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INTRO:

L’historien ou l’ethnologue (celui qui étudie les cultures humaines) observant la diversité des
mœurs, en conclut que la morale est relative à la culture, dépendante de l’éducation et variable selon
les époques. Cependant le regard du philosophe tend à dépasser cette vision. N’y-a-t-il pas, au fond
de toute évaluation morale, une conscience universelle du bien et du mal? C’est ce qu’affirme Jean-
Jaques Rousseau dans La profession de foi du vicaire savoyard, dans laquelle le vicaire fait
l’apologie de la conscience morale au jeune Émile. Mais quel est plus exactement ce principe
fondamental de la pensée de Rousseau? En premier lieu, nous allons étudier la conscience comme
juge du bien et du mal et nous allons voir le rôle que tient l’éducation dans cette optique; puis en
deuxième lieu nous allons voir le caractère divin de la conscience morale.

1- Conscience morale : juge du bien et du mal, et rôle de l’éducation

Dans un premier temps, nous allons voir que selon Rousseau la conscience est la faculté qui permet
à l’homme de juger ce qui est bien de ce qui est mal.
Étymologiquement, le mot conscience vient du latin «cum scienta» qui signifie «accompagné de
savoir», mais la conscience a aussi un sens moral. Socrate, philosophe grec du Ve siècle avant JC,
est le premier à avoir développé l’idée de conscience critique. Il faut néanmoins souligner qu’il n’y
a pas de mot équivalent pour désigner la conscience en grec. C’est donc avec Rousseau que la
conscience morale a pris tout son sens.
Selon ce dernier, la conscience morale est une voix qui parle en nous, et qui nous permet dans notre
for intérieur de distinguer le bien du mal. Dans l'Emile ou de l’éducation, le vicaire résume bien
cette pensée par cette citation très importante : «Conscience ! Conscience! Instinct divin, immortelle
et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du
bien et du mal, qui rend l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fait l'excellence de sa nature et la
moralité de ses actions.» Rousseau veut ainsi nous expliquer, que notre âme abrite un principe inné
de justice et de vertu. La conscience morale, c’est cette faculté que la nature a déposée en chacun de
nous, et qui surpasse par sa vérité instinctive toutes les recommandations de la société ou de la
raison. D’ailleurs, Rousseau précise : «Tout ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être
mal est mal.» Par ailleurs, la conscience morale est un juge qui ne peut être trompé, qui demeure
toujours le même, inflexible. C’est donc un juge auquel on peut toujours se rapporter avec certitude.
De plus, Rousseau affirme qu’elle est universelle. Les différences de moralité entre les hommes ne
dépendent que de leur capacité ou de leur volonté à écouter cette voix. En effet, la conscience
morale de l’homme reste fiable pour peu qu’il sache entendre sa voix parmi les autres passions. «La
conscience est la voix de l’âme, les passions sont la voix du corps» observe Rousseau. Il affirme
que l’homme est mû par deux types de tendance : celles qui l’attachent à son corps, et celles qui
l’attachent au bien moral, plus spirituel. Il s’agit donc de faire taire les passions pour écouter la
conscience.
C’est là qu’intervient l’éducation, qui a un rôle fondamental. Pour bien comprendre le
raisonnement de Rousseau, il est nécessaire que nous parlions de son livre : le Discours sur l’origine
et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. Dans cette œuvre, Rousseau fait l’histoire
hypothétique des hommes sortis de l’état de nature pour entrer dans la civilisation. Ainsi, l’homme
de nature est bon, et ne désire que peu de choses, très simples à satisfaire. Cependant, l’homme
découvre très vite qu’il a les moyens de pourvoir à certaines difficultés (il invente donc par exemple
des techniques agricoles...). Il devient alors orgueilleux, ses désirs augmentent, et il cherche
constamment à être plus riche, plus puissant. La société a donc perverti les hommes.
Face à la corruption de la société, Rousseau affirme donc qu’il faut revoir l’éducation. Il propose
avec L’Émile un tout nouveau système pédagogique. Ainsi , il recommande que l’enfant soit livré à
lui-même, à l’écart des autres, dans la nature. Il faut l’éduquer en lui donnant le gout de la beauté
morale, en lui faisant retrouver l’innocence d’autrefois. Soumis à la résistance des choses, l’enfant
ne deviendra ni capricieux, ni tyrannique. Il faut aussi apprendre à l’enfant ce que signifie le bien et
le mal,à l’inviter à suivre sa conscience, pour bien se comporter face à l’autre. Ainsi éduqué, il sera
capable de s'insérer dans une authentique société, c’est ce que Rousseau développe dans le Contrat
social.
La conscience morale est donc juge du bien et du mal, mais pour Rousseau, elle tient aussi son
origine du divin.

2- Caractère divin de la conscience morale

Nous allons maintenant nous pencher sur le caractère divin que Rousseau confère à la conscience.
En effet, il voit en la conscience morale ce à quoi l’homme doit sa dignité, l’élevant au rang même
de Dieu : il parle ainsi de la conscience comme de «l’instinct divin». Mais pourquoi ce caractère?
Rousseau part du principe que Dieu existe, qu’il est bon, nous aime, et souhaite la conservation de
l’humanité. Or Dieu a placé en nous la raison, instrument faillible : «Trop souvent la raison nous
trompe» nous prévient-Rousseau. En effet, notre raison est souvent pervertie par nos passions, nos
désirs qui nous aveuglent. Pour compenser ce défaut, Dieu nous aurait donc fourni d’une autre
faculté : la conscience. Comme nous l’avons déjà dit, la conscience permet à l’homme de juger le
bien du mal. C’est un sentiment inscrit en l’homme qui lui donne une forme de clairvoyance face à
la raison qui peut être faillible. «La conscience ne trompe jamais, elle est le vrai guide de l’homme»
nous dit Rousseau. Et elle est divine, car elle prolonge l’amour que Dieu peut avoir pour les
hommes; elle est le prolongement de la bonté divine en justice humaine. Et c’est donc seulement à
ce titre que l’homme doit sa dignité.
De plus, Rousseau nous dit : «Dieu m’a donnée la conscience pour aimer le bien, la raison pour le
connaître, la liberté pour le choisir». La conscience morale est donc la base de tout, et elle permet à
la raison et à la liberté de connaitre le bien et de le faire. Nous pouvons d’ailleurs souligner que le
mal s’attache essentiellement à la liberté puisqu’il réside dans le fait que l’homme abuse de sa
liberté.

CONCLUSION:
En conclusion, la conscience est pour Rousseau la faculté divine que la nature a posé en nous, et qui
nous permet de distinguer le bien du mal. C’est avant tout un sentiment. Cette conscience morale a
d’ailleurs donné en français de nombreuses expressions, comme «avoir un poids sur la conscience»,
«avoir la conscience tranquille», ou encore «en son âme et conscience».
Cependant cette théorie rencontre des opposants comme Hobbes, qui affirme que l’homme est un
loup pour l’homme ( homo homini lupus), et que la nature humaine tend à la destruction de l’autre
pour la préservation de soi («la loi de la jungle» en quelque sorte). Mais on peut aussi penser à
Diderot qui tempère l’optimisme de Rousseau sur la primauté de la conscience morale par cette
remarque ironique : «La voix de la conscience et de l’honneur est bien faible quand les boyaux
crient.»

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