordinaire ne serait pas "équitable", qu'il ne profiterait qu'à un des partenaires commerciaux.

Le « fétichisme monétaire »

C'est l'idée, popularisée par les mercantilistes, que la richesse correspond à la quantité de
monnaie accumulée. Le terme même a été inventé par Karl Marx. En important, un pays
perdrait donc une quantité d'argent présente sur son territoire, tandis qu'il en gagnerait en
exportant. Depuis Adam Smith, les économistes s'accordent sur le fait que la richesse
correspond à la quantité de biens et services disponibles à la population, la monnaie n'étant
utile qu'en tant qu'instrument. Les importations permettent d'obtenir plus de biens, ou des
biens différents, et ce sont donc elles qui enrichissent. Les exportations sont nécessaires car il
faut bien payer les importations, et elles sont le signe d'une capacité productive, mais en elles-
mêmes elles constituent une perte.

On peut toutefois noter que si on considère que la monnaie n'est pas seulement utile en tant
qu'instrument de l'échange, mais que son abondance peut aussi avoir des répercussions sur la
production (dans la théorie keynésienne par exemple), alors la théorie mercantiliste n’est que
partiellement fausse. Bien qu’il soit une erreur de considérer que les exportations soient
sources de richesse (ce sont en vérité les importations), elles peuvent selon certaines théories
stimuler l’activité économique d’un pays en accroissant la masse monétaire, les importations
ayant l’effet inverse.

Difficultés de perception des coûts et bénéfices

En général, les coûts associés au libre-échange sont concentrés et très visibles :


délocalisations, licenciements. Les gains, eux, sont diffus et peu visibles : en améliorant la
productivité de l'économie, le libre échange permet d'augmenter le pouvoir d'achat de la
population entière, et entraîne des embauches dans les secteurs gagnants. L'aversion au risque
explique l'attention excessive portée aux pertes, et le sophisme de la vitre brisée de Frédéric
Bastiat illustre la difficulté à appréhender les effets multiples d'une même cause. Toutefois, le
problème d'indemnisation des perdants (plus généralement, de la répartition des gains du libre
échange) est bien réel.

Confusion court terme et long terme

Les ajustements imposés par le libre-échange sont immédiatement visibles, en particulier les
pertes brutes d'emplois. La tendance est d'extrapoler ces ajustements à l'infini, et de conclure
que presque tout le travail va disparaître. En fait, l'analyse économique montre que la
réallocation des facteurs de production ne survient qu'une seule fois (jusqu'au nouvel
équilibre), tandis que les gains d'efficacité sont, eux, permanents. Ainsi, l'augmentation de la
demande globale rendue possible par l'augmentation du pouvoir d'achat peut entraîner des
embauches dans tous les secteurs en développement de l'économie. Toufefois, le problème
des coûts d'ajustement est lui aussi bien réel, et si le « contexte institutionnel » est trop
défavorable, ces coûts peuvent absorber une bonne partie des gains à l'échange.

Le « sophisme d'agrégation »

L'économiste Jagdish Bhagwati a résumé sous l'expression « sophisme d'agrégation »23 ce qu'il
pense de la perception supposée des militants antimondialistes (altermondialistes), perception
qui voudrait que la mondialisation soit une sorte de gigantesque amalgame dont les idées sont
indissociables, et que le soutien au libre-échange implique nécessairement le soutien aux
mouvements de capitaux à court terme, à l'investissement direct à l'étranger, à l'immigration
sans restriction, etc

Le Mercantilisme

le Lorrain, Port de mer avec la villa Médicis, 1638

Le mercantilisme est une conception de l'économie qui prévaut entre le XVIe siècle et le
milieu du XVIIIe siècle en Europe. Les penseurs mercantilistes prônent le développement
économique par l'enrichissement des nations au moyen du commerce extérieur qui permet de
dégager un excédent de la balance commerciale grâce à l'investissement dans des activités
économiques à rendement croissant, comme l'avait identifié l'économiste italien Antonio
Serra dès 1613. L'État a un rôle primordial dans le développement de la richesse nationale, en
adoptant des politiques protectionnistes établissant notamment des barrières tarifaires et
encourageant les exportations.
Le mercantilisme n'est pas un courant de pensée en tant que tel1. Il marque la fin de la
prééminence des conceptions économiques de l'Église (qui dénonçait la chrématistique),
inspirée d'Aristote et Platon et condamnant l'accumulation des richesses et le prêt. La
conception des classiques et de la scolastique était que l'activité économique était un jeu à
somme nulle et que ce qui était gagné par l'un l'était aux dépens de l'autre. Le mercantilisme
apparaît à une époque où les rois souhaitent obtenir un maximum d'or, mais surtout dans un
contexte intellectuel où l'homme, avec Copernic et Galilée, passe "du monde clos à l'univers
infini", selon l'expression d'Alexandre Koyré, soit le monde de la Renaissance où la créativité
humaine se libère d'un ordre cosmique prédéterminé. Les théories mercantilistes sous-tendent
cet objectif et développent une problématique basée sur l'enrichissement en identifiant les
activités ayant un rendement croissant, soit les produits manufacturés par opposition aux
produits bruts. Dans ce cadre, on peut considérer que l'émergence d'idées mercantilistes est
l'expression de la montée en puissance d'États nations face à, d'un côté l'universalisme du
pouvoir de l'Église, et, de l'autre, le localisme des structures du pouvoir féodal2.

Au cours de cette période durant laquelle les hypothèses ont évolué, une littérature éclatée
apparaît, rendant l'idée d'un courant unifié assez vague. Au XVIIe siècle, il se répandra dans la
plupart des nations européennes en s'adaptant aux spécificités nationales. On distingue parmi
les courants mercantilistes : le bullionisme (ou « mercantilisme espagnol ») qui préconise
l'accumulation de métaux précieux ; le colbertisme (ou « mercantilisme français ») qui est
tournée pour sa part vers l'industrialisation ; et le commercialisme (ou « mercantilisme
britannique ») qui voit dans le commerce extérieur la source de la richesse d'un pays, ce
commerce étant par ailleurs fondé sur une solide base industrielle qu'est la construction des
navires pour la Royal Navy, qui elle-même sera la base de la puissance militaire de
l'Angleterre qui fondera sa puissance commerciale.

À partir de cette époque, les questions économiques échappent aux théologiens, certains
d'entre eux devenant eux-aussi théoriciens du mercantilisme comme Giovanni Botero.
L'Époque moderne marque un tournant avec l'autonomisation naissante de l'économie vis-à-
vis de la morale et de la religion ainsi que de la politique. Cette rupture majeure sera réalisée
par les conseillers des princes et des marchands3. Cette nouvelle discipline en devenir
deviendra véritablement une science économique avec la physiocratie. Parmi les nombreux
auteurs mercantilistes, on peut citer notamment Jean Bodin (1530–1596), Antoine de
Montchrétien (1576–1621), William Petty (1623–1687).

Adam Smith, qui en fait une critique forte dans le livre IV de La Richesse des Nations,
qualifie le mercantilisme d'« économie au service du Prince ». Il est le premier à faire une
description systématique du « système mercantile »4, terme qui apparait dans la "philosophie
rurale" du Marquis de Mirabeau en 1763, à propos de la politique économique menée à cette
époque.

Théorie mercantiliste
À peu près tous les économistes européens qui ont écrit entre 1500 et 1750 sont, de nos jours,
étiquetés comme mercantilistes, bien qu'ils ne considéraient pas contribuer à une idéologie
unique. Le marquis de Mirabeau est le premier à employer ce terme en 1763, mais c'est Adam
Smith qui le popularisa en 17765 avant que les historiens ne l'adoptent. Le terme vient du latin
mercari, qui signifie faire du commerce, et merx, marchandise.

Le mercantilisme n'est pas un courant de pensée à proprement parler, car ce n'est pas une
théorie économique unifiée. Aucun auteur mercantiliste n'a proposé un système présentant le
fonctionnement idéal d'une économie, tel qu'Adam Smith le fera par la suite dans le cadre de
l'économie classique. Chaque auteur mercantiliste s'est plutôt intéressé à un domaine
particulier de l'économie6. Ce n'est que par la suite que des chercheurs ont regroupé ces divers
travaux dans un corpus théorique qui forma le mercantilisme, comme par exemple Eli F.
Heckscher7 qui voit dans les écrits de l'époque à la fois un système de pouvoir politique, un
système de réglementation de l’activité économique, un système protectionniste et aussi un
système monétaire avec la théorie de la balance du commerce. Toutefois d'autres auteurs
rejettent l'idée d'un système mercantiliste fondé sur une unité fictive de travaux disparates8.
L'historien de la pensée économique, Mark Blaug, fait remarquer que le mercantilisme a été
qualifié au cours du temps de « valise encombrante », de « diversion d’historiographie », et de
« baudruche théorique géante »9.

Toutefois, on peut trouver des paramètres communs chez les différents auteurs. Ainsi, certains
mercantilistes conçoivent le système économique comme un jeu à somme nulle, le gain
réalisé par un agent se traduit par la perte d'un autre agent ou selon la célèbre maxime de Jean
Bodin « il n’y a personne qui gagne qu’un autre n’y perde » (Les Six livres de la République).
De ce fait, toute politique économique bénéficiant à un groupe d'individus étant par définition
néfaste à un autre, l'économie ne remplit aucun rôle pour maximiser le bien-être social.10. C'est
sur la base de ces interprétations qu'a été justifiée la priorité donnée au commerce extérieur,
puisque le commerce intérieur n'augmentait pas la richesse nationale. Toutefois, au début du
XVIIIe siècle, ces théories sont abandonnées au profit de la thèse de l'avantage mutuel des
pays participant au commerce international11. Il semble que les écrits mercantilistes aient été
généralement créés pour justifier a posteriori des politiques, plutôt que pour en évaluer
l'impact et ainsi déterminer la meilleure à mettre en œuvre.12

Les premières théories mercantilistes développées au début du XVIe siècle ont été marquées
par le bullionisme (de l'anglais bullion : or en lingots). Voir à ce propos ce qu'écrivait Adam
Smith :

« La double fonction que remplit l’Argent, comme instrument de commerce et comme mesure
des valeurs, a naturellement livré cette idée populaire que l’Argent fait la richesse, ou que la
richesse consiste dans l’abondance de l’or et de l’argent […]. On raisonne de la même
manière à l’égard d’un pays. Un pays riche est celui qui abonde en argent, et le moyen le plus
simple d’enrichir le sien, c’est d’y entasser l’or et l’argent […]. Du fait du succès croissant de
ces idées, les différentes nations d’Europe se sont appliquées, quoique sans beaucoup de
succès, à chercher tous les moyens possibles d’accumuler l’or et l’argent. L’Espagne et le
Portugal, possesseurs des principales mines qui fournissent ces métaux à l’Europe, en ont
prohibé l’exportation sous les peines les plus graves, ou l’ont assujettie à des droits énormes.
Cette même prohibition a fait longtemps partie de la politique de la plupart des nations de
l’Europe. On la trouve même là où l’on devrait le moins s’y attendre, dans quelques anciens
actes du parlement d’Écosse, qui défendent, sous de fortes peines, de transporter l’or et
l’argent hors du royaume. La même politique a aussi été mise en place en France et en
Angleterre »
— Richesse des nations, Livre IV, chapitre I
Thomas Gresham, marchand et financier anglais

Durant cette période, d'importantes quantités d'or et d'argent affluaient des colonies
espagnoles du Nouveau Monde vers l'Europe. Pour les écrivains bullionistes, tels que Jean
Bodin ou Thomas Gresham, la richesse et le pouvoir de l'État sont mesurés par la quantité d'or
qu'il possède. Chaque nation doit donc accroître ses réserves d'or aux dépens des autres
nations pour accroître son pouvoir. La prospérité d'un État est mesurée, selon les bullionistes,
par la richesse accumulée par le gouvernement, sans référence au revenu national. Cet intérêt
pour les réserves d'or et d'argent s'explique en partie par l'importance de ces matières
premières en temps de guerre. Les armées, qui comprenaient nombre de mercenaires, étaient
payées en or. À part pour les quelques pays européens contrôlant les mines d'or et d'argent, le
commerce international était la principale méthode d'acquisition de ces matières premières. Si
un État exportait plus qu'il n'importait, alors sa « balance du commerce » (ce qui correspond,
de nos jours, à la balance commerciale) était excédentaire, ce qui se traduisait par une entrée
nette d'argent. Cela a conduit les mercantilistes à prescrire comme objectif économique
d'avoir un excédent commercial. L'exportation d'or était strictement interdite. Les bullionistes
étaient également favorables à la mise en place de taux d'intérêt élevés pour encourager les
investisseurs à investir leur argent dans le pays.

Au XVIIe siècle fut développée une version plus élaborée des idées mercantilistes, qui rejetait
la vision simpliste du bullionisme. Ces écrivains, tel Thomas Mun, plaçaient l'accroissement
de la richesse nationale comme le principal objectif, et s'ils considéraient encore que l'or était
la principale richesse, ils admettaient que d'autres sources de richesses existaient également,
telles que les marchandises.

« (...) ce n'est pas la grande quantité d'or et d'argent qui font les grandes et véritables richesses
d'un État, puisqu’il y a de très grands Païs dans le monde qui abondent en or et en argent, et
qui n’en sont pas plus à leur aise, ni plus heureux […]. La vraye richesse d'un Royaume
consiste dans l'abondance des Denrées, dont l'usage est si nécessaire au soûtien de la vie des
hommes, qu’ils ne sçauroient s’en passer ; »
— Sébastien Le Prestre de Vauban, Projet d’une dixme royale, 1707, pp. 77-78

L'objectif d'une balance commerciale excédentaire était toujours recherché mais il était dès
lors vu comme profitable d'importer des marchandises d'Asie en contrepartie d'or pour ensuite
revendre ces biens sur le marché européen en faisant d'importants profits. Pour Antonio Serra
(1613), l'excédent de la balance commerciale n'est qu'un “indicateur” de la richesse d'un pays
et non une finalité, vue que partageront des auteurs comme Mun et Montchrestien.

« Et pour rendre la chose encore plus claire, quand nous disons […] que 100 000 livres
exportées en espèces peuvent faire importer l’équivalent d’environ 500 000 livres sterling en
marchandises des Indes Orientales, il faut comprendre que la partie de cette somme qui peut
proprement s’appeler notre importation, étant consommée dans le royaume, est d’une valeur
d’environ 120 000 livres sterling par an. De sorte que le reste, soit 380 000 livres, est matière
exportée à l’étranger sous la forme de nos draps, de notre plomb, de notre étain, ou de tout
autre produit de notre pays, au grand accroissement du patrimoine du royaume et ce en trésor,
si bien qu’on est en droit de conclure que le commerce des Indes Orientales pourvoit à cette
fin. »
— Thomas Mun, A Discourse of Trade from England unto the East-Indies, 1621

Cette nouvelle vision rejetait dorénavant l'exportation de matières premières, qui une fois
transformées en biens finaux étaient une importante source de richesse. Alors que le
bullionisme avait soutenu l'exportation en masse de laine de Grande-Bretagne, la nouvelle
génération de mercantilistes soutenait l'interdiction totale de l'exportation de matières
premières et était favorable au développement d'industries manufacturières domestiques. Les
industries nécessitant d’importants capitaux, le XVIIe siècle a vu un allègement général des
restrictions mises en place contre l'usure. Comme l'a fort bien démontré William Petty, le taux
d'intérêt est vu comme une compensation pour la gêne occasionnée au prêteur lorsqu'il se
démunit de sa liquidité. Un résultat de ces théories est la mise en place des Navigation Acts à
partir de 1651, qui donnèrent aux navires anglais l'exclusivité des relations entre la mère
patrie et ses colonies, interdisant aux bateaux étrangers transportant d'autres marchandises
qu'anglaises d'entrer dans les ports anglais, le but premier étant d'interdire aux Hollandais
l'accès à certains ports afin de restreindre l'expansion des Pays-Bas.

Les conséquences en matière de politique intérieure des théories mercantilistes étaient


beaucoup plus fragmentées que leurs aspects de politique commerciale. Alors qu'Adam Smith
- et surtout ses interprètes postérieurs, comme Nassau Senior- a décrit le mercantilisme
comme appelant des contrôles très stricts de l'économie, les mercantilistes n'étaient pas
d'accord entre eux. Certains soutenaient la création de monopoles et autres lettres patentes.
Mais d'autres critiquaient le risque de corruption et de l'inefficacité de tels systèmes. De
nombreux mercantilistes ont également reconnu que la mise en place de quotas et du
plafonnement des prix était source de marchés noirs. En revanche, la plupart des théoriciens
mercantilistes s'accordaient sur l'oppression économique des travailleurs et des agriculteurs
qui devaient pouvoir vivre d'un revenu proche du niveau de subsistance, afin de maximiser la
production. Un revenu, du temps libre supplémentaire ou une meilleure éducation de ces
populations ne devaient conduire qu'à créer de la paresse et nuirait à l'économie13. Ces
penseurs voyaient un double avantage dans le fait de disposer d'une main d'œuvre abondante :
les industries qui se développaient à cette période nécessitaient une importante main d'œuvre
et par ailleurs, cela renforçait le potentiel militaire du pays. Les salaires sont donc maintenus à
un niveau bas pour inciter à travailler. Les lois sur les pauvres (Poor Laws) en Angleterre
pourchassent les vagabonds en rendant obligatoire le travail. Le ministre Colbert fera
travailler des enfants âgés de six ans dans les manufactures d’État.
Origines
Les chercheurs sont divisés sur la place réelle des idées mercantilistes au cours de ces 250
ans.14 Certains, représentés par Jacob Viner, considèrent que les idées mercantilistes qui
semblaient de bon sens eurent une place importante et ont duré uniquement parce qu'à
l'époque les chercheurs ne disposaient pas des outils analytiques leur permettant de mettre en
cause ces théories. Une seconde école, comptant notamment Robert B. Ekelund, soutient que
le mercantilisme n'est pas une erreur historique, mais plutôt le meilleur système que les
chercheurs étaient capables d'élaborer à l'époque. Cette école avance l'idée que les politiques
mercantilistes ont été développées et mises en œuvre par des marchands et des hauts
fonctionnaires à la recherche de rentes. Les marchands ont grandement bénéficié des
monopoles, des interdictions de la concurrence étrangère et du maintien délibéré au seuil de
subsistance des travailleurs. Les gouvernements ont bénéficié des droits de douane élevés et
des achats réalisés par les marchands. Si les idées économiques ultérieures ont été
développées par des chercheurs et des philosophes, pratiquement tous les auteurs
mercantilistes étaient des marchands ou des fonctionnaires.15

Le mercantilisme s'est développé en pleine transition de l'économie européenne. Les anciens


pouvoirs féodaux se voyaient remplacer par des État-nations centralisés. Les progrès
techniques dans la navigation et le développement des centres urbains ont conduit à une
croissance rapide du commerce international.16 Le mercantilisme s'est intéressé aux conditions
permettant au commerce d'être le plus bénéfique aux États. Un autre changement important
fut l'introduction du principe de la comptabilité en partie double et de la comptabilité
moderne. Cette comptabilité permit de présenter d'une façon claire les flux de commerce,
contribuant à l'étude attentive de la balance commerciale17.

Avant l'émergence des idées mercantilistes, le plus important travail économique en Europe
fut réalisé par les théoriciens scolastiques. L'objectif de ces penseurs était de trouver un
système économique compatible avec les doctrines chrétiennes de piété et justice. Ils
s'intéressaient principalement aux échanges au niveau local entre individus. Le mercantilisme
était en phase avec les autres théories de l'époque. Cette période a vu la naissance d'un "art du
politique", orienté vers l'efficacité pratique, par Nicolas Machiavel (1513 -1520) puis
l'apparition de la primauté de la raison d'État dont Giovanni Botero (1589) sera le premier
théoricien - dans les relations internationales. Mais c'est surtout Jean Bodin, qui, dans “Les six
Livres de la République” (1576) associera théorie de la souveraineté de l'Etat et
mercantilisme. L'idée mercantiliste est que certaines activités économiques sont préférables à
d'autres lorsque les rendements sont croissants (on employait souvent le terme "plus que
proportionnel"). Ainsi, dès 1485, le Roi d'Angleterre Henri VII formula ce qui sera la
politique industrielle anglaise qui assura sa prospérité: exporter des biens manufacturés et
importer des produits bruts. A l'opposé, l'idée classique de la scolastique selon laquelle le
commerce est un jeu à somme nulle dans lequel chaque agent essaye de trouver son avantage,
fut intégrée aux travaux de Thomas Hobbes. Cette vision pessimiste de la nature humaine se
retrouve également dans la vision puritaine du monde. C'est grâce aux législations
mercantilistes, telles que les lois sur la navigation (Navigation Act, 1651) mises en place par
le gouvernement d'Oliver Cromwell18 que l'Angleterre, appuyée sur la puissance de la Royal
Navy, assurera sa prééminence sur le commerce international, après l'élimination de la
Hollande par les quatre guerres anglo-hollandaises du XVIIIe siècle.
Politiques mercantilistes
Les idées mercantilistes ont été l'idéologie économique dominante dans toute l'Europe au
début de la période moderne, à des degrés plus ou moins grands. La France et l'Angleterre ont
grandement contribué à véhiculer ces thèses, qui ont assuré la croissance économique de ces
pays.

En France [modifier]

Ministre français des finances et mercantiliste, Jean-Baptiste Colbert

En France, le mercantilisme aurait vu le jour au début du XVIe siècle, peu de temps après
l'affermissement de la monarchie. En 1539, un décret royal interdit l'importation de
marchandises à base de laine d'Espagne et d'une partie de la Flandre. L'année suivante, des
restrictions ont été imposées à l'exportation d'or19. Des mesures protectionnistes se sont
multipliées tout au long du siècle. Jean-Baptiste Colbert(1619-1683), ministre des finances
pendant vingt-deux ans (1665-1683), fut le principal instigateur des idées mercantilistes en
France, ce qui conduisit certains à parler de colbertisme en désignant le mercantilisme
français. Sous Colbert, le gouvernement français s'impliqua de façon importante dans
l'économie afin d'accroître les exportations. Colbert abaissa les obstacles au commerce en
réduisant les droits de douane intérieurs et en construisant un important réseau de routes et
canaux. Les politiques menées par Colbert furent dans l'ensemble efficaces, et permirent à
l'industrie et à l'économie françaises de croître considérablement durant cette période, faisant
de la France une des plus grandes puissances européennes. Malgré ces politiques efficaces,
l'Angleterre et la Hollande devançaient toujours la France20.
William Petty

En Angleterre, le mercantilisme a atteint son apogée durant la période dite du Long


Parliament (1640–1660). Les politiques mercantilistes ont aussi été appliquées durant les
périodes Tudor et Stuart, avec notamment Robert Walpole comme principal partisan. Le
contrôle du gouvernement sur l'économie domestique était moins important que dans le reste
du continent, en raison de la tradition de la Common law et le pouvoir croissant du
parlement21.

Les monopoles contrôlés par l'État étaient répandus, notamment avant la première révolution
anglaise, bien que souvent débattus. Les auteurs mercantilistes anglais étaient eux-mêmes
partagés sur la nécessité d'un contrôle de l'économie intérieure. Le mercantilisme anglais prit
surtout la forme d'un contrôle du commerce international. Une large gamme de régulations a
été mise en place pour encourager les exportations et décourager les importations. Des droits
de douane ont été instaurés sur les importations et des subventions à l'exportation ont été
mises en place. L'exportation de certaines matières premières a été interdite. Les Navigation
Acts interdirent aux marchands étrangers de faire du commerce intérieur en Angleterre.
L'Angleterre accrut ses colonies et, une fois sous contrôle, des règles y étaient mises en place
les autorisant seulement à produire des matières premières et à faire du commerce uniquement
avec l'Angleterre. Cela a conduit à des tensions croissantes avec les habitants de ces colonies
qui ont été par exemple une des causes majeures de la guerre d'indépendance des États-Unis
d'Amérique.

Ces politiques ont grandement contribué à ce que l'Angleterre devienne le plus important
commerçant au monde, et une puissance économique internationale s'appuyant sur sa flotte de
guerre, la Royal Navy, constituée grâce à la puissance fiscale de l'État, comme le montre
Patrick O'Brien. Sur le plan intérieur, la conversion des terres non cultivées en terres agricoles
a eu un effet durable. Les mercantilistes pensaient que pour maximiser le pouvoir d'une
nation, toutes les terres et les ressources devaient être utilisées au maximum, ce qui conduisit
à lancer des projets majeurs comme le drainage de la région des Fens22.

Dans d'autres pays

Les autres nations ont épousé les thèses mercantilistes à des degrés divers. Les Pays-Bas, qui
étaient devenus le centre financier de l'Europe grâce à leur activité commerciale très
développée, ne voyaient que peu d'intérêt à restreindre le commerce et n'ont au final adopté
que quelques politiques mercantilistes.

Le mercantilisme se développa en Europe centrale et en Scandinavie après la Guerre de


Trente Ans (1618–1648), où Christine de Suède et Christian IV de Danemark en devinrent de
notables partisans. Les empereurs d'Autriche-Hongrie Habsbourg ont longtemps été intéressés
par les idées mercantilistes, mais l'étendue et la relative décentralisation de cet empire
rendaient l'application de telles mesures difficiles. Certains États de l'empire ont embrassé les
thèses mercantilistes, notamment la Prusse, qui sous Frédéric le Grand a peut-être connu
l'économie la plus rigide d'Europe. L'Allemagne allait ainsi donner, sur cette base doctrinale,
naissance à une école dite des « caméralistes » qui allait garder une influence jusqu'au
XIXe siècle.

Au cours de la crise économique qui l'a touchée au XVIIe siècle, l'Espagne a mis en place de
nombreuses politiques économiques sans trop de cohérence, mais l'adoption par Philippe V
d'Espagne des mesures mercantilistes françaises fut couronnée de succès.

La Russie sous Pierre Ier de Russie (Pierre le Grand) a tenté de poursuivre le mercantilisme
sans trop de succès à cause de l'absence d'une classe significative de commerçants ou d'une
base industrielle.

La bataille de Scheveningen, 10 août 1653 par Jan Abrahamsz Beerstraaten, dessiné c. 1654,
représente la bataille finale de la première guerre anglo-hollandaise

Les idées mercantilistes ont également alimenté les périodes de conflits armés des XVIIe et
XVIIIe siècle. Étant donné que l'idée dominante considère le stock de richesses comme fixe, la
seule façon d'accroître la richesse d'un pays devait se faire au détriment d'un autre. De
nombreuses guerres, dont les guerres anglo-hollandaise, franco-hollandaise, et franco-anglaise
ont dans leurs facteurs déclenchants les idées qui prônaient le nationalisme économique. Le
mercantilisme contribua également au développement de l'impérialisme, puisque toute nation
qui le pouvait cherchait à s'emparer de territoires pour obtenir des matières premières. Au
cours de la période, le pouvoir des nations européennes s'est étendu tout autour du globe. À
l'instar de l'économie intérieure, cette expansion fut souvent le fait de monopoles, tels que les
Compagnie des Indes ou la Compagnie de la Baie d'Hudson.

Critiques et disparition
De nombreux économistes ou philosophes, comme John Locke ou David Hume, ont critiqué
les idées mercantilistes bien avant qu'Adam Smith ne développât une analyse économique
destinée à les remplacer. Les critiques ont souligné l'échec des mercantilistes à comprendre
des notions comme l'avantage comparatif que développera David Ricardo avec son exemple
fameux sur la spécialisation internationale : le Portugal était un producteur beaucoup plus
efficace de vin que l'Angleterre, alors que cette dernière était relativement plus efficace dans
la production de vêtements. Ainsi, si le Portugal s'était spécialisé dans le vin et l'Angleterre
dans l'habillement, les deux pays auraient gagné au commerce international. En théorie
économique moderne, le commerce n'est plus vu comme un jeu à somme nulle, mais comme
un jeu à somme positive. En imposant la mise en place de restrictions aux importations et de
droits de douane, les mercantilistes ont contribué à un appauvrissement des pays.

L'importance accordée à l'or fut aussi l'objet de critiques, même si de nombreux mercantilistes
ont tenté de réduire l'importance donnée à l'accumulation de métaux précieux. Adam Smith
montra que l'or était une marchandise comme les autres, et ne méritait donc pas un traitement
spécial ; l'or n'est rien d'autre qu'un métal jaune qui a une valeur élevée uniquement du fait de
sa rareté.

Adam Smith

Le premier courant de pensée à remettre complètement en cause le mercantilisme est l'école


des Physiocrates en France. Leurs théories souffraient cependant également de nombreux
défauts et il fallut attendre la publication de la Recherche sur la nature et les causes de la
richesse des nations par Adam Smith en 1776 pour véritablement rejeter ce qu'il appela le
« système mercantile ». Ce livre jette les bases de ce qui est appelé aujourd'hui l'économie
classique. Smith s'attacha à remettre en cause les idées mercantilistes auxquelles il consacra
de nombreuses pages. Cependant la présentation faite par Smith des idées mercantilistes
s'avère souvent simpliste.23

Les historiens de la pensée économique sont revenus sur la remise en cause totale des idées
mercantilistes, notamment en replaçant ces théories dans leur contexte historique. Les
économistes restent divisés sur la véritable nature du mercantilisme et sur les causes qui ont
conduit à la fin du mercantilisme. Pour Schumpeter, Adam Smith a développé une « critique
inintelligente » du mercantilisme, dans lequel il voit les prémices de la politique industrielle.
Pour ceux qui voyaient dans le mercantilisme la défense d'intérêts personnels, la fin de ce
courant intervient lors d'un important changement de pouvoir. En Grande-Bretagne, le
mercantilisme changea de nature après la Révolution qui vit la venue au pouvoir d'une classe
moyenne très agressive, désireuse d'en découdre avec la suprématie hollandaise. Le Parlement
obtint le pouvoir de subventionner non plus des monopoles pour des individus - comme les |
Merchant adventurers - pouvoir jusqu'alors réservé au monarque24, mais des activités
économiques. Ainsi se mit en place une politique globale de protection des intérêts
commerciaux de la Grande-Bretagne au sein de laquelle une compétition pouvait s'engager
entre entreprises nationales25

Les lois mercantilistes ont été supprimées tout au long du XVIIIe siècle en Grande Bretagne,
au fur et à mesure que s'affirmait son hégémonie, notamment après l'élimination de la
suprématie hollandaise sur le commerce maritime contre laquelle elles avaient été conçues.
Au cours du XIXe siècle le gouvernement britannique choisit le libre-échange et le « laissez-
faire » en matière économique, attribués par le Premier ministre William Pitt aux travaux
d'Adam Smith. Sur le continent, le processus fut différent. En France, le contrôle économique
demeura entre les mains du pouvoir royal et le mercantilisme continua jusqu'au traité de
commerce franco-anglais, dit Traité d'Eden, de 178626. En Allemagne, le mercantilisme
demeura une idéologie importante au cours du XIXe siècle notamment du fait des travaux de
l'économiste Friedrich List jusqu'au début du XXe siècle, période durant laquelle l'École
historique allemande bénéficia d'une place importante27. Mais dans les faits, des historiens
comme Patrick O'Brien ont montré que les droits de douane anglais étaient bien plus élevés en
Angleterre qu'en France. Il faudra attendre le traité franco anglais de 1860, négocié par le
saint simonien Michel Chevalier, pour aller vers une égalisation progressive des droits de
douane anglais et français, avant un retour au protectionnisme avec la récession de la fin du
XIXe siècle.

Une semi-réhabilitation
Au XXe siècle, beaucoup d'économistes sont revenus sur les critiques faites à l'encontre du
mercantilisme et ont reconnu l'exactitude de certains points de leur théorie. Entre autres, John
Maynard Keynes a soutenu certains principes mercantilistes. Adam Smith a rejeté
l'importance donnée à l'offre de monnaie, car selon lui, les marchandises, la population et les
institutions étaient les véritables causes de la prospérité. Keynes montra que l'offre de
monnaie, la balance commerciale et les taux d'intérêt sont importants dans une économie :

« Nous sommes tentés de voir dans la monnaie un élixir qui stimule l'activité du système. »
— John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la
monnaie, chap. 13, III, 1936

« En un temps où elles [les autorités] ne pouvaient agir directement sur le taux de l’intérêt
intérieur ou sur les autres motifs qui incitent à l’investissement domestique, les mesures
propres à améliorer la balance commerciale étaient leurs seuls moyens directs d’augmenter
l’investissement extérieur ; et l’effet d’une balance commerciale favorable sur les entrées de
métaux précieux était en même temps leur seul moyen indirect de réduire le taux de l’intérêt
intérieur, c’est-à-dire d’accroître l’incitation à l’investissement domestique »
— John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la
monnaie, chap. 23, Trad. fr. P. B. Payot, p. 332

Cependant, les efforts de Keynes pour réhabiliter le mot mercantilisme n'ont pas réussi. Ce
mot reste péjoratif, souvent utilisé pour critiquer diverses formes de protectionnisme.
Un élément à propos duquel Smith ne fut pas suivi dans ses critiques était l'importance des
données. Les mercantilistes, qui étaient généralement des praticiens, rassemblaient un nombre
considérable de données et les utilisaient pour leur recherche. William Petty est généralement
crédité pour avoir été le premier à utiliser des analyses empiriques pour étudier l'économie.
Smith rejetait cela, arguant que les raisonnements déductifs à partir des principes de base
étaient la méthode adéquate pour mettre à jour des vérités économiques.

Enfin, dans certains cas, il fut reconnu que les politiques protectionnistes mercantilistes eurent
un impact positif sur les États. Adam Smith, lui-même, loua les Actes de Navigation pour
avoir grandement contribué à l'expansion de la flotte de commerce britannique, ce qui joua un
rôle majeur dans la transformation de l'Angleterre en la superpuissance navale et économique
qu'elle devint pour plus deux siècles.

Legs politiques
La postérité du mercantilisme reste sans doute plus grande dans la pratique politique que dans
la théorie économique. Si la pensée économique du XIXe siècle est dominée par les écoles
classique puis néoclassique, plutôt favorables au libre-échange, la pratique politique reste
largement influencée par les idées mercantilistes. Comme le note l’historien Paul Bairoch,
bien que « les hommes commencèrent à plus raisonner en termes de niveau de développement
à atteindre plus ou moins rapidement qu’en termes d’appropriation d’une plus grande part de
richesse », en 1815 comme en 1913, le monde occidental est « un océan de protectionnisme
cernant quelques îlots libéraux ».28

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a assisté à une libéralisation continue du


commerce mondial sous l’impulsion des grandes institutions libre-échangistes telles que
l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Banque mondiale ou le Fonds monétaire
international (FMI). Pourtant certains économistes comme Paul Krugman ont décrit ces
institutions comme guidées par un « mercantilisme éclairé », qui ne cherche pas à promouvoir
les principes du libre-échange, mais à favoriser les concessions commerciales mutuellement
avantageuses.29 D’autres économistes radicaux vont jusqu’à affirmer que ces organisations,
sous le prétexte du libre-échangisme, imposent la forme de commerce international souhaitée
par les grandes puissances économiques qui les contrôlent.

Selon Daniel Cohen, les récents échecs des négociations au sein de l’OMC sont révélateurs de
ce « mercantilisme éclairé ». Si les négociations des rounds antérieurs avaient pu aboutir,
c’est grâce à des compromis, à des concessions réciproques et équitables. Les pays riches
acceptaient par exemple de libéraliser le secteur textile en échange d’avantages en matière de
services financiers concédés par les pays en voie de développement. Au contraire, lors du
sommet de Cancun en 2003, les négociations entre pays riches et pauvres ont changé de
nature. Les débats se sont focalisés sur la question agricole où les opportunités d’un échange
mutuellement profitable ont paru inexistantes. Loin d’être un « jeu à somme positive », le
commerce international est dès lors apparu comme un « jeu à somme nulle », l’enjeu du
sommet étant devenu : « nos agriculteurs ou les vôtres », comme si les gains d’une nation
signifiaient des pertes pour une autre.30

Le terme néomercantilisme sert à désigner, le plus souvent de manière péjorative, les


politiques contemporaines rappelant celles des mercantilistes du XVIIIe siècle. Elles
consistent le plus souvent en des mesures protectionnistes ou en des politiques commerciales
agressives où l’État s’implique afin d’accroître la compétitivité des entreprises nationales.
Dans le contexte de la mondialisation, le néomercantilisme se fonde sur le concept de
« compétition mondiale », voire de « guerre économique » entre les nations. Il prône que la
protection des entreprises nationales et le soutien à leur compétitivité sur les marchés
mondiaux est profitable à l’économie nationale. Ainsi, certaines grandes puissances sont
taxées de néomercantilistes lorsqu’elles soutiennent leur industrie nationale par des
subventions ou des commandes d’État, lorsqu’elles imposent des quotas, des taxes ou des
normes à l’importation, afin de protéger leur marché intérieur. Le conflit Boeing-Airbus, lié
aux subventions attribuées à chacune de ses entreprises par les gouvernements américain
(sous la forme de commandes) et européens, peut par exemple être vu comme une
manifestation de néomercantilisme.

Le concept de « guerre économique » vient alimenter les campagnes politiques des grandes
puissances économiques : il faut « faire l’Europe pour faire le poids » disait une affiche du
Parti socialiste français, présentant l’Europe face à un sumo japonais et un obèse américain
lors de la campagne électorale précédant le referendum sur le Traité de Maastricht en 1992.
Selon certains, de telles politiques viennent contrebalancer les effets présumés négatifs de la
globalisation économique sur la justice sociale, tandis que les économistes libre-échangistes
pensent qu’elles viennent favoriser les intérêts particuliers de quelques industries en nuisant à
l’intérêt général. Cependant, le concept de préférence communautaire n'est pas une réalité
juridique ou même économique. S'il fut consacré par la Cour de Justice des Communautés
européennes le 13 mars 1968 en matière de politique agricole commune (en fonction d'un
droit de douane sur les produits provenant de pays tiers), il s'est rapidement heurté aux
objectifs du GATT. À l'heure actuelle subsiste un tarif extérieur commun suscitant souvent
d'âpres discussions entre les pays membres de l'Union Européenne et l'Organisation mondiale
du commerce.

Une minorité d'économistes, tels que Jean-Luc Gréau ou Jacques Sapir en France, prônent la
mise en place d'un protectionnisme éducateur "à la Friedrich List" au niveau européen et
national pour assurer la croissance de l'économie continentale de la déferlante de produits bon
marché en provenance d'Asie, prenant comme contre-exemple les conséquences
socioéconomiques liées à la fin des accords multifibres pour le textile européen. A défaut, ils
prévoient l'entrée dans un processus de « latinaméricanisation » de l'Europe, selon
l'expression d'Erik Reinert, pour qui le principe ricardien de spécialisation dans des avantages
comparatifs naturels enferme les pays dans des activités à rendements décroissants

Protectionnisme
Le protectionnisme est une politique économique interventionniste menée par un État dans le
but de protéger son économie contre la concurrence des autres États. Les mesures
protectionnistes consistent essentiellement à freiner les importations (barrières douanières,
normes contraignantes, freins administratifs...), encourager les exportations (subventions
diverses, incitations fiscales), privilégier les entreprises nationales dans les appels d'offres de
marchés publics, empêcher les investisseurs étrangers de prendre le contrôle d'entreprises
nationales... Le GATT puis l'OMC ont été créés pour abaisser les barrières protectionnistes et
en limiter autant que possible l'usage.

Quelques mesures utilisées dans le cadre du


protectionnisme
Le protectionnisme peut recourir à plusieurs mesures.

Droits de douane

Imposer des droits de douane consiste à taxer les produits importés afin d'augmenter leur prix,
et ainsi de diminuer la quantité achetée par les consommateurs.
Exemples :

- En janvier 2009, les États-Unis ont triplé les droits de douane qu'ils appliquent sur le
roquefort, tout en portant à 100% les droits de douane sur d'autres produits européens
(chocolats, jus de fruit, légumes, fruits, chewing-gums...)1.

- En décembre 2008, l'Inde a augmenté ses droits de douane sur le soja, le fer et l'acier; pour
les porter à 20%1.

Mesures dites non tarifaires

Dédouanement

Il s'agit d'alourdir les procédures administratives pour les importations (obligation de remplir
des documents administratifs compliqués, longue période de blocage en douane, etc.)2.
Exemples :
- En 1982, la France a mis en place ce système pour réduire les importations de
magnétoscopes en provenance du Japon. Ces derniers devaient être dédouanés à Poitiers2.

Normes techniques ou sanitaires [modifier]

Ces normes correspondent à un cahier des charges (types de traitements autorisés -ou
obligatoires- pour les produits agricoles, etc.) qu'un produit doit remplir pour pouvoir être
vendu dans un pays.
Exemples :
- L'Union européenne interdit les importations de bœuf aux hormones2.

Quotas

Ils visent à limiter la quantité de produits importés.


Exemples :
- Pour la période allant du 15 décembre 2008 au 31 décembre 2010, l'Indonésie a mis en place
des « licences d'importations » sur cinq cents produits (électronique, jouets, textiles, certaines
denrées alimentaires)1
- quotas de l'Union européenne sur l'acier ukrainien (supprimés en mai 2008)2.
- l'accord Multifibre (supprimé en 2005) établissait une limite (pour chaque pays et chaque
produit) des textiles qui pouvaient être importés dans l'Union européenne. Lorsqu'il fut
supprimé en 2005, on a assisté à une forte hausse des importations de textile provenant de
Chine, au détriment de celles en provenance de la Tunisie et du Maroc2.

Lois limitant les investissements étrangers

Les autorités d'un pays peuvent chercher à protéger certaines activités (considérées comme
stratégiques) contre les prises de participation par des investisseurs étrangers.
Exemples :
- En avril 2008, l'Allemagne a adopté une loi qui rend nécessaire une autorisation pour « tout
investissement supérieur à 25% du capital d'une entreprise dans le domaine des
"infrastructures stratégiques" et dès lors que l'"intérêt national" est en jeu »1.
- En avril 2008, la Russie a adopté une loi qui rend nécessaire une autorisation pour « tout
investissement supérieur à 25% du capital des entreprises de quarante-deux "secteurs
stratégiques" (nucléaire, pétrole, mines, pêche, édition...) »1.
- Depuis octobre 2007, une loi promulguée aux États-Unis instaure que « tout achat ou
implantation d'entreprise par des fonds étrangers peut être interdit dès lors qu'il "met en cause
la sécurité nationale" »1.
- En 2006, les États-Unis ont interdit que P&O (société propriétaire des ports de Baltimore,
Philadelphie et New York) soit rachetée par une entreprise de Dubaï2.
- Le 30 décembre 2005, la France a décrété qu'une autorisation serait désormais nécessaire
« pour tout investissement touchant à l' "intérêt national" dans onze secteurs : défense,
produits chimiques, technologies "duales" (pouvant servir au militaire comme au civil),
etc. »1.
- En 2005, les États-Unis ont interdit que la compagnie pétrolière américaine Unocal soit
rachetée par le groupe chinois Cnooc2.

Manipulation du taux de change

Une monnaie se dévalue, ou subit une dévaluation, lorsque son taux de change se déprécie par
rapport à une monnaie de référence, ou un panier de monnaie. Un gouvernement peut
intervenir sur le marché des changes en « vendant de la monnaie » pour abaisser la valeur de
sa devise. Cela rend les produits moins chers à l'exportation. Une dévaluation de monnaie a
également pour conséquence d'augmenter le prix des produits importés.
Exemples :
- La Chine est accusée de dévaluer sa monnaie (le yuan). Les États-Unis ont aussi laissé le
cours de leur monnaie baisser afin de favoriser le dollar au détriment de l'euro2.

Passation de marchés publics


Un pays peut instituer dans les politiques de passation des marchés publics une préférence
pour les produits fabriqués localement (ou pour les services des entreprises locales).
Exemples :
- Les États-Unis ont instauré une clause « acheter américain » (Buy American Act) pour leurs
marchés publics3.

Subventions

Subventions aux acheteurs

Elles consistent à accorder des facilités financières aux clients (crédits bonifiés, déductions
d'impôts, etc.).
Exemples :
- Début 2009, les autorités françaises ont décidé de débloquer 5 milliards d'euros pour les
futurs acheteurs d'Airbus2.

Subventions aux producteurs

Elles visent à donner un avantage (soit sous forme de prêts bonifiés, soit sous forme de dons)
aux producteurs nationaux.
Exemples :
- En 2008 et 2009, les États-Unis et la France ont accordé des aides à leurs constructeurs
automobiles

Justifications du protectionnisme
En général les protectionnistes invoquent une concurrence déloyale ou des pratiques de
dumping

Dumping

Dumping environnemental

On parle de dumping environnemental lorsque la réglementation environnementale est moins


contraignante qu'ailleurs. C'est, en partie, pour cela que de nombreuses entreprises
occidentales implantent leurs activités polluantes dans les pays émergents.

Dumping fiscal

Le dumping fiscal consiste, pour un État, à imposer faiblement (c'est-à-dire plus faiblement
que ce que font les autres pays) les sociétés et les personnes présentes sur son territoire.
Exemples :
- Le taux d'imposition des entreprises est de zéro en Estonie et de 12% en Irlande. En 2006, la
moyenne du taux d'imposition des entreprises dans les pays de l'OCDE était de 28,6%. Les
paradis fiscaux profitent de leurs politiques de dumping fiscal2.

Dumping social
On parle de dumping social lorsqu'un gouvernement réduit (ou supprime) les cotisations
sociales, ou bien que les autorités d'un pays conservent des normes sociales très basses (par
exemple, en Chine, la règlementation du travail est moins contraignante pour les employeurs
que des règlementations en vigueur ailleurs)2.

Clause de sauvegarde en situation d'urgence

Cela vise à limiter les importations (soit en les interdisant, soit en les taxant fortement) durant
une période donnée, lorsq'un pays considère qu'une de ses productions est menacée2.
Exemples :
- Fin 2008, l'Inde a décidé de taxer fortement les importations d'acier2.

Protectionnisme par zones


États-Unis

Marchés publics

Depuis les années 1930, les États-Unis adoptent une politique systématique consistant à
interdire dans les marchés publics les produits qui ne sont pas fabriqués aux États-Unis. Il
existe aussi des subventions. Les lois sont :

• Buy American Act de 1933


• Small Business Act de 1953 pour les petites entreprises (voir aussi pacte PME),
• Defense Federal Acquisition Regulations Supplement (DFARS)
• Exceptions sécurité nationale (ALENA, chapitre 10, partie D, article 1018)
• Amendement Berry (textiles, denrées alimentaires et vêtements non américains)
• Amendement Byrnes-Tollefson (bateaux non américains)
• Buy American - transports en commun (subventions de la Federal Transit
Administration)
• Buy American - construction routière (subventions de la Federal Highway
Administration)
• Buy American - aéroports (subventions de la Federal Aviation Administration)

Voir : Passation des marchés de l'administration américaine : aide-mémoire des liens relatifs
aux obstacles les plus fréquents

En 1989, le groupe Bull a acheté le constructeur de micro-ordinateurs Zenith Data Systems,


dans l'espoir d'acquérir le marché des micro-ordinateurs de l'administration américaine,
méconnaissant totalement la législation américaine sur les achats publics. Le gouvernement
fédéral américain a évidemment répliqué en faisant appel à un autre fournisseur. Cette erreur
stratégique a entraîné de lourdes pertes financières pour Bull, qui ont dû être négociées par
Bernard Pache auprès de l'Union européenne. Les subventions sont aujourd'hui interdites par
l'Union européenne.

Les États-Unis se sont opposés au développement du supersonique Concorde en appliquant


des normes sur le bruit (il est vrai que le Concorde était un avion très bruyant).
Advocacy policy

Depuis la fin des années 1980, les États-Unis ont élargi cette politique à des actions plus
offensives de soutien cohérent des entreprises américaines à l'exportation. Cette politique est
appelée "advocacy policy". Elle s'appuie sur une organisation dédiée, l'"advocacy center".

Voir : US Governement export portal - The advocacy center

Dans la vision des stratèges américains, le monde se répartit en trois zones : les États-Unis
conçoivent, l'Asie produit, et l'Europe consomme.

Aujourd'hui les États-Unis cherchent à imposer des normes internationales dans le domaine
des technologies de l'information.

Par exemple, la spécification technique ebXML tend à s'imposer dans le monde comme un
standard de commerce électronique.

Mesures de rétorsion [modifier]

La section 301 de la loi américaine générale de 1988 sur le commerce et la compétitivité


permet à l'Administration américaine de prendre dans des délais très brefs toute mesure de
rétorsion à l'égard des partenaires commerciaux dont les pratiques seraient jugées déloyales.

En 2000, le président George W. Bush a mis en place des mesures protectionnistes sur les
importations d'acier pour satisfaire les demandes des grandes entreprises du secteur dont la
productivité était insuffisante. Les effets a posteriori semblent avoir été négatifs puisque, si
les mesures ont sauvé 3500 emplois, elles en ont détruit entre 12000 et 43000 chez les
entreprises qui consomment de l'acier6.

Japon

L'un des tarifs douaniers les plus élevés du monde est celui que pratique le Japon sur le riz
étranger, taxé à 900 %.[réf. nécessaire]

Union européenne

La politique agricole commune a longtemps consisté en versement de subventions agricoles.


Cette politique a favorisé l'agriculture intensive, ce qui a eu des conséquences dommageables
sur le plan du développement durable.

En France, on invoque quelquefois l'exception culturelle 7.

Les relations économiques entre l'Union européenne et les États-Unis ont fait l'objet d'un
rapport d'information à l'Assemblée nationale en France en 1999.

Voir : Rapport d'information déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union
européenne sur les relations économiques entre l'Union européenne et les États-Unis.

Développements théoriques et points de vue


Le point de vue mercantiliste

Chez les mercantilistes le rôle du commerce extérieur est de permettre le gain monétaire,
c'est-à-dire l'afflux d'or. Dans cette optique, les mercantilistes préconisent une politique
volontariste de soutien aux exportations via la création de grandes compagnies de commerce
ou de grandes manufactures. Au contraire l'État doit tenter de freiner les importations qui sont
synonymes de sorties d'or.

Pour Jean-Baptiste Colbert, « les compagnies de commerce sont les armées du roi, et les
manufactures sont ses réserves ». L’objectif de ses « armées » est de repousser les « armées »
étrangères. Ainsi pour souligner cette haine du commerce étranger, Antoine de Montchrestien8
déclare :

« Les marchands étrangers sont comme des pompes qui tirent hors du royaume […] la pure
substance de nos peuples […] ; ce sont des sangsues qui s’attachent à ce grand corps de la
France, tirent son meilleur sang et s’en gorgent »

La logique mercantiliste repose sur l'idée que la richesse n'est fondée que sur le volume
détenu de métaux précieux, et que dès lors, ce volume étant défini, le commerce est un jeu à
somme nulle. L'enrichissement d'un État par ses exportations ne peut se faire que par
l'appauvrissement d'un autre par ses importations.

Les points de vue libéraux

Les économistes libéraux, depuis la Richesse des nations d'Adam Smith (1776), ont beaucoup
critiqué les théories protectionnistes des mercantilistes. Selon les libéraux, le protectionnisme
est une imposture intellectuelle qui ne sert qu'à favoriser des groupes d'intérêt aux dépens du
plus grand nombre et du bien public. Lire par exemple les Sophismes économiques de
Frédéric Bastiat (1845), dont le septième, la Pétition des fabricants de chandelles.

Le commerce international pouvant être vu dans la majorité des situations comme un accord
gagnant-gagnant, la mise en place de mesures protectionnistes diminuera le bien-être global.
Par exemple, la majorité des historiens économiques considèrent que la Grande Dépression a
été aggravée par les mesures protectionnistes mises en place dans les années 1930, comme la
loi Hawley-Smoot.

D'autres tel Friedrich List9, considèrent le protectionnisme comme nécessaire à court terme
pour amorcer le développement d'une économie. Le libre-échange ne serait alors juste
qu'entre pays de puissance économique comparable. Un pays, ayant une fois rattrapé le niveau
des autres, pourra passer à un système de libre-échange qui reste l'objectif de long terme. Il
explique :

«Le protectionnisme est notre voie, le libre-échange est notre but.»

Le point de vue libéral fonde son analyse sur plusieurs arguments en faveur de l'insertion
internationale dont la protection est bénéfique pour les industries naissantes. En effet, les
industries dans l'enfance (industries naissantes) ne sont pas adaptées au marché international
(accoutumance de la main-d’œuvre, niveau de production optimal, tarification optimale…).
Pour cela, elles bénéficient d'un « temps d'adaptation » qui vont leur permettre de développer
leur compétitivité c’est-à-dire de passer d'un avantage comparatif potentiel à un avantage
comparatif réel (au sens de David Ricardo). Les industries naissantes vont donc se protéger de
la concurrence internationale afin de développer un système productif en corrélation avec le
marché mondial compte tenu de la contrainte de prix et de production extérieure. Pour que la
transition soit efficace plusieurs conditions doivent être réunies : le passage d'un avantage
comparatif potentiel à un avantage comparatif réel doit être réalisé, la protection doit être
temporaire et l'ouverture à la concurrence doit être réalisée au moment opportun c’est-à-dire
quand la firme devient compétitive (quand le prix des biens qu’elle fournit sont supérieurs à
ses coûts de production =bénéfices). Ceci constitue un des arguments libéraux au niveau
national. D'autres arguments comme celui de l'industrie déclinante, du revenu, de l'emploi ou
encore des distorsions internes expliquent la pensée libérale en matière de protectionnisme.

Dans les années 1980, début 1990, des économistes tels que Jagdish Bhagwati ont insisté sur
les activités recherches de rente 10 qu'induisaient les politiques protectionnistes. En effet pour
un groupe, il est très tentant d'obtenir de l'Etat une protection de sorte qu'il puisse soit obtenir
des profits plus élevés soit éviter de se mettre au niveau de ses concurrents internationaux.
D'une manière générale le protectionnisme est vu, depuis Adam Smith comme favorisant les
offreurs au détriment des consommateurs. Enfin, l'alliance entre des groupes de pression forts
et l'État11 a tendance à déplacer les conflits commerciaux du champ économique vers le champ
de la souveraineté étatique ce qui peut être potentiellement plus dangereux.

Les points de vue altermondialistes

Le mouvement altermondialiste s'oppose à la concurrence internationale entre les travailleurs


qu'induit la baisse des tarifs douaniers entre les Etats ("libre échange"). C'est en ce sens que le
mouvement altermondialiste a organisé la protestation contre la conférence ministérielle de
l'Organisation Mondiale du Commerce à Seattle le 30 novembre 1999. Suite à des
manifestations parfois violentes contre les forces de police le sommet n'a pu se dérouler
normalement. Suite aux protestations de Seattle les réunions ministerielles de l'Organisation
Mondiale du Commerce se sont tenues dans des dictatures commes le Quatar en novembre
2001.

Certains altermondialistes reprenent les théories de l'économiste Friedrich List: les pays
développés ont d'abord construit leur industrie en utilisant le protectionnisme, puis une fois
leurs économies devenues largement supérieures à celles des pays du tiers monde, ils ont
ouvert leurs frontières afin de bénéficier de la réciprocité, qui leur permet de prévenir
l'émergence de concurrents et d'acquérir des matières premières à moindre coût. Puisque le
tiers monde ne peut pas bénéficier du protectionnisme qui a permis l'émergence des
économies puissantes, il est condamné à rester sous-développé.

D'autres altermondialistes préconisent le commerce équitable. Le commerce international


n'est alors justifié qu'à la condition de satisfaire les travailleurs des pays en développement et
les consommateurs des pays riches. Le commerce équitable préconise l'organisation de la
production et du commerce en coopératives.

D'autres enfin préconisent la relocalisation des activités économiques.

Le point de vue du protectionnisme européen


L'Europe économique issue des traités successifs depuis la création de la CEE à Rome en
1957 a permis de faire aujourd'hui de la zone des 27 un espace économiquement unifié, très
intégré, reposant sur une libre circulation des capitaux, des biens et des personnes. La
question est maintenant de savoir si un protectionnisme « extérieur » est possible, afin de
protéger un marché intérieur de 450 millions de consommateurs. Les défenseurs de ce projet
mettent en avant le taux d'ouverture de 12 % de la zone régionale (88 % du commerce
européen se fait avec un membre de l’Union), taux assez faible pour permettre des politiques
économiques communes ainsi que des tarifs extérieurs plus protecteurs pour les secteurs en
difficultés (délocalisations). Les États-Unis sont paradoxalement l'un des pays le plus
protecteur du monde. Les adversaires d'un tel projet mettent en avant les méfaits du
protectionnisme, la remise en cause de la concurrence, le risque de repli des États sur eux-
mêmes. Ainsi les États-Unis ont accusé l'Union européenne de renier la signature qu'elle a
donnée au General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) en créant un marché commun
entre les États membres. Selon eux, le marché autoélimine les entreprises les moins rentables
(cas du textile) qui se délocalisent vers des pays où la main-d'œuvre est moins chère ; les pays
dits « développés » sont quant à eux voués à se spécialiser dans des secteurs innovants, à forte
« matière grise », et non concurrençables - pour le moment - par les pays émergents. Le
protectionnisme libéral de Friedrich List est lui aussi envisageable : le financement des projets
de recherche ou la mise en place de branches considérées comme naissantes et donc fragiles
pourrait être étudiés. Les secteurs clés (énergie, sécurité, agriculture, écologie) ne peuvent pas
être considérés comme de simples secteurs vendables au plus offrant. Peut-être faudrait-il
réinsérer l'idée de protection dans certains cas précis. Aujourd'hui, le mot protectionnisme fait
peur et n'est plus en vogue. Il est opposé au libre échange et par extension au terme
libéralisme.

Le point de vue nationaliste

D'autres, proche du nationalisme anti-mondialiste, avancent que les pays développés seraient
menacés par les pays émergents et devraient s'en protéger vu que ceux-ci auraient de
meilleurs coûts de production dans certains types d'activités. De fait ces mouvements sont
l'expression d'un même mal généré par un libre-échangisme dérégulé, ou loi de la jungle, qui
met en concurrence frontale, sans protection, les riches et les pauvres, les pays développés qui
ont capitalisé une avance technologique et financière, les pays émergents qui profitent de
l'ouverture des frontières pour envahir les marchés et plus discrètement les pays en situation
de dépendance qui malgré un déficit de leurs échanges peuvent causer du mal à certaines
branches agricoles notamment des premiers.

Controverse sur le rôle du protectionnisme lors de la Grande Dépression de


1929

Pour discréditer les mesures protectionnistes, des partisans du libre-échange proclament que
les mesures protectionnistes instaurées après la Grande Dépression de 1929 auraient aggravé
la crise économique12. Par conséquent, certains prétendent même que ces mesures
protectionnistes auraient conduit à la seconde guerre mondiale, ainsi qu'à la montée du
nazisme et du fascisme12.

Jacques Sapir réfute ces hypothèses en expliquant que « la chute du commerce international a
d'autres causes que le protectionnisme »12. Il fait remarquer que « la production intérieure des
grands pays industrialisés régresse [...] plus vite que le commerce international ne se
contracte. Si cette baisse avait été la cause de la dépression que les pays ont connue, on aurait
dû voir l'inverse. » De plus, « si la part des exportations de marchandises dans le produit
intérieur brut (PIB) passe de 9,8% à 6,2% pour les grands pays industrialisés occidentaux de
1929 à 1938, elle était loin, à la veille de la crise, de se trouver à son plus haut niveau, soit les
12,9% de 1913 »12.

« Enfin, la chronologie des faits ne correspond pas à la thèse des libre-échangistes. […]
L'essentiel de la contraction du commerce se joue entre janvier 1930 et juillet 1932, soit avant
la mise en place des mesures protectionnistes, voire autarciques dans certains pays, à
l'exception de celles appliquées aux États-Unis dès l'été 1930, mais aux effets très limités. En
fait ce sont les liquidités internationales qui sont la cause de la contraction du commerce. Ces
liquidités s'effondrent en 1930 (-35,7%) et 1931 (-26,7%). Or on voit la proportion du tonnage
maritime inemployé augmenter rapidement jusqu'à la fin du premier trimestre 1932, puis
baisser et se stabiliser13. »

Jacques Sapir relève que « la contraction des crédits est une cause majeure de la contraction
du commerce ». Une étude du National Bureau of Economic Research met en évidence
l'influence prédominante de l'instabilité monétaire (qui entraîne la crise des liquidités
internationales14) et de la hausse soudaine des coûts de transport dans la diminution du
commerce durant les années 1930

Balance courante
La balance courante est le solde des flux monétaires d'un pays résultant des échanges
internationaux de biens et services (balance commerciale), revenus1 et transferts courants2. La
balance courante est un des composants de la balance des paiements.

On parle aussi de balance des opérations courantes, de balance des paiements courants ou
encore de solde des opérations courantes. Le compte associé est le compte des opérations
courantes ou compte courant (terme canadien).
Schéma simplifié de la balance courante (selon la comptabilité française)

Traditionnellement, on considère qu'une balance courante positive permet au pays de


rembourser sa dette ou de prêter à d'autres pays. Une balance négative (= un déficit courant)
doit être compensée en contractant des emprunts auprès d'agents extérieurs ou en liquidant
des actifs extérieurs. Mais cette approche est un peu simpliste, la relation de cause à effet
entre les exportations et l'épargne pouvant être dans l'autre sens.

Épargne, investissement et balance courante [modifier]


La balance courante (BC) équivaut à peu près à la balance commerciale, c'est-à-dire au solde
des échanges internationaux, exportations (X) moins importations (M) : ,
les exportations et les importations étant toutes deux mesurées dans la monnaie nationale et
évaluées au prix hors taxe (le prix de la valeur ajoutée).

Le PIB (Y) peut se définir de la manière suivante (la consommation, l'investissement et la


variation des stocks sont respectivement notés C, I et VarSt)3 :

Si l'on raisonne en termes d'économie réelle et non en termes d'économie officielle, c'est-à-
dire si l'on inclut l'économie invisible, alors la variation des stocks représente l'enrichissement
apparent de la nation, puisqu'elle inclut toutes les accumulations de biens immobiliers et
mobiliers par les résidents.

L'épargne (S4) est la part de la production Y non consommée. On a donc :


Ce qui équivaut à :

Prenons maintenant les deux décompositions de Y :

On arrive à :

C'est-à-dire que, par construction comptable, la balance courante est égale à la différence
entre l'épargne et la somme (investissement + variation des stocks).

On peut décomposer l'épargne en trois composantes: l'épargne affectée à un investissement


géré personnellement par les épargnants, notée , l'épargne confiée à des investisseurs
résidant à l'intérieur du pays, notée , et l'épargne confiée à des investisseurs résidant à
l'extérieur du pays, notée . De même, on peut décomposer l'investissement en trois
composantes: l'investissement provenant de l'épargne personnelle des investisseurs, noté
, l'investissement provenant d'épargnants résidant à l'intérieur du pays, noté , et
l'investissement provenant d'épargnants résidant à l'extérieur du pays, noté .

En fait, l'investissement correspond aux prêts consentis par les étrangers aux résidents: il
s'agit donc d'exportations de créances.

De même, l'épargne correspond aux prêts consentis par les résidents aux étrangers: il
s'agit donc d'importations de créances.

On a , c'est-à-dire que l'épargne gérée personnellement par les


épargnants est soit investie soit accumulée.

On a de même , c'est-à- dire que l'ensemble des prêts entre résidents correspond
à l'ensemble des emprunts entre résidents.

On a donc finalement

L'égalité indique simplement que les


importations nettes de créances sont égales aux exportations nettes de biens et services. Cela
traduit simplement le fait que les biens et services s'échangent contre des créances.

Une balance courante positive indique que le pays est investisseur net à l'étranger, tandis
qu'une balance négative indique que l'étranger est investisseur net dans le pays.
On pourra remarquer que chacun des deux membres de l'égalité
peut être la cause de l'autre. Ainsi, lorsque la balance courante est positive, cela signifie que
l'on est dans l'une des deux situations (très différentes) suivantes :

• Soit les exportations nettes ont permis de dégager des ressources que l'on a épargnées.
• Soit l'épargne nationale nette (prêtée aux étrangers) a fourni aux étrangers des
ressources leur permettant d'acheter nos biens et services et a donc suscité chez nous
des exportations nettes.

La balance courante permet de dresser un bilan, mais n'indique absolument rien quant aux
causes des phénomènes observés.

On pourra même remarquer que si la deuxième situation est plus fréquente que la première,
c'est-à-dire lorsque l'épargne commande aux exportations de biens et services, alors,
contrairement à une idée reçue, les cours relatifs des monnaies n'ont pas la moindre incidence
sur les volumes des échanges internationaux de biens et services.

Par ailleurs, si l'on distingue l'épargne privée (notée Spriv) de l'épargne publique (c'est le solde
public Spub, généralement négatif) :

Bleu = pays avec un compte courant positif ;


Rouge = compte courant négatif, 2005

Adam Smith
.
Adam Smith
Adam Smith (5 juin 1723 - 17 juillet 1790)
Philosophe occidental est un philosophe et économiste écossais
XVIIIe siècle des Lumières. Il reste dans l’histoire
comme le père de la science économique
moderne, et son œuvre principale, la
Richesse des nations, est un des textes
fondateurs du libéralisme économique.
Professeur de philosophie morale à
l’université de Glasgow, il consacre dix
années de sa vie à ce texte qui inspire les
grands économistes suivants, ceux que Karl
Marx appellera les « classiques » et qui
poseront les grands principes du libéralisme
économique.

La plupart des économistes considèrent


Smith comme « le père de l’économie
politique » ; pourtant certains, comme
l’Autrichien Joseph Schumpeter, l’ont
défini comme un auteur mineur car son
œuvre ne comportait que peu d’idées
Naissance : 5 juin 1723, Kirkcaldy, Écosse
originales1.
Décès : 17 juillet 1790, Glasgow
Biographie
École/tradition : Libéralisme, École classique
Jeunesse
Principaux Philosophie, Économie,
intérêts : Morale Adam Smith est né le 5 juin 1723 à
Kirkcaldy, petite ville de 1 500 habitants en
Idées Main invisible, Marché,
remarquables : Libre-échange, Libéralisme Écosse. Dès sa naissance, Adam Smith est
économique orphelin de père. Ce dernier, contrôleur des
douanes, meurt deux mois avant la
Influencé par : Francis Hutcheson, John naissance de son fils2. À l’âge de quatre ans,
Locke, David Hume, François Adam Smith est enlevé par des bohémiens,
Quesnay, Cicéron, Aristote, qui, prenant peur en voyant l’oncle du jeune
Platon garçon les poursuivre, l’abandonnent sur la
A influencé : Libéralisme économique, route où il sera retrouvé3,4.
Marxisme, Keynésianisme,
Pères fondateurs des États- Élève particulièrement doué dès son
Unis enfance, bien que distrait, Adam Smith part
étudier à Glasgow à l’âge de quatorze ans et
y reste de 1737 à 1740. Il y reçoit, entre autres, l’enseignement de Francis Hutcheson, le
prédécesseur d’Adam Smith à la chaire de philosophie morale. Smith sera très influencé par
Hutcheson5,6. Il part ensuite étudier à l’université d’Oxford, où l’enseignement est alors d’une
qualité très médiocre, si bien que le jeune élève choisit lui-même ses lectures. Cette sélection
personnelle lui vaut d’ailleurs d’être menacé d’expulsion de l’université lorsqu’on découvre
dans sa chambre le Traité de la nature humaine du philosophe David Hume, lecture jugée
inconvenante à l’époque7.

Enseignement de la logique et de la morale

David Hume, inspirateur puis ami d’Adam Smith

Choisissant une carrière universitaire, Smith obtient à l’âge de vingt-sept ans la chaire de
logique à l’université de Glasgow et plus tard celle de philosophie morale. Cette institution est
bien plus sérieuse que celle d’Oxford et le corps enseignant apprécie peu ce nouveau venu qui
sourit pendant les services religieux et qui est de plus un ami déclaré de David Hume.
Pourtant Smith devient relativement connu à Glasgow, où il participe à des cercles
intellectuels, joue au whist le soir… Il est apprécié de ses étudiants : ses manières et son allure
peu commune lui valent d’être imité, et on voit même de petits bustes de lui dans certaines
librairies de la ville8. Ses fréquents hochements de tête et sa diction maladroite dérivaient
d’une maladie nerveuse dont il souffrit tout au long de sa vie9.

Au-delà de son excentricité, la célébrité d’Adam Smith provient aussi de son travail et de la
parution en 1759 de la Théorie des sentiments moraux, œuvre de philosophie qui le fait
connaître en Grande-Bretagne et même en Europe. Dans ce livre, il essaie de comprendre
comment l’individu, considéré comme égoïste, parvient à porter des jugements moraux qui
font passer son intérêt personnel au second plan. Smith affirme que l’individu peut en fait se
placer dans la position d’un tiers, d’un observateur impartial, qui peut donc s’affranchir de
son égoïsme et fonder son jugement sur la sympathie. On discute vite des thèses de ce livre un
peu partout, et plus particulièrement en Allemagne10.

Adam Smith, alors qu’il était professeur de logique, a écrit d’autres ouvrages qui ne seront
publiés qu’après sa mort. Un des plus connus est son Histoire de l’astronomie. L’histoire de
l’astronomie à proprement parler ne représente qu’une petite partie de l’ouvrage, et s’arrête à
Descartes, car en fait Smith s’intéresse davantage aux origines de la philosophie. Selon Smith,
l’esprit prend plaisir à découvrir les ressemblances entre les objets et les observations, et c’est
par ce procédé qu’il parvient à combiner des idées et à les classifier. Dans la succession des
phénomènes constatés, l’esprit recherche des explications plausibles. Lorsque les sens
constatent une succession qui rompt avec l’accoutumance de l’imagination, l’esprit est
surpris, et c’est cette surprise qui l’excite et le pousse vers la recherche de nouvelles
explications11.

« La philosophie, en exposant les chaînes invisibles qui lient tous ces objets isolés, s’efforce
de mettre l’ordre dans ce chaos d’apparences discordantes, d’apaiser le tumulte de
l’imagination, et de lui rendre, en s’occupant des grandes révolutions de l’univers, ce calme et
cette tranquillité qui lui plaisent et qui sont assortis à sa nature. »
Adam Smith, Histoire de l’Astronomie »
— 12

Les convictions religieuses d’Adam Smith ne sont pas connues avec précision, et il est
souvent considéré comme un déiste à l’image de Voltaire qu’il admirait. Ronald Coase a
critiqué cette thèse et note que, bien que Smith fasse référence à un « grand architecte de
l’univers », à la Nature, ou encore à la fameuse « main invisible », il ne parle que très
rarement de Dieu, et surtout il explique que les merveilles de la nature attisent la curiosité des
hommes, et que la superstition est la façon la plus immédiate de satisfaire cette curiosité, mais
qu’à terme, elle laisse la place à des explications plus usuelles et donc plus satisfaisantes que
celles de l’intervention des dieux13.

Voyage en Europe

L’ouvrage de Smith est remarqué par Charles Townshend, homme politique important et
chancelier de l’Échiquier de 1766 à sa mort un an plus tard14. Ce dernier avait épousé en 1754
lady Caroline Campbell, veuve de lord Dalkeith, duc de Buccleuch, avec lequel elle a déjà
deux fils. Townshend cherche un tuteur pour le fils aîné de son épouse qui, comme tous les
jeunes aristocrates anglais de l’époque, doit faire un Grand Tour, et propose à Smith
d’accompagner celui-ci dans son périple15.

Smith et son élève quittent la Grande-Bretagne pour la France en 1764. Ils restent dix-huit
mois à Toulouse, ville dont la société lui semble ennuyeuse. Séjournant dans le sud de la
France il rencontre et enthousiasme Voltaire, ainsi qu’une marquise dont il doit repousser les
avances. Pendant ce long séjour dans une Province qui l’ennuie, Smith entame la rédaction
d’un traité d’économie, sujet sur lequel il avait été amené à dispenser des cours à Glasgow.
Après être passés par Genève, Smith et son élève arrivent à Paris. C’est là qu’il rencontre
l’économiste le plus important de l’époque, le médecin de Madame de Pompadour, François
Quesnay. Quesnay avait fondé une école de pensée économique, la physiocratie, en rupture
avec les idées mercantilistes du temps. Les physiocrates prônent que l’économie doit être
régie par un ordre naturel : par le laissez-faire et le laissez-passer. Ils affirment que la richesse
ne vient pas des métaux précieux, mais toujours du seul travail de la terre et que cette richesse
extraite des sols circule ensuite parmi différentes classes stériles (les commerçants, les nobles,
les industriels). Adam Smith est intéressé par les idées libérales des physiocrates, mais ne
comprend pas le culte qu’ils vouent à l’agriculture. Ayant vécu à Glasgow, il a conscience de
l’importance économique de l’industrie16.

Rédaction de la Richesse des nations et retraite


Plaque commémorative à Kirkcaldy, en Écosse

En 1766, le voyage de Smith et de son protégé s’achève, le frère de ce dernier ayant été
assassiné dans les rues de Paris. Smith rentre à Londres, puis à Kirkcaldy où il se consacre à
son traité d’économie politique. Il ne se rend que rarement à Londres pour participer aux
débats de son temps. Il y rencontre Benjamin Franklin dont l’influence lui fera dire que les
colonies américaines sont une nation qui « deviendra très probablement la plus grande et la
plus formidable qui soit jamais au monde17 ».

Dix ans après son retour à Kirkcaldy, Adam Smith publie enfin son traité d’économie qu’il
intitule Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (An Inquiry into the
nature and the causes of the wealth of nations), titre souvent abrégé en Richesse des nations.

En 1778, Smith devient commissaire aux douanes à Édimbourg, ce qui lui assure une retraite
confortable. Il passe les douze dernières années de sa vie en célibataire, vivant avec sa mère
(jusqu’à la mort de celle-ci à quatre-vingt-dix ans).

À la fin de sa vie, il devient recteur de l’université de Glasgow, et voit son œuvre traduite en
français, allemand, danois, italien et espagnol. Le premier ministre Pitt le Jeune lui déclare
même un jour : « Nous sommes tous vos élèves. »

Smith meurt le 17 juillet 1790 à l’âge de soixante-sept ans, dans une relative indifférence vu
les troubles révolutionnaires qui agitent alors la France et menacent la campagne anglaise. Il
est enterré simplement à Canongate, on peut lire sur la pierre tombale : « Ci-gît Adam Smith,
auteur de la Richesse des nations »18.

La pensée d’Adam Smith


Articles détaillés : Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations et Théorie des
sentiments moraux.

Bien que connu de son vivant pour ses œuvres de philosophie, la postérité a surtout retenu son
talent d’économiste. Les sciences économiques l’ont très rapidement élevé au rang de
fondateur. Le courant libéral, autant économique que politique, en a fait un de ses auteurs de
référence. Qu’y a-t-il dans La richesse des nations qui justifie une telle postérité ?
Paradoxalement, Adam Smith n’a apporté presque aucune idée nouvelle à la philosophie et à
l’économie dans son ouvrage. La plupart de ces idées ont déjà été approchées par des
philosophes et des économistes comme François Quesnay, John Locke, William Petty, David
Hume (avec qui il entretenait des relations amicales), Turgot ou encore Richard Cantillon. La
Richesse des Nations mentionne plus d’une centaine d’auteurs auxquels sont empruntées les
différentes analyses.

Ce qui donne toute sa valeur à l’œuvre de Smith n’est donc pas son originalité, mais la
synthèse de la plupart des idées économiques pertinentes de son temps. La plupart des auteurs
qui l’ont précédé ont développé des idées brillantes, mais distinctes de tout système global
cohérent, et souvent associées à d’autres conceptions économiques beaucoup moins
pertinentes (comme la stérilité de l’industrie chez les physiocrates). Smith corrige les erreurs
a posteriori évidentes des auteurs qui l’ont précédé, il approfondit leurs idées et les liens entre
elles pour tisser une compilation cohérente. Son mode de pensée repose souvent sur le
principe suivant : pour Smith ce qui est sage pour le chef de famille ne peut pas être une folie
dans la gestion d’un empire.

Les sentiments moraux

Dans la Théorie des sentiments moraux, il tente de décrire les principes de la nature humaine
pour comprendre comment ils suscitent la création d’institutions communes et un
comportement social.

Smith s’interroge sur l’origine de la capacité qu’ont les individus de porter des jugements
moraux sur les autres mais aussi sur leur propre attitude. Smith commence par affirmer,
contre les théories de l'égoïsme et de l'intérêt, le caractère désintéressé de certains de nos
jugements.19. Selon lui, chacun de nous a en lui-même un « homme intérieur », capable de se
placer à distance de ses propres passions et intérêts, afin de se constituer en « observateur
impartial » de soi-même, capable de témoigner son approbation ou sa désapprobation morale
à l'égard de ses propres actes, et dont nous ne pouvons ignorer le jugement. Certains voient
dans cette thèse une anticipation du concept de surmoi (lequel est pourtant une instance
inconsciente)

Dans la Théorie des sentiments moraux, la sympathie au sens d’empathie, de capacité de


comprendre un autre en se mettant en quelque sorte à sa place, occupe une place centrale.
Pour Smith, l’homme dans ses actions doit tenir compte du point de vue des spectateurs réels
ou du spectateur impartial, dans le cadre d’un double processus de sympathie. D’une part les
spectateurs s’identifient à l’acteur et arrivent à comprendre les motifs de son action, d’autre
part l’acteur s’identifie aux spectateurs qui le contemplent et perçoit leurs sentiments à son
égard. Il résulte, de ce double processus de décentrement, « un champ de connaissances
communes à l’acteur et aux spectateurs qui engendrent l’ensemble du système des règles
(dont celles de justice) qui permettent la maîtrise des passions 21 ». Le problème est que ce
double décentrement n’est pas facilement accessible à tous. Aussi, Diatkine22 suggère-t-il que
c’est parce que Smith avait conscience de ces difficultés qu’il a écrit la Richesse des nations
où, dans le domaine économique, le marché d’une certaine façon se substitue au spectateur
impartial ou du moins oblige les acteurs économiques à tenir compte les uns des autres.

La nature de la richesse

Première page de la Richesse des nations, dans son édition de 1776

Avant Smith, les économistes avaient proposé deux grandes définitions de la richesse. Smith
reprend, dans le Livre IV de la Richesse des Nations, une critique des mercantilistes que
Schumpeter qualifiera d'« inintelligente », à savoir que la richesse est définie par la possession
de métaux et de pierres précieuses, car ce sont eux qui permettent de financer les guerres, ce
sont eux qui ont une valeur durable dans le temps et reconnue partout. Il s’agit d’une richesse
essentiellement princière. « Jamais les mercantilistes n'ont soutenu cela », souligne
Schumpeter23 Pour les physiocrates, la production agricole est la seule source de richesse, les
autres activités n’étant vouées qu’à la transformation de cette richesse première.

Pour Smith, la richesse de la nation, c’est l’ensemble des produits qui agrémentent la vie de la
nation tout entière, c’est-à-dire de toutes les classes et de toutes leurs consommations. L’or et
la monnaie ne constituent donc plus la richesse, elles n’ont en elles-mêmes aucune autre
utilité que celle d’intermédiaire de l’échange24. Adam Smith rejoint donc la vision de la
monnaie proposée par Aristote dans l’Antiquité25 . Pour lui, l'origine de la richesse est le
travail des hommes. Il pose ainsi les bases de la doctrine de la valeur travail, qui sera
pleinement théorisée au siècle suivant par David Ricardo.

Cette richesse, comment est-elle produite, et comment peut-on l’accroître ? En tentant de


répondre à cette question, Smith propose une analyse de la croissance économique. Analysant
l’économie de son temps, il distingue trois grandes causes de l’enrichissement de la nation : la
division du travail, l’accumulation du capital, et la taille du marché.

La division du travail
La division du travail consiste en une répartition toujours plus spécialisée du processus de
production de sorte que chaque travailleur peut devenir spécialiste de l’étape de la production
à laquelle il se dédie, accroissant donc l’efficacité de son travail, sa productivité26.

Ce qui permet la division du travail, c’est l’échange. Les hommes se répartissent les taches
pour survivre, puis s’échangent les fruits de leur travail. Plus les échanges s’accroissent, plus
les hommes sont à même de se consacrer à une tâche particulière et d’espérer des autres la
satisfaction de leurs autres besoins27.

Il existe toutefois un obstacle à la division du travail, c’est la taille du marché. Plus les
hommes sont nombreux, plus ils peuvent se diviser les tâches. Si le marché n’est pas assez
grand, le surplus de production permis par une division du travail toujours accrue ne trouvera
pas acheteur28.

Par ailleurs, la division du travail n’a pas que des avantages. Smith note qu’elle peut avoir des
effets désastreux sur l’intellect des ouvriers qui sont abrutis par la répétition de gestes d’une
simplicité toujours plus grande. Il invite donc l’État à faire quelque chose pour qu’il en soit
autrement, peut-être à mettre en place un système éducatif. Ce faisant, Adam Smith approche
la notion d’externalité que développeront plus tard les économistes et qui justifiera en partie
l’intervention de l’État.

Pour illustrer ce principe de division du travail, Adam Smith a employé l'exemple d'une
manufacture d'épingles, probablement repris à Henri-Louis Duhamel du Monceau29. ou bien
en se référant à l'article "épingles" de l'encyclopédie de diderot et d'alembert (1755)

Le marché et la « main invisible »

Articles détaillés : Marché et Main invisible.

La notion de « main invisible » est susceptible d'une double interprétation suivant que l'on
suppose qu'il y a une discontinuité dans l'oeuvre de Smith entre la Théorie des Sentiments
moraux et la Richesse des Nations (approche dite parfois Leibnizienne) ou non. Les analystes
de Smith ont longtemps débattu sur une éventuelle opposition entre les thèses exposés dans
ces deux ouvrages. Ce débat est connu depuis Joseph Schumpeter comme « das Adam-Smith-
Problem ». D’un côté, la Théorie des sentiments moraux donne une explication morale au
fonctionnement harmonieux de la société, centrée sur le concept de « sympathie », tandis que
la Richesse des nations l’explique par un mécanisme économique reposant sur l'intérêt
personnel. De multiples interprétations ont été données de ce problème. Si, au XIXe siècle, on
tendait à considérer ces deux ouvrages comme contradictoires, les chercheurs de nos jours
soulignent en général la continuité de la pensée de Smith30.

La main invisible dans l'approche discontinue du libéralisme classique


Cette approche est celle du libéralisme classique et aurait été diffusée « inconsciemment par
des milliers d'auteurs de manuels »N 1. Dans cette version, la « main invisible » serait une
métaphore par laquelle Smith signifierait que les marchés sont autorégulateurs et conduiraient
à l'harmonie sociale.

Selon cette interprétation,comme dans la Théorie des sentiments moraux, Smith se


demanderait dans la Richesse des nations comment survit une communauté où chaque
individu se préoccupe avant tout de son intérêt égoïste, toutefois, il avancerait une explication
nouvelle et différente de celle proposée dans son ouvrage précédent.

En fait, les actions des individus seraient coordonnées et rendues complémentaires par le
marché et ce qu’il appelle la « main invisible ». Selon Smith, les « lois » du marché, associées
au caractère égoïste des agents économiques, conduiraient à un résultat inattendu : l’harmonie
sociale. La confrontation des intérêts individuels mène naturellement à la concurrence, et cette
dernière amène les individus à produire ce dont la société a besoin. En effet la forte demande
provoque l’envolée des prix, cette dernière amène donc naturellement les producteurs avides
de profits à produire le bien recherché. L’égoïsme d’un individu seul est nuisible, mais la
confrontation des égoïsmes mène à l’intérêt général. Si un producteur tente d’abuser de sa
position et fait monter les prix, des dizaines de concurrents tout aussi avides de profit en
profiteront pour conquérir le marché en vendant moins cher. La main invisible oriente donc le
travail vers l’usage le plus utile à la société car c’est aussi celui qui est le plus rentable. Elle
règle avec justesse aussi bien les prix, que les revenus et les quantités produites.

Adam Smith avancerait donc l’idée d’un marché « autorégulateur » que n’auraient pas eu les
physiocrates. Paradoxalement ce mécanisme, paradigme du libéralisme économique, est très
contraignant pour l’individu qui se voit imposer aussi bien son activité que sa rémunération. Il
ne s’agit pas de faire ce que l’on veut, car le non-respect des recommandations du marché
mène à la ruine. En fait, « l’individu est conduit par une main invisible à remplir une fin qui
n’entre nullement dans ses intentions31 ».

L’idée que l’économie puisse être régulée par des mécanismes amoraux n’est pas nouvelle.
Bernard de Mandeville l’avait déjà fait remarquer dans sa Fable des Abeilles, où il expliquait
comment les vices privés, c’est-à-dire la consommation de richesses, se révélaient être des
vertus collectives, susceptibles de stimuler l’activité économique32.

Mais cette vision est contestée de nos jours. Tout d'abord , Pour Heilbroner, Adam Smith est
pas l’apôtre d’un capitalisme sauvage. Le principe du marché tel qu’il le décrit s’applique à
l’économie artisanale de son époque. Il en a conscience et dénonce les industriels qui par les
ententes et les monopoles tentent de contourner la loi du marché à leur seul profit. Ce n’est
donc pas l’État qui menace le plus l’économie de marché mais plutôt les industriels, et il
revient à l’autorité souveraine de s’assurer du respect des règles du marché33. Noam
Chomsky34 émet une double critique de cette version de la main invisible : d'une part il
souligne l'absence de toute référence à la Théorie des Sentiments Moraux ce qui pour lui tend
à montrer que nous sommes censés vénérer Adam Smith mais non le lire, et d'autre part
partant du passage où Smith traite de la « main invisible » dans la Richesse des Nations35, il
met en exergue que chez Smith « à égalité de profit ou à peu près » l'homme, guidé par son
propre intérêt et une plus grande sûreté dans ses investissements, choisira le succès de
l'industrie nationale et sera de la sorte conduit par une main invisible à servir l'intérêt public
ce qui n'était pas son but. Réflexion qui lui semble aller à l'encontre de la théorie du libre-
échange global soutenue par le courant économique libéral34.
La main invisible dans l'approche unifiée d'inspiration plus sociale libérale [modifier]

Dans cette approche au contraire par rapport à David Hume, Leibniz ou Malebranche, « le
secret de Smith est à chercher dans l’articulation de la philosophie et plus précisément de la
philosophie morale de la Théorie des sentiments moraux [1759] avec l’analyse de la Richesse
des Nations »36. La conséquence en est que l'ordre physique, c'est-à-dire l'ordre de la richesse
matérielle ne se confond pas avec l'ordre moral entendu chez Smith comme harmonie ou
bonheur intérieur. D'où alors que la main invisible dans l'approche dichotomique conduit
automatiquement et facilement à l'harmonie, ici, l'harmonisation doit porter à la fois sur le
monde physique de la richesse matérielle et sur le monde intérieur. Il en découle
l'impossibilité de réduire l'être humain à un simple mécanisme qui répond au stimuli de
l'intérêt et la nécessité au contraire à ce qu'il utilise au mieux ses sentiments et sa raison.

Toutefois, Smith s'inscrit dans la tradition de Newton où le monde reste au-delà de ce que la
raison peut concevoir37. Elle ne permet pas comme chez Malebranche de concevoir ce que
Dieu aurait pu concevoir de meilleur38. Malgré tout, l'homme partant des observations de
l'existant peut d'une certaine façon le rendre meilleur. Pour Michaël Biziou39, l’intervention du
gouvernement et de la loi chez Smith se trouvent justifiées par le fait que son libéralisme
prône le « perfectionnement intentionnel d’un ordre sub-optimal non intentionnel ». Pour cet
auteur 40 ceux qui soutiennent la thèse d’une autorégulation optimale du marché confondent
deux idées distinctes : l’idée des conséquences inattendues et celle du « cours naturel des
choses », c’est-à-dire qu’ils ne distinguent pas « naturel » au sens de non intentionnel, avec le
« naturel » de « cours naturel des choses » qui lui se réfère à un idéal.

Si donc chez Smith la notion de main invisible traduit bien l'existence de conséquences
inattendues, celles-ci ne sont pas forcément favorables. Par contre connaître si les
conséquences sont positives ou négatives sert à nourrir la faculté de juger des hommes dont
l'usage contribue au bonheur intérieur ou moral des hommes. Alors que dans la tradition du
libéralisme classique la main invisible est d'une certaine façon organique ici elle s'inscrit dans
un processus plus réflexif et plus politique41 qui sur bien des points la rapproche des
problématiques sociales libéralesN 2

L’accumulation et la croissance

Grâce aux lois du marché, Smith décrit ensuite une dynamique économique qui doit conduire
la société vers l’opulence. Faisant la louange de l’épargne, qui n’est que la manifestation de la
frugalité et du renoncement au bien-être immédiat afin que survive et prospère l’industrie,
Smith voit dans l’accumulation du capital, c’est-à-dire l’investissement en machines,
l’occasion de décupler la productivité et d’accroître la division du travail.

Pour Adam Smith, l’accumulation des machines implique une augmentation des besoins en
main-d’œuvre, et donc une montée des salaires. Mais, selon lui, la loi du marché gouverne
aussi la démographie. La hausse des salaires permet aux pauvres de faire vivre leurs enfants et
donc d’accroître à terme la main-d’œuvre disponible, provoquant alors une baisse des salaires
vers leur niveau antérieur, et permettant que s’accroissent de nouveau le profit et donc
l’accumulation. Entre temps, la production s’est accrue, la mortalité infantile a régressé. À
notre époque, l’idée que la démographie est régulée par le marché peut sembler naïve, mais
Smith note qu’au XVIIIe siècle, « il n’est pas rare, dans les Highlands d’Écosse, qu'une mère
ayant engendré vingt enfants n’en conserve que deux vivants42 ».
Il semble alors que la régulation de la société par le marché mène à l’accroissement des
richesses, et à un retour régulier des salaires vers le minimum vital. Smith parle ainsi d'un
« salaire de subsistance » qui permet d'assurer la satisfaction des besoins physiologiques de
l'être humain, ainsi que ceux de sa descendance, laquelle est nécessaire pour fournir la main-
d'œuvre future. Est-ce à dire que les niveaux de vie ne peuvent progresser ? Non, car
l’accumulation tire toujours les salaires vers le haut, de sorte que la notion même de
« minimum vital », considérée comme une variable sociologique (et non comme un
phénomène biologique), évolue vers le haut. Pourquoi ? Parce que, la population
s’accroissant, le capital s’accumulant, la division du travail s’approfondissant, la production
(et donc la richesse) par habitant doit augmenter.

Le libre-échange

La thèse de Smith sur le commerce international se fonde sur une évidence a priori : il est
prudent « de ne jamais essayer de faire chez soi la chose qui coûtera moins à acheter qu’à
faire.43 »

Smith reprend en fait une critique du mercantilisme entamée par David Hume en 1752. Hume
pensait que les excédents commerciaux, en accroissant la quantité de monnaie sur le territoire,
provoquaient une hausse des prix et donc une baisse de la productivité induisant un déficit
commercial, de sorte que les balances commerciales s’ajustaient naturellement, et qu’il était
inutile de poursuivre l’excédent44.

La démonstration formelle des avantages du libre-échange est différente chez Smith. Elle
repose sur la notion d’avantage absolu. Si une première nation est meilleure dans la
production d’un premier bien, tandis qu’une seconde est meilleure dans la production d’un
second bien, alors chacune d’entre elles a intérêt à se spécialiser dans sa production de
prédilection et à échanger les fruits de son travail.

Le rôle de l’État [modifier]

Dans le livre V de la Richesse des nations, Adam Smith définit enfin les fonctions d’un État
en charge de l’intérêt général (et non de l’intérêt du prince). Il s’agit d’abord des fonctions
dites régaliennes (police, armée, justice). L’État doit protéger les citoyens contre les injustices
et les violences venant du dedans comme du dehors.

L’analyse du droit public de Smith s’inscrit dans la logique de Grotius, Pufendorf et Hobbes,
mais Adam Smith opère dans ses cours à Glasgow (1762-1763) une rupture nette dans sa
définition des fonctions de la « police », c’est-à-dire la protection et la régulation de l’ordre
intérieur. Or, à l’époque, la régulation de l’ordre intérieur est étroitement liée à l’abondance et
au prix des vivres ; garantir l'ordre public, c'est garantir l'approvisionnement en vivres. La
police impliquerait donc l’intervention économique, ce à quoi s’oppose Smith dans ses cours
à Glasgow en expliquant que l’intervention économique est contre-productive vu qu’elle nuit
à l’opulence des denrées45.
Les ponts sont typiquement des infrastructures dont le coût très élevé ne peut être amorti par
la communauté qu'à long terme (ici un pont britannique de 1798).

Adam Smith définit donc les devoirs régaliens dans leur sens moderne : la protection des
libertés individuelles fondamentales contre les agressions du dedans et du dehors. Pour autant,
Smith ne refuse pas à l’État toute intervention économique. Aux devoirs de protéger les
citoyens et leurs biens contre les injustices venues de l’intérieur et d’empêcher les invasions
d’armées étrangères, Smith attribue à l’État une dernière fonction :

« Le troisième et dernier devoir du souverain est d’entretenir ces ouvrages ou ces


établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais sont
néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou plusieurs particuliers,
attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense.46 »

Avec ce « devoir », Smith justifie clairement un certain interventionnisme de l’État dans la


vie économique. Il définit aussi ce que la science économique appellera plus tard le « bien
commun. » Selon Smith, le marché ne peut pas prendre en charge toutes les activités
économiques, car certaines ne sont rentables pour aucune entreprise, et pourtant elles profitent
largement à la société dans son ensemble. Ces activités doivent alors être prises en charge par
l’État. Il s’agit surtout des grandes infrastructures, mais l’analyse peut s’étendre aux services
publics.

Dans un article publié en 1927, Jacob Viner, professeur d'économie à l'université de Chicago,
écrivait ainsi qu'«Adam Smith n'était pas un avocat doctrinaire du laisser-faire», laissant
beaucoup de place à l'intervention gouvernementale, tenant compte des circonstances pour
décider si une politique libérale est bonne ou mauvaise. Il soulignait: «Les avocats modernes
du laisser-faire qui s'objectent à la participation du gouvernement dans les affaires parce
qu'elle constituerait un empiètement sur un champ réservé par la nature à l'entreprise privée ne
peuvent trouver d'appui à cet argument dans la Richesse des nations» (Viner, 1927: 227)47.

Positions politiques

À travers la Richesse des nations, Adam Smith prend de nombreuses positions sur les débats
politiques de son temps et tente, à la lumière de l’économie, de contribuer à l’idéal des
Lumières du XVIIIe siècle.

Sur la question de l’esclavage, il explique que le travail des esclaves est en fait bien plus
coûteux que celui des hommes libres, motivés par l’appât du gain et guidés par les forces du
marché. « L’expérience de tous les temps et de toutes les nations, écrit Adam Smith,
s’accorde, je crois, pour démontrer que l’ouvrage fait par des esclaves, quoiqu’il paraisse ne
coûter que les frais de leur subsistance, est au bout du compte le plus cher de tous.48 »
C’est dans une logique semblable qu’il s’attaque au colonialisme, entreprise coûteuse
d’exploitation.

« Ce [les colonies] sont tout au plus des dépendances accessoires, une espèce de cortège que
l’empire traîne à sa suite pour la magnificence et la parade. »
— 49

Il consacre une centaine de pages à dénoncer le système économique mercantiliste qui dicte
jusque-là la politique des grandes nations50.

Adam Smith n’épargne pas non plus l’aristocratie terrienne. La critique des propriétaires
fonciers oisifs, les rentiers, sera surtout l’œuvre de David Ricardo, mais dès 1776 Smith
faisait remarquer : « les propriétaires, comme tous les autres hommes, aiment à recueillir là où
ils n’ont pas semé. »51

L’héritage de Smith
Richesses de l’œuvre et inspirations

Articles détaillés : École classique et Libéralisme économique.

Adam Smith n’a pas fait naître le libéralisme économique. Déjà Montesquieu écrivait en 1748
dans De l'esprit des lois: "Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses
intérêts particuliers." Puis le physiocrate Vincent de Gournay avait demandé aux gouvernants
de « laisser faire les hommes » et de « laisser passer les marchandises », mais il ne s’agissait
alors que de dénoncer le système des corporations et d’encourager la libre circulation des
grains dans les provinces d’un unique royaume. Et Turgot écrivait en 1759 dans l'Éloge de
Vincent de Gournay : « L’intérêt particulier abandonné à lui-même produira plus sûrement le
bien général que les opérations du gouvernement, toujours fautives et nécessairement
dirigées par une théorie vague et incertaine ». On considère néanmoins que c’est Adam
Smith qui, en faisant de l’initiative privée et égoïste le moteur de l’économie et le ciment de la
société, achève d’énoncer le dogme libéral52.

Au plan intellectuel, l’influence la plus directe d’Adam Smith se manifeste dans l’inspiration
que trouvent dans la Richesse des nations les économistes des décennies suivantes. Parmi eux
se réclament de Smith des auteurs dont la célébrité deviendra presque aussi grande comme
Thomas Malthus, David Ricardo et John Stuart Mill en Angleterre, Jean-Baptiste Say en
France. Ces auteurs libéraux donnent une impulsion sans antécédents à la science économique
en discutant dans leurs ouvrages les avis de celui qu’ils nomment le Dr Smith. Karl Marx, lui-
même admirateur d’Adam Smith, les qualifie de « classiques », bien que ses propres travaux,
fondés sur la méthode « scientifique » et rigoureuse des classiques, l’amènent à prôner une
doctrine, le communisme, opposée au libéralisme.

Le plus étonnant est de retrouver dans la Richesse des nations nombre de petites phrases qui
semblent annoncer les grandes idées économiques des siècles futurs. Quelques exemples :

Au début des années 1980, les « théoriciens de l’offre » avancèrent l’idée que des taux de
prélèvements obligatoires trop élevés, en décourageant l’activité, peuvent au final engendrer
des recettes fiscales inférieures à celle d’un impôt plus modéré. Cette théorie modélisée par la
courbe de Laffer, popularisée par la célèbre formule « trop d’impôt tue l’impôt » et qui motiva
une partie de la politique économique de Ronald Reagan n’avait rien de nouveau. En 1776,
Smith écrivait déjà :

« L’impôt peut entraver l’industrie du peuple et le détourner de s’adonner à de certaines


branches de commerce ou de travail, qui fourniraient de l’occupation et des moyens de
subsistance à beaucoup de monde. Ainsi, tandis que d’un côté il oblige le peuple à payer, de
l’autre il diminue ou peut-être anéantit quelques-unes des sources qui pourraient le mettre plus
aisément dans le cas de le faire. »
— 53

À la fin du XIXe siècle, le sociologue américain Thorstein Veblen critique les postulats
économiques sur le comportement du consommateur54. Pour lui, le consommateur accroît
souvent sa consommation d’un bien quand son prix augmente, et ce par effet de snobisme
dans un objectif de démonstration sociale. Mais Smith l’avait écrit cent cinquante ans plus
tôt :

« Pour la plupart des riches, le principal plaisir qu’ils tirent de la richesse consiste à en faire
étalage et à leurs yeux leur richesse est incomplète tant qu’ils ne paraissent pas posséder ces
marques décisives de l’opulence que nul ne peut posséder sauf eux-mêmes. »
— 52

Mais plus généralement c’est le concept du marché, comme mécanisme de base de la société
tout entière qui devint le sujet de prédilection des économistes qui depuis lors s’intéressent à
ses imperfections, à ses incapacités, et à son inexistence relative dans l’économie réelle où les
situations de monopoles sont courantes.

Si nombre d’économistes admirent Smith, c’est peut-être parce que nombre de courants
peuvent y voir le père de leurs idées. Les libéraux le saluent comme celui qui a mis en lumière
l’importance du marché comme mode de régulation automatique de la société, ceux
recommandant une intervention modérée de l’État peuvent pourtant rappeler que Smith en a
aussi souligné les imperfections éventuelles et a appelé la puissance publique à les corriger.
Bien qu’à l’opposé des idées politiques de Smith, Karl Marx lui-même s’en inspire en
développant toute une doctrine fondée sur la théorie classique de la valeur.

Des obsolescences

Pour autant, l’œuvre de Smith n’est pas exempte d’imperfections et la science économique a
su se placer en rupture avec certains de ses postulats. La théorie de l’avantage absolu s’est
révélé être un argument relativement faible en faveur du libre-échange, inférieur aux analyses
de David Hume sur la balance des paiements qui l’avaient précédée, mais surtout à la théorie
de l’avantage comparatif avancée par David Ricardo en 1817 dans Des principes de
l'économie politique et de l'impôt. Dans le monde de Smith, deux pays n’avaient avantage à
échanger que lorsque chacun d’entre eux disposait d’un avantage sur l’autre dans une
production donnée. Aucun argument n’était présenté pour les pays a priori désavantagés. Ce
sera donc la démonstration de Ricardo selon laquelle même le pays le moins compétitif du
monde trouve intérêt au commerce international qui sera retenu comme argument principal du
courant libre-échangiste55.
De même la théorie de la « valeur travail » développée par Smith et adoptée par la plupart des
classiques anglo-saxons et les marxistes, en opposition avec la conception subjective de
Démocrite, des scolastiques et des classiques français (Turgot, Say, Condillac), a été
abandonnée par la science économique néoclassique à partir de la fin du XIXe siècle. Toute
l’analyse microéconomique repose sur l’idée que la valeur d’un bien est fondée sur l’utilité
que nous apporte la consommation d’une unité supplémentaire de celui-ci, c’est-à-dire sur son
utilité marginale. Or Smith avait écarté l’utilité comme facteur de valeur des produits au profit
du travail nécessaire à leur production56.

Enfin Adam Smith n’a semble-t-il compris que partiellement les grandes transformations
économiques qu’allait apporter la Révolution industrielle57. On est étonné de son postulat
selon lequel l’achat de machine accroît le besoin de main-d’œuvre car on a depuis tendance à
postuler le contraire. L’idée selon laquelle les individus sont guidés par leur intérêt individuel
peut aussi sembler en contradiction avec la société industrielle du XIXe siècle où les rapports
socio-économiques sont moins le fait des individus isolés que des classes sociales auxquelles
ils disent s'identifier : la bourgeoisie et le prolétariat. Pour Karl Polanyi, qui critique le
paradigme emprunté à Smith du « sauvage adonné au roc », « les idées d'Adam Smith sur la
psychologie économique du premier homme étaient aussi fausses que celles de Rousseau sur
la psychologie politique du sauvage »58.

Murray Rothbard, économiste de l'école autrichienne d'économie, voit de façon plus dure dans
l'importance supposée de Smith un « mythe ». Il fait plutôt remonter l'origine de l'économie
moderne à Richard Cantillon59.

Influence politique

Dans la sphère politique et industrielle, les admirateurs de Smith sont nombreux. Dix ans
après la parution de la Richesse des nations les gouvernements français et anglais signent en
1786 le Traité d'Eden qui instaure un certain libre-échange entre les deux pays. Déséquilibré
car accordant plus d'avantages à l'Angleterre industrielle qu'à la France réduite à exporter des
produits primaires, il sera remis en cause par la Révolution française et il faudra attendre 1860
pour qu'un traité de libre-échange soit signé entre la France et l'Angleterre.

Aux États-Unis, le secrétaire d’État au Trésor, Alexander Hamilton espère fonder une nation
industrieuse. Son célèbre Rapport sur les manufactures repose en grande partie sur une
lecture critique des thèses de Smith, s’en inspirant largement mais critiquant son laissez-faire
jugé excessif60 et souhaitant protéger l’industrie américaine balbutiante du libre-échange.

En Angleterre, l’idée selon laquelle la recherche du profit individuel se fait au profit de la


nation tout entière devient le dogme de la bourgeoisie capitaliste qui y trouve une
justification. De cette façon, les idées de Smith ont été profondément détournées. Le concept
de la main invisible qui devint si chère aux défenseurs de l’entrepreneuriat capitaliste ne
s’appliquait qu’à l’économie essentiellement artisanale de l’époque d’Adam Smith, qui se
méfiait lui-même des industriels et de leurs manigances visant à établir des ententes et des
monopoles afin de s’affranchir des contraintes du marché et d’imposer leurs prix. Bien que
caricaturée, l’analyse smithienne du marché permit une longue et progressive transition des
législations économiques, notamment en Angleterre, qui furent favorables à la Révolution
industrielle et à la libre-entreprise61.
Quelle étendue peut-on prêter à l’influence d’Adam Smith sur le monde ? L’économiste
britannique John Maynard Keynes écrit au XXe siècle :

« Qu’elles soient justes ou erronées, les idées des théoriciens de l’économie et de la politique
exercent une puissance supérieure à celle qu’on leur prête communément. En fait, ce sont
elles qui mènent le monde ou peu s’en faut. Tel pragmatique déclaré, qui se croit libre de
toute influence théorique, suit en fait aveuglément un économiste défunt. Tel maniaque de
l’autorité, qui entend des voix, ne tire en fait sa frénésie que d’un docte barbouilleur de papier
des années précédentes. Je suis certain qu’on s’exagère l’influence des intérêts acquis par
rapport à l’emprise progressive des idées. »
— 62

Si on en croit Keynes, il ne semble donc pas exagéré de prétendre qu’Adam Smith et ses idées
ont modelé le monde qui les a suivis. Toutefois, pour Schumpeter et Magnusson, les idées
attribuées à Adam Smith ont en fait été fabriquées après sa mort pour des raisons politiques et
idéologiques et Smith lui-même, selon Michaël Biziou, était plus un philosophe moral dans la
lignée de son maître Francis Hutcheson, qu'un économiste.

David Ricardo
David Ricardo

Philosophe Occidental
XIXe siècle

Naissance : 18 avril 1772 (Londres Grande-Bretagne)

Décès : 11septembre 1823 (Gloucestershire


Royaume-Uni)

École/tradition : Libéralisme, École classique

Principaux Économie
intérêts :

Influencé par : Adam Smith


David Ricardo, né le 18 avril 1772 et mort le 11 septembre 1823), économiste anglais du
XIXe siècle, est l'un des économistes les plus influents de l'école classique aux côtés d'Adam
Smith et Thomas Malthus. Il a également été agent de change et député.

Biographie
Jeunesse

Né le 18 avril 1772 à Londres, Angleterre, David Ricardo est le troisième des dix-sept enfants
d'une famille bourgeoise de financiers juifs, qui émigrèrent des Pays-Bas vers l'Angleterre
juste avant sa naissance. À l'âge de quatorze ans, David Ricardo rejoint son père à la Bourse
de Londres, où il commence à apprendre le fonctionnement de la finance.

Ricardo rejette le judaïsme orthodoxe de sa famille et s'enfuit à l'âge de 21 ans avec une
quaker, Priscilla Anne Wilkinson, qu'il vient d'épouser. Sa mère, en représaille, ne lui parlera
plus jamais. À cette époque, Ricardo devient également un unitarien.

Financier : praticien et théoricien [modifier]

La rupture avec sa famille le contraignit à se mettre à son compte en devenant agent de


change. Ses premiers écrits, sur les problèmes monétaires des guerres napoléoniennes,
parurent sous forme de trois articles publiés dans le Morning Chronicle entre 1809 et 1810. Il
publie un an plus tard Essai sur le haut prix du lingot : preuve de la dépréciation des billets
de banque (1811), où il développe une thèse quantitativiste où l'excès d'émission de billets a
contribué à déprécier la devise anglaise lors des guerres napoléoniennes. Ce livre influencera
la rédaction du "Bullion Report" par la commission du même nom de la Chambre des
Communes.

L'économiste et le député

Les débats engendrés par la publication de ses ouvrages monétaires amenèrent Ricardo à
développer ses connaissances en économie. Ricardo a commencé à s'intéresser à l'économie
après la lecture de Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)
d'Adam Smith en 1799 lors de vacances particulièrement ennuyeuses passées dans le lieu de
villégiature anglais de Bath.

Son travail d'agent de change le rend suffisamment riche pour prendre sa retraite en 1814, à
l'âge de 42 ans. C'est à ce moment qu'il déménage à Gatcombe Park. Il partage son temps
entre la politique et l'économie. Il entrera au parlement britannique en 1819, après avoir
acheté un siège de pair représentant de Portarlington, une pairie d'Irlande. Il conservera son
poste jusqu'en 1823, l'année de sa mort. En tant que député, Ricardo défend le libre-échange
et l'abrogation des Corn Laws votés en 1815.

Ricardo est un autodidacte de la pensée économique. Il entretient une importante


correspondance avec Jeremy Bentham, Thomas Malthus et Jean-Baptiste Say, sur des sujets
tels que le rôle des propriétaires terriens dans la société. Il fréquente aussi les milieux
intellectuels londoniens, et devient membre du Club d'économie politique de Malthus
(Malthus' Political Economy Club) et membre du Roi des clubs (King of Clubs).

En 1815, Ricardo publie Essai sur l'influence des bas prix du blé sur les profits du capital
(1815). Puis il publie en 1817, son œuvre maîtresse, Des principes de l'économie politique et
de l'impôt (1817) qu'il modifiera le restant de sa vie. La deuxième édition sort en 1819 et la
troisième en 1821.

Il meurt d'une otite en 1823 à Gatcombe Park à l'âge de 51 ans, un an après avoir fait un grand
tour d'Europe. A son décès, sa fortune était d'environ 725 000 £, une importante somme pour
l'époque 1.

Apports théoriques
Théorie de la valeur

La valeur d'échange d'un produit n'est pas fonction de son utilité, la preuve en est que des
produits très utiles comme l'eau n'ont aucune valeur d'échange. Si quelques marchandises sont
naturellement limitées, la plupart ont leur volume en fonction du travail que l'on accepte de
consacrer à leur production. Ainsi c'est donc bien le travail qui fait la valeur d'échange des
marchandises. D'autre part, la quantité de travail que requiert la production du bien comprend
aussi celle qu'a nécessité la constitution du capital fixe. De plus, Ricardo distingue les biens
reproductibles des non-reproductibles. La valeur d'échange de ces derniers dépend de leur
rareté.

Considérer le travail comme source unique de la valeur, conduira plus tard Karl Marx, dans sa
théorie de la lutte des classes, à considérer le profit des capitalistes comme étant un résultat de
l'exploitation de la force de travail des prolétaires. Marx cite d'ailleurs fréquemment Ricardo
dans Le Capital2 et reprendra la notion de "biens reproductibles" de Ricardo sous le nom de
"marchandises".

Opposition au protectionnisme [modifier]

L'importation du blé, interdite par des lois protectionnistes (les « Corn Laws »), semble être
une solution permettant la restauration des profits. (Essai sur l'influence des bas prix du blé
sur les profits du capital) De fait, un lobby de filateurs britanniques, l'Anti Corn Laws League,
obtiendra leur abrogation en 1846.

Ricardo avance aussi la théorie de « l'avantage comparatif » (en supplément de la théorie de


l'avantage absolu d'Adam Smith) : à savoir que chaque nation a intérêt à se spécialiser dans la
production où elle possède l'avantage le plus élevé ou le désavantage le moins prononcé vis-à-
vis des autres nations.

Théorie de l'avantage comparatif

David Ricardo a démontré que tous les pays, même les moins compétitifs, trouvent un intérêt
à rentrer dans le jeu du commerce international en se spécialisant dans la production où ils
détiennent l'avantage relatif le plus important ou le désavantage relatif le moins lourd de
conséquences.
Dans le chapitre VII des Principes de l'économie politique et de l'impôt, Ricardo développe
l'exemple des échanges de vin et de drap entre l'Angleterre et le Portugal. Avec un nombre
d'heures de travail donné, le Portugal produit 20 mètres de drap et 300 litres de vin tandis que
l'Angleterre produit 10 mètres de drap et 100 litres de vin. L'Angleterre est donc désavantagée
dans les deux productions. Ricardo montre pourtant que l'Angleterre a intérêt à se spécialiser
dans la production de drap, où elle possède un avantage relatif, car avec 10 mètres de drap,
elle obtiendra 150 litres de vin portugais (contre 100 chez elle). À l'inverse, le Portugal devra
se spécialiser dans la production vinicole puisque l'échange avec l'Angleterre de 300 litres de
vin portugais lui permettra d'obtenir 30 mètres de drap anglais au lieu de 20 mètres de drap
portugais. L'Angleterre a un avantage comparatif dans la production de drap alors que le
Portugal possède un avantage absolu.

L'analyse de Ricardo montre ainsi que la spécialisation fondée sur les avantages comparatifs
permet une augmentation simultanée de la production de vin et de drap. Dans son modèle, il
existe toujours une combinaison de prix telle que le libre-échange soit profitable à chaque
pays, y compris le moins productif ; il s'agit d'un jeu à somme positive.

Pour arriver à cette conclusion David Ricardo émet quatre hypothèses : la valeur du travail est
égale au prix multiplié par la quantité de travail ; la concurrence doit être parfaite ; il doit y
avoir immobilité des facteurs de production au niveau international (seules les marchandises
circulent) et enfin la productivité doit être constante.

Le théoricien de l'étalon or

Dans le Bullion Report remis à la Chambre des communes en 1810, Ricardo dénonce
l'émission excessive des billets de banque, source selon lui de l'inflation. Il préconise que
l'émission de monnaie soit limitée par le stock d'or, afin d'en garantir la valeur.

Une vision pessimiste de l'avenir ?

La richesse se répartit entre trois composantes que sont les salaires, les profits et la rente. Pour
Ricardo, l'évolution de la population mène inévitablement à la hausse du prix des subsistances
(du fait des rendements décroissants de la terre) et à celle de la rente foncière (suite au besoin
accru de terres cultivables). Le résultat de cette inflation, que subissent des travailleurs déjà
dans la misère, est de rendre nécessaire une hausse des salaires afin d'assurer la survie de ces
derniers. Ainsi la croissance démographique provoquera nécessairement un écrasement des
profits par la rente, et par conséquent la fin de l'investissement productif, ce que Ricardo
appelle "l'état stationnaire" de l'économie état qui peut être freiné par le progrès technique.
Ricardo rejoint donc le point de vue de Thomas Malthus et critique les aides sociales
accordées aux indigents qui créent la pauvreté sur le long terme en favorisant des naissances
non souhaitables.

L'équivalence ricardienne

L’« équivalence ricardienne » ou la « neutralité ricardienne » est une théorie économique. Elle
est également appelée « effet Ricardo-Barro » ou « théorème d'équivalence de Ricardo-
Barro ». Ce théorème a été énoncé en premier lieu par David Ricardo, économiste classique
du xixe siècle, puis repris par Robert Barro en 1974. Selon ce théorème, il y aurait, sous
certaines conditions, équivalence entre l'augmentation de la dette publique aujourd'hui et
l'augmentation des impôts requise demain par le remboursement de cette dette et le paiement
des intérêts. Si les agents économiques se comportent de manière rationnelle, une politique de
relance (distributions de revenus financée par la dette publique ) ne les poussera pas à
consommer, mais plutôt à économiser (augmentation des taux d'épargne), en prévision de
hausse d’impôts futures. La validité de l'« équivalence ricardienne » a longtemps été – et est
encore – discutée. Le théorème n'a été énoncé que dans des situations très précises, limitées
par des hypothèses nombreuses. Une étude de la DGTPE a suggéré que les ménages, de la
zone euro et en France, pouvaient suivre un comportement ricardien : « une hausse de 1 point
de PIB du déficit public structurel serait compensée par une augmentation de 3/4 de point de
PIB de l'épargne privée, ce qui serait cohérent avec un comportement largement ricardien des
ménages de la zone euro. » (les auteurs de cette étude notent qu’il convient de ne pas
« interpréter trop hâtivement comme une causalité ce type de corrélation ».)1. Christian
Bialès, dans son blog, parle de contestation des hypothèses de l'équivalence ricardienne alors
que ses développements devraient aussi conduire à la contestation du principe lui-même : en
effet, une augmentation de la dette publique n'induit en rien une augmentation future des
impôts. Les pouvoirs publics peuvent choisir de réduire les dépenses,d'emprunter ou
d'augmenter les impôts voire une combinaison des trois... .

Avantage comparatif
En économie, l'avantage comparatif est le concept principal de la théorie traditionnelle du
commerce international. Il a été approché par Robert Torrens en 18151, et démontré pour la
première fois par l’économiste britannique David Ricardo en 1817 dans ses Principes de
l’économie politique et de l’impôt. La théorie associée à l’avantage comparatif explique que,
dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il se spécialise dans la production pour
laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, comparativement à ses
partenaires, accroîtra sa richesse nationale. Cette production est celle pour laquelle il détient
un « avantage comparatif ». Selon Paul Samuelson (prix Nobel d'économie en 1970), il s'agit
du meilleur exemple d'un principe économique indéniable mais contraire à l'intuition de
personnes intelligentes2.

La conclusion principale de cette théorie est que l’obtention d’un gain à l’ouverture au
commerce étranger est, toujours et indépendamment de la compétitivité nationale, assurée. Il
s’agit d'un argument décisif des théoriciens du libre-échange contre ceux qui prônent le
protectionnisme par peur de ne pas trouver de débouchés, car il réfute l’idée de "nations
moins compétitives" qui ne trouveraient qu'à acheter, et rien à vendre, dans les échanges
transfrontières. Bien sûr, la théorie ne réfute pas que le commerce international puisse se faire
au détriment de certains pays, lorsque ses modalités ne sont pas celles du libre-échange
(impérialisme, colonialisme, et autres formes de domination).

Généralement à la base de l’enseignement de l’économie internationale, cette théorie vieille


de deux siècles n’a pas de réfutation formelle. C'est le credo officiel de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC)3.
La démonstration numérique de David Ricardo est considérée en économie comme un
exercice relativement simple. Elle répond cependant à de nombreuses hypothèses, explicites
ou implicites, qui la rendent contestable. Depuis 1817, les économistes se sont donc attachés à
lever ces hypothèses, compliquant et enrichissant la théorie. La validation empirique de cette
dernière a, elle aussi, impliqué une complexification de ses postulats et de ses éléments. Après
Ricardo, nombre d’économistes, dont plusieurs « Prix Nobel » d'économie ont donc associé
leurs noms à l’avantage comparatif. On trouve, parmi les plus connus, John Stuart Mill, Eli
Heckscher, Bertil Ohlin, Wassily Leontief, et Paul Samuelson.

Bien que ces travaux aient toujours confirmé les résultats de Ricardo, ils en ont précisé
certains aspects, et, ce faisant, ont levé de nouvelles problématiques. À titre d’exemple, la
théorie montre que l’ouverture commerciale accroît la richesse nationale, mais aussi qu’elle
en modifie la répartition au détriment de certains agents économiques, peut-être les plus
pauvres.

Une illustration du principe de l'avantage comparatif (cf. explications au paragraphe


Modélisation simplifiée de la théorie classique), dans un cas fictif confrontant deux groupes
d'individus, dont un groupe est plus efficace que l'autre dans les deux types de production
envisagés (le fromage et le vin). La spécialisation de chacun des groupes dans la production
pour laquelle ils disposent d'un avantage comparatif et le recours au libre-échange profitent à
chacun d'entre eux.
Synthèse
D’après la théorie des avantages comparatifs, lorsqu’un pays se spécialise dans la production
pour laquelle il est, comparativement à ses partenaires, le plus avantagé ou le moins
désavantagé, il est alors assuré d’être gagnant au jeu du commerce international.

Dans un monde simplifié, composé de deux pays produisant deux biens, si le pays A doit
renoncer à 3 unités du bien x pour produire une unité supplémentaire du bien y, tandis que le
pays B doit renoncer à seulement 2 unités du bien x pour produire une unité de y, alors
chaque pays s’enrichira si A se consacre à la production de x tandis que B se spécialise dans
celle de y. En effet, le pays A pourra échanger une unité de x contre 1/2 ou 1/3 d’unité de y
(contre seulement 1/3 en autarcie), tandis que le pays B échangera une unité de y contre
entre 2 et 3 unités de x (contre seulement 2 en autarcie).

La théorie des avantages comparatifs constitue l’un des arguments les plus solides en faveur
de la libéralisation des échanges étant donné qu’elle réfute de façon logique l’argument
protectionniste le plus courant selon lequel le libre-échange condamne tout pays ne pouvant
produire aucun bien à meilleur marché que ses concurrents. Toutefois elle démontre
uniquement que le libre-échange est préférable à l’autarcie, et non qu’il est supérieur à toute
politique commerciale intermédiaire. De fait, les prolongements de la théorie des avantages
comparatifs ont abouti à une série de résultats qui nuancent l’argument libre-échangiste
traditionnel.

Conformément à la démonstration de David Ricardo, la spécialisation des pays en fonction de


leurs avantages comparatifs et leur intégration au commerce mondial est profitable à chacun
d’entre eux. Toutefois le commerce international modifie la répartition des revenus au sein de
chaque nation, de sorte qu’une partie de la population profite de l’ouverture commerciale
tandis qu’une autre en pâtit. Le mécanisme qui préside à cette évolution veut que l’intégration
croissante des économies suscite, à productivité identique, une convergence des
rémunérations à travers le monde. En théorie, la mobilité internationale des Facteurs de
production (des hommes et des capitaux) amplifie ce processus.

Cette nuance pose la question des finalités politiques de l’État : accroître la richesse nationale
ou protéger certains groupes d’individus, parfois les plus démunis, parfois les plus riches,
souvent certaines industries à des fins électorales. En fait, ce résultat ne remet pas en cause
l’optimalité du libre-échange dans la mesure où la répartition des richesses peut faire l’objet
d’une politique de redistribution interne par l’impôt, qui sera ou non jugée légitime par la
population.

Par ailleurs, le développement économique des pays partenaires, lorsqu’il occasionne la perte
d’un avantage comparatif, peut, théoriquement, réduire le gain à l’échange sans toutefois
remettre en cause son existence. Cette assertion très récente fait l’objet de critiques au plan
théorique et empirique.

Du point de vue empirique, la théorie de l’avantage comparatif peine à expliquer certains flux
commerciaux. Une partie du commerce international répond à la différenciation des produits
des différentes firmes concurrentes, et non pas seulement à leur compétitivité en termes de
coûts. Auquel cas, les consommateurs profitent du commerce international en voyant la
gamme des produits proposés s’élargir.

Cette observation s’insère dans une description du marché où la concurrence est imparfaite
(présence de monopoles et d’oligopoles) et où la compétitivité des entreprises est en partie
déterminée par la qualité de leur produit. En fait, si de nouvelles théories économiques
contestent la thèse selon laquelle les échanges commerciaux sont toujours le résultat de
l’exploitation d’avantages comparatifs, elles renforcent pourtant la conclusion de Ricardo sur
le fait que tous les partenaires bénéficient des échanges4.

Incompréhensions et paraboles

La théorie des avantages comparatifs, bien que relativement simple, est souvent incomprise, et
cela même par une partie des élites intellectuelles.

Un jour le mathématicien Stanislaw Ulam mit au défi le « Prix Nobel » d'économie Paul
Samuelson de lui citer une seule proposition dans toutes les sciences sociales, qui sans être
triviale, soit vraie. Plusieurs années plus tard, Samuelson proposa comme réponse la théorie
de l’avantage comparatif. Il expliquait que « Cette notion est logiquement vraie car elle n’a
pas besoin d’être démontrée à un mathématicien et elle n’est pas triviale puisque des milliers
d’hommes importants et intelligents n’ont jamais pu la comprendre d’eux-mêmes ou y croire
une fois qu’elle leur eut été expliquée.5»

Face à cette incompréhension fréquente, les économistes s’ingénient depuis un demi-siècle à


trouver des façons toujours plus simples de faire comprendre la théorie de l’avantage
comparatif.

Dans cette vulgarisation à outrance, Paul Samuelson imagine un avocat qui fait tout mieux
que sa secrétaire, et explique qu’évidemment cette dernière ne sera pas licenciée pour autant.
En effet, l’avocat trouve intérêt à déléguer des tâches et de dégager ainsi un temps
supplémentaire pour un travail plus rémunérateur, le traitement de ses dossiers. À l’évidence,
la secrétaire trouve aussi un grand avantage à ne pas devoir se livrer à un travail d’avocate.

L’économiste James Ingram6 propose une autre parabole. Un entrepreneur américain a


découvert une technologie secrète qui permet de transformer à faibles coûts des matières
premières américaines (bois, blé...) en un produit manufacturé de grande qualité. Forcément,
certaines entreprises américaines pâtissent de cette innovation, mais pour autant notre
entrepreneur est salué comme un héros national de l’économie de marché. Hélas, un
journaliste enquête et découvre qu’en fait l’entrepreneur échange sur les marchés mondiaux le
bois et le blé contre des produits manufacturés fabriqués à l’étranger. Soudainement,
l’entrepreneur est accusé d’être un traître. Pourtant le fait que sa réussite vienne du commerce
ou d’une technologie secrète ne change strictement rien à la richesse américaine, qui de fait
est accrue.

La théorie de l’avantage comparatif


La théorie classique
David Ricardo écrit Des principes de l'économie politique et de l'impôt en 1817, et y avance
que le libre-échange est profitable en toute condition et pour toutes les nations. Cette idée
s'oppose avec la pensée dominante de l'époque.

Jusqu’au XIXe siècle, le commerce international est une guerre. Ici la bataille de
Scheveningen en 1653, opposant Britanniques et Néerlandais

Le contexte politique de l’Europe depuis la constitution des États-nations à la Renaissance est


celui de guerres régulières et du gouffre financier qu’elles représentent. Le but que se sont
assigné les auteurs mercantilistes, qui dominent alors la pensée économique, est donc de
remplir les coffres du royaume pour en accroître la puissance militaire. Pour ce faire,
l’objectif de la politique économique est d’avoir une balance commerciale excédentaire afin
de profiter de rentrées d’or et d’en limiter les sorties. Le commerce international est conçu
comme un jeu à somme nulle dans lequel les importateurs perdent de l’or quand les
exportateurs en gagnent. Le mercantiliste français Antoine de Montchrestien conclut donc en
1615 :

« Les marchands étrangers sont comme des pompes qui tirent hors du royaume [...] la pure
substance de nos peuples [...] ; ce sont des sangsues qui s’attachent à ce grand corps de la
France, tirent son meilleur sang et s’en gorgent7 »

La politique commerciale des puissances européennes est donc guidée par la restriction
maximale des importations et l’encouragement des exportations. En France, Colbert établit
des manufactures de grande qualité pour convaincre une clientèle européenne exigeante.
L’Angleterre et les Provinces-Unies luttent pour le contrôle des mers par l’intermédiaire de
leurs Compagnies des Indes. Le commerce international n’est donc pas du tout caractérisé par
le libre-échange et la coopération économique, mais par la compétition militaire que se livrent
les nations impérialistes d’Europe. Au sein même des nations, les mouvements de
marchandises sont aussi très limités par le système féodal. Vauban, par exemple, tente en vain
d’assurer la libre circulation des grains entre les provinces françaises.

Toutefois, depuis les Lumières, la pensée économique connaît d’importants changements


allant dans le sens du libéralisme. En 1748, dans De l’esprit des lois, Montesquieu fait du
commerce une source de paix entre les peuples8. En Écosse, le philosophe David Hume9 croit
découvrir une contradiction majeure dans le mode de pensée mercantiliste. Selon Hume, si un
pays accroît sa possession d’or grâce au commerce extérieur, alors la circulation monétaire
sur son territoire sera accrue et provoquera une envolée des prix et donc une baisse de sa
compétitivité commerciale. Cette dernière incidence aura pour effet de transformer l’excédent
commercial en déficit, et Hume de conclure qu’à terme les balances commerciales ne peuvent
que s’annuler. Enfin en 1776, le moraliste Adam Smith publie sa Recherche sur la nature et
les causes de la richesse des nations. Il y démontre que chaque pays a intérêt à se spécialiser
dans la production pour laquelle il possède un « avantage absolu », c’est-à-dire pour laquelle
il est plus compétitif que ses partenaires commerciaux, et à utiliser le surplus de cette
production pour l’échanger contre les biens qu’il a renoncé à produire lui-même.

Dix ans après la parution du célébre ouvrage de Smith, la France et l’Angleterre signent le
traité Eden-Rayneval (1786) allant dans le sens d’une ouverture commerciale, mais celui-ci
est dénoncé à la Révolution française. De fait, l’époque de Ricardo est celle des guerres
napoléoniennes, des blocus commerciaux qu’elles impliquent, et de leurs lendemains.

La démonstration de Ricardo

David Ricardo

La Richesse des nations est sans doute l’œuvre la plus connue de toute la littérature
économique, et pourtant son argument en faveur du libre-échange, la théorie de l’avantage
absolu, semble faible. Qu’arrivera-t-il à la nation qui, s’engageant sur la voie du libre-
échange, ne dispose d’aucun « avantage absolu » ? En des termes simples, que produira-t-elle
si les nations avec lesquelles elle commerce produisent tout avec plus de facilité qu’elle ne le
fait ? Ne risque-t-elle pas de voir toute son industrie disparaître ?

L’objet de la théorie de Ricardo, exposée dans Des principes de l'économie politique et de


l'impôt, est de répondre à cette question en affirmant que même la nation la plus désavantagée
accroîtra sa richesse, si elle opte pour le libre-échange.

Pour nous faire comprendre ce principe, Ricardo imagine une économie mondiale composée
de deux pays seulement, l’Angleterre et le Portugal, produisant deux types de biens, du drap
et du vin, dont la qualité est supposée identique. Ricardo place l’Angleterre dans une situation
a priori tout à fait désavantageuse : le Portugal produit plus vite qu’elle à la fois le drap et le
vin. L’Angleterre doit-elle fermer ses frontières pour éviter que ne s’écroule son industrie ?

Heures de travail nécessaires


à la production d’une unité10

Drap Vin
Angleterre 100 120

Portugal 90 80

Pour répondre à cette question il faut analyser les effets de l’alternative envisageable entre
l’autarcie et le libre-échange.

En situation d’autarcie, pour produire les deux unités de vins nécessaires aux deux pays, il
faudra 200 heures de travail, tandis que la production de deux unités de drap demandera 190
heures de travail.

Que se passe-t-il si l’Angleterre produit des draps et le Portugal du vin ? L’Angleterre met
200 heures de travail à produire deux unités de drap. Elle économisera donc 20 heures de
travail susceptibles d’être consacrées à un accroissement de la production. Si on suppose
qu’elle consacre ces 20 heures à la production de drap, la production passera à 2,2 unités.
Quant au Portugal, il met 160 heures à produire deux unités de vin, il dispose donc encore de
10 heures de travail pour accroître sa production, et peut donc la faire passer à 2,125 unités. |}

On remarque donc que la production mondiale de chacune des deux marchandises a profité du
libre-échange, et que globalement, grâce à l’échange qui s’ensuit, les deux nations seront plus
riches qu’auparavant, alors qu’elles n’ont pas accru leurs efforts. Bien sûr, la démonstration
de Ricardo part du principe que le but de l'économie est d'accroître le bien-être matériel des
populations, et non d'assurer la suprématie d'un État sur un autre.

La détermination des prix chez John Stuart Mill

John Stuart Mill

L’explication de Ricardo reste incomplète. Certes, la coopération et la spécialisation de deux


pays dans la production où ils disposent d’un avantage comparatif accroissent la richesse
mondiale, mais comment ce surplus de richesse sera-t-il partagé ? On ne peut répondre à cette
question qu’en s’interrogeant sur les prix relatifs des produits, c’est-à-dire sur le nombre
d’unité de vin que devra céder le Portugal pour obtenir une unité de drap anglais, et
symétriquement.
C’est le philosophe et économiste britannique John Stuart Mill qui résout la question dans ses
Principes d’économie politique en 184811. Il y montre que la détermination du prix
international des produits répond aux principes de l’offre et de la demande. En effet, pour
chaque prix relatif possible, le premier pays souhaitera exporter une certaine quantité du bien
A et importer une certaine quantité du bien B. Le second pays adoptera une attitude
symétrique en exportant le bien B et en important le bien A. Or, il semble improbable que les
quantités offertes et demandées soient similaires. En fait, il ne doit, en principe, exister qu’un
prix relatif pour lequel l’offre et la demande s’égalisent, il s’agit alors du prix relatif constaté
et déterminé par le marché. Ce prix détermine aussi les quantités échangées.

Une des conclusions de John Stuart Mill est que l’ouverture commerciale profitera davantage
aux pays pauvres qu’aux pays riches. En effet, les désirs de consommation et les moyens de
paiement sont beaucoup plus abondants dans le pays riche, si bien que le pays pauvre
profitera d’une demande plus importante et plus rémunératrice pour ses exportations. À
l’inverse, les gains à l’échange du pays riche seront limités par le faible pouvoir d'achat de
son partenaire. Cette pensée optimiste (et contestable) ne fait que renforcer l’idée de Ricardo :
non seulement les pays pauvres peuvent s’insérer dans le commerce mondial, mais ils en
profitent davantage que les pays riches.

Modélisation simplifiée de la théorie classique

L’histoire de la pensée économique s’est faite dans le sens d’une mathématisation croissante,
de sorte que les résultats de la théorie des avantages comparatifs ont fait l’objet de
démonstrations recourant aux outils de l’analyse mathématique.

Les démonstrations qui suivent sont présentes dans la plupart des manuels d’économie
internationale12. Bien qu’elles présentent la théorie « classique », elles utilisent des outils de
l’analyse « néoclassique ».

Les hypothèses

Pour simplifier le raisonnement, le modèle ricardien repose sur quelques hypothèses, dont
certaines seront levées plus loin. On postule donc que :

• Le monde ne connaît qu’un seul facteur de production, le travail.


• Il ne se compose que de deux pays, le pays domestique et le pays étranger.
• Ils ne produisent que deux types de biens : par exemple du vin et du drap.
• Pour ces deux productions, le pays domestique est moins productif que le pays
étranger. Ce désavantage est moins marqué pour la production de drap que pour celle
de vin.
• Les coûts de transport sont nuls.

On s’intéresse aux effets qu’aura le libre-échange sur le pays domestique, dont on suppose
qu’il détient un désavantage absolu pour les deux productions.

Le pays domestique en situation d’autarcie

Le pays domestique produit et consomme donc uniquement du vin et du drap. Pour la


production d’une unité de chacun de ces biens, les travailleurs doivent consacrer un certain
temps. On note :
• la quantité de travail nécessaire à la production d’une unité de vin et le
volume de vin produit.
• la quantité de travail nécessaire à la production d’une unité de drap et le
volume de drap produit.
• représente, par exemple, le coût de production du vin exprimé en quantité
d'unité de drap (voir aussi « coût d'opportunité »).
• le volume total de travail disponible

On a donc la relation logique suivante qui définit la « frontière des possibilités de


production » (contrainte de production) du pays domestique :

On utilise des notations similaires accompagnées d’une astérisque pour le pays étranger. (
sera par exemple la quantité de travail nécessaire à la production d’une unité de drap
dans le pays étranger).

Prix relatifs en situation de libre-échange

En situation de libre-échange les prix du vin et du drap sont modifiés car ils prennent en
compte l’offre et la demande des deux pays. Considérant que la monnaie n’est qu’un
intermédiaire de l’échange et que l’économie ne produit ici que deux biens, on considère que
le prix d’une unité de vin est défini par une certaine quantité de draps et inversement. On
note :

• le nombre d’unités de vin nécessaire à l’achat d’une unité de drap, c’est-à-


dire le prix relatif du drap (par rapport au vin)
• le nombre d’unités de drap nécessaire à l’achat d’une unité de vin, c’est-à-
dire le prix relatif du vin.

On va ici chercher à définir le prix relatif du drap en situation de libre-échange, sachant que
celui du vin se définit d’une façon identique. Le prix est défini par la rencontre des courbes
d’offres et de demandes, sachant qu’une transaction ne peut être effectuée que lorsque la
quantité vendue est égale à la quantité achetée.
Offre et demande relatives de drap en fonction du prix relatif (les axes sont inversés par
rapport à la logique mathématique, les prix étant par convention en ordonnées. voir le
graphique avec les axes inversés en cas d’incompréhension) dans un contexte de libre-
échange entre le pays étranger et le pays domestique.
Sur ce graphique, on définit la demande de drap (une des droites en rouge), en fonction du
prix (sur l’axe des ordonnées), considérant que la hausse du prix provoque une baisse de la
demande et inversement. L’offre de drap de la part des producteurs est définie en fonction du
prix par la courbe bleue. Selon le prix, l’offre relative peut prendre trois valeur : 0 lorsque le
prix est inférieur aux coûts de production des deux pays (première section verticale de la

courbe), lorsque seul le pays domestique à un coût de production inférieur au prix


(deuxième section verticale de la courbe) ; enfin l’offre relative prend une valeur infinie dans
le cas où le prix est supérieur au coût de production des deux pays (dernière section
horizontale de la courbe). Le croisement de la courbe d’offre avec la courbe de demande
permet de définir le prix effectivement observé sur le marché. (1,2 ou 3 par exemple)

Suivant les règles générales du comportement humain on considère que l’augmentation des
prix décourage les consommateurs, de sorte que la courbe de demande relative sera
décroissante (ici, une des courbes rouges DR).

La construction de la courbe d’offre relative est moins intuitive :

• Si , le pays domestique a intérêt à produire du vin (le prix du


drap est inférieur au coût de production), ainsi que le pays étranger vu que d’après
notre hypothèse . L’offre relative de drap est
donc nulle vu que le monde ne produit que du vin.
• Si (le prix relatif du drap est supérieur au coût
de production du pays domestique et inférieur au coût de production du pays étranger)
alors seul le pays étranger a intérêt à produire du vin, et le pays domestique produira
du drap. L’offre relative de drap sera donc égale au rapport entre la production

mondiale de drap et celle de vin, à savoir : .

• Si (le prix relatif du drap est supérieur aux


coûts de production du drap dans les deux pays) le pays domestique a intérêt à
produire du drap, ainsi que le pays étranger. Auquel cas l’offre de vin tend à être nulle,
donc l’offre relative de drap tend vers l’infini (voir Limite (mathématiques élémentaires), cas
de la division d’un réel positif par un réel positif tendant vers 0).

On peut donc construire la courbe bleue d’offre relative (OR) et observer les prix relatifs
possibles (ex. des points 1, 2 et 3) en fonctions des droites de demande relative envisageables.

D’après le graphique, l'équilibre entre offre et demande se fera à l'intersection des deux
courbes (OR) et (DR) ; étant donné qu'aucune courbe de demande (DR) ne coupe l'axe du prix
relatif, le prix relatif du drap sera borné par l’inégalité :

qui implique :
.

« Possibilités de consommation » en situation de libre-échange

Pour mettre en évidence les gains à l’échange, il suffit de comparer les possibilités de
consommation en situation d’autarcie et en situation de libre-échange.

Possibilités de production en autarcie (noir) et possibilités de consommation en situation


de libre-échange (rouge).
La « frontière des possibilités de production » permet de définir tous les volumes de
production envisageables avec une quantité de travail donnée L, de sorte que le pays ne peut
accroître la production d’un bien sans réduire celle d’un autre. La « droite de budget » définit
tous les volumes de consommation possibles, pour un revenu donné lié à une quantité de
travail L donnée en situation d’échange, de sorte qu’il n’est pas possible d’accroître la
consommation d’un bien sans réduire celle de l’autre.

En situation d’autarcie, la consommation est limitée par la production intérieure, c’est-à-dire


par la fonction :

On peut en déduire une fonction affine de coefficient directeur exprimant la


consommation de drap en fonction de celle de vin :

Cette fonction, dite des « possibilités de production », est représentée en noir sur le graphique.

En situation de libre-échange, le pays domestique ne produit que du drap. Une partie


est destinée à l'exportation, et chaque unité est échangée contre unités de vin.

La consommation de drap en fonction de celle de vin sera donc une fonction affine de
coefficient directeur .

Cette fonction est représentée en rouge sur le graphique. On sait qu’elle est supérieure à la
précédente car on a établi que . On peut donc conclure que les
« possibilités de consommation » sont plus importantes en situation de libre-échange qu’en
situation d’autarcie. Ce gain à l’échange est représenté par l’écart entre la droite noire et la
droite rouge.
En fait, on remarque que pour une quantité consommée de vin donnée, il est possible de
consommer plus de drap en situation de libre-échange qu’en situation d’autarcie, et
inversement.

Les prolongements de la théorie

Les analyses de David Ricardo et de John Stuart Mill sont faites dans l’optique de leur
courant de pensée, celui de l’économie classique qui fonde la valeur des choses sur le travail
nécessaire à leur production. La conséquence de cette influence idéologique est que, chez
Ricardo et Mill, les différences entre pays sont essentiellement appréhendées en termes de
productivité du travail. Les autres facteurs de production, et notamment le capital (machines
et équipements) sont négligés.
Multiplication des facteurs de production

Une illustration des différences de dotation en facteurs de production entre différents pays. Ici
une usine d’automobile robotisée dans un pays industrialisé et une fabrique de tissu dans un
pays en développement
Article détaillé : Modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson.

Il revient à deux économistes suédois, Eli Heckscher et Bertil Ohlin, d’avoir au XXe siècle
élargi le champ de l’analyse au facteur capital.

L’idée de la théorie Heckscher-Ohlin est qu’il existe des biens dont la production requiert
relativement plus de travail que de capital, et inversement. Ils postulent par ailleurs que ces
deux facteurs de production sont immobiles à l’échelle internationale.

En vertu des lois de l’offre et de la demande selon lesquelles les prix sont fonctions de la
rareté, le prix du capital est élevé dans les pays où le travail est relativement abondant, tandis
qu’il est faible là où le capital est le facteur de production dominant. Le prix du travail, c’est-
à-dire le niveau des salaires, suit des règles identiques. Partant de ce principe, on comprend
que les pays fortement dotés en capital auront des coûts de production inférieurs pour les
biens dont la production est plus intensive en capital qu’en travail, l’automobile par exemple.
Ces pays disposeront donc d’un avantage comparatif dans ces industries. Inversement les pays
dont la dotation principale est le travail profiteront d’avantages comparatifs dans des
productions intensives en travail, le textile par exemple.

La théorie d’Heckscher-Ohlin apporte deux grandes évolutions, l’une fournit une nouvelle
explication sur l’origine possible des avantages comparatifs, l’autre permet de rompre avec
l’hypothèse du facteur de production unique.

Gagnants et perdants du commerce international

Wolfgang Stolper et Paul Samuelson13 ont, par la suite, cherché à comprendre l’impact
qu’avait le libre-échange sur la répartition des revenus dans un pays donné. Lorsque le pays
s’insère dans le commerce international, il accroît, par sa spécialisation, l’utilisation du
facteur de production dominant de son économie, ce qui provoque, selon les lois de l’offre et
de la demande, une augmentation de sa rémunération. Inversement, en confiant la production
des biens pour lesquels il ne dispose d’aucun avantage comparatif, le pays réduit son
utilisation des facteurs rares, et en diminue donc la rémunération. Le modèle de Ricardo
montrait que tous les pays bénéficiaient du libre-échange ; tout en la confirmant, le
« théorème Stolper-Samuelson » nuance cette conclusion en indiquant qu’au sein de chaque
pays se trouveront des gagnants et des perdants, ceux qui jusque là étaient avantagés par leur
rareté.

Selon ces mêmes mécanismes, le commerce international devrait, sous réserve d’une
intégration commerciale très poussée (encore loin d’être atteinte), faire converger les niveaux
de rémunération d’un même facteur à travers le monde (théorème Heckscher-Ohlin-
Samuelson).

Déterminants de l’avantage comparatif

Depuis la parution de l’ouvrage de David Ricardo, les économistes ont avancé de nombreuses
théories visant à expliquer le différentiel de productivité entre les pays.

Dans la pensée classique, la répartition des avantages comparatifs entre pays est
essentiellement fondée sur des caractéristiques qualitatives : l’habilité des travailleurs, la
détention d’avantages technologiques ou naturels. Nombre d’entre eux sont triviaux. À
l’évidence, les pays peuvent être avantagés par leurs ressources naturelles ou par leur climat.
Ceux disposant de pétrole sur leur territoire sont bien évidemment plus compétitifs pour en
exporter que ceux n’en disposant pas. Le climat, de son côté, explique pourquoi la Norvège
fait venir ses ananas de contrées lointaines.

La pensée néo-classique a enrichi l’approche des classiques en introduisant des déterminants


quantitatifs. Selon Eli Heckscher et Bertil Ohlin, les avantages comparatifs des pays sont
respectivement définis par leurs dotations relatives en travail et en capital. Les pays disposant
d’un volume de capital important, c’est-à-dire de nombreux équipements pour assister les
tâches des travailleurs, auront un avantage comparatif dans la production de biens industriels
nécessitant l’utilisation intensive du facteur capital, comme la chimie, l’automobile,
l’aéronautique... Inversement les pays disposant d’une main-d’œuvre abondante profitent de
bas salaires qui leur permettent d’être plus compétitifs dans les productions intensives en
main-d’œuvre comme le textile ou l’assemblage de biens électroniques.

Au début des années 1950, la tentative de vérification de cette théorie par Wassily Leontief14
sur le commerce extérieur des États-Unis a conduit à un échec et a montré que ce pays était
plutôt exportateur de biens intensifs en travail, et non en capital comme prévu. Toutefois, le
« paradoxe de Leontief » peut être résolu sans renoncer à l’explication quantitative des
facteurs, à condition d’élargir la notion de facteur. En effet, les États-Unis sont exportateurs
de biens ayant nécessité un important travail qualifié, tandis que les pays les moins avancés
sont exportateurs de biens dont la fabrication ne requiert aucune compétence (cf. plus bas
Validité du modèle HOS). Dans ce cas, la synthèse des approches quantitatives et qualitatives
permet donc bien d’expliquer les échanges internationaux en se basant sur une différence de
dotation en facteurs de production.

La distinction des facteurs de production peut donc prendre des formes plus précises et
diverses, si on différencie différents types de travailleurs, différents types de capitaux,
différents types de ressources naturelles...
Enfin, la théorie du cycle de vie du produit a renouvelé l’approche technologique. Selon
Raymond Vernon15, la vie d’un produit se divise en plusieurs étapes, correspondant à plusieurs
phases du commerce international. Dans un premier temps, le produit tout juste conçu dans un
pays riche doit être testé, et le marché national est alors le plus indiqué, d’autant que le prix
encore élevé du bien correspond au niveau de vie du pays riche. Arrivant à un stade de
maturité, l’entreprise sur le point de perdre l’exclusivité sur le produit est incitée à le vendre
sur les marchés étrangers avant l’arrivée de ses futurs concurrents. Le bien, s’il connaît un
important succès, est alors produit en des quantités plus importantes ce qui provoque une
baisse de son coût unitaire de production et donc de son prix. Il devient donc accessible aux
consommateurs des pays moins aisés. Les pays riches détiennent alors un avantage
comparatif. Lorsque le produit atteint un stade de standardisation et se banalise, sa production
devient possible dans les pays à bas salaires, et l’entreprise, pour maintenir sa compétitivité
face aux concurrents, se doit d’en délocaliser la production dans les pays à bas salaires pour le
réexporter par la suite dans les pays riches. L’avantage comparatif est donc désormais entre
les mains des pays à bas salaires.

Lorsque deux pays ne disposent pas de la même monnaie, et que le taux de change n’est pas
révélateur de l’économie réelle, les coûts monétaires ne reflètent plus les coûts réels et sont
susceptibles de modifier artificiellement la répartition des avantages comparatifs.
Historiquement, ce problème a longtemps été résolu par les systèmes de changes fixes
(jusqu’au début des années 1970) et/ou d’étalon or. Dans le monde contemporain, après la fin
des accords de Bretton Woods en 1973, les taux de change flottants ou semi-fixes introduisent
une incertitude sur les gains à l'export. Au sein de zones monétaires, comme la zone euro, le
risque de variations de taux de change susceptibles de fausser la concurrence a motivé la mise
en place d’une monnaie unique.

La croissance nuisible de l’étranger

Dans un article de 200416, Paul Samuelson a tenté, grâce à la théorie des avantages
comparatifs, de déterminer l’impact des progrès techniques des pays émergents sur la
croissance des pays avancés. Il montre qu’un pays peut voir ses gains au commerce
international se réduire lorsque les progrès techniques réalisés par des pays étrangers viennent
contester sa détention d’un avantage comparatif, et ce faisant réduire le prix ou le volume de
ses exportations. Appliquée à un cas d’actualité, la conclusion de Samuelson est que, si la
Chine accroît suffisamment sa productivité pour les biens qu’elle importe actuellement, ses
besoins d’approvisionnement en provenance des États-Unis ou de l’Union européenne se
réduiront, provoquant une dégradation des termes de l’échange pour ces pays riches.

Cette démonstration est essentiellement théorique, et développe donc une éventualité non
vérifiée jusqu’alors dans les faits. L’étude empirique des termes de l’échange montre que leur
évolution depuis 1980 s’est faite au détriment des pays de l’Asie du sud et de l’est, et que
cette dégradation s’est accélérée depuis 199617.

De plus, la conclusion théorique de Samuelson doit être correctement interprétée : en aucun


cas elle ne remet en cause l’existence des gains mis en évidence par Ricardo, mais précise
seulement que ces gains sont susceptibles de se réduire sous l’effet d’une redistribution des
avantages comparatifs entre pays.
Analyse critique et empirique de la théorie
Au plan scientifique, la théorie économique répond tout à la fois à un objectif positif, la
description des phénomènes observés, et à une finalité normative, celle de conseiller les
agents économiques, et en particulier l’État. Les rapports entre la théorie et la réalité sont
donc de deux ordres : l’adéquation de l’explication théorique à l’observation empirique d’un
côté, l’impact de la théorie sur l’histoire des hommes d’un autre.

Impact historique de la théorie

Quels impacts concrets a donc eu la théorie de l’avantage comparatif sur l’histoire ?

L’œuvre de Ricardo a sans doute fait du Royaume-Uni le chantre du libre-échange en Europe,


et a inspiré les vagues de libéralisation du commerce international, d’abord dans les années
1860, puis après 1945. Mais la description des échanges proposée par Ricardo se retrouve
aussi dans la domination commerciale des nations impérialistes au XIXe siècle.

La naissance du libre-échange [modifier]

Le champ de blé par John Constable, 1826


Article détaillé : Corn Laws.

La conceptualisation de l’avantage comparatif au début du XIXe siècle s’inscrit au Royaume-


Uni dans un débat politique aux aboutissants multiples.

Le Royaume-Uni possède alors l’agriculture la plus productive du monde, et a rattrapé sur le


plan économique le retard qu’il avait sur son grand voisin, la France. Les îles Britanniques
sont encore le seul territoire où la révolution industrielle a débuté, et elles s’imposent comme
les grandes gagnantes de plus de vingt ans de guerres européennes. Pour autant, le retour à la
paix en 1815, qui signifie la fin de certaines entraves commerciales, inquiète les propriétaires
terriens de Grande-Bretagne qui parviennent à faire revoter les Corn Laws, des lois
protectionnistes sur les céréales. C’est dans ce contexte que Robert Torrens fait remarquer, en
vain, que la Grande-Bretagne obtiendra davantage de vivres en produisant des biens
industriels à échanger, qu’en se consacrant elle-même à l’agriculture.

Le raisonnement formel de Ricardo, deux années plus tard, démontre le principe qui préside
l’intuition de Robert Torrens. L’exemple du vin et du drap est totalement anodin, et fait
référence à un ancien traité commercial entre l’Angleterre et le Portugal, mais Ricardo vise en
fait directement les Corn Laws. Les Principes de l’économie politique et de l’impôt sont une
réflexion sur la répartition des revenus entre les classes sociales, où Ricardo tente de
démontrer que la hausse de la population (elle triple en un siècle), en alimentant la hausse des
prix du grain, va concentrer la richesse nationale entre les mains des propriétaires terriens
oisifs, au détriment des entrepreneurs. De plus, il pense que l'abrogation des corn laws
permettra aux grains d'être peu chers, permettant ainsi d'empêcher la baisse fatale du taux de
profit, ou dynamique grandiose18, menant à l'état stationnaire : en effet, les prix du grain
augmentant, les salaires de subsistance versés aux travailleurs auraient du être augmentés, et à
terme cela aurait rendu le profit presque nul. Selon lui, une solution à ce problème est
l’ouverture commerciale unilatérale du marché des grains au commerce étranger.

Il est notable que c’est ce dernier argument, et non celui de l’avantage comparatif, qui se
révèle décisif. En 1839, les industriels de Manchester fondent l'Anti-Corn Laws League, une
association dirigée par Richard Cobden qui combat les intérêts des Landlords. Associée au
prolétariat auquel elle promet que le libre-échange provoquera une chute des prix agricoles,
elle se lance dans un affrontement politique qui dure plusieurs années. Ricardo est alors mort
depuis une vingtaine d’années, mais Robert Torrens participe au débat et trouve une première
objection à la libéralisation complète en montrant que, par sa puissance, le Royaume-Uni est
susceptible d’améliorer ses termes de l’échange grâce à une faible taxe douanière. En 1845,
débute, sur les îles Britanniques, une des plus terribles famines de l’histoire, liée à une
maladie de la pomme de terre en Irlande. Celle-ci permet, en 1846, au Premier ministre
Robert Peel d’obtenir du Parlement la suppression des Corn Laws.

Cette mesure reste un quasi-inédit historique, vu qu’il s’agit d’une concession commerciale
sans réciprocité, accordée par un pays libre de toute contrainte (vu qu’il s’agit de la première
puissance mondiale). Mais à l’évidence, un pays ne peut pratiquer le libre-échange tout seul.
C’est ici que la théorie de l’avantage comparatif joue un rôle pour convaincre les autres
puissances, économiquement en retard, d’ouvrir leurs frontières. Napoléon III est le premier à
se laisser convaincre et signe en 1860 un premier traité de libre-échange avec le Royaume-
Uni, alors que les industriels français, se croyant à l’avance condamnés, crient au « coup
d’État commercial ». Devant la réussite de cet accord, de nombreuses puissances d’Europe
comme l’Italie, la Belgique et le Zollverein (future Allemagne) signent des traités semblables.

La logique de l’avantage comparatif dans l’empire britannique

Le principe selon lequel le commerce mondial est toujours profitable pour tous est séduisant
sur le plan théorique, mais est totalement faux sur le plan historique, ne serait-ce que parce
que le libre-échange n’est jamais parfait. L’historien Paul Bairoch19 a décrit les
transformations de la production au sein de l’empire britannique et les désastres qu’a pu
causer une théorie pour le moins mal comprise.
L’œuvre de Ricardo n’est pas consacrée à une étude théorique du commerce international,
mais à une critique de la répartition des richesses dans l’Angleterre du début du XIXe siècle.
Sa conclusion essentielle est que la rareté des terres fertiles sur les Îles Britanniques provoque
la concentration des revenus dans les mains des propriétaires fonciers. Pour répondre à ce
problème, il suggère finalement à son pays de renoncer à son agriculture au profit de
l’industrie, et d’échanger la production de ses manufactures contre des vivres étrangers.

C’est précisément ce que fera le Royaume-Uni au cours du siècle : organiser le commerce


mondial en termes d’avantages comparatifs. Mais cette organisation n’est pas celle induite par
les lois du marché dans un contexte de libre-échange : il s’agit en fait de la mise en place
d’une division internationale de la production dans le cadre du plus grand empire de l’histoire.

A l’époque de Ricardo, l’Angleterre est la seule grande puissance à avoir connu la révolution
agricole, et son agriculture est donc la plus productive du monde. Elle est pourtant sacrifiée au
profit de l’industrie selon la logique décrite par Ricardo, provoquant l’essor de la classe
ouvrière et l’urbanisation insalubre de la Révolution industrielle. Autosuffisante au début du
XIXe siècle, l’Angleterre dépendra pour plus des deux tiers de l’étranger pour son
alimentation au début du siècle suivant.

Inversement, si l’Angleterre a renoncé à son agriculture, une de ses nations « partenaires », ou


plutôt colonisées, doit renoncer à son industrie. Alors que l’Inde est le premier producteur de
textile du monde, elle voit disparaître entièrement sa production artisanale de tissu qui ne peut
faire face à la haute productivité de l’industrie cotonnière britannique. L’Inde va-t-elle
produire les vivres dont l’Angleterre a besoin ? Non car l’avantage comparatif du pays n’est
pas là. L’Inde voit, au contraire, s’effondrer son agriculture vivrière, sacrifiée par les
Britanniques au profit de la culture de produits tropicaux, comme le coton, le jute, ou l’indigo.
La culture du pavot est aussi une de ces productions pour lesquelles l’Inde dispose d’un
avantage comparatif. Hélas, la Chine, principale consommatrice potentielle, a fermé ses ports
à ce produit dont les dirigeants connaissent les effets désastreux sur la population.
L’Angleterre lui livrera donc une « guerre de l'opium » (1838-1842) pour lui imposer ce
commerce.

En fait, dans un contexte historique davantage marqué par l’impérialisme que par le libre-
échangisme, la détention d’avantages comparatifs par les nations les moins puissantes s’est
souvent transformée en véritable malédiction.
Les principaux effets dans le monde (États-Unis, Indes britanniques et Chine) de la
spécialisation industrielle du Royaume-Uni et de sa gestion des avantages comparatifs.

Validité empirique de la théorie

Observabilité des avantages ricardiens

Au plan théorique, le modèle proposé par David Ricardo qui repose sur les différences de
productivité relative répond à un si grand nombre d’hypothèses qu’il semble improbable qu’il
soit confirmé par l’observation des flux internationaux de marchandises. Pourtant, un grand
nombre d’études sont venues le confirmer.

En 1951, une étude20 portant sur les échanges entre la Grande-Bretagne et les États-Unis a par
exemple validé le modèle de Ricardo. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la
productivité des travailleurs américains était en moyenne deux fois supérieure à celle de leurs
homologues britanniques dans tous les secteurs d’activité industriels. Mais comme les salaires
américains étaient deux fois plus élevés, le Royaume-Uni disposait, en fait, de coûts inférieurs
à ceux constatés aux États-Unis dans quelques secteurs. Or l’étude de la structure du
commerce a montré que les britanniques étaient exportateurs dans ces secteurs et importateurs
dans les autres, si bien que les échanges anglo-américains répondaient bien aux avantages
comparatifs de chacun.

Aujourd’hui les études sur la validité empirique de la théorie ricardienne se heurtent à un


obstacle épistémologique majeur. En effet le fondement de l’analyse de Ricardo repose sur la
comparaison des coûts relatifs de production en situation d’autarcie, or dans le contexte actuel
de la mondialisation économique il est très rare qu’un pays possédant un désavantage
comparatif continue à produire le bien concerné, de sorte qu’il n’existe aucune donnée
statistique permettant d’estimer la productivité des différents participants au commerce
international. Or si on ignore la productivité d’un pays pour la production du bien qu’il
importe, on ne peut pas savoir si sa situation d’importateur dérive de la détention d’un
désavantage comparatif vis-à-vis du pays exportateur. La mesure de l’influence des coûts
relatifs de production sur la structure du commerce international est donc très difficile21.

Validité du modèle HOS

En 1951, Wassily Leontief a testé le Modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson sur la structure du


commerce extérieur des États-Unis et a montré que, contre toute attente, ce pays exportait
davantage de biens intensifs en travail que de biens nécessitant beaucoup de capital. Cette
observation empirique est connue sous le nom de paradoxe de Leontief parce qu’elle entre en
contradiction avec les prévisions de la théorie. En fait, de nombreuses explications à ce
paradoxe ont été avancées sans renoncer aux principes de la théorie, Leontief lui-même ayant
expliqué que les États-Unis étaient en fait une économie relativement abondante en travail
dans la mesure où les travailleurs américains étaient alors bien plus efficaces que la plupart de
leurs homologues étrangers.

La résolution la plus classique du paradoxe consiste à distinguer le travail qualifié du travail


non qualifié. Auquel cas l’intuition de d’Heckscher et d’Ohlin sur l’importance de la dotation
en capital et en travail est en partie réfutée, mais le raisonnement théorique conserve toute sa
pertinence, vu qu’il suffit de remplacer les deux facteurs de production d’origine (le capital et
le travail) par la nouvelle distinction (travail qualifié/non qualifié). En 1962, une étude a
confirmé la pertinence de cette résolution du paradoxe en montrant que les exportations
américaines étaient plus intensives en travail qualifié que les importations22.

Pour vérifier si le modèle HOS restait valable à condition de dépasser la seule distinction
capital/travail, d’autres études ont multiplié les facteurs de production afin de comparer les
prédictions de la théorie HOS avec les flux commerciaux effectivement observés. Une étude
de 1987, prenant en compte 12 Facteurs de production (capital, travail, cadres, ouvriers,
pâturages ...), a montré que les prévisions de la théorie n’étaient exactes que dans un peu
moins de 70 % des cas, chiffre en fait relativement faible vu que l’absence totale de
corrélation aurait impliqué un résultat proche de 50%23.

Globalement, le modèle d’Heckscher-Ohlin n’explique finalement que le commerce Nord-


Sud, c’est-à-dire entre pays dont les structures économiques sont très différentes. Or le
commerce Nord-Sud de produits manufacturés ne représente qu’un dixième du commerce
mondial24.

Le problème du commerce intra-branche

La théorie de l’avantage comparatif explique les échanges de produits différents entre pays
différents. Mais dans les faits, l’essentiel du commerce international se réalise entre pays
semblables qui s’échangent des produits substituables. Comment, par exemple, expliquer que
l’Allemagne et la France s’échangent mutuellement des voitures ? Cette partie du commerce
international semble échapper aux déterminants décrits par la théorie de l’avantage
comparatif, et a suscité l’apparition de théories alternatives.

Les théories alternatives

Selon Paul Krugman et James Brander25, ce commerce intrabranche peut s’expliquer par la
structure oligopolistique des marchés. Partant du constat que certaines branches d’activités
sont dominées par un petit nombre d’entreprises, ils expliquent que le libre-échange se traduit
par une mise en concurrence internationale, dans laquelle les entreprises tentent de se
déstabiliser mutuellement. Pour ce faire, chaque firme tente de conquérir des parts de marchés
dans les pays étrangers, et y vend moins cher que sur son marché national. En pratiquant ce
« dumping réciproque », chaque firme a tendance à gagner des parts de marché à l’étranger, et
à en perdre sur son marché national. Le résultat de l’ouverture des frontières dans ce contexte
d’oligopoles est une concurrence accrue qui se manifeste par l’échange entre pays de produits
similaires et par la baisse des prix.

Des économistes comme Avinash Dixit, Victor Norman, Kelvin Lancaster ou Paul Krugman,
ont par ailleurs montré que la présence des économies d’échelle pouvait, en l’absence
d’avantages comparatifs, susciter des spécialisations internationales arbitraires dans certaines
branches économiques. Si deux pays ont des productivités identiques dans toutes les branches
d’activités, ils n’ont, selon la théorie de l’avantage comparatif, aucune raison de se spécialiser.
La théorie contemporaine contredit cette prévision de la théorie classique : les pays ont intérêt
à se spécialiser, car cette spécialisation suscite des économies d’échelle, à savoir que
l’augmentation du volume de la production d’un bien dans un pays lui permet d’abaisser son
coût unitaire de production. Cependant, cette nouvelle théorie, en levant deux des hypothèses
de Ricardo (celle des rendements constants, et celle de la nécessité de différences de
productivité entre partenaires), ne fait que renforcer la conclusion finale selon laquelle les
échanges sont toujours bénéfiques26.
La dernière grande explication de ce commerce intrabranche est le goût des consommateurs
pour la diversité. Sur chaque marché, les entreprises se font une concurrence à la fois sur les
prix, mais aussi sur la différenciation de leurs produits. Lorsqu’un pays s’ouvre au commerce
mondial, ses firmes peuvent proposer leurs produits sur les marchés étrangers, où ils seront
plus ou moins compétitifs, autant pour des raisons de coût que de qualité. L’ouverture
commerciale permet alors de réaliser un gain non mesuré par la théorie de l’avantage
comparatif car la gamme de produits différenciés proposée aux consommateurs est accrue,
tandis que les firmes réduisent leurs coûts de production en disposant d’un marché élargi
permettant la réalisation d’économies d’échelle27.

La défense de l’avantage comparatif

Alors que se développaient les théories alternatives, l’approche du commerce international en


termes d’avantage comparatif s’est elle aussi renouvelée.

Les défenseurs de la thèse de Ricardo réfutent d’abord le caractère non explicatif de la théorie
des avantages comparatifs, pour les échanges commerciaux entre pays semblables. Ils font
remarquer que le qualificatif « semblable » est une approximation grossière et que les pays ne
sont jamais identiques. L’analyse des échanges intrabranches entre ces pays permet de voir
que les échanges de type vertical, à savoir l’échange de produits de qualités différentes,
représentent par exemple 72 % de ce type de commerce au sein de l’Union européenne. Or
cette différenciation des produits, dits « semblables », en terme qualitatif permet de
réintroduire les déterminants ricardiens de l’échange international.28

L’application de la théorie de l’avantage comparatif dans un modèle avec deux biens, mais
avec plus de deux pays permet, par ailleurs, d’expliquer le caractère variable des
spécialisations. Entre le pays ayant le meilleur avantage comparatif pour le vin, et celui
disposant du meilleur avantage comparatif pour le drap, se situent, selon une certaine
hiérarchie (dite « échelle d’Edgeworth ») un important nombre de pays intermédiaires. Si le
prix mondial du drap est élevé, les pays intermédiaires auront plutôt tendance à produire du
drap, et inversement. L’évolution des prix relatifs sur les marchés mondiaux sera donc
susceptible de faire basculer un pays intermédiaire d’une production à une autre, créant des
situations transitoires dans lesquelles les pays intermédiaires importent et exportent les mêmes
produits.

Toujours selon ce principe de hiérarchie des avantages comparatifs, pour la production de vin,
un pays A peut disposer d’un avantage comparatif sur B, tandis que B en possède un sur C.
Auquel cas, le pays B importera du vin depuis le pays A, et en exportera vers le pays C. Il se
retrouvera donc importateur et exportateur d’un même produit29.

Autre explication, si un pays tente de créer, grâce à une politique adéquate, un avantage
comparatif dans la production d’un bien A, il réduira progressivement ses importations et
augmentera doucement ses exportations, passant dans ce cas par une situation intermédiaire,
où il sera importateur et exportateur du même bien30.

Par ailleurs, à l’échelle nationale, toutes les entreprises produisant un même bien n’ont pas
nécessairement la même productivité. Par analogie aux pays disposant d’avantages
comparatifs, les entreprises disposent d’avantages compétitifs. Il est possible que dans un
pays disposant, globalement, d’un désavantage comparatif, et étant donc importateur,
quelques entreprises disposent d’un avantage compétitif leur permettant d’exporter30.
Avantage comparatif et libre-échange

La théorie de l’avantage comparatif démontre à l’évidence que le libre-échange est infiniment


préférable au plan économique à l’autarcie, mais ne permet pas de conclure à la sous-
optimalité d’une protection douanière limitée et ciblée. De fait, les objections au principe de
l’avantage comparatif sont nombreuses.

Cas de protections commerciales

Une première objection est liée à la détermination des termes de l’échange. Dans la théorie
classique, si l’Angleterre se spécialise dans le drap et le Portugal dans le vin, alors les deux
pays y gagneront plus ou moins selon le prix du vin en drap tel qu’il est déterminé sur les
marchés internationaux. Si un pays est suffisamment puissant économiquement, il se peut que
sa mise en place d’un droit de douane minime contraigne ses partenaires à réduire le prix de
leurs exportations afin de maintenir le prix perçu par les consommateurs. Dans ce cas, le pays
puissant profite d’une amélioration de ses termes de l’échange qui lui permettra d’importer
davantage en exportant moins. Ce raisonnement est incontestable au plan intellectuel, mais
dans la pratique il ne peut s’appliquer qu’à de grandes puissances comme les États-Unis ou
l’Union européenne, qui, en adoptant ce type d’attitude de façon non concertée, risqueraient
de déclencher une guerre commerciale qui réduirait les gains suscités par l’échange31.

La seconde objection est liée à l’existence de défaillances du marché, et plus précisément


d’externalités. Par exemple, si une production permet d’accumuler du savoir-faire, d’accroître
la productivité de l’ensemble de l’économie ou encore de lutter contre le chômage, alors son
sacrifice aura un coût non mesuré par la théorie de l’avantage comparatif. Il est donc possible
que la stimulation de cette production grâce à des protections commerciales ciblées puisse
accroître le bien-être national en protégeant ces externalités, susceptibles d’apporter une
richesse supérieure à celle procurée par le libre-échange. Là encore, le raisonnement
protectionniste est exact et la mise en place d’une protection ciblée est efficace. Toutefois les
défenseurs du libre-échange signalent que dans la plupart des cas, il existe de meilleurs
instruments que la politique commerciale pour corriger les défaillances de marché et résoudre
le problème des externalités, comme par exemple la subvention directe des productions que le
gouvernement souhaite stimuler. La politique optimale est alors idoine et associe libre-
échange et intervention étatique interne. Suivant cette règle, lorsque des pays sont spécialisés
dans des productions connaissant une grande volatilité des prix, ils peuvent trouver intérêt à
associer le libre-échange à une politique interne de régulation de la production (quota,
stocks...)32.

Variations des avantages comparatifs sectoriels

Une augmentation de l'avantage comparatif d'un pays dans un secteur spécifique (par exemple
l'exportation de pétrole suite à la découverte d'un gisement) peut provoquer un phénomène de
« maladie hollandaise » : les exports du pays se concentrent sur un bien, et les autres secteurs
exportateurs de l'économie subissent des pertes de compétitivité-prix et doivent s'ajuster à la
nouvelle situation.

Les brutales variations de revenus qu'entraînent dans des pays fortement spécialisés les
variations de prix de certains marchés (produits agricoles, matières premières, etc.) perturbent
les gains à l'échange des avantages comparatifs. Certains secteurs sont en effet soumis à une
autre défaillance du marché : une grande volatilité des prix. Une solution pour atténuer ces
chocs est d'avoir recours à des fonds de placement pour lisser ces variations de revenus33.

Influence de la concurrence imparfaite

Enfin la théorie de la concurrence imparfaite, qui décrit les marchés mondiaux comme
dominés par un petit nombre de grandes entreprises, se faisant autant concurrence sur les prix
que sur les produits, objecte que, contrairement à ce que prétend la théorie classique, les prix
ne sont pas forcément révélateurs des coûts de production. En d’autres termes, une entreprise
étrangère, parce qu’elle détient un monopole sur un produit, peut pratiquer un prix élevé. Or si
l’entreprise étrangère pratique un prix de vente largement supérieur à ses coûts de production,
le gouvernement peut lever une barrière douanière ciblée, qui, sans réduire le volume du
commerce (dans la mesure où il reste rentable pour l’entreprise étrangère), permet d’accroître
la richesse nationale en améliorant les termes de l’échange. Il semble qu’à nouveau, la
politique commerciale optimale ne repose pas sur le libre-échange mais sur une protection
réduite. Cette proposition protectionniste rencontre la même objection diplomatique que la
première évoquée ; mais surtout la divergence entre les prix de ventes constatés et les coûts de
production est contestée par l’économétrie et la théorie des marchés contestables, selon
laquelle les monopoleurs tendent à ne jamais imposer de prix anormalement élevés afin de ne
pas laisser se développer une concurrence éventuelle34.

Variations des facteurs de production

D’autres objections reposent sur la critique des hypothèses jugées non pertinentes de la
théorie de l’avantage comparatif. L’une d’entre elle poserait, par exemple, le plein-emploi des
facteurs de production, et donc l’absence de chômage, hypothèse qui semble absurde dans le
contexte actuel de nombreux pays. En vérité, le postulat implicite de Ricardo est, plus
exactement, le caractère constant du volume de travail utilisé. D’abord, la question du
commerce international et de ses évolutions est une problématique de long terme, et les
économies ont tendance à corriger les problèmes d’emploi sur les longues périodes. Par
ailleurs, les États modernes disposent de banques centrales qui tendent, par la politique
monétaire, à limiter la variabilité du taux de chômage, autour de son niveau structurel, le
NAIRU, de sorte que les variations à court terme du volume de l’emploi sont relativement
faibles. L’hypothèse implicite du volume constant de travail est donc une approximation
pertinente35.

Dans le contexte de la mondialisation économique, une des hypothèses explicites de la théorie


de l’avantage comparatif s’écroule, celle de l’immobilité des facteurs de production.
Aujourd’hui, les multinationales ne rencontrent que peu de difficultés à transférer leurs
capitaux d’un pays à l’autre. Cette mobilité des facteurs n’est en fait pas du tout nouvelle ;
d’abord parce que la mobilité du capital était déjà importante à la fin du XIXe siècle, ensuite
parce que la mobilité des travailleurs est un des phénomènes historiques les plus marquants de
celui-ci. L’objection populaire à la théorie de l’avantage comparatif est simple : si les capitaux
peuvent passer d’un pays à l’autre, ils auront tendance à se concentrer autour des « avantages
absolus. » En fait, d’un point de vue théorique, la mobilité des facteurs de production repose
sur les mêmes déterminants que la mobilité des produits. Comme l’a montré Robert
Mundell36, dans le modèle HOS, les produits passent d’un pays à l’autre en raison des
obstacles que rencontrent les facteurs de production à en faire autant ; inversement les
facteurs bougent lorsque la mobilité des produits est restreinte. Le commerce international
réside dans un échange de différences, passant soit par les produits, soit par les facteurs. Si les
produits peuvent voyager librement, sans droits de douane et sans coût de transport, le lieu de
production importe peu, et les flux de facteurs seront négligeables. À l’inverse, si une
entreprise pense pouvoir réaliser des profits dans un pays étranger, mais que ce dernier
pratique des droits de douane prohibitifs, sa seule chance sera d’aller produire sur place pour
contourner l’obstacle. Dans cette optique, les effets théoriques des flux de capitaux sont
semblables à ceux des flux de produits dans le modèle HOS : gains de rémunération pour les
facteurs dominants, perte de revenus pour les facteurs dont la rareté est soudainement
contestée. En termes de revenu national, un capital américain investi à l’étranger pour des
raisons de rentabilité provoquera une hausse de la production à l’étranger et une baisse de la
production aux États-Unis, mais au final, le gain réalisé en termes de revenu reviendra à
l’investisseur américain. Il est à noter que beaucoup de libre-échangistes sont hostiles à la
libre circulation des capitaux, mais pour d’autres raisons, en particulier parce que leur forte
volatilité occasionne de l’instabilité dans de nombreux pays, provoquant bulles et crises
financières ou d’endettement37.

Alexander Hamilton

Alexander Hamilton

Alexander Hamilton, né le 11 janvier 1757 1 dans l'île antillaise de Niévès, mort le


12 juillet 1804 à New York (des suites d'un duel dit Duel Hamilton-Burr avec le colonel
Aaron Burr), était un homme politique, financier, intellectuel, officier militaire américain.

Il fonda le parti fédéraliste. Juriste constitutionnaliste des plus brillants, il fut un délégué
influent de la convention constitutionnelle américaine en 1787 et était l'auteur le plus éminent
du Fédéraliste (The Federalist Papers) (1788), l'interprétation la plus importante jamais écrite
sur la Constitution.
Biographie
D'origine écossaise et française, Alexander Hamilton fut le premier et plus influent Secrétaire
au Trésor. Il avait beaucoup d'influence sur le reste du gouvernement et la formation de sa
politique, y compris la politique étrangère. Avançant l'utilisation de la puissance fédérale pour
moderniser la nation, il convainquit le Congrès d'interpréter largement la Constitution pour
passer des lois audacieuses. Elles comprirent la création d'une dette nationale, la garantie
fédérale des dettes des États, la création d'une banque nationale et un système de taxe à
travers des tarifs sur les importations et une taxe sur le whisky qui paierait le tout. En affaires
étrangères, il favorisa les anglais; il donna les instructions à Jay pour le traité de Londres
signé en 1794. Il s'opposa vigoureusement à la Révolution française.

Hamilton créa et domina le parti fédéraliste, le premier parti politique américain qu'il
construisit par un système de clientèle, un réseau de dirigeants d'élite et une politique
éditoriale agressive. Son grand adversaire était Thomas Jefferson, qui s'opposait à sa vision
urbaine, industrielle et pro-britannique et créa un parti rival. Hamilton se retira du Trésor en
1795 pour pratiquer le droit mais fit son retour dans l'arène politique en 1798 comme
organisateur d'une nouvelle armée, destinée à se défendre contre les français en attaquant les
colonies de leur alliée l'Espagne; Hamilton s'en servit également pour menacer l'État de
Virginie. Il s'employa à défaire aussi bien Adams que Jefferson aux élections de 1800; mais
lors du blocage de la Chambre des représentants, il aida à sécuriser l'élection de Jefferson sur
Aaron Burr.

Les historiens voient Hamilton comme le Père Fondateur qui défendit le plus efficacement le
principe d'un gouvernement fort, centralisé et fédéral, et une interprétation élastique de la
constitution. Il soutint l'idée d'une défense nationale forte, des finances nationales solides
basées sur une dette nationale liant le gouvernement national aux hommes riches du pays, et
un système bancaire fort. Son Rapport sur les Manufactures imaginait une nation industrielle
dans ce qui était alors un pays rural. Il soutenait les aides aux industries naissantes mais ce
programme ne passa pas.

« De nombreux hommes d'État tels que Washington, Franklin, Jefferson, Madison, Hamilton,
John Adams, John Jay, Gouverneur Morris et Rufus King voyaient l'esclavage comme un
immense problème, une malédiction, une honte ou une maladie nationale.2 »

Durant la Révolution, il écrivit une lettre au Congrès Continental afin de mettre en place
quatre bataillons d'esclaves pour servir au combat puis les libérer - ainsi que l'armée
continentale procédait habituellement avec les esclaves enlistés; plusieurs États y étaient
amenés vers la fin de la guerre..3 Cela aurait été la première unité de combat noire, le Congrès
approuva le plan d'acheter 3000 esclaves mais les officiels de Caroline du sud mirent leur
veto.4 Des plans précédents ne concernaient que les États. En 1785, en tant que chef des forces
antiesclavagistes de New York, il aida à stopper le commerce des esclaves basé dans la ville
et appuya en faveur d'une loi d'État pour y abolir l'esclavage qui passa finalement en 1799.
Ses conceptions raciales, quoique pas entièrement égalitaires, était plutôt progressive pour
l'époque, estime l'historien James Horton.

Hamilton était profondément impliqué en faveur des principes républicains, exprimé le plus
clairement dans ses federalist Papers.. Sa vision nationaliste et moderniste fut rejetée par la
"révolution de 1800" jeffersonienne. Cependant, après la faiblesse mise en évidence par la
guerre de 1812, d'anciens opposants en vinrent à émuler ses programmes en instituant une
banque nationale, des tarifs, des améliorations internes et une armée de terre et navale. Les
partis postérieurs whig et républicain adoptèrent de nombreux thèmes d'Hamilton mais sa
mauvaise réputation après 1800 ne leur permit pas de le reconnaitre comme inspirateur direct
jusqu'à ce que son style de nationalisme prit l'ascendant à nouveau vers 1900.

Il rédigea Le Fédéraliste (The federalist papers) avec le concours de John Jay et James
Madison sous le pseudonyme de Publius. Il défend dans ces essais l'adoption de la
Constitution.

Après être arrivé sur le continent nord-américain en 1772, il participa à la révolution


américaine et notamment à la bataille de Trenton.

Pensée politique : le fédéralisme hamiltonien


Hamilton était un disciple de Hobbes et Montesquieu. Pour lui, l’Etat est garant de l’intérêt
général et la créativité humaine est la base de toute économie. Il n'obéit pas toujours sans
contraintes aux principes de la raison et de la justice. Un gouvernement doit être énergique,
aux mains des plus doués et des plus raisonnables.

La liberté est liée à la propriété dont la distribution inégale est liée à la nature humaine.
Hamilton conçoit les treize colonies, unies par un texte, économiquement prospères grâce à
l'industrie, vivant dans l'autarcie et le protectionnisme.

Il propose une forme de fédéralisme devant limiter le pouvoir des États et augmenter les droits
des citoyens. Le fédéralisme "hamiltonien" est un instrument du libéralisme et de la
séparation des pouvoirs, qui freinent la pression de la souveraineté populaire. Il se base sur la
primauté des institutions qui émanent des citoyens et qui assument leur pouvoir de décision,
mais en écartant toute ligne politique préalable. Cela en fait la différence par rapport au
fédéralisme intégral à la recherche de doctrines embrassant l'ensemble des domaines
politiques et sociaux.

Comme Jefferson, Hamilton est élitiste et individualiste, mais ses idées démocratiques et
capitalistes s'opposent à l'utilitarisme et à l'optimisme du futur président.

Citations
« Le peuple est turbulent et changeant, rarement il juge ou décide raisonnablement5 »
Friedrich List

Friedrich List

Friedrich List (6 août 1789, Reutlingen - 30 novembre 1846, Kufstein) est un économiste
allemand, partisan et théoricien du protectionnisme éducateur.

Biographie
Né à Reutlingen dans le Bade-Wurtemberg, il enseigne l'économie politique à Tübingen puis
Leipzig et Augsburg. En 1819, il participe à Francfort-sur-le-Main à la fondation de la Société
allemande d'industrie et de commerce, sensibilisé par la recherche de solutions afin de
préserver l'industrie allemande de la concurrence anglaise. A partir de 1825, exilé, il séjourne
aux États-Unis où il aura l'occasion de rencontrer Henry Clay, James Madison et Andrew
Jackson et d'étudier de près la politique d'Alexander Hamilton qui assurera, par les mêmes
principes protectionnistes qui avaient assuré la croissance de l'Angleterre, le développement
industriel du pays. Rentré en Prusse, il sera un des théoriciens du Zollverein et de la
construction des chemins de fer, qui sera un des facteurs de la victoire de la Prusse contre la
France en 1870.

Ses idées
D'après lui, les entreprises nationales ne peuvent se développer si le marché est déjà occupé
par les entreprises de pays étrangers économiquement plus avancés. Le « protectionnisme
éducateur » a pour objectif de protéger sur le moyen terme le marché national afin de
permettre sur le long terme un libre-échange qui ne soit pas à sens unique. Sa théorie concerne
donc particulièrement les pays en voie de développement.

Il est aussi l'un des principaux initiateurs de l'union douanière de 1834 (Zollverein) en
Allemagne.

Friederich List, dans son système national de l’économie politique (1841), fut l’un des
premiers auteurs à diviser l’histoire économique en étapes1.
Lors de son séjour aux États-Unis, il devient admirateur du Système d'économie politique
américain et écrira le Grundriss der amerikanischen politischen Ökonomie, qu'il publia en
forme de lettre à Charles J. Ingersoll dans la National Gazette de Philadelphie, en 1827.

Organisation mondiale du commerce


Organisation mondiale du commerce

Création 1er janvier 1995


Siège Centre William Rappard
Rue de Lausanne, 154
1211 Genève 21
Suisse
Langue(s) anglais, français, espagnol
Budget 182 millions de Francs suisses (2007)
Membre(s) 153 États1
Effectifs 637
Directeur général Pascal Lamy
Site web www.wto.org

L'Organisation mondiale du commerce (OMC, ou World Trade Organization, WTO) est


une organisation internationale qui s'occupe des règles régissant le commerce international
entre les pays. Au cœur de l'organisation se trouvent les Accords de l'OMC, négociés et signés
(à Marrakech) par la majeure partie des puissances commerciales du monde et ratifiés par
leurs parlements. Le but est d'aider, par la réduction d'obstacles au libre-échange, les
producteurs de marchandises et de services, les exportateurs et les importateurs à mener leurs
activités.

Depuis 2001, le cycle de négociation mené par l'OMC est le Cycle de Doha.

Bien que l'OMC ne soit pas une agence spécialisée de l'ONU, elle entretien des liens avec
cette dernière2.

Le siège de l'OMC est au Centre William Rappard, Genève. Le 26 mai 2005, le Français
Pascal Lamy obtient le poste de directeur général de l'organisation, succédant ainsi au
Thaïlandais Supachai Panitchpakdi. Son mandat a été reporté en avril 2009 pour quatre
années.

Histoire
L'OMC est née le 1er janvier 1995, mais le système commercial qu'elle représente a presque un
demi-siècle de plus. En 1947, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
(GATT : General Agreement on Tariffs and Trade) établissait les règles du système, dont le
cinquantième anniversaire a été commémoré lors de la deuxième réunion ministérielle de
l'OMC, qui s'est tenue à Genève en mai 1998.

L'Accord général a rapidement donné naissance à une organisation internationale officieuse,


existant de fait et aussi dénommée officieusement GATT, qui a évolué au fil des ans à travers
plusieurs cycles (ou rounds) de négociation.

Le sommet de Cancun de 2003 a été marqué par une alliance de pays du tiers-monde contre
les projets de libéralisation des services qui étaient sur la table des négociations. Cette alliance
visait à obtenir de la part des pays riches une modification de leurs politiques agricoles et a
abouti, face au refus de ceux-ci, à l'échec des négociations.

Champ d'application

L'OMC s'occupe du commerce des marchandises (GATT 1947/ 1995/ dumping/ subventions/
mesures sanitaires/ etc), des services (AGCS selon quatre modes, télécommunication/ offerts
sur place / grâce à l'investissement/ grâce au déplacement mais sans investissement), des biens
agricoles (ASA) et industriels, et de la propriété intellectuelle (les Aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)).

Il existe des accords dit « plurilatéraux » dans des domaines plus spécifiques et qui ne
concernent qu'un nombre limité de pays. Il s'agit : des aéronefs civils (Boeing, Airbus,
Embraer, Bombardier, etc) et les marchés publics.

Les produits laitiers et la viande bovine sont deux domaines politiquement sensibles et qui
n'ont pas pu encore être réglés par l'OMC.

Fonctionnement
L’OMC est avant tout un cadre de négociation, un lieu où les gouvernements membres se
rendent pour essayer de résoudre les problèmes commerciaux qui existent entre eux. La
première étape consiste à discuter. Ces négociations demandent des moyens importants pour
pouvoir être suivies efficacement par les membres de l'organisation (juristes, experts, etc.).
L'OMC fonctionne sur un mode démocratique au sens où chaque Etat représente une voix,
quel que soit son poids politique ou économique.

Sommets

En 1996, la première conférence ministérielle se tient à Singapour. Lors de cette première


rencontre, il est décidé de créer trois nouveaux groupes de travail. Un sur le commerce et
l'investissement, un sur l'interaction du commerce et de la politique de la concurrence et un
sur la transparence des marchés publics. Ces sujets sont généralement désignés sous le nom de
« questions de Singapour ».

En 1998, la 2e conférence ministérielle se tient à Genève. Le commerce électronique est ajouté


au programme de travail de l'OMC.

En 1999, la troisième conférence ministérielle, à Seattle aux États-Unis, s'est conclue sur un
échec, les délégations des cent-trente-cinq pays membres se séparant sans lancer le cycle du
« millénaire ». Les pays du Sud forment pour la première fois un bloc de négociation.

En 2001, la quatrième conférence ministérielle, à Doha, au Qatar, marque le début du cycle de


Doha, du programme de Doha pour le développement et du lancement d'un programme de
négociations sur trois ans, comprenant notamment les services. La question de l'accès des
pays les plus pauvres aux médicaments s'est trouvée au centre des discussions, ce qui permet
leur ralliement au principe de l'ouverture d'un nouveau cycle.

En 2003, la cinquième Conférence ministérielle de l'OMC, à Cancún, au Mexique, marque le


second échec en quatre ans, principalement à cause de l'opposition entre grandes puissances et
G22 sur le dossier agricole.

En 2005, la sixième Conférence ministérielle de l'OMC, à Hong-Kong, débouche sur un


accord sur la suppression, d'ici à 2013, des subventions aux exportations agricoles.

Accords

Il existe plus de soixante accords définissant les règles de fonctionnement de l'OMC. Le


principal accord est l'Accord cadre instituant l'OMC.

Trois accords importants définissent les règles du commerce dans le domaine des
marchandises, des services et de la propriété intellectuelle :

• Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), toujours en vigueur
mais appelé désormais « GATT 1994 ».
• Accord général sur le commerce des services (AGCS, en anglais GATS)
• Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
(ADPIC, en anglais TRIPS)
Deux autres accords définissent la procédure de règlement des différends et l'examen de la
politique commerciale des gouvernements.

De nombreux accords complémentaires et annexes contiennent des prescriptions plus précises


pour certains secteurs ou pour certaines questions comme l'accord sur l'agriculture, l'accord
sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (en Anglais SPS), l'accord sur les mesures
concernant l'investissement et liées au commerce (en Anglais TRIMs) ou l'accord sur les
obstacles techniques liés au commerce (en anglais TBT).

Les travaux menés actuellement par l'OMC découlent en majeure partie des négociations qui
se sont tenues de 1986 à 1994, dénommées le Cycle d'Uruguay, et de négociations antérieures
qui ont eu lieu dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
(GATT). L'OMC accueille actuellement de nouvelles négociations, dans le cadre du
Programme de Doha pour le développement lancé en 2001.

Lorsque les pays se sont heurtés à des obstacles au commerce et ont voulu les réduire, les
négociations ont contribué à libéraliser le commerce. Mais l'OMC ne s'emploie pas seulement
à libéraliser le commerce, et dans certaines circonstances, ses règles peuvent favoriser le
maintien d'obstacles au commerce – par exemple pour protéger les consommateurs ou
empêcher la propagation d'une maladie. Cela n'a cependant pas empêché l'ORD de pénaliser
l'Union européenne pour avoir refusé d'importer du bœuf aux hormones américain.

Directeur général [modifier]

L’OMC a successivement été dirigée par Peter Sutherland de 1993 à 1995, Renato Ruggiero
de 1995 à 1999, Mike Moore de 1999 à 2002, Supachai Panitchpakdi du 1er septembre 2002
au 31 août 2005 et par Pascal Lamy, le directeur général actuel, à partir du 1er septembre 2005.

Critiques à l'encontre de l'OMC


Depuis la fin des années 1990, l'OMC a été l'objet de critiques de la part des mouvements
alter-mondialistes qui lui reprochent de promouvoir la mondialisation de l'économie et la
libéralisation du commerce. Les traités signés sont accusés de plus favoriser les entrepreneurs
des pays riches que les salariés ou les pays pauvres[réf. nécessaire].

Cette organisation internationale est une de celle qui a le plus mis en place d'accords pour
supprimer les droits de douane entre les pays, mais son action économique se limite à la lutte
contre le protectionnisme douanier, l'OMC ne pouvant rien en revanche contre le
protectionnisme monétaire et les manipulations de change de certains pays 3.

Certains considèrent que l'adhésion à l'OMC peut s'assimiler à une récompense pour "bons
comportements" économiques. Le Vietnam a ainsi rejoint l'organisation le 11 janvier 2007
mais la Russie en est toujours absente de nos jours 4.

Beaucoup critiquent aussi la différence de traitement entre sa capacité à faire appliquer les
réformes en matière de commerce (notamment suppression des droits de douanes) en
comparaison du peu d'intérêt qu'elle manifeste à faire respecter les droits fondamentaux
sociaux et éthiques (pas de règle sur les salaires, sur l'environnement, sur les droits syndicaux,
etc.)[réf. nécessaire].

Certains contestent le caractère démocratique de l'OMC en avançant que son mode de


fonctionnement favorise les pays riches capables de mener de front des dizaines de dossiers
simultanés. Les décisions se prenant en suivant le principe du « Qui ne dit mot consent », les
petits pays qui ne disposent que d'un seul représentant pour gérer tous les dossiers seraient
donc la plupart du temps consentants malgré eux.

L'OMC ferait du commerce une valeur suprême qui serait la source d'un conflit de droits avec
des normes internationales en matière de Droits de l'homme, de protection sociale et
environnementale, de protection de la santé, de protection sanitaire, bien que les accords du
GATT précisent explicitement des exceptions à ces fins.

Les altermondialistes se fondent sur ces aspects pour accuser l'OMC de promouvoir le
néolibéralisme et une mondialisation discriminatoire. Ils mettent en débat la nécessité de
remettre le commerce à ce qu'ils considèrent sa juste place en obligeant l'OMC à mieux
coordonner ses décisions à d'autres aspects du droit international via son rattachement à
l'ONU[réf. nécessaire].

Au contraire, certains économistes, comme Joseph E. Stiglitz, voient dans l'OMC une
organisation développant les principes du mercantilisme commercial et dénaturant
profondément ceux du libre-échange[réf. nécessaire].

L'OMC est critiquée par les libéraux qui lui reprochent d'organiser non pas le libre-échange,
mais la régulation des échanges, et d'être ainsi le reflet des points de vue mercantilistes des
hommes politiques5,6.

Conflits
L'OMC s'est dotée d'un « pouvoir judiciaire », l'Organe de règlement des différends (ORD),
auprès duquel les pays qui s'estiment lésés peuvent porter plainte. Une procédure permet de
régler les conflits entre les États membres. Elle est avant tout basée sur la négociation.

Procédure de règlement des conflits

En cas de différend entre deux États membres, la partie plaignante peut demander à entamer
des consultations avec l'autre partie, dans le but de trouver un règlement amiable au conflit.
Cette demande doit être notifiée à l'ORD (Organe de règlement des différends). Les autres
États membres, qui témoignent d'un intérêt commercial substantiel à suivre ces consultations,
peuvent obtenir l'autorisation d'y participer en qualité de tierce partie.( près d' 1/4 des conflits
sont réglés par le mécanisme des consultations).

En l'absence de solution amiable, la partie plaignante peut demander à l'ORD d'établir un


"groupe spécial" (panel). Le groupe spécial est en général constitué de trois personnes,
proposées par le secrétariat de l'OMC. Il a pour mission d'examiner, à la lumière des
dispositions pertinentes des accords de l'OMC, la question portée devant l'ORD et de faire des
constatations propres à aider l'ORD à formuler des recommandations. Les autres États
membres qui démontrent l'existence d'un intérêt commercial substantiel peuvent se porter
tierce partie et présenter des communications écrites au panel. Le groupe spécial établit lui-
même le calendrier de ses travaux et choisit de faire ou non appel à des experts. Il doit rendre,
en principe, son rapport dans un délai de six mois à compter de la date de formation du panel.
Ce délai peut être prolongé mais ne doit pas dépasser neuf mois. Un accord à l'amiable est
encore possible pendant les travaux du groupe spécial

L'ORD peut se réunir pour adopter le rapport du groupe spécial au plus tôt vingt jours (et au
plus tard soixante jours) après sa distribution aux États membres dans les trois langues
officielles de l'OMC (anglais, français et espagnol), à moins qu'un État membre, partie du
différend, ne notifie à l'ORD sa volonté de faire appel ou que l'ORD décide par consensus de
ne pas adopter le rapport (décision au "consensus négatif").

L'Organe d'appel doit statuer sur le rapport du groupe spécial dans les soixante jours de la
notification de la décision de faire appel, et au plus tard dans les quatre-vingt-dix jours de
cette date en cas de difficultés. L'appel est limité aux questions de droit et aux interprétations
du droit données par le rapport du panel.

L'ORD doit adopter le rapport de l'Organe d'appel dans les trente jours de sa distribution aux
États membres. Il assure la surveillance de la mise en œuvre des décisions et
recommandations qu'il a exprimées à la lumière des deux rapports susvisés. La partie
concernée doit, en principe, se conformer immédiatement à ces décisions et à ces
recommandations. Elle pourra néanmoins disposer d'un délai raisonnable fixé par accord
amiable entre les parties ou par un arbitrage. Dans ce dernier cas, ce délai ne doit pas
normalement dépasser quinze mois à compter de la date d'adoption du rapport du groupe
spécial ou de l'Organe d'appel.

En cas de désaccord entre les parties sur le point de savoir si la partie concernée s'est bien
conformée aux recommandations de l'ORD, la question peut être portée devant un groupe
spécial qui dispose alors de 90 jours pour trancher ce différend. Les parties peuvent de
commun accord fixer une compensation volontaire qui vise à "racheter" l'allongement du
délais dans lequel la partie défaillante doit en principe retirer la mesure illicite.

Par ailleurs, dans les vingt jours suivant l'expiration du délai raisonnable visé ci-dessus, la
partie plaignante, qui estime que les mesures de conformité mises en œuvre par l'autre partie
sont incompatibles avec les recommandations de l'ORD, peut demander à l'ORD de suspendre
les concessions et autres droits dont bénéficie l'autre partie dans le cadre des accords de
l'OMC. Si l'État membre concerné conteste le niveau de suspension de concession autorisé par
l'ORD, il peut demander un arbitrage pour vérifier l'adéquation du niveau de suspension des
concessions au niveau d'annulation ou de réduction des avantages.

Principaux conflits

Bilan des procédures de règlement des différends de l'OMC


Panels sur Défendeur Plaignant Partie gagnante

Union États-Unis, Honduras, États-Unis, Honduras,


Bananes
européenne Équateur Équateur

Union
Hormones États-Unis, Canada États-Unis, Canada
européenne

Union
Poulet Brésil Brésil
européenne

Union
Équipement informatique LAN États-Unis Union européenne
européenne

Union européenne, Union européenne,


Boissons alcoolisées Japon
Canada, États-Unis Canada, États-Unis

Union européenne, Japon, Union européenne, Japon,


Industrie automobile Indonésie
États-Unis États-Unis

Union européenne, États- Union européenne, États-


Produits pharmaceutiques Inde
Unis Unis

Union européenne, États- Union européenne, États-


Boissons alcoolisées Corée
Unis Unis

Papiers photographiques Japon États-Unis Japon

Produits agricoles Japon États-Unis États-Unis

Périodiques Canada États-Unis États-Unis

Chaussures Argentine États-Unis États-Unis

Essences reformulées États-Unis Venezuela, Brésil Venezuela, Brésil


Sous-vêtements États-Unis Costa Rica Costa Rica

Chemises États-Unis Inde Inde

Malaisie, Inde, Thaïlande Malaisie, Inde, Thaïlande,


Crevettes États-Unis
et Pakistan Pakistan

Semi-conducteurs États-Unis Corée Corée

Exportations d'aéronefs Brésil Canada Canada

Exportations d'aéronefs Canada Brésil Brésil

Ciment Portland Guatemala Mexique Guatemala

Saumon Australie Canada Canada

Noix de coco Brésil Philippines Brésil

Cuirs pour automobiles Australie États-Unis États-Unis

Restrictions quantitatives Inde États-Unis États-Unis

Mesures de sauvegarde Corée Union européenne Union européenne

Boissons alcoolisées Chili Union européenne Union européenne

États-Unis-Articles 301 à 310 de la loi de


États-Unis Union européenne États-Unis
1974 sur le commerce extérieur

Mesures de sauvegarde à l'importation de


Argentine Union européenne Union européenne
chaussures
Exemple de conflit

La loi américaine sur les foreign sales corporations est une loi qui permet aux entreprises des
États-Unis d'utiliser des paradis fiscaux lorsque celles-ci réalisent des ventes à l'étranger pour
diminuer leur imposition aux États-Unis. Après une plainte de la part de l'Union européenne,
en 1998, auprès de l'OMC, l'ORD a estimé qu'il s'agissait de subventions déguisées à
l'exportation et a condamné les États-Unis à annuler cette législation avant le
1er novembre 2000. Ce jugement, confirmé à plusieurs reprises, n'ayant pas été respecté par les
États-Unis, l'OMC a autorisé, le 7 mai 2003, l'Union européenne à appliquer des sanctions vis
à vis de ceux-ci à hauteur d'un montant de 4 milliards de dollars. Ces sanctions prennent la
forme d'une augmentation progressive des taxes sur 1 600 produits agricoles, textiles et
industriels, à partir du 1er mars 2004. La surtaxe est au départ de 5 % et progresse
automatiquement de 1 % par mois jusqu'à un plafond provisoire de 20 % le 1er mars 2005.

Membres et observateurs
L’OMC regroupe 153 pays membres et des observateurs. Les observateurs peuvent être des
États en cours d'adhésion ou des organisations internationales comme le FMI, la Banque
mondiale, etc.

liste classée alphabétiquement avec entre parenthèses, la date d'entrée dans l'OMC :

Afrique du Sud Gambie (23 Nigeria (1er janvier


(1 janvier 1995),
er
octobre 1996), 1995),
Albanie (8 Géorgie (14 juin Norvège (1er janvier
septembre 2000), 2000), 1995),
Allemagne (1er Ghana (1er janvier Nouvelle-Zélande (1er
janvier 1995), 1995), janvier 1995),
Angola (23 Grèce (1er janvier Oman (9 novembre
novembre 1996), 1995), 2000),
Antigua-et- Grenade (22 Ouganda (1er janvier
Barbuda (1er janvier février 1996), 1995),
1995), Guatemala (21 Pakistan (1er janvier
Arabie saoudite juillet 1995), 1995),
(11 décembre 2005), Guinée (25 Panamá (6 septembre
Argentine (1er octobre 1995), 1997),
janvier 1995), Guinée-Bissau (31 Papouasie-Nouvelle-
Arménie (5 février mai 1995), Guinée (9 juin 1996),
2003), Guyana (1er Paraguay (1er janvier
Australie (1er janvier 1995), 1995),
janvier 1995), Haïti (30 janvier Pays-Bas (1er janvier
Autriche (1er 1996), 1995),
janvier 1995), Honduras (1er Pérou (1er janvier
Bahreïn (1er janvier 1995), 1995),
janvier 1995), Hong Kong (1er Philippines (1er janvier
Bangladesh (1er janvier 1995), 1995),
janvier 1995), Hongrie (1er Pologne (1er juillet
Barbade (1er janvier 1995), 1995),
janvier 1995), Maurice (1er Portugal (1er janvier
Belgique (1er janvier 1995), 1995),
janvier 1995), Salomon (26 Qatar (13 janvier
Belize (1er janvier juillet 1996), 1996),
1995), Inde (1er janvier Roumanie (1er janvier
Bénin (22 février 1995), 1995),
1996), Indonésie (1er Royaume-Uni (1er
Bolivie (12 janvier 1995), janvier 1995),
septembre 1995), Irlande (1er janvier Rwanda (22 mai
Botswana (31 mai 1995), 1996),
1995), Islande (1er janvier République centrafrica
Brésil (1er janvier 1995), ine (31 mai 1995),
1995), Israël (21 avril République
Brunei (1er janvier 1995), dominicaine (9 mars
1995), Italie (1er janvier 1995),
Bulgarie (1er 1995), République
décembre 1996), Jamaïque (9 mars démocratique du Congo
Burkina Faso (3 1995), (1er janvier 1997),
juin 1995), Japon (1er janvier République tchèque
Burundi (23 juillet 1995), (1er janvier 1995),
1995), Jordanie (11 avril Saint-Christophe-et-
Cambodge (13 2000), Niévès (21 février 1996),
octobre 2004), Kenya (1er janvier Sainte-Lucie (1er
Cameroun (13 1995), janvier 1995),
décembre 1995), Kirghizistan (20 Saint-Vincent-et-les
Canada (1er janvier décembre 1998), Grenadines (1er janvier
1995), Koweït (1er janvier 1995),
Cap-Vert (23 1995), Salvador (7 mai 1995),
juillet 2008), Lettonie (10 Sénégal (1er janvier
Chili (1er janvier février 1999), 1995),
1995), Lesotho (31 mai Sierra Leone (23 juillet
Chine (11 1995), 1995),
décembre 2001), Liechtenstein (1er Singapour (1er janvier
Chypre (30 juillet septembre 1995), 1995),
1995), Lituanie (31 mai Slovaquie (1er janvier
Colombie (30 2001), 1995),
avril 1995), Luxembourg (1er Slovénie (30 juillet
Communauté janvier 1995), 1995),
européenne (1er Macao (1er janvier Sri Lanka (1er janvier
janvier 1995), 1995), 1995),
République du Macédoine (4 Suède (1er janvier
Congo (27 mars avril 2003), 1995),
1997), Madagascar (17 Suisse (1er juillet 1995),
Corée du Sud (1er novembre 1995), Suriname (1er janvier
janvier 1995), Malaisie (1er 1995),
Costa Rica (1er janvier 1995), Swaziland (1er janvier
janvier 1995), Malawi (31 mai 1995),
Côte d'Ivoire (1er 1995), Tanzanie (1er janvier
janvier 1995), Maldives (31 mai 1995),
Croatie (30 1995), Taïwan (1er janvier
novembre 2000), Mali (31 mai 2002),
Cuba (20 avril 1995), Tchad (19 octobre
1995), Malte (1er janvier 1996),
Danemark (1er 1995), Thaïlande (1er janvier
janvier 1995), Maroc (1er janvier 1995),
Djibouti (31 mai 1995), Togo (31 mai 1995),
1995), Mauritanie (31 Tonga (27 juillet
Dominique (1er mai 1995), 2007),
janvier 1995), Mexique (1er Trinité-et-Tobago (1er
Égypte (30 juin janvier 1995), mars 1995),
1995), Moldavie (26 Tunisie (29 mars
Émirats arabes juillet 2001), 1995),
unis (10 avril 1996), Mongolie (29 Turquie (26 mars
Équateur (21 janvier 1997), 1995),
janvier 1996), Mozambique (26 Ukraine (5 février
Espagne (1er août 1995), 2008),
janvier 1995), Myanmar (1er Uruguay (1er janvier
Estonie (13 janvier 1995), 1995),
novembre 1999), Namibie (1er Venezuela (1er janvier
États-Unis (1er janvier 1995), 1995),
janvier 1995), Viêt Nam (11 janvier
Népal (23 avril
Fidji (14 janvier 2007),
2004),
1996), Zambie (1er janvier
Nicaragua (3
Finlande (1er 1995),
septembre 1995),
janvier 1995), Zimbabwe (5 mars
France (1er janvier Niger (13 1995)
1995), décembre 1996),
Gabon (1er janvier
1995),

• Liste des pays candidats (et dates de canditature) ayant le statut d'observateurs :
• Afghanistan (21 novembre 2004) • Liban (30 janvier 1999)
• Algérie (3 juin 1987) • Liberia (13 juin 2007)
• Andorre (4 juillet 1997) • Libye (10 juin 2004)
• Azerbaïdjan (30 juin 1997) • Monténégro (10 décembre 2004)
• Bahamas (10 mai 2001) • Ouzbékistan (8 décembre 1994)
• Biélorussie (23 septembre 1993) • Russie (juin 1993)
• Bhoutan (17 septembre 1999) • Samoa (15 avril 1998)
• Bosnie-Herzégovine (17 mai 1999) • Sao Tomé-et-Principe (14 janvier
• Comores (22 février 2007) 2005)
• Éthiopie (13 janvier 2003) • Serbie (10 décembre 2004)
• Guinée équatoriale (19 février 2007) • Seychelles (31 mai 1995)
• Iran (19 juillet 1996) • Soudan (11 octobre 1994)
• Irak (30 septembre 2004) • Tadjikistan (29 mai 2001)
• Kazakhstan (29 janvier 1996) • Vanuatu (7 juillet 1995)

• Laos (16 juillet 1997) • Yémen (14 avril 2000)


• Saint-Siège observateur sans être candidat

• Pays ni candidats ni observateurs :

• Corée du Nord
• Érythrée
• Kiribati
• Marshall
• Micronésie
• Monaco
• Nauru
• Palaos
• Saint-Marin
• Turkménistan
• Tuvalu
Commerce équitable

Paysans producteurs de quinoa vendu sur le marché du commerce équitable en Équateur

Le commerce équitable est un partenariat commercial 1 et un mouvement social 2 qui vise à


l'amélioration du droit et des conditions de commerce des travailleurs marginalisés, en
particulier dans le cadre des échanges internationaux Nord-Sud. Il concerne tout
particulièrement la paysannerie dans son ensemble (production vivrière, matières premières,
artisanat). On le lie souvent au capitalisme compassionnel.

La démarche de commerce équitable consiste en une action collective d'organisation de


nouveaux chemins de production et de distribution pour le marché international, basés sur des
normes sociales, économiques et environnementales propres 3, ne nécessitant pas
l'intermédiaire des États et la modification des législations nationales 2.

Les tenants du commerce équitable font la promotion de la démocratie, de la transparence et


du respect des droits de l’homme, autour d’objectifs définis par les producteurs, dont des prix
de production déterminés non seulement par les coûts économiques, mais en prenant aussi en
compte les coûts de production humains, sociaux et environnementaux.

Une panoplie de groupes et d'associations nationales et internationales font la promotion


active du commerce équitable, notamment l'association FLO (Fairtrade Labelling
Organizations), IFAT (International Federation for Alternative Trade, ou International Fair
Trade Association) ainsi que de nombreuses autres fédérations (à l'exemple de Minga,
Artisans du monde ou la PFCE en France), syndicats et ONG telles qu'Oxfam et le Secours
catholique.

En 2007, les ventes de produits certifiés équitables étaient estimées à plus 2,300 milliards
d'euros, une augmentation de 47 % par rapport à l'année précédente 4. On estime que près de
1,5 million de producteurs et travailleurs défavorisés bénéficient directement du commerce
équitable 5.

Définition du commerce équitable


En 2001, quatre structures internationales de commerce équitable (FLO, IFAT, NEWS,
EFTA) proposent une définition du commerce équitable :

« Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence


et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce
mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions
commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés,
tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable
(soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à
sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et
pratiques du commerce international conventionnel 6. »

Principes du commerce équitable

Producteurs triant les grains de café sur une coopérative certifiée équitable au Guatemala

Le commerce équitable prescrit 10 normes que ses tenants tant au Nord qu'au Sud doivent
appliquer quotidiennement dans leur travail 7. Dans le cas des membres IFAT ou des groupes
certifiés FLO, différents systèmes de contrôle sont en place afin de s'assurer que ces normes
sont respectées.

1. Créer des opportunités pour les producteurs qui sont économiquement en


situation de désavantage. Le commerce équitable est une stratégie pour le combat
contre la pauvreté et pour le commerce soutenable. Son but est de créer des
opportunités pour les producteurs désavantagés ou marginalisés par le système du
commerce conventionnel.
2. La transparence et la crédibilité. Le commerce équitable comprend la gestion de la
transparence et les relations commerciales pour faire des affaires avec nos partenaires
commerciaux.
3. La capacité individuelle. Le commerce équitable est un moyen de développer
l'autonomie des travailleurs. Les organisations du commerce équitable procurent de la
continuité durant laquelle les producteurs et les organisations de marché peuvent
améliorer leurs capacités de gestion et leur accès aux nouveaux marchés.
4. Promouvoir le commerce équitable. Les organisations du commerce équitable ont
pour objectif de sensibiliser leur clientèle ainsi que le grand public aux injustices du
système commercial actuel. Elles doivent aussi être en mesure de fournir de
l'information sur l'origine de ses produits, les conditions de travail des producteurs etc.
5. Le paiement d'un prix juste. Un prix juste dans un contexte local ou régional est
accepté après dialogue et concertation. Cela couvre non seulement les coûts de
production mais permet également une production qui est socialement juste et bien
pour l'environnement. Cela fournit un prix juste aux producteurs et prend en compte le
principe d'un salaire égal pour un travail égal par les hommes et par les femmes. Les
organisations de commerce équitable assurent un paiement immédiat à leurs
partenaires et parfois aident leurs producteurs avec le financement d'un crédit avant la
récolte ou avant la production.
6. Égalité entre les sexes. Les organisations issues de la filière équitable valorisent le
travail des femmes : celles-ci doivent toujours être payées pour leurs contributions
dans le processus de production. La présence des femmes au sein de la gouvernance de
ces organisations est aussi encouragée.
7. Les conditions de travail. Le commerce équitable signifie un environnement de
travail sain et sûr pour les travailleurs. La participation des enfants (si jamais) n'affecte
pas négativement leur bien-être, leur sécurité, leur conditions éducatives, et leur
besoin de jouer et est conforme à la convention des Nations-Unies sur les droits des
enfants ainsi qu'aux lois et normes du pays.
8. Le travail des enfants. Les organisations du commerce équitable respectent la
convention des Nations-Unies sur les droits des enfants, ainsi que lois et normes
sociales sont appliquées afin d'assurer que la participation des enfants dans les
processus de production des produits équitables ne va pas à l'encontre de leur bien-
être, leur sécurité, leur conditions éducatives et besoin de jouer. Les organisations qui
travaillent directement avec des organisations informelles révèlent la participation des
enfants dans la production.
9. L'environnement. Le commerce équitable encourage activement de meilleures
pratiques environnementales et l'application de méthodes responsables de production.
10. Les relations de commerce. Les organisations de commerce équitable font du
commerce en tenant compte du bien-être social, économique et environnemental des
petits producteurs marginalisés et ne font pas de profit derrière leur dos. Elles
maintiennent de longues relations qui reposent sur la confiance et le respect mutuel qui
contribuent à la promotion et l'agrandissement du commerce équitable. Parfois les
producteurs sont soutenus par des crédits avant la récolte ou avant la production.

Structure du mouvement
Les organisations de commerce équitable sont regroupées dans des fédérations nationales et
internationales, qui ont des fonctions de coordination et de promotion du mouvement.

Au niveau international existent différentes fédérations ; leur diversité est à l'image de la


diversité des acteurs du commerce équitable :

• l'association FLO (Fairtrade Labelling Organizations) rassemble depuis 1997 les


organismes de labellisation du commerce équitable ainsi que les réseaux de
producteurs certifiés. La certification FLO porte sur les produits et non sur les
entreprises.
• l'IFAT (International Federation for Alternative Trade – ou International Fair Trade
Association), qui existe depuis 1989, est généraliste. Elle a lancé en 2004
l'accréditation FTO (Fair Trade Organization), qui a pour caractéristique essentielle
de certifier commerce équitable non pas des produits mais des organisations 8.
• le réseau NEWS (Network of European Worldshops) rassemble depuis 1994 les
différents réseaux nationaux de magasins spécialisés.
• l'EFTA (European Fair Trade Association) rassemble depuis 1990 onze importateurs
de produits du commerce équitable européens.

Ces quatre fédérations sont regroupées en 1998 dans un réseau informel nommé FINE, pour :
Fairtrade Labelling Organizations, International Federation for Alternative Trade, Network of
European Worldshops et European Fair Trade Association 9.

• En Amérique du Nord, la Fair Trade Federation (en) rassemble depuis 1994


plusieurs dizaines d'importateurs de produits équitables au Canada et aux États-Unis.

Les associations étudiantes sont aussi particulièrement actives dans la promotion du


commerce équitable sur leurs campus respectifs et dans leurs communautés. Aux États-Unis,
la grande majorité de ces groupes se sont affiliés à l'association United Students for Fair
Trade 10. Au Canada, la plupart des associations étudiantes engagées dans la promotion du
commerce équitable sont affiliées au Réseau étudiant canadien pour le commerce équitable 11.

Les précurseurs [modifier]

Aux États-Unis, dans le courant des années 1940, le mouvement religieux protestant des
Mennonites met sur pied un commerce de denrées produites dans les régions pauvres et
distribuées à travers son réseau. On donnera plus tard le nom de Ten Thousands Villages (Dix
mille villages) à cette organisation. En 1949, l'association chrétienne SERRV, issue de
l'Église de Brethren, s'occupe de réfugiés dans les zones sinistrées de l'Europe. Pour aider les
réfugiés, elle importe des coucous en bois d'Allemagne au Maryland...

Les Boutiques du Monde

Artisanat et produits équitables vendus dans une boutique du monde italienne

À la fin des années cinquante, Leslie Kirkley, directrice d'OXFAM, une organisation
humanitaire créée en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre, est en mission à Hong-
Kong pour un programme d'aide aux réfugiés originaires de Chine continentale. Elle aperçoit
des réfugiées chinoises confectionnant des pelotes à épingle. Kirkley a alors l'idée d'en
remplir une valise et de les vendre dans les boutiques d'OXFAM. À partir de cette date
l'importation et la vente de produits artisanaux devient une pratique systématique de OXFAM
12
, qui crée en 1964 la première organisation de commerce alternatif Alternative Trade
Organizations (ATO).
La même année, la CNUCED lance l'idée Trade, not Aid! (le commerce, pas l'aide),
popularisant ainsi le concept de commerce équitable 13.

Aux Pays-Bas, l'association caritative Steun Onderontwikkelde Streken (SOS) est créée en
1959, mais il faut attendre 1969 pour voir s'ouvrir la première « boutique du monde » aux
Pays-Bas. Elle a un grand succès et de nombreuses boutiques similaires, qui vendent des
produits artisanaux, s'ouvrent au Benelux. En Allemagne, le mouvement Aktion Dritte Welt
Handel est fondé en 1970 dans la mouvance des mouvements de jeunesse chrétiens 12.

En France, le mouvement Artisans du Monde émergeant à partir de 1973 de la mouvance des


Compagnons d'Emmaüs de l'Abbé Pierre crée de la même façon des boutiques où des
bénévoles vendent des produits artisanaux en provenance du Tiers-monde. L'association se
détache rapidement de la sphère Emmaüs et s'implique dans un militantisme tiers-mondiste 14.

En Belgique, deux associations néerlandophones Oxfam-Werldwinkels et francophone


Oxfam-Magasins du Monde voient le jour autour de 1976. Elles sont issues d'Oxfam-
Belgique très active dans les années 1960 dans le soutien aux mouvements de décolonisation.
Les débuts commerciaux sont nés de cette volonté de soutenir les luttes de libération. Si les
boutiques belges vendent du café de Tanzanie, ce n'est pas spécialement pour aider les petits
producteurs, mais pour porter le projet socialiste du président Julius Nyerere. De même pour
le café du Nicaragua, destiné à soutenir les sandinistes 15.

En 1994, 15 associations nationales de 13 pays européens se regroupent au sein de NEWS!


(Network of European World Shops). Au total, cela représente :

• plus de 3 000 associations locales animées par près de 100 000 personnes
(essentiellement bénévoles).
• 250 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisé en 1999.
• 400 groupements de producteurs bénéficiaires dans 50 pays du Sud, soit environ
800 000 familles (5 millions de personnes).

Les matières premières dans le commerce équitable

Dans les années 1980, les ATO doivent faire face à une situation nouvelle : la nouveauté d'un
certain nombre de produits des boutiques du monde commence à s'émousser, la demande
sature, et certains produits artisanaux apparaissent désuets et démodés 16. Ce déclin amène les
militants du commerce équitable à repenser leur action. À cette époque, sur le marché des
matières premières agricoles, les prix s'effondrent.

Des denrées comme le thé, le café, rapidement suivis par les fruits secs, le cacao, le sucre, les
jus de fruits, le riz, les épices et la noix de cajou se substituent alors à l'artisanat dans les
boutiques du monde. Alors qu'en 1992, les parts relatives de l'artisanat et des denrées
alimentaires sont de 80 % et 20 % dans le chiffre d'affaires des boutiques, en 2002, les parts
sont presque inversées, l'artisanat ne représentant plus que 25,4 % 17.

La montée des labels et l'émergence des systèmes de garantie participatifs


Jusque-là, le commerce équitable est confiné à de petits espaces, celui des boutiques
associatives, en Europe et dans une moindre mesure en Amérique. Le public touché est donc
restreint. L'obligation d'aller dans ces boutiques pour n'acheter qu'un ou deux produits est de
nature à rebuter même les plus fidèles sympathisants. Le seul moyen d'accroître la clientèle et
le chiffre d'affaires du commerce équitable est de proposer les produits dans les supermarchés
et hypermarchés de la grande distribution 18. Encore faut-il trouver un moyen de distribuer les
produits en rassurant le consommateur sur leur origine et leur caractère équitable.

Une solution est trouvée en 1988 avec la création du premier label de commerce équitable,
Max Havelaar, à l'initiative de deux Néerlandais, Nico Roozen et Frans Van Der Hoff et d'une
association néerlandaise également, Solidaridad. Le principe de la certification indépendante
permet à des produits d'être vendus en dehors des boutiques du monde, touchant par
conséquent un public beaucoup plus vaste et faisant faire un grand bond au chiffre d'affaires
du commerce équitable. La traçabilité des produits est assurée. Le consommateur a une
garantie qu'à l'autre bout de la chaîne, le producteur y trouve son compte 19. Alors que les
autres initiatives sont fondées sur la confiance qui règne au sein d'une filière spécifique,
distincte du marché conventionnel, les labels sont fondés sur l'objectivation et la
contractualisation des critères.

Les organisations de producteurs s'engagent à se structurer pour assurer une gestion


transparente et démocratiquement contrôlée par leurs membres. Les producteurs doivent aussi
respecter un ensemble de critères sociaux et environnementaux. Tous les maillons de la filière
équitable – organisations de producteurs du Sud, importateurs, industriels – sont ainsi agréés
et contrôlés.

Le label s'applique aussi à des plantations à capital privé. Des standards sociaux et
environnementaux spécifiques s'y appliquent. Dans ce cas, la prime est versée à un comité
paritaire réunissant employés et direction. Elle doit être utilisée au bénéfice des travailleurs ou
des communautés locales.

Dans les années qui suivent, un certain nombre d'associations similaires voient le jour en
Europe et en Amérique, qui proposent d'autres labels de commerce équitable qui se
regroupent finalement sous la bannière de FLO (Fairtrade Labelling Organizations). En 2002,
FLO lance une première certification de commerce équitable. En 2007, sous le nom « Max
Havelaar », « Transfair » ou « Fairtrade », 20 membres de la FLO utilisent le label commun
de International Fairtrade Certification Mark dans 21 pays. Il s'applique à toute une quantité
de produits comme le café, le thé, le riz, les bananes, les mangues, le cacao, le coton, le sucre,
le miel, les jus de fruits, les noix de cajou, les
Retail Value
fruits frais, le quinoa, les épices, du vin, etc. Chiffre d'affaires global du commerce équitable 21.
Année Chiffre d'affaires
Fin 2003, FLO sépare son activité de
certification en créant l'entreprise FLO-Cert, 2006 € 1 609 000 000
cherchant ainsi à suivre la norme internationale 2005 € 1 141 570 191
des certificateurs ISO 65. FLO-Cert s'assure que 2004 € 831 523 066
les cahiers des charges de FLO sont bien 2003 € 554 766 710
respectés, entre autres le fait que les producteurs 2002 € 300 000 000
perçoivent bien le revenu de leurs produits. 2001 € 248 000 000
Celui-ci comprend le prix minimum garanti, qui 2000 € 220 000 000
doit couvrir les coûts d'une production durable,
ainsi que le versement aux organisations certifiées d'une prime de développement qu'elles
pourront utiliser pour des investissements structurels : création d'école, de centres de santé,
achats de terres...

Les standards internationaux de FLO sont l'objet de concertations entre toutes les parties
prenantes. Ils comportent des critères économiques, sociaux et environnementaux.

En 2007, 586 organisations de producteurs et travailleurs dans 59 pays du Sud, regroupant


plus d'un million de producteurs sont concernés par le label. Les détenteurs de licence sont
des importateurs et des industriels qui souscrivent aux standards internationaux du commerce
équitable par un contrat qui stipule non seulement le versement du prix minimum garanti mais
des relations directes et durables avec les organisations de producteurs et l’acceptation du
contrôle de FLO-Cert, l'organisme de certification du label. Ils versent une redevance pour
financer la certification. Suivant la norme ISO 65, c'est aussi le cas des organisations de
producteurs. Un fonds de certification géré par FLO est prévu pour les organisations qui n'ont
pas les moyens d'avancer ces frais.

En plus de la certification sur les produits, une autre organisation, l'IFAT (International
Federation for Alternative Trade) 22, propose une certification sur des organisations, ce qui
permet à de petites structures de se revendiquer du commerce équitable. Ces petites structures
peuvent ainsi offrir leur propre garantie à des produits artisanaux, généralement peu
standardisés, produits en petites quantités par une multitude de petits groupes qui ne peuvent
pas s’acquitter des coûts de certification.

Il est important de préciser que les labels existants ne rendent pas compte de la réalité dans
son ensemble. Ainsi, le commerce équitable a un impact sur la vie de millions de producteurs
qui travaillent dans le domaine de l'artisanat, mais les produits artisanaux ne sont couverts par
aucun label. La raison en tient à la complexité du processus de labellisation : labeliser une
production de matières premières (café, coton...) est possible car le process est standardisé, ce
qui permet aux démarches de contrôle, et donc de labellisation, de l'être aussi. En matière
d'artisanat, il y aurait autant de démarches de labellisation nécessaires qu'il y a de matériaux
(bois, terre, aluminium...) ou de produits (jouets, déco...) existants. Il est donc difficile de
définir une démarche unique, économiquement applicable (c'est-à-dire permettant des
contrôles pour un coût acceptable pour l'importateur et/ou l'organisme labellisateur).

État des lieux du commerce équitable


Le commerce équitable représente une part très marginale du commerce international. On
estime que les échanges équitables bénéficient à 1,5 millions de paysans dans le monde. Il est
devenu le marché qui connaît la croissance la plus rapide au monde. L’Europe représente à
elle seule près de 60 % du marché du commerce équitable mondial et a enregistré en 2005 un
chiffre d'affaires de 660 millions d’euros, soit + 154 % en cinq ans réalisés dans 79 000 points
de vente, dont 55 000 supermarchés. La Suisse et le Royaume-Uni sont en tête avec des parts
de marché significatives : 47 % du marché des bananes en Suisse, 5,5 % du marché du Café
au Royaume-Uni. Les magasins spécialisés en commerce équitable sont au nombre de 2 800
et rassemblent 100 000 bénévoles.

Selon le sondage Pèlerin-CCFD / TNS-Sofres publié le 20 avril 2006, 42 % des Français


déclarent avoir acheté des produits « équitables » au cours des douze derniers mois. La
croissance du secteur pour 2003/2004 s'élèverait à 103 % (83 % pour la grande distribution et
115 % pour les autres acteurs) et à 38 % l’augmentation du nombre de références de produits.
Le chiffre d’affaires global, en France, alimentaire et non alimentaire, s’élèverait à 230
millions d’euros.

Des boutiques différentes

Depuis quelques années, certaines boutiques spécialisées se sont créées en France pour vendre
des produits issus du commerce équitable. On peut également trouver des produits du
commerce équitable dans les magasins bio.

En Belgique, il existait déjà les magasins du monde Oxfam tenus par des bénévoles. On peut
y acheter de l'alimentaire et du très bel artisanat. Depuis peu, d'autres initiatives de commerce
équitable ont vu le jour : des boutiques spécialisées et entièrement dédiées au commerce
équitable : dans les vêtements, dans la décoration ou dans l'alimentaire. Des boutiques en
ligne également. À travers la vente, toutes œuvrent pour la sensibilisation et la promotion du
commerce équitable (Ethicstore, Natural Selection, Tout l'Or du Monde, Bamboo, Optimart,
Satya, Vino Mundo...).

Les producteurs du Commerce équitable


Le commerce équitable bénéficie à 1,5 million de producteurs dans le monde qui peuvent être
grossièrement classés en artisans professionnels et qualifiés, paysans organisés (par exemple
producteurs de cacao en Bolivie ou ouvriers dans des plantations de thé en Inde) et enfin
artisans très pauvres, marginalisés socialement, souvent socialisés grâce à l'appui des ONG
(par exemple, au Népal, 800 artisans travaillent pour l'ONG ACP).

L'enjeu spécifique de l’artisanat

Artisans du Monde, parlant de ses partenaires du sud, classe les producteurs d’artisanat parmi
les communautés les plus marginalisées et les plus dépendantes de la filière commerce
équitable. Ils sont presque entièrement dépendants de la vente à l’exportation. L'activité
artisanale leur est pour eux l'unique source de revenus, permettant à certaines familles
d’échapper à l’exode rural. Les militants d'Artisans du Monde associent dans leur visions de
leur mouvement une action concrète en faveur du développement des communautés des pays
pauvres, et la valorisation de la culture et des savoir-faire de ces communautés. Et ils justifient
leur mode de distribution dans les boutiques en notant que le volume de production des
communautés avec lesquelles ils travaillent est inférieur au seuil à partir duquel les grandes et
moyennes surfaces acceptent de travailler.

Les et le commerce équitable

Toujours selon Artisans du Monde, près de 80 % des producteurs partenaires du commerce


équitable seraient des . Ces dernières, bien qu’exerçant une activité artisanale, se distinguent
pourtant des artisans professionnels. Les chiliennes de la Fondation Solidarité ne savaient pas
fabriquer d’arpilleras en 1973, les artisanes de Ramahaleo à Madagascar ne savaient pas
couper ni confectionner. Pour certaines d’entre elles, majoritairement les seules avec enfants,
le commerce équitable est leur seul revenu possible en dehors de la mendicité 25.
Productions du commerce équitable

Promotion du commerce équitable (textiles) à Saint-Louis du Sénégal

À l'origine, les boutiques de commerce équitable touchaient essentiellement à l'artisanat et au


textile. Puis la gamme de produit s'est peu à peu diversifiée. Outre les textiles et l'artisanat, au
début du XXIe siècle, de nombreux autres produits, généralement de l'alimentation, font
aujourd'hui l'objet d’un commerce équitable. Le café est devenu le produit équitable le plus
vendu. L'habillement, notamment de coton fait l'objet de nouvelles formes d’échange. La mise
en place d'une « garantie » équitable pour le coton, par Max Havelaar, en avril 2005, a
contribué à la mise en place de produits de mode issus du commerce équitable. D'autres
initiatives, indépendantes de la marque, ont également vu le jour dans la mode. Parmi les
pionniers de la mode équitable se trouvent les vêtements Switcher (depuis 1981), les
vêtements Ideo ou encore les baskets Veja. Les engagements sociaux de ces nouvelles
marques, souvent associés à des préoccupations environnementales fortes concernent la
production des matières premières, leur transformation (filage, tissage) et leur assemblage. On
trouve également des projets de commerce équitable dans d'autres secteurs comme les jeux et
jouets Ludeki.

Des gammes de cosmétiques équitables ont également vu le jour. Souvent biologiques et


associées à une démarche de respect de l'environnement, certaines d'entre elles ont fondé leur
principe sur la valorisation des savoir-faire traditionnels liés aux plantes et à la pharmacopée
ancestrale. C'est le cas de Forest People ou encore Guayapi qui proposent des produits
directement issus de ces recettes traditionnelles (Amazonie, Sri Lanka, Madagascar, Maroc,
Burkina Faso...). Les objectifs revendiqués par ces associations sont toujours de valoriser et
pérenniser des savoir-faire traditionnels, de maintenir ouverts des ateliers familiaux tout en
favorisant la biodiversité et en luttant contre la déforestation.

Critiques et Débat
Point de vue des défenseurs du commerce équitable

Le commerce équitable consiste en une relation commerciale globale créant les conditions
d'un véritable développement pour les plus défavorisés. Au-delà d'une question de prix, la
démarche cherche à créer les conditions en acceptant de payer ce surcoût. Le consommateur
est ainsi invité à assumer la responsabilité d'un meilleur équilibre des rapports Nord-Sud et,
dans certains cas, d'une action en faveur de l'environnement, comme ce peut être le cas pour
l'agriculture biologique.

Cette forme alternative de commerce bénéficie ainsi à plus de 1,5 million de producteurs et
d'artisans, qui font vivre plus de 5 millions de personnes, dans plus de 50 pays à travers le
monde.

Les critiques

Le « commerce équitable » et FLO, contribuerait à masquer un problème : la réduction de la


part de l'agriculture vivrière au profit des cultures d'exportation, ce qui rend dépendant des
achats du Nord des populations qui pourraient développer leur souveraineté alimentaire
indépendamment des habitudes de consommation des pays dits « riches ». De là l'importance
de consommer des produits locaux. C'est notamment le point de vue de Réseau Minga en
France, qui défend une approche filière du commerce équitable et ne se reconnait pas dans la
définition de FINE du "Commerce Equitable".

Pour sa part un auteur comme Christian Jacquiau dans son livre Les Coulisses du commerce
équitable, doute de la bonne foi de certains "labels" du « commerce équitable » en arguant de
la réalité des prix, bien en-deçà de l'équivalence escomptée, laissant supposer que ces
nouveaux intermédiaires prélèvent autant que les autres qu'ils décrient et qu'ils cherchent à
concurrencer. Il déclare également que le « commerce équitable n'est qu'un argument de vente
comme un autre » et qu'il constitue une « niche » commerciale supplémentaire qui permet de
différencier un produit d'un autre aux yeux du consommateur final.

Le point de vue du libéralisme économique est que le commerce libre est par définition
équitable : s'il n'y a pas contrainte et que le vendeur vend, c'est qu'il y a intérêt. De même pour
l'acheteur. Le commerce cesse cependant d'être équitable à partir du moment où des contrôles
ou des barrières (droits de douane, quotas, etc.) sont mis en place, car ceux-ci ont toujours
pour effet une augmentation de prix de vente aux consommateurs et/ou une baisse des achats
aux producteurs.

D'autres comme l'Adam Smith Institute ou le Cato Institute souligne qu'en augmentant les
prix des produits « équitables », le commerce équitable incite de nouveaux producteurs à
entrer sur le marché. Dès lors, cela augmente la production et fera baisser le cours des
produits non équitables, au détriment des petits paysans qui ne produisent pas « équitable » et
de l'environnement. Pour ces critiques, en ayant le même effet qu'une subvention sur des
produits au cours bas, le commerce équitable ne fait qu'exacerber le problème en augmentant
la production et en encourageant la poursuite d'activités non viables au détriment de
productions réellement utiles.

Mondialisation
Le terme « mondialisation » désigne l'expansion et l'harmonisation des liens
d'interdépendance entre les nations, les activités humaines et les systèmes politiques à
l'échelle du monde. Ce phénomène touche les personnes dans la plupart des domaines avec
des effets et une temporalité propres à chacun. Il évoque aussi les transferts et les échanges
internationaux de biens, de main-d'œuvre et de connaissances.

Ce terme, spécifique à l'environnement humain, est souvent utilisé aujourd'hui pour désigner
la mondialisation économique, et les changements induits par la diffusion mondiale des
informations sous forme numérique sur Internet.

Définitions
Le terme « mondialisation » apparaît dans la langue française au début des années 1980 dans
le cadre de travaux économiques et géopolitiques. Il signifie l'accroissement des mouvements
de biens, de services, de main-d’œuvre, de technologie et de capital à l’échelle internationale1
et dérive du verbe « mondialiser » attesté dès 19282. Il désigne initialement le seul mouvement
d'extension des marchés des produits industriels à l'échelle des blocs géopolitiques de la
Guerre froide. Longtemps cantonné au champ académique, il se généralise au cours des
années 1990, d'une part sous l'influence des thèses d'émergence d'un « village global » portées
par le philosophe Marshall McLuhan, et surtout par le biais des mouvements antimondialistes
et altermondialistes, qui attirent, par leur dénomination même, l'attention du public sur
l'ampleur du phénomène.

Dans le monde anglophone, la popularisation du terme globalization et son usage comme


terme fourre-tout a accentué le débat académique. Il est maintenant admis que le terme
désigne le développement de l'interdépendance au niveau mondial. À partir de cette définition
générale chaque grand courant académique met l'accent sur la dimension qui lui parait la plus
pertinente. Par exemple, certains universitaires comme Manuel Castells 3 se concentrent sur le
lien entre les dimensions économiques et sociales. D'autres, comme John Urry 4, mettent
l'accent sur la complexité croissante qui caractérise tous les échanges humains (économiques,
culturels et politiques). Aussi, le terme et sa popularité sont liés aux problématiques de
développement, comme le montre Jan Nederveen Pieterse5. Les polémiques qui agitent le
milieu universitaire anglophone reflètent l'existence d'un débat planétaire. Urry est anglais
mais Castells est espagnol et Pieterse hollandais.
Les termes globalization et mondialisation et les sens qui leur sont attribués sont fonction du
point de vue et du courant de pensée des énonciateurs.

Le géographe Laurent Carroué, spécialiste de ces questions plaide pour une distinction plus
nette de ces deux termes. Pour lui la mondialisation peut être définie comme le processus
historique d'extension du système capitaliste à l'ensemble de l'espace géographique mondial.
Il critique l'usage trop vague de globalisation.

Origines et évolutions

La distinction entre ces deux termes est propre à la langue française. Le mot anglais (US)
original est globalization, repris par la plupart des autres langues[réf. nécessaire]. En anglais, les
différentes approches globalization/mondialisation sont explorées par différents courants de
pensées. Le terme anglophone globalization couvre largement le même débat que la
différence sémantique francophone. Comme dans le monde francophone, différentes
personnes donneront différents sens aux termes, mettant l'accent sur la dimension
économique, culturelle ou politique, en fonction de leur appartenance, consciente ou non, à tel
ou tel courant de pensée.

D'un point de vue étymologique, monde (univers) et globe sont suffisamment proches pour
que mondialisation et globalisation soient synonymes dans leur emploi initial en langue
française (1964 pour le premier, 1965 pour le second).

Toutefois, la proximité de « globalisation » avec l'anglais et la particularité de mondialisation


a amené une divergence sémantique.

En français, le terme « globalisation » désigne l'extension supposée du raisonnement


économique à toutes les activités humaines et évoque sa limitation au globe terrestre. Le
terme « mondialisation » désigne quant à lui l'extension planétaire des échanges qu'ils soient
culturels, politiques, économiques ou autres. Dans ce cadre l'expression monde peut désigner
en outre l'espace proche de la terre, accessible par des moyens aéronautiques ou spatiaux
(satellites), ou prendre des significations propres à chaque culture (le monde chinois…). En
revanche, l'expression « globalisation financière » s'est imposée pour désigner la constitution
d'un marché mondial intégré des capitaux. Par ailleurs, les problèmes liés à l'environnement
biophysique se posent désormais globalement à l'échelle mondiale. Les changements
climatiques, la perte de biodiversité, la déforestation ou la pollution due au développement
industriel et à l'activité humaine sont des exemples d'interaction des secteurs économique,
culturelle et politique avec l'actions planétaires.

La différence sémantique peut être envisagée sous un autre angle. Certains voient dans le
terme globalisation la simple transposition du terme anglais en français, globalisation étant
synonyme de mondialisation. D'autres voient une différence de nature entre les deux termes et
considèrent la globalisation comme une étape après la mondialisation, qui la dépasserait et
consisterait en une dissolution des identités nationales et l'abolition des frontières au sein des
réseaux d'échange mondiaux.

Mondialisation

Complètement générique, le terme mondialisation désigne un processus historique par lequel


des individus, des activités humaines et des structures politiques voient leur dépendance
mutuelle et leurs échanges matériels autant qu'immatériels s'accroître sur des distances
significatives à l'échelle de la planète. Elle consiste en l'interdépendance croissante des
économies et contribue à l'expansion des échanges et des interactions humaines6.

Les mondialisations

La genèse du terme explique que ce processus soit le plus souvent envisagé sous le seul aspect
de la mondialisation économique, développement des échanges de biens et de services,
accentuée depuis la fin des années 1980 par la création de marchés financiers au niveau
mondial. Toutefois s'y ajoutent :

• l'aspect culturel qu'apporte l'accès d'une très large partie de la population mondiale à
des éléments de culture de populations parfois très éloignées d'une part et aussi la prise
de conscience par les pays développés dans leur ensemble de la diversité des cultures
au niveau mondial7.
• l'aspect politique que représente le développement d'organisations internationales et
d'ONG8.
• l'aspect sociologique de la mondialisation résumé par Zygmunt Bauman, sociologue et
professeur émérite des universités de Varsovie et de Leeds : « La mondialisation est
inéluctable et irréversible. Nous vivons déjà dans un monde d’interconnexion et
d’interdépendance à l’échelle de la planète. Tout ce qui peut se passer quelque part
affecte la vie et l’avenir des gens partout ailleurs. Lorsque l’on évalue les mesures à
adopter dans un endroit donné, il faut prendre en compte les réactions dans le reste
du monde. Aucun territoire souverain, si vaste, si peuplé, si riche soit-il, ne peut
protéger à lui seul ses conditions de vie, sa sécurité, sa prospérité à long terme, son
modèle social ou l’existence de ses habitants. Notre dépendance mutuelle s’exerce à
l’échelle mondiale (…) » 9.
• l'aspect géographique: la mondialisation est une réalité spatiale qui est aujourd'hui
largement étudiée par de nombreux géographes notamment Laurent Carroué. Elle ne
correspond pas à une uniformisation du monde ou à la disparition des territoires mais
plutôt à la double logique d'intégration-fragmentation qui entraine une hierarchisation
et une polarisation très forte des territoires.

En toute rigueur, il conviendrait ainsi de parler des mondialisations, afin de distinguer le


domaine considéré (économie, culture, politique) et la période historique envisagée.

Un phénomène inéluctable ?

Le caractère inéluctable ou naturel du processus de mondialisation est souvent mis en avant


(voir la citation précédente).

Cependant, cette idée, présentée comme une « idée reçue » par les mouvements d’extrême
gauche, peut être nuancée lorsqu'on s'intéresse de plus près aux aspects commerciaux et
financiers du phénomène. En effet, d'une part « la part des exportations dans la production
mondiale de 1913 ne sera dépassée qu'en 1970 et stagne depuis lors », et d'autre part « les
mouvements nets de capitaux sont actuellement plus modestes qu'au début du XXe siècle »10.

Ainsi, pour l'éditorialiste Martin Wolf, responsable des rubriques économies au Financial
Times, « la mondialisation relève sinon d'un mythe, du moins d'un abus de langage »11.
Mondialisme

Si la mondialisation est un processus qui se traduit dans les faits, le mondialisme est une
idéologie. Celle-ci affirme le caractère inéluctable de la mondialisation et son incompatibilité
avec la structure de l'État-nation, son caractère inhérent à vouloir apporter la paix définitive
par l'instauration d'un gouvernement mondial passant par un humanisme. Le mondialisme en
tant que tel ne constitue cependant pas une idéologie constituée. On le retrouve au sein
d'idéologies plus vastes, allant du néolibéral à l'internationalisme d'extrême-gauche.

Un glissement du sens du terme vers sa seule acception néo-libérale a donné naissance aux
termes d'antimondialisation et d'altermondialisation pour désigner des courants de pensée
visant respectivement à limiter le processus de mondialisation ou à en modifier le contenu.

Conceptions de la mondialisation

Aussitôt que la mondialisation s’est imposée comme phénomène planétaire, on a cherché à la


définir. Deux conceptions, qu’on peut dire « unitaire » et « conflictuelle et plurielle »
s’affrontent autour de l’explication de ce phénomène12,13.

Conception unitaire

Selon la conception unitaire, la mondialisation évoque la notion d’un monde uni, d’un monde
formant un village planétaire, d’un monde sans frontière. Ceci dans une approche
géographique, idéologique ou économique. Cette conception est soutenue par des
organisations internationales ou institutions internationales (notamment le FMI, l’OMC et
autres), par le courant idéologique notamment le mondialisme. Elle est également partagée
par quelques analystes14.

Définir la mondialisation comme l’unification du monde signifie que l’on parle de


l’interpénétration des cultures, des technologies et des économies (intégration dans
l’économie mondiale). De ce fait, les expressions comme culture mondiale ou civilisation
mondiale, gouvernance mondiale, économie mondiale, voire citoyen mondial sont de plus en
plus utilisées.

Si l’approche unitaire de la mondialisation bénéficie des atouts du XXIe siècle (c’est-à-dire le


progrès et révolution de la technologie qui renforce l’intégration physique,
l’internationalisation et l’expansion des mouvements financiers ; et la position du capitalisme,
seul système économique et centre de l’économie mondiale), il est suivi, cependant, par toutes
les critiques fusant sur l’économie de marché ou le capitalisme.

La conception qui définit la mondialisation comme l’unification du monde contient par


ailleurs une position intellectuelle qui prône plus d’ouverture pour arriver à une paix
mondiale, une suppression totale des frontières. En revanche, même si cette conception
présenterait l’avantage de créer dans l’homme le germe de l’espoir, elle resterait cependant
restrictive dans la mesure où elle négligerait les autres manifestations de la mondialisation.

Conception conflictuelle et pluraliste


Opposée à la conception unitaire, la conception conflictuelle et pluraliste considère la forme
actuelle de la mondialisation comme la source de nos problèmes. Elle met en avant une
approche de coopération plutôt que de mise en concurrence, qui est le principe de base de la
forme actuelle de la mondialisation. Les sympathisants les plus farouches de cette conception
sont les courants altermondialiste et antimondialiste. Elle est également partagée par quelques
analystes indépendants. Les problèmes que pose cette approche de la mondialisation sont ceux
de l'hétérogénéité, de l'incompatibilité, de la fragmentation et de l'intégration, de l'ordre et du
désordre, de l'inégalité, de l'exclusion et de la solidarité, de la domination, de l'exploitation,
des affrontements idéologiques et des relations humaines qui sont souvent régies par des
rapports de force.

Cette conception présenterait selon ses tenants l’avantage d’appréhender un peu plus
clairement les éléments divers de ce phénomène aux multiples aspects alors que la première
s’articulerait autour d’un seul point. Du fait d’être défendue par les altermondialistes, cette
conception est généralement vue comme une théorie économique et sociale proche du
socialisme, notamment parce qu'elle prend la défense des plus pauvres. La vision de
l'altermondialisme est davantage de coopération que de mise en concurrence des populations.

Historique
Voir aussi l'article mondialisation économique

Si le vocable « mondialisation » est récent, il désigne cependant différentes périodes de


l'Histoire, dont certaines anciennes 15.

Antiquité

Contestée il y a encore peu, l'idée qu'une sorte de processus assimilable à la mondialisation ait
eu lieu durant l'Antiquité est de plus en plus reconnue par les spécialistes[réf. nécessaire].

On peut situer une première expression de ce processus à partir du second millénaire avant
Jésus-Christ: une vaste zone commerciale s'étendant de l'Indus au monde minoen via les cités
du croissant fertile. Cette première tentative sera de courte durée du fait de l'arrêt des
échanges commerciaux causé par l'irruption d'envahisseurs indo-européens à la fin du second
millénaire.

Une seconde tentative aura lieu à partir de la fondation de l'empire perse qui permet que
s'établisse un contact commercial indirect entre les colonies phéniciennes et grecques, et les
cités indiennes, entre Gibraltar et le Gange. Les Grecs vont ainsi prendre pleinement
conscience de l'étendue du monde comme le montrent les relations d'Hérodote, et, plus
encore, de Ctésias de Cnide, médecin du grand roi perse.

Loin de mettre un terme à ce processus d'unification commerciale, culturelle et diplomatique


du monde antique, la destruction de l'empire perse, et la formation des États hellénistique va
l'accroître sensiblement. Ainsi la "mondialisation" hellénistique partage-t-elle de nombreux
traits communs avec celle de notre temps:

• Le brassage des populations: à la suite des conquêtes d'Alexandre, les Grecs vont
s'installer un peu partout dans l'empire perse (en particulier en Bactriane). En
conséquence se créent des cités cosmopolites à l'exemple d'Alexandrie, peuplée de
grecs, d'égyptiens, de juifs et d'orientaux.
• La constitution d'une culture mondiale: la koiné grecque devient la Lingua Franca, et
la culture grecque devient culture universelle que s'efforcent d'acquérir les non-grec.
S'y joint la constitution d'une welt-Literatur (la bibliothèque d'Alexandrie contenant
des textes indiens et bouddhistes).
• L'intensification et la mondialisation des échanges: le commerce devient
particulièrement florissant, essentiellement du fait qu'Alexandre y réinjecte les
liquidités jusqu'alors thésaurisés par les Perses. D'autre part la quasi-disparition de
toute autorité impériale met à mal les barrières douanières. Se manifestent ainsi
nombre de phénomènes typiques d'une économie "mondialisée": des grecs installés en
Inde confectionnant des Bouddha qui seront exportés jusqu'au Japon.
• Le multilatéralisme: constitution d'États plus ou moins égaux par leur taille et par leur
force, ce qui entraîne une certaine émulation
• L'innovation technique: grandes découvertes scientifiques et avancées techniques qui
ne seront pas égalées avant longtemps à Syracuse et Alexandrie en particulier.

Avant le XVIIe siècle

Les hommes du XVIIe siècle ou des siècles antérieurs avaient des représentations du monde
différentes des nôtres. La terre était peuplée de moins de 700 millions d'habitants. On ne peut
donc pas vraiment parler de mondialisation.

On constate pourtant que des évènements politiques et culturels majeurs ponctuent l'Histoire :

• Extension de l'empire romain, unification de la Chine, grands mouvements de


population,

• Extension de l'empire byzantin à partir du VIe siècle (empereur Justinien),

• Formation de l'empire carolingien aux IXe siècle-Xe siècle, extension musulmane,

• Ouverture de routes commerciales dès la fin du Xe siècle en Europe (cf. Pierre Riché,
le terme Europe n'était pas encore employé), (foires de Champagne au XIIe siècle, à
cette époque, la Chine est florissante avec l'empire Song.

• La Chine lance entre 1415 et 1433 des expéditions vers l'Afrique (amiral Zheng He).

• La Renaissance au XVe siècle s'accompagne d'échanges maritimes en mer du nord, en


mer Baltique (Hanse), et entre la mer du nord et les ports italiens qui contournent
l'Espagne. Au XVIe siècle suivront les grandes découvertes.

Ces changements s'accompagnent d'une extension considérable de l'espace connu ainsi que
des échanges économiques, technologiques et culturels entre civilisations.

L'étude des échanges de biens de ces époques conduit à penser que l'historiographie du
XIXe siècle a sous-estimé l'importance des échanges matériels et culturels entre civilisations
éloignées jusqu'à la fin du Moyen Âge. Par exemple :

• La Route de la soie existait bien avant le XIIIe siècle,


• La mise en évidence de liens commerciaux réguliers entre la région de la baltique et
Rome,
• La découverte en Chine de vases grecs accrédite l'existence de mouvements mondiaux
de biens et d'idées dès l'Antiquité,
• On peut également donner en exemple le rôle fondamental des routes commerciales
arabes sur l'islamisation de l'Afrique,
• Il y eut aussi des échanges entre l'Inde et l'Islam vers le IXe siècle, conduisant à
l'introduction progressive en Europe du système de numération positionnel décimal à
partir de l'An mil.

Aux XVe siècle et XVIe siècle, le mouvement de la Renaissance entraîne un grand


bouleversement : l'imprimerie apparaît, et les européens font de grandes découvertes.

Pendant le siècle des Lumières, la diffusion de la presse, la prise de conscience de


l'héliocentrisme, l'industrialisation et la colonisation entraînent d'autres types de
bouleversements, que Montesquieu analyse en ces termes : « Aujourd'hui nous recevons trois
éducations différentes ou contraires : celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde.
Ce qu'on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières »[réf. souhaitée].

La révolution industrielle

Machine à vapeur de Watt.

Le XIXe siècle qui, pour les historiens, va de la Révolution française à la Première Guerre
mondiale, est marqué par l'essor de la révolution industrielle. On note alors l'abaissement des
coûts de transport, avec la généralisation de la machine à vapeur et celui des coûts de
communication avec le télégraphe. Ces deux éléments permettent une meilleure
intercommunication des différentes parties du globe et d'importants transferts d'hommes, de
biens et de savoirs.

Le XIXe siècle voit aussi d'importants flux de population à l'échelle planétaire. En Europe, la
Révolution agricole éloigne les paysans de leur campagne. Les villes absorbent avec difficulté
la hausse soudaine de la population du vieux continent qui quadruple entre 1750 et 1900. Les
Occidentaux migrent massivement à travers le monde (Amériques, Australie, Algérie…). Ces
flux de population modifient en profondeur la répartition de la main-d'œuvre au niveau
mondial.

Au niveau économique, l'industrialisation rend possible le développement d'échanges de


produits manufacturés entre pays industrialisés et en cours d'industrialisation. La colonisation
entraîne des flux de matières premières depuis les colonies vers l'Europe. L'impact
économique de ces échanges est cependant faible au regard de celui induit par les migrations
mondiales.

La colonisation a également pour effet d'intégrer l'essentiel de la planète dans un espace


politique commun, et de favoriser des transferts financiers entre pays ainsi que vers les
colonies.

Dans le domaine culturel, la multiplication des récits de voyage ou des modes comme
l’orientalisme ou le japonisme montrent la montée en puissance dans l'imaginaire européen
d'autres cultures, elles-mêmes souvent mises à mal par la colonisation. Jules Verne fait faire à
Philéas Fogg Le Tour du monde en quatre-vingts jours, grâce au génie technique européen. À
cette époque cependant, le mondialisme trouve sa première expression d'ampleur sur le socle
du marxisme avec la fondation des Internationales.

Les chaos du « court XXe siècle »

Les débuts du XXe siècle sont marqués par une méfiance croissante à l'égard des échanges
mondiaux, entraînant le repli de nombreux pays sur eux-mêmes au détriment du processus de
mondialisation.

• Le phénomène commence dans le secteur où les échanges étaient les plus importants,
celui de flux humains. En mettant en place de quotas à l'immigration (1911 pour les
asiatiques, 1921 pour les autres populations), les États-Unis arrêtent brutalement le
flux le plus important, tandis que les révolutions russes privent l'Europe d'un important
partenaire commercial et financier.

• La plupart des pays érigent alors d'importantes barrières douanières dans le but de
protéger leur économie. Ce brusque cloisonnement des échanges matériels et
financiers est un facteur essentiel de la crise des années 1930, qui marque le point
d'arrêt quasi-total de la mondialisation.

• Le rejet de ce processus dépasse alors le simple plan économique pour s'étendre à la


politique, avec l'effondrement de la Société des Nations et un refus des cultures
étrangères et des étrangers eux-mêmes qui tourne souvent à la xénophobie.

La mondialisation militaire vue des États-Unis : répartition géographique du commandement


Interarmées de Combat. Cette présence globale permettant la projection de la puissance
armée, sous la forme la plus adaptée à l'action requise par la géostratégie et la tactique, forme
la base de l'ensemble des interventions militaires depuis 1947. Ce déploiement contribue pour
beaucoup pour l'opinion publique mondiale dans la perception d'un Empire américain.

Si le début du XXe siècle freine la mondialisation, la deuxième moitié du XXe relance et


accélère ce processus. Après 1945, celui-ci reprend, de manière très inégale en fonction des
domaines. La reconstruction de l'Europe ainsi, la mise en place du bloc soviétique puis les
décolonisations limitent la portée des échanges de biens et de services. La mondialisation
s'inscrit alors plutôt dans la création d'organisations internationales, ONU, Banque mondiale,
FMI ou GATT, ainsi que dans la généralisation des produits de la culture des États-Unis, en
particulier le cinéma.

Alors que le terme est déjà utilisé, ce n'est que vers 1971 que les échanges de biens
retrouvent, en part du PIB mondial, leur niveau de 1910 et que reprend véritablement la
mondialisation économique. Appuyée sur la baisse des coûts de transport, celle-ci désigne
essentiellement le développement des échanges en biens manufacturés entre pays riches et
nouveaux pays industrialisés (Corée du Sud, Taïwan, Brésil, Argentine…), qui représentent
80% du commerce mondial. Au sein du COMECON, la planification favorise de même
d'importants échanges de biens, largement en isolation vis-à-vis du reste du monde.

Au début des années 1980, de vastes zones géographiques (Afrique, essentiel de l'Asie) ainsi
que les secteurs primaires (agriculture) et tertiaires (services) restent hors du processus de
mondialisation économique, tandis que les flux de population restent faibles. Par ailleurs,
l'amélioration des flux d'informations ainsi que l'assouplissement des lois portant sur
l'investissement étranger favorisent la mise en place de marchés financiers d'échelle
internationale.

Aspects de la mondialisation contemporaine


Aspects économiques

Articles détaillés : Mondialisation économique et Mondialisation des échanges.

L'évaluation des conséquences de la mondialisation économique comprend plusieurs volets,


très contrastés selon la richesse du pays considéré.

Pays riches

Pour les pays riches, la mondialisation économique comporte deux bénéfices essentiels. Le
premier profite au consommateur, qui a accès à un éventail plus large de biens (diversité) à un
prix plus faible que s'ils étaient fabriqués dans le pays même. Quantitativement, cet effet est
considérable, et peut être appréhendé en additionnant les gains des consommateurs à l'achat
de produits textiles chinois. Le second bénéfice profite aux détenteurs du capital, qui
obtiennent un meilleur rendement de leurs capitaux.

Les pays riches souffrent en revanche de la délocalisation de leurs industries intensives en


main-d'œuvre peu qualifiée, ainsi que de la concurrence accrue entre pays riches eux-mêmes.
Quantitativement peu importants, ces effets posent cependant des problèmes du fait qu'ils sont
localisés, touchant particulièrement certains individus ou certaines régions, alors que les gains
sont répartis sur l'ensemble de la population. Ceci dit, la part de la population active en
concurrence avec la main-d'œuvre peu qualifiée des pays en voie de développement n'est
seulement que de 3%.

Cependant, les niveaux scientifiques et technologiques de la Chine et de l'Inde se rapprochent


très vite des standards occidentaux, et la qualité des télécommunications font que la
concurrence directe des populations actives concerne maintenant les classes moyennes
(délocalisation des centres d'appel par exemple), et les ingénieurs (tous les grands groupes de
logiciels ont une antenne en plein essor en Inde).[réf. nécessaire]

Certaines études quantitatives économétriques tentant d'évaluer ces deux aspects seraient
arrivées à la conclusion que les gains des pays riches à la division internationale du travail
sont supérieurs aux pertes (délocalisations, désindustrialisation). Le problème des pays riches
face à la mondialisation économique serait donc avant tout un problème de répartition de
gains afin de pouvoir indemniser les perdants en leur accordant une part des gains
proportionnée à leur perte.

Toutefois certains17 contestent ces études, leur objectivité, leurs auteurs et leurs conclusions.
Ces opposants estiment pour leur part que la mondialisation n'a pas été porteuse de croissance
en Europe, qu'elle aurait plutôt été génératrice d'iniquités et de dégâts environnementaux, de
concurrence désastreuse (de leur point de vue) entre États en matière de réglementation, de
protection sociale, de fiscalité et d'éducation, aboutissant à un dumping social et à
l'inefficacité locale des mouvements sociaux (le pouvoir politique de proximité ne pouvant
leur donner satisfaction). Selon cette analyse la mondialisation ferait obstacle à la "lutte des
classes" et risquerait à terme de détruire les protections sociales mises en place dans les États
développés.

Nouveaux pays industrialisés

Jusqu'à la crise asiatique, les nouveaux pays industrialisés semblaient les grands gagnants de
la mondialisation économique. Profitant d'une main d'œuvre qualifiée et à faible coût, ils ont
bénéficié d'investissements très importants en provenance des pays riches comme l'aide
financière apportée au Japon par les États-Unis après la seconde guerre mondiale, ce qui leur
a permis de construire une économie moderne et un système de formation solide, de sortir de
la pauvreté. La crise asiatique a cependant montré l'étendue de leur dépendance à l'égard de
marchés financiers prompts à l'emballement spéculatif comme à la panique.

Le bilan de la mondialisation économique pour ces pays est ainsi très contrasté, avec d'un côté
des pays, comme la Corée du Sud ou Taïwan définitivement classés parmi les pays riches,
d'autres, Thaïlande, Philippines, ont du mal à se remettre de la volatilité des investissements,
et d'autres encore bénéficient très largement de la mondialisation au niveau du pays, mais
avec une répartition très inégale de ces gains (Brésil, Chine).

Pays pauvres

Au niveau économique, les pays les plus pauvres restent largement en dehors du processus de
mondialisation. Celui-ci requiert en effet des institutions stables, un respect du droit de la
propriété privée, une absence de corruption ainsi qu'un certain développement humain (santé
et éducation) que ne présentent pas la plupart de ces pays. Leur ressource économique
principale, l'agriculture, reste dominée par les stratégies protectionnistes des pays riches, sauf
pour les cultures propres aux pays pauvres.

Aspects financiers

Article détaillé : Mondialisation financière.

Le NASDAQ, sur Times Square de nuit (New York)

Après la Seconde Guerre mondiale les marchés financiers étaient réglementés nationalement
et cloisonnés. Sous l'influence des différents acteurs mais aussi du FMI et de la Banque
mondiale (consensus de Washington) les marchés ont subi une triple évolution dite « les trois
D » : déréglementation (abolition des contrôles des changes et des restrictions aux
mouvements de capitaux), désintermédiation ou accès direct des opérateurs aux marchés
financiers sans passer par des intermédiaires et décloisonnement (éclatement des
compartiments qui existaient). À partir de la fin des années 1970 un marché intégré des
capitaux s'est peu à peu mis en place à l'échelle mondiale.

Au-delà des aspects géographiques c'est donc une nouvelle logique financière qui s'est
instaurée, c'est pourquoi les spécialistes parlent plutôt de « globalisation » financière que
simplement de mondialisation. On peut dire qu'aujourd'hui une sphère financière globalisée
existe eu sein de l'économie mondiale.

La mondialisation introduit une explosion sans précédent dans l'histoire des flux financiers à
l'échelle du monde, qui est engendrée en grande partie par les facilités d'échanges
informatiques sur la Toile.

La globalisation financière a favorisé le financement des entreprises et celui des balances des
paiements. En supprimant les obstacles à la circulation du capital elle a donné une impulsion
sans précédent aux marchés financiers. Force est cependant de constater que les vrais
gagnants au jeu de la finance internationale moderne sont surtout les firmes multinationales,
les Trésors publics, les établissements de crédit et les investisseurs institutionnels.

Les risques liés au développement des marchés financiers sont nombreux :


• Contrairement à la logique industrielle la logique financière privilégie le court terme ;

• La volatilité des marchés s'est accrue, entraînant une instabilité des taux d'intérêts et
des taux de change
• Les risques systémiques engendrés soit par des pertes économiques importantes ou par
une perte de confiance se transmettent plus facilement à l'ensemble de l'économie
(théorie des dominos) provoquant alors des difficultés financières, des faillites,
l'effondrement du prix de certains actifs, etc.

La globalisation financière a donné naissance à des risques nouveaux en engendrant des


instabilités nouvelles. La question de la maîtrise de cette globalisation se pose aujourd'hui
avec acuité car les États et les institutions (FMI, Banque mondiale…) ont montré leur
impuissance lors de crises importantes.

Une régulation mondiale semble pour l'instant inaccessible : faut-il mettre en place une
taxation comme le préconise James Tobin ? Peut-on réformer les institutions internationales ?
Faudra-t-il une crise systémique majeure pour que les États trouvent un terrain d'entente ?

Aspects culturels

L’anglais dans le monde. En bleu foncé, les pays où l'anglais est officiel ou de facto officiel.
En bleu clair, pays où il est langue officielle (sauf au Québec) mais pas la première langue
parlée.

McDonald's à Shanghaï / À la pointe des associations d’idées que le ressentiment relie à


l’américanisation, le phénomène de McDonaldisation de restauration rapide, qui lui-même a
produit un vocabulaire propre aux États-Unis : les (en)McWords.

L'accès d'un nombre croissant d'individus à des réseaux d'information et de communication


communs conduit à deux effets :
• Le premier est une prise de conscience accrue de la diversité culturelle et de
l'interdépendance de l'ensemble des individus. Du fait de la multiplication des sources
d'information, cela s'exprime par une meilleure connaissance de l'environnement et
des enjeux mondiaux. Le patrimoine culturel mondial change de visage : L'Unesco en
dresse une image plus documentée (liste Mémoire du monde) et plus vivante
(patrimoine oral et immatériel de l'humanité). Des cultures minoritaires (amérindiens,
bushmen) ont ainsi pu trouver une visibilité nouvelle, tandis que les questions à
dimension internationale voient la montée en puissance des ONG comme acteurs de
premier plan. De même, le fort brassage des courants religieux et philosophiques a
stimulé l'œcuménisme et le dialogue interreligieux. Mais inversement, des
communautarismes identitaires fondés sur un refus du relativisme et l'affirmation de la
supériorité d'une culture sur les autres, se sont développés de manière concomitante.

• Le deuxième est l'émergence d'une sorte de « culture commune » marquée notamment


par le recours à un « anglais de communication » (parfois appelé globish, pour global
english), version appauvrie de la langue anglaise, des références culturelles
américaines ou occidentales portées par des produits culturels (cinéma, musique,
télévision) ou des modes de vie (sports occidentaux, cuisine italienne, chinoise…).
Certains y voient un risque d'appauvrissement de la diversité culturelle, voire la
domination d'une certaine conception des rapports économiques et sociaux. Le terme
de civilisation universelle est en soi objet de polémique.

Aspects institutionnels et politiques

La mondialisation, accordant dans son mode de régulation un primat à l'international sur le


national, peut être lue comme une accélération d'un phénomène mondial d'intégration
économique commencé dès le XVIe siècle, processus inégal sur le plan géographique et
progressif à l'échelle temporelle. Elle crée de nouveau défis d'organisation institutionnelle et
de répartition des pouvoirs politiques à l'échelle du monde.

Une certaine marginalisation des États

Les outils traditionnels de la politique publique, fiscalité et réglementation, perdent de leur


efficacité dans un environnement mondialisé. Leur application demande alors la coopération
de plusieurs États, toujours délicate à obtenir et à maintenir.

La mondialisation génère des agents économiques, des moyens d'information et des flux
financiers dont l'ampleur échappe au contrôle de la structure des États-nations. De ce fait, la
plupart des gouvernements déplorent leur impuissance face à ces phénomènes tant que les
relations internationales ne sont pas réglées par d'autres règles que l'intérêt des États. Au
niveau européen, il faut noter l'existence d'une certaine volonté d'harmoniser les comptabilités
nationales, en vue de définir une typologie normalisée des agents économiques en unités
institutionnelles et en secteurs institutionnels.

Un rôle en devenir des acteurs transnationaux


L'accélération récente de la mondialisation entraîne une diversification et une autonomisation
des acteurs transnationaux. Elle impose aux organisations internationales (Banque mondiale,
FMI, OCDE, Forum de Davos, G8) de redéfinir leurs discours et leurs actions18.

Des ONG (organisations non gouvernementales) tentent de combler ce vide, mais elles
manquent de légitimité pour prétendre représenter les citoyens du monde, sont souvent
marquées par des idéologies partisanes et souffrent d'un grand manque de transparence dans
leur fonctionnement comme dans leur action.

De leur côté les syndicats ont compris l'intérêt d'aborder la question du travail selon une
approche mondialisée, en se regroupant dans une Confédération syndicale internationale.

Aspects humains et sociaux

Aujourd'hui, environ 3% de la population mondiale vit en dehors de son pays de naissance.


C'est environ 200 millions d'immigrants qui ont quitté leur pays natal, en tenant compte des 6
milliards d'habitants dans le monde.

Migrations

Article détaillé : migration humaine.

Les flux humains de migration permanente sont les grands oubliés de la mondialisation. En
2002, les États-Unis accueillaient le nombre d'immigrants le plus important de son histoire
mais leur proportion au regard de sa population est moindre que celle des années 1920. Dans
l'ensemble du monde, les mouvements de population sont quantitativement faibles. La
mobilité internationale durable reste le sort des plus défavorisés, déplacés par les guerres, ou
l'apanage des mieux formés à la recherche de la meilleure rémunération pour leurs
compétences.

Inégalités de revenus [modifier]

Article détaillé : Inégalités de revenu.

Inégalité des revenus au sein des pays, mesuré par le coefficient de Gini
La mondialisation met en évidence des inégalités de revenus à l'intérieur des pays développés
(dirigeants / employés, travailleurs qualifiés / travailleurs non qualifiés) et entre pays
développés, pays en développement et pays pauvres19.

Encore, cette inégalité de revenus ne doit pas cacher le fait qu'elle reflète le plus souvent des
différences considérables dans les modes de vie.

Tourisme

Article détaillé : tourisme.

Top 10 en 2001

La hausse de niveau de vie et la baisse des coûts de transport ont largement contribué au
développement du tourisme international qui est passé de 25 millions de personnes en 1950 à
500 millions en 2000. Toutefois, le tourisme international est essentiellement composé de
ressortissants de pays riches visitant d'autres pays riches (les pôles récepteurs et les pôles
émetteurs). Le tourisme en direction des pays pauvres est le plus souvent concentré sur un
petit nombre de localisations, avec un effet assez faible sur le développement d'ensemble du
pays d'accueil.

Aspects écologiques

Article détaillé : Effets de la mondialisation sur l'environnement.

La « courbe environnementale de Kuznets »


La description de ce phénomène controversé constaté dans les pays riches, voire certains pays
en voie de développement comme la Chine récemment, est permise par une courbe en U
inversé (pollution locale en ordonnée et revenu par habitant en abscisse)
Les risques écologiques sont également en partie globalisés et menacent les grands équilibres.
Certains aspects des crises écologiques prennent une dimension mondiale, notamment le
changement climatique et ses différentes caractéristiques : effet de serre, risque de
perturbation des courants marins, perte de biodiversité, déforestation, etc.

La prise de conscience de la crise écologique a poussé les scientifiques à penser l'écologie


globalement, selon la formule de René Dubos (« penser globalement, agir localement ») : les
experts de l'écologie globale parlent d'écosphère, de biosphère, ... Poussés par les ONG, les
dirigeants du monde se réunissent lors de sommets de la Terre pour définir des politiques de
développement durable. Ces politiques ont des transpositions sur les territoires et les
entreprises, cherchant à croiser les trois aspects que sont l'environnement humain, le social, et
l'économique.

Certaines approches tendent à appréhender les risques globalement selon leurs


caractéristiques écologiques, sociales ou économiques : protocole de Kyoto, modèles
climatiques et travaux du GIEC, normes sur les risques globaux 20 (se traduisant par des bases
de données mondiales accessibles sur la Toile), etc.

La prise de conscience de l'unicité de la planète face aux problèmes des ressources est une
caractéristique fondamentale de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Plusieurs
événements ont en effet marqué ce début de millénaire sur les plans économique, écologique
et sociétal. Les questions écologiques engagent désormais la responsabilité des entreprises.
Elles trouvent leur expression dans le développement des Organisations non
gouvernementales (WWF, Médecins sans frontières, etc.), qui deviennent des interlocuteurs
des entreprises, parmi d'autres parties prenantes.

Ces enjeux de globalisation entraînent la nécessité de politiques d'innovation, dans lesquelles


les connaissances et la propriété intellectuelle ont encore plus d'importance que les outils de
communication pure.

Facteurs essentiels de la mondialisation contemporaine


La forme actuelle de la mondialisation de la fin du XXe siècle et du XXIe siècle repose sur
deux facteurs essentiels 21 :

• la faiblesse des coûts de transport au regard des écarts des coûts de production (au sens
économique du terme), qui touche les biens matériels,
• la baisse des coûts de communication au niveau mondial, qui touche la diffusion sous
forme numérique des informations, y compris financières.

Échanges de biens matériels

Le premier facteur explique la mise en place d'une division internationale du travail, puisqu'il
peut être rentable de faire fabriquer une marchandise dans un pays pour la transporter et la
vendre dans un autre. La généralisation de ce procédé à l'ensemble du processus de
production (un bien est fabriqué en plusieurs étapes correspondant à autant de pays différents)
entraîne la croissance d'interdépendances économiques d'autant plus fortes que les échanges le
sont. La France et l'Allemagne en sont un exemple. Ce phénomène constitue essentiellement
une continuation de ce qui avait été amorcé au XIXe siècle.
Ce processus trouve sa contrepartie dans la volonté des pays les plus riches de diminuer les
droits de douane existant entre eux ainsi que ceux portant sur leurs produits dans les pays
moins industrialisés. Les négociations du GATT puis de l'Organisation mondiale du
commerce voient ainsi une diminution considérable des barrières douanières ainsi que
l'élargissement de ce processus à l'agriculture et aux services.

Mondialisation de l’information [modifier]

Utilisateurs d'Internet dans le monde

La grande nouveauté de la mondialisation du début du XXIe siècle est la mise en place de


technologies de l'information (TIC), en sources ouvertes ou fermées, elles aussi à l'échelle
mondiale. Avec l'accès à ces outils, la mondialisation touche autant les individus que les États
ou les entreprises, avec une perception très variable selon les individus.

Le premier effet de cette mutation technologique est la financiarisation de l'économie et le


développement des entreprises multinationales et transnationales. La meilleure information
sur les différences de coûts entre les pays permet en effet aux capitaux de circuler sans
l'intermédiation des banques en permettant l'établissement de marchés financiers intégrés au
niveau international.

Contrairement aux facteurs purement financiers, la mondialisation des technologies de


l'information du type web, internet et autres médias touche directement les individus.
L'exposition à des produits culturels étrangers (dessins animés japonais, cinéma indien,
danses d'Amérique du Sud…) n'est plus le privilège d'une élite. Elle fait prendre conscience
de la diversité des cultures au niveau mondial.

Changement de représentation
On perçoit confusément que la mondialisation, qui s'accompagne d'enjeux de développement
durable, correspondrait au début d'un nouveau cycle historique.

Le philosophe Michel Foucault parle d'épistémè pour une conception du monde. Notre
époque correspondrait selon lui à un nouvel épistémè, qu'il qualifie d'hypermodernité.

L'historien René Rémond pense qu'il existe des cycles dont les caractéristiques sont le
changement des représentations du monde, conduisant à de nouvelles représentations sociales,
le changement des modes de diffusion de l'information et de la connaissance, la lecture
scientifique des textes fondamentaux, et la remise en honneur de la culture antique…

Par exemple, la Renaissance des XVe et XVIe siècles fut une période de remise en honneur des
auteurs grecs et latins ; elle étendit la redécouverte de la culture antique à l'art et aux
techniques, et apporta l'imprimerie. Le siècle des Lumières vit un changement important de
représentation du monde avec la « révolution copernicienne ». L'époque contemporaine voit
aussi se former des représentations du monde différentes avec les nouvelles théories
cosmologiques ou le développement d'Internet.

Annexes
Généralités et aspects historiques

Sur les aspects philosophiques et sociaux

• Mondialisme
• Hypermodernité | Épistémè | Michel Foucault ;
• Hypermonde
• Village planétaire

Sur la mondialisation financière

• Mondialisation financière ;
• Organisation mondiale du commerce (OMC) ;
• Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) ;
• Libéralisme ;

Sur les échanges internationaux

• Mondialisation commerciale
• Libre-échange et Protectionnisme ;
• Patriotisme économique;
• Organisation des échanges internationaux
• Internationalisation ;
• Mercantilisme ;
• Organisation mondiale du commerce (OMC) ;

Sur les aspects institutionnels, politiques, territoriaux

• Mondialisation institutionnelle ;
• Mondialisation démocratique ;
• Économie géographique ;

Sur les mouvements anti / altermondialistes

• Antimondialisation ;
• Altermondialisation ;
• ATTAC ;
• CADTM.

Les effets dont certains accusent la mondialisation

• Inégalité de richesse dans le monde | Pauvreté | Exclusion ;


• Effets de la mondialisation sur l'environnement ;
• Immigration;
• Restructuration

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