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L’ENGAGEMENT POLITIQUE DANS

LES SOCIETES DEMOCRATIQUES


L’engagement politique recouvre l’ensemble des actions menées
par les citoyens, pour interpeller les pouvoirs publics ou
participer à la vie politique. Quelles sont les formes et les causes
de cet engagement dans les sociétés démocratiques?

Les formes de l’engagement politique sont multiples et ont évolué au cours


du temps. Elles sont liées à des causes sociales et collectives.

I. LES FORMES DE L’ENGAGEMENT


POLITIQUE
1. Des formes d’engagement politique variées
L’engagement politique peut prendre des formes variées. Il peut renvoyer:

● au militantisme ancré dans des organisations partisanes (parti


politique, syndicat, association) et à toutes les pratiques associées
(réunions, meetings, tractations…) ;

● à la participation à des actions collectives (grèves, manifestations,


signature de pétitions…) ;

● à des actions plus individuelles comme la consommation


engagée qui vise, par le choix de produits, à dénoncer certaines pratiques
marchandes (boycott, zéro déchet…).

Le point commun entre toutes ces formes d’engagement est


qu’elles permettent aux citoyens de participer à la vie politique
et d’exercer une influence sur les décisions politiques.

2. Des formes qui évoluent au cours du


temps
Ces formes d’engagement politique évoluent au cours du temps.

2.1. Une diversification des objets:

● Au XIXe siècle, l’engagement politique renvoie surtout à la participation,


pour les travailleurs, aux conflits du travail, portés par les syndicats et liés
à la répartition des richesses. Ronald Inglehart (sociologue américain
né en 1934) parle de revendications «matérialistes» portant sur les
conditions de vie et les ressources matérielles.

● Si ce motif d’engagement est toujours présent aujourd’hui, d’autres


apparaissent à partir de la moitié du XXe siècle, portés par des «nouveaux
mouvements sociaux» qui expriment des revendications «post-
matérialistes» : défense du cadre de vie, des droits humains et de
l’autonomie (respect de l’environnement, lutte contre les discriminations,
égalité des sexes…).

2.2. Une diversité d’acteurs:

● Les partis politiques et les syndicats sont des organisations dans


lesquelles les citoyens peuvent s’engager. Depuis une trentaine d’années,
elles connaissent une chute importante du nombre de leurs adhérents mais
leur rôle reste important. Les partis politiques assurent des fonctions
essentielles dans la démocratie représentative (sélection des candidats,
organisation des campagnes politiques…). Les syndicats jouent toujours un
rôle clé dans les conflits du travail: organisation des mobilisations
(manifestations…), participation aux négociations collectives…

● De «nouveaux mouvements sociaux», plus ou moins structurés, se


développent avec les nouveaux motifs d’engagement. Des associations,
dont le dynamisme contraste avec celui des syndicats et des partis
politiques, se mobilisent pour défendre des intérêts communs (des
féministes, des malades…) ou des causes variées (respect de
l’environnement…). Des groupements plus informels voient le jour et
s’organisent via les réseaux sociaux (gilets jaunes…).

2.3. Des répertoires d’action qui évoluent

Les répertoires d’action sont l’ensemble des moyens dont disposent des
individus pour se mobiliser et influencer le pouvoir politique. Ils évoluent
au gré du contexte historique, social, politique et technologique. Charles
Tilly (sociologue américain né en 1929) distingue dans le temps trois
répertoires d’action collective, qui co-existent en réalité:

● Le répertoire local-patronné (1650-1850) se caractérise par des


protestations locales, souvent brutales, ayant lieu sur les sites mêmes des
injustices, portées par des corporations ou communautés et soutenues par
des notables (prêtres, nobles…).

● Le répertoire national-autonome (1848-1980) renvoie à des


revendications qui visent à défendre des intérêts variés (professionnels,
statutaires…) et sont formulées par des organisations nationales (syndicats,
associations…) qui structurent les mobilisations (manifestations,
pétitions…). La protestation est plus pacifiée et proche du pouvoir.

● Le répertoire transnational-solidariste (depuis 1980) apparaît


avec internet. Défendant des causes universelles et transnationales (liberté
d’expression, respect de l’environnement…), il s’appuie sur des mouvements
autonomes et des associations internationales, expertes, qui mettent en
œuvre des actions sophistiquées à toutes les échelles (zone à défendre au
niveau local, piratage du système bancaire mondial…). Ces actions
spectaculaires, parfois illégales, très médiatisées, visent à alerter l’opinion
publique et à contester l’ordre politique établi.

Si ces formes d’engagements politiques sont variées et évoluent au cours du


temps, comment peut-on les expliquer?

II. LES CAUSES DE L’ENGAGEMENT


POLITIQUE
D’après le paradoxe de l’action collective, les individus, s’ils sont
rationnels, n’ont pas intérêt à se mobiliser. En effet, ils peuvent profiter de
l’action des autres (amélioration des conditions de travail) sans supporter
individuellement le coût d’une mobilisation (perte de salaire liée à un jour
de grève). On parle de passager clandestin. Dès lors, comment expliquer
l’engagement politique?

1.Le rôle des incitations et de la structure des


opportunités politiques
Les coûts de la mobilisation collective peuvent être compensés par:

● Des incitations sélectives qui sont des mécanismes mis en place par le
groupe qui se mobilise pour pousser les individus à s’engager et empêcher
les passagers clandestins. Ces incitations peuvent être positives (avantages
procurés aux adhérents qui s’engagent) ou négatives (par exemple, le
système du closed-shop, longtemps pratiqué en France par le syndicat du
livre CGT, conditionnait l'embauche d’un salarié par son adhésion à
l'organisation).

● Des rétributions symboliques: il existe des récompenses non


matérielles, symboliques, liées à l’engagement (sentiment d’utilité, estime
de soi, prestige, espace de sociabilité…). Ces satisfactions soutiennent et
renforcent l’engagement politique.
Enfin, l’engagement politique dépend de la structure des opportunités
politiques, c’est-à-dire de l’environnement et des conditions politiques qui
permettent à la mobilisation politique de se développer. Le politiste Sidney
Tarrow (1994) spécifie quatre éléments qui favorisent la mobilisation:

 Le degré d’ouverture du système politique: plus le système


politique est ouvert (État de droit, pluralisme politique…), plus les
mobilisations collectives ont tendance à être importantes.

 Le degré de stabilité des alliances politiques: plus les majorités


sont stables et les rapports de force politique figés, moins les
mouvements sociaux peuvent tirer profit des jeux partisans.

 L’existence ou non de relais politiques: la réussite du


mouvement dépend également de la possibilité de trouver des relais
politiques dans l’appareil d’État ou dans le monde intellectuel.

 La capacité d’un système politique à apporter des réponses


aux mouvements sociaux: les réponses politiques (répression,
réformes…) influencent également la suite du mouvement.

En dehors de ces facteurs, certaines variables


sociodémographiques influencent l’engagement politique.

2. L’influence des variables


sociodémographiques
L’autre problème du paradoxe de l’action collective est que les déterminants
sociaux ne sont pas pris en compte pour comprendre l’engagement
politique. Or, ils l’influencent.

On constate que ce sont les individus qui ont un haut niveau de


diplômes et qui appartiennent aux catégories
socioprofessionnelles favorisées qui s’engagent le plus. Ils disposent
en effet de capitaux culturels qui favorisent l’engagement (aisance à l’oral,
capacité à argumenter…).

L’engagement politique varie également selon l ’âge (nombre d’années


qu’une personne a vécu) et la génération (situe une personne par rapport
à son année de naissance).

● Ainsi, si à partir de 85 ans, on vote moins, cela s’explique


notamment parce qu’avec l’âge, on perd en autonomie mentale et physique.
On parle d’effet d’âge.
● Si les jeunes d’aujourd’hui ont une manière de s’engager qui diffère de
celle de leurs aînés (faible adhésion aux partis politiques, abstention
intermittente…), cela s’explique par un effet de génération : les
générations plus âgées ont été socialisées à la politique dans une période où
partis et syndicats étaient plus structurants à l’inverse des jeunes
générations.

Enfin, il faut distinguer l’engagement politique des femmes et des hommes:


la socialisation masculine amène à intérioriser un ensemble de dispositions
plus propices à l’engagement (confiance en soi, esprit de compétition…). Les
inégalités dans la répartition des tâches ménagères et des soins aux enfants
constituent aussi un frein à l’engagement des femmes.

CE QU’IL FAUT RETENIR (CONCLUSION)


L’engagement politique peut prendre des formes variées (militantisme,
action collective, consommation engagée…) qui évoluent au cours du temps,
que ce soit en termes d’objets des revendications (matérialistes et/ou post-
matérialistes), d’acteurs engagés (partis politiques, syndicats, associations,
groupements informels…) ou de répertoires d’actions mobilisés (local-
patronné, national-autonome, transnational-solidariste).

Malgré le paradoxe de l’action collective, de nombreux individus s’engagent


politiquement, motivés par des incitations sélectives ou des rétributions
symboliques. La structure des opportunités politiques et les variables
sociodémographiques (niveau de diplôme, catégorie socio-professionnelle,
âge, génération, sexe) influencent également la propension à s’engager.

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