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EP REUV E DE HLP

La recherche de soi
(Partie 1)

La recherche de soi
(Partie 1)
Education, transmission et émancipation.
Du romantisme au XXe siècle.
Introduction
1. Délimitation de la notion

Face à la découverte de l'animalité qui est en l'homme, c'est la découverte de ce que


les Modernes avaient mis de côté qui apparaît : l'enfant et la femme. La femme veut
s'émanciper et l'on se rend à l'évidence qu'il faut éduquer l'enfant. Mais
comment procéder à cette éducation et à cette émancipation ? Ce seront les grandes
questions du XXe siècle qui va annoncer la crise contemporaine de la modernité.
L'occident en colonisant l'orient a découvert d'autres horizons.
L'art moderne a montré que les primitifs avaient des choses à dire et l'ethnologie
également.
Il a redécouvert la nature, le désir et ce qui est hors de la raison mathématique et
rassurante avec laquelle il croyait pouvoir domestiquer le monde. Il sent qu'il lui faut
réinventer de nouvelles formes d'éducation. Le mouvement est amorcé avec
l'émergence du romantisme qui apparaît chez les auteurs dits « réactionnaires » puis
chez Rousseau et ensuite l'écrivain Chateaubriand.

Ce mouvement peut s'entendre en deux sens à la fois comme une réaction contre
l'évolution et un retour au passé mais aussi comme une révolte contre une raison
universalisante dont on sent bien qu'elle ne peut pas tout résoudre et ni tout
comprendre.

2. Distinctions à établir

Il faut sans doute distinguer le romantisme politique et le romantisme littéraire même


si l'un et l'autre ont des liens entre eux. Le romantisme politique est notamment
représenté par Joseph de Maistre. Cet auteur pense que la vision des lumières d'un
peuple commandé par la raison et construit autour de l'idée d'un contrat social ne
tient pas. Pour De Maistre, il faut rétablir la royauté car l'esprit des peuples est
éternel. Pour De Maistre, il y a des peuples éternels et donc une France éternelle qui
est spécifique. Cette thèse suppose le rétablissement de la royauté et celle que le

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peuple ne peut se résumer au seul contrat. Les racines historiques d’un peuple, sa
« nature » sont à prendre en compte selon lui.

Les romantiques littéraires se préoccupent moins de politique quant à eux. Ils


redécouvrent l'amour qui était l'un des grands absents de la pensée moderne. Ni
Descartes, ni Locke ni Kant ne parlent d'amour. L'amour est évoqué par les écrivains
à cette époque. Cependant cet amour est souvent l'amour impossible évoqué dans
les romans de Stendhal. La femme est en quelque sorte idéalisée. Il est intéressant
de noter que, pendant que la femme est ignorée, celle-ci fait l'objet d'une certaine
idéalisation romantique dans le courant romantique. Ces auteurs du romantisme
littéraire ont un grand succès auprès de la gent féminine qui se sent abandonnée,
délaissée à cette époque de moralisation outrancière. Elle préfère ainsi rêver d'amour
même si elle ne le rencontre pas toujours dans les mariages arrangés.

Cette demande d'amour n'est toutefois souvent pas autre chose qu'une envie
d'émancipation qui ne dit pas son nom. Choisir son partenaire c'est en effet un peu
choisir sa vie or au XIXe siècle, on considère que la raison raisonnante a peu à faire
avec les sentiments réels et donc on se préoccupe peu du bonheur dans le couple (et
plus encore de celui des enfants).

Le lien entre la « promise » et la « terre promise » n'est peut-être pas assez creusé à
cette époque. Les romantiques sont cependant pour un retour du religieux. L'auteur
qui allie à la fois la pensée romantique politique et le romantisme littéraire c'est Jules
Barbey d'Aurevilly. Il décrit des univers emprunts de magie, de rêve mais aussi dans
son roman, La vieille maîtresse, il s'interroge sur le mystère de l'amour. Qu'est ce qui
retient ce beau jeune homme et fait qu'il continue à aimer cette « vieille maitresse »
qui est laide pourtant ? Le romantisme interroge sur le fait que le mystère est présent
dans la vie des hommes et il montre ainsi les limites de la raison. Au même moment -
en Allemagne - des philosophies ésotériques inspirées par la numérologie, l'occulte,
la recherche de l'harmonie du monde connaissent un certain succès. Mais ces
philosophies demeurent marginales et ne touchent qu’une partie de la population
lettrée sans affecter le peuple ni le monde académique et universitaire qui les
rejetteront.

3. Les problématiques envisageables

Dans ce cadre singulier, où il faut à la fois continuer à préparer l'enfant à la raison et


dans le même temps où l'on reconnait les limites de cette raison, se pose la question
qui consiste à se demander ce qu’il faut faire pour bien l’éduquer. D’autres questions
émergent également comme celle de la place qu’il faut accorder à la femme mais
aussi comment former l'homme de demain ?
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Pour répondre à cette question, John Locke évoque l'idée d'un esprit sain dans un
corps sain mais qu'est-ce qu'un esprit sain ? Est-ce celui qui sait raisonner et
résoudre des problèmes mathématiques ou bien est-ce un esprit complet comme le
soutiendra Rousseau ? Mais en ce cas, qu'est-ce qu'un esprit complet ?

Ces questions traverseront le XVIIIe siècle finissant et les siècles qui vont suivre. Elles
ne feront cependant l'objet de débats vraiment conséquents que de nos jours. Mais
peut-on parler de débats à ce sujet dans notre monde contemporain ? N'assistons-
nous pas - sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres - à des joutes d'auteurs qui
s'opposent les uns aux autres ?

4. Illustrations artistiques du thème

Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos sont un roman qui montre


comment - dans ce monde qui opprime la femme - une femme cherche par la
manipulation et une forme de perversion à prendre le contrôle sur les hommes et le
monde en général. Ce roman est intéressant car il met en question la morale
dominante de l'époque elle-même.

L'enfant sauvage, film de de François Truffaut. Il raconte l'histoire vraie de Jean Itard
qui va recueillir un enfant qui s'est retrouvé en pleine nature et qui ne survivra pas
malgré tout. Ce film montre l'importance de l'éducation et la difficulté qu'il peut y avoir
à éduquer des enfants trop abandonnés à eux-mêmes. Il met en évidence le fait
qu'éduquer c'est aussi apprendre à socialiser et s'intégrer dans la société qui est la
nôtre tout en comprenant la complexité de celle-ci.

Barry Lindon, film de Stanley Kubrick. Il montre la violence des rapports sociaux qui
existent dans l'époque romantique. Comment un parvenu arrive - malgré tout - à
acquérir la richesse mais comment aussi l'ancien monde résiste à cette ascension et
comment cet homme finira brisé, étant dans l'incapacité de s'élever au-dessus de sa
condition.

Le film Detachment de Tony Kaye, montre les difficultés d'un jeune enseignant - à
notre époque - dans une banlieue défavorisée. C'est un autre aspect de la question
des difficultés actuelles de l'enseignement qui est abordé.

5. Les enjeux contemporains de la notion

L'éducation est aujourd'hui en crise. Cette crise a bien été identifiée par Arendt dans
son texte intitulé la Crise de la culture. Cette crise est apparue à partir du moment où

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l'homme moderne a redécouvert qu'il ne pouvait pas simplement gouverner les


hommes par la loi et les formules mathématiques comme il le pensait. Elle est aussi
apparue lorsque la question de l’héritage est redevenue d’actualité. En effet pour les
Modernes, il ne fallait pas entendre parler d’héritage, seule l’égalité primait mais les
mentalités ont évolué sur ce point.

En effet, les Lumières pensaient que c'était par la loi qu'ils allaient rendre la
liberté et l’égalité aux hommes et tous rêvaient de mettre la morale sous la
domination de la géométrie. Ils pensaient que l’on pouvait faire table rase du passé.
Le livre inachevé de Spinoza - Ethique - participe de ce rêve.

Des auteurs comme Rousseau, Kant, Locke, ont écrit des traités sur l'éducation.
Rousseau est celui qui marquera le plus les esprits à ce sujet. Dans son livre Émile
ou de l’éducation, il proposera un retour à la nature et une écoute des sentiments qui
implique de revenir sur la logique rationnelle et de simple transmission par un
discours.

Rousseau pense que – pour éduquer un enfant, il faut le mettre en situation mais
aussi tenir compte de son âge. Rousseau jouera un rôle trouble dans cette évolution
de l'éducation car d'un côté, il glorifiera les nécessités d'une approche nationale de
celle-ci mais de l'autre son disciple Émile ne sera pas éduqué dans un collège mais
dans la nature avec un éducateur privé.
Un des grands principes de Rousseau est d’ailleurs qu’il ne faut jamais trop
contrarier la nature car très rapidement celle-ci refait surface. Une bonne
éducation doit, au contraire, faire avec celle-ci. Ainsi par exemple, il ne faut pas
brimer les désirs de l’enfant, il faut l’aider à réfléchir sur eux pour qu’il puisse de lui-
même opérer les bons choix. Tout interdire à un enfant revient à lui donner l’envie de
réaliser l’interdit.

Si le modèle mathématique, logique et rationnel n'est pas le seul système capable de


comprendre le monde quel autre modèle pouvons-nous utiliser ? Est-il possible
d'éduquer autrement mais cela est-il possible compte tenu des blocages qui existent
dans le monde éducatif ? Quelle est la nature de ces blocages ? S'expliquent-ils par
ce que certains appellent un refus d'évoluer du « Mammouth » que serait le monde
éducatif ou au contraire par la peur des acteurs dudit système de voir l'ensemble
qu'ils ont construits peu à peu s'effondrer progressivement ?

Compte tenu du coût de plus en plus élevé des outils informatiques qui sont de plus
en plus mobilisés dans les cursus éducatifs contemporains et compte tenu de la
nécessité de s'adapter continuellement aux changements d'un monde qui se cherche,
le modèle public pourra-t-il résister aux assauts du privé et à l'émergence de

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systèmes éducatifs portés par les grosses entreprises ? Ainsi tout récemment
Facebook envisageait-il de créer sa propre université pour pallier les carences
constatées - selon cette entreprise - dans l'enseignement public.

I. Jean Jacques Rousseau et l'Emile, le modèle rêvé de


l'éducation des Lumières
Lorsque Rousseau écrit Du Contrat social, il a pris conscience que l'on ne pouvait
revenir à l'ère idéale où l'homme vivait près de la nature et que l’éducation du peuple
par la seule loi – aussi juste fut-elle – ne pouvait suffire. Ce faisant, il remet en cause
un dogme moderne et revient sur la croyance en la toute-puissance de la loi de ses
contemporains.

Pour Rousseau c'est à partir du moment où l'homme a voulu mettre en avant la


propriété qu'il crée le malheur mais surtout, le peuple peut être abusé dans ses choix
lorsqu’il vote pour une loi : il faut donc qu’un guide les éduque. Il s'oppose ainsi au
libéralisme possessif de John Locke qui voulait que la société appartienne à ceux qui
travaillent ainsi qu’à la seule éducation du gentleman que semble vouloir ce dernier.
Rousseau se rend à l'évidence - de ce que Marx mettra plus fortement en évidence -
que le travail n'est pas nécessairement la clef du bonheur. De plus, il découvre
l’importance de l’éducation.

Rousseau - contrairement à Marx - ne voulait pas abolir la propriété, il s’est


contenté de mettre en évidence les périls de celle-ci pour le lien social. Devenir
propriétaire c’est ainsi prendre le risque de devenir égoïste pense-t-il. De plus, il s'est
rendu à l'évidence du fait que l'on ne pouvait revenir en arrière et qu'il serait utopique
de croire que l'on pourrait retrouver ce que les Lumières appelaient l'état de nature et
qui peut se déterminer comme le moment où la nature gouverne.

En conséquence, Rousseau a repris l'idée moderne suivant laquelle la société


devait s'ordonner autour d'un contrat social. Ce contrat social est un accord dans
lequel les individus se fixent des règles à eux-mêmes. Il est le seul à garantir des lois
justes car nul ne s’impose des lois injustes à lui-même pense-t-il (à tort comme le
montrera ensuite Freud).
Au cours de sa réflexion Rousseau se rend cependant à l'évidence du fait que le
peuple peut parfois se tromper et qu'il peut donner son assentiment à des
opportunistes. Il prend donc conscience de la nécessité de l'éduquer. Son dernier
grand livre (déjà évoqué) Émile ou de l’éducation met en évidence ce qui servira
ensuite de modèle à l'éducation nationale. Il met en évidence un maitre rêvé, idéalisé

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qui prend en charge le destin de son élève et l'aide à se découvrir peu à peu. Voire
même ce maître va aller jusqu'à trouver à Émile la compagne qui le rendra heureux.
Dans ce livre Rousseau met en place un modèle d'éducation progressive - on
n'enseigne pas de la même manière à un enfant de 8 ans et à un « adolescent » de
18 ans - mais aussi - contre l'approche trop rationaliste et trop abstraite - Rousseau
plaide pour une éducation qui maintient toujours l'enfant dans un lien très étroit avec
la nature mais aussi le peuple (le jardinier joue ainsi un rôle dans l’éducation d’Émile)
et la nature et les sentiments.

Dans le code de l'éducation français contemporain on ne va pas jusqu'à exiger cela


des enseignants. Cependant, une des obligations qui est faite à celui-ci d'effectuer
une différenciation pédagogique mais également d'avoir le souci constant de
l'innovation. Sous un certain angle, Rousseau est l'inspirateur de cette
différenciation pédagogique. Mais est-elle possible dans un enseignement qui se
massifie de plus en plus (et qui avec les nouvelles pandémies risque de se faire de
plus en plus virtuel pour beaucoup d'enfants ?).
Rousseau - à travers son texte prônant malgré tout une éducation universaliste et
détachée de la religion ce qui n'était pas le cas à son époque - servira de guide
intellectuel à ce maitre rêvé - cet instituteur hussard de la République qui apparaîtra
plus tard au XIXe siècle en France et qui sera un des mythes du XXe siècle et de la
République scolaire.
Cette vision « idyllique » de l'enseignement universaliste républicain sera très
rapidement remise en cause dans les années 1960 et 1970 - en France notamment -
sous l'influence de deux auteurs Freud et Marx qui inspireront les penseurs français
Pierre Bourdieu et Michel Foucault.

II. L'éducation des Lumières et la remise en cause de leurs


pensées par les freudo-marxistes : Foucault et Bourdieu
L'idéal du bon maître - représenté par le vicaire savoyard - dans l'Émile de Rousseau
déjà évoqué- sera rapidement remis en cause dans les années 70. En effet, voulant
étendre le rêve de l'éducation pour tous, les pays occidentaux - l'Europe et les États
Unis en tête - se proposeront d'offrir cette éducation et cette culture à tous en créant
un enseignement massifié.

Ces années seront l'occasion d'une poussée soudaine de nombreux lycées, de


nombreuses universités publiques. Des institutions publiques scolaires - qui
n'existaient pas jusqu'à présent - verront le jour. Cette massification posera de
nombreux problèmes.

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Notamment, comment permettre cette émancipation des individus opprimés par


la logique moderne (la femme, l'enfant pauvre, etc.) dans des effectifs de
classes pléthoriques ? Comment y parvenir sans que cela ne créé une oppression
de l'enseignant sur qui tout le poids de cette éducation reposerait et alors que les
peuples se plaignent déjà de charges trop lourdes et d'un contrôle étatique trop
élevé ? Comment trouver un discours fédérateur et commun dans des effectifs de
classes hétérogènes et comment faire de la différenciation pédagogique avec des
effectifs de plus en plus conséquents ?

Pour répondre à cette question, des penseurs français - influencés à la fois par Marx
et Freud à savoir Michel Foucault et Pierre Bourdieu - donneront leurs réponses et
elles seront marquées par une profonde radicalité du propos. Pour ces auteurs, le
projet d'éducation de masse a toujours été un leurre et un paravent. En réalité,
selon eux, les classes dominantes n'ont jamais vraiment voulu diffuser la culture.

Dans un texte qui porte ce titre - et qu’il coécrit avec Jean-Claude Passeron -
Bourdieu évoque le terme de reproduction - terme emprunté aussi bien à la pensée
marxiste que Freudienne. Selon lui, une logique de type névrotique interdit aux
classes dominantes de penser autrement. Elles reproduisent toujours le même
mécanisme morbide en faisant croire qu'elles récompenseront les meilleurs alors
qu'en réalité, elles ne font que légitimer leurs privilèges par le truchement d'une école
uniquement tournée vers le seul maintien des prérogatives des plus puissants.
L’école républicaine et ses prétendus désirs d’égalité ne serait donc qu’un leurre pour
cet auteur.

Michel Foucault va plus loin dans cette approche. Ainsi, dans son essai intitulé
Surveiller et punir, il considère que l'enseignement, la transmission et la
récompense du mérite ne sont que des alibis à l'école. En réalité celle-ci
appartient au même modèle que la caserne et la prison. C'est une invention moderne
propre à quadriller la société pour mieux la surveiller et mieux asseoir les intérêts des
dominants qui craignent les révoltes et les rebellions. Elle discipline les corps tout
autant que les esprits. Elle ne veut pas émanciper les hommes. Elle souhaite
simplement – tout comme la loi – les surveiller et les contraindre. Sans trop
caricaturer cet auteur - considéré comme l'un des représentants de ce que l'on
appellera la pensée de mai 68 – l’école n'est (pour lui) qu'un alibi et une forme
déguisée de prison.

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Face à cette critique radicale, les systèmes éducatifs des pays occidentaux réagiront.
Ils mettront en place des systèmes de discrimination positive. Il s'agira alors d'aider
les collèges, les lycées et les universités en difficulté (et situés comme par le fait du
hasard dans les zones défavorisées des cités et du pays) en leur donnant plus de
moyens et en les dotant plus généreusement que les autres. Dans les années 70,
émergeront les zones d'enseignement prioritaire et quelques universités considérées
comme prestigieuses créeront des programmes destinés à accueillir des futurs
étudiants de milieux dit défavorisés. Ainsi le lycée du centre de Paris - Henri IV - a-t-il
créé par exemple des filières adaptées aux enfants de milieux socio-culturellement
défavorisés. Dans le même état d’esprit, l’université Paris Dauphine a créé le
programme égalité des chances qui vise la même population.

Le film Les grands esprits montre la faillite de ces logiques d’éducation prioritaire
dans certains collèges qui ne parviennent pas à sortir de leur logique de ghetto.
Il met en évidence, les logiques de fermeture qui se sont créées au sein de ces
établissements classés éducation prioritaire selon les anciennes appellations
françaises. Au contraire, le film d’Yvan Attal, Le brio, montre un aspect positif de cette
politique d'intégration des classes défavorisées dans les « grandes » universités
parisiennes.

III. La crise de l'éducation. Arendt et la crise de la culture


Face à une demande d'éducation plus adaptée pour les plus démunis qui se fera jour
dans le courant freudo-marxiste, un courant plus réactionnaire représenté par Hannah
Arendt et porté en France par Alain Finkielkraut ou Elisabeth Badinter prendra la
défense de ces héritiers qu'il faut pourtant éduquer.

Ces intellectuels engagés dans la vie de la cité, évoqueront la perte de substance


actuelle d'une éducation qui - sous la pression populaire et celle des parents désirant
- de plus en plus le succès de leurs enfants - a perdu de sa qualité et de ses
exigences. Ces penseurs mettront en évidence le risque - pour la démocratie - de ce
déclin culturel qui passe par un retrait de l'exigence qui avait - selon les penseurs
inspirés par Bourdieu - pour seul effet de défavoriser les plus défavorisés.

La logique « républicaine » pour ces auteurs - qui se situent dans la lignée d’Hannah
Arendt - les conduit à réclamer plus de littérature, plus de « contenu » et moins de
« pédagogie » au sein de l'éducation nationale en revenant (notamment) à des
examens et des notes plus sélectifs.

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L'école pour tous aurait, selon ces auteurs, conduit à une baisse considérable de
niveau qui à -terme - selon Arendt, dans son livre La crise de la culture - met en péril
la République elle-même. En effet dans nos sociétés où la religion a disparu, des
espaces de rencontre sociaux demeurent nécessaires afin de permettre d'assurer la
cohésion entre les différents groupes. Or l'école est ce seul espace permettant à la
fois à des personnes issues de classes défavorisées d'espérer un avenir meilleur
mais aussi de créer des liens à l'intérieur de la société. Toutefois, comment les aider
si - dans le même temps - le diplôme qu'ils décrocheront se dévalorise ?

Ces questions ne sont pas simples à résoudre et il semble bien difficile d'établir des
politiques nationales sur ces sujets tant les visions des uns et des autres sont
radicalisées et tant il semble difficile de faire entendre raison aux uns ou aux autres.
La raison sur le sujet, quelle est-elle ?

Les sociologues de l'éducation montrent en tout état de cause que la réalité du


terrain montre qu'il existe de plus en plus de disparités entre les établissements
scolaires au sein des pays occidentaux et à l'intérieur même de ces pays. Dans
certains lieux, le personnel et les enfants ont renoncé. Ils ne se battent plus ni pour
les héritiers ni pour les enfants en difficulté. Face à la « guerre » sociale qui existe
entre les différents groupes, ils ont jeté l'éponge. Dans d’autres établissements, au
contraire, de belles énergies sont à l’œuvre pour produire de la qualité pédagogique.
Nous assistons à une fragmentation qui s’accentue selon les territoires et les espaces
scolaires et universitaires, eux-mêmes souvent dépendants des espaces
géographiques et culturels qui se ghettoïsent de plus en plus.

Les sociologues américains expliquent à leur manière ces nouvelles disparités


éducatives au sein des territoires. Hilary Putnam a montré qu'en réalité la réussite
d'une école dépend des bonnes relations qui existent entre les individus (personnels
enseignants, parents, administration) et il indique que la réussite d'un établissement
scolaire dépend du fort capital social des parents (le capital social étant notamment le
« réseau de relations » de ceux-ci).

Outre les zones favorisées et celles qui le sont moins, que faire pour les classes
moyennes souvent délaissées et qui vivent dans des établissements scolaires aux
publics hétérogènes ? La création des classes dites « européennes » est une
réponse qui a cependant fait l’objet de vives critiques. Cependant, il semble difficile
à terme de créer des relations harmonieuses lorsque les écarts sociaux entre
les personnes sont trop importants et lorsque les inégalités se font de plus en plus
fortes : que ces inégalités soient matérielles, sociales, religieuses, ou culturelles. Les
malentendus s'accumulent si les médiations ne se font plus afin de permettre la
compréhension de chacun.

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Ces médiations semblent de plus en plus avoir de mal à se constituer. Elles sont
pourtant la seule réponse possible.

Face à des sociétés qui deviennent de plus en plus inégalitaires, il semble que des
poches existent au sein de nos sociétés. Dans certaines « zones », un certain retour
à l'ancien modèle semble en train de se recréer. Les individus se replient sur des
valeurs qui prônent la domination exclusive de l'homme et du père. Dans d'autres au
contraire cela peut être l'inverse, l'enfant et l'un des parents sont devenus roi. Ce n'est
que dans des cas et des lieux exceptionnels où règne un certain dialogue et une
certaine éthique de la discussion que les équilibres peuvent être encore maintenus.

Ces lieux sont de plus en plus rares et certains dénoncent - comme Christopher
Lasch - dans son livre La culture du narcissisme, une montée d'une guerre entre les
hommes et les femmes.
D'autres évoquent une guerre de générations. Dans ces contextes « guerriers », il
devient difficile de favoriser les équilibres si nécessaires pour permettre l'évolution et
l'émancipation de tous qui est le projet de liberté de la République. Être libre en effet
n'est-ce pas s'émanciper de ses contraintes internes et externes qui nous oppriment ?
Comment le faire dans cet univers en pleine mutation et en pleine crise que nous aide
à décrypter l'option humanités, littérature et philosophie ?

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