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Cf. Yann Cotanlem, justice social.

Cf. Incidence fiscale à revoir.

Justice sociale et intervention des pouvoirs publics


Partie I : Quelles conceptions de la justice sociale ?

I. Du concept d’égalité au concept de justice sociale

A. L’égalité comme valeur fondamentale des sociétés démocratiques

Date clé : 4 août 1789 -> avènement des sociétés démocratiques. La


Révolution FR érige l’égalité comme valeur fondamentale des sociétés
démocratiques.

B. La transformation du mode de production compromet la société des


égaux

Dans les années 1830, explosion des inégalités. On s’intéresse à la


misère du peuple au départ, pas par altruisme, mais parce qu’on
s’inquiète que les miséreux soient dangereux.

Le paupérisme émerge en Angleterre, et donc un certain nombre d’écrits


dont Sismondi en 1819, Les nouveaux principes de l’éco politique, où il
montre que dans les années 1820, les crises cycliques de surproduction
s’enchaînent. Emergence du chômage technologique, la concentration des
revenus, sous-consommation ouvrière. En parallèle, recul de l’artisanat,
de la petite exploitation agricole. Cf les Corn Laws : abolition des
mesures protectionnistes.

Sismondi analyse donc les rapports sociaux qui font émerger deux
classes : les capitalistes et les prolétaires, le travail vs le capital.
Opposition entre deux classes qui tendent à s’ériger en puissances
diamétralement opposées.

D’autres auteurs se sont intéressés à ces développements économiques


fruits de la misère. C’est le cas de Eugène Buret, 1840, La misère des
classes laborieuses en FR et en ANG, qui explique les conditions de
travail absolument lamentables dans les manufactures.

Dans la FR des années 1830, l’explosion des inégalités est un fait social
majeur, elles sont engendrées par le début du capitalisme, ie
l’accumulation du capital. Cela modifie le partage de la valeur ajoutée.
Pour justifier moralement les inégalités, les misérables sont mis sur le
banc des accusés.

Louis René Villermé, dans Tableau de l’état physique et moral des


ouvriers de coton, de laine et de soie, 1840, donne une description
horrible des travailleurs dans ces villes que sont Lille, Rouen,
Mulhouse. Il estime que la misère est toujours le produit des vices de la
classe ouvrière, considérée comme classe dangereuse.

En 1841, une loi interdit le travail des enfants de moins de 8 ans.

II. La question de la justice sociale renouvelle la question du lien


social et du contrat social
A. Qu’est ce que la justice sociale ?
La période des 30G est ambiguë : on lit à la fois que les inégalités se
sont réduites et aussi augmentées.
En réalité l’un et l’autre ne sont pas antinomiques.
Au début des années 80, on voit que les inégalités augmentent avec
l’augmentation du chômage. Un facteur économique intervient aussi dans
ces années 80 : Artus décrypte dans L’austérité salariale le fait que les
salaires ont augmenté moins que la productivité marginale du travail, et
donc le partage de la VA devenait injuste.

La question des inégalités scolaires est aussi de plus en plus prise en


compte et réalisée par les politiques.

Qu’est ce que la JS ?
Il faut noter que ce qui est juste aux yeux de certains peut paraître
injuste pour d’autres personnes.
Plusieurs questions entrent en compte : lutte contre la pauvreté, salaire
des patrons, et jusqu’où ?

La justice sociale est la prise en compte de l'égalité et de l'équité


dans la distribution des richesses et des ressources entre les
différentes classes sociales et entre les individus. Elle vise à garantir
à chacun la possibilité de jouir des mêmes droits et d'accéder aux mêmes
opportunités, quels que soient son origine sociale, son genre, sa
religion ou ses croyances. Elle cherche à promouvoir l'équité et à
prévenir la discrimination et l'inégalité.

B. Différents principes et figures

1. Différents principes
En fonction de la sphère où on est, la notion varie.
Dans le domaine politique, c’est le principe d’égalité le plus important.
Dans la sphère de la santé, c’est le principe du besoin.

2. Les différentes figures de la justice


Travaux de Jean Keller et Languin : Juste ? Injuste ? Sentiments et
critères de justice dans la vie, 2008. Ils y distinguent les 3 figures de
la justice : le bien, la volonté et la créance.

Le bien : est juste ce qui produit des conséquences heureuses, quelques


soient les mérites ou les intentions de chacun à un moment donné.
Il y a aussi la figure de la volonté : est juste ce que les personnes
concernées ont voulu et le sort le plus juste que l’on puisse faire est
de respecter leur vouloir.
Enfin la créance : est juste l’acquittement des dettes fondées sur des
titres reconnus en utilisant la meilleure balance possible. Ces créances
visent à reconnaitre ce qui se sont engagés pour la société, et leur
faire valoir.

Raymond Boudon dans Le Juste et le vrai, 1995, conteste que l’idéal de


justice s’incarne toujours dans la règle du mérite.

III. La justice sociale : les grands débats entre égalité et liberté

A. De la passion pour l’égalité à l’égalitarisme liberticide

1. Aristote
Dès qu’on parle d’égalité, c’est compliqué. Une réforme qui se veut
purement égalitaire montre que la question de l’égalité est
intrinsèquement posée. Aristote parlait d’une justice corrective, il faut
traiter également les égaux et inégalement les inégaux.

Plusieurs types de justice : commutative, ie l’échange ne pénalise aucune


des deux parties.
La justice corrective : réparer le tord causé.
La justice distributive : chaque individu a le droit à une rémunération
qui est proportionnelle à sa contribution à la production.
La justice redistributive : conception géométrique, qui ne suit pas le
principe d’égalité mais de proportionnalité. Cette redistribution est
organisée par l’Etat lorsqu’il considère que la redistribution des
revenus n’est pas conforme au principe de justice défini par les pouvoirs
publics.

2. Émile Durkheim, De la division du travail social, 1893


Son ouvrage étudie le passage d’une société à forte solidarité mécanique
où les individus se ressemblent à solidarité organique, ie les individus
se spécialisent dans des domaines complémentaires qui fait que l’on a
besoin les uns des autres. Les sociétés modernes présentent une
solidarité organique car reposent sur un individualisme fondamental qui
pousse à reconnaitre la même valeur à chaque individu.
Le droit devient restitutif dans les sociétés modernes là où il était
punitif avant.

Il faut toujours mettre plus d’équité dans nos rapports sociaux afin
d’assurer le libre déploiement de toutes les forces sociales utiles.

Les sociétés occidentales de la fin du 20è siècle se démarquent par le


fait qu’elles reposent sur une morale individualiste, « religion dont
l’homme est à la fois le fidèle et le Dieu ». Cet individualisme donne à
chacun une égale valeur et nécessite alors la lutte contre les
inégalités, du moins contre les inégalités de droit.

3. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1935


L’accroissement progressif d’égalité faisait que les peuples avaient une
volonté exacerbée d’avoir toujours plus d’égalité.

Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes
inégalités ne frappent point l’œil. Quand tout est à peu près au même
niveau, les moindres inégalités blessent. C’est pourquoi le désir de
l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est
grande.

Tocqueville considère que les sociétés démocratiques sont basées sur 3


égalités : égalité des droits (liberté, expression, propriété, sécurité,
résistance à l’oppression, articles 1 et 2 de la DDHC), égalité des
chances (les garanties d’une méritocratie doivent être fournies), égalité
dans les relations sociales (rien ne doit s’opposer à l’hétérogamie, le
mélange, etc).

L’égalitarisme est liberticide selon lui : conflit intrinsèque entre


liberté et égalité. Dans les sociétés anglo-saxonnes, primat de la
liberté. Je pense que les peuples démocratiques ont un goût naturel pour
la liberté, (…) mais ils ont pour l’égalité une passion ardente,
insatiable, éternelle, invincible ; ils veulent l’égalité dans la liberté
(…).

Pour Rawls, la société juste n’est pas une société qui égalise les
niveaux, mais c’est une société qui tente à travers des mécanismes de
produire une société équitable. C’est à dire qu’on réduit les inégalités
à un niveau jugé acceptable et efficace par la société à un moment donné.
C’est aussi une société qui rend possible une mobilité sociale sans
discrimination.

B. La liberté individuelle vs intervention publique ?

Les libéraux classiques concevaient la liberté individuelle comme le


meilleur moyen d’atteindre le bonheur collectif. Cela reposait sur la
propriété privée.

Pour Ludwig Von Mises (c’est un économiste de la seconde école


marginaliste), L’action humaine, traité d’économie, 1963, la propriété
privée est nécessaire pour permettre l’échange sur un marché. Une société
juste est d’abord une société libre. Cela signifie que le marché fait
qu’il y a des individus qui se rencontrent sur un marché, et que donc le
prix déterminé par l’offre et la demande est effectué dans le cadre d’une
opération volontaire. Le marché est donc considéré comme juste, et la
politique peut au contraire considérer le prix injuste, et alors
intervenir.
Une société qui est juste est donc d’abord une société qui est libre
selon lui. La propriété privée est nécessaire dès lors.
Que le marché soit en CPP ou non, que les personnes soient clairvoyantes
ou non, le prix final est juste car décidé volontairement. Donc
l’intervention publique n’a pas d’interêt : le prix final issu de la
confrontation entre offre et demande est juste.
Dès lors que la justice est instaurée, l’Etat a un rôle minimal, et est
seulement garant de la liberté (liberté de propriété).

Alfred Hirschmann, 2 siècles de réthorique réactionnaire, 1991, distingue


3 thèses sur lesquelles s’appuient le rejet de toute intervention visant
à réduire les inégalités :
- La thèse de l’effet pervers : les gens qui pensent ça mettent en
évidence la thèse de l’autorégulation du marché grâce à la variation
des prix qui vont jouer le rôle d’ajustement -> on revient à
l’équilibre.
- La thèse de l’inanité : on considère ici que la redistribution est
futile car les inégalités appartiendraient à la nature humaine.
- La thèse de la mise en péril : repose sur l’idée que toute intervention
de l’Etat peut à terme mener à un Etat totalitaire menaçant les
libertés individuelles.

C. Le libertarisme

C’est un courant de de philosophie politique qui donne la primauté


absolue à la liberté individuelle. Les libertariens refusent le concept
de justice sociale. C’est selon eux un « mirage »

1. Hayek, Droit, législation et liberté (1973), La route de la servitude


(1944)
C’est l’un des principaux représentants. Dans ces ouvrages, il considère
que la notion de justice sociale n’a pas de sens car il considère d’abord
que l’ordre du marché est un ordre spontané ie qui résulte de l’action
des hommes. Cela lui conduit à dire que la justice sociale est un
« mirage », elle est dépourvue de sens. Vouloir imposer la justice
sociale par l’action de l’Etat ne peut qu’inciter la société à aller sur
la route de la servitude. Il y a des riches et des pauvres naturellement
produits par l’ordre économique donc personne ne peut être tenu
responsable pour les inégalités ni ne peut être sollicité pour les
corriger. La croyance en la justice sociale serait en elle-même une
menace pour la liberté. Cela reviendrait à personnifier la société en
l’imposant aux hommes.

2. R. Nozick, Anarchie, Etat et Utopie, 1974


Professeur à Harvard, mort en 2002, principal contemporain du
libertarisme, défend aussi l’idée d’un Etat minimal : son rôle est réduit
au maintien de la sécurité civile, au respect de la propriété privée
(garantie le respect des contrats). Donc toute forme d’Etat-providence
est rejetée au nom du droit de la propriété et de la liberté individuelle
(avec le concept de prélèvement obligatoire). Le prix de la liberté est
d’accepter d’extrêmes inégalités.

Pascal Salin dira qu’une société juste est uniquement une société qui
respecte la liberté totale des individus sans jamais chercher à
contraindre l’individu car cela réduirait sa liberté individuelle.

Donc le corollaire du libertarisme est le refus de l’EP, qui génère des


PO. Il ne peut user de contraintes.

3. Le théorème d’impossibilité de Kenneth Arrow


Il cherche à mettre en évidence 5 critères que devraient vérifier toute
procédure de choix sociale pour éviter qu’elle ne soit dictatoriale. Il
faut 1) l’unanimité, 2) l’absence de dictature, 3) la transitivité des
choix collectifs, 4) la non-limitation des choix envisageables et 5)
indépendance du choix à l’égard des alternatives non-pertinentes.
Mais il démontre qu’il n’existe aucune règle de choix collectif qui
respecte simultanément ces 5 conditions.

-> On ne peut pas additionner les préférences pour atteindre un optimum


social.
Il faut qu’une tierce personne intervienne pour définir des règles de vie
de la société qui soient cohérentes avec la notion de justice sociale.

D. Des inégalités de capitaux aux inégalités cumulatives

1. Bourdieu et Jean Claude Passeron, La Reproduction, 1970


Les inégalités entre les individus résultent de différences de dotations
de capitaux économiques, culturels, sociaux, symboliques inégalement
réparties. La reproduction passe par la légitimation d’une domination à
travers le système scolaire.
La dissertation peut valoriser ceux qui détiennent un certain niveau de
capital.
L’école est une institution créée par l’élite et pour l’élite.

2. A. Bihr et R. Pfefferkorn, Le système des inégalités, 2008


Cette approche de système des inégalités est importante : on arrive sur
le caractère multidimensionnel des inégalités. 3 catégories des
inégalités sociales :
- de l’avoir : inégalités dans la distribution matérielle.
- du pouvoir : en terme de ressources politiques et sociales.
- du savoir : donner du sens dans le monde dans lequel on vie, capacité à
élaborer des connaissances.
Il y a donc un caractère cumulatif des inégalités. Lutter contre les
inégalités c’est mettre l’ensemble des politiques en oeuvre.

IV. Les utilitaristes : la justice comme le plus grand bonheur des plus
grands nombres
A. La justice sociale à l’aune de la vision de l’utilitarisme
Bentham est le fondateur de l’utilitarisme. Il considère les gens par la
logique égoïste du calcul des plaisirs et des peines.
Le bonheur du plus grand nombre permet de mesurer ce qui est juste et
injuste. A l’aune de l’utilitarisme, une société est juste si elle
maximise l’utilité collective, celle-ci conçue comme la somme des
utilités individuelles.
-> Selon l’hypothèse de l’utilité marginale décroissante, prélever une
somme aux plus riches va permettre d’augmenter le bonheur collectif car
le moins riche va jouir davantage de cette somme d’argent. (Bel argument
pour souligner l’importance de la redistribution étatique).

B. La conception de la justice sociale pour l'économie du bien-être

1. A.C. Pigou (1877-1959)


Economiste du bien-être : les interventions de l’Etat doivent être
évaluées au regard de leurs effets sur l’utilité collective.
D’une part la protection sociale peut avoir des effets éco négatifs et
d’autre part elle peut aussi en avoir des positifs.
Les PO peuvent freiner les incitations à travailler, épargner ou
investir. De même, les prestations sociales peuvent avoir un effet de
trappe à pauvreté.

2. Vilfredo Pareto
Optimum de Pareto : impossible d’améliorer le bien-être d’un individu
sans détériorer celui d’un autre.
Le 1er thm de l’éco du bien être : tout équilibre sur un marché
concurrentiel est un optimum de Pareto.
La 2è thm : toute allocation de Pareto peut être atteinte par un marché
concurrentiel, en d’autres termes tout optimum de Pareto est équilibre.

3. J. Harsanyi(1920-2000) : l'utilitarisme de la règle


Pour lui, il ne s’agit pas de maximiser la somme des utilités
individuelles, mais il s’agit de choisir des règles dont le respect
collectif maximise l’utilité totale (≠ Bentham).

V. Renouveau des théories de la justice sociale avec Rawls et Sen

A. J. Rawls : Égale liberté et principe de différence

Il faut imaginer pour lui qu’il y a un voile d’ignorance qui est posé sur
la situation et les fins des individus. On peut estimer que les individus
n’ont dès lors qu’une connaissance globale de la société. Les individus
ne sachant pas dans quelle situation ils seront auront intérêt à choisir
les institutions les plus justes possibles. Cette absence d’infos
m’oblige à raisonner en terme de situation d’incertitude : les agents
n’ont pas toutes les infos. Donc ce voile d’ignorance empêche toute
possibilité d’utilitarisme.

C’est pourquoi il y a deux principes pour Rawls.

1. Le principe de justice/liberté comme principe de l’égale liberté pour


tous
Il tend à réaffirmer les droits de chacun, les individus ont les mêmes
droits, à condition qu’ils soient compatibles avec les libertés
individuelles (politique, d’expression, de la personne, propriété
personnelle).

2. Le principe de différence
Les individus les plus talentueux méritent d'être plus riches si
l’exploitation de ces talents améliore la situation des moins bien lotis.
Ce principe se définit en 2 temps : les inégalités sociales et éco
doivent être organisées de telle sorte qu’on puisse s’attendre à ce
qu’elles soient à l’avantage de chacun. Puis elles doivent être
rattachées à des positions et des fonctions ouvertes à tous.

Certaines inégalités sont souhaitables dès lors qu’elles vont bénéficier


aux plus démunis (impôt progressif). L’amélioration de la situation du
plus désavantagé au nom du principe de différence ne peut pas être
atteinte en remettant en cause les libertés de base (type égalité des
chances).

Priorité de la justice sur l’efficacité et le bien-être. Elle doit


améliorer les chances de ceux qui en ont moins.

Rawls introduit dans sa pensée le concept de « biens premiers ». Ces


derniers recouvrent les libertés et droits fondamentaux (revenu,
richesse, pouvoir, opportunités et bases sociales du respect de soi). Ces
« biens premiers » forment les soubassements d’une société juste, il
convient de les mettre à disposition de tous.

3. Critique de la thèse de Rawls


Le voile d’ignorance ne peut fonctionner que si les individus sont
averses au risque.
Sen critique Rawls en disant que ce n’est pas suffisant d’avoir des
droits : il faut que les individus puissent les transformer en libertés
réelles.

B. Les « capabilités » de Amartya Sen

1. Une conception plus large de la justice sociale


Il ne partage pas la vision de Rawls. Pour lui c’est moins les b&s ou les
revenus, mais la question de ce que les individus vont pouvoir mettre en
œuvre pour accomplir des choses. Ce n’est pas juste aller à l’école que
la liberté, ce n’est pas juste l’égalité formelle, mais aussi la
possibilité réelle des individus.
Il cherche à réduire les inégalités.
Il s’appuie sur les écrits d’Adam Smith en tant que philosophe : Théorie
des sentiments moraux, 1759 : Smith mq l’individu s’intéresse au regard
que les autres posent sur lui.
Il s’appuie aussi sur le thm d’incompatibilité d’Arrow (cf au-dessus).

Dans Dvlpmt et liberté, 1999, Sen définit les capabilités comme le champ
des possibles pour un individu. L’égalité des chances passe
nécessairement par exemple par l’égalité des capabilités.
Cela leur permet de choisir la vie qu’ils souhaitent et de jouir
pleinement de leur vie.
Les représentations (qu’on croit que les autres ont de nous et qui nous
poussent à avoir sur nous-mêmes) peuvent réduire le champ des possibles,
tout comme les clichés de genre (auto-censure, femmes en Inde ont moins
accès aux soins que les hommes).

2. Critiques de l’analyse de A. Sen


Une des critiques est de délimiter le champ des possibles pour un
individu : on peut le faire avec la méthode des contrefactuels.
De plus, le caractère statique des capabilités pose qst car on aimerait
mieux être dans une dynamique d’évolution dans le temps.
Dubois-Rousseau a alors préféré le concept de vulnérabilité plutôt que
capabilité : permet de prendre en compte l’imbrication des capabilités
dans les phénomènes de pauvreté. Vulnérabilité = probabilité de voir sa
situation ou ses conditions de vie dégradées quelque soit son niveau de
richesse face aux fluctuations de la vie.
Donc plus on est capable au sens de Sen, moins on est vulnérable.

C. Égalisation des réalisations de M. Fleurbaey

En 1995, Fleurbaey a fait du concept de responsabilité le concept clé de


sa théorie. Les individus doivent être jugés responsables de leurs
préférences. Les individus doivent être clairement informés des
conséquences de leurs choix, doivent être libres de déclarer librement
leurs choix, à l’abri de tout lien de subordination. Il y a donc le
problème de l’accès à l’information tant les individus sont ducoup
responsables de leurs décisions.

C’est une vision presque NC car on parle de préférences de l’individu.


Dworkin en 1981 : pour lui l’égalisation des conditions devrait prendre
en compte les talents et les handicaps dont disposent les individus.
L’objectif des politiques publiques devraient être de compenser les
inégalités dont les individus ne sont pas responsables.

VI. Renouvellement des approches : « la nécessaire reconnaissance »

La question dépasse le cadre matériel aujourd’hui : la cohésion sociale


peut être menacée par un certain nombre d’éléments, les individus vont
être plus sensibles à la reconnaissance et à leur identité.

Les individus attendent une certaine reconnaissance et donc l’Etat a un


rôle à jouer, en les déclarant comme droits.
Mvmts féministes et gays dans les années 80 émergent. La FR a abordé avec
retard ces qst, mais l’égalité des droits dans le mariage pour tous va
être adoptée en 2013 et déclarée conforme à la constitution.
L’égalité salariale : entre hommes et femmes dans les ent de + de 250
salariés. L’employeur doit calculer un index de l’égalité homme-femme
chaque année.
La représentativité dans les espaces de pouvoir aussi : loi sur la parité
politique dans les années 2000.

Critère de reconnaissance de sa dignité : davantage exploité par Van


Parijs dans Qu’est ce qu’une société juste, 1991 : il retient l’idée
d’égale sollicitude (attention que l’on porte à qlqn), qui est un élément
important pour redéfinir la justice sociale.

Pour Honneth, La lutte pour la reconnaissance, 2000, on peut avoir une


approche en terme de reconnaissance des identités : permet de passer
d’une lecture de conflits sociaux réduits à des conflits d’intérêts.
Reconnaître les identités motiverait l’adhésion à un mvmt social.
Ce n’est plus l’élimination de l’inégalité qui représente l’objectif
normatif, mais l’évitement de l’humiliation ou du manque de respect.

3 domaines de la reconnaissance des identités sont imbriqués : l’intime


(apporte la confiance en soi), le droit (reconnaissance de l’égalité) et
la solidarité (apporte l’estime de soi par la reconnaissance de l’utilité
sociale).
Cela fait dire à Honneth que les luttes pour la reconnaissance sont
centrales car permettent aux identités de se réaffirmer.
Mvmts des infirmières et aides soignantes : pas seulement une lutte pour
avoir des avantages matériels, mais aussi pour les identités
individuelles.

Partie II : Quelles politiques de Justice sociale aujourd’hui ?

Ces politiques nécessitent de mobiliser les concepts de contrat social.


La philosophie pourrait aussi être mobilisée.

I. Redéfinition du contrat social ?

À quoi est-on prêt à renoncer pour avoir moins d’inégalités ? (Coût


d’opportunité)

A. Tension entre la société et l’individu

Nancy Fraseur dans Qu’est ce que la justice sociale : reconnaissance et


redistribution, 2011, estime qu’il y a un dilemme entre reconnaissance et
redistribution : les personnes qui sont objets simultanément d’injustice
culturelle et d’injustice économique ont besoin à la fois de
reconnaissance et de redistribution ; elles ont besoin à la fois de
revendiquer et de nier leur spécificité.
La qst de la reconnaissance des minorités tend à faire passer au second
plan celle de la redistribution des richesses alors que les deux sont
essentielles.
D’où pour elle pas de reconnaissance sans redistribution -> les deux sont
liées.
Elle dvlp la qst autour de la difficulté de définir ce qu’est la justice.
Elle parle de justice anormale pour caractériser les situations où il n’y
a pas consensus sur le concept de justice.

B. La crise de l’égalité ?

1. Veut-on vrmt l’égalité ?


Cette crise de l’égalité serait synonyme de l’abandon du concept de
justice sociale. Cette crise est évoquée par Pierre Rosanvallon dans la
Société des égaux, 2011, « on n’a jamais autant parlé des inégalités en
même temps qu’on a aussi peu agi pour les réduire. On voit ainsi
fréquemment des jugements accablants sur l’injustice du système éducatif
voisiner avec des cmpts individuels d’évitement des obligations de carte
scolaire. »
Cette crise de l’égalité accompagne l’affaiblissement de tout un ensemble
de représentations précédentes du juste et de l’injuste.

Patrick Savidan, dans Voulons-nous vrmt l’égalité ?, 2015, se demande


pourquoi les gens contribuent en cse au creusement des inégalités qu’ils
dénoncent.
Il réfute d’abord l’hypothèse de sous-information des individus au vu de
la quantité d’infos disponibles sur les effets pervers des inégalités.
Puis il réfute aussi celle de la simple indifférence à la justice
sociale, pour des raisons de psychologie sociale.
Enfin il réfute aussi celle du sentiment d’impuissance face à ces
inégalités car une majorité vote pour des politiques publiques.
Non, pour lui, la raison provient d’une « faiblesse de la volonté » ie
nous agirions consciemment contre ce que nous estimons être notre
meilleur jugement.
Puis surtout, nous contribuons à consolider la « tendance oligarchique »
de la société contemporaine par notre quête de sécurité, celle de la
sécurisation de notre position, qui dès lors suppose la fragilisation de
celle des autres. Nous servons donc des intérêts qui correspondent à un
état auquel nous aspirons. Ce n’est pas si immoral que ça : on souhaite
sécuriser les situations et trajectoires sociales de nos proches avant
tout, ce qui n’est pas absurde.

2. Penser autrement l’égalité


Rosanvallon nous dit qu’on est à l’âge de l’individualisme de
singularité. Il faut mntnt penser autrement l’inégalité. Il faut
hiérarchiser les différentes formes d’inégalités.
Il faut se mettre d’accord sur celles qu’on considère les plus
importantes. Ce qui va être important va être d’arriver à hiérarchiser
ces situations.
Il nous dit que le projet de refonder les institutions pour avoir une
société des égaux doit passer par des principes de singularité (c’est à
partir de leurs spécificités que les individus veulent faire société. Les
pol sociales ne doivent pas se limiter à la redistribution, mais outiller
aussi l’individu pour lui donner les moyens de son autonomie),
réciprocité (repose sur l’égalité de traitement et d’engagement.
Actuellement, l’absence du principe de réciprocité est très forte à
l’intérieur de la classe moyenne et vise les deux extrêmes des deux
échelles sociales) et communalité (vise à remédier à la régression de la
citoyenneté sociale).

II. Tension entre définition de la justice sociale et l’intervention des


pouvoirs publics

A. La discrimination positive

1. Du contrat de la discrimination…
Des discriminations peuvent être vécues par certaines personnes dans leur
quotidien.
Article par Yannick Lorthy : « Les jeunes FR issus de l’immigration font
-ils l’objet d’une discrimination à l’embauche ? » Les constats : a pu
mesuré l’ampleur des discriminations -> les candidats d’origine marocaine
doivent envoyer 10* plus de CV que les candidats avec des prénoms
d’origine FR. Le fait de porter un prénom marocain ou d’afficher une
nationalité marocaine est moins discriminant qu’avoir un nom de famille
marocain.

2. …à l’action…
Il faut prendre acte des inégalités de discrimination et donner plus à
ceux qui en ont moins. On va accepter d’aller à l’encontre du principe
d’inégalité. La discrimination positive (DP) instaure des inégalités de
droits dans une société afin d’arriver in fine à établir une égalité en
son sein (paradoxe).

2 modèles de DP : un modèle anglo-saxon qui cherche à lutter contre la


persistance de pratiques discriminatoires de façon réglementaire.
Un modèle européen continental : lutter contre des phénomènes persistants
de pauvreté en combinant des aides publiques spécifiques et des mesures
juridiques, en ciblant ces populations.

Dvlpmt des ZEP (devenues REP) en 81 qui a infléchi l’uniformité et


l’universalité des prestations établies en 1945.
Différentes lois pour cibler des personnes pour faire de la
discrimination positive : ex de la loi de 1987 qui établit des quotas de
travailleurs handicapés dans les entreprises par exemple.
En 1960, 13% de la population noire pouvait être considérée intégrée dans
la classe moyenne américaine contre plus de 50% un demi-siècle plus tard.
La discrimination positive vise à dvlpper chez la population victime de
discrimination un sentiment d’intégration à la communauté nationale.
C’est un geste politique public fort. Les partisans de la DP montrent que
cela permet le dvlpmt d’un certain sens civique. Ce sont ces mesures qui
vont permettre de faire croiser des individus qui n’auraient jamais pu se
croiser.
Ces politiques publiques ont aussi un coût économique extrêmement faible
(peu onéreuses car ne jouent que sur de la réglementation).

La DP a été déployée en particulier aux USA sous Johnson.

3. …aux limites.
Si on pensait un temps que la DP était le graal des réponses aux
inégalités, on est en fait revenu en arrière.

Aider certains davantage que d’autres sur un principe d’équité peut aussi
conduire à des décisions qui renversent la table : la politique familiale
en France était universaliste jusqu’à récemment et était modulée en
fonction des caractéristiques sociales de certaines populations (on aide
davantage certaines populations que d’autres). Mais ça a marqué une
rupture avec le principe d’universalité et d’uniformité des prestations.
Ce n’est pas neutre non plus pour les personnes concernées car en se
penchant sur une certaine population, on peut avoir un effet
d’étiquetage, ces populations peuvent avoir l’étiquette de plus
vulnérable et en souffrir.

On a changé l’objectif dans les années 2000 de la politique familiale


pour la changer en politique de redistribution.

Ce type d’intervention publique (DP) vise à intégrer de manière efficace


les exclus. La présence de femmes et d’hommes de couleur au pouvoir comme
aux USA n’a en réalité eu que peu d’impact sur la diminution du clivage
américain entre population noire et blanche, qui reste dramatique dans le
pays.

Ceux qui ont bénéficié des DP sont aussi sanctionnés par ces mesures :
sont accusés davantage de s’approprier les ressources injustement par les
autres qui ont un regard critique sur eux.

La DP peut entraîner de la stigmatisation.

B. La question de la justice sociale face aux grandes transitions :


quelle acceptation de l’intervention des pv publics ?

1. Les politiques climatiques à l’aune de la justice sociale : la


question de l’acceptabilité
Qu’est ce qui doit agir face aux externalités négatives ?
Concept d’incidence fiscale : Joe Biden utilise des subventions et non
des taxations pour « échapper » à cette incidence.

2. Le financement de la protection sociale face à la justice sociale


Cf. Éloi Laurent, Le bel avenir de l’Etat providence, 2014.

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