Vous êtes sur la page 1sur 8

REGARDS CROISÉS

CHAP 9 : QUELLES INÉGALITÉS SONT COMPATIBLES


AVEC LES DIFFÉRENTES CONCEPTIONS DE LA JUSTICE
SOCIALE ?
"Les hommes naissent égaux. Dès le lendemain, ils ne le sont plus."
Jules RENARD (1864-1910)
"Il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et
tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société
libre alors que la seconde n’est qu’une nouvelle forme de servitude."
Friedrich Von HAYEK (1899-1992)
"De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins."
Karl MARX (1818-1883)

A la fin de ce chapitre, vous devez:


1. Connaître les grandes tendances d’évolution des inégalités économiques depuis le début du XXe siècle et comprendre
que les inégalités économiques et sociales présentent un caractère multiforme et cumulatif.
2. Savoir interpréter les principaux outils de mesure des inégalités, statique (rapport inter-quantiles, courbe de Lorenz et
coefficient de Gini, top 1%) et dynamique (corrélation de revenu parents-enfants).
3. Comprendre que les différentes formes d’égalité (égalité des droits, des chances ou des situations) permettent de définir
ce qui est considéré comme juste selon différentes conceptions de la justice sociale (notamment l’utilitarisme, le libertarisme,
l’égalitarisme libéral, l’égalitarisme strict).
4. Comprendre que l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale (fiscalité, protection sociale, services
collectifs, mesures de lutte contre les discriminations) s’exerce sous contrainte de financement et fait l’objet de débats en termes
d’efficacité (réduction des inégalités), de légitimité (notamment consentement à l’impôt) et de risque d’effets pervers
(désincitations).

Avant de débuter ce chapitre, il est indispensable de revoir le début du chapitre 4, concernant la stratification sociale et la distinction entre
différences et inégalités. Revoyez également la Fiche méthode de Mesure des inégalités.
Ces connaissances seront considérées comme comprises et acquises.

Dès lors que l’on pose le diagnostic de l’existence d’inégalités, il convient de faire un bilan des différentes inégalités, de leurs relations et de
leur évolution. (I)
Se pose ensuite la question de leur justification et donc de leur justice.
Toutes les inégalités sont-elles “normales”, cad “justes” dans une société donnée ?
Mais qu’est-ce qu’une inégalité “juste” ? Selon quels critères décide-t-on de leur justice ?
La justice sociale s’appuie sur l’idée d’égalité mais elle ne fait pas l’objet d’une définition unique. Elle n’est pas interprétée par tous de la
même manière : égalité des droits, égalité des chances, des situations etc… (II)
Dans ces conditions, quels peuvent être les objectifs des politiques publiques définies collectivement dans nos sociétés démocratiques, pour
contribuer à la justice sociale ? Quels sont leurs moyens ? Sont-elles efficaces ? (III)
I. Des inégalités évolutives et cumulatives et multiformes
A. Comment les inégalités ont-elles évoluées depuis le début du XX°s ?
Doc 2 et Doc 3 p 294-295: pour chacun des deux documents:
1/ Décrivez le type de doc, son indicateur, sa source...
2/ Faites une lecture chiffrées de deux données du document. Si le document comporte plusieurs indicateurs, fournissez au minimum 1 lecture par
indicateur. → Au besoin, reprenez la FM Mesure d’inégalités
3/ Analysez le document: quelles sont les informations principales à retenir de chaque document ? Justifiez avec des données chiffrées.

Synthèse : Les explications de l’évolution des


inégalités dans le temps

I/ A long terme, les inégalités ont baissé et aujourd’hui


augmentent à nouveau, en fonction de l’ampleur de l’action de
l’Etat-providence
Le XIXe siècle a connu une forte augmentation des inégalités qui ont
ensuite diminué, au XXe, dans tous les pays développés. Les
nouveaux pays développés ou en développement voient également
leurs inégalités croître avec leur développement.
Contrairement à ce que Kuznets pensait, la réduction des inégalités
vécue dans les pays “anciennement développés” n’est pas
automatique, et peut très bien ne pas se reproduire dans les pays
“nouvellement développés”.
La réduction sur le long terme des inégalités de revenus dans les pays développés a deux explications principales : la réduction des inégalités de
patrimoine, du fait des destructions liées aux guerres, de la crise des années 1930 et des périodes d'inflation, et l’action de l’Etat-providence avec
l’instauration de l'impôt progressif sur le revenu et les successions.
À l'inverse, la remontée des inégalités de revenus depuis les années 1980 dans les pays développés, a été rendue possible par le repli progressif de
l’Etat-providence, qui s'est traduit par la réduction de l'impôt progressif, favorisant le retour des héritiers en période de croissance faible mais de
stabilité politique (plus de guerre destructrice dans ces pays…).
Rien ne dit donc, que ces évolutions se reproduisent dans les autres parties du monde.

II/ Les évolutions économiques récentes avantagent certains travailleurs au détriment d’autres
Du fait du progrès technique, la demande de travailleurs non qualifiés diminue par rapport à celle de travailleurs qualifiés. La
mondialisation, en mettant en concurrence les salariés peu qualifiés des pays développés et en développement dans certains
secteurs, contribue également à un chômage plus élevé et à des augmentations de salaires plus faibles chez cette catégorie
de travailleurs, ce qui renforce les inégalités de revenus primaires entre travailleurs.
Les rapports de force évoluent néanmoins: ce ne sont plus seulement des inégalités traditionnelles entre travailleurs qualifiés
et non-qualifiés, mais surtout entre travailleur délocalisable ou remplaçable par une machine et travailleur non-délocalisable et
non-remplaçable par une machine.
Par exemple, de nombreux métiers qualifiés de l'ingénierie ou de la comptabilité (ingénieur, comptable) peuvent voir leurs
emploi délocalisés, a contrario, des emplois peu qualifiés des services à la personne (personnel de ménage, d’entretien des
jardins, garde d’enfants, de personnes âgées) sont aujourd’hui “en tension”: la demande excédant l’offre (donc les prix /
salaires………………….)!
On parle à ce titre, du développement des métiers “à compétence” plutôt qu’à qualification.
Cependant, la libéralisation du commerce contribue, au contraire, à réduire les inégalités en augmentant le pouvoir d'achat.
Enfin, la hausse des hauts revenus (salariés de la finance, PDG, patrons propriétaires) est, quant à elle, largement liée à la
libéralisation des marchés financiers et à la mise en place de nouvelles pratiques de rémunération et de gestion des dirigeants (bonus, stock-options)
qui ont favorisé l'inégalité comme norme sociale.

III/ Les inégalités forment un système aux causes sociales et politiques


Les inégalités sociales entretiennent des relations entre elles et se cumulent, formant un système. Ainsi, les inégalités de capital
culturel contribuent aux inégalités de revenus primaires entre individus. Du fait de l'homogamie, ces inégalités s'étendent aux
ménages. Selon le principe de reproduction sociale, elles sont transmises, avec les inégalités de capital économique, à la
génération suivante et contribuent également aux inégalités de logement et de capital social, qui entretiennent elles-mêmes l'«
entre soi »...
Elles apparaissent comme le résultat de rapports sociaux de générations, de sexes ou de classes. Les inégalités de salaires
hommes-femmes révèlent ainsi des inégalités de genre : les représentations sexuées du travail domestique et des emplois
transmises dès l'enfance contribuent au maintien de rôles sociaux différenciés entre hommes et femmes, ce qui se traduit par
une moindre reconnaissance des qualifications des femmes et une prise en charge plus importante du travail domestique et des
enfants au détriment de leurs loisirs et de leur carrière. Une forte conscience de classe ouvrière pendant la période de croissance a favorisé les luttes
syndicales et politiques, réduisant les inégalités sociales, et inversement dans la période de crise économique, de moindre conflictualité.
B. Les inégalités sont multiformes

Synthèse :
les “vieilles” et les “nouvelles inégalités” économiques et sociales
Il existe de nombreuses autres formes d’inégalités sociales. On peut les classer, pour simplifier, entre les « vieilles » et les « nouvelles » inégalités.
Les vieilles inégalités (ou inégalités « classiques ») sont les inégalités « simples » connues depuis « toujours » :
- inégalités de prestige : qui peuvent être liées à une profession (indépendamment du niveau de salaire : par exemple il est mieux vu d’être
médecin que plombier, même si un médecin de campagne gagne en général moins qu’un plombier) ou simplement à une position sociale
(titre de noblesse, chanteur, gagnant de la coupe du monde de foot etc),
- inégalités professionnelles : en terme de salaire ou de revenu, d’avancement, de protection sociale etc…
- inégalités de patrimoine: le patrimoine se transmet entre les générations, et permet de générer des revenus (rentes).
- inégalités sexuelles : homme/femme,
- inégalités fondées sur des caractéristiques physiques ou mentales : couleur de peau, handicap, origine ethnique, religieuse etc.
Les nouvelles inégalités sont la résultante d’une conjugaison de facteurs. elles ont donc un caractère cumulatif.
inégalités territoriales : de salaires, face aux soins, face à la mort, à l’offre d’éducation (scolaire et universitaire), de transport, d’offre culturelle,
de niveau de vie, de mode de vie.
inégalités sociales résultantes des inégalités professionnelles : disparités d’espérances de vie, de mobilité, d’activités culturelles, de
réussite scolaire des enfants.
inégalités de consommation : résultante des inégalités de revenus et de patrimoine, mais également des inégalités territoriales ou sexuelles.
inégalités de santé, d’espérance de vie et d’accès aux soins : liées aux inégalités territoriales, de revenus et de milieu social.
inégalité de culture (et d’accès à la culture). Idem

C. Les inégalités sont cumulatives


Doc 4 p 297: “Des inégalités multiformes et cumulatives dès le plus jeune âge” Faire les 3Q

Faire le schéma de la partie autoévaluation p 297

Rédigez 1 SA, expliquant le caractère cumulatif des inégalités économiques ET sociales en partant d’un exemple.
II. Inégalités justes, inégalités injustes ? Les différentes formes de la
Justice sociale
Petite introduction:
Doc 1: Les inégalités sont-elles toujours injustes?
Attachons-nous ici à la tendance, [...] irrépressible, à lire ces différences de cursus comme des
inégalités injustes. Les inégalités de carrières - par exemple, la rareté des enfants d'ouvriers à
Polytechnique - sont lues comme d'évidentes inégalités des chances : ces enfants ont sans doute
rencontré plus de difficultés scolaires du fait des contenus de formation - selon la thèse de ‘l'inégale
distance” entre cultures familiales et culture scolaire -, ou d'une scolarisation dans des contextes
scolaires de qualité inégale - du fait de la ségrégation scolaire notamment - ; ils ont sans doute été
mal informés de toutes les possibilités d’études. [...] La question du degré de justice éventuel de ces
inégalités de carrières scolaires apparaît sacrilège, et elle est souvent éludée.
Pour trancher, un surcroît d'information serait nécessaire: il conviendrait de savoir comment ces
inégalités ont été fabriquées, en particulier si, au départ, les aptitudes scolaires, la mobilisation et
les visées étaient identiques. Concrètement, les inégalités d’accès à Polytechnique entre enfants de
cadres et enfants d’ouvriers ne seraient injustes que si les uns comme les autres étaient tous
capables et en avaient tous l’ambition, certains ayant été injustement empêchés de réaliser leurs
rêves…
Marie Duru-Bellat, Le mérite contre la justice, Les presses de Sciences-Po, 2009
1/ Pourquoi les différences de parcours scolaire peuvent-elles apparaître comme des
inégalités injustes?
2/ Comment l'auteure relativise-t-elle cette idée?
3/ En quoi l’affiche du laboratoire des inégalités mise en illustration peut-elle être un exemple
de cette difficulté à différencier différence et inégalité? Apportez une réponse nuancée.
4/ Trouvez d’autres exemples d’inégalités justes ou injustes. Justifiez.

A. De l’égalité à la notion de Justice Sociale

Synthèse… Egalités et Justice sociale


L’égalité est une situation dans laquelle deux individus ou
deux groupes sont dans des positions identiques ou
équivalentes. On peut par exemple constater que deux classes
ont des effectifs égaux ou que deux individus ont des revenus
égaux.
L’égalité est aussi une valeur, elle exprime une aspiration et un
idéal quant au traitement des différents individus ou groupes. Par
exemple, en droit français, le service public est fondé sur un
principe d’égalité: tous les individus doivent avoir accès dans des
conditions identiques aux services publics.
On distingue généralement trois conceptions de l’égalité:
- l’égalité des droits (dite aussi “égalité en droit”):
c’est l’égalité des conditions d’Alexis de Tocqueville.
Elle suppose que tous les individus se voient appliquer
les mêmes règles juridiques. Par ex: il ne peut y avoir
d’inégalités de droit liées à la naissance ou à la richesse / position sociale. Cela s’oppose donc par exemple aux sociétés de castes,
d’ordres ou d’esclavage. Cette forme d’égalité est donc compatible avec de grandes inégalités des chances ou des situations.
- l’égalité des chances: elle suppose que tous les individus ont la même probabilité d'accéder aux positions sociales les plus valorisées,
indépendamment de leur origine sociale. Par ex: tous les individus doivent avoir les mêmes chances d’obtenir un emploi valorisé (haut
fonctionnaire, président…) ou d'accéder à une filière de formation sélective ( classes prépa, grandes écoles etc) quelque soit son origine
sociale. L’égalité des chances est compatible avec une grande inégalité des situations.
- l’égalité des situations (dite aussi “égalité de fait”): elle suppose que les individus disposent d’avantages économiques et sociaux
identiques. Cette forme d’égalité est une perspective (un objectif) plus qu’à réalité: les débats, dans les sociétés démocratiques, portent
surtout sur les moyens de réduire les inégalités de situations (et non sur la possibilité de les annuler tout à fait).
→ Depuis une dizaine d’années, en France, une nouvelle forme “d’égalité” est apparue dans les discours politiques: le terme “d’égalité des
possibles”, terme-valise, qui correspond à une “volonté politique” de diminuer les inégalités des chances… sur plusieurs générations… ce qui revient
à constater et admettre… que l’égalité des chances n’existe pas… que l’on ne parvient pas (ou ne veut pas) la mettre en place en quelques années…
et donc que l’on se donnerait comme perspective une plus grande égalité des chances sur 60 ou 80 ans… chaque génération (30 ans) aurait une
égalité des chances plus importante que la précédente… Il s’agit donc d’un terme “politique” (et d’un projet politique) et non sociologique…
Lire le doc 3 p 259
En marge des 3 notions de l’égalité, notions objectives, s’est développée une
notion plus subjective permettant de porter un jugement de valeur (qui
s’oppose au jugement de fait) sur des situations réelles: la notion d’équité.
L’équité est “le sentiment sûr et spontané du juste et de l’injuste”
(André Lalande).
Par exemple, on peut trouver équitable de donner davantage de temps à une
personne souffrant d’un handicap lors du passage d’un examen, pour
permettre / rétablir l’égalité des chances entre les candidats… dans ce cas,
l’équité peut passer par l’introduction d’une nouvelle inégalité (donner plus de
temps) pour en diminuer une autre (une inégalité des chances au départ ).
Cette notion peut donc justifier la mise en place de nouvelles inégalités… →
voir partie discrimination positive
Equité et égalité sont donc parfaitement compatibles.
Rectifiez donc le dessin à droite ⇒
Chacune des ces égalités entraîne de nombreuses conséquences
Aujourd’hui, le consensus se fait sur l’égalité des droits… seulement
Tentez de rattacher chacune des 3 citations données au début de ce chapitre à une des notions de l’égalité définie dans cette sous-partie

Donc on arrive rapidement à la notion de Justice sociale: la Justice sociale se compose d’un ensemble des principes qui définissent une
répartition des ressources, des droits et de devoirs sociaux des membres d’une société donnée. la justice sociale se fonde sur une des
vision de l’égalité et est donc propre à une société, à une époque données… il y a donc de multiples visions de la justice sociale.

Tocqueville:
Les deux passions des individus dans les sociétés démocratiques:
Pour Tocqueville, les individus dans les sociétés démocratiques ont deux “passions” (grandes valeurs) très fortes: une
passion pour la liberté (plus de servitude, d'obéissance aux nobles ou monarques), et une passion pour l’égalité qui
s’appuie sur l’égale considération des individus (abolition des privilèges) et conduit à revendiquer l’égalité de droit (dite
“égalité des conditions chez Tocqueville) mais aussi à chercher une égalité “de fait” (égalité des situations).
Ce 2eme sentiment étant plus fort encore que le premier, Tocqueville pensait qu’il est possible que les individus acceptent
de se faire déposséder de tout ou partie de leur liberté individuelle pour obtenir davantage d’égalité entre les individus…
ce qui pourrait conduire à l’arrivée légale d’un despote au pouvoir, qui permettrait à ses électeurs de leur accorder
davantage d’égalité...
L’histoire du XX°s, mais également celle du XIX°s montre toute l’actualité de cette analyse…
Tocqueville, né en 1805 et mort en 1859 était un visionnaire... non?

B. Les différentes formes de la Justice Sociale ?


Doc 1: Justice commutative et distributive.
La justice commutative consiste dans l’égalité de droit ou égalité formelle. Elle est fondée sur la réciprocité (chacun doit récupérer son dû). L’équité
consiste alors en ce que chacun reçoive l’équivalent de son apport. Elle peut être mise en œuvre sans intervention de l’Etat et reposer sur les seuls
mécanismes du contrat et de l’assurance. Toutefois, un acte tutélaire de l’Etat peut être souhaitable (assurance obligatoire) […] pour des raisons
éthiques (éviter que des individus se retrouvent en situation d’insolvabilité, ce qui aurait des conséquences néfaste pour eux-mêmes et pour autrui).
La justice distributive ou « corrective » vise à l’égalité réelle, c’est-à-dire à une redistribution de revenu ou de richesse entre les individus. Dans sa
forme utile, elle vise à donner à chacun selon ses besoins ou ses handicaps. Sa mise en œuvre implique l’action des pouvoirs publics. Une application
de ce principe de justice, au-delà des mécanismes de transferts, est la « discrimination positive » dans l’offre de services publics. C’est le cas, par
exemple, de la politique des zones d’éducation prioritaire en France (ou des collèges « éclair »). Une telle politique ne va pas de soi, car elle va à
l’encontre du principe républicain de l’égalité de tous les citoyens à l’égard du service public.
Alain Michel, « Etat-providence », Découverte de l’économie, Les Cahiers français, La Documentation française, janvier-février 1997
1/ Qu’est-ce que la justice sociale ?
2/ En rappelant la définition de l’équité, expliquez quelle serait l’équité au sens de la justice distributive et expliquez pourquoi chacune des
deux types de justice sociale propose une équité différente.
3/ Parmi les mesures de politiques écos et sociales suivantes, distinguez celles qui relèvent de la justice commutative et de la justice
distributive : les allocations familiales, le RSA, la CMU, la retraite de la sécurité sociale, l’allocation adulte handicapé, l’ISF, la réforme de
l’imposition des personnes âgées.
Doc 2: Les principes de la justice sociale de Rawls
La théorie de la justice comme équité essaie [de proposer] deux principes de justice pour servir de guides dans la réalisation par les institutions de base
de valeurs de la liberté et de l’égalité, et ensuite en définissant un point de vue d’après lequel ces principes apparaissent plus appropriés que d’autres à
la nature des citoyens d’une démocratie, si on les considère comme des personnes libres et égales. […] Certaines formes institutionnelles sont mieux
faites pour réaliser les valeurs de la liberté et de l’égalité quand les citoyens sont considérés comme des personnes libres et égales c’est-à-dire comme
doués d’une personnalité morale qui leur permet de participer à une société envisagée comme un système de coopération équitable en vue de
l’avantage mutuel. Ces deux principes s’énoncent de la façon suivante :
1/ Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés et de droits de base égaux pour tous, compatible avec un
même système pour tous.
2/ Les inégalités sociales et économiques doivent remplir deux conditions : en premier lieu, elles doivent être attachées à des fonctions et à des
positions ouvertes à tous dans des conditions de juste (fair) égalité des chances ; et, en second lieu, elles doivent être au plus grand avantage des
membres les plus défavorisés de la société.
John Rawls, Justice et démocratie, le Seuil, 1993
1/ Quelles conditions doivent être réunies pour qu’une inégalité soit considérée comme juste par Rawls ?
2/ Montrez que ces deux principes de justices sont nécessaires l’un à l’autre.
3/ A quel type de justice sociale correspond la théorie de Rawls ?

→ Lire également le doc 2 p 300

III. L’action de l’Etat-Providence en faveur de la JS : une action publique sous


contraintes

Définition: Etat-providence
Conception de l’intervention de l’Etat, qui s’est imposée après la Seconde Guerre Mondiale, selon laquelle l'Etat doit jouer un rôle actif
dans la recherche du progrès économique et social. Parfois, la notion d’E-P est employée de façon plus restrictive pour désigner le seul
système de protection sociale.
L’Etat-providence, dont l’inspiration théorique est le keynésianisme, associe ainsi le progrès social et dynamisme du système économique: la
recherche du plein-emploi et les systèmes de protection sociale et d’éducation participent au soutien de la demande et à l'entretien de la force de
travail tout en répondant à des besoins sociaux.

Les 3 modèles d’Etat-providence


L’Etat-providence selon le modèle bismarckien, fondé en Allemagne par les lois de 1880, repose sur le mécanisme des assurances sociales, dans
lequel les prestations sont la contrepartie de cotisations (il y a la prévention du risque “maladie”, “vieillesse” et “accident du travail” pour les actifs et
leurs ayant droits uniquement.)
L’Etat-providence selon le modèle beveridgien, qui naît au Royaume-Uni après la 2eme GM, repose sur le mécanisme de l’assistance, est financé
par l'impôt (donc par tous les actifs) et fournit des prestations uniformes et assez faibles à tous les membres de la société.
L’Etat-providence selon le modèle français combine les deux modèles d’assurance et d’assistance et occupe une position originale et
intermédiaire entre ces deux modèles. Dans ce modèle intermédiaire, l’EP poursuit un double objectif:
- un objectif de protection sociale, d’assurance contre les risques et les aléas de la vie,
- un objectif d’aide sociale et de justice sociale, via certains mécanismes complexes de redistribution des richesses
A. Les instruments d’intervention de l’Etat-providence
1. 1ere action directe: La protection sociale
Doc 3: Les deux mécanismes de protection sociale: l’assurance et l’assistance
La logique d'assurance sociale
L'assurance sociale [repose sur le mécanisme suivant]. Les travailleurs versent une cotisation qui est fonction de leur revenu, [complétée par une
cotisation de leur employeur], et s'ouvrent ainsi un droit « objectif » sur la société. Ce droit consiste à percevoir une prestation dont le montant est en
rapport avec leur revenu, en cas d'interruption ou de privation d'emploi. La notion d'assurance s'est développée parallèlement à l'émergence du travail
salarié : pour pallier les risques d'une perte de salaire consécutive à un accident, au chômage ou à la vieillesse, il est apparu nécessaire d'instaurer une
protection permettant à chaque travailleur de se constituer un revenu de remplacement, sur la base de cotisations préalables. [...]
Les assurances sociales s'inspirent des principes de l'assurance privée sans toutefois se heurter aux mêmes limites [...], à savoir [...] la sélection et la
tarification des assurés en fonction de risques spécifiques liés [par exemple] à leur âge et à leurs antécédents médicaux. L'affiliation obligatoire à un
régime de Sécurité sociale [...] permet de couper court à ces difficultés. En supprimant la possibilité pour les personnes à faibles risques de s'assurer à
des conditions plus avantageuses auprès de la compagnie de leur choix, et en opérant une redistribution entre les cotisants, la Sécurité sociale met en
œuvre une solidarité universelle.
La logique d'assistance sociale
L’assistance sociale procède d'une histoire et d'une logique différentes. Héritière de la charité chrétienne et de la Révolution française de 1789, à
travers ses principes d'égalité et de solidarité nationale, elle se définit comme le devoir de la société de porter secours aux indigents, vieillards ou
enfants abandonnés. Elle passe par l'octroi d'une aide aux personnes dont les ressources sont insuffisantes, financée par les impôts et versée par les
collectivités publiques sans contrepartie de cotisation. Ces prestations constituent pour la collectivité une obligation légale à l'égard des personnes en
situation de besoin. Elles ne sont pas contributives : autrement dit, aucune contrepartie n'est exigée du bénéficiaire. En revanche, elles sont soumises à
des conditions de ressource et de besoin qui justifient l'examen au cas par cas de la situation du demandeur.
www.viepublique.fr
1/ Quelles sont les deux grandes différences qui séparent “assurance” et “assistance” ?
2/ De quelle histoire et de quels principes l'assurance et l'assistance découlent-elles respectivement ?
3/ Qu'est-ce qui rapproche l'assurance sociale de l'assurance privée ? Qu'est-ce qui l'en distingue ?
4/ Qu'est-ce qui rapproche l'assistance sociale de la charité religieuse ? Qu'est-ce qui l'en distingue ?

→ Allez voir le doc 3 p 303

2. 2eme action directe: La redistribution sociale


Doc 2 p 302: “Les moyens des pouvoirs publics pour assurer la redistribution”: Faire les 4Q

3. L’action indirecte: Les services publics et la législation


Lire le doc 4 p 303
Synthèse: les autres moyens d’intervention de l’Etat: les services
collectifs, les législations et politiques publiques
Les inégalités qui traversent la société française ne se limitent pas aux inégalités
de revenus et l’Etat dispose d’autres moyens d’action pour les combattre. Les
services collectifs jouent ici un rôle important. En permettant l'accès de tous, et
notamment des plus démunis, à des services jugés essentiels, ils contribuent à
réduire les inégalités. Il en va ainsi de l’éducation, la santé, mais aussi le droit, les
transports en commun, bibliothèques, voire les vacances pour les enfants…
Certaines politiques publiques peuvent être mobilisées dans cette lutte contre les
inégalités, comme la politique du logement, la politique de la ville, la politique
salariale…
Enfin l’importance accordée aujourd’hui au problème des discriminations a
conduit à mettre en place des institutions (la Halde par exemple) et des
mesures spécifiques dénommées discriminations positives (qui en France ne
reposent pas sur des critères ethniques contrairement aux E-U). Dans le domaine politique, la loi sur la parité (2012), obligeant les partis politiques à
présenter un nombre équivalent d’hommes et de femmes aux élections, les quotas de handicapés imposés aux entreprises en matière d’emploi sont
autant d’exemples de ces mesures de discriminations positives mises en place par l’Etat. Dernière mesure en date: le 2018, les entreprises de plus
de 50 salariés, ont l’obligation de prouver qu’elles payent autant leurs salariés femmes et hommes pour n travail égal. Ces politiques publiques ont
également eu des incitations hors des obligations mises en place par l’Etat: les grandes entreprises ont ainsi, laissé de plus en plus de place aux
femmes dans leurs comités de direction...
B. Une action publique sous contraintes: les crises de l’Etat-providence
Doc 4: Crise financière et crise d’efficacité
La crise financière a été déclenchée dans les années 1970. À partir de cette période, en effet, les dépenses
sociales, et notamment les dépenses de santé, ont continué à croître aux rythmes antérieurs de 7 à 8 % par an,
alors que les recettes n'augmentaient plus que de 1 à 3 %, indexées qu'elles étaient sur une croissance ralentie
depuis 1974. Cette ouverture des ciseaux entre les recettes et les dépenses a partout été financée par une
hausse rapide des prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales). Alors qu'ils avaient été pratiquement
stables pendant les trente glorieuses, ils étaient par exemple passés en France de 35 % à 45% du PIB entre 1975 et
1985. La crise idéologique marque surtout les années 1980. Elle traduit la suspicion dans laquelle
l'État-entrepreneur est alors tenu pour gérer efficacement les problèmes sociaux. Elle correspond à la remise en
cause d'une machinerie de plus en plus opaque et de plus en plus bureaucratique, qui brouille la perception des
finalités et entraîne une crise de légitimité.
Ces deux dimensions subsistent aujourd'hui. La maîtrise des dépenses de santé et des diverses prestations
sociales demeure toujours un sujet fondamental de préoccupations. La montée du chômage n'a d'ailleurs fait
qu'aggraver les difficultés financières. Si l'explosion des prélèvements obligatoires a fini par être enrayée depuis le
milieu des années 1980, ce n'est qu'au prix de la réduction de certaines prestations ou de réformes fragiles,
souvent décidées à la hâte, au coup par coup. De la même façon, les interrogations sur l'efficacité de l'appareil
redistributif et sur les formes d'organisation et de gestion de l'État-providence restent essentielles.
Pierre Rosanvallon, La Nouvelle Question sociale, Le Seuil, 1995.
1/ Comment expliquer la forte croissance des dépenses sociales depuis le début des années 1970 ?
2/ Comment expliquer le ralentissement des recettes de la protection sociale à la même période ?
3/ Expliquez les deux crises explicitées dans ce document et illustrez-les à l’aide d’exemples
4/ Quelle est la 3eme crise de l’E-P que vous pouvez dégager de ce document ? (qui est plus implicite donc)

Doc 2 p 304: “La contrainte de financement de la protection sociale” Faire les 4Q

Doc 5: Le déchirement du voile d’ignorance


L'État-providence, on l'a déjà souligné, fonctionnait sous « voile d'ignorance ». Le principe assurantiel sur lequel il s'appuyait pré-supposait que les
individus étaient égaux devant les différents risques sociaux susceptibles d'affecter l'existence. [...]
C'est de moins en moins le cas. [...] La meilleure connaissance que la société a de ses différences tend à modifier très sensiblement la perception du
juste et de l'injuste. [...] Cette connaissance accrue des différences entre individus et entre groupes met à l'épreuve les fondements du contrat social. Si
les hommes sont naturellement solidaires face à un destin qu'ils ignorent, ceux qui savent qu'ils seront épargnés par telle ou telle grave maladie très
coûteuse accepteront-ils de continuer à payer les mêmes cotisations d'assurance maladie que ceux qui sont génétiquement condamnés à développer
cette affection ? [...]
Cette dynamique du savoir des différences ne se limite pas à dissocier toujours plus strictement assurance et solidarité. Elle mine d'abord les
fondements du principe assurantiel social, en réduisant la taille des classes de risques. [...] Alors que l'assurance sous voile d'ignorance a une fonction
d'agrégation et de socialisation, c'est au contraire un mouvement de désolidarisation qui se met en marche quand les informations disponibles sur les
individus se multiplient : l'information est l'aliment de la différenciation.
Pierre Rosanvallon, La Nouvelle Question sociale, © Le Seuil, 1495.
1/ Que signifie l'expression « voile d'ignorance » ? En quoi est-il nécessaire au fonctionnement de la protection sociale ?
2/ Comment expliquez-vous la meilleure connaissance des inégalités et des différences entre les individus ?
3/ Pourquoi affaiblit-elle le mécanisme assurantiel ?
4/ Quel type de système d'assurance risque-t-il de découler de cette « désolidarisation » ?
5/ Résumez la 3eme crise vécue par l’Etat-providence

→ Lire également le doc 4 p 305

Doc 3 p 305: “Une protection sociale source de désincitations au travail?” Faire les 4Q

Synthèse: Faire la partie autoévaluation p 305

“La pauvreté n’est pas un accident. Comme l’esclavage et l'apartheid, elle a été faite par l’homme
et peut être supprimée par des actions communes de l’humanité.
L’éducation est l’arme la plus efficace qu’on puisse utiliser pour changer le monde.”
Nelson Mendela

Vous aimerez peut-être aussi