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Chapitre 4 : Quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ?

I. La mesure et la définition des inégalités.

A. Qu’est ce qu’une inégalité ?

Leur caractère multiforme


Inégalités : différences entre les individus ou groupes sociaux qui se traduisent en termes d’avantages ou de désavantages
dans l’accès à certaines ressources socialement valorisées, et qui fondent une hiérarchie entre les individus ou groupes
sociaux
Inégalités économiques : ordre de l’avoir. Inégalités de patrimoine ou de revenu.
Inégalités sociales : ordre du pouvoir ou du savoir. Possession de biens matériels ou non, certaines caractéristiques
(couleur de peau) qui entraînent des privilèges/discriminations. Ces inégalités sont différenciées entre hommes, femmes
et milieux sociaux. Pour le sociologue français Nicolas Duvoux, Les inégalités sociales, les inégalités sociales reposent sur
la catégorisation de certaines personnes et leur assignation à une identité : discriminante ou privilégiée.

Leur caractère cumulatif


Les inégalités font système : les inégalités économiques engendrent des inégalités sociales, qui en retour alimentent les
inégalités économiques
❖ Possession du capital économique → lieu de résidence privilégié ; établissements scolaires renommés → entre soi ;
proximité avec les services publics ; + équipements.
❖ Plus de voyages et de loisirs → plus de réussite scolaire.
❖ Santé : ville → ressources méd ++ ; complémentaires santé → couverture de soins plus onéreux
❖ Conditions de vie plus favorables (alimentation, sport). Statut pro élevé, faible exposition à la pénibilité physique
ou substances dangereuses ⇒ différences notables d’espérance de vie.
➢ Faible dotation en capital culturel → moins de réussite scolaire → faibles revenus → non constitution de
patrimoine
➢ Inégalités scolaire → non maîtrise des infos → rapport défaillant vàv de la santé → maladies/invalidités ++ →
pénalisation pour la vie pro → baisse des revenus
★ Possession d’un patrimoine → génération de nouveaux revenus → renforcement des inégalités économiques.
⇒ Les populations cumulant les handicaps sociaux votent moins ⇒ priorités politiques s’en détournent → maintient
dans une relégation sociale et économique

B. Les instruments de mesure des inégalités économiques

Les outils de mesure statiques


Rapport interquantile : mesure combien de fois les plus riches perçoivent ce que les pauvres reçoivent, en divisant la
population en groupes de tailles égales. (rapport entre le plancher des 10% les plus riches et le plafond des 10% les plus
pauvres. par exemple pour un rapport inter décile D9-D1)
Courbe de Lorenz : représentation graphique d’une ressource dans la population.
Coefficient de Gini : nombre compris entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité totale). Écart entre la courbe de Lorenz et
la droite d’équirépartition.
Top 1% : Si l’on découpe la population en 100 parts, part la plus favorisée au regard du critère choisi. Mesure la
concentration de richesse et les inégalités.

Les outils de mesure dynamiques


Le niveau des inégalités peut être lié à des facteurs transitoires : si il y a beaucoup d’étudiants, leur revenu est amené à
augmenter, réduisant les inégalités de revenus.
Corrélation de revenus parents enfants : mesure la transmission intergénérationnelle des inégalités. Elle mesure à quel
point des parents plus riches que d’autres ont des enfants plus riches que d’autres. Selon le pays, avantages économiques
+ importants qui favorisent le fait que les enfants aient un revenu similaire à celui de leurs parents. L’économiste Alan
Krueger (1960-2019) a construit la courbe de Gatsby, qui met en relation l’élasticité intergénérationnelle des revenus en
fonction de l’indice de Gini. Elle montre que les pays ayant les plus grandes inégalités de revenus sont ceux où les
enfants ont des revenus comparables à ceux de leurs parents, les inégalités deviennent héréditaires.
C. L’évolution des inégalités économiques au cours du XXe siècle

La réduction des inégalités jusqu’aux années 80


D’un niveau très élevé au début du XXe siècle dans les pays riches, les inégalités de revenus et de patrimoine y ont
fortement décru sous l’effet des guerres (destruction de capital, infrastructure) et surtout de la mise en place
d'importantes politiques de redistributions et de protection sociale. Au niveau mondial, recul des inégalités entre les pays
du monde par la croissance des pays émergents et des pays en développement.

Leur creusement à partir des années 90


Elles ont cependant recommencé à croître à partir du milieu des années 80 en raison notamment d’un tournant politique
consistant à chercher à favoriser les facteurs de l'offre plutôt que d’entretenir la demande. Ce qui a bénéficié aux
détenteurs de capitaux dont la circulation a été fortement dérégulée, et en particulier aux 1% les plus riches dont les
revenus et le patrimoine se sont envolés. Ces inégalités se verront amplifiées en raison de la transmission
intergénérationnelle du patrimoine.

II. Les différentes conceptions de la justice sociale

A. Égalités des droits, des chances et des situations

Les conceptions de l’égalité


On distingue 3 formes d’égalités
1. Egalité des droits : garantir des droits égaux/traitement égal pour tous les citoyens devant la loi
En pratique, l'application de la loi par les juges conduit à des différences de traitements → Justice + dure vàv de
certaines populations. L’accompagnement face à la justice et connaissance du système ≠ selon les personnes
2. Egalité des chances : assurer les mêmes opportunités initiales. L’accès d’un individu à des ressources ne dépend que
de son talent, de ses efforts et non de son origine sociale.
3. Égalité de situation : tous les individus bénéficient des mêmes conditions de vie. Les écarts de ressources
matérielles ou symboliques entre les individus sont très faibles ou inexistants.

Le caractère équitable d’une situation


Équité : Principe qui dépasse celui de l’égalité dans la mesure où il s’agit de tenir compte des spécificités des individus ou
groupes. L’idée est ici de donner plus à ceux qui ont moins. C’est un critère permettant de rendre juste une inégalité.
Elle est une “égalité proportionnée”.
La recherche d’une certaine égalité peut conduire à accepter certaines inégalités. (inégalité sur l'impôt → équité
d’imposition). Bourse scolaire contrevient à l’égalité des droits mais promeut l'égalité des situations.

B. Qu’est ce que la justice sociale ?

Justice sociale : principe qui conduit à privilégier et à promouvoir l’égalité. Il s’agit de l’ensemble des principes et des
valeurs permettant la répartition des ressources dans une société et l’orientation des actions correctrices à mener.
Utilitarisme : maximisation du bien être collectif (somme des bien être de chaque individu). L’utilitarisme est
conséquentialiste : une action ou une politique doit être jugée sur la base des conséquences qu’elle entraîne → Jeremy
Bentham
Libertarisme : garantie des libertés individuelles → égalité des droits. une société juste est celle dans laquelle les individus
agissent librement. Le seul rôle de l’État est de garantir cette liberté et les droits de propriété→ Friedrich Hayek
(1899-1992), dans Constitution de la liberté (1960)
Égalitarisme libéral : concilier liberté et égalité → égalité des chances. Inégalités des situations tolérables si leurs
suppressions conduit à détériorer la situation des plus désavantagés → John Rawls, Théorie de la Justice. (1971)
Égalitarisme strict : recherche de l’égalité parfaite de situations → Aucune tolérance des inégalités économiques

Il existe des tensions entre ces philosophes qui ne peuvent se résoudre que par une délibération collective quant aux
valeurs prioritaires pour la société considérée.
III. Les actions des pouvoirs publics en faveur de la justice sociale

Sans protection, individus soumis aux risques sociaux → pauvreté et exclusion


L’Etat = Etat interventionniste pour favoriser la justice sociale.
Pouvoirs publics : Organisation qui est en charge de l’administration politique (ex : le gouvernement a réduit des taxes : la
demande à été transmise aux plus hautes autorités). Ensemble des autorités pouvant imposer des règles aux citoyens.
Les pouvoirs publics peuvent agir sur les inégalités à travers les mécanismes de redistribution. D’une part, par les
prélèvements obligatoires, (surtout les progressifs : proportionnellement plus élevés pour les + riches) et d’autre part par
les revenus de transfert (not. presta sociales).

A. Par la fiscalité et la protection sociale

La fiscalité progressive
Fiscalité : ensemble des impôts et des taxes perçus par les administrations publiques. Elle permet la production de services
collectifs et de revenus de transferts.
1. ce qui est taxé : le revenu, le patrimoine, les bénéfices, la consommation, l’héritage… c’est ce qui définit l’assiette, elle
est calculée en soustrayant de ce qui est imposé les différentes déductions prévues par la loi
2. selon le lien entre le montant payé et le niveau de l’assiette : le montant payé peut être proportionnel à l’assiette (c’est
le cas des cotisations sociales ou de l’impôt sur les sociétés), progressif (impôt sur le revenu) ou dégressif
(prélèvements forfaitaires : contribution à l'audiovisuel)
Les impôts progressifs sont les plus justes : diminution absolue et relative des inégalités
Fourniture de revenus de transfert → redistribution ⇒ agit sur le niveau d’inégalité et sur la pauvreté.
Avant prélèvements et redistribution : revenus des top 10% 21x celui des low 10%. Après : seulement x5,7
Les pouvoirs publics déterminent les actions des politiques fiscales : ↗ ou ↘ les impôts ; nouvel impôt ; modifier le
système d’imposition ⇒ agit sur la répartition du revenu national ou montant des recettes fiscales perçues.

La protection sociale
Protection sociale : tous les mécanismes de prévoyance collective permettant aux individus de faire face aux conséquences
financières des “risques sociaux”, c'est-à-dire susceptibles de compromettre la sécurité économique de l’individu ou de sa
famille. La Sécurité sociale a été mise en place le 4 oct. 1945, après la SGM. Elle répondait tout d’abord à une logique
d’assurance mais l'évolution de la protection sociale qui répond de plus en plus à une logique d’assistance.
Logique d’assurance : ceux qui cotisent obtiennent le droit à des prestations.
Logique d’assistance : ceux dont les ressources sont insuffisantes bénéficient de minimas sociaux
Les systèmes de protection sociale assurent une forme de redistribution : redistribution horizontale entre malades et bien
portants par exemple et redistribution verticale des catégories favorisées vers les catégories qui le sont moins

B. Par la fourniture de services collectifs

Des services gratuits ou quasi gratuits


Services collectifs : activités d’intérêt général considérées comme indispensables à la cohésion sociale, dont les pouvoirs
publics assurent la mise en œuvre. Ils répondent à des besoins sociaux non satisfaits par le marché. Ils garantissent l’accès
au plus grand nombre à certaines ressources jugées fondamentales dans une société donnée. Principe d’égalité et de
neutralité. Ils répondent à des besoins de la collectivité non satisfaits par le marché. Non rivaux et non excluables.
Ils sont financés par les prélèvements obligatoires et fournis gratuitement ou presque à tous.

La réduction des inégalités


Le financement des transports, du système scolaire, des équipements culturels et sportifs visent l’égalité des chances et des
situations en fournissant à chacun le même service (même enseignement indépendamment de l’origine sociale ou du
revenu des parents
Cependant, les territoires ne sont pas tous uniformément couverts et un service disponible n’est pas forcément utilisé
(manque de connaissance)
C. Par des mesures de lutte contre les discriminations

Les discrimination
Discrimination : inégalité illégale. Différence de traitement entre des individus en raison de leur appartenance à un
groupe (couleur de peau, religion, handicap, sexe,...). Atteintes à l’égalité des droits et des chances.
Mise en place de dispositifs de repérages et d’une réponse juridique institutionnalisée : le Défenseur des droits.

La réduction des discriminations


Loi et réglementation (lois sur la parité ou quotas). Discrimination positive : un traitement préférentiel volontairement
accordé aux membres d’une minorité traditionnellement désavantagée afin de compenser les désavantages associés à cette
appartenance. Il s’agit d’une entorse à l’égalité de traitement
Quotas (affirmative action) pour les handicapés : effet pervers → calcul coût avantage des entreprises qui mettent en
relation de coût de la contribution et celui de l’embauche

IV. Les limites de l’intervention des pouvoirs publics

Ces dispositifs font l’objet de remises en cause. Leur coût est présenté comme trop élevé, surtout dans un contexte où les
gouv cherchent à réduire les dépenses publiques.

A. Les contraintes de financement

Les conséquences de la faible croissance


La conjoncture économique freine la progression des ressources publiques :
1. Affaiblissement de la croissance : ↘ recettes fiscales et ↗ dépenses publiques
2. ↗ chômage + ↗ volume des minimas sociaux = ↗ dépenses pour les allocations ↘ volume des cotisations sociales
⇒ creusement du déficit et ↗ dette = ↗ dépense pour rembourser la dette
Système fondé sur une mutualisation des cotisations qui lorsqu’elles ↘, est incapable de répondre aux besoins des
individus.

Cette action est également soumise aux contraintes européennes qui imposent une limitation du déficit budgétaire afin
de réduire l’endettement public (traité de Maastricht : 3% de déficit public / 60% dette du PIB). De plus, la politique
européenne de la concurrence remet en cause les monopoles qui visent à garantir à tous l’accès aux B&S satisfaisant des
besoins essentiels.

Les conséquences du vieillissement de la population


Rapport démographique (actifs/inactifs) divisé par 3 entre 1960 et 2017
Les cotisants supportent une part bcp plus importante pour financer les retraites.
Allongement des retraites avec celui de l’espérance de vie ; réduction du temps de cotisation (allongement des études)

B. Un déficit de légitimité

Légitimité : l’action de l’Etat est dite "légitime" lorsqu’elle est approuvée par une grande partie de la population.

Le problème du consentement à l'impôt


Consentement à l'impôt : acceptation d’une population ou d’une part de la population à payer un impôt, implique souvent
que l’impôt soit considéré comme juste.
Les classess populaires sont + susceptibles de voir l’impot comme source d’injustice (Gilets Jaunes).
Les niches fiscales pour les plus aisés renforcent ce sentiment.
On assiste à une dégradation du consentement à l'impôt. Le “citoyen-contribuable” est devenu un “usager-client” des
services publics, perdant de vue la fonction sociale de l'impôt.

Les phénomènes de désincitations


Désincitation : situation où les individus ne sont pas incités à occuper un emploi ou à travailler davantage, en raison
notamment des aides sociales qu’ils perçoivent.
Les nombreuses prestations sociales peuvent être à l’origine d’effets pervers désincitatifs si l’individu ne cherche pas à
s’extraire de sa situation pour ne pas perdre les aides (alloc chômage, presta sociales). Calcul coût avantage → réticence
à chercher un emploi si pas d’amélioration notable des conditions de vie. → Gain généré par l’emploi est faible.
Les libéraux accusent l’Etat providence de créer un déficit durable et structurel, de désinciter les agents économiques et
d’alimenter l’assistanat.

C. Un manque d’efficacité dans la réduction des inégalités

La persistance de la pauvreté
Malgré une baisse entre 1970 et 1985, le taux de pauvreté stagne autour de 14% depuis, malgré une hausse des
prestations sociales. Elles n’aident plus à faire diminuer le taux de pauvreté (ce n’est pas leur mission 1ere)
Inégalités territoriales très fortes et un accès différencié aux services collectifs
Les pouvoirs publics peinent à limiter la dégradation du marché du travail (chômage, précarité) → nouvelle pauvreté
s'accroissent en en période de crise. ⇒ remise en cause des capacités.

Les nouvelles inégalités


De nouvelles inégalités apparaissent comme celles liées au numérique qui crée une rupture intergénérationnelle avec de
nombreuses personnes âgées qui ne maîtrisent pas ou très peu ces nouveaux outils, depuis lesquels certains services
peuvent être fournis.

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