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Fiche sur le contrat social

En 1787, à Philadelphie, on assiste à un fait politique majeur. Dans ce qui deviendra les Etats-Unis d’Amérique, on voit des hommes qui
prennent en charge leur avenir commun, et qui décident d’une constitution, d’une façon d’organiser le pouvoir politique. On voit des
hommes qui décident de leurs valeurs communes à défendre, et de la façon dont il faudra faire politiquement pour assurer l’intérêt général.
Des hommes qui ne considèrent pas que l’Etat appartient à une dynastie, que l’Etat n’est pas en priorité un fait divin. L’Etat ne peut être
juste qu’à condition qu’il ait comme moment fondateur un contrat.

Cet moment important dans notre histoire renvoie à la notion philosophique de contrat social qui s’est progressivement mis en place, et
cela dès le XVIIème siècle avec Thomas Hobbes.

Qu’est-ce qu’un contrat social ?

Il désigne un moment fondateur du politique. Un moment qui permet au pouvoir politique d’exister, tout en lui donnant à la fois sa
légitimité, et ses fonctions essentielles. Pour des philosophes comme Hobbes, Locke et Rousseau, le contrat social aurait permis aux
hommes d’inventer l’Etat.

Il désigne un contrat, donc un accord que la société passe avec elle-même pour sortir de l’état de nature, autrement dit pour sortir des
problèmes qu’on rencontre tant qu’il n’y a pas encore d’Etat.

Comment penser les termes du contrat social ?

Il faut visualiser les choses de façon suivante : les hommes, dans une société, se seraient mis d’accord pour inventer un pouvoir qui ferait les
lois, qui sanctionnerait ceux qui n’y obéissent pas. Ils seraient tombés d’accord, car par la raison, ils auraient compris tout l’intérêt (notion
d’intérêt général) à ce qu’un tel pouvoir existe et puisse exercer sa pleine autorité.

Fonction principale du contrat social : penser la légitimité du pouvoir politique :

Le contrat social montre qu’une société a besoin, pour s’organiser de façon plus juste, d’un accord minimal. Cet accord fait passer la société
d’une étape, à une autre, de ses injustices, à une société régie par un pouvoir politique qui aurait à faire respecter l’intérêt général.

Quelles sont les différentes fonctions du contrat social ?

Pour Hobbes, les hommes ont inventé l’Etat car c’est le seul moyen pour eux de vivre en sécurité. Par conséquent, l’intérêt général est la
sécurité que l’Etat doit assurer, à condition qu’il bénéficie d’un pouvoir incontesté (notion de souveraineté) pour assurer la sécurité pour
tous. Autrement dit, la sécurité n’est pas une affaire personnelle, mais politique. Pour cela, l’Etat s’organisera en institutions telles que la
police, l’armée et la justice qui seront des pouvoirs inventés destinés à assurer en priorité la sécurité de tous.

Pour Locke, les hommes ont inventé l’Etat car c’est le seul moyen pour eux de vivre librement, en voyant leur droit à la propriété pour
chacun assurée par une constitution, des lois, et des pouvoirs institués. La priorité est donc que tous les individus puissent être
propriétaires d’eux-mêmes et de ce qu’ils produisent.

Pour Rousseau, le contrat crée l’existence d’une entité politique nouvelle : Le peuple. Le peuple, comme entité politique, serait capable de
vouloir l’intérêt général (ce que Rousseau appelle « la volonté générale ». Dès lors, le pouvoir politique se trouve dans la volonté générale
du peuple, et non pas dans celle de l’Etat. L’Etat n’est que l’instrument qui doit obéir à cette volonté générale. Le contrat social doit
permettre à tout homme d’obéir à des lois dont il serait lui-même (en tant que citoyen, membre de cette volonté générale) à l’origine. A la
différence de Hobbes et de Locke, le contrat social ne produit pas un Etat qui aurait le pouvoir de faire des lois par lui-même. Pour
Rousseau, le peuple devient peuple législateur. L’Etat suit l’intérêt général que lui prescrit la volonté générale.

Remarque : vous pouvez, si vous le voulez, vous référer à la fiche que j’ajouterai à la fin de ce document, pour entrer un peu plus dans le
détail des différences de contrat social, entre Hobbes, Locke et Rousseau.

Fonction critique du contrat social : penser un pouvoir politique illégitime :


Pour les philosophes contractualistes, le pouvoir politique est issu d’un contrat social. Cette idée permet non seulement de fonder le
pouvoir politique ( donc de le légitimer), mais elle permet aussi de penser les moments où le pouvoir politique a perdu sa légitimité. Dès
lors, il pourrait devenir injuste. Il suffit que le contrat ne soit pas respecté pour que le pouvoir politique ait perdu sa véritable raison d’être.
L’Etat peut donc avoir d’autres origines ( et qui ne le fondent plus. ). Un Etat peut provenir de la force (d’un coup d’Etat par exemple). Il peut
avoir été approprié par une famille, une dynastie, un parti, qui défendrait seulement ses intérêts. Dans ce cas, on trouverait à l’origine du
pouvoir politique une origine qui ne le fonderait pas. Il serait injuste en cela qu’il ne serait pas voulu par tous, et qu’il n’aurait pas de
compte à rendre. Détache de toute obligation, nous ne serions pas dans un véritable contrat, car un contrat a pour fonction de lier par des
obligations réciproques ceux qui y participent.

Non seulement, le concept de contrat social a une grande utilité pour penser l’illégitimité d’un pouvoir politique qui pense pouvoir
s’imposer par la force, par une idéologie ou par une tradition, mais il peut aussi servir à critiquer les contrats sociaux qui n’en sont pas
vraiment. Autrement dit, à l’intérieur même des philosophes des contrats, il existe des désaccords importants et très intéressants. Par
exemple, on peut utiliser la conception que Rousseau propose du contrat social pour montrer que chez Hobbes, nous ne sommes pas
vraiment dans un contrat social. Je n’entrerai pas dans le détail de cette idée, mais prenons l’exemple de l’Etat Chinois.

J’ai souvent entendu parler dans les médias qu’il existait une sorte de contrat social entre les Chinois et le parti Chinois qui exerce seul le
pouvoir politique. Un tel contrat serait le suivant : nous Chinois acceptons que le parti ait tout le pouvoir, en échange de quoi il doit assurer
la prospérité du pays. Mais est-ce un vrai contrat social ?

Un vrai contrat, selon Rousseau, ne peut pas déposséder de sa liberté, même par la volonté, un des deux contractants. Un Contrat doit
pouvoir être renouvelé. Or, dans le cas de l’Etat Chinois, le contrat rendrait le peuple chinois dans l’impossiblité de renouveler sa volonté et
donc un tel contrat. Pour la raison suivante : une fois que le pouvoir du parti a mis en place tout ce qui lui permet d’exercer son pouvoir
sans qu’on puisse véritablement le remettre en cause, il n’y a plus vraiment contrat. Ce ne serait qu’un faux-semblant de contrat. L’Etat
Chinois n’a pas vraiment d’obligations à l’égard du peuple chinois et peut se permettre de mener une politique sans contestation possible
Autrement dit, en suivant la pensée de Rousseau, le contrat social ne peut pas fonder la souveraineté de l’Etat (comme le pensait Hobbes
qui est un théoricien du pouvoir absolu de l’Etat). Il ne fonde que la souveraineté du peuple.

Quelques concepts :

 Etat de nature : hypothèse philosophique qui décrit la condition des hommes quand il n’existe pas encore d’Etat et de lois
juridiques. Cet état de nature a pour but de nous faire comprendre les raisons qui ont pu pousser les hommes à inventer l’Etat.

 Contrat social : contrat passé entre tous et qui serait à l’origine du pouvoir politique, de l’Etat.

 Contrat : acte par lequel des volontés se lient par des obligations réciproques. Contrat de mariage, contrat de travail par
exemple. Il n’a de valeur juridique qu’à condition que les contractants soient libres.

 Souveraineté : pouvoir absolu. Pouvoir qui n’a pas de pouvoir au-dessus de lui, et auquel il devrait obéir. On parle soit du pouvoir
absolu de l’Etat, soit du pouvoir absolu du peuple.

 Liberté naturelle/ liberté civile : chez Rousseau, on rencontre l’idée que les hommes, par les lois qu’ils ont inventé sur le mode
du contrat social, sont passé d’une liberté naturelle à une liberté civile (rendue possible par les lois).

 Egalité : le contrat social repose sur l’idée que tous les hommes sont égaux. Autrement dit, lors d’un tel contrat, il n’y a pas un
homme qui par sa volonté ou par son pouvoir qui pèse plus que les autres. Sinon, ce ne serait pas vraiment un contrat. Il a fallu
donc en finir avec l’idée que quelques hommes valaient plus que d’autres (par leur origine, par leur rang social) pour mettre en
place cette idée moderne de contrat social.

 Peuple : notion très problématique car elle peut désigner pour certains la plèbe et pour d’autres une entité politiquement
responsable. Pour Rousseau, le peuple n’est plus seulement un plèbe animée par des intérêts particuliers divergents, quand il se
constitue comme entité politique doté d’une volonté générale ( qui est capable de penser l’intérêt général).

 Volonté générale : la volonté générale, chez Rousseau, n’est pas la majorité. Elle n’est pas la somme des intérêts particuliers. Elle
désigne une volonté qui est générale en cela qu’elle est capable de penser à l’intérêt général. Autrement dit, elle ne se compose
pas d’individus, mais plutôt de citoyens. Autrement dit, si une majorité d’individus a voté pour défendre leurs intérêts
particuliers, il ne s’agit pas de la volonté générale.

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