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L ES CL ÉS DU SUJ ET
L'État désigne l'ensemble des institutions (politiques, juridiques, militaires, administratives, économiques) qui organise
une société sur un territoire particulier. Il a donc pour finalité d'assurer le bon fonctionnement d'une société donnée.
La liberté
Elle peut, dans un premier temps, s'entendre comme l'absence d'obstacle, de contrainte, c'est-à-dire comme
indépendance. Mais il s'agirait plutôt d'une condition pour être libre. La véritable liberté résidant dans l'action, elle
désignerait alors le pouvoir de s'autodéterminer, d'être à soi-même sa propre cause. La liberté serait alors autonomie.
Le sujet invite à analyser une hypothèse (« serions-nous »), qui affirmerait qu'en l'absence d'État notre liberté
augmenterait, et ainsi nous serions plus libres. Il ne s'agit donc pas d'affirmer que l'État détruit toute liberté mais qu'il la
limite. La liberté pourrait ainsi avoir différents degrés.
Le plan
Il s'agira d'abord de considérer qu'être sans État c'est certes avoir une liberté infinie mais qui en aucun cas ne peut être
effective.
Mais se pose ensuite le problème de cet État, condition d'effectuation des libertés, qui ne serait finalement qu'une
manière masquée d'exercer une autre forme de violence restrictive des libertés.
La question sera alors, en dernière partie, de se demander à quelles conditions l'État peut réellement être garant de la
liberté.
CORRIGÉ
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Introduction
L'homme est un « animal politique » selon Aristote. Cela signifie que les hommes ne peuvent
se réaliser en tant qu'hommes s'ils ne font pas partie d'une communauté que l'on appelle
société et qui, à ce titre, est organisée en un ensemble d'institutions coordonnées
(politiques, juridiques, militaires, administratives, économiques) qui assure le bon
fonctionnement de la vie active des hommes entre eux. Mais si l'État a un pouvoir
d'organisation sur la société, il exerce par ses lois et ses règles une limitation de leur liberté.
Serions-nous plus libres sans État ?
Envisager une vie sans État c'est analyser ce que serait l'état des hommes sans aucune loi, un
état de nature. Mais en supprimant la menace qu'exerce l'État sur les libertés individuelles, on
imagine très vite les menaces qu'exercent les hommes entre eux sur leurs libertés
réciproques. L'État, en protégeant les hommes d'eux-mêmes, serait donc garant d'une liberté
certes limitée mais effective. Cependant, cette finalité de l'État en faveur d'une réalisation de
la liberté ne masque-t-elle pas dans les faits la tyrannie de celui qui exercerait le « monopole
de la violence légitime », selon l'expression de Max Weber ? Le problème est donc le suivant :
soit l'État est considéré comme indispensable à l'effectuation de notre liberté et donc
accepter que celle-ci soit restreinte est encore une façon de la sauver, soit on considère que
l'État n'est qu'une manière masquée d'exercer un pouvoir de limitation sur les libertés
individuelles et en ce sens la question est alors de savoir comment un État peut poursuivre
sans contradiction sa finalité (assurer la liberté).
Il s'agira dans un premier temps de voir en quoi l'État est nécessaire à l'effectuation de la
liberté, puis dans quelle mesure il peut abuser de son pouvoir contraignant, pour enfin
s'interroger sur les conditions d'un État non liberticide.
En effet, selon Hobbes, les hommes sont dotés à la fois d'une raison et d'un instinct de survie.
On peut alors imaginer qu'à l'état de nature, un état où il n'y aurait pas de lois imposées par
l'État, les hommes auraient une liberté infinie. Mais ces hommes très rapidement, dotés
d'intérêts convergents, anticiperaient sur la menace que constitue autrui. Chacun,
dépendant de sa seule force individuelle, attaquerait l'autre pour défendre ses intérêts.
L'homme deviendrait « un loup pour l'homme » et l'état de nature deviendrait un état de
guerre permanente. Les hommes décideraient par un calcul intéressé réciproquement de
renoncer à leur liberté infinie d'user de leur force individuelle et de se soumettre ainsi à l'État
et à la force publique. Ainsi l'État limite la liberté naturelle mais en échange il offre une liberté
civile garantie, effective.
Dans son Traité théologico-politique, Spinoza analyse le fait que l'homme, en se soumettant
aux lois de l'État, renonce à la liberté d'agir selon son propre décret, mais en cela il ne
renonce pas à la liberté de penser et de s'exprimer. En assurant la sécurité, la paix civile, l'État
permet aux hommes d'avoir chacun leurs propres opinions qui, même si elles divergent,
peuvent et doivent s'exprimer, dans la mesure bien sûr où cette opinion n'est pas un appel
passionnel à la destruction de l'État. L'homme serait donc pleinement un animal politique,
parce qu'il serait d'abord un animal rationnel.
Mais l'homme, dessaisi de l'usage de sa force individuelle et donc de son pouvoir d'action, ne
prend-il pas le risque de se voir soumettre à un État qui ferait mauvais usage de la force
publique ? Et d'autre part, si l'homme renonce à sa liberté d'agir par lui-même, sa liberté de
pensée elle-même ne risque-t-elle pas d'être inconsciemment l'expression de l'idéologie au
pouvoir ?
C. Qui peut prétendre détenir la clef de l'organisation sociale sans risque totalitaire ?
Ainsi, l'État, loin de garantir la liberté comme il le prétend, peut être source de despotisme en
imposant un parti, ou un seul homme, à d'autres hommes qui perdent leur liberté. Mais en
voulant contourner cette menace par la suppression de l'État ou d'une de ses formes, on
risque aussi d'imposer un régime totalitaire qui veut conformer l'humanité à sa vision en
prétendant remonter à ses origines mêmes. Celui qui prétend éliminer l'État pour le bien de
l'humanité s'érige comme seul détenteur légitime des valeurs politiques et morales.
Comment alors se préserver d'un État liberticide sans risque de totalitarisme ?
Pour se prémunir contre des abus de pouvoir ou une loi injuste à l'intérieur d'un État, on peut
diviser le pouvoir pour créer un jeu de contrôle réciproque entre les différentes instances.
Ainsi Montesquieu dans L'Esprit des lois, XI, 4, explique que le législatif, le judiciaire et
l'exécutif doivent être séparés afin que l'équilibre des puissances soit garanti.
À l'extérieur d'un État, on peut créer une instance de contrôle, qui pourrait juger des lois,
selon des principes dépassant les préoccupations de la société particulière et qui seraient
rattachés aux droits relatifs à une nature humaine. Ainsi, après 1945, est née la notion de
crime contre l'humanité et, avec elle, l'idée d'un tribunal international qui juge au nom des
Droits de l'Homme.
Mais ces principes ne sont valables que pour un État déjà en place. Il faut également trouver
un principe qui garantisse la préservation des libertés pour la formation même de l'État. Ainsi
l'État doit répondre à ce que Rousseau dans le Contrat social appelle la « volonté générale »,
c'est-à-dire qu'il doit être l'expression de l'intérêt général. Il doit, selon l'idéal démocratique,
représenter grâce au vote ce qui correspond le mieux à l'intérêt général. Mais être capable de
voter en vue de l'intérêt général nécessite aussi d'avoir eu une éducation qui éclaire la raison
du citoyen.
La liberté des individus ne sera pas envisagée ici comme indépendance ou absence
d'obstacle mais comme autonomie, c'est-à-dire capacité à se donner à soi-même sa propre
loi, par le biais des instances représentatives. Ce n'est alors que parce que les hommes
obéiront aux lois qu'ils n'obéiront pas aux hommes, et qu'ils seront préservés de toutes
formes de soumission à des maîtres. Le contrat social ne peut être, comme l'entendait
Hobbes, un pacte de soumission, il doit être selon Rousseau un pacte d'association.
Ainsi, pour éviter que l'État ne soit liberticide, on peut exiger certains principes comme la
séparation des pouvoirs, le regard d'une instance internationale et, à la base de sa création, la
possibilité de représenter l'intérêt général.
Conclusion
Dans son essence, l'État doit, en assurant la sécurité des individus, permettre de rendre leur
liberté effective. Cependant, un État sous couvert de faire le bien des hommes peut en réalité
faire l'inverse et, soit par son despotisme affiché ou dissimulé, soit par son totalitarisme, être
liberticide. Mais l'État étant nécessaire à la sécurité même des hommes, sa suppression
semble impossible.
Reste alors à définir des principes permettant à l'État de tendre historiquement vers plus de
liberté, principes tels que la séparation de pouvoir ou l'idéal démocratique, mais principes qui
doivent être constamment affinés afin de les adapter à l'état des sociétés en perpétuelle
évolution.