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UNITE D’ENSEIGNEMENT(UE): PHILOSOPHIE ET ETHIQUE

NOMBRE CREDIT : 2
Promotion : LMD 1( A et B)
TITULAIRE DU COURS : Lucien TSHIBANGU KABWE
Docteur en philosophie
Spécialiste en philosophie théorétique, philosophie du droit et culture
africaine
- Contact du professeur: 0903944468 ; lcn@gmail.com
- Contact étudiant : dispositif électronique obligatoire
Objectif général : La philosophie(et éthique), fille ainée des sciences, bénéficie du droit
d’ingérence dans tous les domaines du savoir.
Objectif spécifique : la philosophie(Ethique) et le droit constituent le revers de la même médaille.
Si on ne connaît pas la nature de l’homme, on ne peut ni légiférer sur lui ni défendre ses droits. A
l’issue de cette unité d’enseignement, l’étudiant sera en mesure de comprendre que c’est absurde
faire le droit sans philosophie et étique.
Approche pédagogique : Cours magistral interactif( participation en présentiel obligatoire),
utilisation des TIC, ………
Contenu de l’UE :
1. Introduction
2. Etude de l’histoire de la pensée philosophique et ses implications dans le domaine législatif et
juridique
3. La portée de l’éthique dans l’ histoire des sociétés et dans l’esprit des lois
4. L’éthique de la solidarité africaine et conscience de la volonté générale(J. J. ROUSSEAU).
5. Conclusion
Bibliographie
1. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, éd. Les Échos du Maquis, v. : 1,0, janvier 2014.
2. BREHIER E, Histoire de philosophie, t. I l‟Antiquité et le Moyen âge, éd. électr. Chicoutimi,
Québec, 2005.( obligatoire)
3. DILTHEY W., Théorie des conceptions du monde. Essai d‟une philosophie de la
philosophie, tr. L. Sauzin, Paris, PUF, 1946.
4. HUSSERL, La Philosophie comme science rigoureuse (1910), tr. M. De Launay, Paris,
PUF, 1989.
5. MONTESQUIEU, De l‟esprit des lois(1748) Livre I-VIII, éd. électronique, Chicoutimi,
Québec, 2002.( obligatoire)
6. BONGO-PASI MOKE SANGOL, Eléments de Philosophie, Intention philosophique, Ethique
et droit, éd. du Pangolin, Enghien, 2022.(obligatoire)
7. 19. TSHIBANGU K. L, - Conscience de la volonté générale et/ou de la solidarité africaine
comme a priori à l‟Etat de droit en Rd. Congo(Approche théorétique de la philosophie de J.-J
Rousseau), Thèse de doctorat(Inédite), UPN, 2018.
8. TSHIBANGU KABWE Lucien, Les vertus de l‟intellect démocratique, exigence
phénoménologique de la culture politico-juridique en Rd. Congo et en Afrique, éd. de
l‟Harmattan, Paris, 2023.(obligatoire).
Modalité d’évaluation
1. Travaux pratiques individuels
2. Interrogation individuelle
3. Examen avec questions à choix multiples
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0. INTRODUCTION GENERALE
1. Philosophie
Contrairement à la foi ou à la croyance, la philosophie n‟est pas la révélation apportée par le
détenteur du savoir à l‟ignorant, elle est essentiellement d‟une part, un dialogue de
l‟âme(pensée) avec elle-même(Platon : l‟âme quand elle pense ne fait que s‟entretenir avec elle-
même affirmant ou niant) et d‟autre part un dialogue entre des égaux qui se font complices dans
leur soumission commune à la force de la raison (et non à la raison de la force).
A la question du pourquoi de la philosophie, l‟histoire de la pensée répond qu‟au
commencement du monde de la connaissance étaient les mythes où seuls les mystères(théisme ou
polythéisme) avaient de l‟emprise sur l‟homme, « connaître » signifiait en quelque sorte
« croire ». Insatisfaits des valeurs religieuses traditionnelles, les penseurs grecs du VIe s. ,
consacrèrent la première mise en œuvre systématique de la raison réfléchie.
Deux considérations fondamentales marquent ce tournant historique :
a. La tradition n‟est pas un code : les grecs ont fondé la philosophie en distinguant ce qui est
bien de ce qui est ancestral et traditionnel. L‟Europe est née avec le logos c‟est- à-dire quand la
question « qu‟est-ce.. ?(qu‟est-ce que le courage, le bien…) s‟est substituée à l‟autorité de la
coutume et de la religion(mythes) en recherchant ce qui est un bien pour l‟homme et la société.
b. Le passage de la tradition orale à l‟écriture marque le pas décisif dans l‟itinéraire du
cursus philosophique. Ce qui se pense, s‟écrit en même temps(Verba volant scripta manent : les
paroles s‟envolent, les écrits restent).
N. B : Le mérite des présocratiques ioniens(Ionie est une région d‟Asie Mineure dans
l‟actuelle Turquie dont la capitale était Milet) est de grande taille dans la mesure où ce ne sont
plus les dieux qui seraient unilatéralement à l‟origine du monde, pensèrent-ils, mais un principe
unificateur(αρτη :archè : le meilleur point de départ naturel du mouvement) contenu dans la
nature des choses. La recherche de cette vérité au moyen de la pure raison marque les premiers
pas de la spéculation philosophique.

= Le passage de la préhistoire à l'histoire de la culture se réalise lorsque la conscience


pré-réfléchie cède la place à une organisation réfléchie de la connaissance : philosophie =

2. Ethique
Du grec εΘικος (ethikos de τα εΘη) et du latin moralis de mores : à la fois substantif et adjectif,
éthique est synonyme de morale c‟est-à-dire ce qui se rapporte à l‟esprit ; on parle de ce fait, de
philosophie morale ou philosophie éthique. Les distinctions n‟est qu‟un simple problème
d‟écoles. L‟Ethique a une double considération à la fois théorique et pratique. On parle par
exemple de la philosophie morale ou éthique de Kant qui sont des expressions équivalentes.
Par ailleurs, le terme éthique fait allusion aux divers codes de bonne conduite professionnelle , ce
qu‟on appelle déontologie, il s‟agit d‟ un ensemble de valeurs et de principes particuliers dans un
domaine ou service1 . Ex. l‟éthique d‟un juriste ou la déontologie d‟un juriste.
En ce qui nous concerne, nous traitons dans ce cours de l‟éthique comme philosophie et
comme discours théorétique c‟est-à-dire comme science de l‟esprit. Il s‟agira donc des réflexions
rigoureusement argumentées sur les fondements de l‟éthique en vue de bien agir. L‟éthique est
donc une discipline philosophique portant sur le jugement de valeur. Sa formulation se caractérise
par des énoncés normatifs, prescriptifs et évaluatifs. L‟instrument de l‟éthique c‟est la conscience
appelée aussi Raison pratique(par différence de la raison spéculative(philosophie). Nous dirons
que c‟est par l‟usage correcte de la raison vis-à-vis de la réalité qu‟on peut se dire avoir une vie
éthiquement correct.

1
Cfr. M. F. MUKENDJI MBANDAKULU, Somme des pratiques éthiques ou déontologiques, éd. Médiaspaul, 2012.
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3. Objectif et intérêt du cours de philosophie et Ethique dans une Faculté de Droit


a. La philosophie comme discipline de l‟esprit est un savoir systématique qui a la préséance sur
toute l‟architecture des connaissances qui lui étaient jusqu‟au XVIIIe siècle, connexes. De ce fait,
le cours de philosophie et éthique dans toutes les facultés du savoir joue un rôle capital.
b. En ce qui nous concerne, la philosophie et l‟éthique d‟une part et d‟autre part le droit
constituent les deux revers de la même médaille. Si l‟usage de la raison constitue le point de
départ de toute science, son usage en matière de droit devient capital pour tout juriste. Si donc
l‟éthique s‟occupe du for interne , le droit quant à lui s‟occupe du for externe et à cet effet, on
parle du droit écrit ou positif. En d‟autre terme avec la philosophie et l‟éthique, nous nous
occupons de la partie non- écrite du droit( les a priori : les conditions sans lesquelles, l‟on ne peut
parler du droit entendu essentiellement comme jouissance de certaines valeurs de la vie en tant
qu‟hommes).
A en croire J.-J Rousseau « un législateur n‟est pas un faiseur des lois », mais celui qui sait
conformer les lois au principe de la volonté générale. Le droit a donc sa source d‟inspiration dans
l‟Ethique philosophique.
Le sophisme central serait donc de séparer l‟éthique du droit. Montesquieu dans son Esprit des
lois examine, en effet le rapport qu‟il faut établir entre les lois avec la nature des choses(C‟est la
philosophie et l‟éthique qui déterminent cette nature des choses qui concerne l‟homme et la
société).
Pour ne pas tomber dans un barbarisme juridique, il est important d‟étudier cette partie cachée
des règles et procédures dont s‟occupe le droit. Bref, Le droit comme science positive doit se
ressourcer dans l‟éthique. L‟adage selon lequel dura lex sed lex n‟aurait de sens que si la loi est
juste ; et pourtant poser le problème de la justice de la loi relève de la nature des
choses(philosophie) et de l‟ éthique ( science de la vertu et du bon sens).
N. B : Avant de devenir des hommes et des femmes de droit, c‟est à travers le cours de
Philosophie et éthique que l‟on doit apprendre :
- Les fondements naturels de la notion du droit de l‟homme
- les fondements de l‟égalité foncière de la nature humaine
- les fondements de la loi et de la justice, …
Il est donc pertinent que les étudiants en droit apprennent le distinguo entre le droit de
l‟homme(philosophie et éthique) et l‟homme de droit( sciences juridiques).
4. Méthodologie
La méthodologie que nous appliquons dans la conception de ce cours est théorético-pratique.
Nous exploiterons les textes de différents auteurs qui ont marqué le tournant de l‟histoire des
idées par la simple analyse de leur pensée d‟une part et d‟autre part allier la théorie à la pratique
en ce qui concerne la conception du droit et la carrière d‟un juriste.
5. Plan du cours
0. Introduction générale
Première partie : La philosophie
CHAPITRE PREMIER : Les préliminaires philosophiques
CHAPITRE DEUXIEME : La Philosophie et ses pères(pairs)
Deuxième partie : Ethique
CHAPITRE TROISIEME : Ethique dans l‟histoire de la pensée
CHAPITRE QUATRIEME : Ethique et société : Fondements éthiques d‟un Etat de droit
(Question du législateur).
CONCLUSION
4

PREMIERE PARTIE : LA PHILOSOPHIE


CHAPITRE PREMIER : Les préliminaires philosophiques
1. Présentation
Au-delà de l'exercice de gymnastique mentale, qui confère aux méninges subtilité et souplesse,
la philosophie, l'aînée des sciences, garde son importance et son actualité :
- Elle est une discipline à caractère questionnant, c‟est-à-dire, elle consiste à poser obstinément,
des questions en rapport avec l‟existence et en rapport avec des nouvelles certitudes de notre
monde; des questions insolubles, peut-être, mais qui ont le mérite de nous rappeler la modestie de
nos savoirs. Des questions qui exigent de ma part une réponse, pour que je puisse continuer à
exister, à vivre, opérer et poser des choix. Qui suis-je, d'où je viens ?, où je vais? Ou simplement,
quel est mon chemin? Quand on n‟ a pas la capacité de se poser des questions et tenter de trouver
des réponses, on est loin d‟être authentiquement un être de raison.
- La philosophie est un réveil de la raison : La grande voix de Socrate s‟adressant aux Athéniens
qui le condamneront à mort, s‟offre comme un premier guide. « Il me semble que le dieu a
adjoint à la cité quelqu‟un comme moi afin que je ne cesse de vous réveiller […]. Mais vous,
probablement irrités comme ceux que l‟on réveille alors qu‟ils s‟étaient assoupis, vous écouterez
peut-être Anytos et me mettrez facilement à mort […]. Vous pourriez ensuite passer tout le reste
de votre vie à sommeiller. À moins que le dieu, ayant soin de vous, ne vous envoie quelqu‟un
d‟autre »( Platon, Apologie de Socrate, 30 e - 31 a, trad. Frédéric Têtu en collaboration avec
Bernard Boulet, Québec, Résurgences, 1995).
Dans les fragments des Présocratiques Hermann Diels et Walter Kranz, déclarent que Bien avant
Socrate, Héraclite reprochait déjà à la plupart des humains de mener « tout éveillés, une vie de
dormeurs » parce que séparés « de la propre réalité de ce monde dans lequel ils vivent comme en
un rêve »( Nous citons la traduction de Marcel Conche, dans Héraclite, Fragments, Paris, puf, «
Épiméthée », 1986). Le fragment 89 ajoute la précision suivante : « Il y a pour les éveillés un
monde unique et commun, mais chacun des endormis se détourne dans un monde particulier ».
Le sommeil de la raison engendre des monstres sous plusieurs formes dans le monde. Un
philosophe est un roi disait Platon et tout gouvernant est contraint à le devenir( le roi philosophe
doit être l‟éveillé par excellence).
- Abandon du pouvoir de la raison à cause de la paresse : La paresse est la chose du monde la
mieux partagée, qui empêche les humains, comme dit Nietzsche, « de sentir leur vie, grâce à la
dispersion constante de leurs pensées ». on devient un véritable « mort-vivant » quand on cesse
de mettre en activité sa pensée.
- La philosophie nous oblige à penser notre vie, avant de vivre notre pensée. Vivre en
philosophant c‟est-à-dire vivre sous la représentation de certains principes rationnellement
adéquats, avoir des a priori justes qui peuvent cimenter sa vie et la vie de la société. Le cogito
ergo sum(Je pense donc je suis) de R. Descartes, trouve ici sa raison d‟être.
Ex : principe du vivre ensemble dans une communauté entre égaux.
Tâches : Fondements de l‟égalité, partage symétrique des chances, respect de la dignité de
l‟homme. Parler-écouter.
2. Questions de définition
Du grec philein(ϕιλειν), aimer ; sophia(σοϕια), sagesse, dans ce premier sens, philosophie
signifierait : amour de la sagesse. On pourrait aussi penser à saphes(σαϕης : clair, lumineux).
Dans ce deuxième sens, philosophie signifierait ce qui est sans contradiction, ce qui ne peut pas
être démenti(irréversible). Étymologiquement, on comprend que le philosophe n‟est pas
seulement celui qui « aime la sagesse » et qui y aspire comme on aime bien le traduire mais aussi
et surtout celui qui prend soin de la sagesse en vue d‟atteindre la vérité. La sagesse est un terme
ambigu et semble s‟opposer à la science. La science de la sagesse semble aussi plonger dans une
cacophonie car en principe la sagesse s‟acquiert et ne s‟apprend pas. Le verbe «ϕιλειν : philein »
signifie dans ce dernier sens soigner ou avoir souci(de la vérité). La particularité de la philosophie
5

théorétique comme philosophie de la philosophie réside dans le fait de rester dans la


contemplation de la vérité sur l‟être et le devoir être des choses.
Avançons d‟ors et déjà un postulat : pas de définition unique en philosophie. Soulignons
toutefois, de façon opératoire, quelques points saillants qui se recoupent dans toute tentative de
définition de la philosophie au-delà de son étymologie sus-indiquée.
A. La philosophie, une recherche de la vérité
Selon la tradition, c'est Pythagore (VIe siècle ACN) qui aurait « inventé » le terme de «
Philosophe » ; il aurait refusé le titre de « Sage », et se serait défini en revanche comme «
amoureux de la sagesse ». Il entendait ainsi souligner que la sagesse est une quête, non un état, et
qu'un philosophe par conséquent n'est jamais « arrivé », mais toujours « en recherche continue ».
Platon donne une précision vis-à-vis de Pythagore en définissant la philosophie comme une
recherche de la vérité et non plus la recherche de la sagesse au sens des sophistes(sages) qui
avaient au contraire, une sagesse fallacieuse et monnayée. La devise platonicienne que reprendra
J.-J Rousseau, le grand réformateur de la philosophie des Temps modernes est libellée: Vitam
impedere vero : sacrifier la vie à la (recherche de) la vérité. En fait, le sage d‟après Socrate et
Platon est celui qui sait, qu‟il ne sait rien. L‟ignorance philosophique est un savoir en quête de la
vérité. Qu‟est-ce que la vérité philosophique alors ?
Quand les grecs parlent de la vérité, il s‟agit du terme aleteia(αλετεια) : ce qui n‟est pas caché, le
non voilement, ce qui est irréversible. Selon Heidegger, la vérité définie comme adéquation de la
chose et de l‟intellect se justifie par l‟oubli de l‟être(Vérité = conformité de l‟énoncé à la chose).
Bref : La nature de la vérité est d‟être irréversible. Or, contrairement à la foi, en philosophie, la
dernière parole n‟est jamais dite( le magister dixit ou autos (αστος) ipha (ιϕα) : le maître a dit
dévolu à Pythagore est plus mythique que philosophique). En ce sens, la philosophie est une
science et une recherche continue.
B. La voie du bonheur
Pourquoi être sage(philosophe), pourquoi rechercher la vérité ? La réponse est : « pour être
heureux ». Le but de la philosophie est, en effet, le bonheur pou soi et pour tous. Les voies
peuvent diverger dans les différents domaines de la connaissance mais ce but est identique auquel
s‟attache en particulier la philosophie. C‟est ce que nous appelons le droit d‟ingérence de la
philosophie dans tous les domaines de la vie car l‟homme vit pour être heureux et toutes les
autres disciplines doivent concourir à cet objectif central dont s‟occupe en particulier la
philosophie.
C. Un exercice constant de raison
Il ne s'agit pas de penser pour penser, mais de penser pour vivre : c'est-à-dire d'adopter devant le
monde une attitude interrogative et réflexive, rationnelle, qui débouche sur des choix
responsables :
- La particularité de Platon est d‟avoir compris et souligné la double puissance de la raison dont
l‟objet immédiat est l‟être à la fois infini et humain(la raison contemple et s‟applique), avec la
raison l‟homme devient presqu‟un dieu capable de tout.
- Autonomie dans l‟exercice de sa raison : exercer sa raison signifie éviter la logique de
suggestion et la logique de hiérarchie comme suggérait d‟ailleurs Kant à la question:
« Qu‟est- ce que l‟Illuminisme (les Lumières, Aufklärung)?»: « „Les lumières‟ se définissent
comme la sortie de l‟homme hors de l‟état de tutelle dont il est lui-même responsable. L‟état de
tutelle est l‟incapacité de se servir de son propre entendement sans en être dirigé par un autre.
Elle est due à notre propre faute lorsqu‟elle résulte non pas d‟une insuffisance de l‟entendement,
mais d‟un manque de résolution et de courage pour s‟en servir sans être dirigé par un autre.
Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Telle est la devise des
Lumières ».2

2
E. KANT(1784), Réponse à la question «Qu‟est-ce que les Lumières ?», éd. électronique, PDF: Les Échos du Maquis, p. 2.
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D. sens critique et maitrise de sa vie


Le but de la philosophie est, en définitive, de mener sa vie et non d'en subir ou d‟en être le jouet.
Il s‟agit de fonder des principes pour soi-même et pour son action dans le monde. En cela, la
philosophie est une science des principes. Dans un monde sous la botte des médias et des
techniques de communications, sans esprit critique et sans maitrise de soi, l‟homme devient un
véritable objet de la science et de la technologie.
3. Questions d'origine
Malgré les données historiques, les questions des origines de la philosophie constituent toujours
un débat, en ce qu'elles ne peuvent précisément faire l'objet d'une datation, ni d'une localisation.
La réponse n'est ni spatiale, ni temporelle, mais sans doute circonstancielle.
La philosophie naît du zauma qui n‟est pas un simple étonnement ou émerveillement comme
on l‟a prétendu dans l‟histoire de la philosophie(Aristote) ; zauma(ζασμα) signifie aussi et surtout
peur, notamment la peur de la mort, la peur de l‟ignorance. Pour ne pas mourir, les mythes ont
été inventés par l‟homme afin de trouver remède à la peur de la mort( espérance dans l‟ au-delà)
et aux multiples énigmes de sa vie. Mutatis mutandis, par peur de l‟ignorance, le philosophe se
met dans la voie de la recherche de la vérité et du sens de sa vie par l‟usage de la raison.
Autrement dit, la philosophie naît de la contradiction avec l‟opinion et avec les données de la
tradition. Elle se présente comme cette capacité de voir dans le noir et de se réveiller de tout
sommeil dogmatique par l‟usage correct de la raison. L‟instrument de la philosophie est donc la
raison qui s‟alerte vis-à-vis des éléments ci-après :
A. La curiosité
La philosophie commence avec la curiosité et ne se contente jamais du statu quo. S'étonner
devant le monde, la mort, l'homme et s'interroger sur le comment et le pourquoi, c'est déjà
philosopher.
B. La conscience de la mort
L'homme est un animal, mais un animal qui sait qu'il meurt. La philosophie, comme la religion et
la science, s'énonce pour la première fois au cœur des mythes, en posant la question fondamentale
du pourquoi de la vie et de la mort (ex. : Mythe de la Genèse, mythes étiologiques). La
conscience de la mort peut faire changer la marche du monde si elle est intégrée à toute sorte de
rationalisation dans tous les domaines de la vie.
C. La question existentielle
Kant posera le problème existentiel sous une forme célèbre : « Qui suis-je, d'où viens-je, où vais-
je » ? La question porte à la fois sur l'essence (qu'est-ce que je suis ?), l'origine, la finalité non
seulement de l'homme, mais de l'individu plongé dans l'existence.
4. Question de discipline
La philosophie se définit comme discipline de l'esprit et n‟ a peut-être pas de séduisant de prime
abord. À l'instar des autres disciplines , elle fonctionne selon un code strict comprenant règles,
vocabulaire, références:
A. Règles
L'instrument de la philosophie, c'est la raison : autrement dit, la faculté par laquelle l'homme
connaît , critique et juge. Son exercice nous permet de fixer des critères de vérité et d'erreur, et de
mettre en œuvre des moyens en vue d'une fin donnée. La raison doit être vigilante, ne rien
accepter comme vrai sans passer les vérités proposées au filtre de l'analyse critique (crinau : je
pèse, je juge), sans quoi, elle adopte des préjugés pour opinions et des opinions pour vérité. Par
ailleurs, ce travail critique n'a rien à voir avec l'entreprise de démolition : c'est une approche
intègre de la réalité par l'intellect ou la censure de la raison.
B. Vocabulaire
Le vocabulaire de la philosophie peut paraître ésotérique au profane. Il répond néanmoins à une
nécessité, parce qu'il permet d'appréhender des concepts spécifiques, qui sont les éléments
indispensables du jeu de l'esprit. Les termes tels que être - non être - devenir, essence- existence,
idéalisme - réalisme, nature-culture, unité-pluralité etc. ne sont pas des mots creux, mais des
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notions précises. Il faut les apprendre pour pouvoir se comprendre et communiquer en


philosophie.
C. Références
La philosophie, exercice d'esprit critique, a plus de 2500 ans d'histoire sans compter sa
préhistoire, liée à celle de l'humanité. Ses auteurs ne doivent pas être considérés comme des «
autorités », mais comme des pères et des pairs, qui ont balisé le champ de la connaissance. Les
connaître et les comprendre donne bien plus qu'une culture générale : ouverture d'esprit et
souplesse mentale.
N. B :
Toute philosophie est un combat. Son arme : la raison. Ses ennemis : la bêtise, le fanatisme,
l‟obscurantisme, la légèreté. Ses alliés : toutes les autres sciences. Son objet : le tout avec
l‟homme dedans. Son but : la sagesse: le bonheur, mais dans la vérité(COMTE-SPONVILLE, A.,
Présentation de la Philosophie, Paris, Albin-Michel, 2000, p.15.).
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CHAPITRE DEUXIEME : LA PHILOSOPHIE ET SES PERES(PAIRS)


O. Introduction
Aux VIIe et VIe siècle a. J. C, marqués par le passage de la tradition orale à celle écrite, la
Grèce antique se voit devenir le berceau de la culture occidentale en donnant lieu aux nouvelles
formes de connaissance et au développement de l‟art. Les présocratiques ou pré-sophistes vont
rechercher le premier principe(αρxή: arché) dans l‟interprétation de la nature et de la réalité
physique avant que l‟homme ne devienne pour les sophistes et pour Socrate, l‟unique objet de la
recherche philosophique.
La recherche des premiers principes dans la diversité d‟écoles qui ont caractérisé cette
période avait un seul objectif : arriver à la validité d‟une connaissance unitaire c‟est-à-dire à la
saisie de la vie dans sa totalité. Qu‟est-ce qui est à l‟origine du monde ? ou quel est le principe
générateur du monde ?
Deux courants principaux naissent de ces recherches des premiers penseurs : le Positivisme
ou matérialisme(élément physique) des ioniens d‟une part et le rationalisme des pythagoriciens et
des éléates, d‟autre part. Ces deux courants constitutifs de la raison grecque(Ionie et la grande
Grèce au sud d‟Italie) forment le noyau primitif autour duquel toute la spéculation philosophique
ne cessera de tournoyer au fil de l‟histoire jusqu‟aujourd‟hui(Nous y reviendrons au troisième
chapitre).
I. Antiquité grecque
A. Les présocratiques
1. Physique milésienne (Les ioniens de Milet)
Plusieurs écoles naissent dans la région littorale de la Grèce du VIIe et VIe s. La plus importante
de ces écoles est celle des ioniens de Milet: Thalès, Anaximandre et Anaximène.
a. Thalès de Milet : il est le premier grand penseur inaugurateur de la spéculation philosophique
et de l‟intellect dans la recherche du premier principe qui est, selon lui, l‟eau. Toutes les choses
humides sont constituées de l‟eau et celles qui sont sèches sont mortes. Le corps humain et
animal sont faits de l‟eau tout comme les semences qui donnent vie à la flore(végétaux).
Une objection mérite d‟être faite quant à la portée épistémologique de ce premier penseur
dont on a aucun écrit de sa part en dehors des écrits de Diogène Laërce, Hérodote et Aristote. Si
Thalès ne regardait qu‟à l‟eau pourquoi serait-il mort dans un puits pendant qu‟il regardait les
étoiles comme nous le rapporte Diogène Laërce ?: « Thalès, fils d‟Examius n‟a pas eu dans sa
vieillesse une fin heureuse. Etant sorti la nuit de chez lui, selon sa coutume, pour contempler les
astres, et ne prenant pas garde où il était, il tomba, pendant qu‟il faisait des observations dans un
endroit profond; ç‟a été la fin de l‟astronome de Milet »3. Thalès était plus qu‟un simple
physicien, plus qu‟un simple astronome, le premier grand philosophe de l‟histoire, passionné de
connaître la vérité .
b. Anaximandre : Né entre 610 et 609 a. J. C. à Milet et mort entre 547 et 546 a. J. C.
Contrairement à Thalès dont on ne détient aucun écrit, un Fragment « Sur la nature » est attesté
comme étant son œuvre et la première œuvre écrite de la spéculation philosophique reconnue.
Anaximandre partage la même préoccupation de la recherche du premier principe, le terme archè
qui l‟indique, d‟ailleurs serait de son invention. Ce principe ou substance unique c‟est ce qu‟il
appelle apeiron(απειρον) ou l‟indéfini(infini). C‟est un principe dont il est difficile de déterminer
la matérialité. Tout dérive de ce principe par un procès d‟une continue et incessante séparation.
En mourant ce qui naît retourne naturellement à son principe(infini) pour se reconstituer.
c. Anaximène : né en 586 av. J. C à Milet, il fut probablement élève d‟Anaximandre. Pour lui, le
premier principe c‟est l‟air. C‟est le réceptacle de tout dont on génère et on générera. Tout ce qui
existe et même les dieux sont nés du principe de l‟air qui est le principe du mouvement de toute
chose :
- Quand l‟air manque c‟est le feu

3
D. LAERCE, Vies des plus illustres philosophes de l‟antiquité, chez Lefèvre, Editeur, Paris, p. 5.
9

- quand il se condense elle génère un processus, d‟abord le vent, et puis la pluie et en fin l‟eau, la
terre et la pierre. Pour le reste du cours de la vie, Anaximène suit l’apeiron d‟Anaximandre : ce
qui naît, à la mort, retourne à son principe.
2. Pythagore et le Pythagorisme
Avec la destruction en 494 de la prestigieuse ville de Milet, la pensée intellectuelle des
ioniens émigrera vers la Magna Grecia en Italie du sud et en Sicile où Pythagore fonda son
mouvement en 530 à Crotone: « Plusieurs des hommes qui s‟y font connaître, viennent pourtant
d‟Ionie. Pythagore est né à Samos, Xénophane à Colophon. Et ce sont eux qui donnent chacun
l‟impulsion dans les colonies d‟Italie à un mouvement d‟idées important, à la philosophie des
nombres d‟une part, à l‟éléatisme d‟autre part, qui, l‟une et l‟autre, vont dominer tout le
développement ultérieur des idées »4.
Le pythagorisme qui naît de ce mouvement, malgré ses emprunts à la réflexion
mathématique la plus rigoureuse, est teinté du syncrétisme religieux. C‟est du nombre que naît
toute chose et c‟est dans les signes mathématiques que l‟univers doit se comprendre : le nombre
est l'essence des choses. Dix est le nombre parfait qui résulte de la somme de quatre premiers
nombres(1+2+3+4 : tétragramme) disposés géométriquement sous la forme d‟un triangle.
Le théorème que l‟on attribue à Pythagore énonce que « dans un triangle rectangle, le carré
de l'hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés ». À travers ce théorème, le
pythagorisme formule une règle générale, il ne parle pas d'un triangle rectangle en particulier,
mais de l'essence de n‟importe quel triangle rectangle du fait de ses propriétés. Ici, comme on
l‟aperçoit avec justesse, la spéculation pythagoricienne porte, non sur les choses particulières
auxquelles ces prédécesseurs ioniens se fermaient, mais sur les idées qui les rendent possibles.
C‟est avec Pythagore en s‟appuyant sur le nombre et les sciences mathématiques, que le monde
des idées trouve ses premiers développements. Platon ne sera qu‟un petit fils de Pythagore. Le
pythagorisme veut pénétrer, par-delà l'expérience sensible à la saisie de l'essence des objets, à
partir de laquelle on peut rendre raison des choses de ce monde. La connaissance devient un
mouvement de la raison vers la saisie de ce qui est intelligible au-delà du sens.
Par ailleurs, dans cette réflexion purement rationnelle se cache dans l‟esprit de Pythagore
plusieurs mystères. Nous pouvons retenir de cette doctrine ces éléments essentiels:
1. L'âme est immortelle;
2. Elle transmigre d'espèces animales en espèces animales (doctrine dite de la«
métempsycose »).
3. Ce qui a été renaît, donc rien n'est absolument nouveau (thèse de « l'éternel retour du même»).
N. B : Comme on le voit, il est difficile ou quasi impossible que le domaine du savoir se
parallélise totalement du domaine religieux ou mystique.
3. Héraclite d’Ephèse(576-480)
L‟un des présocratiques dont l‟originalité de pensée a le plus séduit un grand nombre des
philosophes qui ont vu en lui le début de la vraie spéculation philosophique. Son épistémologie se
base sur l‟idée qu‟à la vérité éternelle le commun des mortels ne peut avoir accès car « tout coule,
tout passe et rien ne reste(παντα ρει:pantarei). De toutes ces idées que l‟histoire de la pensée nous
délivre à travers les Fragments d‟Héraclite, rien de grand nous est présenté sur la totalité de sa
conception philosophique.
Nonobstant cette objection critique, «Héraclite dit l‟Obscur et Xénophane sont les deux
premiers penseurs dont nous possédons des fragments quelque peu étendus: ils nous ramènent
l‟un et l‟autre vers les cités ioniennes. Héraclite était d‟Éphèse où il florissait sans doute vers la
fin du VIe siècle.
Dans « son œuvre, De l’Univers, écrite en prose, est la première où nous voyons nettement
une véritable philosophie, c‟est-à-dire une conception du sens de la vie humaine entée sur une
doctrine réfléchie de l‟univers. C‟est peut-être lui qui a divisé son ouvrage en ces trois parties

4
E. BREHIER, Histoire de philosophie, t. I l‟Antiquité et le Moyen âge, éd. électr. Chicoutimi, Québec, 2005, p. 47.
10

devenues traditionnelles: physique, théologique et politique; c‟est sous ces trois chefs que nous
pouvons ranger les cent trente courts fragments qui nous restent »5. Sa philosophie se résumerait
d‟après E. Bréhier dans ces quatre points fondamentaux:
1. Le combat (πολήμος: Polémos) est le père de toutes choses; la naissance et la conservation des
êtres sont dues à un conflit de contraires(contrastes) qui s‟opposent et se maintiennent l‟un l‟autre
grâce au logo.
2. Dans le logos coexistent toutes les oppositions et toutes les différences : homme-femme, jour-
nuit, etc.
3. « L‟unité de toutes choses[…]la substance primordiale est le feu, en lequel peuvent s‟échanger
toutes choses, comme toute marchandise s‟échange contre de l‟or; tout naît et progresse selon que
le feu, éternellement vivant, s‟allume ou s‟éteint avec mesure ».6 La spécificité d‟Héraclite dans
sa posture de dépassement de ses prédécesseurs s‟articule autour de cet élément essentiel du feu
selon E. Bréhier: « Le choix que fait Héraclite, appelle donc l‟attention moins sur la substance
des choses que sur la règle, la pensée, le logos qui détermine les mesures exactes de ses
transformations ».7
4.« Le perpétuel écoulement des choses(παντα ρει, panta rei), Tout coule, tout passe et rien ne
reste : «Tu ne peux pas descendre deux fois dans le même fleuve; car de nouvelles eaux coulent
toujours sur toi».
En fin Héraclite distingue deux catégories de personnes : Des éveillés(Philosophes) qui sont peu
et les dormeurs qui constituent la majorité de la société.
4. Xénophane, Parménide, Zénon et l'école d'Élée
Xénophane, fondateur de l'école d'Élée, est né à Colophon vers 550. C'est après une longue
errance en Sicile, qu'il se fixa à un âge très avancé à Élée (Grande-Grèce, dans l‟actuelle province
de Salerno à Luca). Il est auteur d'un long poème sur la nature. Xénophane et son école posent
les bases de l‟ontologie philosophique autour de la question de l‟être.
Xénophane tout en s‟imprégnant de la cosmogonie milésienne, ses préoccupations le
portent surement ailleurs: « chez lui se précise une idée, déjà explicite chez Héraclite,
l‟incompatibilité de la raison humaine, mûrie par la science milésienne et par l‟expérience, avec
les images traditionnelles du mythe. ».8
N.B : Ce n‟est pas que ces penseurs ne croient pas à l‟existence des dieux, « Avec Xénophane et
Héraclite, nous sommes au moment où la physique ionienne donne naissance à une théologie tout
opposée à celles des mythes, où Dieu prend quelque chose de l‟impersonnalité, de l‟immobilité et
de l‟intelligibilité d‟une loi naturelle ».9 De cette école d‟Elée citons les plus célèbres
philosophes:
a. Parménide
Par rapport aux émigrés de l‟Ionie dont Xénophane son maître, Parménide naît à Élée vers
540. Il est l'auteur d'un poème dont le contenu est considéré comme la première réflexion
ontologique de la philosophie occidentale. Il est le premier à écrire une œuvre philosophique en
vers; nous en avons le début qui est solennel comme le récit d‟une initiation religieuse: « le poète
se voit conduit sur un char par les filles du Soleil, jusqu‟aux portes du jour, que garde la Justice
vengeresse; la Justice, suppliée par ses guides, lui ouvre les portes; il entre et reçoit de la déesse
les paroles de vérité »10. Une autre anecdote précise qu‟à l‟ouverture de la porte deux chemins se
présentèrent celui de l‟opinion et celui de la vérité. Parménide reçoit cette vérité absolue: L’être
est et le non être n’est pas .Penser et être sont une seule et la même chose d‟après Parménide.

5
Ibidem.
6
Ibidem.
7
Ibidem.
8
Ibidem.
9
Ibidem, p. 56.
10
Ibidem.
11

Dans la méthode rationnelle de la recherche de la vérité de l‟être par opposition à la doxa qui
est un savoir rudimentaire fait des opinions, avec cette fiction Parménide livre sa guerre contre
Héraclite et toute l‟école ionienne dans son choix pour la vérité. Dans le Sophiste, Platon met
dans la bouche de l‟étranger(qui représente dans ce dialogue Parménide) s‟adressant à
Théétète(qui représente Héraclite): « Non, jamais on ne prouvera que le non-être existe. Écarte
plutôt ta pensée de cette route de recherche. ».11
Si l‟opinion porte à la connaissance apparente et superficielle de l‟être, la vérité, elle, amène
à la connaissance authentique de l‟être. La vérité, du grec aleteia, signifierait, ce qui ne se cache
pas. Au nom du principe de la contradiction, Parménide par rapport à Héraclite qui l‟admet
comme substantielle à l‟existence des choses, lui nie catégoriquement l‟inexistence du non-être.
Si l‟être diffère à la fois des choses sensibles et des opinions, selon Parménide, la vérité de l‟être
se fixe dans la pure rationalité et intelligibilité des choses; il s‟agit de l‟existence aprioristique de
la pensée et du primat de la raison par rapport au monde du réel, du mythique et du religieux.
Caractéristiques de l‟être parménidien :unicité(#multiplicité), éternité(#temps), immutabilité(#
non-être) et infinité( synonyme de perfection).
b. Zénon
De la pensée de Parménide, son disciple Zénon d‟Élée qui fleurit vers le milieu du V e siècle
développa d‟abord l‟aspect critique et ensuite sa dialectique. Aristote fait de lui le fondateur de la
dialectique qui est l‟art de prouver en partant des principes admis par son interlocuteur. Zénon
inaugure la discussion qui part d‟hypothèses dont il déduit des conséquences. Platon nous dit
qu‟il établissait la thèse de Parménide, l‟existence de l‟Un immobile, en montrant les absurdités
qui résultaient de la thèse contraire. La pluralité est absurde. Si Parménide suit le principe
d‟identité dans sa dialectique, Zénon au contraire suit le principe de contradiction. La méthode
utilisée par Zénon, qui en est le fondateur, est la dialectique qui consiste à admettre les
argumentations de l‟adversaire comme vraies pour en tirer des conséquences qui les réfutent à
travers une démonstration par l‟absurde. Il s‟agit de la confrontation de deux thèses
contraires(Thèse-antithèse). Dans les arguments apparaissent des paradoxes(Para : contre et
doxa : opinion). Le paradoxe indique en général une affirmation contraire au sens commun. En
philosophie, le paradoxe indique une conclusion illogique à travers des prémisses
vraisemblablement correctes. Ex : Pour démontrer que la perpendiculaire est plus courte que toute
oblique, on démontre qu‟il est absurde de supposer une oblique plus courte que la
perpendiculaire.
N. B : Le contraste chez Zénon se trouve entre deux représentations qui visent l‟une et l‟autre à la
rationalité, entre la continuité de la sphère parménidienne et la discontinuité du monde
pythagoricien. Cette discontinuité est absurde; en effet, composer le multiple d‟unités sans
grandeur ou de points, c‟est le composer de rien ; mais donner à chaque unité une grandeur, c‟est
dire qu‟elle n‟est pas l‟unité, puisqu‟elle est alors composée.
5. De la sophistique(Les Sophistes)
Avec la fin des guerres médiques12 (en 449), la Grèce soustraite au danger barbare doit poser
les bases de sa politique et déterminer son propre destin. C‟est la fin de l‟Aristocratie antique,
Périclès (mort en 429) à qui l‟on attribue l‟invention du terme « démocratie », introduit à Athènes
la constitution démocratique dans une situation d‟ébranlement moral très profond. Sur le plan
religieux, le dogmatisme tombe aussi en branle. Dans pareille situation de reconstruction de
l‟empire, la nécessité de la formation intellectuelle de la population ne pouvait être qu‟une
urgence pour la mise sur pied d‟une vision nouvelle dans la marche de la société.
Le concours des sophistes, entendu par ce terme comme sages, hommes habiles ou
simplement professeurs, était d‟une grande valeur pour la diffusion de la culture sur bases
démocratiques. Ces professeurs allaient enseigner à travers les rues de toutes les villes en faisant

11
PLATON, Le Sophiste, éd. Bibliot. Electr. Du Québec, vol. 5, version 1.01, p. 152.
12
Perses quel les Grecs appelaient Mèdes : La puissance ninivite s‟écroula sous une évasion médique(Antiquité).
12

payer leurs enseignements, ce qui n‟était pas licite en cette période-là.


Malgré donc cette clause et le contenu de l‟ enseignement des sophistes qui seront contestés
par Socrate, Platon et Aristote, l‟essentiel à retenir de ce courant est son avertissement au
problème réel de l‟homme dont l‟homme lui-même doit s‟occuper sans attendre de la divinité la
détermination de son sort. Ce n‟est pas Socrate qui est le premier à mettre l‟homme comme sujet
de la philosophie. Il a commencé par être lui-même sophiste, avec cette centralité de l‟homme
avant de se poser comme ennemi de ses pairs qui le condamneront à la ciguë par la suite.
A en croire E. Bréhier: « La sophistique, qui caractérise les cinquante dernières années du Ve
siècle, ne désigne pas une doctrine, mais une manière d‟enseigner[…] A la recherche et à la
publication de la vérité est substituée la recherche du succès, fondé sur l‟art de convaincre, de
persuader, de séduire».13
Les sophistes enseignaient donc les techniques du discours persuasif et l‟art du succès qui
impliquaient une connaissance précise de la réalité institutionnelle et du système des valeurs.
Parmi les grands tenants de cette école citons:
a. Protagoras d’Abdère (vers 440) qui scandalisa les Athéniens par son indifférence en matière
de religion. Il affirmait clairement: «L‟ homme est la mesure de toutes choses, de ce qu‟elles sont
pour celles qui sont, de ce qu‟elles ne sont pas, pour celles qui ne sont pas». C‟est au surplus des
seules choses humaines que l‟homme doit s‟occuper. « Quant aux dieux, je ne puis savoir ni
qu‟ils sont, ni qu‟ils ne sont pas; trop d‟obstacles s‟y opposent, obscurité du sujet et brièveté de la
vie».14
Si l‟homme est la mesure de toute chose et qu‟il ne doit dépendre d‟aucun principe supérieur
qui conditionnerait son destin, c‟est bien clair que le devenir de l‟homme, c‟est l‟homme lui-
même. Ami de Périclès, Protagoras aurait collaboré avec lui dans l‟élaboration de la constitution
démocratique d‟Athènes pour enfin fuir et se réfugier en Sicile. Il aurait fini sa vie noyée.
b. Gorgias de Lentini (Sicile) est né en 485 a. J. C , fut en 427, ambassadeur de sa cité à
Athènes. Il mourût presque centenaire vers 380. Gorgias, après l‟étude minutieuse de ses
prédécesseurs, entend dans ses discours, annuler toutes les certitudes de nature ontologique et
épistémologique: on ne peut pas connaître l‟être. Gorgias est un destructeur dans la présentation
de son ontologie et épistémologie négatives: « il démontre qu‟il n‟y a rien, ou que si quelque
chose existe, c‟est inconnaissable, ou que, si c‟est connaissable, c‟est impossible à transmettre
aux autres ».15 Bref, selon Gorgias, tout est relatif et pas de vérité absolue.
N. B. : Dans un monde où tout est relatif, le grand risque c‟est que l‟homme lui-même devienne
relatif et sur le relatif et l‟artificiel l‟on ne peut rien concevoir de solide. En plus, si la vérité est
relative et que chacun aurait la sienne, pourquoi alors enseigner aux autres chers sophistes !
Nous retenons des sophistes la création de l‟art de bien parler sur n‟importe quel sujet comme un
métier(la rhétorique). Ils sont les « maîtres de la Grèce » par la parole qu‟ils prennent en public
au moment où le pouvoir n‟appartient plus à un seul homme mais dépend d‟un consensus obtenu
grâce aux orateurs semblables et égaux disposant d‟un même temps de parole. La maîtrise du
discours devenant l‟essentielle arme de persuasion du public.
- inspirés par la mesure constatée dans la nature(physis), les sophistes trouvèrent un critère pour
contester les différentes formes de gouvernement et proposèrent des réformes dans
l‟administration de la justice et de la cité. La forme du gouvernement démocratique relève de la
sophistique sous Périclès. Elle fut la première préoccupation de ces professeurs-Maitres pour se
mettre sur la rue afin de proférer des enseignements en vue de réformer la cité et les citoyens.
- le caractère illuministe de la sophistique classique mérite d‟être relevé et la détermination à
enfouir tout ce qui ne résiste pas à la vérification des préjugés d‟une enquête. Les sophistes
érigent d‟après Hegel l‟efficacité comme critère de vérité dans leur pragmatisme. Ils substituent

13
E. BREHIER, Op. cit., p. 71.
14
Ibidem, p. 72.
15
Ibidem, p. 74.
13

au devin guérisseur grâce à ses oraisons, un diagnostic approprié et la prescription des


médicaments dans la médecine. Le positivisme(exigence des faits et de la preuve) de Comte et le
positivisme juridique de Hans Kelsen puisent leur source dans cette première intuition et posture
de la sophistique classique.
6. Période classique(480-320 ACN)
Comme les sophistes , avec Socrate, le centre du questionnement change de gravité. Ce n‟est
plus dans l‟univers qu‟il faut chercher l‟origine du monde mais dans l‟homme et non dans les
discours savants, artificiels et chaotiques des sophistes. L‟homme devient le fondement de la
science philosophique.
1 . Socrate
a. Biographie
Né d‟un père tailleur de pierres et d‟une mère Phénarète, une sage-femme, Socrate, vêtu d‟un
manteau grossier, parcourait les rues pieds nus. Il ne buvait pas de vin, l‟homme à l‟extérieur
vulgaire, un type nouveau, mais qui va devenir le modèle constant dans l‟avenir d‟une sagesse
toute personnelle qui ne doit rien aux circonstances. La philosophie pour lui était toute autre
chose comme le note Platon dans les Nuées d‟après E. Bréhier: « c‟est ce qui ne peut prendre la
forme agonistique et ce qui, par conséquent, se soustrait au jugement de la foule »16. Socrate, de
sa formation personnelle, ses disciples qui le connaissent seulement à la vieillesse ne rapportent
rien de sa jeunesse. Il est à la fois un homme de maîtrise de soi et de passion.
Avec la force de la maitrise de soi, il savait dominer ses propres passions pour vivre en
philosophant: « Le tempérament de Socrate est trop riche pour qu‟il se borne à une pure réforme
intérieure et pour qu‟il n‟aspire pas à répandre sa sagesse autour de lui; ce n‟est pas dans la
solitude qu‟il veut vivre, c‟est avec les hommes et pour les hommes, à qui il veut communiquer le
bien le plus précieux qu‟il a acquis, la maîtrise de soi. Cette force intérieure qui le pousse vers les
autres, Socrate la sent comme une mission divine. Il faut insister sur ce caractère religieux: le
point de départ de son activité à Athènes n‟est-il pas la réponse de la Pythie de Delphes à son
enthousiaste ami Chéréphon à qui il fut révélé que personne n‟était plus sage que Socrate? C‟est
Apollon « qui lui avait assigné pour tâche de vivre en philosophant, en se scrutant lui-même et les
autres ».17
b. Idées générales de la philosophie de Socrate
- Le point crucial de la philosophie de Socrate est la fameuse affirmation: « Connais- toi- toi-
même », « Je sais qu‟une chose, que je ne sais rien ». Au-devant de tout dogmatisme, Socrate
enseigne l‟ignorance gnoséologique qui a comme fondement, la recherche continue de la vérité
philosophique(il s‟abstient de la renfermer dans un code, dans un livre, c‟est pour cela qu‟il n‟
aurait rien écrit). La vérité doit demeurer dialectique et discursive c‟est-à-dire toujours et déjà en
voie d‟être recherchée.
- Face au savoir épars et désordonné des sophistes, Socrate y apporte la nécessité d‟une méthode:
cette gymnastique est au contraire une méthode pour découvrir quelque chose; du conflit des
opinions particulières et incomplètes, sur lesquelles par conséquent l'accord n'est pas possible, il
s'agit de faire sortir une notion commune dont chacune d'elles n'exprimait qu'un aspect. « Voilà
donc en quel sens il y a objectivité d'un savoir, dont l'objet est précisément l'esprit dont ce savoir
est l'acte »18. Objectifs de Socrate : renverser la sophistique et reconstruire la philosophie.
c. Méthode dialogique : Ironie et Maïeutique
Ce qui caractérise Socrate par rapport à ses prédécesseurs, c‟est d‟avoir senti le besoin d‟une
méthode. Il n‟est pas un rêveur comme Parménide ou un discuteur comme Zénon. C‟est un esprit
critique et positif.

16
Ibidem, p. 81.
17
Ibidem, p. 82.
18
ROBIN L. (1866-1945), Platon(1935), éd. électr. V. :10 : Les échos du Maquis, 2011, p. 38.,
14

En utilisant sa méthode en deux séquences ironique et maïeutique, Socrate affronte la rue et la


place publique(Agora) pour la diffusion gratuite de son enseignement en contre opposition avec
la puissante école des sophistes.
Dans cette méthode à deux volets, Socrate veut amener, d‟une part, son interlocuteur à la
reconnaissance des limites de son savoir et d‟autre part, à contempler la vérité innée dans sa
propre conscience. Socrate constitue pour ce faire, un tournant de grande hauteur et une rupture
radicale par rapport à ces prédécesseurs physiciens, rationalistes et sophistes en concentrant le
domaine scientifique dans la conscience de l‟homme et non superficiellement dans l‟art
oratoire(sophistes). Que Socrate soit considéré à juste titre comme le Père de la rationalité
philosophique au sens strict du terme c‟est justement par le fait de ramener le rapport du savoir à
sa propre matrice : la conscience morale, le retour de l‟esprit sur lui-même. Il y arrive par ces
procédés :
1. Ironie : C‟est la pars destruens de la méthode socratique : à travers le jeu des paroles, elle
consiste à détruire le dogmatisme et tout savoir superficiel fait des opinions de la part de
l‟interlocuteur, lui faire reconnaître son ignorance en lui suscitant le doute. Après avoir libéré
ainsi l‟esprit de son interlocuteur de ses erreurs et préjugés, il convient pour Socrate de passer à la
deuxième phase de sa méthode.
2. Maïeutique : Pars costruens de la méthode socratique. En rapport avec le métier de Phénarète,
sa mère, sage-femme, Socrate entend faire accoucher la vérité à son interlocuteur. Contrairement
aux sophistes persuasifs et convaincants, la maïeutique devient pour Socrate l‟instrument d‟auto-
éducation pour l‟interlocuteur sans que le maître ne soit lui seul détenteur du savoir et de la vérité
comme on le prétendrait. L‟importance de ce procédé est d‟une grande relevance non seulement
du point de vue philosophique mais surtout du point de vue pédagogique.
3. La science du bien qui est la vertu est innée, il appartient seulement au maître de la faire
découvrir à son élève.
4. Les concepts
D‟après Aristote, Socrate aurait reconnu pour la première fois l‟importance du concept ou l‟
importance des définitions des choses qu‟il veut faire générer pendant le dialogue. Demander à
l‟interlocuteur de quoi se parle est le point focal du dialogue socratique. A travers une liste des
définitions, l‟essentiel c‟est d‟arriver à une définition qui satisfasse les deux parties. Ici Socrate
dépasse le relativisme solipsiste des sophistes et ouvre à l‟intersubjectivité dialogique. Par
ailleurs la finalité à travers la définition des concepts tels que la tempérance, le courage, la piété
est de savoir si ceux qui prétendent connaître ces vertus, les reconnaissent en eux-mêmes. Le
bénéfice de la discussion, ce sera donc la « connaissance de soi-même ».
N.B : La condamnation de Socrate à la ciguë, avait pour motif majeur: l‟invention d‟un nouveau
rapport à l‟être, une nouvelle forme de spiritualité avec son connais-toi, toi-même de l‟oracle de
Delphes. C‟est cette nouvelle religion qu‟il sort du temple et l‟installe dans la conscience de
l‟homme qui lui coûtera cette sentence de corrompre la jeunesse et de ruiner la cité.
2. Platon et l’Académie
a. vie : Platon est né à Athènes en 427, d‟une famille aristocratique qui comptait des
personnages considérables dans la cité, entre autres le cousin de sa mère, Critias, qui fut un des
trente tyrans. Ses années de jeunesse s‟écoulèrent au milieu des troubles politiques les plus
graves; la guerre du Péloponnèse finit en 404 par l‟écrasement d‟Athènes. La mort de Socrate dut
être une raison définitive du pessimisme politique qui se fait jour dans le Gorgias. C‟est neuf ans
après cette mort qu‟il entreprit son premier grand voyage (390-388), qui le conduisit d‟abord en
Égypte, dont il n‟a cessé d‟admirer la vénérable antiquité et la parfaite stabilité politique, puis à
Cyrène, où il fit connaissance du géomètre Théodore, enfin en Grande-Grèce où il rencontra les
pythagoriciens, et en Sicile où il visita pour la première fois le tyran Denys de Syracuse et se lia
d‟amitié avec son neveu Dion(suspecté de complicité contre le régime, il fut expulsé de la cour
royale). C‟est en revenant à Athènes qu‟il fonda son Académie où il enseigna jusqu‟à sa mort en
348 Av. J. C. Le but de l‟Académie était essentiellement l‟enseignement de la politique(dont
15

l‟arithmétique, la géométrie et l‟astronomie n‟étaient que les points de départ).


b. Le premier Platon : dialogues socratiques contre les sophistes
Dans les œuvres de la jeunesse, Platon se consacre à défendre son maître contre les
sophistes. Il remet en question leur relativisme et soutient la nouvelle philosophie de son maître
sur l‟enseignement de la vertu.
c. Le deuxième Platon : La doctrine des idées
Dans la période de la maturité Platon présente sa propre pensée en élaborant la doctrine des
idées, comme entités parfaites et immutables( qui correspondent à l‟être) dont les choses
terrestres ne sont qu‟une copie imparfaite et mutable. Le monde sensible ne serait que le reflet du
monde des idées. De conséquence, l‟objet principale de la science ce sont les idées. Les idées
sont des Archétypes et Platon les classe en différents groupes:
- Les idées-valeurs : qui correspondent aux suprêmes principes politiques, éthiques et
esthétiques(Justice, Bien, Beau).
- Les idées mathématiques, les idées des choses de la nature, les idées des choses créées par
l‟homme.
N. B : dans la hiérarchie des idées , Platon place l‟idée du Bien comme étant au sommet de
toutes les idées c‟est-à-dire toutes les autres idées participent de l‟idée du Bien.
d. La théorie politique et la République
Dans le dialogue, intitulé, la République, Platon aborde la question de l‟idéal politique dans une
société divisée en trois classes : Les gouvernants, qui doivent être des philosophes(le philosophe
est un roi) et des sages ou qui doivent le devenir, les guerriers et les travailleurs(peuple). Tous
sont engagés chacun dans la recherche du bien collectif selon les inclinations personnelles(
capacités naturelles et non au droit de naissance), être juste c‟est accomplir sa fonction propre.
Ces trois classes correspondent aux trois vertus : la sagesse, le courage et la tempérance. Dans le
mythe de la Bige(char à deux chevaux) aillée, les sages reflètent l‟âme rationnelle, les guerriers,
l‟âme émotive et les travailleurs doivent laisser tous les aspects de l‟âme vivre en équilibre.
Platon distingue, par ailleurs 5 types de gouvernement :
- La Timocratie( gouvernement illégitime qui se base sur l‟honneur),
- l‟Oligarchie(gouvernement illégitime des castes, des riches),
- Démocratie(gouvernement illégitime qui se base sur la liberté des particuliers. Ici, la démocratie
n‟est pas à considérer au sens moderne du terme ), la démocratie dans le contexte athénien c‟est
essentiellement la victoire des pauvres et des non-possédants qui ont le désir insatiable de liberté
qui cause la perte même de la démocratie et change cette forme sociale en son contraire, en
tyrannie.
- Tyrannie (gouvernement illégitime qui se base sur la liberté excessive d‟un seul): celui qui
préside aux destinées de la cité ne peut goûter au pouvoir sans en vouloir toujours plus, et sans
devenir un tyran. Le tyran est toute l‟antithèse du gardien de la cité idéale.
- La République est le pouvoir légitime qui se base sur la sagesse. Dans le gouvernement
républicain, c‟est la justice qui est la vertu cardinale qui s‟impose dans le rapport du singulier
envers la communauté et vice-versa. L‟essentiel de la justice sociale, chez Platon, c‟est de faire
l‟unité de la société. Platon propose afin de garantir cet équilibre de la justice les caractéristiques
suivantes:
* L‟abolition de la propriété privée
* L‟élimination de l‟or et de l‟argent
* la communauté des femmes et des enfants(c‟est la seule manière de lier entre eux les gardiens).
Enfin Platon défend la parité homme-femme dans l‟occupation des charges au sein de la société.
3 Aristote et le Lycée
a. Vie
Aristote est né en 385 à Stagire. De son père, qui était médecin, il ne put subir l‟influence
puisqu‟il était fort jeune lorsqu‟il le perdit. Il passa de longues années dans l‟école de Platon, où
il entra en 367. En 343, il se trouve à Mytilène dans l‟île de Lesbos ; c‟est alors qu‟il fut appelé
16

par Philippe, roi de Macédoine pour se voir confier l‟éducation de son fils Alexandre. Lorsqu‟il
retourna en 335 à Athènes, il ne rentra plus à l‟Académie mais fonda le Lycée, une nouvelle
école, où il enseigna pendant treize ans. Cette école est aussi appelée péripatéticienne(περιπατειν,
Peripatein : se promener) parce qu‟Aristote avait coutume d‟enseigner en se promenant dans les
allées du Lycée. A la mort d‟Alexandre (323), le parti national athénien que dirigeait encore
Démosthène l‟obligea à quitter la ville ; il se retira à Chalcis, en Eubée dans une propriété héritée
de sa mère, où il mourut en 322, à 63 ans.
b. Les analytiques et Les Topiques : Œuvres logiques cfr. le Cours de Logique
c. La Métaphysique
1. Le terme métaphysique n‟est pas d‟Aristote. C‟est Andronicus de Rhodes qui l‟utilise dans
la systématisation des œuvres d‟Aristote( au premier siècle après. J. C) dans une rubrique de 14
Livres qui venaient juste après la physique. En effet μήτα τα ϕύσικα (meta ta physica) signifie :
après(les traités sur) la physique. Aristote dans cette trame, parle de la philosophie première c‟est-
à- dire « la science de l‟être en tant qu‟être ou des principes et causes de l‟être et de ses attributs
essentiels». Elle pose ce problème très concret : qu‟est-ce qui fait qu‟un être est ce qu‟il est ?
Qu‟est-ce qui fait qu‟un cheval est un cheval, qu‟une statue est une statue, qu‟une chaise est une
chaise?
Il s‟agit de savoir le sens qu‟a le mot est dans la définition qui énonce l‟essence d‟un être. La
Métaphysique se trouve être par conséquent, pour sa plus grande partie, un traité de la définition.
Le problème de la définition, base de la philosophie de Socrate et que Platon avait cru résoudre
par la dialectique, n‟est en réalité ni du ressort de la dialectique, qui juge simplement de la valeur
des définitions faites, ni de celui de la science démonstrative qui en use comme de principe, mais
d‟une science nouvelle et encore inconnue, la philosophie première, ou science désirée, qui
s‟occupe de l‟être en tant qu‟être.
2. Les 3 catégories de sciences
Si chez Platon la conception du savoir est globale et totalisante(seules les idées constituent l‟objet
de la science dont s‟occupe la philosophie), Aristote apporte une rupture : pour lui, toutes les
sciences s‟insèrent dans la philosophie qui ne peut être alors l‟unique savoir. Il y a pour lui
plusieurs types de savoir qui sont irréductibles les uns aux autres. Dans la Métaphysique, Aristote
opte pour une systématisation de ces sciences en 3 catégories:
- Les sciences théorétiques( consacrées au nécessaire: Mathématique, physique et métaphysique).
- Les sciences pratiques( consacrées au possible en ce qui concerne le comportement de l‟homme:
L‟Ethique et la politique).
- Les sciences poïétiques ( consacrées au possible en ce qui concerne les créations de l‟homme :
L‟art et les techniques).
3. Principe de la non- contradiction
En effet, pour pouvoir répondre à la question qu‟est-ce que la substance ?, il est nécessaire,
soutient Aristote, que la philosophie réduise toutes les significations de l‟être à un seul signifié
parce que son objet d‟étude est l‟être en tant qu‟être. Il faut arriver pour cela à un axiome qui ne
peut être réfuté. Il s‟agit de ce que Aristote appelle, le Principe de la non-contradiction selon
lequel l‟on ne peut dire d‟une chose en même temps que son contraire.
Ex. L‟homme est un animal raisonnable et dire en même temps, l‟homme est un animal non
raisonnable.
Ce principe énonce le fait que chaque être est un et a une nature déterminée et nécessaire qui ne
peut être niée. C‟est cette nature qu‟il appelle substance. La substance est par exemple, une chose
bien déterminée à quoi se réfèrent des propriétés physiques et logiques.
Au principe de la non contradiction, la critique successive y aurait ajouté ces deux autres
principes :
Principe d’identité( A=A) et le Principe du tiers exclu( qui ressemble au principe de la non-
contradiction) selon ce principe, le troisième terme « C » est un non-lieu, A et B sont dans un
rapport de contradiction.
17

7. Période de l'hellénisme (323-146 A.C.N.)


Dans la foulée des conquêtes d'Alexandre le Grand, la civilisation grecque s'ouvre aux
influences orientales, dont celle de l'Inde et du Moyen-Orient. Alexandrie et Pergame supplantent
Athènes en tant que pôles culturels, mais c'est toujours la langue et les catégories mentales
grecques qui servent la réflexion philosophique. Deux courants sont à retenir: le Stoïcisme (fondé
par Zénon de Citium 335-264 A.C.N), désignée comme « philosophie du Portique » et
l'Épicurisme (fondé par Épicure, 341-270 A.C.N.), autrement appelé « philosophie du Jardin ».
A. Stoïcisme
- Contrairement à la croyance populaire qui présente le stoïcien comme étant un être insensible,
sans émotions, il constitue l‟une des écoles philosophiques les plus importantes de l‟antiquité. On
distingue généralement un Ancien stoïcisme( Zénon, Cléanthe, Chrysippe), un Moyen stoïcisme
plus éclectique(éléments néoplatoniciens, aristotéliciens, orientaux) qui s‟étend de la Syrie
jusqu‟à Rome pendant les deux premiers siècles de notre ère. Et enfin un Nouveau stoïcisme
propre à l‟empire romain( Sénèque, Epictète et Marc Aurèle.
- En dehors de sa cosmologie(éternel retour et son dogmatisme, son providentialisme, le
stoïcisme finit par imposer l‟idéal moral du sage qui sait distinguer ce qui dépend de lui de ce qui
n‟en dépend pas. La morale stoïcienne demeure une morale de liberté. La liberté désigne la
possibilité d‟agir par soi-même à partir de sa propre pensée et de son propre jugement.
Rechercher la sagesse dont la vertu est la seule source du bonheur et non le plaisir(épicurisme).
Etre stoïque équivaut :
à se suffire à soi-même, à aborder le monde et les sentiments avec rationalité plutôt que de subir
et d‟être à la merci de son destin. La maitrise de soi stoïque répond à la devise :άνέτοσ кαι
άπέτοσ( sustine et abstine : supporte et abstiens-toi, souffre et meurs sans parler, impassibilité
dans les pires tourments ou son choix du suicide( pour avoir manqué à son devoir).
B. Epicurisme
Doctrine développée surtout par Lucrèce, repose sur une physique matérialiste selon laquelle
n‟existe que le vide et les atomes. Les atomes composent les corps et les mondes qui s‟agregent et
se désagrègent de manière imprévisible. Le sage n‟ a craindre ni un dieu créateur, ni la mort(
notre ame étant elle-même composée d‟atomes. La morale épicurienne réside dans la recherche
du bonheur comme ataraxie(absence de trouble. Seul le plaisir est un bien. La racine du plaisir est
le ventre. Mais le sage doit se limiter aux plaisirs simples, naturels et nécessaires. Les épicuriens
distinguent donc les trois plaisirs ci-après :
- plaisirs naturels et nécessaires : boire, manger ;
- plaisirs naturels et non nécessaires : excès, au-delà du besoin réel
- plaisirs non naturels et nécessaires : acquisition des biens materiels
N. B : Le jardin d‟Epicure était un refuge pour le sage popur échapper aux agitations du monde
en cultivant des relations amicales.
II. Antiquité romaine
La Philosophie romaine (à entendre par là, qui se développe sur le territoire de l'Empire romain)
ne crée pas à proprement parler d'école: elle adopte et adapte les courants que lui ont légués les
penseurs grecs, et ne devient originale que dans la synthèse pratique de ceux-ci. Aussi est-elle
marquée davantage par des noms que par des courants.
a. Lucrèce (98-55A.C.N.)
Poète latin, influencé par Épicure, il écrira De natura rerum, « de la nature des choses », ouvrage
qui expose sa pensée hédoniste et matérialiste.
b. Epictète (50-125 P.C.N.)
Esclave phrygien, affranchi, il enseigna le stoïcisme à Rome puis à Nicomédie. On conserve de
lui un Manuel et des Entretiens.
c. Sénèque (5-65 P.C.N.)
Philosophe et homme de cour, il fut le précepteur de Néron, qui le condamna au suicide. Ses
18

écrits témoignent d'un stoïcisme timoré: Dialogues, Lettres à Lucilius, De ira, De amicitia.
d. Marc-Aurèle (121-180 P.C.N.)
Empereur romain et philosophe, successeur d'Hadrien au trône, il défendit les frontières de
l'Empire contre les invasions. Ce chef politique et militaire engagé a laissé des Pensées, qui
traduisent son vécu de stoïcien confronté à la pratique.
e. Plotin (205-270 P.C.N.)
Plotin adapte Platon et fonde par là le néo-platonisme, qui, en réaffirmant la distinction entre la
matière et l'esprit, influencera profondément la philosophie chrétienne.
f. Saint Augustin (Aurelius Augustinus) (354-430 P.C.N.)
Penseur et théologien, il défendit la foi chrétienne contre le paganisme, donna, contre la
conception traditionnelle du temps cyclique, naissance à une conception de l'histoire linéaire. Ses
écrits relatifs à la Grâce prêtèrent le flanc aux plus grandes controverses, alimentèrent la crise de
la Réforme et le jansénisme. Il reste un des Pères de l'Église, c'est-à-dire un des intellectuels
fondateurs de sa doctrine.
III. Moyen Age
La philosophie occidentale, au Moyen-Age, est essentiellement chrétienne: elle vise à concilier
foi et raison. Elle subordonne la connaissance aux vérités révélées de la Bible: ce qui n'empêche
pas, selon des penseurs comme Abélard ou Thomas d'Aquin, l'exercice de la raison.
L'enseignement philosophico-théologique porte le nom de scolastique (du latin, scola, école). Il
emprunte la méthode de la quaestio- responsio, sorte de cheminement dialectique entre l'Écriture
(les affirmations de la Bible) et la connaissance rationnelle. La logique revêt dans ce contexte une
importance fondamentale.
Le Moyen-Age est influencé d'une part par saint Augustin(référence incontournable en matière de
Foi) et Aristote dont les écrits sont peu à peu redécouverts par les philosophes arabes Avicenne
(980-1037) et Averroès (1126-1198) par le biais des croisades de l'Espagne et de Byzance. S.
Augustin est influencé par l‟ idéalisme souvent proche de Platon, en opposition avec le réalisme
et le naturalisme d‟Aristote. Le conflit sera souvent aigu dans la représentation de différentes
écoles de cette période. Citons les auteurs les plus renommés :
A. Pierre Abélard (1079-1142)
Théologien et philosophe, il est davantage célèbre aujourd'hui pour ses amours infortunées avec
la belle Héloïse que pour ses traités, dont le plus connu est Dialectique. Abélard occupe une place
importante dans la formation de la scolastique; il s'illustra par ailleurs dans la Querelle des
Universaux (nominalistes(concept : simple nom de la chose) et réalistes( concept=chose réelle).
B. Thomas d'Aquin (1225-1274)
Théologien et philosophe, il réalisa la synthèse du savoir de son temps dans une œuvre immense,
qui marqua définitivement l'Occident chrétien: c'est la Summa Theologica, dite encore Summa
summarum. Penseur encyclopédique et moderne, il rêva de concilier la Foi et la Raison, et fonda
la légitimité de cette dernière pour la connaissance du monde.
C. Guillaume d'Ockham (1285-1347)
Théologien et philosophe, il fut un nominaliste radical, et refusa la possibilité de connaître Dieu
par la raison. Il est l'auteur d'une Somme de logique qui, par son principe d'économie (le fameux
"rasoir d'Ockham"), donna à la science moderne des maximes et une méthode. Il est considéré
comme le précurseur des empiristes. G. d‟Ockham prêchait un empirisme radical avec une
séparation radicale entre foi et raison. Tout ce qui dépasse la sphère de la raison ne peut pas être
ni connu ni démontré. De cette façon, G. d‟Occam mit fin au problème de la philosophie
médiévale et libéra la philosophie de ses liens avec la théologie : c‟est ce qu‟on appelle le rasoir
d‟Ockham.
IV. La Renaissance
- la Renaissance est la redécouverte de la culture de l'Antiquité gréco-latine(naissance de la
philologie).
- L‟invention de la machine à écrire(imprimerie) par Johann Gutenberg(1394-1468) qui favorisa
19

la diffusion par le livre de la nouvelle culture humaniste.


- La réforme protestante de M. Luther.
- La découverte du nouveau monde des Amériques par Christoph Colomb ( grâce au compas) , le
12/10/1492.
- La naissance des Etats modernes(avec l‟invention de la poudre à canon) et la fin progressive du
règne de deux pouvoirs historiquement en contraposition : Eglise et empire. La laïcité des Etats
et de la culture s‟affirme.
La renaissance est au centre des enjeux sur le plan scientifique et politique avec des théories de
Copernic (1473-1543), réaffirmée plus tard encore par Galilée (1564-1642). On retiendra aussi et
tout particulièrement Nicolas Machiavel (1469-1527), auteur d'un manuel de pédagogie politique,
Le Prince, qui fonda quelques-uns des principes de la gouvernance d'un état moderne. Il est le
créateur de l'adage: La fin justifie les moyens.
V. Époque moderne
A. Le XVIIe siècle
Partout en Europe, on note l'essor de la bourgeoisie, du commerce, de la raison pratique et le gout
pour le confort et le luxe. La problématique du droit naturel se pose de façon de plus en plus
systématique, en rapport avec la constitution des États et des collectivités (Léviathan, œuvre
politique de Thomas Hobbes, 1588-1679). Les sciences progressent notamment avec Francis
Bacon (1561-1626) qui met au point la méthode inductive dans ses Essais, et Isaac Newton (1643-
1727) qui l'applique de façon systématique dans ses recherches mathématiques et physiques.
Dans le même temps se développe une vision mécaniciste de l'univers. Deux courants
philosophiques se dessinent: le rationalisme, qui pense possible une connaissance par la raison a
priori, et l'empirisme, qui renvoie la raison dans les strictes limites de l'expérience.
*Parmi les représentants du rationalisme, on compte:
1. René Descartes (1596-1650)
Par son célèbre "Je pense, donc je suis", Descartes établit, après une mise en doute systématique
de la réalité extérieure, les fondements de la connaissance dans la conscience qui se pense. En
outre, dans son Discours de la Méthode, il formule les règles de la pensée analytique. Il est
considéré comme le père du rationalisme et du mécanisme.
2. Baruch Spinoza (1632-1677)
Penseur rationaliste et panthéiste des Pays-Bas, d'origine juive, mais renié par sa communauté, il
fut l'héritier controversé de Descartes. Il est l'auteur d'une Éthique ainsi que d'un Traité theologico -
politique difficiles d'accès, mais très moderne.
3. Gottfried Wilhem Leibnitz (1646-1716)
Philosophe, érudit et mathématicien allemand qui tenta de donner une base ontologique à la
science moderne par la théorie des monades. Il est l'auteur du Discours métaphysique, ainsi que de
la Monadologie.
*Parmi les représentants de l'empirisme, on compte:
4. John Locke(1632-1704)
Philosophe anglais, il est considéré comme le fondateur de l'empirisme, théorie selon laquelle
rien ne peut être présent dans l'esprit qui ne soit le résultat de l'activité sensorielle: toute
connaissance passe par l'expérience préalable. Il est l'auteur De la conduite de l'entendement et du
Traité du gouvernement civil.
5. Thomas Hobbes (1588-1679)
Philosophe anglais, préoccupé par la nature du pouvoir politique (Léviathan), il justifiera la raison d'État.
Inspiré par les sensualistes, il considère que l'expérience est la seule base de connaissance. Sa pensée
matérialiste - il nie l'existence de l'âme - et anticlérical, il va inspirer Diderot, Holbach et Voltaire.
20

6. Georges Berkeley (1685-1753)19


Évêque irlandais et philosophe empiriste, il radicalise la théorie de Locke en réduisant la réalité à la
conscience sensorielle. Seul ce qui fait l'objet d'une perception peut être considéré comme "existant".
Autrement dit, être, c'est être perçu. Ses ouvrages phares sont les Dialogues d'Hylas et Philonoüs, ainsi
que le Traité des principes de la Connaissance.
B. Le XVIIIe siècle
Le dix-huitième siècle est appelé Siècle des Lumières, parfois nommé encore "Le siècle des
philosophes". La lumière dont il est question est celle de la raison dans le domaine scientifique et
politique. Ce courant débouche à la fois sur la Révolution française, qui fait basculer l'Ancien
Régime, et sur la défense des Droits de l'Homme. Il fonde la croyance dans le progrès humain, lié
à celui des sciences. Révélatrice de cet état d'esprit, l'Encyclopédie de Denis Diderot (1713-1784)
met à la disposition de tous, une œuvre scientifique et technique destinée à propager le libre esprit
et la libre initiative. Les penseurs de l'époque témoignent d'un esprit cosmopolite et européen
(Montesquieu (1689-1755) a fait le voyage d'Angleterre, Hume (1711-1776) se lie à Paris avec
d'Alembert (1717-1783) et Helvétius (1715-1771), il héberge Rousseau (1712-1778) en
Angleterre; Voltaire (16941778) séjourne en Angleterre, à Bruxelles, Berlin, Postdam....
Sur le plan pédagogique, il faut garder à l'esprit que la philosophie des Lumières dépasse les
frontières et apporte une nouvelle vision du monde à l‟Europe et au monde.
VI. L'époque contemporaine (1789- )
En termes historiques, l'époque contemporaine commence au lendemain de la Révolution
française. Nous suivrons donc cette subdivision classique.
A. Le XIXe siècle
Le XIXe siècle est celui de la révolution industrielle, avec essor des technologies répondant à
celui des sciences. La théorie de l'évolution de Darwin bouscule la vision de l'histoire, la biologie
et la chimie changent le rapport à la matière; le développement du chemin de fer, du bateau à
vapeur, de la mécanisation, des industries modifie d'autant le paysage et la perception de
l'environnement. Dans le même temps, sur le plan artistique, le romantisme s'affirme chez
Goethe, Hugo, Delacroix, Beethoven... Différents courants philosophiques marquent le siècle.
Citons les éminents penseurs ci-après :
1. Friedrich Hegel (1770-1831)
Principal représentant de l'idéalisme allemand, promoteur de la dialectique(thèse, antithèse,
synthèse). Hegel est à l'origine de la philosophie de l'histoire et jette les premiers jalons d'une
phénoménologie de l'esprit.
Ce philosophe immense laisse une œuvre difficile, mais incontournable, qui a influencé l'histoire
de la pensée par action, ou par réaction.
Œuvres: Phénoménologie de l'Esprit; Esthétique...
2. Jeremy Bentham (1748-1832)
Philosophe anglais, fondateur du courant utilitariste, qui postule qu'un mode de comportement est
justifié dès qu'il augmente la quantité d'avantages dans le monde ou réduit celui des
désagréments. Ce courant influença radicalement la philosophie politique libérale, et
particulièrement anglo-saxonne, jusqu'à nos jours. Bentham est l'auteur de Principes de la morale et
de la législation. Il a influencé John Stuart Mill (1806-1873) et son ouvrage L'Utilitarisme, ainsi que
Herbert Spencer (1820-1903).
3. Auguste Comte (1798-1857)
Philosophe français, fondateur du courant positiviste, Auguste Comte entend s'attacher
uniquement au réel. Selon lui l'esprit humain passe par trois stades, théologique, où l'homme
cherche la raison des choses dans un être surnaturel, métaphysique, où il se laisse diriger par des
idées abstraites, enfin, positif et scientifique, où il découvre les lois naturelles à travers

19
C‟est à dessein que nous présentons ce philosophe du XVIIIe s, à la suite des deux précédents : il s‟insère difficilement, en
effet, dans le courant des Lumières.
21

l'observation et l'expérimentation. Ses idées sont exprimées dans le Cours de philosophie


positive.
A. Le positivisme
1. Au cœur du réalisme naît le positivisme, doctrine qui soutient que seules les sciences naturelles
sont l‟unique source légitime dans le monde de la connaissance(A. COMTE, Cours de
Philosophie positive(1830-1842) et dans le Système de politique positive(1852-1854)). La
préoccupation de ce penseur est de construire une philosophie positive en tant qu‟interprétation
objective et utile au progrès de l‟humanité. Le positivisme place A. Comte parmi les grands
réformateurs du sens de l‟histoire, de la classification des sciences et la fondation de la
sociologie. Il s‟insère dans la tradition illuministe de F. Bacon du regnum hominis avec la
naissance de la science et de la technique.
Pour COMTE, grâce à la science, il est nécessaire de construire une nouvelle « société
organique ». vis- à- vis de la loi de trois états :
- Etat théologique : phase de l‟enfance qui croit à l‟existence réelle du père noël par exemple
- Etat métaphysique : phase de la raison mais une raison irréelle qui correspond à l‟âge de la
Modernité)
- Etat positif : Phase de l‟âge adulte où l‟homme ne doit plus s‟intéresser à la question du
pourquoi ? Mais à celle du comment ? Avec le positivisme tout doit être explicable et plus
question de l‟arbitraire : produire des lois sous l‟égide du scientifique pour accroitre le bien etre
social de la société. Les faits et rien que les faits à prendre en compte dans la nouvelle règle
scientifique. A. Comte fit du positivisme une religion, bien structurée dont lui-même était le grand
pontife.
Après sa mort, les positivistes renoncèrent à l‟aspect religieux, sociologique et politique du
positivisme pour ne s‟en tenir qu‟à son aspect scientifique. Ils remplacèrent donc la religion de
l‟humanité par la religion de la science. De là l‟on ne retient du positivisme que la condamnation
de la métaphysique ou l‟empirisme logique car Comte rejetait aussi bien l‟empirisme que le
logicisme(Carnap et le Cercle de Vienne, 1922-1938).
2. Dans la deuxième moitié du XIXe S. l‟Europe sera embrasée par l‟esprit positiviste dans le
progrès de la science et de la technologie.
3. Positivisme juridique :
- opposition aux théories du droit naturel(Jusnaturalisme : défend l‟idée du droit naturel qui
découle de la nature humaine et/ ou de la nature de l‟existence que la loi doit pouvoir faire
respecter si elle doit être juste ).
- Le positivisme juridique défend la thèse selon laquelle, le droit est conventionnel c‟est-à-dire, ce
que les êtres humains décident qu‟il est. Le droit se réduit au droit positif tel qu‟il existe dans les
codes. L‟Autrichien Hans Kelsen(1881-1973, auteur de la Constitution d‟Autriche en 1920), tout
en défendant le positivisme juridique, s‟en tient, en effet substantiellement à l‟étude de la forme
des normes juridiques considérées comme valides et en analyse la consistance. Dans sa Théorie
pure du droit(1953), doctrine appelée aussi normativisme juridique, Hans KELSEN, sous
l‟influence de la religion d‟A. COMTE, élabore la théorie de la pyramide des normes ou le
normativisme. Il réduit dans son Etat de droit, un Etat des normes. Etat=Normes. Il postule
l‟existence d‟un ordre juridique lorsqu‟ un groupe de normes constituent une unité, pas en
référence à la matière régulée, à la personne ou au territoire mais du fait que ces normes
proviennent toutes d‟une norme fondamentale. Celle-ci peut se définir comme la norme qui fonde
la validité des autres normes du système sans être fondée par une autre norme. Son fondement
consiste du fait que l‟ordre dont elle tire sa source est totalement efficace(principe d‟efficacité).
La norme fondamentale est une norme de droit international qui a la primauté sur le droit interne.
car elle configure le droit comme une technique sociale requise dans la résolution et l‟élimination
des conflits20.

20
H. KELSEN, cité in Dizionario di filosofia, Gli autori, le correnti, i concetti, le opere, ed. BUR, Milano, 2008.
22

Ces particularités seront développées dans le cours de Philosophie du droit.


4. Karl Marx (1818 -1883)
Philosophe allemand ayant longtemps vécu en Angleterre, héritier de Hegel en ce qui concerne le
principe de dialectique, Marx est un philosophe matérialiste qui conçoit l'histoire du monde
comme un processus de progrès, initié par la lutte des classes.
Il est l'auteur de : Misère de la philosophie, Le Capital.
B. Le XXe siècle
Siècle des bouleversements, marqué par les idéologies du Fascisme et du Communisme, le XXe siècle fait
l'expérience de deux guerres mondiales et du crime contre l'humanité à l'échelle planétaire. L'après-guerre
marque le développement de la société de consommation, et les deux dernières décennies du siècle celle des
communications, avec la mondialisation des médias et l'internet. La science, par la théorie de la relativité et la
physique quantique, fait exploser les cadres traditionnels de la rationalité et cette atomisation du réel n'est pas
sans incidence sur l'art. La philosophie se centre sur de nouvelles questions: la vie, le langage, la société.
1. Henri Bergson (1859-1941)
Principal représentant français de la philosophie de la vie, il conçoit l'évolution de la réalité
comme élan vital, action qui continuellement croît et s'enrichit. Il a pensé le progrès
technologique et scientifique en termes éthiques. Il est l'auteur de : L'Évolution créatrice, Les deux
sources de la morale et de la religion.
2. Jean-Paul Sartre (1905-1980)
Philosophe français, promoteur du courant existentialiste, dont le danois Soren Kierkegaard et
l'allemand Martin Heidegger (18891976) peuvent être considérés comme les pères fondateurs.
L'existentialisme met en exergue l'absence de repères essentiels et la nécessité de se constituer
par des choix, dans la liberté. Saint-Exupéry, Camus, Simone de Beauvoir s'inscrivent également
dans ce courant. Sartre est auteur des traités philosophiques dont L'être et le néant, ainsi que de
romans -La nausée, et de pièces de théâtre: Huis clos; les mouches…
3. Ludwig Wittgenstein (1889-1951)
Philosophe autrichien, il est le principal représentant de la philosophie du langage. Il est l'auteur
du Tractatus logico- philosophicus et d'un ouvrage posthume, qui révise sa première philosophie, les
Investigations philosophiques. Wittgenstein donna l'impulsion à l'Oxford philosophy, avec le courant
de réflexion sur le langage développé dans la célèbre université.
4. Karl Popper (1902-1994)
Philosophe autrichien, fondateur du rationalisme critique. Il définit le processus scientifique
comme une remise en cause constante d'hypothèses ; le caractère scientifique étant vérifiable par
la falsifiabilité de l'hypothèse. Œuvres : La connaissance objective; Le réalisme et la Science.
5. Philosophie africaine : quelques ébauches
a. existe- t- elle une philosophie africaine ?
La problématique de la particularité d‟une philosophie dite africaine reste pendante et polarisée
autour de la question de l‟existence ou non d‟une «philosophie africaine». Est-elle ethnologique
ou systématique ? La tentative de réponse constitue déjà un début du philosopher africain.
La rédaction du Titre La Philosophie bantoue par le missionnaire Hollandais Placide Tempels en
1945 et publié en 1948, inaugurera le débat de la philosophie africaine en rapport avec celui de la
négritude et de l‟identité noire engagé dix années auparavant par des écrivains africains, afro-
américains et antillais, parmi lesquels L. S. Senghor, Léon Gontran Damas et Aimé Césaire.
b. Ontologie nègre
Le père Tempels emprunte une méthode qui consiste à «postuler, chercher et trouver, comme
ultime fondement d‟un comportement humain logique et universel propre aux Bantous. Il se
demande « Si les primitifs ont une conception particulière de l‟être et de l‟univers ». « Cette
“ontologie” propre donnera un caractère spécial, une couleur locale à leurs croyances et pratiques
religieuses, à leurs mœurs, à leur droit, à leurs institutions et coutumes, à leurs réactions psy-
23

chologiques et plus généralement à tout leur comportement.»21. Pour Tempels, il est bien clair
que les Bantous ont leurs propres idées et leur propre vision du monde.
c. Critiques à l’endroit de Tempels
« La Philosophie Bantoue » suscita bien des critiques de la part des philosophes et
théologiens :
1. Alexis Kagamé réfuta à la suite du père Mulago l‟identification de l‟être à la force vitale.
Selon ces philosophes, Tempels soutient le panvitalisme chez les Bantous où tout est force(force
animale, force végétale, force humaine,…).
2. Les critiques les plus vives de ce courant seront faites par Paulin Hountondji, Marcien Towa et
Fabien Eboussi Boulaga22. Malgré toutes ces critiques comme le reconnaît P. Hountondji, La
Philosophie bantoue a ouvert la voie à toutes les analyses ultérieures dans la reconstruction
«d‟une vision du monde spécifique, supposée commune à tous les Africains soustraite à l‟histoire
et au changement et, par surcroît, philosophique». Deux inconvénients majeurs à l‟endroit de la
Philosophie Bantoue:
- elle ne s‟adresse pas aux Africains, mais aux Européens, notamment aux coloniaux et aux
missionnaires. «Le Noir continue, de ce fait, d‟être tout le contraire d‟un interlocuteur: il est ce
dont on parle, un visage sans voix qu‟on tente de déchiffrer, entre soi, objet à définir et non sujet
d‟un discours possible »
- La prétention de Tempels à définir une philosophie collective des Africains à caractère
ethnologique, qualifiée par Hountondji d‟«ethnophilosophie ». 23 En se débarrassant du «concept
vulgaire» de la philosophie hérité de l‟ethnologie, P. Hountondji montrait par-là que la
philosophie africaine doit s‟appréhender de façon rigoureuse comme une réflexion méthodique
«ayant les mêmes visées universelles que celles auxquelles prétend n‟importe quelle philosophie
dans le monde »24 .
N. B : A la suite de ces critiques et positions des penseurs Africains vis-à-vis de Tempels, la
problématique de la philosophie africaine reste celle de s‟insérer dans le concert de la rationalité
universelle. Ainsi, derrière la question de la philosophie africaine se profile celle de l‟existence
du sujet comme condition du philosopher. Une véritable réflexion philosophique des africains
doit supplanter la simple activité philosophique qui fait parfois recours à l‟aspect simplement
culturel et politique sans une tentative avérée d‟un discours systématique sur ces données. Nous
pensons de notre part, comme chercheur dans ce domaine qu‟il serait urgent de fonder des
principes qui suscitent la systématisation de notre vision du monde en matière :
- Politique, économique,(de) bonne gouvernance et gestion des affaires publiques, (de)droit, …
L‟empreinte de l‟africanité dans le domaine de la connaissance et des idées reste un défi majeur à
relever par l‟intelligentsia africaine pour s‟affranchir des idées reçues afin de voir s‟appliquer sa
propre raison comme vision du monde à la croissance et au développement de l‟Afrique.

21 P. TEMPELS , La Philosophie bantoue, Paris, Présence africaine, 1948, pp. 14-18.


22. F. EBOUSSI BOULAGA, La Crise du Muntu. Authenticité africaine et philosophie, Paris, Présence africaine, 1977.
23. P. HOUNTONDJI, Combats pour le sens. Un itinéraire africain, Cotonou, éd. du Flamboyant, 1997, p. 133.
24. Ibidem., pp. 71-72.
24

DEUXIEME PARTIE : ETHIQUE


CHAPITRE TROISIEME : Ethique dans l’histoire de la pensée
3. 0 Introduction
Parler de la philosophie équivaudrait à discourir implicitement sur l‟éthique car le centre des
réflexions philosophiques ont le point de départ et le point d‟arrivée l‟homme et son bonheur.
Différentes cultures historiques et religieuses véhiculent des réflexions autour de la manière dont
l‟homme doit vivre en ce monde dans son rapport avec ses semblables, avec la nature et avec
Dieu. L‟éthique ou la morale constitue en ce qui concerne notre option, le fondement essentiel du
droit. Sans éthique, les normes juridiques ne seraient qu‟oppression et viole de la liberté
fondamentale de la nature humaine. Dans cette perspective, la question « Qu'est-ce que l'être
humain ? » devient fondamentale. De même, les questions : « Que devons-nous faire pour être
heureux ? » ou encore « Qu'est-ce que le bien ? Qu'est-ce que le mal ? » sont des questions
primordiales pour les philosophes qui considèrent que la philosophie est une réflexion critique sur
les problèmes humains fondamentaux.
Ce chapitre met en relief l‟importance que certaines traditions philosophiques et religieuses ont
pu révéler à l‟intelligence humaine en matière éthique.
3. 1. Socrate
La science pour ce génie de l‟histoire de la philosophie, consistait à enseigner la vertu qui est la
science du bien. Cette science est innée et elle est présente dans la conscience de chaque homme,
il convient seulement de rentrer en soi-même(connais-toi-même) pour la découvrir. Philosopher
et vivre sont deux réalités qui semblent connexes chez ce philosophe. « Connais-toi-toi-même,
découvre le bien qui est en toi, écoute la voix de la divinité qui parle dans ta conscience » . La
justice socratique consiste en effet à pratiquer le bien. Voulant nous mettre à l‟école de la vertu
du connaître et du savoir-vivre philosophique initié par Socrate, il est pertinent de poser
aujourd‟hui le problème de la connaissance. Qu‟on le veuille ou non, la grande menace à laquelle
notre humanité est continuellement exposée, est justement celle de l‟ignorance. A quoi servent
nos écoles de tous les niveaux possibles si notre humanité continue à être déshumanisée? Un
savoir qui n‟humanise pas n‟est-il simplement pas de l‟ignorance que l‟on accumule dans bien
des domaines au détriment de l‟homme lui-même? Chez Socrate, la vérité fait à la fois science et
vertu dans le connais-toi-toi-même. Pour lutter contre tous les déficits qui nous déshumanisent
sur biens d‟aspects, nous devons apprendre à nous connaître et éviter à vivre dans l‟opinion de
l‟autre.
3. 2 Platon
Dans sa République, Platon met dans la bouche de Socrate s‟adressant à Adimante ces
paroles : « voici au moins une chose que tu n'ignores pas, c'est qu'au jugement de la foule, le bien
est le plaisir, tandis que, pour des gens plus délicats, c'est la pensée ».25 Savoir et réalité sont
analogues d‟après Platon et il admet qu‟ ils « soient, l'un et l'autre, tenus pour « apparentés au
Bien; ce qui ne l'est pas, c'est d'admettre que n'importe lequel des deux soit le Bien lui-même; la
condition du Bien a droit au contraire d'être honorée à un plus haut rang ».26 Contrairement à
Socrate, l'intention initiale de Platon en fondant son Académie est politique: il croit à la
possibilité de changer et réformer la vie politique par l'éducation philosophique des hommes.
Platon constate à la suite de la mort de Socrate que la cité était livrée à la merci de la classe
ignorante des sophistes et qu‟il fallait une formation adéquate pour ceux qui sont appelés à
diriger les affaires publiques. Chez Platon, il n‟y a pas seulement la contemplation du monde des
idées comme l‟histoire nous le présente, Platon unit en lui les deux sphères de la connaissance à
savoir le théorique et le pratique que s‟unissent dans la théorétique come Aristote cherchera à la
situer dans sa philosophie. Ses voyages et ses expériences heureuses et malheureuses surtout à
Syracuse l‟ont aidé à se faire l‟idée de ce que c‟est que la politique et de la nécessité de la

25
PLATON, La République, éd. électronique, v. :1,0: Échos du Maquis, 2011, p. 6.
26
Ibidem, p. 12.
25

philosophie dans le monde des affaires publiques. C'est pourquoi, dit-il, « je fus irrésistiblement
amené à louer la vraie philosophie et à proclamer que, à sa lumière seule, on peut reconnaître où
est la justice dans la vie publique et dans la vie privée. Donc les maux ne cesseront pas pour les
humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n‟arrive au pouvoir ou que les
chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement »27. Le chemin à
parcourir est bien loin d‟être commencé en ce qui concerne la science de la vertu de la raison que
Socrate avait voulu qu‟elle soit la vraie, sinon l‟unique science de l‟homme et pour l‟homme.
3. 3 Aristote
Comme pour Socrate et Platon, Aristote reconnaît qu‟en dehors du Bien Suprême auquel doit
tendre la pensée, tout acte d‟esprit et d‟intelligence est nul. La pensée est un acte selon Aristote
qui doit participer de l‟acte du Souverain Bien qui est Dieu. Cette perception onto-théologique de
la pensée suscite dans la philosophie d‟Aristote toute l‟ampleur qui doit accompagner l‟esprit de
recherche et la propension vers le bien, la jouissance et le bonheur de l‟homme. Considérer la
pensée comme acte participatif de l‟acte pur est très fascinant. « Or la Pensée, écrit- il, celle qui
est par soi(…) est la pensée de ce qui est le meilleur par soi, et la Pensée souveraine est celle du
Bien souverain. L'intelligence se pense elle-même en saisissant l'intelligible, car elle devient elle-
même intelligible en entrant en contact avec son objet et en le pensant, de sorte qu'il y a identité
entre l'intelligence et l'intelligible : le réceptacle de l'intelligible, c'est-à-dire de la substance
formelle, c'est l'intelligence, et l'intelligence est en acte quand elle est en possession de
l'intelligible».28 L‟effort de l‟intelligence humaine est de rester en état de travail constant pour
atteindre le Bien Suprême dans lequel il n‟y a aucun contraire. Faire honneur à la vertu de la
pensée comme acte et non comme simplement puissance équivaut à reconnaître en l‟homme sa
nature divine. Aristote l‟affirme avec exactitude dans l‟ Ethique à Nicomaque : « Mais si le
bonheur est une activité conforme à la vertu, il est rationnel qu'il soit activité conforme à la plus
haute vertu, et celle-ci sera la vertu de la partie la plus noble de nous-mêmes[…]. En effet, en
premier lieu, cette activité est la plus haute, puisque l'intellect est la meilleure partie de nous-
mêmes et qu'aussi les objets sur lesquels porte l'intellect sont les plus hauts de tous les objets
connaissables. Ensuite elle est la plus continue, car nous sommes capables de nous livrer à la
contemplation d'une manière plus continue qu'en accomplissant n'importe quelle action ».29 La
contemplation est l‟activité suffisante du philosophe et non l‟action qui appartient aux sciences
pratiques.
N. B : Ces trois classiques considèrent que le droit est une forme coactive(qui a pouvoir de
contraindre) de la moralité c‟est-à-dire les normes juridiques constituent l‟un des moyens pour
rendre les normes morales plus opérantes.
3. 4 culture asiatique
Contrairement à la Grèce antique dont l‟histoire remonte au VIe siècle avec les présocratiques, la
culture asiatique connue plusieurs siècles après, nous présente une éthique plus ancienne et toute
particulière aussi bien en Inde qu‟en Chine pour ne retenir que ces deux régions.
A. L’Inde
a. sources de l’Hindouisme et du bouddhisme
L‟éthique indienne est logée dans les Védas et les Védantas, livres fondateurs de l‟Inde et de
l‟hindouisme, rédigés dès le XVIIIe siècle av. J. C. La Bagahvad Gita, poème épique et
religieux, date des environs de 1000 av. J. C. et les Upanishad, qui sont des commentaires
mystiques s‟interrogeant sur le parcours de l‟âme, datent quant à eux du VIe siècle av. J. C.
L‟Hindouisme sous sa forme actuelle du Brahmanisme, est un ensemble de croyances, de cultes,
de rituels, de pratiques sociales, propres à l‟Inde. Le Brahman est le Principe métaphysique
suprême, mais une sorte d‟Absolu impersonnel, à la fois transcendant et immanent. Le

27
PLATON, Lettre VII, in Lettres, Belles Lettres, p. 30.
28
Ibidem.
29
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, éd. Les Echos du Maquis, V. : 1,0, Janvier 2014, p. 228.
26

brahmanisme est polythéiste et la croyance en la métempsychose joue un rôle essentiel dans le


maintien du système hiérarchique des castes.
En Inde du Nord, au Népal, SIDDHARTHA GAUTAMA , connu sous le nom de
BOUDDHA qui signifie l‟Eveillé par excellence, théorise son expérience au VIeŔVe siècles av. J.
C. Le bouddhisme est avant tout une philosophie(pensée) avant de devenir une religion. Le
Bouddhisme né en Inde, il se développera en dehors de l‟Inde : il s‟exportera vers le Tibet, le
Japon (où il se spécialisera dans la pratique du Zen), la Chine, le Cambodge, le Vietnam,
l‟Indonésie…
Le bouddhisme se présente comme une religion universelle à la manière du christianisme et
de l‟islam. Contrairement à ces religions du Livre, le bouddhisme n‟implique ni le Dieu créateur
ni l‟immortalité de l‟âme personnelle. Elle apparait donc comme une religion athée.
b. La doctrine du Bouddhisme
La conception du monde selon le bouddhisme, réside dans l‟impermanence de tous les
phénomènes et aussi de leur interdépendance : Tout n‟est que relation. Le bouddhisme hindou
croit au cycle des réincarnations(transmigration de l‟âme) jusqu‟à la délivrance finale(Nirvana :
règne de la vertu et absence totale des vices). Pour éteindre tous les désirs cause des illusions et
des souffrances, la pratique de la méditation et le yoga sont bien recommandés aux adeptes.
c. le dogme des quatre vérités :
- L‟existence de la douleur,
- La cause de la douleur
- La suppression de la douleur
- La voie à suivre pour supprimer la douleur.
N.B : La douleur est une partie indissoluble de l‟existence dont on ignore la provenance. Elle
provoque les passions entre autres à cause de l‟attachement aux biens extérieurs et aux désirs qui,
agissant sur les sens donne naissance aux différents types d‟êtres.
Quatre sentiers pour supprimer la douleur et éteindre les désirs, cause des illusions et des
souffrances :
- La science qui démontre la vanité, le vide, l‟instabilité, l‟illusion du monde extérieur, des objets
composés des éléments éphémères, la folie de s‟attacher à ces éléments.
- Observance de 5 interdictions : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre l‟adultère, ne pas
mentir et ne pas s‟enivrer.
- Abstinence des autres 10 péchés : homicide, vol, fornication, mensonge, médisance, injure,
critique, envie, la haine, erreur dogmatique.
- Pratique de 6 vertus transcendantales : la charité, la moralité parfaite, la patience,
l‟énergie(dévouement), la bonté, l‟amour du prochain.
N.B : selon la morale bouddhiste, chaque personne est responsable de ses actes et en subit les
conséquences. Dans le cycle des incarnations, le sage renaîtra comme homme de rang supérieur
et deviendra un bouddha tandis que le pécheur renaîtra un démon,…
Schopenhauer interprète le bouddhisme comme un idéalisme pessimiste(le voile de maya dans
son chef-d‟œuvre « Le monde comme volonté et représentation") et Nietzche a vu dans le
bouddhisme un nihilisme plus accompli que le christianisme occidental.
B. La Chine
En Chine, Lao-Tseu s‟illustre vers le VIe siècle av. J.-C., et Confucius un peu plus tard, entre
551 et 479. Ce sont deux noms phares dans l‟Empire du Milieu mais c‟est Confucius qui est le
plus connu et dont l‟éthique est bien documentée. Les origines de Confucius sont signalées
modestes avec une enfance pénible(orphelin). La particularité du sage chinois est d‟avoir eu le
souci majeur de transmettre la sagesse à la jeunesse. Confucius aurait fondé à cet effet une école
où il enseigna jusqu‟à sa mort. Son enseignement était essentiellement moral basé sur les us et
coutumes qui deviendront des écrits classiques de la culture ching en chine. Son objectif était de
transmettre la tradition des anciens aux chinois. Sur le plan éthique, il avait comme principe: « en
27

cultivant sa propre personnalité, en l‟affirmant et en la valorisant, on réussit à faire régner


l‟harmonie dans le corps social ».
Les grandes vertus exaltées par Confucius sont : l‟amour de l‟humanité et l‟équité(sentiment
naturel, spontané du juste et de l‟injuste). Ces vertus visent à instaurer parmi les hommes les
sentiments de noblesse, de dignité et de respect réciproque. De là un trait d‟union existe entre les
vertus personnelles et les vertus civiques. Le cadre des valeurs éthiques et des rapports humains
est fixé dans l‟ordre même de la réalité ; c‟est pour cela que la première préoccupation de chacun
devait être selon la doctrine de la « rectification des noms » ou bien de l‟adéquation intime des
choses et des situations humaines aux réalités indiquées par les noms. L‟adage devenu classique
de Confucius à ce sujet s‟énonce : « Pour éviter la guerre, il faut commencer par définir le sens
des mots ». ici Confucius est en rapport étroit avec Socrate :
1. La doctrine des concepts comme science de définition(dont Aristote se présente comme le vrai
disciple dans sa logique)
2. L‟importance de l‟éthique de la connaissance et sa cohérence avec la réalité et dont le bon
sens est la caractéristique morale de premier rang.
N. B La postérité chinoise reconnut en Confucius le titre de roi sans couronne et de maître pour
10.000 générations. Déjà au Ve s, des temples avaient été élevés en son nom et son effigie
affichée dans les écoles où des honneurs lui avaient été attribués de manière solennelle. C‟est
après la révolution chinoise de 1911que son culte cessa quand dans les écoles l‟enseignement de
la morale confucéenne ne fut plus obligatoire.
3. 5 Ethique de la solidarité africaine
L‟éthique de la solidarité africaine est archivée dans la Tradition orale transmise en Afrique
des générations en générations de manière expressive. Elle est logée dans les proverbes, les
contes, fables, les devinettes, les chansons populaires. La solidarité africaine se communique
aussi à travers des œuvres d‟art plastiques.
- Le terme «solidarité africaine» dans toute sa rigueur épistémologique est un acte de conscience.
Elle est une raison pratique et une vision du monde presque co-existentielle à la vie de l‟Africain
dans tous ses rapports. Par rapport à son corollaire occidental, la solidarité africaine est une
pratique intergénérationnelle qui ignore un quelconque acte juridique. Elle est une culture, une
seconde nature. L‟idée plus que le fait de la solidarité africaine relève de la tradition orale et se
revêt donc d‟un caractère dynamique dans les rapports vitaux qui en résultent sur le plan
socioéconomique dans la famille, le clan et le village.
La circonscription du concept pause donc beaucoup de problème quant à la saisie réelle de
la réalité de la solidarité africaine vécue et transmise comme valeur éthique traditionnelle. L‟idée
renverrait :
1. à l‟entraide mutuelle : le devoir éthique d‟aider ne veut pas dire favoriser le parasitisme et
l‟oisiveté, ce qui serait foncièrement immoral. On ne peut pas admettre qu‟un seul soit considéré
solidaire pour partager ses biens à une masse qui croiserait les bras dans l‟oisiveté.
2. au partage symétrique des chances dans le «nous» collectif qui règle la vie communautaire à
tous les niveaux. Trois rapports représenteraient la quintessence de la solidarité africaine qui
s‟étend de la famille à toute la collectivité: Adultes/Enfants; Adultes/personnes-âgées; Personnes-
âgées/Enfants. De façon générique, en Afrique au nom de la fraternité clanique, se dit par
exemple que l‟enfant appartient à sa mère quand il vit encore dans son sein, à peine né, il
devient enfant du clan et de la communauté.
Pour Cheik Anta Diop, « l‟unité psychique… qui est sentie par chacun de nous, est un fait
élémentaire qui se passe de toute démonstration. L‟unité géographique est aussi évidente,
impliquant elle-même l‟unité économique. Si l‟on envisage l‟organisation de la famille africaine
précoloniale, celle de l‟Etat, les conceptions philosophiques et morales, etc.…, on constate une
unité culturelle évidente, découlant d‟une adaptation similaire aux mêmes conditions matérielles
28

d‟existence ».30
Dans la même perspective, Senghor affirme: « je suis convaincu que ce qui lie au plus
profond… ce qui nous lie est au-delà de l‟histoire Ŕ il est enraciné dans la préhistoire. Il tient à la
géographie, et l‟ethnie et, partant à la culture. Il est antérieur au christianisme et à l‟islam. Il est
antérieur à toute colonisation. C‟est cette communauté culturelle que j‟appelle « africanité ».31
Bimwenyi - Kweshi(mort le 06/02/2021) appelle «le niveau de sens fondamental» et qui semble,
dit- il « le plus résistant aux changements[…]. C‟est ce qui appartient à la sphère dite de «la
culture profonde» d‟un peuple, à «son caractère de base», à ses expériences-limites et à
l‟interprétation fondamentale qu‟il en dégage en réponse aux questions cruciales de
l‟existence ».32
N. B : Nous estimons en tout état de cause que la solidarité africaine demeure un constituant
éthique dont il faut partir pour la formalisation de la politique, du droit, de l‟économie(…) en
Afrique et faire des Etats africains des véritables Etats de droit(de l‟homme). L‟éthique de la
solidarité africaine dans ses axes majeurs doit inspirer à :
1. l‟extension de cette idée de la famille restreinte et clanique à l‟idée d‟une communauté
nationale et mondiale(l‟Afrique est le berceau de l‟humanité).
2. une législation qui tienne compte de la justice distributive où l‟égoïsme est prohibée à tous les
niveaux. A la notion du respect des interdits, des règles et des lois pour vivre en harmonie au sein
de la communauté.
3. Vénération de la hiérarchie des êtres : Etre suprême(Dieu), Ancêtres du clan, les
Anciens(morts et vivants).
4. respect des aînés et la sacralité du pouvoir politique public doit amener au respect des
institutions qui gouvernent nos Etats modernes.
5. considérer le concept de solidarité africaine comme étant corrélatif au concept de
démocratie(pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple selon la formule d‟A. LINCOLN)
et son corollaire Etat de droit(droit de l‟homme et Etat où ce ne sont pas des hommes mais des
lois qui dirigent la destinée d‟une nation).

30
Ibidem.
31
Ibidem.
32
O. BIMWENYI- KWESHI, Discours théologique Négro-Africain, Problème des fondements, éd. Présence Africaine, Paris, 1981,
p. 380.
29

CHAPITRE QUATRIEME : Ethique et société : fondements éthiques d’un Etat de droit


(question du Législateur)
0. Introduction
Considérons maintenant une autre conception de l‟éthique, celle des philosophes qui estiment que
l‟éthique est une réflexion critique sur la société. Ces philosophes se posent d'abord la question :
« comment est née cette société ? Comment est née la loi ? « Quelle est la société idéale ? »,
quelle est le fondement de la justice ? Leur réflexion est centrée sur la nécessité de l‟éthique
comme étant l‟a priori à tout Etat de droit(de l‟homme). Sans Ethique, il est impossible d‟avoir ni
des lois justes ni une pratique de droit juste. La philosophie éthique est une «praxis» qui veut dire
« savoir lié à l'action et action liée au savoir ». l‟a priori ne signifie pas préjugé mais une
condition d‟intelligence et de possibilité pour une action bien déterminée. C‟est dans cet
entrelacement entre l‟éthique, la politique et le droit que ce présent chapitre s‟illustre.
4. 1. Etat de nature et égalité foncière de la nature humaine
Le «Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines» définit l‟état de nature, opposé à
l‟état social en référence à Hobbes, Locke et Rousseau, comme: « état hypothétique de l‟homme
avant l‟organisation sociale »33. Pour tous ces penseurs, il y a identité foncière de la nature
humaine même si la conception de cet état de nature diverge entre eux. Hobbes à la fois opposé à
Locke et à Rousseau dans sa conception de l‟état de nature écrit :« Tous les hommes sont
naturellement égaux. L‟inégalité qui règne maintenant a été introduite par la loi civile ».34 Le
principe juridique de l‟égalité devant la loi(tous sont égaux devant la loi, personne n‟est au-
dessus de la mêlée) répond au fondement naturel et universel de la loi et du droit .
A. Etat de nature selon T. Hobbes(1588-1679)
T. Hobbes considère l‟état de nature comme un état de guerre ainsi écrit-il dans Le
Citoyen: « Vous m‟avouerez sans doute que l‟état naturel des hommes, avant qu‟ils eussent formé
des sociétés, était une guerre perpétuelle, et non seulement cela, mais une guerre de tous contre
tous ».35
B. Etat de nature selon J. Locke(1632-1704)
J. Locke s‟oppose à T. Hobbes en considérant l‟état de nature dans sa double facette :
- « un état de parfaite liberté, un état dans lequel sans demander de permission à personne, et
sans dépendre de la volonté d‟aucun autre homme, ils peuvent faire ce qu‟il leur plaît, et disposer
de ce qu‟ils possèdent et de leurs personnes, comme ils jugent à propos, pourvu qu‟ils se tiennent
dans les bornes de la loi de la Nature ».36
- un état où en un premier lieu « manque des lois établies, reçues ou approuvées »37, en deuxième
lieu, « il manque un juge établi, qui ne soit pas partial, et qui ait l‟autorité de déterminer tous les
différends conformément aux lois établies »38 et en troisième lieu, « dans l‟état de nature, il
manque ordinairement un pouvoir qui soit capable d‟appuyer et de soutenir une sentence donnée,
et de l‟exécuter ».39 Locke conclut les motifs qui obligent le passage de l‟état de nature à l‟état
civil en déclarant: « Ainsi, les hommes, nonobstant tous les privilèges de l‟état de nature, ne
laissant pas d‟être dans une fort fâcheuse condition tandis qu‟ils demeurent dans cet état-là, sont
vivement poussés à vivre en société »40.
4. 2. Etat de nature selon J.-J Rousseau(1712-1778)
Rousseau conteste cette vision lockéenne de l‟état de nature et de l‟origine de la société. Bien au
contraire, l‟état de nature, pour Rousseau demeure un état de la pure et simple innocence de

33
L. M. MORFAUX et J. LEFRANC, Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, éd. Armand Colin, Paris, 2011-2012.
34
T. HOBBES, Le Citoyen( De Cive), éd. électroniques, v. : 1, 0: Les Échos du Maquis, 2013, p. 30.
35
Ibidem, p. 33.
36
J. LOCKE(1690), Traité du gouvernement civil, éd. électronique, Chicoutimi, Québec, 2002, P. 17.
37
Ibidem, p. 77.
38
Ibidem.
39
Ibidem.
40
Ibidem.
30

l‟homme auquel il faut recourir pour refonder la société actuelle faite des inégalités et des
injustices sociales. Somme toute, la fiction De l‟état de nature telle que présentée par les tenants
du Droit naturel éloigne, selon Rousseau, de la réalité quant à considérer l‟homme primitif
comme un être jouissant de toutes les facultés humaines dans sa vie sociale. R. Derathé esquisse à
ce sujet: « Rousseau écarte cette fois «le principe de la sociabilité» et la description qu‟il donne
de la condition primitive de l‟homme est en opposition directe avec ses prédécesseurs ».
J.-J Rousseau présente les caractéristiques éthiques fondamentales qui retracent la naturalité de
l‟homme avant la naissance de la société : liberté naturelle et perfectibilité.
Chez Rousseau, c‟est la liberté et non la raison qui distingue l‟homme de l‟animal. La liberté dont
il est question ici, est la liberté métaphysique ou naturelle et non la liberté au sens juridique et
politique dont le contrat social fait l‟objet.
1. Liberté naturelle : Dans l‟état de nature, l‟homme par rapport à l‟animal, manifeste sa
grandeur dans l‟expression de sa liberté: « La nature commande à tout animal et la bête obéit.
L‟homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d‟acquiescer, ou de résister; et
surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme: car la
physique explique en quelque manière le mécanisme des sens et la formation des idées; mais dans
la puissance de vouloir ou plutôt de choisir, et dans le sentiment de cette puissance, on ne trouve
que des actes purement spirituels, dont on n‟explique rien par les lois de la mécanique ».41
Sartre conçoit la liberté comme étant: un pouvoir spirituel de dire "oui" ou "non", se découvrant
dans l'angoisse; conscience et liberté sont une et même chose. Sans la volonté, on ne saurait dire
de l'homme qu'il est libre puisqu'il n'aurait pas d'alternative dans ses décisions. Il serait contraint
par l'instinct naturel comme les animaux inférieurs. En ce sens, le mot liberté est synonyme
d'autonomie.
2. Perfectibilité : Si la liberté est un sentiment intérieur, la perfectibilité permet à l‟homme
libre de se frayer un chemin qui répondrait à ses besoins et Rousseau la définit comme: « qualité
très spécifique[…] sur laquelle il ne peut y avoir contestation, c‟est la faculté de se perfectionner;
faculté qui, à l‟aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi
nous tant dans l‟espèce que dans l‟individu, au lieu qu‟un animal est, au bout de quelques mois,
ce qui sera toute la vie, et son espèce, au bout de mille ans, ce qu‟elle était la première année de
ces mille ans».42 L‟homme, tout en étant homme à part entière, est appelé à se parfaire au jour le
jour pour devenir pleinement personne humaine. Pour se faire, il a pour devoir de mener sa vie
selon un rythme qui correspond à la mise en pratique de certaines normes pouvant l‟aider à sa
propre construction. L‟application de ses règles que lui propose la morale lui permet de respecter
une échelle de valeurs qui coordonne les relations sociales.
4. 3. Origine du mal dans la société
A. Amour de soi-même
Naturellement parlant, il y a des besoins qu‟on ne peut nier à un être humain quel qu‟il soit.
« Le premier sentiment de l‟homme, dit J.-J Rousseau, fut celui de son existence, son premier
soin celui de sa conservation43. Les produits de la terre lui fournissaient tous les secours
nécessaires, l‟instinct le porta à en faire usage. La faim, d‟autres appétits lui faisant éprouver tour
à tour diverses manières d‟exister »44. L‟homme comme tous les autres animaux se nourrit de ce
sentiment positif de veiller à soi-même, de se défendre contre les danger, de manger et se
conserver.

41
J. ŔJ ROUSSEAU , Discours sur l‟origine et fondements de l‟inégalité parmi les hommes, Paris-Bordas, 1985, p. 17.
42
Ibidem, p. 18.
43
La conservation est le thème privilégié de Locke et autour duquel son élaboration philosophique tourne. Il dépasse en outre les
bornes de l‟ amour de soi pour s‟ accoster à l‟ amour-propre car enfin de compte Locke ramènera le sens de la conservation
seulement de la propriété(Locke, Traité du Gouvernement civil(1690).
44
Ibidem, p, 29.
31

B. Amour-propre
A l‟opposé de l‟amour de soi se trouve l‟amour-propre. B. Pascal écrivait: « La nature de
l‟amour-propre et de ce moi humain est de n‟aimer que soi et de ne considérer que
soi ».45L‟amour-propre est le père de tous les vices et antivaleurs qui déchirent la conscience
humaine. L‟origine de l‟amour-propre est la société qui pousse l‟homme à vivre en dehors de lui-
même et dans l‟opinion des autres : le luxe, la concurrence, orgueil, … Le décentrement de
l‟homme vis-à-vis de sa propre nature(conscience) active en lui des sentiments destructeurs de sa
vraie authenticité et son rapport avec les autres. L‟amour propre caractérise en effet la corruption
de la nature humaine. Elle est à la source de l‟égoïsme et de la passion pour le plaisir personnel.
4. 4. Conscience quid ? :
S. T. d‟Aquin définit la conscience comme un acte et non une puissance(capable de, un principe
de mouvement ou de changement), elle joue le rôle d‟attester un acte. Deux verbes sont attachés à
la conscience: instigare(pousser à) et ligare(lier à, obliger à). Ex:la conscience m‟oblige à…Mais
la conscience peut être ignorée, déposée, émoussée à cause des passions.
Dans le Livre IV d‟Emile, le citoyen de Genève répond: « Il est donc au fond des âmes un
principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos
actions et celles d'autrui comme bonnes ou mauvaises, et c'est à ce principe que je donne le nom
de conscience »46. « La conscience, rassure Rousseau, est le plus éclairé des philosophes: on n'a
pas besoin de savoir les Offices de Cicéron pour être homme de bien; et la femme du monde la
plus honnête sait peut-être le moins ce que c'est qu' honnêteté »47.
Rousseau trouve dans la conscience le siège de la vertu et de la morale et en exalte la
grandeur et la prééminence: « Conscience! conscience! instinct divin, immortelle et céleste voix;
guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre; juge infaillible du bien et du
mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité
de ses actions; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste
privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans
principe. Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie: nous
pouvons être hommes sans être savants; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale,
nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines.
Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre. S'il parle à
tous les cœurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent? ».48
a. Incorruptibilité de la conscience
Rousseau en considérant la conscience innée, déclare par le fait même, qu‟elle constitue
un principe incorruptible c‟est-à-dire elle est le siège de la naturalité de l‟homme. Elle demeure
comme la nature humaine, immuable et éternelle. Parlant à Emile, le précepteur Rousseau dit:
« Partout tu n'as vu régner sous ce nom que l'intérêt particulier et les passions des hommes. Mais
les lois éternelles de la nature et de l'ordre existent. Elles tiennent lieu de loi positive au sage;
elles sont écrites au fond de son cœur par la conscience et par la raison; c'est à celles-là qu'il doit
s'asservir pour être libre; et il n'y a d'esclave que celui qui fait mal, car il le fait toujours malgré
lui».49
Si les maximes morales sont acquises avec l‟aide de la raison, ce sont-elles qui peuvent être
corrompues mais la voix de la conscience ne peut pas se pervertir. Un homme sans conscience, ce
n‟est plus un homme, il devient un animal dépravé. Quand la conscience n‟ a pas été exercée on
est souvent amené à s‟excuser, à éprouver des remords(qui s‟excuse s‟accuse). Grace à sa
conscience, l‟homme demeure pour l‟éternité naturellement bon, sa conscience peut être éteinte
mais jamais anéantie. « On nous dit, note le Genevois, que la conscience est l'ouvrage des

45
B. PASCAL, Pensées, éd. Henri Massis, Paris, 1958, p. 153
46
Idem, Emile ou de l‟éducation, Livre IV, éd. électronique, Chicoutimi, Québec, 2002, p. 81.
47
Ibidem, p. 60.
48
Ibidem, p. 84.
49
J.-J ROUSSEAU, Emile ou de l‟éducation, éd. électronique, Liv. IV, Chicoutimi, Québec, 2002, p. 122.
32

préjugés; cependant, je sais par mon expérience qu'elle s'obstine à suivre l'ordre de la nature
contre toutes les lois des hommes. On a beau nous défendre ceci ou cela, le remords nous
reproche toujours faiblement ce que nous permet la nature bien ordonnée, à plus forte raison ce
qu'elle nous prescrit ».50 « Voyez aussi quelle indignation s'allume en nous quand cette attente est
frustrée! La conscience s'élève et murmure contre son auteur; elle lui crie en gémissant: Tu m'as
trompé! »51. Dire au fond de ma conscience ne veut rien dire car la conscience n‟a ni de fond ni
de sommet, elle est une opération de l‟esprit. Rousseau déclare : par la raison seule
indépendamment de la conscience, on ne peut établir une loi naturelle.
Le vrai homme réside dans la conscience tel nous rapporte aussi la sagesse africaine.52
Modes opératoires de la conscience :
- A chaque instant de sa vie, le sujet est présent par rapport à lui-même par la conscience.
- La conscience fait appel à la mémoire et au souvenir
- Comprendre et synthétiser dans l‟unité d‟un être une multiplicité et une diversité empirique.
Emmanuel Levinas a attiré aujourd‟hui à nouveau l‟attention sur le fait que le visage humain,
nu et vulnérable, essentiellement pauvre, n‟impose pas moins le respect. L‟accès au visage est
d‟emblée éthique. Un assassin ne peut regarder sa victime dans les yeux, comme s‟il pressentait
la présence de quelque chose de sacré 53. Comme Emmanuel Levinas le rappelle avec insistance,
autrui est celui que je ne peux pas inventer. Il résiste de toute son altérité à sa réduction au même,
fût-ce (et même surtout) au même que moi, à l‟ipséité de mon propre pouvoir-être. La conscience
implique les notions de la volonté(instance de décision) et de la responsabilité(éthique de la
responsabilité selon Max Weber, tient compte rationnellement des moyens disponibles et des
conséquences dans une situation donnée).
b. Etat social : C‟est un état qui est né par un funeste hasard( c‟est-à-dire l‟état social au sein
duquel les hommes se sont retrouvés à vivre n‟a jamais été préparé a priori) et Rousseau
détermine la qualité de son fondateur et les conséquences de cette genèse improvisée de l‟état
social : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire: Ceci est à moi, et trouva des
gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de
guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui,
arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables: Gardez-vous d'écouter cet
imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à
personne ».54 Le rôle des arts des sciences de cet amour propre est déplorable selon Rousseau:
« Le besoin éleva les trônes; les sciences et les arts les ont affermis ».55 Besoin il y a, pour
Rousseau, de remettre en question non seulement cette société injuste mais aussi le savoir
intellectuel sur lequel elle est fondée. Le mal de l‟inégalité est sociétal, il n‟est pas naturel. Il faut
mettre sur pied un contrat social comme expression de la volonté générale pour régler la vie de
l‟homme et de ses semblables dans la société.
4. 5. Fondements éthiques d’un Etat(de droit)
a. volonté de tous et volonté générale :
J.-J Rousseau pour exprimer l‟unanimité ou le mandat impératif du peuple, tente d‟établir une
différence non facile entre ces deux termes, il écrit : « Il y a souvent bien de la différence entre la
volonté de tous et la volonté générale; celle-ci ne regarde qu‟à l‟intérêt commun, l‟autre regarde à
l‟intérêt privé, et n‟est qu‟une somme de volontés particulières ».56

50
Ibidem p. 59.
51
Ibidem, p. 75.
52
La pensée de Baluba exprime bien cette idée :“Muntu mwine udi mu mucima”(traduction: le vrai homme se trouve dans le cœur).
53
Cf. Emmanuel Levinas, Totalité et infini, La Haye, Martinus Nijhoff, 1971 ; Humanisme de l’autre homme, Paris, Fata Morgana,
1972 ; les exposés spécialement clairs de Éthique et infini, Paris, Fayard, 1982, p. 89-132.
54
J .-J ROUSSEAU, Discours sur l‟origine et les fondements de l‟inégalité parmi les hommes, éd. électr., Chicoutimi, Québec, 2003,
p. 29.
55
J,-J ROUSSEAU, Discours sur les sciences et les arts, éd. Elect., v. :1,0 : les Echos du Maquis, 2011, p. 8.
56
E. CASSIRER , Op. cit., p. 40.
33

b. La loi : Du contrat social


La loi est l‟expression de la volonté générale, elle ne doit pas être élaborée sans tenir compte de
ce principe fondamental de l’indivisibilité de la volonté. La loi est juste si elle est conforme à la
volonté générale du peuple. Une loi qui n‟a pas été ratifiée par le peuple n‟est pas une loi, pense
J.-J Rousseau. C‟est à travers la loi que l‟homme passe de l‟état de nature à l‟état civil ou état de
droit. La primauté de la loi en tant qu‟acte juridique de la volonté générale, exprime chez
Rousseau, un caractère universaliste. C‟est le peuple souverain qui édicte, en effet, sa loi qui
relève de sa propre volonté souveraine et par conséquent pareille loi ne peut être considérée
comme chez Kant, un patron au commande de l‟homme esclave(caractère contraignant), mais loi
voulue et édictée pour le bien de l‟individu et de toute la communauté. Les lois ne sont
proprement que les conditions de l‟association civile. Le peuple soumis aux lois en doit être
l‟auteur. Il n‟appartient qu‟à ceux qui s‟associent de régler les conditions de la société »57. Dans
une république, le peuple est à la fois auteur et sujet de la loi et personne ne peut être au-dessus
de la mêlée. C‟est en concevant de cette façon la politique que les bases d‟un Etat de droit sont
posées. Sans le respect de la volonté générale du peuple souverain et ses lois justes, il ne pourrait
jamais exister un Etat de droit digne de ce nom où la liberté et l‟égalité font loi. La liberté
politique est inséparable du principe de la souveraineté. Si les lois sont justes, c'est-à-dire
concordantes avec ce principe, alors Montesquieu pourrait avoir raison quand il définit la liberté
comme « le droit de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce qu‟elles
défendent, il n‟aurait pas de liberté ».58Dans l‟Esprit des lois Montesquieu définit la loi en
général comme étant: « la raison humaine, en tant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre ».
Les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où
s'applique cette raison humaine. Les lois, dans la signification la plus étendue, selon
Montesquieu, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses; et, dans ce sens,
tous les êtres ont leurs lois, la divinité a ses lois, le monde matériel a ses lois, les intelligences
supérieures à l'homme ont leurs lois, les bêtes ont leurs lois, l'homme a ses lois. A titre
d‟exemple, l‟exercice de la raison humaine en ce qui concerne la séparation des pouvoirs dans la
trilogie politique(Législatif, exécutif et judiciaire) pousse Montesquieu à déclarer :« Pour qu‟on
ne puisse abuser du pouvoir, il faut, que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le
pouvoir »59.
C. De la justice de la loi et La question du législateur
1. Ethique, politique et droit
D‟après A. SHOPENAHEUR, La politique tire de la morale sa théorie pure du droit, c'est-à-dire sa
théorie de l'essence et des limites du juste et de l'injuste après quoi elle s'en sert pour ses fins à
elle, fins étrangères à la morale; elle en prend la contrepartie, et là- dessus elle édifie la législation
positive, y compris l'abri destiné à la protéger; bref, elle construit l'État. La politique positive n'est
donc que la doctrine morale pure du droit renversée(Ethique, droit et politique, p. 8).
Le problème de l‟idée de justice d‟une loi se pose fondamentalement sur le plan éthique et non
forcément sur le plan juridique. Pour E. Kant, l‟injustice est simplement un manquement à
l‟universalité de la loi morale et à la dignité de la personne.
A. Morale kantienne
1. Apriorisme et universalité éthique : comme êtres de conscience et de raison, nous sommes
sujets des lois de notre volonté libre. La capacité d‟un être raisonnable est d‟agir sous la
représentation de certaines lois de sa volonté. D‟où proviennent naturellement ces lois ? Ces lois

57
J.-J ROUSSEAU, Du Contrat social, éd. Mondadori, Milano, 2004, p. 54.
58
MONTESQUIEU, De l‟ Esprit des lois, Deuxième partie(livres IX à XIII)(1748), éd. électronique, Chicoutimi, Québec, 2002, P.
45.
59
MONTESQUIEU, op. cit., p. 46 (Montesquieu se trouve conditionné par la conception anglaise du pouvoir de souche libérale, bien
qu‟ ayant la volonté de réformer la politique, opte, pour la Monarchie modérée et de cette façon, la théorie de la séparation des
pouvoirs, justifie la Constitution de l‟ Angleterre et n‟ opérerait en rien la garantie voulue pour une réforme fondamentale du pouvoir
du peuple pour le peuple. La monarchie et les institutions seront pour toujours détentrices du pouvoir et le peuple sera de ce fait à
leur merci. Nous en ferons des amples critiques au sixième chapitre de cette dissertation.
34

sont naturelles et elles sont inscrites dans la conscience de tout homme et donc elles sont a priori
et universelle. L‟apriorisme de la loi morale, l‟universalité éthique et la morale du devoir
systématiquement développés par E. Kant, trouvent leur formulation de considérer la conscience
comme la première instance de législation et de jugement. Le fondement de la morale n‟est pas à
rechercher en dehors de nous-mêmes( réfutation de l‟utilitarisme). Tout homme muni de
conscience et de raison est sujet à tout jugement de valeurs devant les impératifs de sa raison.
2. Les impératifs hypothétiques et l’impératif catégorique(E. Kant) :
a. Les impératifs hypothétiques : selon E. Kant, l‟usage de la raison est techniquement pratique
en vue d‟une fin qui satisfasse un intérêt matériel. C‟est un agir par inclination d‟où l‟adage : « la
fin justifie le moyen ».
b. L‟impératif catégorique ou loi morale commande impérativement la volonté au-delà de tout
intérêt personnel : agir juste par respect de loi. La morale de Kant est une morale du devoir. Son
fondement est une obligation morale qui rend bon l‟homme suivant des normes qui coordonnent
l‟agir libre de l‟homme sous l‟égide de la raison qui constitue sa lumière. Ainsi, elle requiert
comme mobile de l‟activité humaine le devoir pour le devoir. Cet agir moral doit être
objectivement nécessaire :
- « Agis toujours d‟après une maxime telle que tu puisses vouloir qu‟elle devienne en même
temps loi universelle ».
- « Agis de telle sorte que tu traites l‟humanité dans ta personne et dans celle d‟autrui toujours en
même temps comme une fin et jamais comme un moyen ». c‟est à ce principe que se déduit le
principe du droit : agis extérieurement de telle sorte que le libre usage de ta volonté puisse
coexister la liberté de chacun selon une loi universelle.
- « Agis comme si par ta volonté la maxime de ton action devait être érigée en LOI UNIVERSELLE
60
DE LA NATURE » . L‟action de l‟homme doit tenir compte de l‟autre. Autrement dit, la prise en
charge d‟autrui dans mes jugements me facilite à pourvoir mieux vivre, car il est indispensable à
mon propre épanouissement. L‟impératif catégorique kantien permet à l‟homme de sortir de lui-
même en tenant compte de l‟autre. Il brise les murs de l‟égoïsme et de toutes tendances visant
l‟utilisation comme moyen. Il prône une prise en charge de l‟ensemble sans ignorer personne,
pour que chaque action puisse être universellement admise. Ainsi, Kant opte pour un monde où
tout un chacun se libère de l‟instinct égoïste ; travaillant ainsi pour le bonheur de l‟humanité.
3. Le politique moral et le moraliste politique(E. Kant)
Le passage de l‟éthique à la politique et au droit est une question d‟ordre ontologiquement
philosophique. Le substrat éthique de la politique et du droit doit résulter de la concomitance de
plusieurs valeurs à prendre en compte dans l‟élaboration et la praxis des lois. La distinction entre
le politique moral et le moraliste politique que nous fait E. Kant est d‟une grande valeur
juridique. C‟est du véritable machiavélisme que dénonce Kant quand il distingue dans Vers la
paix perpétuelle, le politique moral et le moraliste politique:
- le politique moral applique la morale comme a priori à ses actions. Le bien ou la vertu doit être
postulé avant toute action. « Au politique moral qui est l‟homme de bien s‟oppose au moraliste
politique ».
- le moraliste politique applique la morale a posteriori, c‟est un politicien machiavélique dont le
but est d‟accommoder la morale à ses desseins et de justifier par la nécessité des circonstances,
les actes les plus contraires au droit. Les trois principes suivants concourent à l‟application de
cette morale machiavélique :
a. Fac et excusa : agis d‟abord par la force ou la ruse, tu justifieras ensuite ton action.
b. fecisti nega, tu feras, au besoin reposer la faute sur ceux-là même que tu pousses à bout
c. divide et impera, divise tes sujets ou les gouvernants entre eux, tu imposeras mieux ainsi ta
volonté ».61

60
E. KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, Paris, Hatier, 1963, p. 42.
61
E. KANT, Vers la paix perpétuelle, P.U.F., Paris, 1958, p. 63.
35

N :B : Pour éviter tout machiavélisme dans la conception du pouvoir politique public d‟une part
et dans l‟élaboration de nos lois, l‟obéissance à l‟impératif catégorique de la conscience reste de
rigueur.
B. Du Législateur
1.Un législateur quid ?
Le Législateur est la personne qui donne des lois à un peuple. Dans le contexte actuel de nos
Etats, il ne s‟agit plus d‟un individu mais un pouvoir attribué aux Assemblées nationales qui
assume le pouvoir législatif( national et provincial). Elaborer des lois justes requière non
seulement compétence sur le plan académique mais aussi et surtout efficacité sur le plan moral
dans la saisie du bienfondé d‟une loi à donner à son peuple. Si les juristes sont des légalistes et
des défenseurs des lois, ils ne doivent pas être au service de n‟importe quelle loi.
2. Un Législateur, pas n’importe qui
J.-J Rousseau écrit: « Le législateur est à tous égards un homme extraordinaire dans l‟Etat. S‟il
doit l‟être par son génie, il ne l‟est pas moins par son emploi[…]c‟est une fonction particulière et
supérieure qui n‟a rien de commun avec l‟empire humain; car si celui qui commande aux
hommes ne doit pas commander aux lois, celui qui commande aux lois ne doit pas commander
aux hommes; autrement ses lois, ministres de ses passions, ne feraient souvent que perpétuer ses
injustices, et jamais il ne pourrait éviter que des vues particulières n‟altérassent la sainteté de son
ouvrage[…].selon le pacte fondamental il n‟y a que la volonté générale qui oblige les particuliers
et qu‟on ne peut jamais s‟assurer qu‟ une volonté particulière est conforme à la volonté générale,
qu‟après l‟avoir soumise aux suffrages libres du peuple. Ainsi l‟on trouve à la fois dans l‟ouvrage
de la législation deux choses qui semblent incompatibles: une entreprise au Ŕ dessus de la force
humaine et pour l‟exécuter, une autorité qui n‟est rien »62 . Que le législateur soit un individu(
initiateur d‟une loi) ou une Assemblée qui vote une loi, la loi appartient au peuple qui doit la
ratifier. Les principes éthiques énoncés(supra) doivent être pris en compte, le contexte et la
géographie des bénéficiaires, tel que l’Esprit des lois de Montesquieu le recommande, feront
qu‟une loi soit éthiquement correcte et soit considérée comme véritablement raison
humaine(Montesquieu) et expression de la volonté générale du peuple(J.-J Rousseau : un
législateur n‟est pas un faiseur des lois mais celui qui sait conformer les lois à la volonté générale
du peuple).
C. Ethique ou déontologie en matière de droit
Littéralement le terme droit, provient du substantif latin directum ou de son adjectif directus
qui signifie, droiture, sans courbure, conforme à la vérité et à une règle. Le terme classique était
jus, juris . L‟adjectif droit renvoie à ce qui est juste, idéal, une valeur. Le droit objectif ou positif
est un ensemble des règles fixées par une autorité compétente et qui régissent les relations des
hommes en société. On distingue le droit privé entre les personnes et le droit public, entre les
personnes et l‟Etat, le droit international(public et privé), droit pénal(porte sur la répression des
crimes et d‟autres infractions à l‟ordre public en déterminant la responsabilité pénale et civile).
La procédure réglemente la recherche et le jugement des délinquants. Avec la mondialisation, on
parle aujourd‟hui du droit commercial, du droit du travail, du droit administratif,…et de
juridictions correspondantes : tribunal de commerce, conseil de prud‟hommes, tribunal
administratif, …
En ce qui nous concerne, à la question qu‟est-ce que le droit, seule la raison peut répondre
selon E. Kant car elle est l‟unique fondement de toute législation possible : agis de telle sorte que
tu traites l‟humanité dans ta personne comme dans la personne d‟autrui comme une fin et jamais
simplement comme un moyen.(cfr. Troisième chapitre). Toutes les notions de droit de l‟homme
trouvent leur fondement dans cette position axiologique de l‟homme. Un juriste qui s‟applique à
la pratique du droit doit être un homme extraordinaire qui sait que l‟éthique constitue le for
interne du droit et qu‟il n‟existe pas de droit sans devoir. Le devoir pour lui signifie ce à quoi on

62
J.-J ROUSSEAU, Du Contrat social, éd. Mondadori, Milano, 2004, p. 58.
36

est tenu par la loi. Toute la vie et l‟action d‟un juriste qu‟il soit magistrat ou avocat sont
réglementées par différentes lois qui régissent notre législation.
1. Magistrature
a. Un magistrat est toute personne investie d‟une autorité juridictionnelle :
- membre de l‟ordre judiciaire( avocat, conseiller, juge, procureur) qui preste dans les cours et
tribunaux, et des cours.
- un officier civil revêtu d‟une autorité administrative : en France le président de la république est
appelé premier magistrat et ici chez nous il est appelé magistrat suprême.
b. Le serment : « je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le
secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal
magistrat »(BONTHOUX, J.P, « Ethique et pratique professionnelle de magistrat » dans Revue de
la gendarmerie nationale, p. 62.).
c. devoirs du magistrat :
- l‟impartialité(qui ne sacrifie point la justice , la vérité au bénéfice des considérations
particulières)
- le devoir de réserve(discret)
- la loyauté(probité, honnêteté, droiture)
- l‟intégrité - la dignité(gravité dans les manières, respect de soi-même et d‟autrui qui n‟ a pas à
se marquer dehors)
- la diligence(promptitude dans l‟exécution, empressement, zèle) - la discrétion(discernement,
retenue judicieuse dans les paroles et dans les actions ex : les postings sur le net).
2. Avocat
a. Est un professionnel du droit inscrit à un barreau, chargé de défendre, d‟assister une partie dans
un procès et de plaider devant un tribunal. Un avocat général est un membre du ministère public
assistant le procureur général notamment à la cour de cassation et dans les cours d‟appel. L‟ordre
des avocats : ensemble des avocats inscrits près d‟une cour, d‟un tribunal et représentés par un
bâtonnier . En dehors de la loi à laquelle tout juriste est tenu, il est aussi tenu de respecter les
clauses du règlement intérieur établi par sa corporation(Ordre) et à d‟autres instruments
nationaux et internationaux relatifs à sa carrière.
b. serment : « je jure comme avocat d‟exercer mes fonctions avec dignité, conscience,
indépendance, probité et humanité ». Manquer à ce serment prononcé devant la cour d‟appel,
entrainerait à des sanctions disciplinaires.
c. devoirs d’un avocat :
- devoir de diligence : vis-à-vis de son engagement avec son client, l‟avocat doit être perspicace
et solide dans sa prestation afin de gagner le procès. Il doit conduire chaque affaire avec célérité
et management.
- le devoir de véracité et de loyauté : comme professionnel de la loi, l‟avocat apprendra à dire la
vérité, être loyal et honnête aussi bien à l‟endroit de son client que de son bâtonnier et de ses
collègues.
- devoir de délicatesse et la probité : En dehors des bonnes manières et de l‟élégance dues à cette
noble profession, l‟avocat doit être délicat dans la fixation de ses honoraires. On ne devient pas
avocat pour faire des rançons de n‟importe quelle manière et la cupidité dans ce domaine n‟est
pas à démontrer. Le devoir de probité l‟oblige à ne pas produire des fausses pièces en justice, de
se comporter dignement en toutes circonstances c‟est-à-dire vis-à-vis du tribunal(être discipliné),
dans ses rapports avec ses confrères et dans ses relations avec le reste de la communauté.
- le devoir de secret professionnel : un avocat apprendra à ne pas abuser de la confiance de son
client, il ne devra pas divulguer le secret de son client à la contrepartie. Rompre le secret
professionnel est une infraction très grave sur le plan déontologique et dont les sanctions peuvent
varier jusqu‟à la radiation au barreau.
- le devoir d‟indépendance : l‟avocat dans sa prestation même s‟il doit défendre les intérêts de
son client, il restera indépendant vis-à-vis de l‟objectivité de la loi.

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