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LA POLITIQUE

SOMMAIRE

I - La société et l’État.
A / Quelle est la nécessité de l’État ?
B / L’État est-il facteur d'oppression ?
C / Qui doit détenir le pouvoir ?

II – La justice et le droit.
A / La justice et la force du droit.
B / Comment le droit peut-il être légitimé ?
C / La désobéissance à la loi peut-elle être légitime ?
D / Quel effet veut produire la sanction juridique sur la société ?
La réflexion porte particulièrement ici sur les relations que les hommes entretiennent au sein
d'une société. Celle-ci désignant dans un premier temps un groupe d'hommes organisés. Il s’agit
notamment de rechercher le fondement de cette société.

Remarque : Il convient d'observer la différence entre « sociétés animales » et « sociétés humaines »,


ou encore « communauté animale » et « société politique » - en effet les animaux sont grégaires ce
qui signifie qu'ils vivent en groupe, mais sans structure sociale, sans constituer un corps politique ou
une association.

Politique vient de -polis- en grec et désigne la « cité ». Ainsi lorsque l'on parle de politique il est
question usuellement des « affaires de la Cité ». La politique apparaît donc comme l'activité qui
s'occupe de l'organisation de « la cité », de la société, par le moyen de ses institutions, son armée,
sa police, sa justice, sa diplomatie, son économie, etc. La politique apparaît comme la réponse
permettant de concilier désirs et intérêts divergents pour constituer une société harmonieuse.

Réfléchir au fondement de la société c'est se demander pourquoi les êtres humains choisissent de
vivre ensemble et de manière organisée. C'est également se demander pourquoi cette organisation se
double encore d'un ensemble d'institutions (politiques, juridiques, etc.) ainsi que d'une puissance qui
lui apparaît supérieure : l’État.

Remarque : Communément, on désigne l’État comme ensemble des institutions qui organisent la
vie en société sur un territoire donné. On parle également de pouvoir, d'autorité politique.
I - La société et l’État.

A / Quelle est la nécessité de l’État ?

À ne pas confondre.
Longtemps les mots société et État ont été considérés comme interchangeables, désignant tout à la
fois la communauté sociale et sa forme politique. C'est seulement au XVIIIème siècle que le mot de
société prend le sens qui nous intéresse ici : celui de milieu humain dans lequel chaque être se
développe, milieu dont il reçoit l'aide et subit les règles.
À cet égard le terme de société est souvent compris de façon péjorative : la société contraint, oblige,
asservit, conditionne, etc. Or il ne faut pas confondre les manières d'agir, les « phénomènes » qui
viennent de l'environnement social (mœurs, modes, habitudes, convenances, « mentalités »), avec
ce qui nous interpelle ici, les lois issues du travail politique du législateur.
En effet, pour le sociologue et l'économiste, la société est un ensemble spécifique, elle n'est pas la
somme des individus mais un tout qui préexiste aux individus. Elle a donc ses propres lois, mais qui
ne se réduisent pas à des motivations psychologiques individuelles. De nouveau, ces lois
sociologiques ne doivent pas être confondues avec ce qui nous intéresse ici, les lois instituées par
l’État, obligations conscientes et volontaires qui forment le Droit.

Traditionnellement, en tant que réalité politique, le mot « État » s'écrit avec une majuscule. L’État
désigne une puissance publique qui n'est pas toujours distinguée de la société, de la nation, du
gouvernement, de la fonction publique, de l'administration. L’État est aussi souvent confondu avec
les responsables qui le dirigent, le gouvernement, ou avec un idéal abstrait. Or, l’État est une réalité
politique institutionnelle. En ce sens, la conception moderne de l’État se doit d'être différenciée des
individus qui exercent le pouvoir et de la société civile – qui le dirige et qu'il dirige à la fois.

L'individu constitue-t-il une telle menace pour la société qu'il faille en garantir l'harmonie, la
paix, en se dotant d'une autorité – celle de l’État, sans quoi la société ne saurait se conserver ? Ou
bien l’État émane-t-il d'un groupe d'hommes désireux d'imposer leur pouvoir aux autres ? Comment
envisager les relations entre État et société lorsque ces derniers sont considérés comme deux réalités
distinctes ? Ces relations sont-elles harmonieuses puisque l’État est une émanation de la société, ou
bien sont-elles potentiellement conflictuelles, étant donné que État et société ont des intérêts
différents, voire opposés ? L’État est-il le garant de la société, le protecteur de ses intérêts, ou bien
représente-t-il un pouvoir dont la société doit se méfier ?
Remarque : Concernant « l’État », cette appellation et la forme politique à laquelle elle renvoie ne
date que du XVIe siècle. Il y a bien sûr auparavant d'autres formes politiques qui lui ressemblent,
mais l’État a cette particularité d'être une forme politique, associée aux trois grands pouvoirs
exécutif, législatif et judiciaire, qui lui permettent d'exercer son autorité sur l'ensemble du territoire,
en usant parfois de la force.
L'État a pour fonction de garantir la vie en société en faisant respecter les lois et en défendant
l'intérêt général.
Le problème général que présente l’État réside notamment dans ce rapport à la loi, ou plutôt dans
l'application de la loi. Car la loi a beau être légitime – c'est-à-dire reconnue juste car elle vise
l'intérêt général - il lui faut une force pour être effective, sans quoi, elle resterait lettre morte. Les
hommes en tant qu’êtres de désirs ont beau se représenter la loi comme juste et voir le meilleur, ils
sont enclins à faire le pire. Seul le pouvoir d’État semble avoir la capacité suffisante pour anéantir la
tentation de la violence individuelle, en exerçant une contrainte collective, sur la collectivité même.

L'État ayant l'autorité pour équilibrer les forces en puissance au sein d'une société, on peut craindre
que l'exercice de son pouvoir puisse faire disparaître les intérêts particuliers, les libertés
individuelles.
On s'interroge ici sur les limites de l'intervention de l’État. Dans quelle mesure doit-il exercer son
pouvoir dans la sphère privée ?

Remarque : On observe effectivement des distinctions entre les différentes formations politiques.
Celles davantage conservatrices prônant un retrait de l’État de tout ce qui concerne le bonheur des
individus, leur possibilité d'entreprendre et d'échanger commercialement parlant. Celles davantage
démocrates qui demandent à l’État d'être interventionniste et de tenir compte des nécessités
individuelles pour préserver le bien commun (Cf. travail autour de la question peut-on être heureux
seul ?). Il s'agit donc également d'examiner l'implication en termes de droits sociaux que peut avoir
l’État. Paul Valéry traduit cet équilibre probable à trouver, par la phrase suivante, « Si l’État est fort
il nous écrase, s’il est faible nous périssons. »

B / L’État est-il facteur d'oppression ?

Sur un territoire donné, l'autorité de l’État est supérieure aux autres pouvoirs – il peut imposer ses
décisions. Or, pour conserver cette autorité l’État est le seul organe qui est autorisé à user de la
force, à être violent, de façon légitime. Légitime en quoi ? Cette force contraignante serait justifiée
par son but – maintenir la paix et protéger les intérêts. Max Weber définit en cela l ’État comme
« monopole de la violence légitime ».
Comment voit-on les manifestations de cette violence ? D'une part quant au pouvoir judiciaire,
d'autre part dans l'usage de la police et de l’armée.

S'il faut poursuivre l'examen de cette violence légitimée, il est nécessaire également de se poser la
question du fondement de l’État. Qu'est-ce qui légitime l'apparition d'un État ?
Le philosophe Hobbes dans Le Leviathan répond à cela en affirmant que les individus doivent
autoriser un homme ou une assemblée d'homme à gouverner, afin que la vie en communauté, sa
sécurité soit garantie. Ce qui fonde alors l’État est que tous les individus acceptent de se soumettre à
un même pouvoir en ce qu'il est alors le représentant de l'expression de tous. C'est un « contrat »
passé entre tous les hommes, dans lequel chacun se démet de sa force naturelle et dans lequel l’État
gouverne au nom de tous.

« […] il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne, unité réalisée par une convention de
chacun avec chacun passée de telle sorte que c'est comme si chacun disait à chacun : j'autorise cet homme ou
cette assemblée, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui
abandonnes ton droit et que tu autorises toutes ses actions de la même manière. » Hobbes, Leviathan, 1651.

Pourquoi accepter cette autorité ? Parce que l’État se doit de garantir alors la paix et la sécurité des
individus, d'assurer la liberté et l'égalité entre ses membres, de laisser à ses membres la possibilité
de se perfectionner.

Remarque : Cependant, cette justification moderne de l’État, formulée par Hobbes, est une
invention tardive. Le principal problème philosophique concernant l’État concerne la justification
de son existence car on constate en fait un décalage entre la théorie de l’État et son existence
historique. En effet, si le rôle de l’État semble justifié, il n'est défini que a posteriori pour justement
le légitimer.
On peut alors se demander si tous les États n'ont pas une origine honteuse et injuste, qui prend ses
racines dans le despotisme – c'est-à-dire la volonté de quelques-uns de dominer les autres. Marx
dans L'idéologie allemande défend cette idée. L'État ne représenterait que de façon illusoire l'intérêt
commun des individus, il ne serait que l'instauration par la force d'un intérêt - un intérêt de classe en
l'occurrence, comme intérêt général. Si l'État a une action modératrice, celle-ci n'est qu'illusoire,
puisqu'il s'agit d'empêcher les luttes d'intérêt sous-couvert d'un intérêt commun falsifié.
C / Qui doit détenir le pouvoir ?

Une certaine méfiance entre l’État et ses membres persiste : premièrement, quant à ce droit exclusif
d'employer la violence qui apparaît comme une menace ; deuxièmement, quant aux risques d'abus
de pouvoir.

De nombreux textes ou passages peuvent venir illustrer la réflexion portée autour de ces questions.
Condorcet, dans Cinquième mémoire sur l’instruction publique, 1791, dénonce le fait que tout
pouvoir exerçant l'autorité cherche forcément à maintenir le peuple, la société qu'il gouverne, dans
un état d'ignorance :

« En général, tout pouvoir, de quelque nature qu’il soit, en quelques mains qu’il ait été remis, de quelque
manière qu’il ait été conféré, est naturellement ennemi des lumières. (...)
Si l’on peut citer quelques exceptions, c’est lorsque, par une de ces combinaisons extraordinaires qui se
reproduisent tout au plus une fois dans vingt siècles, le pouvoir se trouve entre les mains d’un homme qui
réunit un génie puissant à une vertu forte et pure (...).
Tel doit être, en effet, l’ordre de la nature ; plus les hommes seront éclairés, moins ceux qui ont l’autorité
pourront en abuser, et moins aussi il sera nécessaire de donner aux pouvoirs sociaux d’étendue ou d’énergie.
La vérité est donc à la fois l’ennemie du pouvoir comme de ceux qui l’exercent, plus elle se répand, moins
ceux-ci peuvent espérer de tromper les hommes ; plus elle acquiert de force, moins les sociétés ont besoin
d’être gouvernées. »

Rousseau quant à lui, à la fin du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les
hommes, 1755, déprécie la nature même des détenteurs de l'autorité : « (…) si l’on voit une poignée
de puissants et de riches au faîte des grandeurs et de la fortune, tandis que la foule rampe dans
l’obscurité et dans la misère, c’est que les premiers n’estiment les choses dont ils jouissent
qu’autant que les autres en sont privés, et que, sans changer d’état, ils cesseraient d’être heureux, si
le peuple cessait d’être misérable. »

Et dans son Discours sur la science et les arts, 1751, il ironise quant au dévouement des puissants à
protéger le bien commun : « Il faut de la poudre à nos perruques ; voilà pourquoi tant de pauvres
n’ont point de pain. »

Il faut effectivement se prémunir de dérives totalitaires, et chercher alors quelle est la meilleure
manière de gouverner ? La réponse apparaît être personne en particulier et tous à la fois. Ainsi, un
régime politique où la souveraineté – c'est-à-dire l'autorité politique, appartiendrait à la totalité des
citoyens serait le « moins mauvais des systèmes ». Il s'agit de la démocratie ou « gouvernement par
le peuple ». Elle fait de l’État le dépositaire du pouvoir du peuple, qui se doit alors de garantir les
lois et le droit, mais non pas de l’Etat un propriétaire susceptible d'user du pouvoir à sa guise.
Remarque : De nombreux sujets ou pistes de réflexion rendent compte de ces enjeux. Peut-il y avoir
une société sans État ? Doit-on tout attendre de l’État ? L’État est-il un instrument de liberté ou de
domination ? L’expérience des États totalitaires appartient-elle au passé ? On craint alors que
l’État outrepasse ses prérogatives et cherche à s'immiscer dans tous les domaines de la société. Mais
ce risque viendrait-il de la logique propre à l’État qui chercherait à étendre sa puissance, ou bien de
la société et de ses membres qui désireraient se décharger de leurs responsabilités ? La
responsabilité politique suppose-t-elle une morale particulière ? Les conséquences d'une décision
politique peuvent être incertaines et lourdes, les choix sont donc difficiles, ne faut-il pas alors
particulièrement avoir une exigence de moralité ? L'utopie est-elle un idéal ou un danger pour la
pensée politique ? L'utopie politique vise à imaginer une organisation politique idéale. Elle pourrait
ainsi jouer le rôle de modèle pour l'action politique. Mais l'écart entre idéal et action effective ne
risque-t-il pas d'aboutir à un désastre ?
II - La justice et le droit.

A / La justice et la force du droit.

À ne pas confondre.
Concernant la justice, on souligne souvent sa relativité, son absence ou son manque de réalité.
Pourtant l'expérience de l'injustice ne semble ni si relative ni si arbitraire. La première difficulté est
de voir dans la justice autre chose qu'un mot ou qu'un idéal. Si l'on parle de justice effective, on
pense à l'institution judiciaire, aux tribunaux, juges, avocats. S'il est important d'étudier ces rouages
du pouvoir judiciaire et ses méthodes, la seconde difficulté consiste à ne pas s'en tenir à cette seule
réalité. La justice c'est aussi l'équilibre des pouvoirs au sein de l’État, les principes de distribution
des droits et des richesses.

La difficulté que pose la notion de justice ne vient pas seulement des oppositions morales et
politiques qui divisent les hommes sur cette question, mais encore des différents niveaux de réalité
auxquels elle renvoie.
La justice renvoie tout d'abord à un principe moral. Être juste est alors agir conformément à la
morale.

Remarque : La justice est ce sentiment subjectif dans le cœur de l'homme, une vertu. Sentiment qui
renvoie à un idéal, à une exigence. Ce qu'on entend notamment dans une expression telle que « ce
n'est pas juste ! ». Ce sentiment du juste correspond à cette disposition qui nous porte à faire le bien
et éviter le mal, à reconnaître une distinction entre un bien et un mal.

La justice renvoie ensuite à un principe de pouvoir. On est alors dans une dimension juridique - la
justice désigne une institution, un pouvoir judiciaire. Son idéal serait l'équité.

Remarque : Une institution est la forme par laquelle s'exercent les fonctions publiques (école,
administration, etc.) et par laquelle se transmettent les valeurs d'une société.
Le pouvoir judiciaire se comprend selon le principe de la séparation des pouvoirs caractéristique
d'un État de droit. Le pouvoir judiciaire a pour mission de contrôler l'application de la loi, de
l'interpréter en examinant la concordance entre une situation concrète et la loi elle-même, et de
sanctionner son non-respect.
Le pouvoir judiciaire s'organise en tribunaux et magistrats - c'est-à-dire les juges.
La justice peut être encore un principe politique qui régit et fonde les pouvoirs et responsabilités
politiques ; une mesure qui distribue les richesses d'une nation, qui garantit à tous un minimum
d'égalité – elle est alors sociale.

Faire preuve de justice consiste donc notamment à se conformer au droit, se conformer à des
règles promulguées par le pouvoir.
Le droit désigne en effet les règles établies au sein d'une communauté, afin d'en permettre le
fonctionnement : le droit rend compte de ce qu'il est permis de faire.

Remarque : Le droit est rendu applicable par les lois, les institutions.

Un premier rapport du droit à la justice se comprend avec la notion de droit positif.

Remarque : Le droit positif est l'ensemble que forment les lois d'un État déterminant ce que le
citoyen a le droit de faire ou de ne pas faire – c'est à partir du droit positif que l’État la justice d'un
État fonctionne.

Un second rapport du droit à la justice s'établit lorsque l'on fait du droit le principe de ce qui est
légitime. Dans l'expression « être dans son bon droit » c'est ce qu'on entend.

Remarque : Est légitime ce que l'on estime juste en fonction d'un idéal. En cela peut s'opposer le
légal, ce qui est conforme aux lois d'un État - et le légitime.

L'enjeu est de se demander dans quelle mesure le droit sur lequel repose le pouvoir judiciaire, est
légitime ?
Lorsque l'on s'interroge sur le rapport entre justice et droit, ces notions paraissent dans un premier
temps se confondre. Cependant, ces règles ne varient-elles pas selon la société donnée ? Le juste et
l'injuste ne sont-ils alors que des conventions ?
Pascal dans ses Pensées dénonce justement cette justice qui n'aurait de force que sur un territoire
déterminé, et affirme : « Plaisante justice qu’une rivière borne ? Vérité en deçà des Pyrénées,
erreur au-delà. » Pascal dénonce l'arbitraire d'une justice changeante.
Ne peut-on pas remettre en cause la légitimité des règles d'une société si elles ne sont que relatives ?

Cela nous amène à nous demander s'il n'existe pas une idée du juste qui serait, elle, partagée par
tous et qui serait supérieure à l'expression du pouvoir de l’État ? Il existerait alors un écart entre
justice et droit, un idéal de justice pouvant aisément entrer en contradiction avec les règles d'une
société.

B / Comment le droit peut-il être légitimé ?

Par la force ?

Considérer que la justice n'est que l'exercice de la force, revient à affirmer en définitive que la
justice repose sur le « droit du plus fort ». C'est un droit qui s'établit alors sur la nature et peut
paraître en cela légitime. Cependant, outre le fait que l'on puisse aisément contester la légitimité de
celui qui s'impose, de celui à qui l'on doit se soumettre, on peut qui plus est se demander pourquoi
le plus fort aurait besoin du droit pour conserver le pouvoir ?
Le sens même de l'expression « un droit du plus fort » apparaît contestable étant donné que le droit
doit être valable en toutes circonstances et ne pas périr au premier obstacle rencontré. Or, comme le
dit Rousseau dans Du Contrat Social : « Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le
maître, s'il ne transforme sa force en droit, et l'obéissance en devoir. » On ne peut fonder l'idée d'une
justice sur un droit du plus fort car ce droit ne peut durer.

Par l'accord de tous les membres d'une société ?

Pour Rousseau la seule source de légitimité du droit est la volonté générale : c'est ce qui émane de
tous les citoyens et vise l'intérêt de tous.

Remarque : Les règles qui régissent une société sont justifiées si on estime qu'elles rendent compte
de la volonté de chacun en tant que partie d'un même tout - la société.

Le citoyen recherche le bien de tous car cela permet également sa propre conservation. Les lois sont
censées être « l'expression de la volonté générale », sa matérialisation.
Les membres d'une société et les individus qui la dirigent sont donc liés par un même but, par un
même contrat, celui du bien commun.

C / La désobéissance à la loi peut-elle être légitime ?

La loi vise le bien commun et a pour but d'éviter les conflits. Il semble alors qu'il suffirait d'obéir
aux lois pour être juste. Or ce n'est pas le cas : l'application stricte de la loi peut se révéler très
injuste. Cette contradiction rend compte du caractère général de cette dernière : la légitimité de la
loi lui vient de ce qu'elle s'occupe de l'intérêt de tous, cependant, par la même justement, la
rédaction des lois ne peut regarder toutes les exceptions et les prévenir. Par conséquent, il devient
légitime de transgresser la loi ou de s'y opposer si elle ne vise pas l'intérêt général mais celui de
personnes particulières. Ou si, ne tenant pas compte de cas exceptionnels, elle porte atteinte au bien
commun.

Remarque : De nombreux exemples dans l'histoire et dans l'actualité peuvent être utilisés pour
montrer le décalage qu'il existe parfois entre la loi (le légal) et l'idéal de justice (le légitime). Durant
la Seconde Guerre Mondiale, de nombreuses personnes ont choisi de résister aux lois de Vichy,
parce qu'elles considéraient que s'y conformer était injuste. En 2017, un agriculteur avait fait le
choix de ne pas se conformer aux lois de notre pays interdisant l'aide aux personnes en situation
irrégulière, parce qu'il estimait bien plus juste et dans l'intérêt de tous de leur porter assistance.

Il n'est donc pas question de se conformer aveuglément à la loi mais bien de faire preuve de
discernement car en certaines circonstances nous avons le droit, et peut-être même le devoir, de
transgresser la loi au nom de la justice.

Pour éviter la transgression de la loi, l’État peut user de sanction. Ainsi, par la peur de cette sanction
le droit est respecté et les individus obligés. Cependant, est-ce le seul but de la sanction juridique ?

D / Quel effet veut produire la sanction juridique sur la société ?

Avec la sanction juridique, on voit l'usage d'une force mais n'est-ce pas dans le but de protéger les
citoyens ?

Premier but : Il apparaît être la prévention par l'intimidation. Le respect des règles passe par une
forme de peur.

Second but : L'amélioration de l'individu fautif. Que justice soit rendue désigne d'une part qu'il y ait
une réparation du préjudice causé pour celui qui l'a subi et que le fautif soit ramené dans le « droit
chemin ».
Remarque : L'objectif consistant à améliorer l'individu semble malheureusement rarement atteint ou
même recherché. Le principe de l'enfermement pose alors question. Le châtiment peut-il vraiment
rendre perfectible ?

Les infractions à la loi ont donc deux conséquences, la punition et la réparation. Mais cette sanction
juridique ne permet-elle pas également d'éviter la vengeance ?

Remarque : La vengeance désigne le fait de se faire justice soi-même.


En effet, s’il y a réparation c'est que la société entière reconnaît le mal qui a été fait et décide de sa
sanction. Ce qui permet d'éviter le cycle de la vengeance.

Texte de Hegel de Propédeutique philosophique, 1808 :

« La vengeance se distingue de la punition en ce que l’une est une réparation obtenue par un acte de la partie
lésée, tandis que l’autre est l’œuvre d’un juge. C’est pourquoi il faut que la réparation soit effectuée à titre de
punition, car, dans la vengeance, la passion joue son rôle et le droit se trouve ainsi troublé. De plus, la
vengeance n’a pas la forme du droit, mais celle de l’arbitraire, car la partie lésée agit toujours par sentiment
ou selon un mobile subjectif. Aussi bien le droit qui prend la forme de la vengeance constituant à son tour
une nouvelle offense, n’est senti que comme conduite individuelle et provoque, inexpiablement, à l’infini, de
nouvelles vengeances. »

Pistes de réflexion.
Y a-t-il un droit de se venger ? La vengeance a pu longtemps être considérée comme la base
naturelle de la justice, mais les États anciens ou modernes ont lutté contre cette tentation. La
vengeance n'est-elle pas contradictoire avec l'idée même de droit ? L'idéal de légitimité peut-il
fonder un droit de résistance ? Quelle(s) forme(s) devrait prendre cette résistance pour ne pas se
confondre avec une simple désobéissance ? Les droits de l'homme sont-ils des valeurs universelles ?
Les droits de l'homme offrent un contenu à l'idée de légitimité. Pour qu'ils puissent servir de
référence ils doivent être universels, indépendants des époques et des idéologies. Comment s'assurer
de cette indépendance ? Liberté et égalité sont-elles des principes compatibles ? Une justice se doit
de chercher à réaliser l'égalité entre les hommes pour être utile et honnête – et ne pas se contenter de
l'affirmer. Mais comment concilier égalité juridique des individus et inégalités sociales et
économiques ? Faut-il au nom du principe d'égalité, redistribuer toutes les richesses, ou au nom du
principe de liberté, renoncer à toute redistribution ? Comment accepter l'existence d'inégalités sans
les tempérer par le principe d'égalité des chances et par un système d'aides sociales ?

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