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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Chapitre 1 : L’Etat : souveraineté et citoyenneté

I. Les conditions d’émergence du concept moderne d’Etat


L’Etat n’a pas toujours existé. Il constitue la forme moderne de pouvoir politique. A Athènes, on
parlait de polis (cité-Etat) et à Rome de civitas (droits citoyens). La première apparition du mot Etat
(lat. : status) survient à la Renaissance dans l’œuvre de Machiavel.

II. Les éléments constitutifs de l’Etat


Pour qu’un Etat existe, il doit posséder trois caractéristiques :

- La population, et peu importe sa taille.


- Le territoire : Carré de Malberg le définit comme étant « la surface de sol sur laquelle la
communauté humaine peut s’affirmer comme maîtresse d’elle-même et indépendante ».
- La souveraineté, ou puissance publique. L’Etat doit pouvoir exercer du pouvoir.

Carré de Malberg trouvait ces conditions nécessaires mais insuffisantes pour définir l’Etat. Pour lui,
l’Etat est « une communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation
d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance supérieure
d’action, de commandement et de coercition (=contrainte)».

III. Examen de la notion de souveraineté


La souveraineté est le concept central de la théorie générale de l’Etat. Jean Bodin dans « les Six Livres
de la République » expose pour la première fois une théorie de la souveraineté étatique. Avant cela,
le souverain était le pape, mais Bodin le transpose dans la sphère politique et juridique. Dans sa
métaphore du Vaisseau-République, il définit la souveraineté d’une république comme étant la pièce
maîtresse d’un ouvrage, œuvrant à l’unité, à la cohésion et au maintien ; comme le bois d’un navire.
Bodin avance trois caractéristiques de la notion de souveraineté :

- Puissance : la souveraineté constitue une puissance, la puissance est le moyen que l’Etat a
pour agir sur les personnes (police, impôts, …) et imposer des sanctions
- Absolu : elle n’a pas de concurrents, elle est plus forte que toutes les autres puissances.
- Perpétualité : la souveraineté est perpétuelle, elle est ininterrompue. Si la souveraineté d’un
Etat disparait, une autre la remplacera (pas de vacances de pouvoir)

Bodin met en évidence la différence de nature qu’il y a entre l’Etat et les autres communautés
(famille, association, …). Il doit y avoir un critère de souveraineté pour qu’il s’agisse d’un Etat.
L’organe souverain doit avoir du pouvoir sur l’ensemble des membres du territoire.

Souveraineté et théories contractualistes :

Chez Thomas Hobbes, le consentement mutuel établit le pouvoir souverain (contractualisme). Pour
Hobbes, le pouvoir doit être absolu. En contrepartie, l’Etat donne de la sécurité. Il est la seule source
du pouvoir. L’Etat légitime provient d’un contrat entre le citoyen et l’Etat. Pour lui, les Hommes sont
des loups aux pulsions destructives, et la seule manière de s’en sortir est de transférer les pouvoirs à
un pouvoir central, le Léviathan. L’Etat est fondé sur la base d’un accord. C’est la tradition

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contractualiste, opposée aux deux traditions suivantes : Pour Edmund Burke, l’Etat nous vient de
Dieu, c’est la tradition divine. Pour David Hume, l’Etat advient de la volonté naturelle des individus à
se grouper, c’est la tradition de sociabilité naturelle. Pour Jean-Jacques Rousseau, le peuple est la
source de tout pouvoir, et il se gouverne directement. Il prône la souveraineté populaire absolue. Le
citoyen est soumis à la volonté générale qui n’est jamais modérée peu importe ce qu’elle est.

Hobbes Rousseau
- Pouvoir est absolu - Pouvoir est absolu
- Pouvoir souverain est établi par - Pouvoir souverain est établi par
consentement mutuel consentement mutuel

- Pouvoir souverain à l’Etat, le Léviathan - Peuple est le titulaire de la souveraineté


- Assure l’ordre et la sécurité - « Libère » le peuple, même s’il reste
soumis à la volonté générale.

Benjamin Constant : souveraineté limitée

Benjamin Constant combat la souveraineté absolue. Il prône une souveraineté limitée, modérée. Il
pense qu’il est possible d’avoir une autorité légitime qui garantit la stabilité et la sécurité sans pour
autant conduire à l’anarchie ou à l’opposé tyrannique. Il est pour la limitation de la souveraineté, la
séparation des pouvoirs, la démocratie semi-directe. Il considère qu’il doit y avoir certains domaines
où l’Etat n’intervient pas (libéral).
Il y a une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante et qui
est, de droit, hors de toute compétence sociale et politique.

IV. Examen de la notion de citoyenneté


Pour Bodin (14ème ), la citoyenneté implique une obéissance envers le pouvoir souverain de la part
des citoyens qui en échange recevront une protection.

Rousseau (18ème) ajoute une nouvelle dimension à la définition de citoyenneté (-> contrat social) :
l’ensemble des citoyens conservent une part active de la souveraineté. Ils établissent des normes
collectives. Chaque citoyen possède une parcelle de la souveraineté.

Les deux points de vue divergent fortement.

Aujourd’hui, dans la théorie politique, le citoyen a trois traits dominants :

- Titulaire de droits (civils, sociaux, politiques) et soumis à des obligations.


Il n’est pas soumis qu’à son Etat, rien ne garantit qu’il n’est pas soumis à un autre.
- Loyal à une seule communauté politique légitime et donc l’état le reconnaît comme citoyen
Plusieurs nationalités possibles
- Donne la prééminence à l’intérêt public et non à ses intérêts
Souvent donne la prééminence à ses intérêts.

Cette vision est loin de la réalité, voir imaginaire. En effet, un citoyen n’est pas forcément soumis
qu’à son seul Etat, il peut être partagé entre plusieurs communautés et l’intérêt public n’est pas
toujours la première priorité dans les sociétés contemporaines.

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V. Les sources de l’unité de l’Etat


Qu’est-ce qui assure son unité, sa pérennité à un Etat ?

A. Les définitions sociologiques

- Les théories interactionnistes disent que ce qui permet la cohésion de l’Etat, c’est la densité
des interactions entre les citoyens d’un même Etat par rapport à ceux de deux Etats
différents. Le critère est fragile, il n’y a qu’à penser aux frontaliers qui ont autant
d’interactions avec les citoyens de l’autre Etat.
- Le critère de la volonté générale : avance que l’unité sociale vient de la convergence des
volontés d’une communauté (Rousseau). Cependant, la volonté générale n’existe pas, mais
plutôt une majorité et une minorité.
Hans Kelsen définit l’idée du conflit comme à la base de la démocratie.
- Les théories organicistes voient l’Etat comme un corps humain. Cependant, on ne peut rien
ajouter ou retirer à un corps sans le déranger profondément. Absence de réalisme dans cette
théorie.
- La doctrine Max Weber qui voit l’unité de l’Etat comme une puissance de domination entre
gouvernants et gouvernés. L’Etat n’a cependant pas une seule autorité étatique.

B. Les doctrines juridiques (positivistes) de l’unité de l’Etat.

L’unité de l’Etat provient de la sphère juridique et non de la sphère sociale (Carré de Malberg). Nous
sommes collectivement soumis à un unique système juridique. Les théories positivistes ne saisissent
cependant pas l’âme de l’Etat, elles passent à côté des traditions, des langues, des coutumes…

VI. Quelles relations entre perspectives anthropologiques (compréhension de la


nature humaine) et types de théorie de l’Etat ?

- 1er présupposé : si tous les hommes mettaient les intérêts collectifs avant les intérêts
personnels, il n’y aurait pas besoin de domination.
- 2ème présupposé : l’homme est mauvais et dangereux, il faut prévoir un Etat fort afin de
garantit la paix (Hobbes).
- 3ème présupposé : les hommes ne sont pas des anges, mais ils sont capables de s’auto-réguler
sans violences. L’Etat est nécessaire, mais il doit avoir un pouvoir limité (école libérale : John
Locke, John Stuart Mill, …). C’est un intermédiaire entre l’anarchie et l’Etat fort.

Une partie de la littérature établit deux relations entre anthropologie et théorie de l’Etat (par
exemple Thomas Fleiner-Gerster) :

• Anthropologie pessimiste, homme mauvais – Etat fort (Hobbes et toute la pensée étatiste).
• Anthropologie optimiste, homme modéré – Etat faible (libéraux : Locke, Kant, Mill).

Y’a-t-il une nuance ?

Le postulat selon lequel le libéralisme se construit sur une anthropologie optimiste (peu pessimiste)
est récusé par Bernard Manin (2003), notamment, au travers de deux figures importantes du
libéralisme, Montesquieu et Madison :

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• Madison, un protagoniste majeur de la tradition libérale, le principal architecte de la constitution


américaine par surcroît, place les défaillances de la nature humaine au centre de sa vision.
• Montesquieu redoute l’arbitraire, c’est par les mécanismes de contrepoids (entre autres) qu’il
entend déjouer la tendance des individus à l’abus de pouvoir.

Si les libéraux ont cherché à ériger des mécanismes de contrepoids, c’est en raison des abus dont ils
pressentent toujours la possibilité. Le libéralisme est très lucide sur « les passions destructrices » des
hommes.

Si l’on ne peut pas toujours trancher avec certitude la relation entre anthropologie et théorie de
l’Etat, on peut affirmer que :

• Les libéraux et « étatistes » offrent des solutions différentes face aux problèmes posées par la
nature humaine
• Les libéraux cherchent des solutions dans les mécanismes de contrepoids (checks and balances), de
séparation des pouvoirs, de contrôle.
• Les « étatistes » et la pensée autoritaire cherchent davantage des solutions dans la concentration
des pouvoirs (Hobbes).

Libéraux = séparation pouvoirs vs étatistes = concentration des pouvoirs

VII. Conclusion
Depuis quelques décennies, nous assistons à des transformations institutionnelles qui, malgré la
permanence des principes fondateurs de l’Etat, renouvellent, sur le plan interne comme sur le plan
international, la silhouette qui est celle de l’Etat. Si le concept d’Etat est à « historiciser », cela vaut
naturellement pour ses origines, mais également pour son évolution récente. Comme nous le verrons
dans la dernière séance de ce cours : l’internationalisation fait évoluer la conception que nous avons
de l’Etat et de sa souveraineté.

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Chapitre 2 – Libéralisme

I. Introduction
Le libéralisme naît de la crainte de l’absolutisme. Joseph de Maistre, réactionnaire, s’oppose au
libéralisme. La souveraineté se doit d’être absolue et infaillible.

II. Comment définir le libéralisme ? 


La doctrine du 17e -18e siècle a contribué à repenser certaines institutions. L’évolution politique en
occident a contribué à une réhabilitation des idées libérales telles que les droits de l’Homme, la
limitation de la souveraineté et l’autonomie de la société civile. Dans le viseur de la doctrine libérale
se trouve l’absolutisme, les autorités religieuses et la pensée réactionnaire (De Maistre) qui prétend
que le pouvoir est infaillible et que l’on doit y croire. Les libéraux (Locke, Montesquieu, Constant, de
Tocqueville) veulent préserver le droit et la loi de l’absolutisme.

Le libéralisme distingue l’Etat et la société.

METTTRE DESSIN

III. Quelques « attributs » du libéralisme


Le libéralisme considère la distinction entre l’Etat et la société comme une donnée naturelle et
indépassable. Le libéralisme refuse à la fois l’idée (étatiste) d’une domination complète de l’Etat sur
la société et celle (anarchiste) d’une absorption de l’organisation politique dans la société
(anarchisme). Les conséquences institutionnelles sont des institutions représentatives (assemblées,
législatif), le règne du droit (rule of law), et d’éviter qu’une institution prenne le pouvoir absolu
(checks and balances).

I. Le « gouvernement de la liberté »

Il faut rechercher l’équilibre entre le respect de la liberté individuelle et la nécessité de se soumettre


à des règles communes. On parle alors de gouvernement de la liberté. Uniquement la liberté
humaine peut être source de pouvoir. Les lois et règlements assurent la sécurité juridique. « Là où il
n’y a pas de loi, il n’y a pas de liberté »

- Seule la liberté humaine peut être source de pouvoir


- Ce sont les lois et les règlements qui assurent la sécurité juridique

Sécurité juridique = liberté

II. La séparation des pouvoirs

Montesquieu (18ème) se soucie d’instaurer une séparation des pouvoirs dans l’Esprit des lois (1748)
afin d’éviter les abus de pouvoirs.

Thomas Hobbes et Carl Schmitt préfèrent une concentration des pouvoirs.

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III. La liberté de conscience

John Locke théorise sur la question de la liberté religieuse (Lettre sur la tolérance 1689). L’état ne
peut agir sur les questions religieuses, on parle de liberté de conscience.

IV. La désobéissance civile 

Benjamin Constant : Une loi qui prescrirait la délation, le refus d’accueillir un fugitif politique ou
divers actes inhumains, n’est pas une loi (contraire au droit fondamentaux). Elle est illégitime même
si elle prend les formes de la légalité. Le citoyen a donc le droit et le devoir de ne pas se soumettre à
cette règle. La désobéissance civile garantit les valeurs humaines.

Les opposants disent que cela entrainerait une forme de chaos.

Cette désobéissance civile se retrouve à l’art. 2 de la Déclaration de l’Homme et du Citoyen de 1789.

V. La lutte contre les « idées d’uniformité »

Par la lutte contre « les idées d’uniformité » (Benjamin Constant, John Stuart Mill), il s'agit de garantir
le droit à la diversité et à la pluralité, voire à la singularité. Pour Mill, les progrès de la civilisation sont
dus aux excentriques qui ont fait émerger la nouveauté. Cela donne de l’importance au juge, qui
vient en aide aux minorités. Il faut combattre ce qui relève du conformisme.

VI. Le « Tribunal de l’opinion publique »

L’opinion public permet de limiter le pouvoir politique parfois de façon plus efficace que par la
séparation des pouvoirs. Cela même si les citoyens n’ont pas d’argent, d’armes ou d’armée.

Jacques Necker, Jeremy Bentham, B. Constant

Cependant, l’opinion publique permet un conformisme qu’il faut combattre. Cette problématique a
été relevé par John Stuart Mill et Alexis de Tocqueville.

VII. Les droits naturels

Ce sont des droits prépolitiques, les individus en sont dotés uniquement parce qu’ils sont humains,
peu importe leur appartenance sociale. Il y en a quatre principaux :

- Droit à l’existence
- Liberté (tant qu’elle n’entrave pas celle des autres)
- Propriété
- Résistance à l’oppression

Ces droits ne sont pas politiques, mais ont des conséquences politiques : les gouvernements ne
peuvent pas ignorer ces droits. Pour les jusnaturalistes, ils devraient constituer une limite à la
volonté du souverain. Si un pouvoir va à l’encontre des droits naturels, il est illégitime. Le législateur
doit prendre en compte les droits naturels pour créer une loi. Par exemple, la déclaration des droits

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de l’homme et du citoyen (1789). Locke considère que le souverain devient un despote lorsqu’il
enfreint les droits naturels.

Critique des droits naturels – les libéraux utilitaristes (Bentham)

La théorie des droits naturels est acceptée presque unanimement, sauf pour Jeremy Bentham qui
conteste la théorie. Il prône l’utilitarisme (« qu’est-ce qui fait qu’une action/loi peut être considérée
comme juste, bonne ou opportune ?). Pour Bentham, il faut maximiser le bien-être collectif. Les
règles évoluent, il ne veut pas figer des règles dans le temps. Ce n’est que vers le principe de
l’utilitarisme que doivent converger les règles afin de maximiser le bien-être, il n’y a pas de règles
immuables. Le politique n’a pas à spéculer sur une prétendue loi naturelle, antérieure aux lois
positives, et avec laquelle ces lois devraient s’accorder. Ce sont donc les lois positives, mises en place
par le législateur, en vue d’accroître le plaisir et diminuer les peines qui, seules, « donnent une
existence aux droits ».

Utilitarisme  : Une action peut être dite bonne si les conséquences sur le groupe ou la personne
concernée sont bonnes. On met l’accent sur les conséquences.

Si la condition naturelle de l’homme est la sensibilité, ses seuls sentiments éternels sont la
recherche du plaisir et la fuite de la douleur.
 Pour Bentham, il n’est pas utile de mettre en place des lois qui ne tiennent pas compte des
sensibilités du contexte.
La politique doit chercher à maximiser les plaisirs. Il faut donc analyser en tout temps les
conditions (temps, lieu, sensibilités, mœurs). Il n’y a pas de normes immuables.

Question du sacrifice :

La question du sacrifice est également un point de divergence entre libéraux des droits naturels
(Kant) et libéraux utilitaristes (Bentham). L'utilitarisme admettra par exemple le sacrifice de certains
permettant le bonheur du plus grand nombre tandis que le libéralisme d'obédience kantienne
tiendra la vie humaine pour sacrée et inaliénable puisque le respect absolu de la vie d'autrui est
imposée par le droit naturel.

L’école libérale des droits naturels n’acceptent pas que l’on puisse sacrifier 1 hommes pour en garder
99 en vie, même si on risque de tuer les 100.

L’utilitariste dit qu’il faut en tuer 1 pour garder 99 personnes en vie.

IV. Quelle place le libéralisme donne-t-il à l’Etat ?


Le libéralisme exige la limitation des compétences de l’Etat mais admet la nécessité de ce dernier, les
individus n’étant pas infaillibles. Pour les libéraux classiques, les seules fonctions légitimes de l’État
sont celles qui assurent la protection du citoyen :

- Police
- Justice
- Sécurité
- Diplomatie

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V. Le libéralisme est-il démocratique ?


Il accepte la souveraineté du peuple, à condition de créer un système de séparation des pouvoirs,
voire de contre-pouvoirs, de corps intermédiaires (Montesquieu et Tocqueville), de checks and
balances (Madison, les fédéralistes).
Ces systèmes cherchent à éviter que le « peuple-roi » perpétue la tradition du monarque absolu.

VI. Qu’est-ce que le libéralisme dans sa dimension économique ?


Le libéralisme économique consent à la défense de l'économie de marché, garante de liberté
individuelle et d'efficacité collective. (Adam Smith)

VII. Les critiques adressées au libéralisme

- Critiques transversales : la liberté dont les libéraux se sont épris renvoie à une liberté irréelle
(formelle) et non-concrète.
- Critiques marxistes : opposent libertés formelles et libertés réelles (capacité économique de
réaliser ces libertés). Ils reprochent aux libéraux de favoriser les droits de l’individu sans se
préoccuper des conditions d’existence de ces mêmes individus. Le droit de l’individu est
favorisé au mépris des individus eux-mêmes.
- Les communautariens : pour eux l’individu est toujours inséré dans une collectivité, ils
considèrent que les libéraux ont imaginé un individu non-enraciné dans une communauté.
(MacIntyre, Michael Sandel)

2 événements historico-politiques marquants qui redéfinissent la question du libéralisme  :

- Révolution russe de 1917


- Crise économique de 1929

Les conséquences sociales et doctrinales de ces événements entraînent une redéfinition du rôle de
l'État, dans le sens d’une intervention croissante.

Après la Seconde Guerre mondiale, la théorie libérale est renouvelée par la mise en place, en Europe,
de l’économie sociale de marché. On considère souhaitable que l’Etat prenne des risques auxquels
les individus sont exposés pour les protéger : l’Etat providence se préoccupe des besoins des
individus.

VIII. Conclusion
Même si le libéralisme n’est pas parfait, il a conduit à deux prémisses qui sont restées dans nos
démocraties modernes :

- Principe de séparation des pouvoirs


- Reconnaissance des libertés individuelles

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Chapitre 3 – Légalité et Légitimité

Première partie :
I. Esquisses de définition de la légitimité
La question - au nom de quoi le pouvoir d’un homme sur un autre est-il légitime et pas seulement
possible ou légal ? – n’a pas reçu de réponse philosophique évidente.
le légitimité est : « Ce qui est fondé en droit, en raison ou en valeur est légitime » // « se dit en
général des choses fondées sur un droit ou une raison qu’on ne pourrait violer sans injustice ou
déraison » // « Le terme de légitimité évoque le fondement du pouvoir et la justification de
l’obéissance qui lui est due »

II. Les sources non consensuelles de la légitimité


L’origine de la légitimité :

- La légitimité se réfère au droit (peut donc être injuste)


Désobéissance civile, on peut récuser des lois injustes
- La légitimité est la raison
Mais on n’arrive pas définir ce qui est raisonnable ou non
- Si le critère est la valeur
Il faut une communauté de valeurs au sein d’un espace politique donné – pas toujours le cas.

III. Max Weber et le concept de légitimité


Max Weber était économiste, juriste et sociologue. Il a écrit l’Ethique protestante et l’esprit du
capitalisme, le Savant et le politique, Economie et société. Les thématiques traités dans son œuvre
sont la nature de la domination, la question de la rationalité des motivations de l’action, les
croisements entre religion et vie économique. Pour Weber, la légitimité est le fait qu’un ordre
politique donnée apparaît comme digne d’approbation, ou en tout cas obligatoire. Il distingue trois
formes (idéaux-types) de légitimité :

- La légitimité traditionnelle (monarchie)


Fait de recevoir le pouvoir selon des règles traditionnelles.
- La légitimité charismatique (dictature)
Lié aux dons exceptionnels dont fait preuve un individu
- La légitimité légale-rationnelle (parlementarisme rationalisé)
Idée selon laquelle les individus qui occupent le pouvoir l’exercent selon des règles établies

A ces types de domination correspondraient 3 régimes :

- Monarchie
- Dictature
- Parlementarisme rationalisé

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IV. La légitimité en démocratie

La légitimité en démocratie peut être rattachée aux institutions ou dépendante de la satisfaction de


besoins, de revendications sur des objets particuliers. Fritz Schapf distingue la légitimité par l’input,
de quelle manière on accède au pouvoir, à la légitimité par l’output, où l’on considère le niveau de
satisfaction des élus.

- Légitimité attachée aux institutions (procédure parlementaires p. ex.)


+
- Satisfaction de besoins, de revendications sur des objets particuliers
=
Légitimité

V. Critiques contemporaines de Max Weber : David Beetham

David Beetham considère que la typologie de Max Weber ne rend pas compte de la totalité de la
légitimité. Pour lui, l’unique fait de croire en la légitimité ne suffit pas. Pour lui, un pouvoir est
légitime si trois éléments sont réunis :

- La légalité : le pouvoir est acquis et exercé légalement


- La justifiabilité normative : les lois incarnent une autorité politique respectée
Acceptation de la source de l’autorité
- Le consentement exprès : les citoyens doivent manifester leur adhésion à l’autorité

Ce concept de Beetham permet de distinguer différents cas de non-légitimité :

- L’illégitimité : violation règle ou loi


- Le déficit de légitimité : mise en question de la source de l’autorité (Union Européenne)
- La délégitimation : absence de consentement ou suspension du consentement

VI. Légitimité et théorie délibérative : Jürgen Habermas


Une décision n’est légitime que si la discussion qui y conduit l’est également (théorie délibérante).
Les citoyens doivent être partis prenantes de discussion assez large liées à la démocratie.

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Deuxième partie :
I. Droit naturel et positivisme juridique : le bien-fondé des règles
« Ce qui caractérise la doctrine du droit naturel c’est l’hypothèse d’un ordre naturel dont les normes
qui règlent le comportement des hommes entre eux ne valent pas, à la différence des normes du
droit positif, parce qu’elles sont artificielles, posées par une certaine autorité humaine, mais parce
que, émanant de Dieu, de la nature ou de la raison, elles sont bonnes, équitables, justes », Hans
Kelsen.

II. Qu’est-ce que le droit naturel ?


« Le droit naturel se définit comme un décret de la droite raison indiquant qu'un acte, en vertu de sa
convenance ou de sa disconvenance avec la nature raisonnable et sociable, est affecté moralement
de nécessité ou de turpitude et que, par conséquent, un tel acte est prescrit ou proscrit par Dieu,
auteur de cette nature », Hugo Grotius.

Droit naturel : les lois sont bonnes du fait même qu’elles sont naturelles

Pour les jusnaturalistes, il n’y a aucun lien entre légitimité et légalité.

Pour les théoriciens du contrat social, le droit naturel correspond au droit que chaque homme
détient par nature, avant toute instauration de la vie politique.

Quelques jusnaturalistes : Aristote (384 av. JC - 322 av. J.-C), Thomas D’Aquin (1224-1274), Francisco
de Vitoria (1492-1546), Hugo Grotius (1583-1645), Lon Fuller (1902-1978), John Finnis (1940).

III. Qu’est-ce que le positivisme juridique ?


« Une conception du droit dans laquelle on n’admet, comme critère de la valeur juridique d’une
norme, que sa conformité, formelle et matérielle, avec une autre norme, prise pour étalon des
valeurs juridiques, dans un système juridique donné, et que l’on appelle norme juridique
fondamentale, ainsi qu’avec les autres normes régulièrement édictées par les autorités qualifiées par
cette même première norme, qui est, en ce qui concerne le droit d’un Etat, la Constitution de cet Etat
», Marcel Waline.

Pour les positivistes, légalité = légitimité.

C’est sa conformité avec une norme antérieure qui confère à une norme sa légalité, et donc sa
légitimité.

Trois catégories de règles selon le positiviste John Austin  :

1. Celles qui sont produites par les autorités politiques (positive law)
Règles juridiques
2. Celles qui constituent la loi de Dieu (law of god)
Règles morales
3. Celles qui sont produites par la société, sans l’intervention des autorités (positive morality)
Règles morales

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Austin envisage les trois corps de règles comme des ensembles indépendants. Cependant, une règle
peut entrer dans 2 catégories (moral et droit).

Les positivistes ne mettent pas forcément en lien le légal du moral. Les jusnaturalistes, eux,
considèrent que le droit est juste et bon, car venant d’au-dessus.

Quelques positivistes : Hans Kelsen (1881-1973) et Herbert Hart (1907-1999)

IV. Les critiques à l’égard du droit naturel


La quête d’un droit naturel peut être perçue comme illusoire, chacun a sa propre nature et valeurs ce
qui conduit à un pluralisme. Le recours au droit positif serait donc la meilleure garantie d’une
stabilité juridique (même s’il évolue). Les jusnaturalistes pourraient répondre que les lois votées
auraient besoin d’une référence supérieure, celle du droit naturel.

- Droit naturel illusoire


- Pluralité de droits, chacun invoquant sa nature
 Mauvaise stabilité de l’ordre juridique

Partisans : les lois régulièrement votées auraient besoin d’une référence supérieure, celle du droit
naturel.

V. Les critiques à l’égard du positivisme juridique


Certains auteurs estiment que le positivisme sert de prétexte à la lâcheté des juristes : il est ainsi
reproché aux positivistes de se retrancher derrière le caractère amoral de leur théorie du droit afin
de s’abstenir d’émettre des critiques contre les gouvernements des Etats totalitaires ; par leur
silence, les positivistes deviendraient complices des régimes dictatoriaux et liberticides. Il n’est pas
un bouclier suffisant, il n’a pas de valeurs importantes. Waline répond que mieux vaut se fixer sur le
droit positiviste que de se fixer sur des idéologies destructrices.

- Le positivisme n’a pas eu lui-même de limite à ne pas dépasser. Partant de ce point de vue, le
positivisme n’a pas de réponse à donner aux dictatures.
Mieux vaut être juriste et commenter froidement des textes totalitaires que de soutenir des
régimes totalitaires comme l’a fait C. Schmidt par exemple.

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Chapitre 4 – Origine et sens du constitutionnalisme

I. Eléments caractéristiques de la Constitution

1. Texte écrit lui assurant une certaine stabilité


2. Elle organise la séparation des pouvoirs
3. Elle énonce les droits dont les citoyens peuvent se prévaloir

Par ces trois propriétés : la Constitution devient « la garantie d’un peuple » (Benjamin Constant
(1767-1830).

II. Qu’est-ce que le constitutionnalisme ?

C’est l’acceptation à la fois juridique et politique de la supériorité de la Constitution sur toute autre
norme.

Juridique :

 Contrôle de constitutionnalité (Italie, Allemagne, France) : contrôle que les normes


correspondent à la constitution (toutes les autres normes doivent être en accord avec celle-
ci)

Politiquement : la constitution est la meilleure protection contre l’arbitraire politique et la loi


fondamentale est la traduction du pacte social conclu entre toutes composantes du pays.

III. Evolution du constitutionnalisme

Le libéralisme se retrouve dans le constitutionnalisme puisqu’il est né de la théorie libérale. La


Constitution est apparue pour garantir la liberté politique contre l’arbitraire des gouvernants.
Quelques éléments caractéristiques du libéralisme : reconnaissance d’une certaine autonomie de la
société par rapport à l’Etat et les institutions doivent favoriser le règne du droit ou de la loi.

a) Le constitutionnalisme des Lumières


- 18ème siècle
- Pour contrôler le roi

En résumé :

1) La constitution garantit la liberté politique, définie comme le refus de l’arbitraire et le désir


de sécurité juridique. Garantir la liberté politique signifie également la soumission exclusive
aux lois.
2) La Constitution peut garantir la liberté politique par la séparation des pouvoirs
(Montesquieu).

Article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute Société dans
laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point
de Constitution ».

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b) Le constitutionnalisme contemporain

Il ne vise pas uniquement à assurer la sécurité juridique, mais également à assurer la garantie des
droits et des libertés fondamentaux.

Le constitutionnalisme contemporain est apparu pour deux raisons :

1. Loi peut être liberticide


Ex  : Lois raciales
Garantie des libertés fondamentales est assurée par le contrôle juridictionnel.
2. La démocratie et le système de partis peuvent se montrer oppressif à l’égard des minorités
Le principe de séparation des pouvoirs n’est plus toujours en mesure d’assurer la liberté
politique des citoyens, du fait qu’un parti obtient souvent une majorité à l’assemblée et à
l’exécutif (principe de la majorité électorale).

Résumé :

- Le constitutionnalisme des libéraux du XVIIIe siècle repose sur la répartition des


compétences (inscrite dans la Constitution).
- Le constitutionnalisme (d’après 1945) s’appuie davantage sur des garanties « externes »
(juridiction constitutionnelle), c’est là que la justice constitutionnelle intervient. Un juge peut
sanctionner les atteintes portées par le législateur aux droits constitutionnels.
Ici l’organe contrôlé est le peuple et non plus le roi.

Comment expliquer ce changement ? Au 18ème siècle, le conditionnement constitutionnel s’adresse à


des institutions non-issues du peuple. On vise à garantir au peuple la non-tyrannie du souverain.
Aujourd’hui, la juridiction constitutionnelle remet indirectement en question les votes des citoyens.

Il apparaît donc intéressant de se poser la question de sa légitimité en démocratie.

IV. Légitimité du contrôle de constitutionnalité en démocratie

Le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois donne la possibilité à un juge de


sanctionner les atteintes portées par le législateur aux droits constitutionnelles.

Or, dans un système démocratique où le principe de légitimité est le suffrage universel, où trouver le
fondement d’une limitation du pouvoir du peuple par des hommes et des femmes n’exprimant pas la
volonté du peuple, c’est-à-dire les juges ? ce type de contrôle contrarie le principe de séparation des
pouvoirs et le contrôle constitutionnel contrarie aussi le principe de souveraineté populaire

2 arguments :

Pour le cas où ce contrôle contrarie le principe de séparation des pouvoirs, Kelsen rétorque que le
Parlement, comme tout autre organe de l’État, est soumis à la Constitution, ce qui justifie le contrôle
constitutionnel qui serait exercé sur lui.
Pour le cas où le contrôle constitutionnel contrarie le principe de la souveraineté populaire (du
Parlement). Kelsen puise la justification démocratique de l’existence d’un tribunal constitutionnel
dans ses considérations sur la protection des minorités, à laquelle est directement associée sa
conception de la démocratie.

14
Théorie de l’Etat Andreina Marin

Un exemple pour illustrer le conflit entre souveraineté populaire et contrôle constitutionnel est le cas
de l’introduction du suffrage féminin dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures. Le droit de vote
des femmes a été instauré en 1971 au niveau fédéral. La raison de ce retard était l’obligation de
recourir au référendum obligatoire. Vaud fut un des premiers cantons à l’autoriser puis petit à petit
les autres suivirent sauf pour AI. En avril 1990, ils tentèrent de nouveau en Landsgemeinde mais
échouèrent. Theresa Rohmer déposa plainte au TF qui décréta en 1990 qu’un suffrage
essentiellement masculin allait à l’encontre de l’égalité hommes-femmes prescrit dans la
Constitution suisse. Il y a ici conflit entre souveraineté populaire et contrôle constitutionnel.

V. Conclusion 

Deux conceptions s’opposent sur la démocratie :

- La conception républicaine de la démocratie : vise la participation le plus large possible des


citoyens à la vie de l’Etat avec une souveraineté entière de la volonté populaire, la majorité à
toujours raison. Aucune instance ne peut limiter la souveraineté populaire. C’était l’idée de
Rousseau ou Jeremy Waldren. C’est le type de démocratie que nous avons en Suisse.
- La conception libérale de la démocratie : elle est attachée au gouvernement populaire, mais
ne le trouve pas suffisant. La volonté populaire n’est pas infaillible, elle doit être modérée par
les cours de justice. C’est l’idée de Constant, ou Hans Kelsen.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Chapitre 5 – La démocratie : de la démocratie pure au gouvernement


représentatif

Première partie
I. Esquisse d’une définition de la démocratie
Traditionnellement, on appelle la démocratie le gouvernement d’un peuple. La démocratie est une
chose vivante, elle a évolué avec le temps et connu des changements significatifs souvent dus aux
déceptions et critiques qu’elle a engendrées. Etymologiquement, démocratie signifie le pouvoir du
demos (=du peuple). Elle applique deux règles :

- Règle d’inclusion : les citoyens doivent être inclus dans les décisions qui sont prises (un
maximum de citoyens dans le processus démocratique)
- Règle d’autodétermination : les citoyens doivent être habilités à déterminer les règles
auxquelles ils seront collectivement soumis.

Au 20e siècle, Hans Kelsen suggère une classification en deux types de régimes : démocratie et
autocratie.
Pour lui, c’est le principe d’autodétermination et son respect qui distingue la démocratie de
l’autocratie. Par autodétermination, il faut entendre ici le principe selon lequel les normes
s’élaborent dans l’autonomie de la volonté des membres de l’État ou de ses représentants. « Il serait
plus exact de distinguer deux types de constitution au lieu de trois : démocratie et autocratie. Cette
distinction se fonde sur l’idée de liberté politique. Est politiquement libre le sujet d’un ordre juridique
qui participe à la création de cet ordre » (Hans Kelsen, Théorie générale du droit et de l’Etat, 1997 p.
333).

 Pour Kelsen, la liberté politique signifie le principe d’autodétermination

II. La démocratie athénienne est-elle un modèle pour les démocraties


contemporaines ?
Non, car la démocratie antique (notamment athénienne), même si on y fait abondamment référence
aujourd’hui, est très éloignée de notre démocratie. Élection et représentation n’existaient pas à
Athènes. Ils utilisaient la désignation par tirage au sort notamment car la voyait comme plus
équitable que l’élection et l’absence de système représentatif (à la place l’ensemble des citoyens
décide) nous en éloignent considérablement. « Les démocraties modernes qui se sont construites au
19e siècle ne doivent à peu près rien directement à la Grèce. Le poids spécifique de la démocratie
athénienne dans l'histoire des régimes politiques est presque négligeable » G. Lavau et O. Duhamel,
« La démocratie ».

Après l'Antiquité, la démocratie connut une longue période d'oubli, pendant laquelle le mot n'a été
utilisé que pour évoquer le régime des anciennes cités grecques et de la république romaine, alors
que le terme avait disparu du vocabulaire décrivant les institutions contemporaines, à part quelques
cantons suisses.

16
Théorie de l’Etat Andreina Marin

III. La démocratie rousseauiste « pure »


Rousseau est le premier philosophe des Lumières à reparler de démocratie directe. Il la définit
comme le gouvernement fondé sur la participation active et incessante des citoyens à la vie
politique, qui permet au peuple de conserver sa souveraineté et de na pas s’en faire déposséder par
une caste ou un tyran. Il s’oppose donc aux gouvernements représentatifs.
« L’idée des représentants est moderne. Elle nous vient du gouvernement féodal, de cette inique et
absurde gouvernement dans lequel l’espèce humaine est dégradée et où le nom d’homme est
déshonneur » (Rousseau).

Deuxième partie
I. De la démocratie directe à la démocratie représentative
La démocratie représentative réapparaît à la fin du 18 ème siècle, simultanément à la révolution
américaine, d’abord dans l’œuvre de Jeremy Bentham, puis avec les auteurs dits « fédéralistes »
(Hamilton, Madison, Jay).
Les débats dans le cadre de la Révolution française alimenteront la réflexion sur la nature de la
souveraineté démocratique.

Les raisons de l’imposition de la démocratie représentative comme régime politique prépondérant


sont les suivantes :

A. L’argument de la taille

Le territoire d’un Etat est trop vaste et la population trop grande et dispersée pour pouvoir organiser
une démocratie directe. La comparaison avec les polis athéniennes et notre démocratie est
impossible dû à la différence de taille et à la dispersion des électeurs, c’est pourquoi on a une
démocratie représentative semi-directe.
Les mécanismes référendaires (considérés souvent comme des mécanismes de démocratie directe)
sont en réalité des instruments de démocratie semi-directe, puisqu'ils ne requièrent pas le
rassemblement de l'ensemble des citoyens dans un même lieu. Ils donnent lieu à des votes où les
citoyens s'expriment en se soumettant aux procédures électorales classiques (déplacement dans un
local de vote, usage d'un bulletin, secret de l'isoloir et de l'urne, etc.).

B. L’argument de la compétence

Des représentants sont justifiés car meilleurs que les représentés puisqu’ils ont été élus. Selon James
Madison, « il peut fort bien se produire que la volonté publique formulée par les représentants du
peuple s'accorde mieux avec le bien public que si elle était formulée par le peuple. »
L’élection permet de faire émerger des personnalités bien dotés sur le plan intellectuel, qui ont de
bonnes intentions et des qualités morales.

Le « principe de distinction » (impossible en démocratie directe) a comme objectif d'instaurer


délibérément et de préserver une distance entre les élus et leurs électeurs afin de s'assurer que les
premiers soient « des citoyens distingués, socialement distincts de ceux qui les élisaient » (Bernard
Manin, Principes du gouvernement représentatif, 1995, p. 125).

 Principe très élitiste. Il n’est pas fondé sur la représentation miroir, qui voudrait que les
représentants soient une maquette de la société civile.
 Selon Emmanuel – Joseph Sieyès c’était aussi une question d’éducation : « La très grande
pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisirs, pour vouloir

17
Théorie de l’Etat Andreina Marin

s’occuper des lois qui doivent gouverner la France ; leur avis est donc de nommer des
représentants »

Démocratisation, éducation et propriété : Au XIXème siècle, des théoriciens comme Alexis de


Tocqueville ou John Stuart Mill redoutaient que la démocratisation conduise au règne d'une majorité
qui n'aurait pas un niveau d'éducation suffisant, afin de prendre des décisions sages.
John Stuart Mill pense que l’on pourrait pondérer le vote d’un citoyen en fonction de son niveau
d’éducation (Les citoyens pas éduqués auraient moins de poids électoral, les très éduqués un vote
plus élevé). Pour Tocqueville, les classes moyennes sont garantes de stabilité pour gouverner (niveau
d’éducation suffisant).
Accountability et professionnalisation : Mill pense qu’il faut combiner les deux idées. Accountability
signifie que les élus ont des comptes à rendre aux électeurs. Professionnalisation signifie de faire de
la représentation un métier.

C. La liberté des Modernes face à la liberté des anciens

L’émergence du gouvernement représentatif répond à une évolution du concept de liberté.

- Pour les peuples antiques, la liberté consiste à pouvoir exercer collectivement et


directement la souveraineté.
- Pour les peuples modernes, la liberté consiste dans « la jouissance paisible de
l’indépendance privée » -> plus l’exercice de nos droits politiques nous laisse de temps pour
nos intérêts privés, plus la liberté nous sera précieuse. De la vient la nécessité du système
représentatif (Benjamin Constant).

Suffrage universel et gouvernement représentatif  :


L'avènement du suffrage universel a donné « une puissante impulsion à la croyance que le
gouvernement représentatif se muait peu à peu en démocratie.

Introduction de dispositions référendaires :


Après la 1ère guerre mondiale, une série de pays introduisirent des dispositions référendaires dans
leurs constitutions (Autriche, Etats Baltes, Tchécoslovaquie, Grèce, Irlande, République de Weimar).

II. Le cas particulier de la Suisse


En Suisse, la démocratie directe pure est apparue à la fin du XIIe siècle avec les Landsgemeinde pour
élire, édicter les lois, déclarer la guerre, ratifier les traités. Puis petit-à-petit, elles ont disparu pour
des raisons pragmatiques (durée, absence du secret de vote, …).

Cette institution est en déclin, notamment depuis 1848. Il reste néanmoins 2 cantons :

- Appenzell Rhodes-Intérieures
- Glaris

Ce déclin met en évidence que cette institution ne s’intègre par réellement avec la vie moderne :

- Durée de l’assemblée insupportable


- Absence du secret du vote (lorsqu’ils ont pu voter secrètement, ils se sont montrés
défavorables à la Landsgemeinde)

18
Théorie de l’Etat Andreina Marin

Introduction des mécanismes référendaires en Suisse dans la deuxième moitié du 19 ème siècle :

Ces mécanismes référendaire ont pu apparaître grâce à cette forme de démocratie directe
(Landsgemeinde) qui a constitué un terrain fertile et grâce à la perméabilité préalable aux idéaux de
la révolution française

Troisième partie
I. La démocratie par les déceptions qu’elle engendre

A. La corruption

La corruption a deux sens différents :

o Elle peut définir l’utilisation à des fins personnels d’objets publics


o Elle peut aussi se définir comme le non-respect de l’esprit des institutions (parlement
rempli de lobbyiste, …)

Dans les sociétés démocratiques modernes, la déception démocratique liée à la corruption est un
élément fondamental : le gouvernement souterrain (« sottogoverno ») décrit une réalité sociale dans
laquelle il y a un décalage entre les formes réelles et les formes théoriques d’organisation de la
démocratie. En réaction au phénomène qu’est la corruption, une abondante littérature sur la
transparence s’est développée et en a fait un principe -> principe de la transparence (Daniel Naurin,
Christopher Hood).

B. La difficulté à désigner des responsables, ou le spectre de l’impuissance

Ce spectre de l’impuissance résulte de la difficulté à établir des responsabilités : on peut parler d’un
déficit d’imputation

Exemple : l’affaire du sang contaminé : plusieurs personnes ont été contaminées par le VIH par
manque de sécurité lors de transfusions sanguines, sécurité qui aurait été freinée pour limiter les
coûts.

Pour répondre à ce phénomène, on a développé le concept d’accountability :


« L’accountability forme la relation entre un acteur et un forum (« récepteur de justification » que
sont notamment les électeurs, les médias, les parlements, les cours de justice, les cours des
comptes »), dans laquelle l’acteur a une obligation d’expliquer et de justifier sa conduite. Le forum
peut poser des questions, porter un jugement et l’acteur peut être confronté aux conséquences de
ses actes » Bovens

19
Théorie de l’Etat Andreina Marin

C. Le décalage temporel (médias/institutions)

C’est le décalage entre le temps des événements et le temps de la politique. Les médias et les
réseaux sociaux introduisent une accélération de la perception des événements en décalage
croissant avec le temps des institutions politiques : dissociation entre le rythme de la politique
institutionnelle et le rythme de la politique (par exemple, exprimée à travers les sondages). Ce
décalage engendre des questionnements sur la légitimité.
La politique ne donne pas toujours les réponses en lien avec la problématique actuelle (question du
logement à Genève, canicule, …).

D. La « trahison » représentative

Deux moments majeurs de controverses sur les rapports entre démocratie et représentation peuvent
être identifiés, selon Rosanvallon :

- Lors de la mise en place des gouvernements représentatifs en France et aux USA (fin du 18 ème
siècle)
- Au lendemain du fonctionnement régulier du suffrage universel en Europe (entre 1880-1920)

Plusieurs pays ont alors mis en place des systèmes de démocratie semi-direct, notamment suite à la
1ère guerre mondiale.

II. La démocratie délibérative : une réponse aux déceptions


Jürgen Habermas est l’auteur d’une théorie démocratique fondée sur le principe de la discussion. Elle
part notamment des insatisfactions suscitées par deux modèles : le libéralisme et le républicanisme.

- Libéralisme : néglige la question des inégalités sociales


- Républicanisme : mène à la tyrannie de la majorité

A. Ses caractéristiques

La thèse de la démocratie procédurale formulée par Habermas propose une sorte de « troisième voie
»:

- Le « procéduralisme » consiste à réorganiser la vie démocratique autour d’institutions et de


règles suffisamment stables pour permettre la participation « raisonnée » de tous les
citoyens à la décision publique.
- Il s’agit de mettre en place des procédures permettant une participation démocratique
véritable.

La démocratie procédurale de Habermas repose sur le principe de la discussion. Au centre de son


projet, figure l’exigence du dialogue entre les citoyens : la théorie délibérative de la démocratie. Les
procédures n’ont de sens que si elles renforcent réellement la pratique permanente du débat dans la
société.

B. La mise en question de sa faisabilité

La délibération apparaît comme l’une des conditions essentielles de la vie démocratique. Mais peut-
elle être envisagée comme une communication rationnelle étendue à l’ensemble de la société et
fondée sur la confrontation libre et pacifique des arguments ? La théorie délibérative de Habermas
s’appuie sur la vision d’un citoyen éclairé, rationnel, actif, impliqué dans la vie publique et engagé

20
Théorie de l’Etat Andreina Marin

dans un vaste dialogue avec le reste de la société.


La théorie délibérative présume que :

- Les individus sont capables de dépasser leurs intérêts particuliers et de se mobiliser autour
d’arguments raisonnés.
- L’existence d’un espace public démocratique et ouvert, où la libre confrontation des opinons
individuelles serait guidée par le meilleur argument.

Habermas ignore deux éléments de réalité :

- Tous les citoyens n’ont pas la même capacité à exprimer des opinions selon leur position
dans la hiérarchie sociale.
- La délibération dans l’espace public contemporain n’est pas aussi libre qu’on l’imagine : elle
est soumise à l’influence de puissants acteurs (médias, institutions de sondage, partis,
syndicats, lobbies) qui jouent un rôle essentiel dans la production et le contrôle de idées.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Chapitre 6 – Quelle place pour les élites en démocratie ?

I. Quelle place pour la participation citoyenne en démocratie ? 


La participation est un sujet essentiel de la démocratie, mais il n’existe pas de réponse définitive à la
question de savoir jusqu’où les citoyens doivent participer aux décisions politiques.

Deux formes de méfiance :

- Les élitistes : ils se méfient des citoyens ordinaires incompétents, dangereux pour la
gouvernabilité et veulent donc donner le pouvoir aux élites
- Les participationnistes : ils se méfient des dirigeants de toutes sortes qui servent leurs
propres intérêts et non les intérêts de la collectivité, dangereux pour la démocratie

II. La conception élitiste de la démocratie


Quelques représentants de l’élitismes :

- Max Weber
- Joseph Schumpeter
- Giovanni Sartori

Max Weber met l’accent sur la nécessité du leadership. Dès le moment où une communauté atteint
une taille supérieure à quelques milliers de personnes, dès que des tâches exigent des compétences
techniques, il est simplement inévitable que l’amateur perde du pouvoir au profit du professionnel.
Pour Weber, la modernité se caractérise par la différenciation des sphères sociales, qui requiert la
spécialisation des activités : économiques, politiques, scientifiques, artistiques, de formation, etc.

III. Pourquoi ne peut-on confier à l'ensemble des citoyens la charge de toutes les
décisions politiques, selon les élitistes ?
Les arguments des élitistes sont :

- L’incapacité citoyenne d’avoir une opinion politique rationnelle et fondée accrue par la
complexification et la technicisation des enjeux politiques
- L’apathie, apolitisme du citoyen moyen, ils n’ont pas d’intérêt pour la chose politique et sont
donc sous-informés.

IV. L’argument de la compétence


Pour l’essentiel des élitistes, les Etats démocratiques modernes, se caractérisant par une vie politique
hautement complexe, un système démocratique représentatif est plus adéquat qu’un système
participatif, car les citoyens n'auraient pas les compétences nécessaires pour se former une opinion
politique bien fondée et rationnelle.

- Gustave le Bon (Psychologie des foules) : montre comment les individus fonctionnent de


manière irrationnelle, impulsive.
- Theodor W. Adorno (Etudes sur la personnalité) : montre comment des individus acceptent
d’obéir à des commandements injustes, brutaux.

22
Théorie de l’Etat Andreina Marin

Ces références leur permettent de justifier le recours exclusif aux professionnels de la politique ainsi
qu'aux experts. Etant donné leur incompétence et leur irrationalité, il est préférable que les simples
citoyens participent le moins possible en déléguant les affaires politiques à des élites éclairées et
rationnelles

Dans l’optique élitiste, le rôle des citoyens se limite essentiellement à l'élection de ses représentants.
La faible participation des citoyens est vue ici comme un avantage (au contraire des
participationnistes).

Sartori écrit en 1987 que la complexité et le manque de temps génèrent une « crise de la
connaissance » chez les citoyens ordinaires.
 Les élitistes considèrent donc la coupure entre les gouvernements et les gouvernés comme un état
de fait.

Expérience de Milgram

V. Comment éviter les décisions mal informées ?


Pour éviter les décisions de citoyens mal informés, John Stuart Mill a pensé au système de vote
pondéré en fonction de l’éducation et de la profession. Cela n’a jamais été appliqué car allant contre
le principe de one man one vote.

Claus Offe suggère de pondérer le poids de vote des individus en fonction de la connaissance des
enjeux. Il s’agirait de soumettre à chaque citoyen un questionnaire au moment du vote, en fait un
test de connaissances qui serait noté et qui servirait de base à la pondération.

Gerd Grözinger : imagine un dispositif techniquement plus développé. Au local de vote, l'électeur
devrait répondre à dix questions générées de manière aléatoire - non prévisibles et différentes pour
chaque électeur - par l'ordinateur. Selon le nombre de réponses justes, la « notation » suivrait une
échelle décimale allant de 0 à 1, et cette notation servirait de base à la pondération des voix : seuls
les électeurs qui auraient fourni des réponses justes à toutes les questions disposeraient d'une voix
pleine

 Cela n’a jamais été appliqué car allant contre le principe de one man one vote (principe
d’égalité)

VI. Manque d’intérêt, apathie politique


Plusieurs auteurs ont souligné les « désagréments » occasionnés par le fait de devoir être un «
citoyen complet », ce qui ne peut se réaliser qu’aux dépens des autres facettes de l'individu (Ralf
Dahrendorf, Norberto Bobbio).
Face à l’apathie politique, le rôle du parlement est de nature purement substitutive, puisque les
députés ne font que s'occuper des tâches que les autres citoyens ne désirent pas accomplir, pour
quelque raison que ce soit.
L’absence d’intérêt amène l’apathie. Selon Joseph Schumpeter : « le citoyen consacre moins d'effort
à maîtriser un problème politique qu’il n’en dépense au cours d'une partie de bridge ou de belote ».
Ce désintérêt amène nécessairement un déficit de connaissance et de compétence.

23
Théorie de l’Etat Andreina Marin

L’apathie politique a trouvé des explications dans la théorie du choix rationnel :

- Il semble peu rationnel de participer lorsqu’on sait que notre voix ne pèsera pas lourd dans la
balance (Anthony Downs)
- Il semble peu rationnel de se mobiliser si les bénéfices que l'on obtiendra sont les mêmes
qu'en laissant la charge du travail aux autres (Mancur Olson).

De telle étude négligent peut-être les bénéfices subjectifs de nature morale liés à la participation :
sentiment d'utilité, de contribution au bien public, etc. (être un bon citoyen)

VII. Quelques critiques adressées à l’élitisme

- Voter sur des enjeux demandent plus de connaissances que voter pour des représentants ?
- Qu’en est-il des réelles compétences des représentants ?
o Thomas Cronin relève que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelles au moins
1000 mesures législatives
o Hypothèses causales souvent erronées (Agir sur l’illettrisme en baissant abonnement
bibliothèque)
- Les politiques publiques (ce qu’un Etat décide de faire) n’atteignent pas toujours leur but

VIII. Les participationnistes


Quelques représentants du participationnisme  :

- John Dewey
- Macpherson
- Habermas
- Barber.

Pour les participationnistes, on ne peut pas réduire la participation du citoyen aux élections, il a
besoin d’autres moyens d’expression. Si les droits du citoyen sont limités, il ne s’agit plus d’une
démocratie. La représentation est incompatible avec la liberté (politique), parce qu’elle entraîne une
délégation et ainsi ne permet plus l’expression de la volonté populaire (Benjamin Barber,
notamment).
La démocratie libérale exclut donc le mandat impératif (le pouvoir délégué à une organisation ou un
individu élu en vue de mener une action définie dans la durée et dans la tâche, selon des modalités
précises auxquelles il ne peut déroger) qui s’oppose au mandat représentatif (le représentant peut
agir en tous domaines à sa guise car il n'est pas tenu de respecter les engagements qu'il aurait
éventuellement pris devant ses mandants). Car dans les démocraties la politique n’est pas que des
confrontations mais parfois aussi des compromis (donc + pour mandat représentatif)

Les participationnistes imaginent des processus de « learning-by-doing » permettant la compatibilité


entre la participation large des citoyens et l'exigence de gouvernabilité La démocratie libérale exclut
le mandat impératif.

Pour P. Bachrach et A. des mesures favorisant la participation permettraient aux catégories sociales
défavorisées de se rendre compte qu'elles peuvent exercer une influence sur la politique.
En Suisse, on a observé que les formes de démocratie directe avaient eu un effet conservateur et non
l’effet d’un virage à gauche.

24
Théorie de l’Etat Andreina Marin

IX. La démocratie délibérative comme prolongement du participationnisme


Cette notion (délibérative) se structure autour de J. Habermas et de J. Rawls et plus généralement
autour du débat sur la légitimité des décisions.

Deux principes fondateurs de la théorie délibérative :

- L’idéal d’argumentation : les échanges d’arguments de qualité variable permettent de


prendre la meilleure décision
- L’idéal d’inclusion : à ces échanges doivent s’associer le maximum de citoyens

4 vertus sont associées à cette forme de gouvernement ( identifiées par Amy Gutmann et Dennis
Thompson) :

- La légitimité des décisions collectives


- Garantir la publicité des décisions collectives
- La délibération reconnaît la vertu de chaque position face à l’incompatibilité des valeurs
morales
- Reconnaissance des limites inhérentes à chacune des décisions

IX. Quelques critiques adressées au participationnisme


Les participationnistes choisissent-ils bien leur cible en dénonçant les méfaits de la représentation
parlementaire ?
En réalité, les élites parlementaires sont concurrencées par d'autres groupements, associations,
lobbies de toutes sortes.

- De nombreux travaux nous enseignent que, dans le cas de nombreuses politiques


économiques et sociales notamment, le véritable lieu de décision se situe hors de la sphère
parlementaire, dans des arrangements entre groupes d’influence. Donc les dénonciations des
participationniste n’ont pas vraiment d’impact.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Chapitre 7 – les théories de la justice (distributive)

I. A quoi renvoie le terme de « justice » ?


Quatre éléments auxquels la justice peut se référer :

- L’institution chargée de faire respecter la légalité (les lois)


- La justice commutative : vise à ce que chacun obtient l’équivalent de ce qu’il a donné dans
ses transactions
- La justice distributive : vise à la répartition des ressources et des avantages de la vie sociale
- Un idéal normatif : permettant de juger ou critiquer le pouvoir politique (« sens de la justice)

II. John Rawls (1921 – 2002) et sa théorie de la justice

I. John Rawls : droit et justice distributive

Théorie de la justice (1971) : la justice doit être comprise comme le résultat d’un processus de
négociation, au cours duquel les individus soucieux de leur propre intérêt établissent un accord sur
les principes de justice.
l’éthique publique, pour lui, a pour tâche de discuter et de justifier les principes et raisons qui
permettent de légitimer (pratiques, institutions et décisions politiques) et la recherche de ces
principes passe par un consensus aussi large que possible.

II. Rawls et les théories du contrat

Rawls s’appuie sur les théories contractualiste (Locke, Rousseau, Kant, …) pour sa théorie de la
justice. Ce qui le distingue des autres auteurs contractualistes c’est que pour lui, le contrat n’est pas
pour justifier l’autorité politique mais pour établir les principes de la justice sociale.
Rawls va chercher des règles fondamentales au sein d’un pays qui garantissent la justice pour but de
« formuler une conception raisonnable de la justice adaptée à la structure de base de la société, que
nous concevons pour le moment comme un système clos, isolé des autres sociétés ». La structure de
base désigne « les principales institutions économiques, sociales et politiques » d'un pays et les «

III. Egalité et équité (fairness)

Pour Rawls, la justice ne correspond pas à une égalité stricte. Il s’oppose à la fois aux excès du
libéralisme et aux dérives du socialisme et cherche une voie politique moyenne, proche de la social-
démocratie on parle de voie médiane de Rawls.

Recherche de l’équité : Il existe un seuil où certaines inégalités deviennent des injustices


inacceptables et qui doivent être corrigées (discrimination positive  : corriger des inégalités pour des
groupes qui ont été sous-représentés). Il cherche donc des termes acceptables pour tous, des «
termes équitables » pour encadrer les relations entre membres d’une société.

IV. John Rawls face à l’utilitarisme

La société est considérée comme juste, selon les utilitaristes, lorsqu’elle parvient à améliorer « le
bonheur du plus grand nombre », cela sans considération d’une minorité éventuellement sacrifiée et
sans protection des droits individuels de la personne.  

26
Théorie de l’Etat Andreina Marin

L’éthique publique utilitariste, selon Rawls, ne garantit pas les droits individuels de la personne, ni les
droits fondamentaux et instrumentaliserait la personne humaine en la traitant comme un simple
support d’utilités et non comme un agent autonome, doté d’un sens de la justice. Ainsi Rawl
s’oppose à l’utilitarisme

V. Comment établir les principes de justice ?

Deux méthodes :

- Le voile d’ignorance
- Le choix de la prudence

L’objectif de Rawls est d'identifier des « principes de justice » qui obtiendraient l'accord de tous les
individus membres d'une société.
Obstacle : les individus sont généralement incapables de se mettre d’accord sur des critères de
justice universels, car leur jugement sur les inégalités est toujours orienté par leur statut social, par
leur richesse, par leurs aptitudes personnelles, etc.

Pour trouver un accord sur les principes de justice Rawls pense à un « voile d’ignorance ». Il s’agit
d’imaginer une situation fictive en dehors de la société où des membres se réunissent pour définir les
principes de justice équitables. Ils ne sauraient rien de leur statut (fortune, intelligence, religion,
santé, …). Ces individus seraient ainsi totalement neutres et objectifs pour sélectionner les solutions
qui sont les plus équitables.
Le choix des principes serait influencé par la prudence de ces individus. Etant « aveugles » sur leur
condition et statut (ne pouvant exclure le fait d’être pauvre, malade, orphelin), la tentation sera forte
de choisir des principes de justice qui ne dévalorisent pas trop les plus défavorisés. Ainsi le choix
unanime déboucherait sur un nouveau contrat social

VI. Les deux principes de justice


1. Principe de l’égale liberté (doit primer sur tous les autres principes) : tous les individus
doivent pouvoir accéder aux libertés fondamentales (la liberté de pensée, la liberté
d’expression, la liberté de réunion, le droit à l’intégrité physique et morale, les droits
civiques, la protection face au pouvoir arbitraire, le droit de propriété, …). On reconnaît
ici le libéralisme de Rawls.
2. Inégalités sont justifiées qu’à deux condition  :
o Principe de différence : améliorent le sort des membres les moins avantagés
(fiscalité à taux progressif)
o Principe d’égalité des chances : attachées à des positions que tous ont des chances
équitables d’occuper (méritocratie)

Ces deux principes de justice sont rangés dans un ordre de priorité, appelé « ordre lexical ». Le
principe d ’ égale-liberté a une priorité absolue. L’application du second principe est subordonnée au
premier.

VII. Les critiques libertariennes et communautariennes adressées à Rawls et à sa théorie de la


justice

Dans les années 1980, cette théorie a eu une certaine notoriété et a été critiquée au sein même du
camp libéral

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

- Pour les libertariens : insuffisamment individualiste (ils sont opposés aux principes de
redistribution des richesses au profit des plus défavorisés défendus par Rawls). En cherchant
à établir des principes de justice sociale imposés à tous, la Théorie de la justice de Rawls ne
peut qu’aboutir à la restriction de la liberté de chacun.
- Pour les Communautariens : beaucoup trop individualiste

III. Les libertariens et les critiques de Robert Nozick, de Michael Walzer et


d’Amartya Sen

A. Les libertariens

Pour les libertariens, l’Etat n’a pas à imposer la définition du bien et du juste, car ses interventions
reposent forcément sur un choix arbitraire de valeurs, et chaque individu devrait pouvoir déterminer
seul de ses valeurs qui correspondent à ses besoins et à ses désirs car les individus sont des êtres
rationnels. Pour eux, il n’existe aucune méthode rigoureuse permettant d’établir une morale
collective valable pour tous.

Robert Nozick restaure les droits des individus contre tous les pouvoirs qui entravent la liberté. Il s’en
prend notamment au Welfare State et à l’Etat-providence. Selon Nozick, Les dispositifs publics visant
la redistribution des richesses produisent des entraves à la liberté d’entreprendre et sont donc à
proscrire. Ils n’ont aucune légitimité car entrave pour ceux qui produisent les richesses et qui doivent
les donner.
Il défend un programme fondé sur les principes de l’autonomie et de liberté et le recours à l’état
comme agent de redistribution des richesses doit être proscrit, c’est la libre compétition entre les
individus qui assure elle-même une répartition équitable des ressources

B. Les critiques de Robert Nozick

Critiques : En cherchant à établir des principes de justice sociale imposés à tous, la Théorie de la
justice de Rawls ne peut qu’aboutir à la restriction de la liberté de chacun.

Marché comme dispositif de régulation : Ils estiment que le marché est beaucoup plus neutre sur le
plan des valeurs que toutes les philosophies morales. Les arbitrages qui s’y réalisent sont dénués de
tout jugement de valeur : ils découlent des échanges librement consentis.

Solutions de Nozick face à la pauvreté ?

- Entraide en faveur des plus pauvres peuvent être envisagée


- Mais ne doivent pas être organisées par l’état, elles doivent venir d’un engagement libre et
personnel fondé sur l’altruisme

Rôle de l’état :

L’Etat n’est pas l’horloger de la société, il doit intervenir comme un « veilleur de nuit » (fonction
d’ordre : police, justice, défense).

C. Les critiques adressées au libertarisme


- Il est reproché aux libertariens de rester aveugles face à l’existence d’une pauvreté
structurelle dans la société américaine (notamment chez les minorités noires et hispaniques)
que le fonctionnement du marché est incapable de résorber.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

- Comment peut-on exclure de lutter contre les inégalités sociales au nom des libertés
individuelles, alors que ces inégalités limitent fortement l’exercice même de ces libertés ?

D. Une critique de Michael Walzer à John Rawls

Rawls nous fait tomber dans le piège de l’universalisme. En voulant formuler une théorie qui soit
valable universellement, Rawls aurait créé une théorie trop abstraite pour être applicable dans des
situations concrètes.

- Selon Walzer, les théories de la justice doivent adopter une approche « relativiste », c'est-à-
dire prendre en compte l’histoire et la culture de chaque société. Le but est de comprendre
l’organisation spécifique de chaque groupe humain et de trouver les principes de justice qui
lui sont adaptés.
- La société est organisée en diverses sphères d’activités : le système des échanges
économiques, l’administration, le monde de la recherche et de l’enseignement, les
institutions religieuses, la santé, la famille, etc. Il faut appliquer un principe de justice
différent à chacune de ces sphères. Chacune a son fonctionnement propre, et chaque sphère
a des biens différents à distribuer (argent, pouvoir, reconnaissance, par ex.)
- Les inégalités n’ont pas la même nature selon les sphères. Les biens et les inégalités de
chaque sphère n’étant pas comparables, on ne peut ramener la justice, selon Walzer, à des
principes abstraits qui seraient valables en tout lieu et à tout moment. Les critères de ce qui
est juste ou non varient d'une sphère à l'autre.
- Il n’existe pas de bien dont la signification sociale serait unique et univoque

En résumé :

- Individus sont des êtres concrets, évoluant dans des univers et des communautés qui ont des
valeurs différentes
- Quête de la justice doit considérer le fonctionnement propre de chaque sphère.
- Rôle de l’état : Doit trouver des solutions concrètes visant une répartition juste des biens
selon des critères qui peuvent varier.

E. Une critique d’Amartya Sen

Pour lui, c’est les comportements des individus qui permettent la réalisation de la justice dans la
société, et pas uniquement les institutions. Une loi ne suffit pas. Pour lui la théorie de Rawls est trop
idéaliste

IV. Conclusion de la théorie de la justice


Malgré les « assauts » qu’elle a subis, la Théorie de la justice (de Rawls) reste aujourd’hui un
incontournable point de référence dans les controverses sur la justice sociale.

V. Discrimination positive
Son but est de « promouvoir une plus grande égalité » entre différents groupes ; ou en tout cas de «
garantir aux membres des groupes désavantagés une véritable égalité des chances ». C’est
uniquement une mesure temporaire, de rattrapage, dans l'attente que les discriminations dont sont
victimes le groupe bénéficiaire se corrigent ; et dans l’espoir que les mesures de discrimination
positive contribuent elles-mêmes à ce rattrapage. La discrimination positive peut s'adresser à

29
Théorie de l’Etat Andreina Marin

n'importe quel groupe victime d'une discrimination structurelle.


Souvent, elle s’adresse à un groupe historiquement opprimé (Afro-Américains aux Etats-Unis, Dalits
en Inde). Il existe également des mesures contre la discrimination des femmes.

A. La méthode des quotas

Une entreprise ou une administration décide de donner un certain nombre de postes à des personnes
qui font partie du groupe bénéficiaire, même s'il y avait d'autres candidats plus qualifiés. Aux Etats-
Unis, certaines universités allouent un certain nombre de places à des personnes issues d'un groupe
marginalisé, et baissent les exigences de réussite pour ces personnes.

B. La méthode des mesures d’encouragement

Elles ont pour but de donner aux personnes du groupe bénéficiaire de meilleures chances de réussite.
Exemples : programmes de coaching, stratégies de communication pour que ces personnes se sentent
inclues.

C. Concernant l’égalité des chances

Pour : la discrimination positive vise à établir une meilleure égalité des chances entre les groupes sur
la durée. Elle cherche à rendre la société plus juste. Contre : quand il y a un traitement préférentiel,
certains individus sont à nouveau favorisés au détriment d'autres (« discrimination à rebours »), ce
qui serait contraire à l'égalité des chances.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Chapitre 8 – que faire des identités communautaires en démocratie

I. Comment gérer les identités communautaires en démocratie ?


L’intégration des identités communautaires est une question sensible actuellement. Elle n’est en
revanche pas nouvelles. En effet les rapports entre individus et la communauté est une des questions
fondamentales du débat politique contemporain sur la démocratie et déjà depuis longtemps : Guerre
religions, 16ème siècle.

II. Identités communautaires et libéralisme


La théorie libérale avait réglé à sa manière la question des rapports entre Etat et communautés,
simplement en ne les considérant pas réellement. La théorie libérale se focalise, en démocratie, sur
les droits individuels, le principe d’autonomie des individus et la défense des droits fondamentaux. La
conception libérale est universaliste. L’Etat n’a affaire qu’à des individus, et non à des communautés.

III. Identités communautaires et démocratie


La plupart des sociétés démocratiques ont adhéré à la pensée individualiste héritée des Lumières.
Elles ont cependant adapté ce modèle différemment :

IV. Quelques modèles d’intégration des communautés en Europe

- Le cas français (en théorie) : Dans le modèle républicain français, seul le citoyen, dépouillé de
toutes ses appartenances (religieuse, philosophique, sociale, territoriale, etc.), peut
participer à la vie politique (universalité). Mais en réalité, la consultations de communautés
est possible (syndicat, communautés religieuses, …), ce n’est cependant pas institutionnalisé
- Certains Etats ont favorisé l’organisation d’acteurs institutionnels dans le domaine
économique pour éviter l’instabilité liée à la revendication ouvrière comme l’Autriche,
l’Allemagne et la Suède où les communautés économiques prennent part de manière
institutionnalisés à des décisions économiques (il y’a un dialogue entre l’état et les acteurs
économique qui recherche une stabilité dans la relation de travail)
- Certains autres états prennent en compte les communautés linguistiques et/ou religieuses
comme la Belgique qui accorde une représentation particulière aux identités linguistiques
(mais aussi aux régions). Le fédéralisme belge est très largement lié à la pression des
communautés linguistiques. La Hollande : qui reconnaître 3 communautés religieuses
(protestante, catholique et laïque) qui ont la responsabilité de l’éducation et de la santé par
exemple (l’état a partiellement délégué des pouvoirs)

V. Le cas de la suisse et quelques remarques sur le fédéralisme


En Suisse, les religions ne sont pas intégrées à l’organisation de l’Etat.
En Suisse, le fédéralisme prend en compte les communautés qui ont une assise territoriale : ce sont
les cantons.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

L’élection au Conseil fédéral ravive toujours la question de la prise en compte des communautés par
l’Etat. Jusqu’en 1999, la Constitution fédérale interdisait à deux personnes originaires du même
canton de siéger simultanément au Conseil fédéral, mais cette clause cantonale a disparue. La
formule actuelle est moins contraignante : Art. 175. Constitution fédérale (Election et composition du
CF) : « Les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement
représentées au Conseil fédéral ».

- Débat au Tessin qui n’avait plus de conseiller fédéral depuis le départ de Flavio Cotti (1999)
jusqu’en 2017 (Ignazio Cassis)
- Discussion à ce sujet de rétablir une règle régionale pour l’élection au conseil fédéral

Le fédéralisme contient deux dimensions importantes :

- Self-government : autonomie des états (ou des cantons)


- Power-sharing : il existe une répartition des compétences entre les entités fédérées et l’Etat
fédéral. Les entités fédérées concourent à la formation de la volonté nationale
(représentées, en Suisse, notamment au Conseil des Etats).

Le rapport entre démocratie et fédéralisme est entre-autres discuté par Alexis de Tocqueville (« de la
démocratie en Amérique »). La démocratie est amplifiée par le fédéralisme, le pouvoir est fragmenté,
on évite le pouvoir central.
Cependant, le fédéralisme pourrait être contraire à la démocratie en allant contre le principe de one
man, one vote (Adrian Valter). En Suisse, les votes des habitants des petits cantons ont plus de poids
que les habitants des grands.

VI. Le débat sur les communautés en Amérique du Nord


En Amérique du Nord, le débat sur la reconnaissance des identités et des cultures revient en 1960,
dans le prolongement de :

- Lutte de la communauté noire américaine pour la reconnaissance de ses droits civiques


- Mesures adoptées au Canada pour mettre fin aux conflits linguistiques entre francophones et
anglophones (scolarité des enfants). Tout le monde devrait avoir les mêmes droits, peu
importe la communauté.

VII. Le communautarisme
Les communautaires reprochent aux libéraux de considérer l’individu comme la mesure de toute
chose. Pour un libéral, un Etat n’est que la somme des individus, peu importe leur appartenance. Les
inégalités ne frappent pas uniquement des individus, mais aussi des communautés.

La question centrale du communautarisme se pose sur la compatibilité entre liberté/égalité des


droits et légitimité des communautés à protéger leurs particularités et leurs valeurs

L’Etat doit-il prendre en considération des revendications communautaires ou pas (bus


non-mixtes/piscine obligatoire en costume de bain)  ?

Libéraux Communautariens
Il ne faut pas rentrer dans la problématique Il faut préserver les identités communautaires
communautarienne Il faut donc imaginer des règles qui prennent en
compte les spécificités communautaires.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Pour les communautariens, la lutte contre l’injustice ne passe pas par l’universalité, mais sur des
projets visant le renforcement de la vie communautaire et la consolidation des liens de solidarité.

VIII. Les griefs des communautariens à l’égard des libéraux


Critiques des communautariens à l’égard des libéraux  :

- Les libéraux considèrent la société comme la somme arithmétique d’individus autonome,


indépendamment de leur groupe d’appartenance et de leurs valeurs qui les relient
- Les libéraux considèrent que les inégalités frappent uniquement des individus, alors qu’on
observe (selon les communautariens) qu’elles s’exercent surtout entre communautés

IX. Quelques représentants du communautarisme


Ces principaux représentants sont :

- Alasdair Macintyre : -> il faut considérer les individus aussi par rapport à leur communauté
- Michael Sandel : -> les libéraux n’arrivent pas éliminer les injustices dans la société
- Amitaï Etzioni : -> projet de refondation sociale aux USA car constate un déclin des lein de
solidarité aux USA

X. Le dénominateur commun des communautariens

- Ressouder les liens sociaux et lutter contre l’individualisme croissant, qui méprise les valeurs
partagées
- Déception marquée face à la montée de l’individualisme à la fin du XXe siècle et au repli sur
la vie privée, la revendication des droits individuels et le mépris pour les valeurs partagées

La pensée, réactualisée dans les années 1970 par John Rawls, porte une lourde responsabilité dans
cette érosion de la tradition

33
Théorie de l’Etat Andreina Marin

Chapitre 9 – La pyramide de l’ordre juridique

I. Introduction
Si le modèle de la « pyramide de l’ordre juridique » reste une référence, il est quelque peu ébranlé
en raison d’une d’évolution dans la régulation, aux niveaux international et national

II. Le modèle de la pyramide des normes 

Adolf Merkl développe la Stufenbau der Rechtsordnung en 1927.

Selon la « théorie de l’ordonnance des normes de droit par étages », les normes juridiques sont
hiérarchisées les unes par rapport aux autres. On peut le dessiner en pyramide. Au sommet se trouve
les normes supérieures et les normes inférieures apparaissent au fur et à mesure que lʼon descend
vers la base.

Principe fondamental :

- Toute norme juridique est nécessairement basée sur une autre norme juridique, qui lui est
hiérarchiquement supérieure
Toutes les normes inférieures respectent, en principe, les normes supérieures.

Hans Kelsen contribue à la prospérité du modèle pyramidal et affirmera que le système juridique est
une pyramide ou hiérarchie de normes qui sont subordonnées les unes aux autres, dans Théorie pure
du droit (1934).

III. L’articulation de la pyramide des normes

- Normes de rang constitutionnel (à l’étage le plus élevé)


o Normes produites par le pouvoir constituant (originaire et dérivé)
o Elles sont à l’étage suprême
- Normes de rang législatif (en-dessous des constitutionnelles)
o Ensemble des règles élaborées par le pouvoir législatif
o Les lois
- Normes exécutives ou réglementaires (en-dessous du législatif)
o Normes ou règlements émanant du pouvoir exécutif

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

o En CH, ordonnances (= règlements, décrets)


o C’est une délégation législative, puisque le législateur délègue sa compétence qui
tient de la constitution au gouvernement
o Cette délégation législative s’est développée depuis milieu 20 ème siècle (dans pays
occidentaux) -> montre que l’exécutif prend du poids par rapport au législatif
- Normes juridictionnelles (base de la pyramide)
o Arrêts et jugements prononcés par les cours et les tribunaux
o Application du droit par excellence

IV. Le modèle pyramidal en examen


Comme le soulignent François Ost et Michel van de Kerchove : « traditionnellement s’est développé
une conception essentiellement hiérarchique, linéaire de la structure d’un système juridique.
Largement intériorisée tant par les gouvernants que par les gouvernés, cette conception a
traditionnellement dominé et domine souvent encore la pensée juridique dans ses formes
d’expression les plus diverses »,

- Hiérarchique : normes placées dans une situation de supériorité ou subordination les unes
par rapport aux autres
- Linéaire : cette structure pyramidale suppose des relations à sens unique excluant toute
forme d’inversion ou de rétroaction (Les normes constitutionnelles sont toujours supérieures
aux normes législatives p. ex.)

Caractéristiques du droit moderne selon Jacques Chevallier :

- Le droit moderne repose sur un seul foyer de droit, l’Etat qui est la source exclusive de la
normativité juridique
- Il a un seul ordre juridique dont les normes forment un ensemble cohérent, intégré,
monolithique, dont tous les éléments se tiennent et s’emboîtent harmonieusement

Le droit moderne occulte toutes les formes de régulations (règles formelles ou non / privées ou non /
nationales ou non / qui cherchent à agir sur le comportement des individus). Il est obsolète, caduque.
Il faut maintenant penser le droit post-moderne.

Droit post-moderne :

Dans l’Etat post-moderne, Jacques Chevallier constate que la régulation juridique passe aujourd’hui
(contrairement à ce que le droit moderne prévoyait) par l’intervention « d’acteurs multiples, situés
dans des espaces juridiques différents », pour en conclure que la relation entre ces différents acteurs
(ou espaces) « n’est plus commandée par le principe de la hiérarchie »,

V. L’impact de la globalisation (=mondialisation)


Elle a un rôle crucial dans la réévaluation de la pyramide des normes

- Globalisation des flux financiers


- Globalisation des flux d’informations
- Globalisation des risques (écologiques, biotechnologiques)
- Globalisation de la criminalité transfrontière, dans le domaine économique, comme dans
celui des atteintes aux personnes (terrorisme)

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

VI. L’émergence d’un droit pluriel 


Chevallier décrit 3 formes possibles de ce droit pluriel :

- Droit extra-étatique
- Droit supra-étatique
- Droit infra-étatique

A. Le droit extra-étatique

Le droit extra-étatique est un produit de la globalisation (mondialisation), formé à partir des usages
du commerce international pour le réguler (établissement de règles). Il consiste en l’auto-régulation
des entreprises par des chartes éthiques (après d’importants scandales).
Les Etats ne sont pas des acteurs dans le règlement des conflits (pas de médiation étatique)

- Chambre de commerce internationale (ICC) : élabore des règles et l’arbitrage


 Dispose de la Cour internationale d’arbitrage (institution mondiale pour régler des
litiges commerciaux

Auto-régulation : mise en place de chartes éthiques et de codes de conduite. (Ex : charte éthique de
L’Oréal et Nike / code de conduite de Novartis)

Ces codes et chartes rentrent dans ce que l’on appelle le soft law (ce sont des règles de droit non
contraignantes). Elles sont souvent prises, suite à des scandales et sont souvent un coup médiatique.

B. Le droit supra-étatique

Le droit supra-étatique est un produit de la mondialisation, mais le produit d’une construction entre
Etats (OMC, …). Les règles sont issues de convention entre Etats ou forgées par les organisations
internationales qu’ils ont mises en place.

Exemples :

- Organisation mondiale du commerce (OMC) : s’occupe des règles régissant le commerce


entre états
- Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux GAFI (organisme
intergouvernemental) : lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du
terrorisme -> elle a publié une quarantaine de recommandation mais qui ne sont pas
obligatoires sur le plan juridique, mais s’imposent d’elles-mêmes sur le plan international
(liste noire/blanche/grises)

C. Le droit infra-étatique

La régulation peut également provenir de la société civile à l’intérieur d’un état donné.

Exemple :

- Délégation à des organismes professionnels :

L’Etat s’efface derrière les professions organisées, en leur transférant sa puissance de contrainte
juridique, mais en se réservant parfois un pouvoir de validation des règles édictées.

36
Théorie de l’Etat Andreina Marin

En suisse : la conception libérale des rapports entre Etats et société facilite ce type de délégation. Il
y’a des organisations professionnelles qui s’occupent d’une partie de la formation (apprentis, …)

Exemple : Fédération des médecins helvétiques (FMH) : association de droit privé qui prend des
décisions contraignantes à l’égard des médecins / fédération suisse des avocat (FSA) : défend leurs
droits et intérêts, assure leur indépendance et veille à leur réputation, en Suisse comme à l'étranger

VII. L’émergence d’un droit dit pragmatique 


« Le droit post-moderne est conçu essentiellement comme un droit pragmatique, sous-tendu par une
volonté d’action sur le réel ; cette préoccupation d’efficacité modifie en profondeur la conception
traditionnelle de la normativité : à la rigidité fait place la souplesse et à la stabilité l’adaptabilité »,

On ne cherche plus simplement à regarder la cohérence des normes juridiques, mais on cherche à
évaluer l’efficacité que ces normes ont sur le réel.

 Renforcement du droit négocié : association des destinataires au processus d’élaboration des


normes
 Renforcement du droit souple : recours à des procédés informels d’influence et de
persuasion

Selon Chevallier « le droit moderne bénéficiait d’un capital d’autorité qui lui permettait d’obtenir
l’obéissance et d’emporter l’adhésion des assujettis ; son bien-fondé ne faisait pas question, ne
souffrait pas la moindre discussion. Marqué par l’unilatéralité, le droit apparaissait comme
l’expression d’un ordre hétéronome, auquel il était non seulement impossible de se soustraire, mais
encore nécessaire et juste de se soumettre »
On a cherché donc à développer ces instruments suite au fait que le capital d’autorité que disposait
le droit moderne a diminué. Les assujettis cherchent maintenant à savoir le bien-fondé.

VIII. Le droit négocié

- La force de la règle dépendrait du consensus relatif qu’elle réussirait à réunir autour d’elle. Il
faut donc intégrer le destinataire au processus d’élaboration. La concertation préalable, la
participation à la définition de la règle deviennent la légitimité de la règle.

IX. La consultation
Dans les sociétés contemporaines :

- Les assujettis sont invités à participer à la définition des normes auxquelles ils sont soumis
(co-production du droit)
- Dialogue entre gouvernants et gouvernés
- Procédures d’élaboration des normes deviennent longues et complexes

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

En CH, la procédure de consultation est la phase de la procédure législative préliminaire, durant


laquelle l’on examine des projets fédéraux ayant une certaine portée (politique, financière,
économique, écologique…) et leur potentielle réalisation (chances d'être acceptés).

Le Lobbying : Autre modalité d’échanges entre acteurs publics et privés.


Un lobby est un groupe d’intérêt, d’influence, de pression qui cherche à orienter l’élaboration des
lois, en fonction des intérêts qu’il représente

En Suisse, les procédures de consultation, comme l’intervention officieuse des lobbies restent des
moyens traditionnels de faire intervenir la société civile dans l’élaboration des normes. Si dans les
procédures de consultation, c’est bien l’Etat qui décide de consulter, à l’inverse, lorsque le lobbying «
s’exerce », c’est l’Etat qui est soumis à une pression !

Procédure de consultation Lobbying


Etat décide de consulter la société civile Société civile exerce une pression sur l’Etat

X. Les conférences de consensus


Les conférences de consensus sont un autre type de consultation qui tend à associer plus
étroitement les citoyens dans l’élaboration des normes Ces conférences cherchent à clarifier des
incertitudes sur des sujets scientifiques et on organise un débat auquel la société civile est partie
prenante (politique, science, citoyen). Il est essentiel que les participants soient sélectionnés selon
des critères de neutralité et de désintéressement. Cela donne lieu à un rapport final qui informe les
politiques des réflexions et recommandations mais n’est pas forcément contraignant.

Exemples d’utilisation :

- Sur les OGM en agriculture et dans l’alimentation en juin 1998 en France


- Sur le réchauffement planétaire en février 2002 en France
En CH :
o En juin 1998 sur l’énergie et électricité
o En mai 1998 sur le programme d’évaluation des choix technologiques -> organisation
d’un Publi Forum

Remarque : Nous ne sommes jamais sûrs de l’impact de ce type de procédure sur la décision finale.

XI. Le droit souple 


La dimension contraignante (par le fait que la norme juridique comporte des prescriptions auxquelles
les destinataires doivent obéir) du droit tend à s’estomper notamment par l’émergence de la soft
law. Ces nouvelles normes, formulent des recommandations n’ayant pas de force contraignante qui
sont justes pour indiquer des objectifs souhaitables à atteindre.

 Ce droit part de l’hypothèse que la contrainte ne suffit pas pour obtenir l’adhésion des
assujettis, il faut les convaincre par l’information et la persuasion.
 Ex : le GAFI -> groupe d’action financière intergouvernemental (renvoi -> VI lettre B)

XII. La recommandation

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

En CH, les recommandations fixent de manière précise les objectifs souhaitables à atteindre pour la
protection de l’environnement et l’économie d’énergie, en laissant aux opérateurs le choix des
moyens pour y parvenir. (Charles-Albert Morand)

XIII. Qu’est-ce qui fait recourir l’Etat à la « soft law » et non au droit contraignant ?
Pourquoi ne pas imposer une norme contraignante ? Selon Morand deux argument :

- Cela permet de ménager la liberté des particuliers et des groupes visés


- Sur la plan politique : permet de rendre plus acceptable l’adoption d’une législation
autoritaire en la différant dans le temps et en attirant l’attention des groupes sur la
responsabilité qui leur incombe si les objectifs prévus ne sont pas atteints -> transmet à des
groupes privés la responsabilité principale dans la réalisation de l’intérêt public sous la
menace voilée ou explicite d’une intervention autoritaire

Exemple de soft-law : Déclaration de Bologne d’Alexandre Flückiger dans « pourquoi respectons-nous


la soft-law » (Déclaration commune des Ministres européens de l’éducation réunis à Bologne le 19
juin 1999), il s’agit d’un acte non obligatoire, mais qui est aussi un très bon exemple de la force de la
soft law. Ce texte a été suivi et mis en œuvre dans le paysage universitaire européen

Combiner soft-law et hard-law : cela peut être très efficace (exemple : en matière de délinquance
routière -> les campagnes d’informations augmentent l’effet des programmes policiers)

Les revers de la soft-law :

Le droit doux peut devenir droit flou (= fuzzy law) :

- Formulé en termes d’objectifs, de directives ou de recommandation, le droit perd de sa


précision
- La formulation du droit comme étant des principes crée une zone d’incertitude et des
interrogations sur sa stabilité et sa prévisibilité

XIV. Conclusion
Si la « soft law » est formulée par des instances non étatiques, on court le risque d’une privatisation
de la régulation, au profit d’acteurs peu contrôlés (démocratiquement). Se pose alors d’une autre
manière la question de sa légitimité.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Chapitre 10 – Evolution des démocraties

I. Trois évolutions dans les démocraties contemporaines :


Bernard Manin expose 3 modèles successifs de gouvernement représentatif :

1. Parlementarisme : typique du début du 19ème siècle. La relation de confiance avec les


gouvernants est personnelle et le député vote en fonction de ses convictions personnelles.
2. Démocratie des partis : Emerge à la fin du 19e siècle avec l’apparition des partis.
3. Démocratie du public : Emerge à la fin du 20ème siècle et est caractérisée par le rôle des
sondages, des experts en communication, de l’image médiatique, etc. Les gens votent en
fonction de leur perception à un moment donné (par les sondages, les médias…) et non plus
en fonction d’un parti (diminution de la loyauté partisane). La relation entre les partis et les
citoyens est devenue plus lâche.

A. Fragilisation de la « démocratie de partis » et avènement de la « démocratie du public »

 Avènement de la volatilité électorale : les électeurs se décident en fonction de leur


perception à un moment donné.

Deux facteurs expliquent cela selon Bernard Manin :

 Le niveau d’instruction
 Le rôle des médias

Niveau d’instruction :

Les électeurs instruits sont moins susceptibles de suivre systématiquement et automatiquement les
mots d’ordre de leur parti traditionnel.

Il y’a tout de même deux nuances :

1. Même dans les démocraties des partis, les partis politiques n’ont jamais eu le monopole du
débat public car le monde intellectuel, la société civile organisée et les citoyens en sont aussi
les animateurs (ex : Zola et l’affaire Dreyfus)
2. Les partis restent les principales forces à même de dessiner les alternatives offertes aux
électeurs lors de l’élection des représentant

Que font les partis pour maintenir une fidélité ?

- Plus souple et plus réactif pour répondre à des sondages d’opinion (intégrer questions
écologiques pour un parti non-vert par exemple)
- Personnalisation des partis politiques (peopleisation)

En résumé, les partis jouent un rôle essentiel mais ne sont plus des unités dotées d’identité durables
et à chaque élection, ils doivent rechercher activement le soutien des électeurs, en ajustant leurs

40
Théorie de l’Etat Andreina Marin

thèmes de campagne à des préoccupations changeantes ; ils doivent aussi parfois reconfigurer leurs
publics cibles (ex : gauche s’est éloigné des classes populaires et cherche maintenant à y revenir).

B. Evolution dans la transmission des informations : médiatisation

Démocratie et vérité : relation paradoxale :

La vérité est parfois vue comme hégémonique et contraire à l’idée de pluralisme (Rawls 1996).
Cependant, on évalue énormément les politiciens sur leur manière de cacher la vérité.

On peut donc se résoudre à se focaliser sur l’opinion. Seulement, il faut que les opinions reposent sur
des vérités factuelles. Or, l’avènement des fake news rend cela compliqué.

Il y a un consensus car les citoyens ont besoin des informations exactes pour opérer des choix
politiques ainsi la diffusion d’informations erronées sont problématiques à plusieurs égards :

- Définition de politiques adéquates


- Légitimité des gouvernants
- Confiance dans les élus

Informations erronées et démocratie

Paradoxe : la démocratie s’est construite sur le présupposé selon lequel les citoyens sont informés.
Toutefois, les recherches empiriques montrent le contraire

Avant : les chercheurs étaient préoccupés par le bas niveau de connaissance des citoyens

Maintenant : les chercheurs sont préoccupés car les citoyens semblent être désinformés et non plus
« non informés ».

- Pas accès aux infos


- Ne prennent pas en compte les infos
- Sont paresseux et ne désirent pas se renseigner

Les fake-news ne sont pas nouvelles mais sont amplifiés par les médias sociaux car :

- Pas de filtres (fact-checking)


- Pas ou peu de barrière à l’entrée

Il y’a donc :

- Misinformation: transmission non intentionnelle d’informations fausses


- Disinformation: informations fausses transmises intentionnellement pour causer du tort
- Malinformation:
informations
véridiques
transmises pour causes
du tort (Wardle &
Derakhshan 2017)

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

C. Troisième évolution : Internationalisation (= décisions prisent au niveau international)

Cette évolution a aussi des conséquences dans les processus politiques internes au sein des
démocraties. Il y’a un renforcement du gouvernement et de l’administration par rapport au
parlement

Le Parlement, les groupes d’intérêt, le gouvernement et l’administration sont ceux présents lors des
négociations internationales. Ce sont souvent les membres des gouvernements qui sont présents.
Cette présence permet de détenir des informations qui ne sont plus accessibles par les autres acteurs
du système politique et car ils sont les seuls à pouvoir jouer à deux niveaux : sur la scène de
négociations international et national. Ce double-jeu permet également de rejeter le blâme généré
par des mesures impopulaires. On parle de « blame-avoidance » (=éviter le blâme) et de « blame-
shift » (=transférer le blâme).

L ’ internationalisation est souvent assimilé à un vecteur de « déparlementarisation », en raison des


avantages stratégiques dont dispose les gouvernements puisque ce sont eux qui participent
directement aux négociations. Tendanciellement, on assiste à un rééquilibrage du pouvoir au profit
des gouvernements, voire au profit d’un noyau restreint d’acteurs en leur sein.

L’internationalisation produit un déficit démocratique ou plus précisément un déficit du contrôle


démocratique (observation de la littérature scientifique et de l’opinion publique)

Pourquoi l’UE est-elle perçue comme ayant un fort déficit démocratique  ?

- Seul un organe de l’UE est élu directement au niveau européen : le Parlement (choix de
partis sur des questions nationales plutôt qu’européennes). Le parlement européen a moins
de pouvoir que les parlements nationaux et son élection est faite parmi des partis nationaux
en fonction de questions nationales plutôt qu’européennes
- La commission européenne (organe exécutif de l’UE) est perçue comme un organe
technocratique et lointain
- Le conseil des ministres (organe législatif de l’UE -> partage avec le Parlement) : rassemble
les représentants des exécutifs de chaque pays et les décisions sont préparées par les
administrations

Cependant :

- Contrôle démocratique indirect via les gouvernements nationaux


- Prise de poids récente du parlement européen
- En comparaison avec d’autres organisations internationales, la Banque mondiale par
exemple, qui n’ont aucun semblable mécanisme démocratique

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

II. Conclusion
Les trois évolutions (éloignement des votants par rapport aux partis, indépendance des médias à
l’égard des partis et internationalisation) contribuent à affaiblir la confiance que les électeurs, en
démocratie, ont à l’égard des preneurs de décisions et de leurs représentants :

- Les électeurs n’entretiennent plus de liens très durables avec un parti, ils réévaluent les
candidats à chaque élection en fonction de leur compréhension particulière et ponctuelle de
l’offre politique. Cette réévaluation laisse place à la méfiance et au jugement dépréciatif.
- Méfiance à l’égard du contenu de toute information diffusée, y compris celle diffusée par les
élus.
- L’internationalisation, en favorisant le caractère élitiste de la politique, entraîne également
une méfiance.

Volatilité électorale + indépendance des médias + internationalisation = affaiblissement de la


confiance des électeurs

Attention : Pour certains, cette méfiance est un signe de santé démocratique (=vigilance), pour
d’autres elle nuit à la légitimité démocratique.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Auteurs
• Machiavel
Auteur de Le Prince en 1513. On le considère comme le fondateur du mot Etat.

• Carré de Malberg (1861 – 1935)


Il définit le territoire comme la surface de sol sur laquelle la communauté humaine peut s’affirmer comme
maîtresse d’elle-même et indépendante. Parle de la théorie de l’Etat. Définit les 3 composantes comme
nécessaires mais pas suffisantes.

L’unité de l’Etat est expliquée par une soumission collective à un ordre juridique.

• Jean Bodin
Les Six Livres de la République. Définit pour la première fois la théorie de la souveraineté étatique.

- Métaphore du Vaisseau-République : la puissance souveraine est nécessaire pour le bon


fonctionnement de l’Etat.

La notion de souveraineté a trois mots :

1. Puissance
2. Absolue
3. Perpétuelle

Le citoyen-sujet sert la République et l’autorité souveraine lui doit justice et protection.

• Thomas Hobbes
Chez Hobbes, le pouvoir souverain est établi par consentement mutuel. Les sujets transfèrent l’ensemble de
leur droit au souverain, qui en contrepartie assure la sécurité et l’ordre. Le pouvoir est absolu et la source
unique de la loi.

Pour cette anthropologue très pessimiste, l’homme est un être mauvais par nature, seule la contrainte de l’Etat
garantit la paix.

Est pour une concentration des pouvoirs.

• Carl Schmitt
Est pour une concentration des pouvoirs

• Georg Simmel
Fondateur des théories interactionnistes sur l’unité de l’Etat

• Jean-Jacques Rousseau
- Auteur de contrat social (1762)

Chez Rousseau, le peuple se gouverne directement. Le titulaire de la souveraineté, c’est le peuple lui-même. La
souveraineté reste illimitée. Le citoyen est soumis de manière absolue à la volonté générale.

Chaque citoyen est titulaire d’une parcelle de souveraineté.

Défend une conception républicaine de la démocratie, en donnant un maximum de pouvoir au peuple, sans
institution de pouvoir modérateur (cour constitutionnelle).

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Rousseau est le premier philosophe des Lumières à reparler de démocratie directe. Il la définit comme le
gouvernement fondé sur la participation active des citoyens, qui permet au peuple de conserver sa
souveraineté.

• Waldron
Défend une conception républicaine de la démocratie, en donnant un maximum de pouvoir au peuple, sans
institution de pouvoir modérateur (cour constitutionnelle).

• Jürgen Habermas
Jürgen Habermas fonde ses idées sur le principe de discussions, suite aux insatisfactions de deux modèles :

- Libéralisme : néglige la question des inégalités sociales


- Républicanisme : mène à la tyrannie de la majorité

Il est à la base de la théorie de la démocratie délibérative.

• Rosonvallon
Théorise sur la déception démocratique :

- Corruption
- Spectre de l’impuissance
- Décalage temporel
- Trahison représentative

• Michael Walzer
Critique l’universalité des théories de Rawls sur la justice distributive.

Crée une pensée autour des sphères d’activités. Chacunes d’elles ont alors des significations et des critères de
valeurs différentes.

• Armartya Sen
Critique les théories de Rawls sur la justice distributive pour 3 raisons principales :

- Contrat n’est pas un dispositif pertinent dans le monde contemporain


Monde pas fermé les uns aux autres. Quid des générations futures ?
- Caractère idéaliste de la théorie rawlsienne (comparable à argument de Walzer)
- Dimension institutionnelle de la théorie de la justice, à l’inverse de s’intéresser aux comportements
humains

• Jacques Chevallier
Théorise sur l’Etat post-moderne et les normes.

Les libéraux
• Benjamin Constant
- La souveraineté ne doit pas être absolue
- Il y a une partie de l’existence humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante et qui est,
de droit, hors de toute compétence sociale et politique.

Il est à la base des idées de la désobéissance civile.

Il se bat contre le conformisme et pour la diversité, la pluralité, voire la singularité.

Le tribunal de l’opinion publique serait même plus efficace que la séparation des pouvoirs.

Attaché au gouvernement populaire mais tempère la décision de la majorité, notamment avec l’instauration de
cour constitutionnelle.

• Locke
Libéral

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Anthropologue optimiste

Théorise sur la question de la liberté religieuse (Lettre sur la tolérance 1689). L’etat ne peut agir sur les
questions religieuses.

Locke considère que le souverain devient un despote lorsqu’il enfreint les droits naturels.

• John Stuart Mill


Libéral

Anthropologue optimiste

Il se bat contre le conformisme et pour la diversité, la pluralité, voire la singularité.

Combat l’opinion publique, qui permet un conformisme.

Il pense que l’on pourrait pondérer le vote d’un citoyen en fonction de son niveau d’éducation.

Mill pense qu’il faut combiner les deux idées :

- Accountability signifie que les élus ont des comptes à rendre aux électeurs.
- Professionnalisation signifie de faire de la représentation un métier.

• Alexis de Tocqueville
Combat l’opinion publique, qui permet un conformisme.

Pour Tocqueville, les classes moyennes sont garantes de stabilité pour gouverner (niveau d’éducation
suffisant).

• Montesquieu
Libéral

Redoute l’arbitraire. Par des mécanismes de contrepoids, il entend déjouer la tendancee à l’abus de pouvoir.

Il est donc pour une séparation des pouvoirs. Il le théorise dans L’esprit des lois (1748)

• Madison
- fédéraliste

Libéral

Défaillance de la nature humaine au centre de sa vision. Il est donc à l’origine des « checks and balances ».

Pour, lui, le gouvernement représentatif s’impose.

L’élection permet de faire émerger des personnalités bien dotés sur le plan intellectuel, qui ont de bonnes
intentions et des qualités morales (James Madison).

• Hamilton
- fédéraliste

• Jay
- fédéraliste

• Jeremy Bentham
« Tribunal of public opinion ». Il permet de corriger le comportement des élus/de les déloger de leur pouvoir.

Utilitarisme : Une action peut être dite bonne si les conséquences sur le groupe ou la personne concernée sont
bonnes. On met l’accent sur les conséquences.

Si la condition naturelle de l’homme est la sensibilité, ses seuls sentiments éternels sont la recherche
du plaisir et la fuite de la douleur.

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

 Pour Bentham, il n’est pas utile de mettre en place des lois qui ne tiennent pas compte des sensibilités
du contexte.
La politique doit chercher à maximiser les plaisirs. Il faut donc analyser en tout temps les conditions
(temps, lieu, sensibilités, mœurs). Il n’y a pas de normes immuables.
- A fragment on Government 1776

Il introduit le thème de démocratie représentative.

• Jacques Necker
Parle du tribunal de l’opinion public.

John Rawls
Est à la base des théories de justice distributive.

Les libertariens
• Robert Nozick
Anarchie, Etat et Utopie (1974) -> manifeste pour les libertariens.

S’oppose fortement à Rawls en critiquant le principe de justice distributive. Les libertariens considèrent que ce
n’est pas à l’état d’effectuer un choix arbitraire de valeur. La répartition des richesses se fait alors de manière
volontaire selon un critère d’altruisme.

Réactionnaires
• Joseph de Maistre
- Réactionnaire
- S’oppose au libéralisme

Communautariens
• Alasdair MacIntyre
Après la vertu (1981) -> il faut considérer les individus aussi par rapport à leur communauté

• Michael Sandel
Le libéralisme et les limites de la justice (1982)  -> libéraux n’arrivent pas éliminer les injustices

• Amitaï Etzioni (1929) 


The Spirit of Community: Rights, Responsibilities and the Communitarian, 1993 -> projet de refondation sociale
aux USA

• David Beetham
Beetham considère que la typologie de Max Weber est incomplète. Pour Beetham, la simple croyance en la
légitimité ne suffit pas à définir la légitimité.

Pour Beetham, 3 éléments doivent se réunir pour légitimer le pouvoir :

- La légalité
- La justifiabilité normative
Acceptation de la source de l’autorité
- Le consentement express

Ce concept permet de distinguer différents cas de non-légitimité :

- Illégitimité : violation règle ou loi


- Déficit de légitimité : mise en question de la source de l’autorité (Union Européenne)
- Délégitimation : absence de consentement ou suspension du consentement (Décision de Macron)

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

Droit naturel
• Aristote
• St Thomas d’Aquin
• Francisco de Vitoria
• Hugo Grotius
Du droit de Guerre et de Paix (1625)

• Lon Fuller 20ème siècle


En réponse à Hart : Positivism and fidelity to law – A reply to Professor Hart 

Hart – Fuller debat très connu !

• John Finnis 20ème siècle

Positivistes
• John Austin
Trois catégories de règles selon John Austin :

1. Celles qui sont produites par les autorités politiques (positive law)
Règles juridiques
2. Celles qui constituent la loi de Dieu (law of god)
Règles morales
3. Celles qui sont produites par la société, sans l’intervention des autorités (positive morality)
Règles morales

Austin envisage les trois corps de règles comme des ensembles indépendants. Cependant, une règle peut
entrer dans 2 catégories (moral et droit).

• Hans Kelsen 20ème siècle


L’idée du conflit est à la base de la démocratie.

L’unité de l’Etat est expliquée par une soumission collective à un ordre juridique.

Grand défenseur de la cour constitutionnelle. Il considère que comme chaque élément de l’état, le parlement
doit se plier à la constitution, et que la démocratie n’est pas que l’expression de la majorité, mais également la
protection des minorités.

Pour Kelsen, la liberté politique signifie le principe d’autodétermination !

Démocratise la « Stufenbau des Rechstordnung Theorie» dans Theorie pure du droit en 1934.

• Adolf Merkl
Invente l’idée de la « Stufenbau des Rechtsordnung Theorie » en 1927

• Herber Hart 20ème siècle


Positivism and the separation of law and morals

Hart – Fuller debate très connu !

Les élitistes
• Max Weber 1864 – 1920
- L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme 1904
- Le Savant et le politique 1919
- Economie et société 1921

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Théorie de l’Etat Andreina Marin

L’Etat est une puissance de domination opposant gouvernants et gouvernés.

Trois thématiques :

- Nature de la domination
- La question de la rationnalité, les motivations de l’action
- Les intrications entre religion et vie économique

L’idéal – type :

Caricature, tableau de pensée homogène.

- Il est positiviste juridique.

La légitimité est le fait qu’un ordre politique donnée apparaît comme digne d’approbation, ou en tout cas
obligatoire.

Met l’accent sur la nécessité du leadership. La modernité diffère les classes sociales et crée des spécialisations
des activités (cf division du travail).

• Joseph Schumpeter
Selon Schumpeter, le désintérêt de la politique amène nécessairement un déficit de connaissance et de
compétence.

• Giovanni Sartori
Sartori écrit en 1987 que la complexité et le manque de temps génèrent une « crise de la connaissance » chez
les citoyens ordinaires.

• Claus Offe
Claus Offe suggère de pondérer le vote en fonction de la connaissance des enjeux. Il y aurait à chaque fois un
questionnaire au moment du vote.

• Gerd Grözinger
Au local de vote, l'électeur devrait répondre à dix questions générées de manière aléatoire - non prévisibles et
différentes pour chaque électeur - par l'ordinateur.

Selon le nombre de réponses justes, la « notation » suivrait une échelle décimale allant de 0 à 1, et cette
notation servirait de base à la pondération des voix : seuls les électeurs qui auraient fourni des réponses justes
à toutes les questions disposeraient d'une voix pleine.

Les participationnistes
• Benjamin Barber
La représentation entraîne une délégation et ne permet plus l’expression de la volonté populaire (Benjamin
Barber).

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