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Chqpitre I: Quelques approches de la conception humaine.

Dans ce chapitre; nous nous proposons de revenir sur l’évolutin historique de


la pensée anthropologique portant présentement sur la nature humaine, sur ce qu’est
homme. L’anthropologie philosophique à la différence des autres branches de
l’anthroplogie, ne se sert pas des données scientifiques ou empiriques. Elle est une
discipline qui se veut authentiquement synthétique. Autrement dit, l’anthroplogie
philosophique est une réflexion spéculative ou discursive qui prend l’être humain
comme objet d’attention et qui le place au centre de ses préoccupations.

Ainsi, pour être précis, elle est une spéculation s’appuyant sur des
raisonnements rationnels et logiques concernat la nature humaine ou sur l’homme et
son devenir. Pour ce faire, dans l’anthroplogie philosophique, nous avons plusieurs
tendances ou écoles. Comme l’indique le titre de ce chapitre, ces écoles ou courants
philosophiques ont chacune une approche différente et spécifique sur leur conception
de l’homme selon qu’elles accordent de l’importance ou la prédominance à l’une des
dimensions principales ou essentielle de la réalité humaine telle que: la spiritualité, la
rationalité, la vie biologique, la vie physique ou la vie sociale.

Nous distingons pour cela entre autres: l’approche rationaliste, la conception


chrétienne, l’approche naturaliste, le psychanalime, le marxisme et enfin,
l’existentialisme. Cependant, nous ne retiendrons que les trois prémières dans ce
chapitre pour des raisons historiques, car elles ont aussi servi de préalable historique
ayant directement ou indirectement influencé la pensée de Jean Jacques Rousseau.
Vue que ce dernier est avant tout un grand admirateur de la philosophie traditionnelle
antique grecque.

Ainsi, dans la présentation de ces différentes approches, nous allons structuré


notre travail autour de deux axes; d’abord, les fondements théoriques de chaque
approche, puis ensuite, leur vision de l’anthroplogie philosophique à proprement dite.

1.1. La conception rationaliste de la nature humaine.

Le rationalisme est un courant philosophique qui fait de la raison le trait


distinctif de l’être humain par rapport aux autres êtres. Il prône le primat de la raison
comme un privilège fondamental dont, de tous les êtres vivants, l’homme serait le
seul tributaire. Dans ses fondements théoriques, la raison occupe une place
prépondérante dans la définition même de l’homme. Pour le rationalisme, l’homme
est par nature un être naturellement doté de raison. Et, c’est grâce à cette dernière et
les fonctions qui lui sont propres, que l’homme parvient à se déttacher , voire même, à
s’opposer à la nature. Pour le rationalisme, le monde et les phénomènes qui s’y
déroulent sont compréhensibles par la raison humaine.

En d’autres termes, le réel peut-être appréhendé par la raison, et cela grâce à


ses fonctions logiques et cognitives sans récours aux réalités mystiques ou divines.
C’est par la fonction logique de la raison que l’être humain peut former un langage
bien articulé grâce auquel les êtres humains peuvent entreprendre des conversations,
donc de la communication, elle-même condition de l’association des hommes. Par sa
fonction cognitive, la raison offre une explication rationnelle de la réalité plutôt que
de se fier uniquement aux apparences. Dans la mise en avant de cette raison
discursive comme caractéristique fondamentale de la nature humaine, donc de la
faculté de parler, l’apport du philosophe de l’ère socratique, Isocrate, apparait très
instructif sur ce point:

La parôle (...) est à l'origine des biens les plus grands. En effet, de tous nos autres
caractères aucun ne nous distingue des animaux. Nous sommes même inférieurs à
beaucoup sous le rapport de la rapidité, de la force, des autres facilités d'action. Mais,
parce que nous avons reçu le pouvoir de nous convaincre mutuellement et de faire
apparaître à nous-mêmes l'objet de nos décisions, non seulement nous nous sommes
débarrassés de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis pour construire des
villes; nous avons fixé des lois; nous avons découvert des arts et, presque toutes nos
inventions, c'est la parôle qui nous a permis de les conduire à bonne fin.

C'est la parôle qui a fixé les limites légales entre la justice et l'injustice, entre le mal et
le bien; si cette séparation n'avait pas été établie, nous serions incapables d'habiter les
uns près des autres. (...) C'est grâce à la parôle que nous formons les esprits incultes et
que nous éprouvons les intelligences; car nous faisons de la parôle précise le
témoignage le plus sûr de la pensée juste; une parôle vraie, conforme à la loi et à la
justice, est l'image d'une âme saine et loyale. C'est avec l'aide de la parôle que nous
discutons des affaires contestées et que nous poursuivons nos recherches dans les
domaines inconnus.

Les arguments par lesquels nous convainquons les autres en parlant, sont les mêmes
que nous utilisons lorsque nous réfléchissons; nousappelons orateurs ceux qui sont
capables de parler devant la foule et nous considérons comme de bon conseil ceux qui
peuvent sur les affaires s'entretenir avec eux-mêmes de la façon la plus judicieuse. En
résumé, pour caractériser ce pouvoir, nous verrons que rien de ce qui se fait avec
intelligence, n'existe sans le concours de la parôle; la parôle est le guide de toutes nos
actions comme de toutes nos pensées; on recourt d'autant plus à elle que l'on a plus
d'intelligence1.

Isocrate(436-338. av. J.C) est un philosophe de l’ère socratique à Athènes. Dans ce


passage, il essaie de nous convaincre conernant la place qu’occupe la parôle d’abord
dans la définition de la nature humain. Ensuite, du rôle qu’elle joue dans la
construction de la société et de la concorde sociale. Pour lui, l’homme serait le même
que les animaux sous divers rapports, voire même, lui être inférieur. Or c’est grâce au
langage articulé, donc à la parôle qui, elle-même conditionnée à la faculté de
raisonner, que la nature humaine se différencie de celle du reste du règne animal. Bref,
pour Isocrate, l’homme est par nature un être doué de langage.

1 Isocrate, Nicoclès, Discours, tome II, Paris, Les Belles Lettres, 1942, p. 121.
En effet, ce qui caractérise l’être humain en propre, c’est la parôle. C’est grâce
à elle que l’on parvient à distinguer l’homme de l’animal, et par suite, lui permet de
s’émanciper de la vie sauvage. C’est elle qui dote l’homme de la capacité à
développer des techniques et des arts. Sa maîtrise de la parôle lui permet aussi de faire
économie des discordes individuelles ou collectives, car les arguments qui permettent
de régler les différents conflits, font également récours aux mêmes règles de
l’intelligence qui rendent possible la connaissance du réel, c’est-à-dire le
raisonnement logique. En faisant de la parôle l’expression même de la raison, Isocrate
en fait le trait dinstinctif de l’être humain.

La question du bien et du mal est aussi une question liée à l’usage de la parôle.
En effet, si la raison est la condition siné-qua-non de la parôle, et donc de la
communication, et si elle est aussi le dénominateur commun à tous les hommes, il
n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas davantage admise cependant, comme la
condition de la bonté. Pour Isocrate, la nature humaine ne serait pas d’emblée bonne
ou mauvaise. Aux yeux d’Isocrate, certains hommes seraient bons par nature et
d’autres non. Ceux-là qui sont bons naturellent peuvent continuer à s(améliorer pour
accéder à la vertu qui est le plus haut dégré de sagesse et de bonté. Il y’a donc chez
Isocrate un déterminisme naturel qui prédisposerait les uns à la vertu et les autres, à
l’errance.

On peut continuer à approfondire cette thèse en faisant intervenir un maître et


son disciple, Socrate et Platon, ils s’inscrivent tous les deux à peu près dans la même
logique que Isocrate. Tout comme Isocrate, l’auteur de la Republique et du Parménide
met en avant le caractère privilegié de la raison, mais dans un tout autre registre ou
style. Platon ne donne jammais une définition claire et nette de la nature humaine.
Pourtant, elle se trouve profondément encrée dans les dialogues de Platon de facon
regulière si l’on sait faire preuve d’attention et de pratique. Pour comprendre ce qu’est
la nature humaine chez Platon, il est nécessaire d’abord de comprendre sa théorie des
idées. La théorie des idées consiste chez Platon dans la conception de deux mondes: le
monde des idées et le monde sensible. Ces deux mondes constituent deux réalités ou
deux entités substantielles distinctes dont l’existence de l’un n’est que la photocopie,
voire le reflet de l’autre.

Le monde des idées, c’est le monde intelligible ou encore le monde des


essenses. Ce monde n’est accessible uniquement que par la raison, à cause que cette
dernière procède de l’âme. Il est dit monde des essenses parce que c’est ici que
résident: le Bien; le Beau; le Vrai, autrement dit, ce monde renferme la vraie nature de
tout ce qui existe sur terre et dans les cieux. C’est par lui que les choses sont ce
qu’elles sont. C’est le monde intelligible qui confère aux êtres vivants le principe de
leur vie. Il s’agit bien évidemment de l’âme, l’âme est le principe de vie de tous les
êtres vivants dans le monde sensible. Il s’ensuit donc que l’homme participe à la fois
au monde intelligible de part son âme et au monde sensible de part son corps.
Cependant, l’âme à la faculté de domminer le corps grâce à l’usage de la
raison qui lui permet de distinguer le bien du mal et de s’élevér au-dessus des caprices
du corps comme l’écrira Victor Goldschmidt:

Le corps est proposé à l’âme comme une matieère qu’elle devra sans cesse
transformer à sa propre ressemblance, après qu’elle-même aura imité les formes.
L’âme a pour office de faire pénéttrer les lois immuables de l’harmonie, qui règnent
sans contestation dans le monde celestre, en elle-même et dans le corps. Par la
gymnastique et par la danse, elle fait imiter au corps les belles moeurs et les beaux
caractères qu’ele-même a obtenus en imitant les formes2

Autrement dit, l’âme c’est parce qu’elle a déjà contemplé les belles choses et donc le
bien dans l’au-délà, qu’elle a le devoir de dompter les pulsions et aversions du corps
afin de les conduire sur le chemin du bien et de la justice. Or, le bien pour l’âme, donc
pour l’homme, consiste à faire ce pourquoi elle est destinée, celui d’imiter le Bien
supprême. Mais cela consiste pour l’âme une certaine connaissance ou sagesse. Le
corollaire de cette affirmation est que le mal réside dans l’ignorance de l’homme
lorsqu’il se meprend sur ce qu’est le bien et la bonne manière de l’accomplir. Ainsi,
pour Platon, le bien ne peut engendrer le mal, car cela est contraire à sa nature. Dieu
ou le Bien suprême, n’est pas la cause du mal qui règne sur la terre comme il l’écrit
dans le deuxième livre de La Republique:

Ce qui est bon n’est donc pas cause de tout ; il est cause du bien, mais il n’est pas
cause du mal. [...]. Ainsi Dieu étant essentiellement bon, n’est pas cause de tout,
comme on le dit souvent ; il n’est cause que d’une petite partie des choses qui nous
arrivent, et non pas du reste ; car nos biens sont en petit nombre, en comparaison de
nos maux ; or il est la seule cause des biens, mais pour les maux, il faut en chercher la
cause partout ailleurs qu’en lui.3

Bref, selon Platon « l’être réel et réellement immortel que nous sommes s’appelle
âme»4. L’une des difficultés de cette théorie est bien-sûr la négation non seulement du
monde materiel mais aussi et surtout du corps humain. Or l’opposition à cette
conception de l’homme vient de son plus célèbre disciple. Il s’agit de la figure
d’Aristote dit le stagirite(-385-322). S’il est d’accord avec Platon sur l’idée que la
raison doit permettre à l’homme de vivre dans une communauté politique, il recuse
par ailleur la théorie de séparation de l’âme d’avec le corps. Pour Aristote, l’âme égale
à vie. C’est elle qui permet aux vivants d’user des fonctions mécaniques de leur corps.
Si dans le règne animal, certains animaux courent plus vite ou qu’ils peuvent vivrent
dans l’eau voire-même , capablent de parler, c’est parce qu’il y’a une différence
d’âme.

2
Victor Goldschmidt, Platonisme et pensée contemporaine,. Paris : Vrin, 2000, [en ligne]:
http://books.openedition.org/vrin/5912>. ISBN : 9782345001485..consulté le 16 juillet 2023.
3
Platon, La République. II, Trad. Victor Cousin, Exporté de Wikisource le 26 juillet 2023.
4
Victor Goldschmidt, Op. Cit.
En effet, Aristote distingue trois types d’âmes: l’âme végétative (propre à la
flore), l’âme sensitive ( propre aux règne animal), l’âme raisonnable (propre
uniquement à l’homme). contrairement à Platon, l’âme chez Aristote ne peut survivre
en déhors du corps. Cela remet en question la théorie de l’immortalité de l’âme dans
la vision Platonicienne, car aux yeusx d’Aristote, l’âme est mortelle au même titre que
le corps. Il n’y a donc pas de séparation possible entre l’âme et le corps. Ils forment
tous les deux une seule et même substance et c’est sous le rapport de cette unité que
l’homme se donne comme une entité substantielle autonome. La nature de l’âme
consiste dans le raisonnement logique, dans sa capacité de générer des idées.

Aux yeux d’Aristote, c’est la possession de la raison qui fait de l’être humain
non pas un animal sociable, ce que sont d’ailleur certaines espèces animales qui
vivent en communauté, mais plutôt un animal politique. L’homme est donc par nature
un animal politique. Le mot politique recouvre ici une importance capitale voire,
décisive dans la déffintion aristotélicienne de l’homme. L’homme est un animal
politique signifie que de tout le règne animal, c’est l’être humain qui est le seul dont
l’organisation sociale est la plus élevée de tous. La conclusion de cette conception est
en quelque sorte, la négation de l’état de nature. Car, si l’être humain est par nature un
animal polique, on peut donc en déduire que la société civile est aussi naturelle, et la
conclusion à cette déduction est que l’état de nature n’a probablement jamais existée.

A l’instar de Platon, Aristote situe le mal dans l’ordre de l’ignorance, le mal


d’après lui résulte de la maladdresse. Personne selon lui, ne désire volontier faire le
mal. Par contre, l’on peut mal vouloir le bien. L’homme n’est donc pas naturellement
mauvais. Le bien nécessite pour l’homme une certaine sagesse, c’est-à-dire, une
certaine connaissance du bien et de comment bien agir afin de se coformer à la nature
de notre âme, qui est celle d’être toujours dirigée vers le Souverain Bien. Même si la
démonstration d’Aristote est sans doute pertinente, il n’en demeure pas moins qu’elle
susciste des reserves chez certains auteurs qui ne manquent pas de s’y opposer
farouchement comme c’est le cas du philosophe francais du XVIIe siècle, Réné
Descartes (1596-1650), précurseur de la modernité selon Hegel.

Descartes oppose au monisme d’Aristote une critique radicale en récusant ce


qu’il considère comme une confusion dans la théorie aristotélicienne de l’être selon
laquelle l’âme est la forme du corps sans quoi elle ne saurait exister. contre cette thèse,
Descartes oppose que l’âme et le corps sont tous les deux concevables
indépendamment l’une l’autre. Aux yeux de Descartes, l’homme est naturellement fait
de corps et d’âme, deux réalités ou entités substantielles unies grâce à l’intervention
de Dieu. Pour Descartes, l’âme, c’est la substance pensante, sa nature ou son essense
est de penser, donc de raisonner. Le corps, c’est la substance matérielle dont la nature
ou toute l’essense est l’étendue. Autrement dit, l’élément essentiel ou l’attribut
principal des deux substances est respectivement la pensée pour l’âme, et l’étendue
pour le corps.

Pour Descartes, l’âme n’appartient qu’à l’homme et ne concerne que sa faculté


de penser. Dans sa contribution à la compréhension de la nature humaine, la pensée
apparait à ses yeux comme la condition, sinon la source de la connaissance, laquelle
tient d’ailleur sa légitimité d’une démonstration rationnelle. Et s’il advient que la
liberté de la volonté conduit l’homme à agir à l’encontre de l’entendement, cela ne
résulte pas de nature de l’homme, qui n’est d’ailleurs ni bon ni mauvais par nature,
mais plutôt d’une erreur de jugement de la part de raison. En claire, l’homme
cartésien n’est ni bon ni mauvais par nature. Le mal surgit d’une imperfection de
l’action humaine qui elle-même est liée à l’ignorance de l’être humain. Car il est de
la fonction de la raison de bien distinguer le bien d’avec mal.

En définitive, on peut retenir de l’approche rationaliste les conclusions


suivantes: l’homme est un animal mais un animal pas comme les autres. Il est animal
en ce ses que du point de vue de sa constitution physiologique, biologique et affective,
il partage avec les autres animaux beaucoup de choses en commun. Cependant, il est
de très loin un animal spécial car doté d’une faculté très spéciale qui le différencie et
le met au-dessus des autres animaux. L’homme est donc par nature un être doué de
raison et se distingue des autres par sa capacité à s’en servir. La raison est la faculté
permet de distinguer le vrai du faux; le bien du mal. De ce fait, elle est de surcroit, ce
qui définit l’homme en propre. C’est elle qui permet à l’homme de connaître le monde
et le réel sans forcément recourir à des causes extérieures. Le bien et le mal ne
découlent pas directement de sa nature, mais de sa faculté de bien juger ou de bien
distinguer ce qui est bon de ce qui ne l’est pas. Voilà donc en quoi consiste la
conception rationaliste de la nature humaine. Neanmoins, une interrogation subsite
tout de même: comment se fait-il que l’homme accorde une confiance absolue en la
raison humaine alors même que nous savons qu’elle est belle et bien faillible à
plusieurs titres?

C’est justement la question à laquelle le prochain chapitre de notre travail se propose


d’apporter quelques pistes de réflexion.

1.2. la conception chrétienne de l'être humain.

Ici, notre effort sera consacré à mettre en lumière la conception chrétienne de


la nature humaine et comme d'habitude nous commencerons par exposer les
fondements théoriques du christianisme, puis ensuite, nous nous attaquerons à son
approche anthropologique.

Le christianisme est la religion révélée par le Christ. L'attitude religieuse, pas


seulement le christianisme mais de toute autre religion, se distingue nettement de
l'attitude rationaliste exposée ci-dessus. Avant d'entrer dans le vif du sujet, il importe
de dire ce que désigne le terme religion. Le mot religion est tiré du latin «religare»
voulant dire relier. Ce terme renvoie de surcroit à une relation qu'un humain ou un
groupe d'hommes entretient avec le domaine du sacré. Etre religieux au sens strict
signifie qu'il faut croire qu'il existe un ordre de réalité qui transcende le monde
physique ou la réalité matérielle, sensible, palpable.
La religion est donc un domaine où l'homme se trouve engagé dans une
relation d'amour accompagnée d'adoration d'un être ayant une dimension immatérielle
qui rend compte de la réalité matérielle et lui donne son sens véritable. Bref, la
religion c'est le domaine du sacré, basée sur un certain nombre de croyances qui sont
entre autres: la foi à l'existence d'un Dieu transcendant ou d'un Dieu créateur de
l'univers et des êtres qui constituent en quelque sorte ses manifestations, ses signes,
que nous retrouvons dans les textes sacrés ou directement véhiculés par la bouche des
prophètes. La croyance en une vie après la mort et l'appréhension de l'âme humaine
comme une entité substantielle de vie spirituelle indestructible.

En clair, et comme nous pouvons le constater, la croyance religieuse ou du


moins, l'attitude religieuse consiste donc en quelque façon à se contenter des réponses
données dans les textes sacrés par rapport aux interrogations suivantes: qu'elle est
l'origine de l'univers? Ou en d'autres termes, pourquoi y'a-t-il quelque chose plutôt
que rien? D'où vient l'homme et quel est le sens de sa vie ? Y'a-t-il une définition
absolue du bien et du mal qui.puisse guider l'action de l'homme ?

Dans ses fondements théoriques, comme dans tout autre religion, le débat chez
les penseurs et les théologiens chrétiens, tournait autour du rapport entre La foi et la
raison: faut-il croire pour comprendre ? Ou bien faut-il d'abord comprendre pour
croire ? Laquelle d'entre les deux propositions est prioritaire dans connaissance de
Dieu? Si l'on se situe du côté de la première position( interrogation), alors on
affirmera Que la foi précéde la raison parce que, ce pour quoi la raison humaine est
destinée, ne peut être atteint sans l'appuie de la foi. Autrement dit, c'est la foi qui
confère à la raison humaine ses objets de réflexion, comme l'écrit le théologien et
philosophe de l'antiquité tardive, Saint Augustin (354-430) en ces termes :

Dans les choses qui appartiennent à la doctrine du salut et que nous ne pouvons pas
comprendre encore, mais que nous comprendrons un jour, il faut que la foi précède la
raison: elle purifie ainsi le coeur et le rend capable de recevoir et de supporter la
lumière de la grande raison. Aussi est-ce la raison même qui parle par la bouche du
prophète quand il dit: Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (Isaïe, VII, 9)!
(...) Si donc il est raisonnable que la foi précède la raison pour accéder à certaines
grandes vérités, il n'est pas douteux que la raison même qui nous le persuade précède
elle-même la foi: ainsi il y a toujours quelque raison qui marche devant5

Autrement dit, la faculté de comprendre les textes par la raison est


indissociable de notre capacité à croire. D'où il résulte que, la doctrine du salut ne
peut être comprise par le seul emploi de la raison sans le concours ou l’appui
préalable de la foi. Nous pouvons également souligner que ce extrait met aussi en

5
Saint Augustin, Les grands textes de la philosophie, Paris, Bordas, 1968, p. 73-74.
apostrophe le fait qu'il existe deux types de vérités relevant chacune de deux modes
différents de compréhension : d'une part, une vérité accessible à la raison et d'autre
part, une vérité que seule la foi peut appréhender. Nous trouvons les mêmes propos
chez Pierre Abbelard qui ecrit en ces termes:

Il est donc salutaire de croire ce qui ne peut être expliqué; d'abord et surtout parce que la
faible raison humaine ne peut expliquer que peu de choses, ensuite parce que si la
proposition était évidente aux yeux de la raison, il n'y aurait pas lieu à la foi; parce que,
enfin, ne croire qu'en se fondant sur des preuves humaines souvent fautives et qui ne sont
pas des preuves, c'est renoncer de croire à Dieu parlant par ses saints6.

Ainsi que chez Saint Anselme : «Et je ne cherche pas à comprendre pour
croire, mais je crois pour comprendre. Car, je crois aussi que je ne pourrais
comprendre si je ne croyais pas»7. Anselme et Abbelard sont tous les deux en accord
sur le fait qu'il y’a des vérités ou raisons, que la raison elle-même ignore; qu'il y'a des
vérités ou des raisons que la raison elle-même est incapable de pénétrer. Pour eux,
c'est la foi qui purifie le coeur afin de rendre réceptif aux vérités inaccessibles à la
raison. Au prise de cette situation, la raison, cependant est non négligeable, celui de
rendre rationnelles les parties de textes qui apparaissent irrationnelles et confuses pour
les profanes. Toutefois, elle devra suivre sinon se soumettre à la foi sur les questions
relevant du salut et de la félicité.

Ainsi, tels sont les fondements de la conception chrétienne de l'homme que


l'on peut énumérer comme suit: Dieu est unique ; il est transcendant; immatériel et
invisible; il est pur esprit et surtout éternel, car n'ayant ni commencement ni fin. Dieu
en tant que créateur et tout puissant, les phénomènes de l'univers entier peuvent être
appréhendés comme les expressions et les manifestations de son existence. En
d'autres mots, la réalité spacio-temporelle constitue le témoignage irrécusable de
l'existence de Dieu.

L'univers physique, matériel que nous contemplons tous les jours, cet univers
ainsi que l'ordre qui le régit, ne peuvent être que l'oeuvre d'une intelligence supérieure
qui l'a créée et qui le gouverne grâce aux lois physico-biologiques et chimiques.
L'univers ainsi que les êtres qu'il abrite pouvaient tout simplement ne pas exister si
Dieu le créateur ne les avait pas faits passer de la non existence à l'existence. En
6
Pierre Abelard, Theologia Christiana, Livre III, dans F. J. Thonnard, Extraits des grands philosophes,
Paris, Desclée et cie, 1963, p. 293.

Saint Anselme,Theologia Christiana, Livre III, dans F. J. Thonnard Extraits des grands philosophes,
7

Paris, Desclée et cie, 1963, p. 295.


absence donc de Dieu, la vie humaine n'aurait aucun sens. Car, la croyance à
l'existence d'un Dieu bienfaisant permettrait aux êtres humains qui se conduisent en
fonction du bien et du mal, d'échapper à l'emprise du mal et de la souffrance afin
d'accéder au bonheur. Dieu est un être de bonté, l'existence même de l'univers est une
preuve irréfragable de sa bonté.

Du point de vue de l'anthropologie fondamentale, comme nous pouvons le


constater dans la Genèse:

Dieu dit: « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils
dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes
sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre.» Dieu créa l'homme à son
image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur
dit : «Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les
poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre.»
Dieu dit: «Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la
surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence: ce sera votre
nourriture. À toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe
sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure des
plantes» et il en fut ainsi. Dieu vit tout ce qu'il avait fait: cela était très bon. Il y eut un
soir et il y eut un matin: sixième jour8

L'homme est à l'instar des autres êtres, un être créé, c'est-à-dire, une créature
au même titre que les animaux, en ce sens qu'ils sont tous le produit d'une création.
Cependant, l'homme n'est pas de parenté avec les animaux. Au fait, la parenté entre
l'homme et l'animal n'est en réalité que le résultat des recherches et des réflexions de
l'homme. Pour le christianisme, ils ne sont donc pas semblables des animaux. L'être
humain en tant que tel, est l'oeuvre d'un acte volontaire de la part de son créateur. Il
n'est tout simplement qu'une pure créature au sens strict du terme. Il doit son être et
son existence non pas à un coup du hasard, mais plutôt à Dieu qui l'a façonné à sa
propre image. Ce privilège de ressemblance avec le divin est rendu possible grâce à
son âme dont il a été doté et qui lui sert d'intermédiaire entre lui et Dieu. Grâce à son
âme, l'homme doit pouvoir dominer le monde et régner sur les autres êtres. L'âme
apparaît dans ce registre comme un instrument de triomphe.

Néanmoins, ce qui fait fondamentalement la différence entre l'homme et les


autres êtres, ce n'est pas tant sa capacité de raisonnement ou même à tenir un langage
déchiffrable et bien articulé. Mais, ce qui fait qu'il est ce qu'il est et qui fait son
propre, c'est la dimension spirituelle de son être, conférée par le créateur lui-même.
D'où sa dimension spirituelle :

En raison de son union substantielle avec une âme spirituelle, le corps humain ne peut
pas être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d'organes et de fonctions;

8
Le livre de la sagesse, dans La Bible de Jérusalem, Paris, Les Éditions du Cerf, 1981, p. 32.
il ne peut être évalué de la même manière que le corps des animaux, mais il est partie
constitutive de la personne qui se manifeste et s'exprime à travers lui. (...)9 .

La pensée chrétienne partage avec la conception rationaliste un certain nombre


de points en commun. En effet, elle ne remet pas en question la dualité physico-
biologique de l'homme, à savoir que, l'homme est constitué de corps et d'esprit, ou
encore, de chaire et de l'âme. Et, qu'il est régi par les mêmes lois universelles: de
génération, de succession, de corruption, de dégradation et de finition propres aux
organismes vivants.

La dualité rationaliste se trouve engloutie au sein d'un monisme ou d'une unité


de pensé, de sentiment ainsi que de l'action. Il est plus que cette unité, il est plutôt une
personne qui possède une valeur irremplaçable absolue. L'être humain acquiert dans
la conception chrétienne un tout nouveau statut, celui de personne. Il est donc par
définition, une personne, et la personne humaine devient une valeur incomparable et
inégalée propre à la nature humaine. C'est ce qui apparaît dans la congrégation pour la
doctrine de la foi :

Jean-Paul II rappelait avec force à l'Association Médicale Mondiale: «Chaque


personne humaine, dans sa singularité absolument unique, n'est pas constituée
seulement par son esprit, mais par son corps. Ainsi, dans le corps et par le corps, on
touche la personne humaine dans sa réalité concrète. Respecter la dignité de l'homme
revient par conséquent à sauvegarder cette identité de l'homme10

Si Dieu est bonté, et que sa création est la manifestation et le témoignage de


cette bonté, alors comment expliquer la présence du mal qui opère sur la terre? Les
penseurs et théologiens chrétiens ont essayé d'apporter des réponses diverses et
variées à ce sujet. Parmi les réponses qui ont été apportées à cette problématique, il
y'a celles proposées par Saint Augustin, qui rejette la conception dit « manichéenne »
selon laquelle, le bien et le mal constituent des réalités substantielles comme le
rapporte Michel Sourisse dans son article :

Une fois converti au catholicisme, il devient intransigeant et sarcastique. Il critique


les mœurs alimentaires des Manichéens, qu’il juge superstitieuses et ridicules. Il raille
sans la moindre charité (lui qui a tant parlé de l’amour !) leur conception du Salut «
par la dent et l’estomac » (.... ) Et surtout, il s’insurge contre des conceptions aussi
grossières de la divinité : des parties de la Substance divine égarées dans la nature,
quel non-sens théologique ! C’est oublier d’abord, ce que tout philosophe sait bien,
qu’une substance est une monade indivisible : elle ne peut donc pas avoir des parties.

9
Congregation pour la doctrine de la foi, Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la
dignité de la procréation, Montréal, Les Éditions Paulines, 1987, p. 10-11.

10
Idm.
C’est rabaisser d’autre part le Dieu transcendant et un que de le mélanger avec la
matière. Mais le grief principal que saint Augustin adresse aux Manichéens est leur
négation du libre-arbitre : erreur grave à ses yeux, car elle remet en question tout
l’édifice conceptuel qu’Augustin a construit sur la base du péché originel. Si, par
hypothèse, un tel péché existait, il ne faudrait pas en chercher la cause dans un
mauvais choix initial. Car il y a en nous une puissance mauvaise qui nous détermine à
notre insu et qui enchaîne notre liberté. On peut, à la rigueur, continuer à parler de
péché, à condition de préciser qu’il est et sera toujours involontaire. Car « ce n’est pas
moi qui pèche, mais un autre, quelqu’un ou quelque chose qui n’est pas moi11

Or, les corollaires de cette acception sont nuisibles pour l'image d'un Dieu de
bonté et de ses créations. Mais, tout d'abord, qu'est-ce que le manichéisme? Le
manichéisme est un courant religieux et philosophique qui vit le jour dans l'ancien
empire Perse dont le fondateur s'appelle Mani, ou en persan Manès. Pour le
manichéisme, l'homme est le fruit de collision entre deux mondes: le monde des
lumières qui est aussi le monde du bien ; et le monde des ténèbres, c'est-à-dire, le
monde du mal.

Pour les partisans de cette conception du réel, la nature humaine est double.
Elle est faite de corps et d'âme. Le corps appartient au monde des ténèbres alors que
l'âme provient de celui des lumières. La nature humaine est donc à la fois bon et
mauvais. Autrement dit, l'homme est naturellement habité par le bien et par le mal.
D'où il résulte que, le bien et le mal sont constitutifs au monde et aux êtres. Par
conséquent, ils existent comme des entités substantielles, absolues et indépendantes.

Pour Saint Augustin, cette conception du manichéisme est inacceptable et


inadmissible à plusieurs titres: d'abord, cela suppose que Dieu n'est pas éternel,
puisqu'il existe des entités autonomes qui précederaient la création. Ensuite, cela
remet en cause le principe de bonté de Dieu: « Il ne faut pas dire non plus que cette
matière que les Grecs appellent « hylé » est le mal... Et comme tout bien est par Dieu,
il ne faut pas douter que cette matière, si elle existe, n’est que par Dieu »12 Le rejet
du manichéisme par Saint Augustin est basé sur la conviction que Dieu est
naturellement Bon, et par conséquent, les choses qui sortent de ses mains ne sont pas
naturellement mauvais, à plus forte raison l'homme dont il a créé à son image.

Autrement dit pour Augustin, le mal vient du péché originel qui est dû au
désobéissance commise par Adam dans le jardin. Mais pas au point de priver l'homme
de l'usage de son libre arbitre:

11
Michel Sourisse , Saint Augustin et le problème du mal : la polémique anti-manichéenne, [ en ligne ],
https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2007-1-page-109.htm, consulté le 20, juillet
2023.

12 Idem.
Toutefois le péché d’Adam, s’il a détruit l’ordre initial voulu par Dieu, n’a pas
perverti l’être humain au point de le priver de l’usage de son libre-arbitre. Depuis son
expulsion du jardin d’Eden, l’homme est déchu, certes, mais pas au point de perdre le
pouvoir de choisir. Il est donc pleinement responsable du mal commis.13

Ainsi, Dieu a doté l'homme du libre arbitre qui lui permet d'agir par sa propre
volonté. En agissant donc par sa propre volonté, l'homme peut choisir entre le bien et
le mal. Mais, le bien selon Augustin, c'est le fait pour l'être humain d'aimer Dieu plus
que lui-même. En d'autres termes, le chemin du salut de l'âme, passe par l'amour de
Dieu, un amour si fort qu'il dépasse même l'amour de soi. Donc, un amour en
défaveur de sa propre personne, placé au-dessus de tout. L'homme ne peut donc pas se
plaindre d'être un être malchanceux, bien au contraire, il est plus que chanceux. C'est
un être sauvé grâce au sacrifice et à la rédemption du Christ. Voilà la thèse que
soutient Saint Thomas d'Aquin en ces lignes:

La rédemption du Christ ne rétablit pas la justice originelle, mais instaure une


nouvelle économie. Par la grâce du baptême, la volonté est à nouveau tournée vers
Dieu, guérie et élevée (ST, I II, 109, 2); ainsi, le péché originel est effacé en ce qui le
constituait essentiellement comme faute et comme peine14

Saint Thomas s'attaque au concept de péché originel qui serait la source de


tous les malheurs de l'homme sur terre. Pour lui, Adam avait péché, et ce péché aurait
infecté tous ses descendants. C'est la fameuse théorie du péché originel. En effet, la
faute commise par Adam dans le jardin, relevait en grande partie de sa responsabilité
à lui tout seul, car il est l'unique fautif et le seul responsable. Mais les conséquences
de cette faute originelle sur la postérité d'Adam étaient semblables à une blessure dont
l'humanité devrait en guérir. Désormais, c'est chose faite, le Christ nous a sauvé en se
sacrifiant pour notre rédemption.

L'être humain dispose désormais de sa volonté libre d'agir, sauf qu'il est
condamné à goutter à l'amertume de la finitude et au mélancolie de l'existence. Il perd
également le privilège de la justice originelle dont il était pourvu, et qui constituait en
lui une sorte de perfection. Bref pour Thomas, le mal n'est pas dans la nature humaine,
mais, il se trouve dans sa volonté libre de mal agir.

En guise de conclusion, nous retiendrons les points suivants: la conception


chrétienne à la différence de conception rationaliste, conçoit l'homme d'emblé comme

George Van Riet, Le problème du mal dans la philosophie de la religion de saint Thomas, Revue
13

Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 71, n°9, 1973. pp. 5-45.
14
Idem.
Un être créé. Cette idée répose sur des preuves que voici : l'univers tel qu'il fonctionne,
et l'ensemble des lois qui le régissent ne peuvent être que l'oeuvre d'une intelligence
supérieure , d'un être tout puissant surtout, tout connaissant. Ent tout cas assez savant
pour réaliser une telle oeuvre sans l'aide de personne. L'idée que l'homme fut créé à
l'image de Dieu à pour corollaire que ce dernier n'est pas seulement un animal
raisonnable ou un être rationnelle doué de raison.

Car cela ne suffit pas à toucher, voire à appréhender ce qu'est la nature


humaine. Il est un être spirituel car son âme sert d'intermédiaire entre Dieu et le
monde. L'âme est le siège de la raison et cette dernière lui permet de distinguer le bien
du mal. La participation de son âme à l'essence divine et sa ressemblance avec celui-ci,
confère à l'homme le statut de personne. C'est-à-dire, ayant une dignité devant être
respectée et préservée en toute circonstance. Dieu, étant donné qu'il est bonté, le mal
ne peut donc advenir de Lui.

1.3. la conception naturaliste de l'être humain.

Ce que nous nous proposons de traiter ici, sera tout à fait particulier sans
doute, parce que nous entrons dans un monde tout à fait particulier car, exempte de
Dieu et de mystère. Ce monde, nous pouvons l’appeler le naturalisme philosophique
qui constitue un point de rupture sur plusieurs aspects avec les deux premières
conceptions que nous avons abordées ci-dessus. Le naturalisme est une tendance, un
courant philosophique qui conçoit le monde comme une totalité qui existe et subsiste
de façon totalement naturelle. Pour le naturalisme, tout ce qui existe, existe
naturellement. Cela peut paraître trop simple à première vue, si nous ne prettons pas
attention aux implications liées au sens même de l’adjectif ( naturel). Au sens strict,
ce qui est naturel, est logiquement et en l'état, soustrait à toute intervention ou
ingérance extérieure à sa constitution.

En d'autres termes, les naturalistes avancent l’idée que la nature des choses ne
peut être comprise que par les seules raisons qui leur sont internes, qui leur sont
propres. Partant donc de ce constat, le naturalisme se définit par rapport à la religion
et prétend donner une explication rationnelle du réel sans faire recours à des entités
surnaturelles ou métaphysiques. Il est vrai que parfois comparaison n'est pas raison
mais, on peut ramener toute la philosophie naturaliste à la pensée héraclitéenne
exposées dans les fragments lorsqu'il affirme que : « Ce monde-ci, le même pour tous
les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l'a créé; mais il a toujours été et il est, et
il sera un feu toujours vivant, s'allumant avec mesure et s'éteignant avec mesure»15.

15 Héraclite, fragment 30.


De ces propos ressortent les corollaires suivants : le monde n'est pas l'oeuvre
d'une quelconque intelligence, transcendance ou d'un Dieu. L'univers est incréé et son
mouvement peut-être conpris sans recours à un être immatériel. Il n'a ni
commencement ni fin, il est éternel. Son éternrité tient au fait qu'il est impossible de
le situer dans le temps. Car il est hors du temps, et par conséquent il n'est pas affecté
par le lui. Dans ce cas, le temps qui s’écoule incessamment, au final, ne coule pas
puisqu'il va de l'être au non être puis à l'être ainsi de suite. Toutefois la pensée
heraclitéenne n'est pas du naturalisme dans la mesure où le feu d'Héraclite comporte
une conotation métaphysique, car c'est un feu abstrait donc subjectif.

Le naturalisme est à ce titre, foncièrement athé et est fondé sur les idées
suivantes : le monde physique, sensible, palpable est la seule réalité accessible à la
connaissance humaine, l'univers ou la réalité sensible est naturelle dont l'existence
s'explique par les causes spacio-temporelles. C'est-à-dire, situé dans le temps et
l'espace; les phénomènes et les changements qui se déroulent à l'intérieur de cet
univers sont tous naturels, car la notion de nature est une notion dynamique; autant la
nature est dynamique, mouvante, changeante, autant sont aussi les connaissances les
théories élaborées à son sujet. D'où il s'ensuit que les connaissances scientifiques sont
des connaissances évolutives, par conséquent, toutes connaissances ou discours sur la
nature doivent être objectifs et vérifiables.

En réalité, le naturalisme se veut héritier de la philosophie présocratique. Nous


savons que les philosophes présocratiques ont tenté de donner une explication de
l'univers à partir du phusis, c'est-à-dire, à partir des réalités matérielles. C'est ainsi que
pour Héraclite d'Éphèse, l' «archés», le premier élément ou le principe premier de la
réalité est le feu. Le feu est une énergie cosmique consubstantielle et co-extensive à
tous les éléments de la nature et de l'univers. Le feu héraclitéen est aussi un principe
vitaliste qui donne la vie et décrète les lois physico-biologiques. Ces dernières
assurent et arbitrent les contraires ou les oppositions qui constituent à leur tour le
moteur de l'existence sous toutes ses formes. Après Héraclite vient Thalès de Milet,
pour lui l'eau est la source incontournable de toute vie. La vie telle que nous la
connaissons, n'aurait aucun sens en absence de l'eau.

Anaximène quant à lui, privilégie l'air. Pour ce dernier, par raréfaction pui par
condensation, l'air se transforme en nuages et tombe sous forme de pluie. La pluie
étant la source de la vie. Ainsi donc, pour le second et le dernier, l'eau est la source de
la terre qui est à son tour, la source de la vie biologique et organique. Mais, c'est avec
Démocrite d'abbderd et Epicure que la pensée naturaliste s'est véritablement
constituée. C'est deux auteurs spéculent sur des entités indivisibles et insécables.
Indivisibles et insécables, ces entités sont des corpuscules invisibles à l'oeil nu.
Ce sont les atomes, c'est-à-dire, des entités constituées d'une seule partie et qui
existe en nombre infini sinon illimité. Leur spécificité réside dans leur capacité à se
combiner pour donner une multitude de formes diverses et variées et ce, grâce aux
catégories géométriques de forme et grandeur qui constituent leur nature. Pour
Démocrite et Epicure, toute la réalité, de la matière à la mécanique fluide, des
sensations aux émotions en passant par la pensée et aux rêves que nous faisons
endormir, s'expliquent par la faculté qu'ont les atomes à s'associer et à se dissocier,
voire même, à se transformer en tout et en n'importe quoi et en n'importe comment.
C'est ce que écrit Epicure dans la Lettre à Herodote:

Ayant saisi distinctement cela, il faut maintenant jeter un regard d'ensemble sur les
choses invisibles. Tout d'abord, rien ne naît du non- étant: car tout naîtrait de tout,
n'ayant en rien besoin de semence Et si ce qui disparaît était réduit, par destruction, au
non-étant, toutes choses auraient péri, ce en quoi elles se sont dissoutes n'étant pas. Et
le tout a toujours été tel qu'il est maintenant et sera toujours tel. Car il n'est rien en
quoi il puisse se changer; et, en dehors du tout, il n'est rien qui, étant entré en lui,
ferait le changement.

De plus le tout est «corps et vide». Car, que les corps soient, la sen- sation elle-même
l'atteste en toute occasion - la sensation, d'après laquelle il faut, par le raisonnement,
se former un jugement sur l'invi- sible, comme je l'ai dit auparavant. Si «d'autre part»
n'était pas ce que nous appelons vide, espace ou nature intangible, les corps n'auraient
pas où être ni à travers quoi se mouvoir, comme nous voyons qu'ils se meu- vent. En
dehors de ces choses, on ne peut rien concevoir, ni sensiblement, ni par analogie au
sensible, que l'on prenne comme des natures com- plètes, et non comme ce que l'on
appelle accidents ou propriétés de ces natures.

Et de plus: parmi les corps, il y a les composés, et ceux dont les com posés sont faits
Ceux-ci sont insécables (atoma) et immuables. si toure fors rour ne doit pas se
résoudre dans le non-étant, mais que, dans la das solution des composés, des choses
résistantes restent, compactes quant a la nature, et n'ayant ni par où ni comment être
décomposées De st que, nécessairement. les principes insécables sont les natures des
corps16

Les atomes sont donc là cause matérielle de tout ce qui existe. Cette
conception atomiste trouve son expression la plus achevée dans ces formules de
Lucrèce :

Ne va pas considérer comme une propriété essentielle aux atomes éternels l'apparence
que nous voyons ondoyer à la surface des corps, naître de temps en temps et soudain
disparaître. La mort en détruisant les corps n'anéantit pas leurs éléments; elle se borne
à dissoudre leurs unions, puis à en combiner d'autres; elle fait en sorte que toutes

16
Epicure, Lettre à Herodote, trad de M. Conc Paris, PUE, 1987, P. 101.
choses changent de forme et de couleur, acquièrent le sentiment pour le perdreen un
éclair: d'où t'apparaît l'importance qu'il faut attacher aux combinaisons des atomes, à
leurs positions, aux mouvements qu'entre eux ils s'impriment. C'est à l'aide des mêmes
caractères que nous désignons le ciel, la mer, la terre, les fleuves, le soleil; et de la
même façon encore les moissons, les arbres, les animaux. Et dans nos vers eux-mêmes,
l'ordre des lettres est essentiel, essentiels sont leurs arrangements: les mots, non tous
pareils, mais se ressemblant en grande partie, ne différent que par l'ordonnance des
lettres. Ainsi en est-il des corps de la nature. Il suffit que changent leurs figures.
intervalles, direction, liens, poids, chocs, rencontres, mouvements, ordre, positions
trouvent changés17

En effet, pour Lucrèce et Epicure, les atomes sont des éléments éternels et
leurs propriétés sont capables de susciter en nous toute sorte de qualités et
d'impressions que nous avons ou pouvons avoir des choses et sur les choses. Une
autre idée est que rien ne disparaît ni ne se perd, mais que tout se transforme. Le
mouvement des êtres n'est en réalité que la somme des extensions mécaniques et donc
dynamiques entre les atomes.

Sur le plan anthropologique, la conception naturaliste de l'être humain se


fonde sur l'idée que l'homme, descendant de l'homo-sapien, fait partie du grand règne
animal. Pour le naturalisme, l'être humain appartient au royaume des êtres vivants.
Autrement dit, la nature humaine a en commun avec les animaux et les autres espèces
de l'univers, une même structure biologique de base. Il ne peut vivre ou subsister que
dans des conditions spacio-temporelles favorables et propices à la vie. En effet, l'être
humain se définit davantage, non pas comme un être créé mais, tout simplement
comme un être purement naturel et donc matériel.

Dire que L'homme est un être naturel, c'est admettre qu'il n'y a pas, du point de
vue de sa constitution, une différence fondamentale entre lui et les autres espèces de
l'univers. Son évolution se passe exactement de la même façon que chez les animaux.
Par exemple: il marche comme un animal; il mange comme un animal; il boit comme
un animal; il se reproduit comme un animal. Ses organismes biologiques sont
semblables à ceux des animaux et fonctionnent de façon identique.

De ce fait, il est soumis au même titre que les autres espèces au funestes destin
de la finitude. Alors faut-il entendre par là que l'homme se réduit seulement à son
appartenance animale? Oubien y'a-t-il une spécificité humaine?

En effet, dans la classification des espèces animales dans la biologie, l'espèce


humaine se conçoit comme faisant partie des êtres vertébrés, bipèdes, un vivant sexué
ayant le sang chaud. L'être humain fait partie, comme nous pouvons le constater, à

17
Lucrèce, De la nature, livre deuxième, trad. de Henri Clouard, Paris, GF Flammarion, 1964, p. 78-79.
une communauté beaucoup plus étendue de la classification animalière. Cependant, il
est soumis, en tant qu'être vivant, aux élémentaires de la biologie et de la chimie au
même titre que les vivants unicellulaires et multicellulaires. C'est la thèse du
professeur de biologie à l’université de Genève André Langaney:

C'est en tant qu'être vivant qu'il (l'être humain] assure son maintien, sa nutrition, et le
renouvellement permanent des constituants chimiques de son organisme. Comme tous
les autres êtres vivants, que l'on sait issus d'une histoire unique, il est soumis aux lois
de la biochimie, du code génétique, de l'organisation cellulaire. Les constituants
chimiques de l'organisme et les lois qui les régissent sont les mêmes de la Bactérie à
l'Homme, en passant par le Platane et la Baleine. En tant qu'être sexué, l'Homme est
partagé en deux catégories d'êtres mortels qui, à chaque génération, doivent mettre en
présence des cellules sexuelles qui se fécondent deux à deux pour produire des oeufs.
(...) La sexualité a pour conséquences les lois de l'hérédité, mécanisme fondamental
de l'histoire de la vie. L'appartenance au monde animal lance l'Homme à la recherche,
dans le milieu ambiant, d'une nourriture et d'une énergie qu'ilest incapable de produire
sans comportement, contrairement aux plantes qui se nourrissent immobiles. Le fait
d'être un Vertébré dote l'Homme d'un plan anatomique très précis, organisé autour
d'un squelette interne et d'un système nerveux. Certains éléments de ce système
nerveux varient peu depuis les Poissons jusqu'aux Mammifères. (...) Par ailleurs, le
développement de tous les Vertébrés se fait selon un plan remarquablement constant
et l'organisation d'un embryon humain reste, relativement longtemps, proche de celle
d'un embryon de Poisson ou de Grenouille. (...) Chez les Mammifères supérieurs, la
gestation permet un développement prolongé de l'embryon, puis du foetus, à l'abri du
milieu extérieur. Le jeune peut ainsi naître dans un état de complexité très supérieur à
celui d'autres animaux. (...) L'allaitement permet au jeune Mammifère un contact
durable avec la mère. Ce contact, et les soins qui s'y ajoutent, permettent à la fois de
prolonger et de complexifier la maturation du jeune en fournissant l'occasion d'un
apprentissage. En même temps, la cellule familiale (...) constitue la base d'une
structure sociale souvent fondamentale chez les Mammifères. Les Primates se
singularisent par l'usage qu'ils font de leurs membres, en particulier de leurs mains,
par la complexité de leurs sociétés, par l'abondance des interactions entre les
individus et par le temps, souvent très important, consacré à des activités
d'exploration18

Pour Langaney, d'abord, l'homme en tant qu'être vivant, il n'échappe pas à


l'ensemble des lois et principes élémentaires qui gouvernent le royaume des vivants,

18
André Langaney, Les Hommes. Passé, présent, conditionnel, Paris, Armand Colin, 1988, p. 10-11.
et de surcroît, l'application de ces lois vont des cellules invisibles à l'oeil nu, à la
totalité organique vivante. Tous sans exception, sont soumis aux lois biochimiques,
génétiques, cellulaires intrinsèques à la nature du vivant. Pour Langaney, le caractère
sexué de l'homme lui donne une assurance de vie de son espèce afin de retarder son
extinction.

La faculté héréditaire de ses gènes lui permet d'assurer la continuité de son


espèce grâce à la reproduction. La reproduction assure à son tour, l'hérédité qui
constitue le mécanisme fondamental de l'histoire et de la vie. La sexualité implique à
ses yeux, l'association de deux types d'êtres pour reproduire, d'où le couple male-
femelle . Ensuite, ent tant que mamifère, il se reproduit dans des conditions propices
et favorables à l'allaitement, ainsi qu’à l'apprentissage de l'enfant. Enfin, en tant que
primat, il est prédisposé à l'association avec ses semblables. Par ailleurs, pour
approfondir la théorie de spécificité biologique propre à l'espèce humaine, ou encore,
la différence anthropologique de l'espèce, Frank Tinland, philosophe Francais
rapporte que :

Homo sapiens hérite d'un type d'organisation venu au monde selon les processus
naturels qui engendrent les autres productions vivantes. Que cette évolution ait eu des
caractères qui la distinguent de celle qui conduisit aux autres espèces est peu
contestable. Le corps humain n'en appartient pas moins à l'ordre entier des vivants, et
sa place taxonomique peut être fixée avec certitude, même s'il demeure quelques
imprécisions, dans l'arbre zoologique. Mais cet enracinement dans le monde
biologique n'exclut pas l'originalité structurelle et fonctionnelle de l'organisme
humain. Bien que, pris un à un, tous les traits du corps humain puissent trouver leur
homologue chez les autres primates (...), la formule selon laquelle ils s'articulent
donne une totalité fonctionnelle quimanifeste, par rapport à ses plus proches voisins,
une profonde singularité, racine naturelle d'une véritable altérité48 dans les modalités
selon lesquelles se constitue l'être de l'homme en tant qu'être humain19

A travers ce extrait, Tiland explique que l'être humain, bien qu'il partage à tout
point de vue, des caractéristiques biologiques avec les animaux, il n'en reste pas
moins qu'il demeure une singularité humaine. Cette singularité ou cette différence
anthropologique, se situe selon lui, sur le plan fonctionnel. Autrement dit, c'est le
résultat dû à son fonctionnement biologique. Ce résultat, c'est en gros son
comportement et à sa faculté d'entreprise. Les activités que l'homme entreprend, vont
selon l'auteur, de l'organisation socioculturelle et politique aux outils spécialisés pour
transformer son environnement existentielle. Cela est rendu possible grâce à
l'appartenance de l'homme aux homniniens, c'est-à-dire à la famille des homopoïdes
qui descendent soit du Cromagnon soit Néandertal si l'on en croit toujours Tiland :

19
Frank Tinland, La différence anthropologique. Essai sur les rapports de la Nature et de l'Artifice,
Paris, Aubier Montaigne, 1977, p. 118.
Cette altérité trouve une de ses manifestations dans l'origi- nalité neurologique de
l'Homo sapiens. Mais c'est l'ensemble du corps humain qui en est le véritable support,
et il serait impensable que la rationalité humaine puisse se faire jour en une
architecture somatique autre que celle des hominiens»20

En clair, l'originalité biologique de l'homme ne vient pas selon Tiland de ce


que le fonctionnement de l'organisme biologique lui accorde le pouvoir de la parole et
de la raison qui lui permet de se distinguer des autres, mais, son originalité tient au
fait que ses capacités ou facultés neurologiques ne sauraient se développer dans
aucune autre structure réceptacle que le corps appartenant à cette famille d'homopoïde.

Toutefois, la l’anthroplogie retionaliste à la différences dex autre n’adopte pas


de posture normative sur la morale mais surtout, sur la question du bien et du mal. La
philosophie naturaliste est plutôt proche de ce que l’on peut appeler, sans crainte de
nous tromper, l’ «ascétisme». Du grec « ascèse» voulant dire «exercice ou
entrainement», l’ascétisme est une doctrine qui, dès l’origine est davantage centrée
sur la domination de ses propres plaisirs et désirs charnels par un engagement
volontaire. En réalité, il était question de savoir comment éviter la souffrance et la
douleur afin d’atteindre le bonheur et la tranquillité, à la fois du corps et de l’esprit.

Comme son étymologie l’indique, il s’agit d’apprendre à maîtriser ses insticts


ainsi que les mouvements de la pensée pourvue qu’ils s’adaptent à une vie simple et
non tourmentée. L’objectif de l’ascétisme consiste à aider l’homme à savourer aux
avantages de l’existence d’une vie simple et heureuse. Ainsi, la vie étant compliquée,
nul ne doute des exigences de durcité et abnégation quelle impose. Néanmoins, celui
qui veut mener une vie paisible devra chercher un certain nombre de conditions
comme le disait Epicure. Pour ce dernier, l’aspiration à une vie heureuse est contraire
à un certain état d’esprit.

Selon Epicure, il faut commencer par se débarrasser de la crainte de la mort. Il


ne faut pas craindre la mort car elle signifie « non vie ou abscence de sensibilité». le
mal vient de la douleur, de la souffrance et de la peur:

Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres vains,
et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres naturels seulement.
Parmi les désirs nécessaires, les uns le sont pour le bonheur, les autres pour l'absence
de souffrances du corps, les autres pour la vie même. En effet, une étude de ces désirs
qui ne fasse pas fausse route, sait rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps
et à l'absence de troubles de l'âme, puisque c'est là la fin de la vie bien- heureuse. Car
c'est pour cela que nous faisons tout : afin de ne pas souf- frir et de n'être pas troublés.
Une fois cet état réalisé en nous, toute la tempête de l'âme s'apaise, le vivant n'ayant
plus à aller comme vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher autre chose par
quoi rendre complet le bien de l'âme et du corps. Alors, en effet, nous avons du plai-
sir quand, par suite de sa non-présence, nous souffrons, mais quand nous ne souffrons

20
Frank Tinland, op. cit., p. 118.
pas, nous n'avons plus besoin du plaisir. Et c'est pourquoi nous disons que le plaisir
est le principe et la fin de la vie bienheureuse. 21

L’homme n’a pas, selon lui, à se soucier de ce qu’adviendra son corps et son
âme. Ensuite, se libérer de la crainte des dieux, première source des malheurs des
hommes dans la mesure où, l’esprit humain est constamment hanté par la peur liée à
leur imprévisibilité. Enfin, s’attacher à réguler nos plaisirs. Il existe aux yeux de
l’auteur, des plaisirs qui sont utiles à la vie et à l’opposée, des plaisirs nocifs pour
l’accomplissement de notre bonheur.

Pour conclure ce chapitre, il est important de rappeler les idées principales


développées au niveau des différents points. comme l’avons constatée, la
problématique autour de la nature humaine s’est avérée tres riche en perspective et en
mémoire. C’est alors que nous pouvons retenir du premier point de ce chapitre, que
l’homme se définit par la raison. Cette dernière est pour le rationalisme la clé qui
permet de pénétrer le mystère de l’univers afin d’y imprimer sa marque. Le
rationalisme se résume à l’idée que la faculté de jugement constitue une frontière
infranchissable entre l’homme et les autres êtres vivants. Quant au christianisme, il
met plutôt l’accent sur l’aspect spirituel de son esprit et la dimension morale de sa
personne. Le naturalisme mettra en évidence les caractéristiques biologiques et
héréditaire de la nature.

21
Épicure, Lettre à Ménécé, Paris, Éd. PUF, 1987, p. 221.

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