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Chapitre III - Comment être libre dans le vivre-ensemble ?

On appelle liberté civile, la liberté d’un Homme dans le cadre d’une société encadrée par des lois.

I - La politique, l’Etat sont-ils les garants du vivre-ensemble ?

1) Qu’est ce que l’Etat ?

La politique est une théorie qui étudie l’organisation de la cité, et par extension de la société. Le politique est
celui qui a en charge la mise à exécution de la politique. L’Etat est une puissance souveraine qui domine la
société. C’est une création artificielle et humaine qui a pour mission de mettre en forme le rapport social en
faisant coïncider 3 choses : une population sur un territoire avec un ensemble de lois communes. Le rapport
social est défini dans un texte qu’on appelle dans une constitution. Le rôle de la constitution est de maintenir
une stabilité sociale, économique et politique. L’Etat regroupe trois pouvoirs : l’exécutif (action de l’état qui
fait appliquer la loi), le législatif (qui vote les lois) et le judiciaire (qui contrôle l’application des lois et qui
sanctionne les transgressions). L’Etat, la nation et la patrie ont des sens voisins. L’Etat est avant tout une
communauté juridique. La nation est plus une communauté naturelle qui résulte de l’Histoire. La patrie est le
nom sentimentale que l’on donne à une nation. L’Etat moderne est séparée de la société et il a deux
caractéristiques. Il est permanent : quelque soit celui à sa tête, il ne change pas. Il est transcendant : il est
considéré comme un ordre supérieur à la société. Face à l’Etat, il y a la société civile (les associations, les
syndicats …) : tout ceux qui jouent un rôle intermédiaire entre le peuple et l’Etat.

2) Quel est le rôle de l’Etat ?

La représentation que l’on se fait d’un Etat moderne provient en grande partie du 17ème/18ème siècle et de
ce que l’on a appelé « l’école du droit naturel ». Cette école était composé de philosophes, de juristes,
d’avocats, … qui ont réfléchi à la légitimité de l’Etat. Pour tous ces penseurs, un Etat ne peut être légitime
qu’à partir du moment où il respecte la nature humaine, des droits fondamentaux que possède l’humain. Pour
connaitre cette nature humaine, il faut s’interroger sur ce qu’aurait pu être la situation de l’Homme avant
l’apparition de la société, ce qu’on appelle « l’état de nature ». Puis il va falloir s’interroger sur les raisons
pour lesquelles les Hommes ont fui cet état de nature pour fonder les premières sociétés. Dans le domaine de
la philosophie politique, il existe deux grandes tendances concernant le rôle à donner à l’Etat :
- Le rôle premier de l’Etat doit être de maintenir la paix et la sécurité entre les membres de la société. On
appelle cette tendance le réalisme politique. On l’associe à Hobbes et à son ouvrage « Le Léviathan » et
Machiavel et son « Prince ».
- L’Etat doit assurer une égalité juridique et une liberté aux citoyens. On appelle cette tendance
l’idéalisme politique. On associe cette tendance à Rousseau et son ouvrage le « Contrat social ».

a) Le réalisme politique : maintenir la paix et la sécurité, Thomas Hobbes, « Le léviathan »

État de nature État civil


Selon Hobbes, les Hommes sont tous égaux par nature. Le but de l’Etat est de faire régner la paix et la sécurité.
C’est à dire que tous les Hommes avaient également des
qualités physiques et des qualités de l’esprit. De cette
égalité a découlé une querelle entre les Hommes. A cause
de cette égalité est née une certaine rivalité entre les
Hommes. C’est à dire que tous les Hommes également
ont cherché à se conserver en utilisant tous les moyens
possibles.
A cause de cette rivalité, les Hommes se sont méfier les Selon Hobbes, c’est la force qui est au fondement du droit
uns des autres car on cherchait à s’approprier à protéger puisqu’elle a pour rôle de maintenir la paix.
ses biens et sa personne. La méfiance permet d’anticiper
la violence.

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Les Hommes se sont alors mesurés, comparés les uns aux Les moyens utilisés par l’Etat sont le recours à la force
autres et chacun a voulu être reconnu de l’autre comme quand il le faut.
étant le plus fort. Et mieux vaut inspirer la crainte pour se
faire respecter. C’est l’apparition de la fierté.

En conséquence, Hobbes reprend l’expression de Plaute : On confie le pouvoir à un Homme, à une assemblée
« Homo Homini Lupus ». C’est à dire que l’état de nature d’Hommes par la règle de la majorité. Le souverain a
est devenu un état de guerre entre tous contre tous. D’où donc le monopole de la force.
une insécurité permanente.
Deux raisons vont pousser les Hommes à quitter cet état On pourrait croire qu’Hobbes fait l’apologie de
de nature qui devenait invivable : la peur de la mort l’absolutisme, d’un pouvoir sans contrôle. Le souverain
violente, le fait que l’on soit doué de raison. gouverne avec les lois et les lois ne visent que l’intérêt
public. Si le souverain faillit dans sa mission, alors le
peuple a le droit de se soulever contre lui ou de lui
résister.

I___>___I
Contrat
Les Hommes ont alors passé un contrat. Ils ont remis leur liberté naturelle entre les mains d’un souverain (il
peut être un Homme ou une assemblée d’Hommes). En retour, le souverain leur garantit une vie en paix et en
sécurité.
Hobbes a été longuement critiqué notamment par Spinoza. Pour Spinoza, l’Etat hobbésien ne fait qu’inspirer
la crainte au peuple. L’Etat tient les individus par la crainte et par la soumission. Selon Spinoza, la crainte va
fragiliser au bout d’un temps le pouvoir politique car s’il y a bien une chose que les Hommes ne peuvent pas
supporter, c’est d’être privés de liberté. Le mieux est que l’Etat libère les individus de la crainte, ne réduise
pas les Hommes à l’état de bête et de développe en eux la raison, la réflexion, afin de les rendre
responsables.

Texte : « Le loup et l’agneau », La Fontaine

Le loup a besoin de raisons pour manger l’agneau car ceux qui appliquent le droit du plus fort ne le
revendiquent jamais car ce serait perçu comme une injustice aux yeux du peuple. Le loup est injuste et il
invente pour masquer son injustice toute une série de raisons mais la seule raison qu’il ne peut donner est
celle du plus fort. Si le loup s’abaisse à répondre à l’agneau c’est pour que sa cruauté soit justifiée. La
véritable injustice du loup est de chercher à être approuvé. Il cherche à apporter la preuve incontestable de sa
légitimité à dévorer l’agneau. Ce n’est qu’une parodie de procès car le loup est à la fois juge et partie
prenante. Il n’y a aucun arbitrage extérieur.
Au 18ème siècle, Rousseau a critiqué Hobbes en montrant l’incohérence de l’expression « droit du plus
fort ». Pour Rousseau, cette expression a été inventée par un puissant pour justifier qu’ils aient souvent pris
abusivement le pouvoir. Dans cette expression, il y a deux mots contradictoires : le droit et la force. La force
est une puissance physique. Quand on cède à la force c’est qu’on ne peut pas faire autrement. Céder à la
force est donc une contrainte. Un pouvoir politique qui s’impose par la force ne peut réclamer aucun devoir
d’obéissance du peuple car la force va soumettre le peuple et le peuple n’a pas le choix de se soumettre ou
pas. Lorsqu’il est question de droit, l’Homme a toujours le choix. Le droit repose sur une obligation. Au
cours de l’Histoire, c’est souvent par la force que de nombreux pouvoirs politiques se sont imposés : un chef
d’état va s’emparer du pouvoir par la force ou par les armes, avec un coup d’état par exemple. Ce pouvoir
qui s’impose par la force n’est jamais pérenne. Selon Rousseau, si dans une société on s’empare du pouvoir
par la force, alors règne la loi du plus fort. En conséquence, tout le monde est en droit de s’emparer du
pouvoir par la force. Pour se faire respecter, le plus fort doit rapidement changer les règles de droit. Ainsi, lui
désobéir deviendra illégal et sera puni par la justice. Si le droit change en fonction de celui qui exerce le
pouvoir par la force, alors le droit devient instable, changeant, précaire. Le rôle du droit au sein d’une société
est de maintenir une stabilité politique, économique, sociale. Si le droit est changeant, alors on aboutit à une
instabilité. Selon Rousseau, vouloir à tout prix maintenir la paix et la sécurité par la force est contre-
productif.

b) L’idéalisme politique : assurer une égalité juridique et la liberté, Rousseau, « Contrat Social »

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Au 18ème siècle, Rousseau dans son « Contrat social » a imaginé un type de société où règnerait une égalité
et une liberté entre les membres de la société. Pour lui, dans la société du 18ème siècle , « l’Homme nait
libre, partout il est dans les fers ». Il veut éviter que la société soit une jungle dans laquelle les plus forts
dominent les plus faibles.

État de nature État civil


A l’état de nature, l’Homme est un animal heureux. Il vit L’État doit réguler l’écart des richesses. Il fait en sorte
seul, mais il est heureux. C’est le mythe du bon sauvage. qu’un riche n’achète pas un pauvre et qu’un pauvre n’ait
Trois principes animent le bon sauvage : pas à se vendre à un riche. L’État régule aussi l’exercice
- L’amour de soi = le bon sauvage cherche à se du pouvoir en faisant en sorte que le pouvoir politique
conserver s’exerce dans les limites de la loi. Le but de l’État est
- Pitié = le bon sauvage nait bon, lorsqu’il rencontre un d’assurer l’égalité juridique et la liberté civile.
de ses semblables en difficulté, il lui tend - L’égalité juridique est une égalité quantitative : on
spontanément la main n’est pas en tout point pareils mais on est pareils sur
- Perfectibilité = le bon sauvage va s’adapter aux certaines caractéristiques. L’égalité juridique signifie
changements de son environnement pour survivre qu’on est pareils en terme de droits et de devoirs. Il
existe des inégalités naturelles entre les Hommes. Il
existe aussi des inégalités sociales. L’égalité en droit
n’est pas là pour gommer nos différences ni pour nous
uniformiser. Au contraire, elle nous permet d’exprimer
nos différences. L’égalité n’est pas de l’égalitarisme.
- La liberté civile = pour Rousseau, la valeur suprême
n’est pas la sécurité mais la liberté. L’État doit prendre
la forme d’une république et le peuple devient
souverain. Chaque individu se donne à la collectivité.
Or quand on se donne à tout le monde, on ne se donne
à personne en particulier. Grâce au contrat social, les
Hommes deviennent des associés, on prend donc le
nom de peuple. On est citoyen car on participe à
l’autorité souveraine. On est en même temps des sujets
puisque nous nous soumettons à la loi. La loi pour
Rousseau émane de la volonté générale. Il faut
distinguer l’indépendance de la vraie liberté. Un être
indépendant est un être qui fait ce qui lui plait. Or,
quand on est en société, si on fait ce qui nous plait, on
fait parfois ce qui déplait aux autres. L’indépendant
n’obéit pas à la loi juridique, il n’obéit qu’à sa propre
loi, qui ne sert que ses intérêts personnels. Si nous
vivions dans un monde constitué dans un monde fait
d’indépendants, nous aurions une somme d’individus
qui empièteraient sur la liberté des autres. La liberté
authentique ne peut se faire que dans le cadre d’un état.
La loi incarne la volonté de tout le monde d’où les
citoyens élisent des représentants qui sont en charge de
faire les lois. Comme indirectement le peuple est
l’auteur des lois, en obéissant aux lois, on obéit en
réalité à nous-même. Rousseau rajoute qu’il faudrait
être un peuple de fous pour faire des lois contraires à
nos libertés. Le seul danger qui pèse dans cette
république c’est que les dirigeants abusent du pouvoir.
D’où, comment éviter l’abus de pouvoir ?

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Trois faits historiques hasardeux vont dénaturer le bon
sauvage :
- Hasard climatique = il va pousser les Hommes à s’unir,
d’où la création des premières sociétés. De l’amour de
soi nait alors l’amour propre qui pousse à cultiver les
apparences et à être en rivalité.
- Un jour, un Homme s’est levé et a dit : « ceci est à
moi ». C’est l’apparition de la propriété privée. Les
propriétaires vont chercher à protéger leurs biens, ce
qui va créer de la rivalité.
- Les propriétaires vont alors inventer de faux droits
destinés à désavantager les pauvres pour s’enrichir
eux-même. Règne alors dans l’état de nature les pires
inégalités entre les Hommes.

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Contrat
Les Hommes ont alors passé un contrat entre eux pour quitter l’état de nature. Les Hommes ont renoncé à
leur liberté naturelle et ils y ont renoncé non au profit d’un souverain mais au profit de la communauté. En
retour, la communauté nous a élevé au rang de citoyens et nous a garanti une égalité.

3) Qui doit être à la tête de l’État ?

—> Voulons nous une élite des talents ?

- Oui : Platon
Platon, dans son ouvrage « La République », prône le gouvernement des meilleurs (l’aristocratie). Et il
considère que le meilleur est le philosophe. C’est ce qu’on appelle la théorie du philosophe roi. Pour Platon,
la société est composée de trois castes. Chaque caste correspond à une partie de notre âme. Il y a des
Hommes qui sont gouvernés par leur sensibilité, ces personnes doivent faire partis des artisans, des
commerçants, du peuple, c’est à dire de ceux qui ont besoin d’une personne pour les diriger. Il y a des
Hommes qui sont particulièrement courageux. Ils doivent donc occuper les postes à la défense. Il y a enfin
des Hommes qui sont particulièrement réfléchis. Ils sont sous la gouvernance de leur raison, ce sont les
philosophes. Le philosophe est celui qui doit être l’élu. C’est lui qui doit recevoir une formation intellectuelle
et il va être au dessus de leurs propres intérêts. Il sait se gouverner lui-même donc il saura gouverner les
autres. Le philosophe est celui qui possède toutes les compétences nécessaires pour diriger.

- Non : Proudhon
Les mouvements anarchistes sont apparus au 19ème siècle. Proudhon est un de ces théoriciens. Son constat
est que le progrès ne profite qu’à un petit nombre de privilégiés. Règnent dans la société des inégalités qui
n’ont rien de naturel mais ont des causes sociales. On peut donc essayer d’y remédier. Pour établir une
société égalitaire, les Hommes doivent s’entraider sans que ni roi ni patron ne prennent le dessus sur eux. La
devise de l’anarchisme est : « ni dieu, ni maitre », c’est donc le refus absolu de toute forme de tutelle
(disparition de l’état, disparition des classes sociales, disparition de l’inégalité des fortunes, abolition de la
propriété privée : théorie mutualiste). L’anarchisme n’est pas du désordre social, il s’agit d’un nouvel ordre
social qui repose sur une entraide mutuelle de chacun.

—> Voulons-nous une élite politique ?

- Oui : Montesquieu (18ème, l’esprit des lois)


Montesquieu a voyagé à travers l’Europe et il a observé la diversité des législations. Selon lui, une loi
garantit la liberté politique si elle est juste, c’est à dire si elle s’applique à tout le monde de la même façon. Il
craint le despotisme, c’est pourquoi il va théoriser la séparation des pouvoirs en faisant en sorte que les

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pouvoirs de l’état ne soit pas concentrés en une seule personne, d’où la répartition équilibrée entre l’exécutif,
le législatif, le judiciaire : « le pouvoir doit arrêter le pouvoir ». Qui doit faire les lois ? Selon lui, ce n’est pas
le peuple qui doit faire les lois car il a la vue courte et il est incompétent (« la populace »). Il n’est pas
partisan de la démocratie, pour lui seule une élite politique peut et doit faire les lois, il est pour une
monarchie parlementaire.

—> Voulons-nous une élite de l’argent ?

- Oui : François Guizo


Certains prétendent que seuls ceux qui paient des impôts devraient être en droit d’être élus ou électeurs. On
appelle cela le suffrage censitaire. L’élite politique va être alors composée de ceux qui ont de l’influence, de
l’argent, et qui seront probablement incorruptibles.

- Non : Aristote
Le problème de l’oligarchie selon Aristote, est que les riches recherchent en permanence des profits (la
chrématistique), et cherchent toujours à accroitre leur richesse. Il disait que donner le pouvoir aux riches
créeraient une situation sociale explosive. Pour Aristote, il faut que tout le monde se sente concerné par la
politique. A certains, il faut donner des postes qui correspondent à leurs capacités naturelles. Par exemple, on
donne le poste de gardien aux plus vertueux. Les citoyens doivent être impliqués, ils peuvent parfois être
gouvernant et parfois gouverné. Une des formes de liberté et d’alterner entre la position de gouverné et la
position de gouvernant. Il disait que les riches ne savent pas obéir, car ils feront toujours tout pour figer les
positions qu’ils ont acquis. Aristote voulait décontaminer la politique du virus de l’argent. La question de
l’abus du pouvoir est complexe et irrésolue. Kant, au 18ème disait que tout homme a besoin d’un maitre, et
que tout maitre avait aussi besoin d’un maitre pour le contrôler.

4) La morale doit-elle être évacuée de l’action politique ?

Machiavel (16ème siècle, réalisme politique) est connu pour avoir écrit Le prince. L’idée de Machiavel est
comment atteindre le pouvoir et comment le conserver ? A priori, les propos de Machiavel concernant
l’action politique, semblent étrangers à la morale. Un prince ne doit pas hésiter à recourir à la malhonnêteté,
à la ruse, à la fourberie, à la tromperie, pas pour servir son intérêt, mais pour faire régner l’ordre public.
Quand il le peut, le prince doit être moral, loyal et droit, mais lorsqu’il le faut, il ne doit pas hésiter à recourir
à des moyens immoraux. Il « doit savoir tourner selon les vents de la fortune », il doit savoir s’adapter. Un
prince doit savoir user de la force du lion et la ruse du renard, mais il doit toujours conserver face au peuple
une apparence de moralité, de droiture, d’honnêteté car à le peuple a la vue courte et il ne perçoit que les
apparences (le peuple est composé d’hommes « bêtes et méchants »). Il faut que le prince sache
« manoeuvrer la cervelle des gens ». Un prince qui serait toujours moral, droit et honnête conduirait son état
à sa perte car le monde n’est pas moral. Machiavel a donné son nom a l’attitude machiavélique. On entend
par là, celui pour qui tous les moyens sont bons pour atteindre le but qu’il s’est fixé : « la fin justifie les
moyens ». Machiavel n’est pas machiavélique car une personne machiavélique ne révèle jamais les moyens
qu’elle a utilisé. Au contraire, il révèle à tout le monde les méthodes pour être efficace sur le plan politique.
Il est donc cynique, c’est à dire qu’il dit tout haut ce que tout le monde sait tout bas.

5) Est-ce à l’État de faire notre bonheur ?

L’utopie est un genre littéraire qui est apparu au 16ème siècle avec Thomas More. Une utopie se présente
comme le meilleur monde possible : une société heureuse, parfaitement gouvernée où règnent l’égalité et le
partage des richesses. L’utopie est en réalité une critique des sociétés réelles et un appel à des réformes au
sein de la société réelle. La fiction de l’utopie se met donc au service de la société. Mais le meilleur des
mondes n’est-il pas en réalité le pire des mondes possibles ? Un utopiste prétend connaitre ce qui va faire le
bonheur des Hommes. Il considère donc sa vision comme irréfutable. Le problème est que si un homme ou
un groupe d’hommes ne correspond pas à ce modèle parfait, alors on remet en question les Hommes eux-
mêmes et non le modèle. Tous les utopistes sont donc dangereux puisqu’ils ne veulent pas se remettre en
question. Les dystopies sont des textes qui mettent en garde contre le rêve utopique. Par exemple, 1984,

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Orwell. La dystopie nous montre des sociétés tellement organisées qu’elles tournent au cauchemar car les
habitants de ces sociétés sont sous contrôle permanent.

Texte : Tocqueville, « L’Etat doit-il s’occuper de notre bonheur ? »

Tocqueville dès le 19ème siècle, montrait les dangers qui pouvaient peser sur les démocraties. Dans les
démocraties, les citoyens estiment que l’égalité, la liberté sont acquis de manière définitive. Ils oublient
qu’ils doivent les protéger, et éventuellement les étendre. Ils sont repliés sur eux-même, sur la sphère privée,
ils ne cherchent, en bon hédoniste, qu’à se faire plaisir. Ils se détournent progressivement de la sphère
publique et politique. L’État démocratique devient alors tutélaire, il devient un État providence qui prend en
charge tous les petits tracas de la vie. Cet État démocratique devient despotique dans le sens où il est
paternaliste. Sauf qu’à la différence d’un père qui cherche à rendre ses enfants autonomes, lui cherche les
infantiliser. Cet État despotique et démocratique cherche à faire notre bonheur à notre place, comme si nous
n’étions pas capables d’en décider par nous-même. Ce texte rejoint celui de Kant, « la liberté fait-elle peur ?
».

Le rôle de l’Etat n’est pas de s’occuper de notre bonheur mais de nous rendre les moins malheureux possible
ensemble. Son rôle est de nous éviter un malheur collectif. On ne peut pas être heureux dans un état en
guerre, où l’on est privés de libertés et de droit. Il est donc là pour nous offrir des conditions sociales,
économiques et politiques qui nous permettent de rechercher notre bonheur. Mais le bonheur fait parti de la
sphère privé, même s’il a une dimension politique.

II - Comment faire appliquer la loi ?

Introduction

Les sociétés n’ont plus recours à la force mais au droit pour garantir l’ordre social. Les lois juridiques
constituent le droit positif (le droit qui est posé), l’ensemble des lois existantes, écrites, codifiées. Les lois
juridiques sont des prescriptions contraignantes. La Justice est l’institution qui est chargée de faire appliquer
les lois. L’Etat a le droit d’avoir recours à la force pour veiller au respect des lois. On appelle cela le droit
coercitif. La justice est quant à elle un idéal que cherchent à incarner les lois juridiques, qui doit veiller au
respect de l’équité entre les individus. Etre juste pour un individu, c’est être un bon citoyen (sphère
publique), c’est à dire veiller au respect des lois juridiques, c’est également être un honnête homme (sphère
privée), c’est à dire veiller au respect des lois de sa conscience, faire ce qui nous semble légitime.

1) Quelle est l’origine de la justice ?

Texte : Platon, « la République »

Le mythe de l’anneau de Gyges : d’après ce mythe, on ne pratique la justice que sous l’effet de la contrainte
et parce que nous avons peur du châtiment qu’accompagnent les sanctions. Glaucon imagine un personnage
placé dans un état de totale impunité. Selon Glaucon, aucun Homme, aussi honnête soit-il, ne saurait résister
à la tentation de commettre des injustices, surtout si l’on ne prend pas le risque d’être puni. C’est une preuve,
selon Glaucon, que personne ne respecte les lois par amour de la justice, mais juste par crainte parce qu’on
est dans l’impossibilité de commettre des injustices en toute impunité. L’argumentation de Glaucon repose
sur une situation imaginaire, mais elle semble réaliste concernant la condition humaine, à savoir que la
principale motivation de l’Homme est de servir ses intérêts personnels et égoïstes. La position de Glaucon est
contraire à celle de Platon. Contexte historique : Platon vit au 4ème siècle avant JC. Athènes perd contre
Sparte. Platon est humilié, c’est le début d’une crise économique, du triomphe de Sparte, de la déroute
d’Athènes, et d’une blessure morale profonde pour les Grecs. Platon a toujours été convaincu que la défaite
d’Athènes était due au système démocratique car pour lui, le peuple, les citoyens athéniens sont manipulés
par les sophistes. C’est donc l’opinion qui gouverne et non la vérité. La solution proposée par Platon est de
placer la cité entre les mains d’une petite minorité, pas les plus riches, pas les plus courageux, mais les
philosophes. La cité est donc gouvernée par des gens qui sont rationnels et qui ne se soucient pas de leurs
propres intérêts. Pour qu’une cité soit juste, il faut que chacun reste à sa place, occupe une place en harmonie
avec ses prédispositions naturelles. D’où une cité juste est une cité où la sensibilité du peuple et le courage
des gardiens sont controlés par l’intellect du philosophe. On pourrait accuser Platon d’un mépris
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aristocratique car chez lui, la notion de caste n’a rien à voir avec des classes sociales. Elle est fondée sur nos
prédispositions naturelles.

2) Est-il juste de se venger ?

Est juste de se venger Est injuste de se venger


La justice semble parfois trop laxiste Aucune réparation n’est obtenue par la vengeance
Satisfaction personnelle, catharsis Se rabaisser au niveau de l’autre —> culpabilité
Loi du talion : oeil pour oeil dent pour dent L’ignorance est le meilleur des mépris
Relatif à la situation (vengeance collective peut être Cercle vicieux : la vengeance appelle la vengeance
justifiée)
Se venger permet de laver l’honneur Autant la vengeance est subjective, autant la justice tend à
l’objectivité car on écoute à la fois la défense et
l’accusation alors que dans la vengeance on n’est à
l’écoute que de sa haine
La justice punie en appliquant les lois. Le but étant de
rétablir l’ordre public. La vengeance, elle, engendre le
désordre

3) La loi est-elle juste ?

Au 16ème siècle, Montaigne, dans ses Essais montrait que la loi est nécessairement injuste car ce qui est
légal ici ne l’est peut-être pas ailleurs. Le scandale du droit est qu’il se montre très exigeant et fait comme si
la sanction était universelle alors qu’en réalité il n’en est rien. Il n’existe pas de justice universelle. La loi
peut aussi être injuste à partir du moment où elle n’est pas également avantageuse à tout le monde. Que faire
si une loi nous paraît injuste ? Antigone a été confrontée à ce dilemme. D’où le concept de désobéissance
civile (Thoreau). Pour qu’il y ait désobéissance civile, il faut que l’action menée soit non-violente. Le but
visé par l’action de désobéissance doit être collectif. Il faut aussi que l’action soit publique, sue et connue de
tout le monde. Il faut également accepter de se soumettre à la loi et à la justice.

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