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Ainsi, pour être précis, elle est une spéculation s’appuyant sur des
raisonnements rationnels et logiques concernat la nature humaine ou sur l’homme et
son devenir. Pour ce faire, dans l’anthroplogie philosophique, nous avons plusieurs
tendances ou écoles. Comme l’indique le titre de ce chapitre, ces écoles ou courants
philosophiques ont chacune une approche différente et spécifique sur leur conception
de l’homme selon qu’elles accordent de l’importance ou la prédominance à l’une des
dimensions principales ou essentielle de la réalité humaine telle que: la spiritualité, la
rationalité, la vie biologique, la vie physique ou la vie sociale.
La parôle (...) est à l'origine des biens les plus grands. En effet, de tous nos autres
caractères aucun ne nous distingue des animaux. Nous sommes même inférieurs à
beaucoup sous le rapport de la rapidité, de la force, des autres facilités d'action. Mais,
parce que nous avons reçu le pouvoir de nous convaincre mutuellement et de faire
apparaître à nous-mêmes l'objet de nos décisions, non seulement nous nous sommes
débarrassés de la vie sauvage, mais nous nous sommes réunis pour construire des
villes; nous avons fixé des lois; nous avons découvert des arts et, presque toutes nos
inventions, c'est la parôle qui nous a permis de les conduire à bonne fin.
C'est la parôle qui a fixé les limites légales entre la justice et l'injustice, entre le mal et
le bien; si cette séparation n'avait pas été établie, nous serions incapables d'habiter les
uns près des autres. (...) C'est grâce à la parôle que nous formons les esprits incultes et
que nous éprouvons les intelligences; car nous faisons de la parôle précise le
témoignage le plus sûr de la pensée juste; une parôle vraie, conforme à la loi et à la
justice, est l'image d'une âme saine et loyale. C'est avec l'aide de la parôle que nous
discutons des affaires contestées et que nous poursuivons nos recherches dans les
domaines inconnus.
Les arguments par lesquels nous convainquons les autres en parlant, sont les mêmes
que nous utilisons lorsque nous réfléchissons; nousappelons orateurs ceux qui sont
capables de parler devant la foule et nous considérons comme de bon conseil ceux qui
peuvent sur les affaires s'entretenir avec eux-mêmes de la façon la plus judicieuse. En
résumé, pour caractériser ce pouvoir, nous verrons que rien de ce qui se fait avec
intelligence, n'existe sans le concours de la parôle; la parôle est le guide de toutes nos
actions comme de toutes nos pensées; on recourt d'autant plus à elle que l'on a plus
d'intelligence1.
1 Isocrate, Nicoclès, Discours, tome II, Paris, Les Belles Lettres, 1942, p. 121.
En effet, ce qui caractérise l’être humain en propre, c’est la parôle. C’est grâce
à elle que l’on parvient à distinguer l’homme de l’animal, et par suite, lui permet de
s’émanciper de la vie sauvage. C’est elle qui dote l’homme de la capacité à
développer des techniques et des arts. Sa maîtrise de la parôle lui permet aussi de faire
économie des discordes individuelles ou collectives, car les arguments qui permettent
de régler les différents conflits, font également récours aux mêmes règles de
l’intelligence qui rendent possible la connaissance du réel, c’est-à-dire le
raisonnement logique. En faisant de la parôle l’expression même de la raison, Isocrate
en fait le trait dinstinctif de l’être humain.
La question du bien et du mal est aussi une question liée à l’usage de la parôle.
En effet, si la raison est la condition siné-qua-non de la parôle, et donc de la
communication, et si elle est aussi le dénominateur commun à tous les hommes, il
n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas davantage admise cependant, comme la
condition de la bonté. Pour Isocrate, la nature humaine ne serait pas d’emblée bonne
ou mauvaise. Aux yeux d’Isocrate, certains hommes seraient bons par nature et
d’autres non. Ceux-là qui sont bons naturellent peuvent continuer à s(améliorer pour
accéder à la vertu qui est le plus haut dégré de sagesse et de bonté. Il y’a donc chez
Isocrate un déterminisme naturel qui prédisposerait les uns à la vertu et les autres, à
l’errance.
Le corps est proposé à l’âme comme une matieère qu’elle devra sans cesse
transformer à sa propre ressemblance, après qu’elle-même aura imité les formes.
L’âme a pour office de faire pénéttrer les lois immuables de l’harmonie, qui règnent
sans contestation dans le monde celestre, en elle-même et dans le corps. Par la
gymnastique et par la danse, elle fait imiter au corps les belles moeurs et les beaux
caractères qu’ele-même a obtenus en imitant les formes2
Autrement dit, l’âme c’est parce qu’elle a déjà contemplé les belles choses et donc le
bien dans l’au-délà, qu’elle a le devoir de dompter les pulsions et aversions du corps
afin de les conduire sur le chemin du bien et de la justice. Or, le bien pour l’âme, donc
pour l’homme, consiste à faire ce pourquoi elle est destinée, celui d’imiter le Bien
supprême. Mais cela consiste pour l’âme une certaine connaissance ou sagesse. Le
corollaire de cette affirmation est que le mal réside dans l’ignorance de l’homme
lorsqu’il se meprend sur ce qu’est le bien et la bonne manière de l’accomplir. Ainsi,
pour Platon, le bien ne peut engendrer le mal, car cela est contraire à sa nature. Dieu
ou le Bien suprême, n’est pas la cause du mal qui règne sur la terre comme il l’écrit
dans le deuxième livre de La Republique:
Ce qui est bon n’est donc pas cause de tout ; il est cause du bien, mais il n’est pas
cause du mal. [...]. Ainsi Dieu étant essentiellement bon, n’est pas cause de tout,
comme on le dit souvent ; il n’est cause que d’une petite partie des choses qui nous
arrivent, et non pas du reste ; car nos biens sont en petit nombre, en comparaison de
nos maux ; or il est la seule cause des biens, mais pour les maux, il faut en chercher la
cause partout ailleurs qu’en lui.3
Bref, selon Platon « l’être réel et réellement immortel que nous sommes s’appelle
âme»4. L’une des difficultés de cette théorie est bien-sûr la négation non seulement du
monde materiel mais aussi et surtout du corps humain. Or l’opposition à cette
conception de l’homme vient de son plus célèbre disciple. Il s’agit de la figure
d’Aristote dit le stagirite(-385-322). S’il est d’accord avec Platon sur l’idée que la
raison doit permettre à l’homme de vivre dans une communauté politique, il recuse
par ailleur la théorie de séparation de l’âme d’avec le corps. Pour Aristote, l’âme égale
à vie. C’est elle qui permet aux vivants d’user des fonctions mécaniques de leur corps.
Si dans le règne animal, certains animaux courent plus vite ou qu’ils peuvent vivrent
dans l’eau voire-même , capablent de parler, c’est parce qu’il y’a une différence
d’âme.
2
Victor Goldschmidt, Platonisme et pensée contemporaine,. Paris : Vrin, 2000, [en ligne]:
http://books.openedition.org/vrin/5912>. ISBN : 9782345001485..consulté le 16 juillet 2023.
3
Platon, La République. II, Trad. Victor Cousin, Exporté de Wikisource le 26 juillet 2023.
4
Victor Goldschmidt, Op. Cit.
En effet, Aristote distingue trois types d’âmes: l’âme végétative (propre à la
flore), l’âme sensitive ( propre aux règne animal), l’âme raisonnable (propre
uniquement à l’homme). contrairement à Platon, l’âme chez Aristote ne peut survivre
en déhors du corps. Cela remet en question la théorie de l’immortalité de l’âme dans
la vision Platonicienne, car aux yeusx d’Aristote, l’âme est mortelle au même titre que
le corps. Il n’y a donc pas de séparation possible entre l’âme et le corps. Ils forment
tous les deux une seule et même substance et c’est sous le rapport de cette unité que
l’homme se donne comme une entité substantielle autonome. La nature de l’âme
consiste dans le raisonnement logique, dans sa capacité de générer des idées.
Aux yeux d’Aristote, c’est la possession de la raison qui fait de l’être humain
non pas un animal sociable, ce que sont d’ailleur certaines espèces animales qui
vivent en communauté, mais plutôt un animal politique. L’homme est donc par nature
un animal politique. Le mot politique recouvre ici une importance capitale voire,
décisive dans la déffintion aristotélicienne de l’homme. L’homme est un animal
politique signifie que de tout le règne animal, c’est l’être humain qui est le seul dont
l’organisation sociale est la plus élevée de tous. La conclusion de cette conception est
en quelque sorte, la négation de l’état de nature. Car, si l’être humain est par nature un
animal polique, on peut donc en déduire que la société civile est aussi naturelle, et la
conclusion à cette déduction est que l’état de nature n’a probablement jamais existée.
Dans ses fondements théoriques, comme dans tout autre religion, le débat chez
les penseurs et les théologiens chrétiens, tournait autour du rapport entre La foi et la
raison: faut-il croire pour comprendre ? Ou bien faut-il d'abord comprendre pour
croire ? Laquelle d'entre les deux propositions est prioritaire dans connaissance de
Dieu? Si l'on se situe du côté de la première position( interrogation), alors on
affirmera Que la foi précéde la raison parce que, ce pour quoi la raison humaine est
destinée, ne peut être atteint sans l'appuie de la foi. Autrement dit, c'est la foi qui
confère à la raison humaine ses objets de réflexion, comme l'écrit le théologien et
philosophe de l'antiquité tardive, Saint Augustin (354-430) en ces termes :
Dans les choses qui appartiennent à la doctrine du salut et que nous ne pouvons pas
comprendre encore, mais que nous comprendrons un jour, il faut que la foi précède la
raison: elle purifie ainsi le coeur et le rend capable de recevoir et de supporter la
lumière de la grande raison. Aussi est-ce la raison même qui parle par la bouche du
prophète quand il dit: Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (Isaïe, VII, 9)!
(...) Si donc il est raisonnable que la foi précède la raison pour accéder à certaines
grandes vérités, il n'est pas douteux que la raison même qui nous le persuade précède
elle-même la foi: ainsi il y a toujours quelque raison qui marche devant5
5
Saint Augustin, Les grands textes de la philosophie, Paris, Bordas, 1968, p. 73-74.
apostrophe le fait qu'il existe deux types de vérités relevant chacune de deux modes
différents de compréhension : d'une part, une vérité accessible à la raison et d'autre
part, une vérité que seule la foi peut appréhender. Nous trouvons les mêmes propos
chez Pierre Abbelard qui ecrit en ces termes:
Il est donc salutaire de croire ce qui ne peut être expliqué; d'abord et surtout parce que la
faible raison humaine ne peut expliquer que peu de choses, ensuite parce que si la
proposition était évidente aux yeux de la raison, il n'y aurait pas lieu à la foi; parce que,
enfin, ne croire qu'en se fondant sur des preuves humaines souvent fautives et qui ne sont
pas des preuves, c'est renoncer de croire à Dieu parlant par ses saints6.
Ainsi que chez Saint Anselme : «Et je ne cherche pas à comprendre pour
croire, mais je crois pour comprendre. Car, je crois aussi que je ne pourrais
comprendre si je ne croyais pas»7. Anselme et Abbelard sont tous les deux en accord
sur le fait qu'il y’a des vérités ou raisons, que la raison elle-même ignore; qu'il y'a des
vérités ou des raisons que la raison elle-même est incapable de pénétrer. Pour eux,
c'est la foi qui purifie le coeur afin de rendre réceptif aux vérités inaccessibles à la
raison. Au prise de cette situation, la raison, cependant est non négligeable, celui de
rendre rationnelles les parties de textes qui apparaissent irrationnelles et confuses pour
les profanes. Toutefois, elle devra suivre sinon se soumettre à la foi sur les questions
relevant du salut et de la félicité.
L'univers physique, matériel que nous contemplons tous les jours, cet univers
ainsi que l'ordre qui le régit, ne peuvent être que l'oeuvre d'une intelligence supérieure
qui l'a créée et qui le gouverne grâce aux lois physico-biologiques et chimiques.
L'univers ainsi que les êtres qu'il abrite pouvaient tout simplement ne pas exister si
Dieu le créateur ne les avait pas faits passer de la non existence à l'existence. En
6
Pierre Abelard, Theologia Christiana, Livre III, dans F. J. Thonnard, Extraits des grands philosophes,
Paris, Desclée et cie, 1963, p. 293.
Saint Anselme,Theologia Christiana, Livre III, dans F. J. Thonnard Extraits des grands philosophes,
7
Dieu dit: « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils
dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes
sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre.» Dieu créa l'homme à son
image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et leur
dit : «Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les
poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre.»
Dieu dit: «Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la
surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence: ce sera votre
nourriture. À toutes les bêtes sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe
sur la terre et qui est animé de vie, je donne pour nourriture toute la verdure des
plantes» et il en fut ainsi. Dieu vit tout ce qu'il avait fait: cela était très bon. Il y eut un
soir et il y eut un matin: sixième jour8
L'homme est à l'instar des autres êtres, un être créé, c'est-à-dire, une créature
au même titre que les animaux, en ce sens qu'ils sont tous le produit d'une création.
Cependant, l'homme n'est pas de parenté avec les animaux. Au fait, la parenté entre
l'homme et l'animal n'est en réalité que le résultat des recherches et des réflexions de
l'homme. Pour le christianisme, ils ne sont donc pas semblables des animaux. L'être
humain en tant que tel, est l'oeuvre d'un acte volontaire de la part de son créateur. Il
n'est tout simplement qu'une pure créature au sens strict du terme. Il doit son être et
son existence non pas à un coup du hasard, mais plutôt à Dieu qui l'a façonné à sa
propre image. Ce privilège de ressemblance avec le divin est rendu possible grâce à
son âme dont il a été doté et qui lui sert d'intermédiaire entre lui et Dieu. Grâce à son
âme, l'homme doit pouvoir dominer le monde et régner sur les autres êtres. L'âme
apparaît dans ce registre comme un instrument de triomphe.
En raison de son union substantielle avec une âme spirituelle, le corps humain ne peut
pas être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d'organes et de fonctions;
8
Le livre de la sagesse, dans La Bible de Jérusalem, Paris, Les Éditions du Cerf, 1981, p. 32.
il ne peut être évalué de la même manière que le corps des animaux, mais il est partie
constitutive de la personne qui se manifeste et s'exprime à travers lui. (...)9 .
9
Congregation pour la doctrine de la foi, Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la
dignité de la procréation, Montréal, Les Éditions Paulines, 1987, p. 10-11.
10
Idm.
C’est rabaisser d’autre part le Dieu transcendant et un que de le mélanger avec la
matière. Mais le grief principal que saint Augustin adresse aux Manichéens est leur
négation du libre-arbitre : erreur grave à ses yeux, car elle remet en question tout
l’édifice conceptuel qu’Augustin a construit sur la base du péché originel. Si, par
hypothèse, un tel péché existait, il ne faudrait pas en chercher la cause dans un
mauvais choix initial. Car il y a en nous une puissance mauvaise qui nous détermine à
notre insu et qui enchaîne notre liberté. On peut, à la rigueur, continuer à parler de
péché, à condition de préciser qu’il est et sera toujours involontaire. Car « ce n’est pas
moi qui pèche, mais un autre, quelqu’un ou quelque chose qui n’est pas moi11
Or, les corollaires de cette acception sont nuisibles pour l'image d'un Dieu de
bonté et de ses créations. Mais, tout d'abord, qu'est-ce que le manichéisme? Le
manichéisme est un courant religieux et philosophique qui vit le jour dans l'ancien
empire Perse dont le fondateur s'appelle Mani, ou en persan Manès. Pour le
manichéisme, l'homme est le fruit de collision entre deux mondes: le monde des
lumières qui est aussi le monde du bien ; et le monde des ténèbres, c'est-à-dire, le
monde du mal.
Pour les partisans de cette conception du réel, la nature humaine est double.
Elle est faite de corps et d'âme. Le corps appartient au monde des ténèbres alors que
l'âme provient de celui des lumières. La nature humaine est donc à la fois bon et
mauvais. Autrement dit, l'homme est naturellement habité par le bien et par le mal.
D'où il résulte que, le bien et le mal sont constitutifs au monde et aux êtres. Par
conséquent, ils existent comme des entités substantielles, absolues et indépendantes.
Autrement dit pour Augustin, le mal vient du péché originel qui est dû au
désobéissance commise par Adam dans le jardin. Mais pas au point de priver l'homme
de l'usage de son libre arbitre:
11
Michel Sourisse , Saint Augustin et le problème du mal : la polémique anti-manichéenne, [ en ligne ],
https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2007-1-page-109.htm, consulté le 20, juillet
2023.
12 Idem.
Toutefois le péché d’Adam, s’il a détruit l’ordre initial voulu par Dieu, n’a pas
perverti l’être humain au point de le priver de l’usage de son libre-arbitre. Depuis son
expulsion du jardin d’Eden, l’homme est déchu, certes, mais pas au point de perdre le
pouvoir de choisir. Il est donc pleinement responsable du mal commis.13
Ainsi, Dieu a doté l'homme du libre arbitre qui lui permet d'agir par sa propre
volonté. En agissant donc par sa propre volonté, l'homme peut choisir entre le bien et
le mal. Mais, le bien selon Augustin, c'est le fait pour l'être humain d'aimer Dieu plus
que lui-même. En d'autres termes, le chemin du salut de l'âme, passe par l'amour de
Dieu, un amour si fort qu'il dépasse même l'amour de soi. Donc, un amour en
défaveur de sa propre personne, placé au-dessus de tout. L'homme ne peut donc pas se
plaindre d'être un être malchanceux, bien au contraire, il est plus que chanceux. C'est
un être sauvé grâce au sacrifice et à la rédemption du Christ. Voilà la thèse que
soutient Saint Thomas d'Aquin en ces lignes:
L'être humain dispose désormais de sa volonté libre d'agir, sauf qu'il est
condamné à goutter à l'amertume de la finitude et au mélancolie de l'existence. Il perd
également le privilège de la justice originelle dont il était pourvu, et qui constituait en
lui une sorte de perfection. Bref pour Thomas, le mal n'est pas dans la nature humaine,
mais, il se trouve dans sa volonté libre de mal agir.
George Van Riet, Le problème du mal dans la philosophie de la religion de saint Thomas, Revue
13
Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 71, n°9, 1973. pp. 5-45.
14
Idem.
Un être créé. Cette idée répose sur des preuves que voici : l'univers tel qu'il fonctionne,
et l'ensemble des lois qui le régissent ne peuvent être que l'oeuvre d'une intelligence
supérieure , d'un être tout puissant surtout, tout connaissant. Ent tout cas assez savant
pour réaliser une telle oeuvre sans l'aide de personne. L'idée que l'homme fut créé à
l'image de Dieu à pour corollaire que ce dernier n'est pas seulement un animal
raisonnable ou un être rationnelle doué de raison.
Ce que nous nous proposons de traiter ici, sera tout à fait particulier sans
doute, parce que nous entrons dans un monde tout à fait particulier car, exempte de
Dieu et de mystère. Ce monde, nous pouvons l’appeler le naturalisme philosophique
qui constitue un point de rupture sur plusieurs aspects avec les deux premières
conceptions que nous avons abordées ci-dessus. Le naturalisme est une tendance, un
courant philosophique qui conçoit le monde comme une totalité qui existe et subsiste
de façon totalement naturelle. Pour le naturalisme, tout ce qui existe, existe
naturellement. Cela peut paraître trop simple à première vue, si nous ne prettons pas
attention aux implications liées au sens même de l’adjectif ( naturel). Au sens strict,
ce qui est naturel, est logiquement et en l'état, soustrait à toute intervention ou
ingérance extérieure à sa constitution.
En d'autres termes, les naturalistes avancent l’idée que la nature des choses ne
peut être comprise que par les seules raisons qui leur sont internes, qui leur sont
propres. Partant donc de ce constat, le naturalisme se définit par rapport à la religion
et prétend donner une explication rationnelle du réel sans faire recours à des entités
surnaturelles ou métaphysiques. Il est vrai que parfois comparaison n'est pas raison
mais, on peut ramener toute la philosophie naturaliste à la pensée héraclitéenne
exposées dans les fragments lorsqu'il affirme que : « Ce monde-ci, le même pour tous
les êtres, aucun des dieux ni des hommes ne l'a créé; mais il a toujours été et il est, et
il sera un feu toujours vivant, s'allumant avec mesure et s'éteignant avec mesure»15.
Le naturalisme est à ce titre, foncièrement athé et est fondé sur les idées
suivantes : le monde physique, sensible, palpable est la seule réalité accessible à la
connaissance humaine, l'univers ou la réalité sensible est naturelle dont l'existence
s'explique par les causes spacio-temporelles. C'est-à-dire, situé dans le temps et
l'espace; les phénomènes et les changements qui se déroulent à l'intérieur de cet
univers sont tous naturels, car la notion de nature est une notion dynamique; autant la
nature est dynamique, mouvante, changeante, autant sont aussi les connaissances les
théories élaborées à son sujet. D'où il s'ensuit que les connaissances scientifiques sont
des connaissances évolutives, par conséquent, toutes connaissances ou discours sur la
nature doivent être objectifs et vérifiables.
Anaximène quant à lui, privilégie l'air. Pour ce dernier, par raréfaction pui par
condensation, l'air se transforme en nuages et tombe sous forme de pluie. La pluie
étant la source de la vie. Ainsi donc, pour le second et le dernier, l'eau est la source de
la terre qui est à son tour, la source de la vie biologique et organique. Mais, c'est avec
Démocrite d'abbderd et Epicure que la pensée naturaliste s'est véritablement
constituée. C'est deux auteurs spéculent sur des entités indivisibles et insécables.
Indivisibles et insécables, ces entités sont des corpuscules invisibles à l'oeil nu.
Ce sont les atomes, c'est-à-dire, des entités constituées d'une seule partie et qui
existe en nombre infini sinon illimité. Leur spécificité réside dans leur capacité à se
combiner pour donner une multitude de formes diverses et variées et ce, grâce aux
catégories géométriques de forme et grandeur qui constituent leur nature. Pour
Démocrite et Epicure, toute la réalité, de la matière à la mécanique fluide, des
sensations aux émotions en passant par la pensée et aux rêves que nous faisons
endormir, s'expliquent par la faculté qu'ont les atomes à s'associer et à se dissocier,
voire même, à se transformer en tout et en n'importe quoi et en n'importe comment.
C'est ce que écrit Epicure dans la Lettre à Herodote:
Ayant saisi distinctement cela, il faut maintenant jeter un regard d'ensemble sur les
choses invisibles. Tout d'abord, rien ne naît du non- étant: car tout naîtrait de tout,
n'ayant en rien besoin de semence Et si ce qui disparaît était réduit, par destruction, au
non-étant, toutes choses auraient péri, ce en quoi elles se sont dissoutes n'étant pas. Et
le tout a toujours été tel qu'il est maintenant et sera toujours tel. Car il n'est rien en
quoi il puisse se changer; et, en dehors du tout, il n'est rien qui, étant entré en lui,
ferait le changement.
De plus le tout est «corps et vide». Car, que les corps soient, la sen- sation elle-même
l'atteste en toute occasion - la sensation, d'après laquelle il faut, par le raisonnement,
se former un jugement sur l'invi- sible, comme je l'ai dit auparavant. Si «d'autre part»
n'était pas ce que nous appelons vide, espace ou nature intangible, les corps n'auraient
pas où être ni à travers quoi se mouvoir, comme nous voyons qu'ils se meu- vent. En
dehors de ces choses, on ne peut rien concevoir, ni sensiblement, ni par analogie au
sensible, que l'on prenne comme des natures com- plètes, et non comme ce que l'on
appelle accidents ou propriétés de ces natures.
Et de plus: parmi les corps, il y a les composés, et ceux dont les com posés sont faits
Ceux-ci sont insécables (atoma) et immuables. si toure fors rour ne doit pas se
résoudre dans le non-étant, mais que, dans la das solution des composés, des choses
résistantes restent, compactes quant a la nature, et n'ayant ni par où ni comment être
décomposées De st que, nécessairement. les principes insécables sont les natures des
corps16
Les atomes sont donc là cause matérielle de tout ce qui existe. Cette
conception atomiste trouve son expression la plus achevée dans ces formules de
Lucrèce :
Ne va pas considérer comme une propriété essentielle aux atomes éternels l'apparence
que nous voyons ondoyer à la surface des corps, naître de temps en temps et soudain
disparaître. La mort en détruisant les corps n'anéantit pas leurs éléments; elle se borne
à dissoudre leurs unions, puis à en combiner d'autres; elle fait en sorte que toutes
16
Epicure, Lettre à Herodote, trad de M. Conc Paris, PUE, 1987, P. 101.
choses changent de forme et de couleur, acquièrent le sentiment pour le perdreen un
éclair: d'où t'apparaît l'importance qu'il faut attacher aux combinaisons des atomes, à
leurs positions, aux mouvements qu'entre eux ils s'impriment. C'est à l'aide des mêmes
caractères que nous désignons le ciel, la mer, la terre, les fleuves, le soleil; et de la
même façon encore les moissons, les arbres, les animaux. Et dans nos vers eux-mêmes,
l'ordre des lettres est essentiel, essentiels sont leurs arrangements: les mots, non tous
pareils, mais se ressemblant en grande partie, ne différent que par l'ordonnance des
lettres. Ainsi en est-il des corps de la nature. Il suffit que changent leurs figures.
intervalles, direction, liens, poids, chocs, rencontres, mouvements, ordre, positions
trouvent changés17
En effet, pour Lucrèce et Epicure, les atomes sont des éléments éternels et
leurs propriétés sont capables de susciter en nous toute sorte de qualités et
d'impressions que nous avons ou pouvons avoir des choses et sur les choses. Une
autre idée est que rien ne disparaît ni ne se perd, mais que tout se transforme. Le
mouvement des êtres n'est en réalité que la somme des extensions mécaniques et donc
dynamiques entre les atomes.
Dire que L'homme est un être naturel, c'est admettre qu'il n'y a pas, du point de
vue de sa constitution, une différence fondamentale entre lui et les autres espèces de
l'univers. Son évolution se passe exactement de la même façon que chez les animaux.
Par exemple: il marche comme un animal; il mange comme un animal; il boit comme
un animal; il se reproduit comme un animal. Ses organismes biologiques sont
semblables à ceux des animaux et fonctionnent de façon identique.
De ce fait, il est soumis au même titre que les autres espèces au funestes destin
de la finitude. Alors faut-il entendre par là que l'homme se réduit seulement à son
appartenance animale? Oubien y'a-t-il une spécificité humaine?
17
Lucrèce, De la nature, livre deuxième, trad. de Henri Clouard, Paris, GF Flammarion, 1964, p. 78-79.
une communauté beaucoup plus étendue de la classification animalière. Cependant, il
est soumis, en tant qu'être vivant, aux élémentaires de la biologie et de la chimie au
même titre que les vivants unicellulaires et multicellulaires. C'est la thèse du
professeur de biologie à l’université de Genève André Langaney:
C'est en tant qu'être vivant qu'il (l'être humain] assure son maintien, sa nutrition, et le
renouvellement permanent des constituants chimiques de son organisme. Comme tous
les autres êtres vivants, que l'on sait issus d'une histoire unique, il est soumis aux lois
de la biochimie, du code génétique, de l'organisation cellulaire. Les constituants
chimiques de l'organisme et les lois qui les régissent sont les mêmes de la Bactérie à
l'Homme, en passant par le Platane et la Baleine. En tant qu'être sexué, l'Homme est
partagé en deux catégories d'êtres mortels qui, à chaque génération, doivent mettre en
présence des cellules sexuelles qui se fécondent deux à deux pour produire des oeufs.
(...) La sexualité a pour conséquences les lois de l'hérédité, mécanisme fondamental
de l'histoire de la vie. L'appartenance au monde animal lance l'Homme à la recherche,
dans le milieu ambiant, d'une nourriture et d'une énergie qu'ilest incapable de produire
sans comportement, contrairement aux plantes qui se nourrissent immobiles. Le fait
d'être un Vertébré dote l'Homme d'un plan anatomique très précis, organisé autour
d'un squelette interne et d'un système nerveux. Certains éléments de ce système
nerveux varient peu depuis les Poissons jusqu'aux Mammifères. (...) Par ailleurs, le
développement de tous les Vertébrés se fait selon un plan remarquablement constant
et l'organisation d'un embryon humain reste, relativement longtemps, proche de celle
d'un embryon de Poisson ou de Grenouille. (...) Chez les Mammifères supérieurs, la
gestation permet un développement prolongé de l'embryon, puis du foetus, à l'abri du
milieu extérieur. Le jeune peut ainsi naître dans un état de complexité très supérieur à
celui d'autres animaux. (...) L'allaitement permet au jeune Mammifère un contact
durable avec la mère. Ce contact, et les soins qui s'y ajoutent, permettent à la fois de
prolonger et de complexifier la maturation du jeune en fournissant l'occasion d'un
apprentissage. En même temps, la cellule familiale (...) constitue la base d'une
structure sociale souvent fondamentale chez les Mammifères. Les Primates se
singularisent par l'usage qu'ils font de leurs membres, en particulier de leurs mains,
par la complexité de leurs sociétés, par l'abondance des interactions entre les
individus et par le temps, souvent très important, consacré à des activités
d'exploration18
18
André Langaney, Les Hommes. Passé, présent, conditionnel, Paris, Armand Colin, 1988, p. 10-11.
et de surcroît, l'application de ces lois vont des cellules invisibles à l'oeil nu, à la
totalité organique vivante. Tous sans exception, sont soumis aux lois biochimiques,
génétiques, cellulaires intrinsèques à la nature du vivant. Pour Langaney, le caractère
sexué de l'homme lui donne une assurance de vie de son espèce afin de retarder son
extinction.
Homo sapiens hérite d'un type d'organisation venu au monde selon les processus
naturels qui engendrent les autres productions vivantes. Que cette évolution ait eu des
caractères qui la distinguent de celle qui conduisit aux autres espèces est peu
contestable. Le corps humain n'en appartient pas moins à l'ordre entier des vivants, et
sa place taxonomique peut être fixée avec certitude, même s'il demeure quelques
imprécisions, dans l'arbre zoologique. Mais cet enracinement dans le monde
biologique n'exclut pas l'originalité structurelle et fonctionnelle de l'organisme
humain. Bien que, pris un à un, tous les traits du corps humain puissent trouver leur
homologue chez les autres primates (...), la formule selon laquelle ils s'articulent
donne une totalité fonctionnelle quimanifeste, par rapport à ses plus proches voisins,
une profonde singularité, racine naturelle d'une véritable altérité48 dans les modalités
selon lesquelles se constitue l'être de l'homme en tant qu'être humain19
A travers ce extrait, Tiland explique que l'être humain, bien qu'il partage à tout
point de vue, des caractéristiques biologiques avec les animaux, il n'en reste pas
moins qu'il demeure une singularité humaine. Cette singularité ou cette différence
anthropologique, se situe selon lui, sur le plan fonctionnel. Autrement dit, c'est le
résultat dû à son fonctionnement biologique. Ce résultat, c'est en gros son
comportement et à sa faculté d'entreprise. Les activités que l'homme entreprend, vont
selon l'auteur, de l'organisation socioculturelle et politique aux outils spécialisés pour
transformer son environnement existentielle. Cela est rendu possible grâce à
l'appartenance de l'homme aux homniniens, c'est-à-dire à la famille des homopoïdes
qui descendent soit du Cromagnon soit Néandertal si l'on en croit toujours Tiland :
19
Frank Tinland, La différence anthropologique. Essai sur les rapports de la Nature et de l'Artifice,
Paris, Aubier Montaigne, 1977, p. 118.
Cette altérité trouve une de ses manifestations dans l'origi- nalité neurologique de
l'Homo sapiens. Mais c'est l'ensemble du corps humain qui en est le véritable support,
et il serait impensable que la rationalité humaine puisse se faire jour en une
architecture somatique autre que celle des hominiens»20
Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres vains,
et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres naturels seulement.
Parmi les désirs nécessaires, les uns le sont pour le bonheur, les autres pour l'absence
de souffrances du corps, les autres pour la vie même. En effet, une étude de ces désirs
qui ne fasse pas fausse route, sait rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps
et à l'absence de troubles de l'âme, puisque c'est là la fin de la vie bien- heureuse. Car
c'est pour cela que nous faisons tout : afin de ne pas souf- frir et de n'être pas troublés.
Une fois cet état réalisé en nous, toute la tempête de l'âme s'apaise, le vivant n'ayant
plus à aller comme vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher autre chose par
quoi rendre complet le bien de l'âme et du corps. Alors, en effet, nous avons du plai-
sir quand, par suite de sa non-présence, nous souffrons, mais quand nous ne souffrons
20
Frank Tinland, op. cit., p. 118.
pas, nous n'avons plus besoin du plaisir. Et c'est pourquoi nous disons que le plaisir
est le principe et la fin de la vie bienheureuse. 21
L’homme n’a pas, selon lui, à se soucier de ce qu’adviendra son corps et son
âme. Ensuite, se libérer de la crainte des dieux, première source des malheurs des
hommes dans la mesure où, l’esprit humain est constamment hanté par la peur liée à
leur imprévisibilité. Enfin, s’attacher à réguler nos plaisirs. Il existe aux yeux de
l’auteur, des plaisirs qui sont utiles à la vie et à l’opposée, des plaisirs nocifs pour
l’accomplissement de notre bonheur.
21
Épicure, Lettre à Ménécé, Paris, Éd. PUF, 1987, p. 221.