Vous êtes sur la page 1sur 8

Structuration de l’espace social

Les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS)


 Toute société est généralement organisée en groupes que l’on peut structurer en
fonction de différents critères.
 L’Insee propose une classification via les professions et catégories
socioprofessionnelles des individus (PCS).
 L’Insee détermine ainsi 8 catégories :
 agriculteur·rice·s exploitant·e·s
 artisan·e·s, commerçant·e·s et chef·fe·s d'entreprise
 cadres et professions intellectuelles supérieures
 professions intermédiaires
 employé·e·s
 ouvrier·ère·s
 retraité·e·s
 autres personnes sans activité professionnelle
 Cette structure s’appuie sur le constat suivant : des individus ayant un même
statut professionnel partagent, en général, des conditions de vie similaires car
il·elle·s ont souvent des revenus et un capital culturel communs.
 Les PCS sont ainsi un moyen d’observation de l’évolution de la structure sociale.
 Il est également possible de regrouper les PCS pour former des classes sociales :
o la classe « supérieure » (cadres et PIS) ;
o la classe « moyenne » (patron·ne·s de l'industrie et du commerce et PI) ;
o la classe « populaire » (ouvrier·ère·s et employé·e·s).

Rappel : La sociologie est une discipline scientifique qui ne cherche pas à émettre de
jugement de valeur. Les termes « supérieur » et « inférieur » ne visent pas à
déconsidérer certaines professions, mais à souligner que les différents statuts et
professions s’inscrivent dans un système de domination sociale dans lequel certaines
positions sont privilégiées, d’autres moins.
Les limites des PCS pour analyser la structure sociale

 Les PCS présentent un certain nombre de limites dans l'analyse des classes
sociales :
o au sein des différentes catégories, les professions peuvent être très
hétérogènes ;
o cette classification date de 1982 et semble obsolète, en raison notamment des
mutations de l’emploi depuis cette époque ;
o le sentiment d’appartenance d’un individu à la catégorie dans laquelle il est
classé n’est absolument pas automatique.
o Comme les PCS présentent des limites, il peut être complémentaire de recourir à
d’autres critères : économiques (revenu et patrimoine) et sociaux (pratiques
culturelles).

Les autres critères de structuration sociale


 Le revenu
 Le revenu représente l’ensemble des rémunérations et aides sociales perçues par
un individu (cf. salaires + allocations).
 Il existe différents types de revenus :
o les revenus primaires (revenus du travail salarié et non salarié, revenus du
capital) ;
o les revenus de transfert liés à la redistribution (indemnités chômage, pensions
de retraite etc.).
o En France, les écarts de salaire creusent donc les écarts de revenus et, par
conséquent, ceux de niveau de vie :
o Selon l’Insee en 2015, 10% des salarié·e·s les moins bien rémunéré·e·s gagnent
trois fois moins que les 10% les mieux payé·e·s. Même au sein des 10% des
plus hauts salaires, les écarts sont considérables.
 Le patrimoine
 Le patrimoine représente l’ensemble des actifs possédés par un individu.
 Les 1% les plus fortuné·e·s de notre pays possèdent 17% de l’ensemble du
patrimoine des ménages ; et 10% des individus les plus riches en détiennent
quasiment la moitié.
 Ainsi, les inégalités économiques (comme les écarts de revenus et de patrimoine)
structurent la société en classes :
o la classe favorisée (ou classe supérieure) qui possède des revenus et un
patrimoine élevés ;
o la classe moyenne qui possède des revenus moyens avec peu ou aucun
patrimoine ;
o la classe défavorisée dont les revenus sont faibles et ne possédant aucun
patrimoine.
 L’âge
 Selon l’âge, on va avoir des pratiques culturelles différentes en lien avec notre
génération et nos pairs.
 En 2000, 89% des moins de 25 ans se sont rendus au cinéma, contre 11% des
75 ans et plus.
 Le lieu d’habitation
 En fonction du lieu de résidence (urbain, périurbain ou rural), les normes et
valeurs des individus ne seront pas les mêmes.
 On peut voir que 66% des urbains (cf. habitants de Paris) vont au cinéma
contre 38% des habitants de communes rurales.

Astuce : Les villes disposent davantage de lieux culturels (cinéma, théâtre, musée,
salles de concerts) ce qui privilégie leur population par rapport aux milieux plus ruraux.
 Le genre
 Le genre reste encore aujourd’hui, en sociologie, un critère de distinction sociale.
 On pourra observer ainsi (données de 2000) que les femmes lisent davantage
que les hommes ( 66% d’entre elles contre 50% d’entre eux).
 Cette analyse de la structuration sociale de notre société peut être alimentée par
l’étude de ce qu’on nomme des « classes sociales » dont la définition cherche à
englober les segmentations socioéconomiques.

La définition des classes sociales

 La révolution de 1789 a politiquement transformé la société française d’Ancien


régime (tiers-état, noblesse et clergé).
 La révolution industrielle qui l’a suivie, a initié une transformation économique.
 Ces deux phénomènes ont participé à une transformation profonde de la société,
à l’origine d’une nouvelle classification en classes sociales.
 Une classe sociale est un groupe social de grande taille, relativement homogène,
dont les individus qui la composent ont en commun :
o une unité de situation définie par la PCS l'individu, son mode de vie, sa place
dans la hiérarchie ;
o une conscience de classe ;
o une hérédité des positions qui lui assure la permanence de la classe dans le
temps à travers plusieurs générations.
o Les différentes théories des classes sociales seront approfondies dans le dernier
cours du chapitre 06.
II. L’évolution de la structure sociale en
France depuis la seconde moitié du XXe siècle
L’évolution de la structure économique de l’emploi
La salarisation
 Première révolution industrielle → centralisation de la
production → mécanisation accélérée du travail → gains de
productivité → massification du salariat
 Le salariat implique plus de dépendance envers les employeur·se·s, mais qui se
compense avec les acquis sociaux (salaire fixe, sécurité sociale, retraite,
chômage).
 Les années 1950 confirment l’émergence de cette société salariale avec
l’accélération de la production et de la consommation.
 À partir des années 1970, le modèle du salariat est remis en cause du fait d’un
ralentissement de la croissance.
 Pour autant, ce modèle reste le plus prisé au sein de la population active et sera
de plus en plus représenté ( 70% au sein de la population active en 1960,
pour 90% en 2007).
 Ceci illustre le phénomène de salarisation.
La tertiarisation
 La typologie des activités de production (Jean Fourastié en 1954) distingue trois
grands secteurs d’activité :
 le secteur primaire correspondant aux activités comme l’agriculture, la pêche ou
l’exploitation des ressources naturelles
 le secteur secondaire correspondant aux activités industrielles, c’est à dire la
transformation de matière première en biens ;
 le secteur tertiaire correspondant aux services.
 En 1950, la répartition de la population active entre les trois secteurs était encore
équilibrée (primaire = 28% de la part de l’emploi, secondaire = 35%, tertiaire
= 37%.
 Aujourd’hui, l'économie française est principalement une économie de services
(tertiaire = 75,9% en 2007).
 Il existe plusieurs explications au phénomène de tertiarisation :
o la nécessité de surproduire encouragée par la société de consommation qui
voit s’opérer des délocalisations et, par ce biais, un transfert de main d’œuvre
entre le secteur secondaire et le secteur tertiaire ;
o le progrès technique qui a permis aux activités agricoles et industrielles de se
mécaniser, délivrant davantage de temps de loisirs (tertiaire) aux
travailleur·se·s des secteurs primaire et secondaire ;
o la hausse des qualifications impulsée par la démocratisation et la
massification scolaire a formé des personnes répondant aux besoins du
secteur tertiaire.
o Ainsi, les activités de services du secteur tertiaire se développent pour répondre
aux mutations sociales.

L’évolution de la structure sociale de l’emploi


La hausse des qualifications
 La qualification est mesurée par les diplômes acquis ou l'expérience des
personnes. Elle désigne la capacité à exercer un métier ou un poste déterminé.
 En France, la hausse des qualifications est la conséquence d’une volonté
politique d’harmonisation des savoirs et savoirs-être des individus à un certain
niveau.
 Or, le secteur tertiaire étant moins centré sur les activités manuelles que le
secteur secondaire, il nécessite souvent plus de qualifications.
 Ainsi, la proportion de personnes en emploi ayant un diplôme de niveau supérieur
ou égal au bac est passée de 8,5% à 51% entre 1962 et 2007.
La féminisation de l’emploi
 Les besoins de qualifications dans le tertiaire, dans les années 1950, ont ouvert
un nombre important de postes pourvus en grand nombre par des femmes.
 Ainsi, on peut dire que la tertiarisation a entraîné un phénomène de féminisation.
 Au cours des cinquante dernières années, la proportion de femmes actives a
explosé.
 En 1962 40% à 45% des femmes ayant entre 30 et 50 ans travaillaient.
Désormais plus de 80% d’entre elles (dans la même tranche d’âge) sont actives.
 Ce phénomène s’explique notamment par :
o les besoins en main d’œuvre du tertiaire ;
o l’émancipation des femmes qui souhaitent alors bénéficier d’autant
d’autonomie que les hommes ;
o l’avènement de la société de consommation à la fin des Trente Glorieuses qui
encourage les ménages à gagner non pas un mais deux salaires, afin de
satisfaire leurs besoins ;
o la reconnaissance de la place des femmes dans le monde du travail au même
titre que les hommes.

III. Les théories des classes sociales


Les théories classiques des classes sociales
La théorie des classes sociales de Karl Marx
 Pour Marx, dont la conception des classes sociales est « réaliste », une classe se
définit à partir de trois éléments :
o la place qu’elle occupe dans le processus de production ;
o les intérêts d’une classe sont antagonistes à ceux de l’autre classe ;
o une conscience de classe (le plus important pour Marx).
o Toujours selon lui, il existe deux types de classes sociales :
o le prolétariat, classe ouvrière, qui ne possède que sa force de travail qu’elle
loue aux bourgeois contre un salaire de subsistance ;
 la classe dominée
o la bourgeoisie, aussi nommée les « capitalistes », qui possède les moyens de
production (outils, machines, usines) et exploite les ouvrier·ère·s pour obtenir
le maximum de plus-value et donc s’enrichir.
 La classe dominante
 Cette conscience collective marque le passage d’une « classe en soi » à une
« classe pour soi ».
 Les rapports de production peuvent être fondés sur un rapport d’exploitation ou
sur un rapport de domination au niveau économique, social et politique.
 Le conflit est donc, selon Marx, le principal moteur du changement social vers une
société plus égalitaire et vers la fin de la domination d’une classe sur l’autre.
La théorie des groupes de statut de Max Weber
 Pour Weber, dont la conception des classes sociales est « nominaliste », les
individus se classifient en groupes de statut.
 Les groupes de statut sont des groupes d’individus semblables, partageant le
même prestige social, selon leur placement hiérarchique dans trois ordres
différents :
o l’ordre économique déterminé par le niveau de revenu et de patrimoine ;
o l’ordre social qui correspond au prestige lié au statut social ou professionnel ;
o l’ordre politique qui hiérarchise en fonction de la place dans l’exercice du
pouvoir.
o Un groupe de statut rassemble tous les individus qui ont le même degré de
prestige associé à leur statut social.

Le prolongement moderne de l’analyse des classes


La dotation en capitaux de Pierre Bourdieu
 Bourdieu essaie de concilier et de dépasser les analyses des classes de Marx et
Weber.
 Il reprend à Marx la notion de capital qu’il étend à d’autres domaines que
l’économie, ainsi que la notion de lutte (et donc de domination).
 Il a une conception des classes réaliste.
 Il reprend à Weber l’idée que les acteur·rice·s se positionnent à différents niveaux
de la société selon des capitaux, ainsi les classes sociales sont une construction
intellectuelle.
 Il a donc, également, une conception des classes nominaliste.
 Pour structurer la société, Bourdieu isole quatre critères ( \sim∼ les ordres de
Weber) :
o le capital économique (revenus, patrimoine) ;
o le capital social (relations familiales, professionnelles, amicales) ;
o le capital culturel (niveau du diplôme, maîtrise de la culture légitime qui
conditionne les goûts et les pratiques sociales) ;
o le capital symbolique (le rôle de la personne lui confère un statut
symboliquement reconnu par les autres comme un·e champion·ne olympique,
un·e coach).
o Les agents sont plus ou moins bien dotés en capitaux ce qui permet de
déterminer :
o une classe dominante qui dispose d’un capital culturel et économique élevé ;
o une classe moyenne moins dotée en capital global ;
o et une classe populaire faiblement dotée en capitaux culturel et économique.
La moyennisation de la société selon Henri Mendras
 Henri Mendras se pose une question en apparence simple : les classes sociales
existent- elles encore aujourd’hui en France ?
 Selon lui la société est capable de réduire les inégalités en offrant une mobilité
sociale.
 La société formerait ainsi une grande classe moyenne : il appelle ce phénomène
« la moyennisation ».
 Il utilise deux critères pour montrer l’importance de la moyennisation dans la
société française :
o le niveau économique (revenus et patrimoines) ;
o et le niveau culturel (diplômes).
o Il divise la société française en six constellations sociales afin d’obtenir
une « vision cosmographique » de la société qu’on appelle « Toupie de
Mendras » :
o une constellation populaire qui représente la moitié de la population et regroupe
les ouvrier·ère·s et les employé·e·s aux revenus et diplômes faibles ;
o une constellation centrale qui représente un quart de la population et regroupe les
personnes ayant des revenus moyens mais des diplômes relativement élevés ;
o les indépendant·e·s sont à la périphérie, ils·elles représentent 15% de la
population et regroupent les artisan·e·s, les commerçant·e·s (qui sont
généralement peu diplômé·e·s), les industriel·le·s et des professions libérales très
diplômé·e·s ;
o en bas de la toupie on retrouve la pauvreté ( 7% de la population), cette
constellation regroupe les individus qui n’ont ni diplôme, ni revenus ;
o au sommet de la toupie se trouve la constellation des élites qui regroupe les
dirigeant·e·s économiques et politiques ( 3% de la population) aux revenus et
diplômes très élevés ;
o enfin, la catégorie divers va rassembler le reste de la population, difficilement
classifiable (les artistes par exemple).
Le retour des classes pour Louis Chauvel
 Selon Louis Chauvel, la stagnation des salaires et la persistance des inégalités
font apparaître de nouveaux clivages dans le tissu de la société française.
 Depuis les années 2000, les crises financières ont amorcé un retour, voire un
durcissement, des inégalités sociales.
 Chauvel y voit le retour à une polarisation de la société, c’est-à-dire la division de
la société en deux pôles opposés.
 Ce constat justifie une nouvelle analyse et un nouveau découpage en classes
sociales (marxiennes).
 D’une classe en soi, la prise de conscience des inégalités par les individus va
engendrer la constitution d’une classe pour soi capable de défendre leurs intérêts
(cf. mouvement des Gilets jaunes)

Vous aimerez peut-être aussi