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I) La réflexion politique aristotélicienne.

a) La communauté politique ( koinonia politike).

Aristote ne se demande jamais s'il existe une liberté pré-sociale que viendrait limiter le droit social. Dans sa
réflexion politique, il nous fait comprendre que le seul espace où l'homme peut réaliser sa liberté, c'est la
communauté politique. Cette communauté s'appelle, dans la Grèce Antique, Cité ( en grec polis), que l'on ne
peut pas exactement traduire par État démocratique même si l'idée est presque la même.

La cité, ou communauté politique, la koinonia politike, désigne une société de citoyens libres et égaux,
autrement appelée communauté des égaux. Elle s'organise en vue du bien et du bonheur commun qui est sa
finalité propre.

En effet, grâce ses lois valables pour tous les hommes libres, elle rend possible une coexistence des liberté
qui sont toutes parfaitement proportionnelles. Par conséquent, la vie sensée et raisonnable n'est possible que
dans une communauté politique. Hors d'elle, l'homme est comme une bête insensée, c'est-à-dire que, sans
communauté, il n'est pas libre, il reste un animal violent, guerrier et isolé et n'accède jamais à la condition
humaine.

b) L'animal politique ( zôon politikon).

Dans les Politiques, Aristote essentialise le rapport que l'homme entretient avec la politique. En effet, pour le
philosophe, l'homme est « animal politique » ( zôon politikon). La nature a mis dans l'homme un naturel
social. Aristote rajoute que « seul parmi les animaux l'homme est doué de parole ». En effet, la nature a
également mis dans l'homme le langage ( en grec, logos, discours articulé), c'est-à-dire une capacité à
verbaliser et à formuler des concepts, par exemple celui de bien et de mal, de juste et d'injuste. Cette
capacité naturelle à verbaliser lui sera nécessaire pour réaliser son essence d'animal politique.

En effet, c'est grâce à sa faculté de parole que l'homme est capable d'exprimer ce qui est juste ou injuste.
Cette capacité est à l'origine de l'élaboration des lois dans une communauté démocratique. La notion de juste
et le droit qui en découle, créent ainsi de l'ordre dans le vie en commun. Le droit et la communauté politique
forment une unité. C'est donc la nature politique et rationnelle de l'homme qui fonde l'apparition de la
communauté politique démocratique. Celle-ci est un phénomène entièrement naturel. Le rapport qui se joue
entre gouvernant et citoyen gouverné découle d'un ordre harmonieux venant de la nature dont il ne s'agit pas
ici de douter.

c) Le droit naturel antique.

La communauté politique est naturelle et désigne le seul espace où l'homme peut réaliser sa nature. Par
conséquent, le droit naturel de l'homme, celui qui va lui permettre de réaliser son essence, est un droit
civique. Parmi ses droits civiques : jouir de toutes formes de liberté, participer à l'élaboration des lois et d'une
manière plus générale à la vie politique.

Pour Aristote, les droits civiques sont donc des droits naturels. En effet, user de ses droits civiques revient en
utilisant la parole que nous a donnée la nature, à débattre, distinguer le juste et l'injuste, le bien du mal et
élaborer des lois en fonction.

Pour conclure, la cité démocratique est le milieu naturel dans lequel l'homme accomplit son essence. La
nature sociale, politique de l'homme a pour soubassement une puissance universelle qui détermine les
homme à vivre en Cité, qui est la forme accomplie de la communauté. Il n'y a que dans une communauté
politique que l'homme peut atteindre sa disposition à agir, à parler librement en vue des décisions communes,
de l'intérêt général. Par conséquent, il n'y a pas à légitimer la contrainte civile puisque la loi étant la
continuité de la nature de l'homme est acceptée naturellement par lui qui par elle réalise sa nature humaine.
Ainsi, la vie bonne et ordonnée qui est visée dans la communauté politique justifie le pouvoir. Se soumettre à
la loi devient un acte naturel qui ne nécessite aucune raison d'être légitimé. Appartenir à une communauté
politique et jouir de droit civique permet de réaliser la nature de l'homme, il n'y a donc pas réfléchir sur la
légitimité qu'a un sujet politique à se contraindre à la force des lois.
Conclusion.

La cité démocratique, en actualisant la liberté des citoyens, réalise en acte l'essence sociale de l'homme.
Donc appartenir à une cité démocratique, n'est pas contraire à la liberté individuelle. Au contraire la vie
civique et son système de loi contraignante réalise naturellement l'essence de l'homme.

Transition :

Or, là où la pensée classique d'Aristote perçoit dans la cité démocratique la réalisation du droit naturel et de
la liberté de l'homme, la philosophie moderne fait une distinction entre :

l'état de nature ( pré-social) dans lequel l'homme jouit de la totalité de sa liberté et de son droit naturel

et l'état social où sa liberté est limitée par des lois et des devoirs sociaux.

La modernité questionne ce passage de la liberté naturelle à sa délimitation. Les philosophes tentent de


légitimer ce consentement de l'homme à limiter son droit naturel. Cette légitimation est nécessaire afin
d'éviter que ce consentement ne soit pas en fait une soumission non consentie. Si tel était le cas, l’État ne
serait plus un espace où coexistent des libertés, mais un cadre de contrainte et de soumission.

II) La réflexion politique de Thomas Hobbes.

1) le droit naturel moderne.

Thomas Hobbes ( 1632-1677) est un philosophe anglais, théoricien du droit naturel moderne. Dans deux
ouvrages Le Léviathan et du Citoyen, il défend l'idée que ce qui définit le droit naturel d'une chose c'est tout
ce qu'elle peut faire pour survivre. Autrement dit, le droit de nature d'une chose, c'est sa puissance corporelle,
c'est tout ce que peut la chose. Il s'énonce en une phrase « tout ce que vous pouvez est permis ». Donc
théoriquement, le droit naturel et l'état de nature précède l'état social et le droit social. L'état naturel qui
correspond au droit naturel est un état pré-social sans devoir civique.

Or, appartenir à un État, c'est sortir de l'état de nature et entrer dans l'état social. C'est donc perdre sa liberté
naturelle. En effet, dans l'état social, il y a des interdits, c'est-à-dire des choses que nous pouvons faire, mais
qui sont défendues. Comme par exemple tuer, agresser, voler, insulter. Ces interdits signifient que ce n'est
pas du droit naturel, mais du droit social.

Dès lors des nouvelles questions se posent, des questions que ne pouvez pas se poser Aristote : pourquoi un
homme libre doit accepter de voir sa liberté limitée par le droit social ? Autrement dit, quels intérêts a
l'homme de devenir social ? Est-ce si intéressant la socialisation ?

2) L'état de nature.

Hobbes nous fait comprendre que l'homme a tout intérêt à limiter son droit naturel pour devenir un être
social. Pour cela, il s'appuie sur un présupposé concernant l'hypothétique état de nature de l'homme, c'est-à-
dire l'état des relations interhumaines en l'absence d'institutions politiques. Hobbes défend la thèse que cet
état serait logiquement un état de guerre. Il reprend à son compte l'aphorisme de Plaute « l'homme est un
loup pour l'homme ». L'anthropologie pessimiste de Hobbes considère que l'homme au naturel cherche son
profit et entretient avec les autres un rapport de forces ou de puissances. Ainsi dans cet état sans loi ni ordre,
tant que tous conservent leur puissance d'agir, chacun est menacé de périr, donc finalement personne ne jouit
de sa liberté, si ce n'est un court temps. De cette situation critique, l'homme a tout intérêt à rechercher la
société et à se soumettre au pouvoir souverain de l’État. Hobbes écrit « La crainte de subir des violences
dispose un homme à anticiper et à chercher le secours de la société, car il n'y a pas d'autre façon par laquelle
un homme peut mettre en sûreté sa vie et sa liberté". L’État, ainsi que son système de lois, répartissant le
juste et l'injuste, le bien et la mal, l'homme en a vitalement besoin. En effet, « il n'y a pas de fautes avant la
loi » écrit Saint Paul. L'homme a donc besoin de la loi pour inventer le bien et le mal, le juste et l'injuste.
Donc, contrairement à Aristote, la société est une construction artificielle qui naît d'un calcul rationnel qui
consiste à se demander : qu'est-ce que je gagne à perdre ma liberté et mon droit naturel ? Hobbes nous fait
comprendre l'homme a intérêt d'accepter de limiter sa liberté naturelle, de transférer toute sa puissance
naturel à un souverain, car il gagne ainsi la sécurité et le confort. Par conséquent, ce qui fonde la société ce
n'est plus du tout une fibre naturelle comme chez Aristote, mais une passion qui est celle de la crainte
mutuelle que les hommes éprouvent les uns pour les autres.

3) Le contrat social.

Si tout pouvoir légitime doit être librement consenti, il doit découler comme d'un contrat. Hobbes développe
la théorie du contractualisme, autrement appelé contrat social. Accepter de limiter sa liberté naturelle en
appartenant à un État doit revenir à passer comme un contrat social. Ce contrat est un pacte par lequel chaque
individu accepte de transférer sa puissance naturelle à la société, c'est-à-dire de refuser son droit naturel de
disposer de toutes choses, à condition que tout le monde en fasse autant.

Par exemple : un sujet politique accepte de transférer à l’État souverain son droit naturel à la violence à
condition qu'autrui en face autant. Si autrui ne respecte pas le contrat social, le pouvoir exécutif vient le
contraindre à le respecter. Ainsi en acceptant le contrat social, chacun délègue son droit de violence ou de
faire justice soi-même au pouvoir exécutif et judiciaire.

4) L’État de Hobbes.

L’État de Hobbes est un espace d’auto-limitation réciproque des libertés. Si un sujet politique abuse de sa
liberté, il est légal d'exercer sur lui « un droit de contrainte » qui revient à le contraindre par tous les moyens
à limiter sa liberté. Les sujets politiques délèguent leur puissance de contraindre à l’État qui se charge
d'assurer « le droit de contrainte ». Pour cela l’État détient « le monopole de la violence physique légitime »
écrit Weber. C'est un tier qui possède une puissance supérieure à celle de chacun.

Hobbes théorie l'absolutisme qui consiste à abandonner à l’État toute sa liberté et sa puissance naturelle pour
recevoir en échange la sécurité. Les structures du pouvoir étatiques servent à faire respecter le contrat social
et s'assurer que tout le monde le respecte donc et à maintenir par la force l'unité et la sécurité de l'association
civile. L' État doit inspirer la crainte, Hobbes le compare à un Léviathan. Le Léviathan est un monstre du
chaos primitif que l'on retrouve dans le livre de Job.
L’État est un monstre terrible qui décourage le crime. Il est un personnage artificiel, né de la fusion de toutes
les volontés particulières qui viennent chercher en lui la sécurité. Voyez ci-dessous l'illustration de la
couverture du livre le Léviathan de Hobbes. Il y est présenté l’État comme un géant macrocéphale tenant
dans une main l'épée du pouvoir civil et dans l'autre la crosse du pouvoir spirituel. Si vous regardez bien, ce
géant est un agglomérat de petits hommes représentant tous les sujets politiques qui ont accepté le contrat
social donc de transférer toute leur puissance naturelle à l’État souverain.

Conclusion :

Le contrat social passé avec l’État est un contrat d'aliénation ou d'abdication totale par lequel chacun
transfère à un tier tout puissant l'ensemble de sa puissance d'agir. Sous prétexte de devoir assurer la paix
civile, l’État a tous les droits et n'est pas lui-même soumis au droit. De plus, l'individu en lui donnant toute sa
puissance, perd sa liberté. Hobbes précise « Chacun cède le droit qu'il a sur toutes choses », « le droit de
tous est transféré à un seul ». Ainsi Hobbes apporte comme une justification de l'absolutisme et du
despotisme.

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