Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
INTRODUCTION GENERALE
1. Notes de philosophie
2
Aussi sa matière nous apparaît-elle d’une telle complexité qu’elle
comprend :
- L’Homme : défini comme Esprit et Matière ;
- Le Monde : défini comme :
a) Physis : il s’agit du monde tel que défini par les sciences physiques
et ayant pour objet l’étude des propriétés des corps et des lois qui
tendent à modifier leur état ou leur mouvement sans modifier leur nature.
C’est en d’autres termes le monde dans ses transformations diverses.
b) Cosmos : C’est le monde entendu comme Univers fini et
harmonieux.
c) Logos : par opposition au mythe, c’est la rationalité telle qu’elle se
développe dans un discours cohérent, construit et argumenté.
d) Polis : C’est le monde de la Cité-Etat, entendue comme
communauté des hommes en tant qu’ils vivent selon une organisation
structurée.
- L’Absolu : pour désigner toute réalité qui n’a pas besoin d’autre
chose qu’elle pour être ce qu’elle est. C’est Dieu pour toute religion
monothéiste. Ce qui existe en soi, indépendamment de toute la
représentation qu’on en a.
En considérant l’ensemble du discours philosophie et sa finalité, la
définition qui semble couvrir l’étendue de la philosophie est certainement
celle que propose Christian GODIN. Pour lui, la Philosophie est une
activité rationnelle critique, exprimée dans une œuvre écrite, et
s’efforçant de découvrir le sens des choses.
Que cela veut dire ?
D’abord, elle n’est pas oiseuse comme le veut le faire comprendre
l’opinion qu’on en reçoit.
Elle est basée sur la raison, faculté grâce à laquelle l’être humain est
capable de distinguer le réel de l’imaginaire, le vrai du faux, dans l’ordre
de la pensée, et de discriminer le bien du mal, le juste de l’injuste dans
l’ordre de l’action. Elle a donc pour méthode, la Réflexion.
Elle est critique en ce sens qu’elle se méfie des préjugés et des idées
gratuitement reçues.
3
La philosophie s’exprime dans œuvre écrite souligne la méfiance vis-à-
vis de l’oralité. Elle exige la conceptualisation.
Enfin prenant toujours déjà distance à l’incongruité, la philosophie a pour
mission de donner sens, c’est-à-dire ce pourquoi une chose est ou n’est
pas.
3. Conscience morale
5
Du reste, pour mieux préciser la notion de la conscience
morale, il paraît instructif de comprendre ce que l’on entend par
conscience. Etre Conscient suppose la Connaissance : Conscience
morale. La personne humaine est souvent définie comme un individu
conscient de lui-même. Or être conscient de soi-même, veut dire non
pas seulement désirer, sentir, agir pour se procurer ce que l’on désire
mais savoir ce que l’on désire. Il est donc clair que le fait d’être conscient
suppose une certaine connaissance, la connaissance de nos sentiments,
de nos désirs, de nos actions, par conséquent la conscience par laquelle
nous connaissons ce que nous pensons et faisons. Et ce que nous
sommes est appelée conscience psychologique ou intellectuelle. Elle
consiste dans la connaissance des faits d’une catégorie particulière : les
faits psychiques appelés aussi fait de connaissance. La conscience
morale et la conscience psychologique sont intrinsèquement liées.
6
4. ORIGINE DE LA VIE
1)
Pour rappel ADN = Acide-désoxyribose-nucléique = composants chimiques de gènes.
7
Comment s’est laite la distinction entre tous les êtres vivants que nous
connaissons ? C’est dû répond Monod, au pur hasard. « Le hasard seul
est à la source de toute nouveauté, de toute création de la biosphère. Le
hasard pur. Le seul hasard, liberté absolue mais aveugle, à la racine
même du prodigieux édifice de l’évolution : cette notion centrale en
biologie moderne n’est plus aujourd’hui une hypothèse parmi d’autres
possibles ou au moins concevables. Elle est la seule concevable,
comme la seule compatible avec les faits d’observation et d’expérience2)
b. Théorie de la préexistence
c. Théorie de la création
Selon cette théorie, la vie a été créée par Dieu quand l’univers a fourni
les conditions de sa possibilité. Rien n’oblige du reste à admettre que
Dieu ait créé ensemble toutes les espèces vivantes, ni même qu’il ait
créé directement chacune à des moments différents de l’histoire du
monde. Il n’y a pas de raison métaphysique qui interdise d’admettre une
évolution des espèces à partir d’un germe primitif, étant entendu que
Dieu dirige l’évolution par sa Providence, et que l’homme en est exclu,
parce qu’il a une âme spirituelle qui ne peut provenir que d’une création
2)
J. MONOD. Le hasard et la nécessité, essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Paris, Seuil,
1970, p.127.
8
directe de Dieu, non seulement pour le premier homme, mais pour
chaque homme en particulier.
3)
De lui il est dit d’être un des défenseurs de la thèse de la création, contestant vigoureusement tous les
arguments avec lesquels on a tenté de prouver l’évolution. Cf. B. MONDIN, Anthropologia filosofica. (subsidia
Urbaniana, 6) Roma, Urbaniana University Press, 1983.
9
dans le hasard pour expliquer la vie ‘? N’est-ce pas refuser à ne
pas l’expliquer ‘? Il est en plus absurde que du hasard, de
l’irrationalité ait l’origine de la rationalité, comme on a vu naître
l’homme dans l’évolution de l’univers. En plus, J. Monod part d’un
principe absolument réductionniste qui exclut la possibilité
d’accueillir le «sens » et I’ intentionnalité de quelque chose. Il dit en
effet « Le postulat de base de la méthode scientifique » est que
« la nature est objective et non projective »4). C’est le refus
systématique de considérer comme pouvant conduire à une
connaissance « vraie » toute interprétation des phénomènes
donnés en termes de causes finales, c’est-à-dire de « projet ».
Postulat en flagrante contradiction avec l’œuvre même de J.
Monod qui, tout en étant une créature du hasard et de la nécessité,
se propose cependant dans sa recherche de l’origine de la vie des
objectifs et cherche sans aucun doute le sens de cette
merveilleuse aventure.
4)
J.MONOD, o.c., p.17.
10
n’a plus rien, ni vie ni matière. Ou bien le mouvement ascendant
l’emporte, alors la matière est absorbée dans la vie, on n’a que de
la vie. Ou bien, enfin, le mouvement descendant l’emporte, alors la
vie est absorbée dans la matière, on n’a plus que de la matière
sans vie. Il n’y a donc aucune signification réelle à donner aux
images dont se sert Bergson.
e. La vie humaine
En conclusion, la vie humaine est une vie qui atteint des niveaux
spirituels élevés, niveaux qu’elle cherche toujours à dépasser. Son
regard est constamment fixé en avant. C’est pourquoi le vrai sens (le la
vie humaine ne peut être saisi que si l’on découvre le but, la fin vers
laquelle elle est dirigée. Si I’on ne peut encore répondre à la question de
savoir quelle est la fin de la vie humaine, on est cependant sûr du
résultat obtenu jusqu’ici : le sens ultime de la vie humaine ne peut être
tiré ni d’en bas ni du passé, parce qu’elle est tournée vers le haut et vers
l’avenir.
Un autre résultat à retenir de ce qui a été dit sur la vie est qu’elle n’est
manifestation de l’être propre de l’homme que quand on la prend dans
toute sa richesse et sa complexité, telle qu’elle se réalise dans les
personnes singulières, une richesse et une complexité tendant à
déborder systématiquement toutes les frontières, toutes les limites que
leur impose l’environnement socio-culturel dans lequel la vie se
développe.
12
temps. La dignité de la personne humaine sur laquelle se fondent toutes
les valeurs morales s’inscrit déjà dans cette dynamique de la vie.
13
II. Deuxième partie : LA BIOETHIQUE
14
Après la guerre, à Nuremberg, le tribunal militaire américain mène le
« procès des médecins » et fait appel à des experts qui entreprennent de
réunir des éléments épars d’une réflexion éthique. Ce procès aboutit en
1947, à la publication du « code de Nuremberg », un corpus de dix
principes déontologiques encadrant la recherche expérimentale sur
l’homme. Ce document introduit explicitement le respect des droits de
l’homme dans la recherche médicale internationale.
15
Il se pose donc clairement ici, la problématique centrale de la
bioéthique : comment assurer la protection des droits individuels des
sujets de recherche tout en cherchant à améliorer le bien-être collectif ?
16
Chapitre 2 : QUELQUES NOTIONS CLES
1. Eugénisme
Naissance de l’eugénisme
HISTOIRE
Dans la Grèce antique, à Sparte, les nouveau-nés malformés sont
éliminés. Cependant, c’est Francis Galton, cousin de Charles
Darwin, qui invente le terme d’eugénisme en 1883. Pour lui, tous les
hommes ne sont pas égaux : certains sont absolument supérieurs à
d’autres, et il avait entrepris de prouver que le « génie »est
héréditaire. Ses idées ont rencontré et rencontrent toujours un
certain écho.
De son côté, la France n’a pas caché son enthousiasme devant ces
lois. Si elle n’a pas suivi la voie, c’est que, d’une part, la tradition
catholique profondément ancrée en France est par nature hostile à
tout ce qui peut contrecarrer la procréation et, d’autre part, que le
pays avait besoin de régénérer sa démographie après l’hécatombe
de la Grande Guerre, d’où une politique plutôt nataliste.
L’essentiel
19
2. Euthanasie
Euthanasie et nazisme
Les illustrations les plus manifestes de l’euthanasie dans l’Histoire
sont les génocides, parmi lesquels celui perpétré au nom de
l’idéologie nazie, le terme euthanasie étant alors dévoyé pour
signifier l’élimination des « impurs » et des êtres humains
« inférieurs », dans des conditions qui n’avaient plus rien de
médical, ni même d’humain. En parallèle de sa politique eugéniste,
le régime nazi a ainsi développé un intense programme
« d’euthanasie active » qui a porté le concept au paroxysme. C’est
le 1er septembre 1939 que démarre un programme d’euthanasie de
personnes handicapées après l’autorisation écrite du Führer : « Le
Reichsleiter Bouhler et le docteur Brandi sont chargés de la
responsabilité d’étendre le domaine de compétence de certains
médecins, nommément désignés, afin que les patients qui, pour
autant que l’entendement humain puisse en juger après un
diagnostic des plus approfondis, sont considérés comme incurables
aient droit à une mort miséricordieuse.» (In Michael Tregenza,
Aktion T4, 2011). Le programme « Aktion T4 » était lancé. On estime
que plus de 200 000 personnes, adultes et enfants, seront tuées
dans le cadre de ce programme et de ses ramifications
20
(malformations, handicap mental, maladies incurables, graves
blessures...).
Mourir… dignement?
L’euthanasie, au sens moderne du terme, signifie davantage la
possibilité pour chaque individu de choisir le moment de sa mort,
dans la dignité. Beaucoup plus assumée socialement que
l’eugénisme, l’euthanasie médicale émerge à nouveau depuis les
années 1970-80, et les débats sont très vifs aujourd’hui autour de
cette thématique. Plusieurs présidents de la République ont été
amenés à donner un avis sur la question de la fin de vie, et François
Hollande, après des déclarations plutôt favorables, parviendra
finalement à un compromis en introduisant la ex sédation profonde
et continue » comme thérapeutique possible de fin de vie et en
instaurant la notion « d’aide à mourir » dans une loi de 2016 (voir
notion 31). Plusieurs pays ont légalisé l’euthanasie à des degrés
divers. On estime qu’en Europe, environ 50 % des décès résultent
d’une décision médicale, active ou passive. Cette situation s’est
progressivement installée en réaction à ex l’acharnement
thérapeutique » ou à ex l’obstination déraisonnable » due aux
avancées des traitements qui permettent de maintenir des
personnes artificiellement en vie (voir notion 33).
21
Affaire Lambert
La fin de vie de Vincent Lambert en juillet 2019 a défrayé la
chronique. Ce jeune homme, victime d’un grave accident de la
route, était plongé dans un coma jugé profond et végétatif depuis
plus de 10 ans, avec des lésions irréversibles. L’équipe médicale
décide, dans le prolongement de la loi Leonetti l’arrêt des
traitements. Mais les parents de Vincent, très engagés dans la lutte
contre l’avortement et la « préservation de toute vie », ont contesté
à plusieurs reprises la décision du corps médical d’arrêt des
perfusions, donnant lieu à un véritable feuilleton judiciaire et
saisissant le Conseil d’État, la Cour de cassation, Ta Cour
européenne des droits de l’homme et même l’ONU. Toutes ces
juridictions et instances auront finalement donné raison aux
médecins. Vincent Lambert est mort en juillet 2019...
Ces questions sont particulièrement complexes et ne peuvent
obtenir de réponses évidentes. L’alimentation et l’hydratation par
perfusion doivent-elles être considérées comme des traitements, ou
comme de simples soins ? Est-ce une « obstination déraisonnable »
d’alimenter une personne dépendante ? Que recouvre précisément
la notion de « maintien artificiel de la vie » ?
Euthanasie
L’essentiel
22
3. Philosophie et bioéthique
Déontologisme
Par ailleurs, l’action menée doit avoir une portée universelle, elle
doit répondre à un « impératif catégorique » : « agis de telle sorte
que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps
comme principe d’une législation universelle ». Ce que je fais est
une action morale si le bien que j’en tire peut apporter du bien à
tous.
23
Conséquentialisme ou l’utilitarisme
24
Pour illustrer les deux approches pratiques que ces deux
philosophies sous-entendent, nous pouvons prendre deux
exemples :
Une personne en fin de vie nécessite un traitement coûteux.
Se pose la question de la pertinence de lui administrer ce
traitement. Le point de vue déontologique impose de faire
tout ce qu’il est possible de faire pour améliorer la condition
du malade. Le choix utilitariste préconise d’économiser le
coût du traitement, s’agissant d’une personne que l’on ne
peut plus sauver de toute façon...
Une personne âgée présente une démence incontrôlable et
dangereuse. Le point de vue déontologique tend à tout faire
pour maintenir la personne à son domicile, avec des aidants,
de façon à préserver son environnement et ne pas aggraver
les symptômes. Le conséquentialiste place d’office cette
personne en institution, même au prix d’une aggravation de
la démence, le but étant ici de protéger la famille et
l’entourage de la personne. Le bien de tous prévaut sur le
malheur d’un seul.
Philosophie et bioéthique
L’essentiel
5. Respect de l’autonomie
Dans les faits, c’est plutôt un idéal, un but à atteindre qui génère des
tensions entre la tendance volontiers paternaliste du médecin et la
tendance plutôt individualiste des patients. Par ailleurs, ce principe
met également en tension l’éthique et le droit, car l’exercice de
l’autonomie fait appel à plusieurs concepts juridiques comme les
majorités (sexuelle, pénale, civile) et la capacité de discernement.
26
Le principe d’autonomie se décline en trois volets principaux, qui
supposent que le sujet est « libre et capable »
L’autonomie d’action, qui implique de pouvoir agir et se déplacer.
L’autonomie de pensée, c’est-à-dire de pouvoir mener une
argumentation réfléchie.
Et l’autonomie de volonté, soit le fait de se déterminer en fonction
d’une conception du bien qui nous est propre, tout en gardant la
maîtrise de notre sensibilité.
C’est l’article L.1111-4 du Code de la santé publique qui l’exprime
en affirmant que «toute personne a le droit de refuser ou de ne pas
recevoir un traitement ». Le médecin doit « respecter la volonté de
la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix
et de leur gravité ».
28
que le patient est dans une situation dépendante, en attente
d’actions, tout en se gardant d’en abuser.
Respect de l’autonomie
L’essentiel
Non-malfaisance
29
Le principe de non-malfaisance est en réalité le plus ancien,
puisqu’il découle du fameux serment d’Hippocrate : « Primum, non
nocere » (en premier, ne pas nuire). Le médecin doit veiller en
priorité à ne pas nuire au patient, autrement dit : il est pire de lui
nuire que de ne pas agir pour l’aider.
Bienfaisance
30
Le principe de bienfaisance, lui, est le fondement de l’approche
médicale. Il est basé sur la nécessité d’améliorer le sort du malade
et de diminuer sa souffrance dans toute la mesure du possible. Bien
entendu, tout en respectant les deux principes fondamentaux
d’autonomie et de la malfaisance. La bienfaisance est donc un
devoir du médecin.
31
Il est parfois difficile de faire la distinction entre non-malfaisance et
bienfaisance. L’une s’attache à ne pas nuire, quand l’autre veut
rendre service
Pour mesurer la bienfaisance et la non-malfaisance, le rapport
bénéfice/risque est un indicateur efficace
Parfois, la volonté de bienfaisance peut aboutir à une obstination
déraisonnable, encadrée par une loi depuis 2016 pour protéger le
patient.
9. Principe de justice
On voit bien que chacune de ces visions a des limites, et leur mise
en tension détermine l’orientation des politiques de santé publique.
Concrètement, il est possible d’appliquer un certain nombre de
règles pour aider à juste répartition des dépenses de santé :
Principe de justice
L’essentiel
le principe de justice est mis en cause dès lors qu’une injustice est
constatée.
C’est lui qui est utilisé pour faire fonctionner la sécurité sociale,
pour définir les politiques de santé : « le plus grand bien pour le
plus grand nombre. »
Le principe de justice permet de réfléchir à la différence entre les
notions d’égalité et d’équité.
34
La responsabilité (du latin « respondere ») est le fait de devoir
répondre de ses actions. Elle se décline particulièrement dans la
pratique médicale, où le soignant a une responsabilité envers son
patient. En miroir, la dignité est le respect dû à l’autre, qui ne doit
pas être considéré en tant qu’objet, mais en tant que personne.
C’est un critère fondamental inscrit dans le premier article de la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Responsabilité(s)
Polymorphismes et mutations
37
Avec l’essor des techniques de génomique (le séquençage massif
d’ADN), ces questions du normal et du pathologique ont pris un
nouveau tour. En effet, les variations par rapport à la référence
d’une séquence d’ADN ont longtemps été appelées mutations, sans
préjuger de leur effet délétère. Mais il est vite apparu que la
référence même était une idée fausse. Lors du séquençage du
génome dans les années 1990, les chercheurs avaient utilisé l’ADN
d’une vingtaine d’individus pour établir la séquence du génome « de
référence » de l’humanité. Or, chacun de nous possède en
moyenne 3 ou 4 millions de spécificités dans son ADN. Ces
«polymorphismes» sont ce qui fonde notre identité. Au niveau
cellulaire, ils entraînent autant de microvariations qui modifient
subtilement le fonctionnement « normal » de notre métabolisme.
Parfois, une de ces variations a un effet bien plus marqué que les
autres, délétère. C’est une mutation, c’est-à-dire une variation
pathogène. Mais, de la même façon, il doit sans doute exister des
variations à effet marqué positif, car les biologistes de l’évolution
savent depuis longtemps que le moteur de l’évolution est justement
cette variabilité aléatoire de la séquence des gènes. Par ailleurs, si
les mutations étaient si néfastes, pourquoi ne sont-elles pas
définitivement éliminées par l’évolution?
Découvertes fortuites
38
Un des problèmes du séquençage à haut débit de l’ADN est le
risque de tomber sur des variations connues pour être pathogènes,
mais n’étant aucunement liées à la pathologie que présente le sujet.
39
Le consentement « éclairé » du patient à toute étude l’incluant est
un prérequis, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le seul
cas qui fait exception à cette règle générale est le don d’organes, où
le consentement est présumé.
Le consentement doit être recueilli par écrit (L. 16-10 du Code civil).
Préalablement à ce recueil, le patient doit avoir pris connaissance
d’une information détaillée, pendant une consultation individuelle,
avec un médecin spécialisé.
Dans une autre affaire, un homme est admis à l’hôpital dans le but
de se faire prélever un rein pour le donner à son frère. Or, dans la
nuit, il fait savoir qu’il entend renoncer. On ne lui permet pas de
quitter l’hôpital, mais le lendemain, après lui avoir donné des
médicaments l’empêchant de s’exprimer, il est conduit au bloc et
opéré. Le juge administratif considère qu’« en omettant de vérifier le
maintien du consentement [du patient] alors que ce dernier avait
exprimé, dans la nuit qui a précédé l’intervention, une volonté de
rétractation, le CHU [...] a commis une faute de nature à engager sa
responsabilité» (CAA Nantes, 29 septembre 2017, n° 15NT03537).
Le consentement le plus formalisé est celui qui encadre les
analyses génétiques et participation à des recherches biomédicales.
Consentement éclairé
L’essentiel
Activités CPDPN
45
La limitation thérapeutique consiste en la non-optimisation des
techniques qui permettent le maintien artificiel en vie ou la
planification de cette non-optimisation.
L’arrêt thérapeutique consiste en l’interruption d’un ou plusieurs
traitements qui assurent le maintien artificiel en vie.
47
La loi n°94-548 du le 1er juillet 1994 «relative au traitement de
données nominatives ayant pour fin la recherche dans le
domaine de la santé » est venue compléter la loi « informatique
et libertés » Elle émane du ministère de la Recherche.
La loi n° 94-653 du 29juillet1994 « relative au respect du corps
humain », émanant du ministère de la Justice, inscrit dans le
Code civil les principes composant le statut juridique du corps
humain: primauté de la personne, dignité et respect de l’être
humain, inviolabilité et non-patrimonialité du corps humain. Elle
vient également encadrer le recours aux tests génétiques, et
instaure le recueil obligatoire du consentement de l’individu.
La loi n° 94-654 du 29juillet 1994 «relative au don et à
l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à
l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic
prénatal », émanant du ministère de la Santé, insère de
nouveaux articles dans le Code de la santé publique.
Initialement, ces lois devaient être révisées tous les 7 ans pour faire
face à l’avancée rapide des progrès techniques mais le travail
parlementaire permet rarement de tenir ces délais et la première
révision n’est intervenue que 10 ans après.
Révisions successives
49
les lois de bioéthique viennent encadrer les pratiques à la suite
d’avancées techniques souvent brutales.
Chaque loi est l’occasion d’une profonde réflexion
pluridisciplinaire et de débats enrichissants.
Les révisions périodiques permettent d’accompagner les
évolutions des techniques.
50
15. La révision des lois bioéthiques en 2020
Relativité de l’histoire.
51
Presque huit années se sont écoulées depuis la dernière réforme en
la matière. Sur la base de ces états généraux, un projet de loi a été
déposé à l’Assemblée nationale (n° 2187) le 24 juillet 2019.
Les lois de bioéthique ont inclus dans leur première version (en
1994) une option de révision périodique pour tenir compte de
l’avancée des techniques.
53
La chaque révision est précédée d’États généraux, vaste
concertation populaire à l’échelle nationale qui permet à chacun
de participer aux débats, sous l’égide du CCNE.
La périodicité de la révision, entre l’organisation des États
généraux et le nécessaire travail parlementaire, respecte
globalement les délais prévus de 7 ans.
L’Agence de la biomédecine
57
Prenons un exemple tel celui d’une décision de refus d’exportation
des gamètes d’un jeune homme décédé à l’âge de 23 ans, que sa
mère sollicitait. Le Conseil d’État valide la décision de l’Agence en
considérant qu’il «n’apparaît pas que l’intéressé aurait eu un projet
parental précis, pour lequel il aurait procédé, à titre préventif, à un
dépôt de gamètes en vue de bénéficier d’une assistance médicale à
la procréation [...] ni qu’il ait explicitement consenti, à cette fin […] à
l’utilisation de ses gamètes après son décès» (CE, 4 décembre
2018, n° 425446).
Pour éviter que l’évaluation des projets soit biaisé par des relations
amicales ou locales, chaque projet de recherche déposé est, depuis
2018, attribué à un CPP par tirage au sort, puis envoyé à ce comité
qui rend donc un avis « en aveugle ».
59
Chapitre 3. LA BIOETHIQUE EN AFRIQUE
1)
MUNDAY Mulopo F., La Bioéthique en philosophie africaine. Essai de dépassement de la marginalisation, dans
KANANGA MASALA, e.a., La Bioéthique, origines, enjeux et défis, Actes de la deuxième Matinée philosophique,
jeuidi 30 juillet 2009, dans revue congolaise de philosophie, 2009, n°2 (juillet-décembre), p.79. On trouvera
dans ces actes la réponse détaillée à la question de la pertinence de la Bioéthique en Afrique. Voir entre autres
l’étude du prof. MBAMBI MONGA Oliga, La Bioéthique question est perspectives africaines, p.35-43.
61
Chapitre 4. DOMAINE DE LA BIOETHIQUE
2)
Cf.M.-G. PINSART, o.c., p.,107 ; « La contraception et l’avortement ont effectivement été les premiers
problèmes qui concernent en priorité les femmes dans les débats bioéthiques. Mais cela ne signifie pas que ces
problèmes soient désormais réglés dans le champ de la Bioéthique »
62
du corps humain. Le corps du citoyen ne lui appartient pas en propre.
il ne peut en faire commerce3)
La privatisation de banques d’organes ou de greffons (de sang de
cordon par exemple)
L’hypothèse d’une gestation de I’embryon humain par des
espèces non humaines ;
Les questions de clonage humain (thérapeutique ou non). Si le
clonage humain à visée non-reproductive est diversement évalué, il y
a actuellement consensus en Europe occidentale pour interdire le
clonage humain à visée reproductive4)
Le diagnostic prénatal ou préimplantatoire. « Le dépistage
prénatal concerne les explorations pratiquées pendant la grossesse
pour l’expertise de la normalité d’un fœtus. Il se distingue du
diagnostic préimplantatoire. Ce dernier concerne l’examen de
l’embryon avant son implantation utérine. Il n’est pas destiné à une
Interruption de grossesse. Il précède celle-ci, le diagnostic prénatal
repose sur l’échographie qui est répétée au cours de la grossesse
aux troisième ; cinquième et septième mois. Un test de diagnostic
sanguin, non pas de la trisomie 21, mais de l’augmentation
significative de ce risque, est pratiqué vers la deuxième semaine. Si le
test révèle ce risque, le médecin provoque une amniocentèse, c’est-à-
dire un prélèvement de liquide amniotique par voie intra-abdominale
pour examiner le liquide er rechercher l’anomalie chromosomique sur
les cellules prélevées. Ces examens font courir un risque
d’interruption accidentelle de grossesse de l’ordre de 1 à 2%. Le
résultat positif s’accompagne de près de 90% de demandes
d’interruption de grossesse. Le caractère quasi systématique de ce
dépistage peut conduire, qu’on le veuille ou non, à une
programmation eugénique qui ne dit pas son nom. Le dépistage
prénatal est très organisé dans sa pratique et ses finalités. Il revient
en effet au médecin des centres pluridisciplinaires de diagnostic
prénatal de porter un jugement sur l’existence d’une maladie grave et
incurable pouvant justifier l’avortement thérapeutique. Le seuil de
3)
Cf. D. SICARD, o.c., p. 20 ss. « A propos du don d’organes ».
4)
Cf. N. LEMAS, o.c., p. 189 : « faut-il continuer à interdire le clonage ? »
63
cette gravité est diversement apprécié. Il dépend aussi du regard de
la société sur la capacité à accepter des enfants handicapés... »5)
La connaissance de caractères génétiques et les thérapies
géniques ;
L’eugénisme (stérilisation d’handicapés mentaux et de personnes à
risque génétique...) ;
Statut juridique de l’embryon et du fœtus (lié en droit fiançais à la
(dignité de la vie humaine»). La question éthique du statut de
l’embryon est des plus débattues: n’est-il pas, à ce stade très précoce,
qu’un amas de quelques cellules. ou est-elle une personne potentielle,
voire une personne morale à part entière ?6)
la recherche sur l’embryon et l’utilisation d’embryons
surnuméraires:
les cellules-souches. La recherche sur les cellules-souches
humaines est autorisée, en France, à titre exceptionnel, et uniquement
à partir des embryons surnuméraires ;7)
les neurosciences dont les progrès permettent peu à peu de lire,
voire de modifier l’activité du cerveau : en direct8)
les nanobiotechnologies9). Les nanosciences et nanotechnologies
(d’après le grec vavoç, signifiant nain), ou NST, peuvent être définies
au minimum comme l’ensemble des études et des procédés de
fabrication et de manipulation de structures (électroniques.
chimiques...), de dispositifs et de systèmes matériels à l’échelle du
nanomètre (nm), ce qui est l’ordre de grandeur de la distance entre
deux atonies.
5)
D. SICARD, o.c., p. 37-38.
6)
On peut lire les pages sur les avatars de la personne de N. LEMAS, o.c., p. 121 ss et sur la question : 1 »
embryon est-il une personne comme les autres ? Les enjeux éthiques de la recherche sur les cellules
embryonnaires, p. 181 ss. On retiendra la distinction faite par les protagonistes du débat entre « cellules
totipotentes », capables de produire l’organisme entier si elles sont placées dans le milieu adéquat, « cellules
pluripotentes », capables de donner tous les types de tissu sauf le placenta et « cellules multipotentes »,
l’enjeu du débat portant sur les deux premières.
7)
Décret n° 2006-1660 du 22 décembre 2006 relatif au don de gamètes et à l’assistance médicale à ma
procréation et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires)
8)
Cf. D. SICARD, o.c., p. 55 : « l’apport des neurosciences »
9)
Ibid., p. 108 ss : « Les problèmes éthiques posés par les nanotechnologies »
64
Si la transgénèse pose le problème de la bioéthique, les réactions les
plus fréquentes face au génie génétique sont largement fonction de
l’objectif final, plus que de l’organisme concerné, tout du moins lorsque
cet organisme n’est pas d’origine humaine. En 1975, la conférence
d’Asilomar avait déclaré un moratoire sur ces recherches, le temps de la
réflexion, qui a été levé par la suite.
65
Outre les problèmes relatifs au brevetage des gènes, de nombreuses
autres affaires ont été soulevées devant les juges (Moore v. Regents of
the University of California en 1990 la Cour suprême de Californie ayant
admis la possibilité pour les médecins de breveter une lignée cellulaire,
similaire à la lignée cellulaire HeLa, créée à partir des cellules d’un
patient, sans son consentement. En France, le Comité consultatif’
national d’éthique (CCNE) a examiné ce problème dans son avis n°98
(2006) sur la « commercialisation des cellules souches humaines et
autres lignées cellulaires »10)
10)
Comité consultatif national d’éthique (CCNE), commercialisation des cellules souches humaines et autres
lignées cellulaires, avis n°98, 17 novembre 2006.
11)
George ANNAS et Michael GRODIN, The Nazi Doctors and the Nuremberg Code : Human Rights in Human
Experimentation, Oxford University Press, 1992, p.125
12)
Jochen Vollman, « Informed consent in human expérimentation before the Nuremberg Code », dans British
Medical Journal, vol. 313, 1996, p. 1445-1447.
66
4.6. Vieillir et mourir
acharnement thérapeutique (à partir de quel moment faut-il
considérer que le traitement devient trop lourd ?) ;
euthanasie aide médicale au suicide Limitations ou arrêt des
thérapeutiques actives (LATA) en réanimation ;
Soins palliatifs ;
contrôle de la sénescence (personnes atteintes de la maladie de
Parkinson...
47. Expérimentation
Expérimentation visée thérapeutique ou de recherche13)
quelles sont les personnes admises (volontaires, prisonniers,
personnes saines. malades, handicapés mentaux...) en F rance,
elle est interdite sur les personnes en étal végétatif chronique, ainsi
que sur les personnes en état de mort cérébrale, sauf, dans ce
dernier cas, si la personne fait don de son corps à la science ;
embryons surnuméraires utilisés pour la recherche (voir en
France la décision du conseil constitutionnel du 27 juillet 1994
concernant la loi relative au respect du corps humain14) et la loi
relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps
humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic
prénatal)15)
13)
Hans JONAS, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. Traduit de l’allemand
ème
par Jean GREISCH. (Champs, 402). 3 édition, Paris, Flammarion, 2003.
14)
Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique TITRE III ; DON ET UTILISATION DES ELEMENTS ET
PRODUITS DU CORPS HUMAIN.
15)
Conseil constitutionnel, Décision n094-343/344 DC du 27 juillet 1994.
67
incidences de la société industrielle sur la biosphère (nouveaux
produits mutagènes. organismes génétiquement modifiés ;
armes biologiques ;
clonage sur les plantes (depuis plus d’un millénaire en (lime) ou les
animaux ;
transgénèse...
68
Chapitre 5. BIOÉTHIQUE ET NATURE
69
Chapitre 6. LA QUESTION PHILOSOPHIQUE17) DU RESPECT DE
L’ÊTRE VIVANT
16)
« On ne peut jamais faire l’impasse sur un arrière-plan culturel, théologique ou spirituel car depuis toujours
les actions humaines ont tendu vers le bien et vers le juste. Mais les références philosophiques sont aussi
importantes, en particulier Kant avec ses impératifs catégoriques de devoir conférer à la volonté humaine
d’agir en considérant la personne comme une fin, jamais uniquement comme un moyen et de façon telle que
cette action soit universalisable » Cf. D. SICARD, o.c., p. 6.
17)
Kant, la métaphysique des mœurs, Paris, Flammarion, 1994.
18)
Noëlle Lenoir et Bertrand Mathieu, les normes internationales de la bioéthique, Paris, PUF, 2004.
19) er
Charte promulguée le 1 mars 2005 (lien sur le site du ministère de l’écologie)
70
de conscience de l’intérêt d’une vision moins anthropocentrique du
inonde, prenant en compte l’ensemble du monde vivant.
20)
Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, UNESCO, 2005
71
Or le défi que posent les progrès actuels des sciences et des techniques
à la philosophie contemporaine est de réfléchir aux valeurs propres de
l’humain et à son rapport au corps, voire au vivant en général (animaux,
environnement).
21
C. BYK, Progrès scientifique et droits de l’homme : la rupture ?
22)
Notamment la CEDH et la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme de l’Unesco
adoptée en octobre 2005
72
heuristique de la peur23) et la « technophilie » représentée par
Engelhardt24).
23)
H.JONAS, o.c.
24)
H.T. ENGELHARDT, The Foundations of Bioethics, Oxford University Press, USA, 1996 ; Gilbert HOTTOIS, La
technoscience : entre technophobie et technophilie, où l’auteur insiste sur l’importance de la première
approche chez les philosophes contemporains.
73
Chapitre 7. ENJEU MORAL ET POLITIQUE DE LA BÎOETHIQUE
25)
D. MEMMI et D. FASSIN (dir), Le gouvernement des corps, ed EFESS, 2004.
74
normes sociales. « Dès lors que les politiques en matière de recherche
et de santé publique deviennent un des points clés du lien social, nous
sommes inévitablement conduits à nous interroger sur la capacité de nos
institutions politiques à nous permettre d’en conserver la maitrise et de
dresser les perspectives à leur développement. »26).
26)
Article de christian BYK, « Bioéthoque » in Dictionnaire Permanent Bioéthique et biotechnologies. Ed.
légistatives, Montrouge, mise à jour 2005.
27)
Voir site internet du CCNE dont les missions ont été révisées dans la loi du 6 août 2004.
75
Finalement, que la bioéthique soit bien un enjeu politique, on peut le voir
par sa présence dans la charte des droits fondamentaux de l’union
européenne adoptée par le Conseil et le Parlement européen le 7
décembre 2000.
C‘est dans ce contexte que, durant les années 1970, les bioéthiciens
américains ont proposé des principes qui satisfont des conceptions
philosophiques et religieuses différentes. Ainsi Tom BEAUCHAMP et
James CHILDRESS ont exposé dans Principles of Biomédical Ethics
(1979) une démarche méthodologique qui s’appelle en anglais le
principlism. L’objet du principlisme est simple : enraciner l’éthique
médicale dans la « morale commune ». L ‘idée maîtresse des auteurs
était d’établir des principes minima que personne ne pourrait remettre en
cause, en se basant sur I’intuition qu’au-delà des différentes options
éthiques en présence dans une société pluraliste, il existerait des
76
convergences entre tous les grands courants, et donc un accord
possible. Le principlisme tire son nom de la priorité accordée à quatre
principes formels dans, la résolution des conflits éthiques :
28)
Il a été noté que cette pensée de l’auteur s’exprime avant tout dans la première édition de ses Foundations
of Bioethics (1986), la seconde, publiée après sa conversion à l’orthodoxie en 1996, prend ses distances vis-à-
vis de la première.
78
1. par la casuistique qui s’attache à la spécificité de la situation pour
dégager les valeurs et les principes qui y sont en jeu ;
2. par l’éthique de la vertu qui insiste sur les qualités morales de la
personne qui doit décider et agir ;
3. par l’éthique du souci de l’autre (Care Ethics) qui met en valeur
l’écoute, la compassion et les relations personnelles
4. par l’éthique féministe qui, à l’encontre de la restriction du
principlisme au domaine médical, attirera l’attention sur les
questions du « genre » (discrimination en fonction du sexe de Ia
personne, imposition d’un rôle social)
5. enfin par des conceptions extérieures au cadre occidental de
pensée et fondée sur d’autres valeurs et principes (importance de
la collectivité au détriment de l’autonomie individuelle dans la
culture japonaise ou africaine, par exemple).
29)
Cf. M.G. PINSART, o.c., p. 35ss ; aussi N. LEMAS, o.c., p. 26-29.
79
Chapitre 9. LES RÈGLES BIOÉTHIQUES
« Je jure par Apollon, médecin. Esculape, par Hygie et Panacé. par tous
les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai,
suivant mes forces et ma capacité, le serment et l’engagement suivants :
je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de
mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je
pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour mes frères, et, s’ils
désirent apprendre la médecine, je leur enseignerai sans salaire ni
engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du
reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon Maître et aux
disciples liés par engagement et un serment suivant la médicale, mais
nul autre ».
« Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes
forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute
injustice. Je ne mettrai personne du poison, si on m’en demande, ni ne
prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; semblablement, je ne
remettrai à aucune femme un pessaire abortif. .Je passerai ma vie et
j’exercerai mon art dans l’innocence et la pureté. Je ne pratiquerai pas
l’opération de la taille. Dans quelque maison que je rentre, j’y entrerai
pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et
corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres
ou esclaves. Quoi que je voie ou entende pendant, ou même hors de
l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être
divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas ».
80
« Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir
heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des
hommes, si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort
contraire »30).
Les auteurs signalent des codes plus récents comme celui de Persival
(1833 et celui de Beaumont (1847) dans lesquels sont cristalIisées les
préoccupations philosophiques relatives aux interventions sur le corps
humain.
30)
Cf. D. BORRILLO, o.c., p.7, note I.
81
6. Les risques encourus ne devraient jamais excéder l’importance
humanitaire du problème que doit résoudre l’expérience
envisagée.
7. On doit t’aire en sorte d’écarter du sujet expérimental toute
éventualité, si mince soit-elle, susceptible de provoquer les
blessures, l’invalidité ou la mort.
8. Les expériences ne doivent être pratiquées que par des personnes
qualifiées.
9. Le sujet humain doit être libre, pendant l’expérience de faire
interrompre, s’il estime avoir atteint le seuil de résistance, mentale
ou physique au-delà duquel il ne peut aller.
10. Le scientifique chargé d’expérience doit être prêt à
l’interrompre à tout moment, s’il une raison de croire que sa
continuation pourrait entraîner des blessures, l’invalidité ou la mort
du sujet humain soumis à expérimentation »31)
31)
Ibid., p. 5-7.
82
thérapeutique chez I’humain que de la manière de collecter des
informations génétiques, de procéder à I expérimentation animale,
d’intervenir sur le génome, de déterminer l’accès aux techniques de
procréation artificielle, d’agir sur I’embryon ou d’organiser la fin de la vie.
« Dès son origine aux Etats-Unis, écrit MG. Pinsart, la bioéthique est
intimement liée au droit, ou plus précisément elle se forme au contact
d’affaires traitées par les tribunaux. Ces affaires réveillaient des
problèmes éthiques que l’on croyait résolus. C’est ce qui arriva avec
l’interdiction de l’avortement dans le droit pénal qui semblait à certaines
personnes ne jamais devoir être remise en question »32).
32)
Ibid., p. 94.
83
protection juridique des inventions biotechnologiques...) et les êtres
vivants (expérimentation sur l’animal, clonage, etc.). C’est les
dispositions du droit positif en rapport avec la bioéthique qui définissent
le biodroit. Celui-ci doit à la fois interroger les catégories juridiques
traditionnelles pour résoudre une situation, mais intégrer de nouvelles
valeurs éthiques et sociales notamment mises en évidence par la
bioéthique…
84
que toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la
sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits
économiques sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la
coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des
ressources de chaque pays34)
34)
Cf. Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) dans Droits de l’homme. Recueil de documents
internationaux et nationaux rassemblés pour le Colloque international sur la culture chrétienne devant les
droits humains. Organisé à l’Université catholique de Lyon du 20 au 23 septembre 1989 à l’occasion du
Bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (Fédération internationale des Universités
catholiques. Centre de coordination de la recherche). Bruxelles, Bruylant : Louvain-la-Neuve, AEDL., 1989, p.,
15.
85
10.5.- La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
adoptée par le Conseil et le Parlement européen le 7 décembre 2000.
Son article 35 stipule que toute personne a le droit d’accéder à la
prévention en matière de santé et de bénéficier des soins médicaux
dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales ».
86
Le principe selon lequel la personne concernée doit donner son
consentement éclairé préalablement à une intervention clinique, anime
l’esprit de cette Convention Une intervention ne doit être effectuée sur un
individu n’ayant pas la capacité de consentir que pour son bénéfice
direct Le patient a droit de connaître toute information recueillie sur sa
santé, notamment les résultats des tests génétiques prédictifs. La
volonté d’une personne de ne pas être informée doit également être
respectée. La Convention interdit le prélèvement d’organes ou de tissus
non régénérables sur une personne n’ayant pas la capacité de consentir.
La seule exception concerne le prélèvement de tissus régénérables
entre frères et sœurs. La Convention d’Oviedo reconnait enfin
l’importance des débats publics et des consultations ouvertes en matière
de bioéthiques.
La Convention est très précise dans son article 3 sur l’accès équitable
aux soins de santé, dans son article 6 sur la protection des personnes
n’ayant pas la capacité de consentir, dans son article 7 sur la protection
des personnes souffrant d’un trouble mental, sur la non-discrimination à
partir des tests génétiques, sur la protection des personnes se prêtant à
une recherche et sur l’interdiction de la constitution d’embryon humain
aux fins de recherche (art. 18).
87
Ainsi peu à peu il apparaît que la précarité, la pauvreté sont des facteurs
majeurs de l’inégalité aux soins et que toute réflexion éthique doit
d’abord prendre en compte l’inégalité sociale, géographique,
économique et culturelle. Il s’agit de donner aux droits la possibilité de
s’appliquer.
35)
D. SICARD, o.c., p.19.
88
que lorsqu’un comportement lèse un tiers. Pour l’éthique de la
conviction, par contre, ce n’est pas tant le consentement, l’absence de
préjudice ou le consensus du moindre mal qui constitue le gage de
légitimité d’une action, mais plutôt l’obéissance à des principes
transcendants. Cette soumission apparaît comme la seule garantie de la
moralité, indépendamment des conséquences pratiques qu’une telle
obéissance aveugle serait susceptible de produire.
Le débat bioéthique et ses conséquences pratiques ne sont très souvent
que le reflet de la tension entre ces deux logiques antinomiques et,
malgré le caractère laïc des sociétés contemporaines, l’appel aux
principes transcendants se substitue souvent à l’argumentation et à la
délibération démocratique. Ainsi la construction jurisprudentielle de la
notion de « dignité humaine » apparait. En France par exemple,
comme un fondement s’imposant à tous, compris contre la volonté de
l’individu qu’il est pourtant censé protéger. La confusion entre
eugénisme d’Etat, toujours condamnable, et certaines pratiques de
dépistage prénatales crée un climat culpabilisateur envers les femmes
qui décident de mettre fin à une grossesse pouvant aboutir à la
naissance d’un enfant handicapé...
89
Note de lecture : Un bon médecin n’a pas besoin de bioéthique
« Un bon médecin est …quelqu’un qui doit maîtriser des connaissances
scientifiques et capable d’évaluer la pertinence de leurs applications
d’un point de vue médical, mais aussi d’étendre les souhaits d‘un
patient ou de ses proches et, en concertation avec toutes les parties
concernées, de prendre une décision justifiée médicalement et
humainement. Il a donc certainement besoin de bioéthique » M.G.
(PINSART, o.c., p.92.)
90
CHAPITRE 12. BIOÉTHIQUE ET POSITION DES RELIGIONS
91
nerveux, et de réparer des tissus ayant subi de graves lésions. Cette
médecine régénératrice utiliserait pour cela des cellules souches, qui ont
la caractéristique d’être non spécialisées et qui pourraient reconstituer
les tissus ou organes défaillants. Il en existe plusieurs types : les cellules
souches adultes, les cellules souches de sang de cordon, les cellules
souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites.
Malgré l’enthousiasme qu’il suscite, le développement de traitement à
court terme à partir des cellules souches embryonnaires n’est pas
radicalement envisageable dans l’état actuel des connaissances. Il pose
en outre de graves problèmes éthiques. En effet, leur utilisation suppose
la destruction d’embryons. Or, si l’on reconnaît en l’embryon, dès sa
conception un être humain, faisant partie de l’humanité, on ne peut le
traiter comme un matériau de laboratoire qu’on rejetterait après l’avoir
utilisé comme réserve de cellules. Ce serait une grave atteinte à sa
dignité. Il importe de rester en garde contre des artifices de langage
couramment utilisés aujourd’hui pour récupérer les objections d’ordre
éthique. Nombre d’entre eux se révèlent arbitraires, et cherchent à
masquer la réalité.
Chercher à obtenir des cellules souches par ce qui est désigné comme
le transfert de noyau » reviendrait non seulement à utiliser des embryons
humains pour la recherche, mais de plus, à les créer directement dans
ce but pour finalement les rejeter.
° En revanche, la recherche sur les cellules souches adultes et sur les
cellules du cordon ombilical ont déjà permis des applications
thérapeutiques encourageants pour des développements futurs. On doit
aussi évoquer les espoirs pour la thérapie cellulaire que suscitent les
« cellules souches pluripotentes induites » découvertes en 2006 par une
équipe japonaise ; elles retiennent désormais l’attention des
scientifiques ; car elles semblent avoir la plupart des propriétés des
cellules souches embryonnaires, sans poser de questions éthiques
particulières.
Ils sont « une nouvelle manière de servir la famille humaine », mais ils
posent de multiples questions éthiques car ils supposent une atteinte à
l’intégrité du corps humain. Un strict encadrement est indispensable pour
garantir le respect de la personne. Le consentement est essentiel ainsi
que la finalité thérapeutique de l’acte.
95
Ces règles permettent de concilier l’intérêt thérapeutique d’autrui et la
sauvegarde de la dignité humaine : leur abandon attesterait d’une
réification du corps humain.
Un test génétique est « tout test scientifique réalisé pour obtenir des
informations sur certains aspects du statut génétique d’une personne ».
Les tests génétiques permettent d’appréhender la présence d’une
mutation ou d’une anomalie touchant l’ensemble des cellules de
l’organisme et pouvant être transmises à la descendance : il s’agit alors
d’une mutation héréditaire. Ils permettent également de déceler les
mutations sur le génome touchant quelques cellules de l’organisme : il
s’agit alors d’une mutation somatique non transmissible aux générations
suivantes… Les maladies génétiques peuvent provenir d’une anomalie
sur un gène ; on parle alors de maladie monogénique - ou d’une
variabilité touchant plusieurs endroits du génome et se déclenchant suite
à des facteurs environnementaux négatifs - on parle alors de maladies
multifactorielles (maladies cardio-vasculaires, psychiatriques, diabète
sucré, cancers, obésité, etc.)
98
examens répétés régulièrement de manière à repérer des signes qui
annonceraient l’apparition de la maladie.
Telle qu’elle est présentée ici, la position de l’Eglise catholique est jugée
de « plus porteuse de refus que d’ouverture »38) ; mais elle est très
cohérente, fondée en particulier sur le respect absolu de l’embryon et de
la vie humaine ».
38)
Cf.D. SICARD, o.c., p., 118.
101
- Reconnait la mort encéphalique et apporte son concours à la greffe
d’organe.
- Prohibe la maternité pour autrui en fonction de I’existence du
principe d’indisponibilité du corps humain.
- S’interroge sur l’anonymat du donneur de gamètes comme
conséquences du tiers donneur et refuse l’aide de l’assistance
médicale à la procréation aux personnes seules en craignant aussi
les conséquences d’un élargissement au diagnostic
préimplantatoire ».
103
de la mère, l’islam interdit l’euthanasie active qui est assimilée à un
homicide volontaire.
5. En conclusion, nous retiendrons que dans l’ensemble ces positions
des religions se retrouvent dans un consensus pour respecter la
vie et son début, même si les modalités de ce respect sont plus ou
moins absolues. L’Eglise catholique est celle qui a souhaité, par la
loi, un encadrement très strict de la science, faisant d’elle la cible
des critiques des rationalistes, en se référant sans cesse à une
transcendance, comme d’ailleurs la plupart des autres religions.
104
CHAPITRE 13. MEDECINE ET RELIGION
105
1. Dans les religions anciennes
Entre autres éléments, on peut souligner le fait que, d’une part, l’esprit
polythéiste de toutes ces religions tend à donner une origine mythique à
diverses sciences ; d’autre part, des théories philosophiques attribuent à
la santé ou à la maladie, une origine essentiellement, surnaturelle. De là
une médecine conjuratoire sans caractère scientifique. On n’en est pas
loin à la conception africaine de la maladie et de la mort qui ne sont
jamais « naturelles ».
39)
La médecine y sacerdotale et de caractère religieux avec la croyance en un dieu principe du bien (Ormuzd ou
Ahur-Mazda) et un dieu principe du mal (Ahriman ou Angra Mainya) on y denombre 99 999 maladies, toutes
filles d’ahriman, et lancées contre les hommes par le demon tauru chacun est personnifiée par un genre. L’art
du médecin consiste à les empêcher de nuire pour cela, il lui faut une science enorme qu’il ne acquérir que par
la lecture des livres
40)
Au Tibet ce sont des génies, moitié divins, moitié humains, mais particulièrement mauvais, qui ont inventé
les maladies pour faire souffrir les hommes et les dieux qui, quoique immortels, ne sont pas exemple de
souffrir. La médecine essentiellement conjuratoire, est pratiquée par les prêtres, qui, selon les cas emploient le
grand ou le petit exorcisme. En Chine On évoque ici confucius (551-479 av. JC) dont la doctrine a continué la
médecine sacerdotale déjà existante avant lui, avec trois grades sacerdotaux les maladies sont cataloguées en
trois scrupuleuses listes, et distinguées en graves, moyennes et bénignes soignes respectivement par des
prêtres de la première, de la deuxième et de la troisième classe. Avec lao-tse on vit apparaitre une médecine
astrologique et alchimiste les astrologues proclamaient l’efficacité des astres, mais derrière les astrologues et
les alchimistes, apparaissent des thérapeutes et des sorciers qui prétendent guérir les malades au nom de
l’absolu.
106
Sur ce point la conception Biblique semble nettement différente. Nous
allons l’examiner brièvement avant d’en venir à la pratique chrétienne et
africaine de la maladie.
41) )
Cf. Ecclésiastique, 33. 1-7
42)
Lév. XV
43)
Job II
44)
Exode IX
45)
Deut. 18, 21-61
46)
Tobie, XI
107
guérirent Naaman de la lèpre47) soit que la guérison se fasse sans action
matérielle, telles la résurrection du mort jeté dans le sépulcre d’Elisée48)
et la guérison par Elie de l’enfant de la veuve de Sarepta49)).
Les différents auteurs qui ont étudié la médecine dans la Bible sont
partagés en deux opinions. Pour les uns, les prescriptions mosaïques
avaient un caractère exclusivement religieux : pour les autres, ce
seraient des préoccupations hygiéniques qui auraient guidé le
législateur, Qu’en penser ?
Ce qu’il faut dire. C’est que la Bible s’est tenue sur le terrain
essentiellement religieux. L’Ecclésiastique, qui cite les préparations de
plantes susceptibles de rendre la santé, en parle comme d’un bienfait de
Dieu dont bénéficie la science humaine, mais ne donne aucune formule.
En fait, ayant pour but de conserver la race juive, dépositaire du culte du
vrai Dieu, jusqu’à l’avènement du Messie, la législation mosaïque,
conforme à l’origine divine et à la nature humaine, était forcément
hygiénique.
47)
Rois V
48) )
Rois, XIII
49)
Rois, XVII
108
On sait que parmi les premiers convertis se trouve Luc le médecin, le
compagnon de saint Paul et un de quatre évangélistes ; en plus le
martyrologue des premiers siècles de I’Eglise est rempli de noms de
médecins dans la seule persécution de Dioclétien, on trouve une dizaine
de martyrs canonisés appartenant è la profession médicale. Sans
compter, dans ces premiers siècles de nombreux médecins qui seront
des prêtres, moines, évêques et même pape comme saint Eusèbe (vers
300-371), et qui associeront à leur ministère sacré, l’exercice de leur
première profession...
C’est au XIIIème siècle qu’on verra la médecine devenir peu à peu une
science complètement laïque, celle dont la pratique et I’enseignement
109
n’étaient venus aux mains des clercs que par la force des circonstances,
et qui avait donné lieu à ce point de vue, à maintes réserves et
restrictions de la part de I’ Eglise.
Mais même lorsque les fondations d’hôpitaux seront faites par des laïcs,
ou les autorités civiles, c’est presque toujours, et pendant longtemps,
l‘esprit chrétien qui les inspirera... C’est que, religieux ou laïcs, il ne
saurait y avoir pour les chrétiens qu’un seul esprit devant la souffrance,
celui du christ qui pleure sur Lazare et qui a dit : « En vérité, je vous le
dis, ce que vous ferez à l’un de ces frères qui sont les miens, à l’un des
plus petits… c’est à moi-même que vous l’aurez fait »
« Depuis que l’homme a été sujet à la maladie, nombreux ont été ceux
qui se sont préoccupés de l’assister, dans la mesure où les temps et les
moyens le permettaient. Mais les édifices proprement dits, construits en
vue d’hospitaliser et d’assister les malades, ont fait leur apparition plus
tard. Et cela, il ne faut pas l’oublier, grâce â la charité universelle laissée
en héritage à I’ Eglise par son divin fondateur … De nos jours, ce
problème, comme bien d’autres, intéresse aussi ceux qui étaient restés
longtemps indifférents et absents. Bénis soient leurs efforts et bienvenus
soient ceux qui, dans la grande maison de l’humanité souffrante, veulent
prêter leur concours. Cependant, que personne ne pense que l‘Eglise
puisse abandonner sa tâche maternelle de réconfort aux malades et à
ceux qui souffrent : personne, en effet, ne saurait la remplacer
entièrement dans sa mission au chevet du malade qui a non seulement
un corps. mais aussi une âme réclamant souvent plus de soins que le
corps lui-même »50) .
50)
PIE XII, Allocution aux religieuses hospitalières, La double obligation de religieuses d’hospitalières, 24 avril
1957. Documentation Catholique, n° 1252, du 26 mai 1957, col. 649-655, dans les malades : qu’en pense
110
Vous apportez dans la chambre du malade et sur la table d’opération
quelque chose de la charité de Dieu, de l’amour et de la tendresse du
Christ .Le Maîre-médecin de l’âme et du corps. Cette charité n’est pas
un sentiment superficiel, qui manquerait de résolution, elle n’écrit pas un
diagnostic pour plaire ou se faire bien voir, elle est aveugle aussi bien
aux séduisants atouts de la richesse qu’au misérable et déplaisant
aspect de la pauvreté et du dénuement : elle est sourde aux invités
d’une misérable passion qui chercherait une coopération dans le mal.
Car elle est amour qui embrasse tout l’homme, un être qui est frère en
humanité, et dont le corps malade est vivifié encore par une âme
immortelle que tous les droits de la création et de la rédemption lient à la
volonté de son Divin Maître. Cette volonté est écrite clairement pour
ceux qui désirent la lire : d’abord dans la fin essentielle que la nature a
manifestement attribuée aux organes humains, puis de façon positive,
dans le Décalogue. Cet amour sincère exclura toute raison, si grave soit-
elle, qu’on pourrait avancer pour autoriser un patient ou un médecin à
rien faire ou conseiller qui contreviendrait à cette volonté suprême »
l’Eglise. Choix de textes de Pie XII. Commentaire et documentation par J.-M Robert (documentation Catholique)
Paris. Bonne Presse
111
représentent des actes de reconnaissance ou de vengeance des
invisibles »51)
Il est vrai que cette catégorie est quantité négligeable au regard des
maladies dites « anormales », survenant brusquement, ou après
plusieurs cas d’infortunes qui apparaissent à côté d’une suite
d’événements malencontreuses, ou causées par autrui (épilepsie,
certaines formes de folie). Elles sont considérées : 1) comme « l’effet, le
témoignage ou le signe d’une tension ou des conflits sociaux parmi les
membres de la communauté ou encore d’un déséquilibre rituel entre le
monde des ancêtres et celui des vivants » ; 2) comme ayant pour base
51)
C. GARNIER et J. FRALON, Le fétichisme en Afrique Noire (Togo-Camerount) avec 30 dessins de Ray Bret
KoCH. (Bibliothèque scientifique). Paris, Payot. 1951, p. 103
52)
Mais compatissant ou condescendant les auteurs justifie cette attitude : « il est plus simple évidemment et
moins fatigant pour l’esprit, de ne pas sonder les problèmes de la nature et de croire à l’action permanente et
inéluctable des fétiches, des esprits et des dieux. Après tout, devons-nous voir peut-être là un acte d’humilité
de foi envers les traditions acceptées depuis des millénaires »
112
« la transgression d’une règle ou d’un interdit par le malade ou par un
membre du clan ; 3) comme étant la conséquence d’une initiation du
patient à la « magie »’ et au « fétiche » ; le résultat d’une action de la
sorcellerie et de l’envoûtement …53)
Ce qui est sûr est que, quelle soit normale. anormale ou surnaturelle, la
maladie englobe toutes les dimensions de la vie humaine (biologique.
psychologique ou spirituelle, sociale et culturelle) et de ce t’ait elle peut
être soignée avec des produits pharmaceutiques et
psychothérapeutiques.
53)
Cf. Kimpianga MAHANIAH. La Maladie et la guérison en milieu Kongo Essai sur Kimfumu Kinganga Kingunza
et Kitobe Kinshasa de vulgarisation Agricole, 1982, p.28.
54)
Cf. LV Thomas et R. LUNEAU, la terre africaine et ses religions. Traditions et changements (Sciences
humaines et sociales). Paris, Larousse, 1957, p. 240.
55)
Pie XII, Allocution de circonstance aux membres de l’Union internationale contre le cancer, Diagnostic du
cancer, cancer du corps et cancer de l’âme. Documentation Catholique n°1233, du 2 septembre 1956 col. 1093-
1098, dans les malades : qu’en pense l’Eglise ? p. 46.
113
Père, la médecine qui veut être vraiment humine doit aborder le malade
intégralement, corps et âme (…) »56))
De la sorte. «en même temps que la guérison des corps avec les
problèmes déjà ardus qu’elle pose, il faut affronter les difficultés
psychologiques et sociales... »57). Et il rappelle au médecin chrétien qu’il
agit certes directement sur les corps, mais sur des corps animés d’une
âme immortelle spirituelle et, en vertu du lien mystérieux mais
indissoluble entre le physique et le moral, il n’agit efficacement sur le
corps que s’il agit en même temps sur l’esprit58)
56) Discours
de circonstance au « symposium sur les affections des vaisseaux coronaires » lors de l’inauguration de
la « Maison du soulagement de la souffrance », les maladies cardiaques, la douleur, l’homme et la maladie.
Documentation Catholique, n°1228, 24 juin 1956, col. 782-786. Ib., p. 54.
57)
Ibid., p. 56-57.
58) ème
ID., Allocation aux membres du 4 congrès international des médecins catholiques. Les normes chrétiennes
de la déontologie dans le domaine de la fécondation artificielle. CH-SS-Documentation catholique, n°1054, du
23 octobre 1949. Col 1345-1355. Ibid., p.47.
114
Une action médico-magique qui suppose une connaissance du pouvoir
des plantes. On a dit à ce sujet que la pharmacopée indigène s’avère
souvent d’une prodigieuse richesse et d’une indiscutable efficacité...59)
59)
R. LOWIE, Manuel d’anthropologie culturelle. (Bibliothèque scientifique). Paris, Payot, 1936. P. 362-363
60)
L.V. THOMAS et R. LUNEAU, o.c., p
115
116
Conclusion
Quand avec ses Nkisi mi Bakulu un Ludiongo61) (il n’est pas le seul dans
le monde des ecclésiastique comme dans le monde laïc) vous conseille
de vous traiter vous-mêmes avec les plantes médicinales, il ne fait que
vous décrire, sans formules magiques, le dosage et le mélange des
plantes et d’autres ingrédients.
117
Coréens, ou des Américains, à venir nous construire des usines
pharmaceutiques ?
Note de lecture
« L’anthropologie médicale négro-africaine - qui n’en est encore qu‘à ses
balbutiement nous paraît constituer une démarche fondamentale non
seulement parce qu‘elle peut apporter beaucoup à la thérapeutique
scientifique de l‘occident (après avoir rejeté non sans mépris les «
pratiques indigènes », la médecine coloniale singulièrement la
psychiatrie-a dû ultérieurement, reconnaitre leurs mérites et composer
avec elle) mais encore et surtout parce qui elle révèle beaucoup de
choses sur la pensée religieuse (voire la philosophie) du Négro-africain »
(L. V. THOMAS et R. LUNEA U, oc., p.238)
63)
Pour les deux tableaux ci-dessous, N/LEMAS, o.c., p. 197-198 et 206-207.
118
Israël Oui (1999) Moratoire Autorisé
Italie Oui (2003) Interdit Autorisé
Japon Oui (2000) Interdit Autorisé
Mexique Oui (1997) Interdit Interdit
Pays-Bas Oui (2002) Interdit moratoire
Royaume Uni Oui (2001) Interdit Autorise sous
conditions
Russie Oui (2002) moratoire
Thaïlande Non
119
médications qui ont
pour but de soulager
la souffrance et
indirectement de
hâter le décès
Italie Non (crime) Non Non
Luxembourg Dépénalisée par une Oui Oui (testament de
loi de février 2008 vie)
(en première
lecture ; confirmation
en attente)
Pays-Bas Oui (2003) Oui Oui
Royaume-Uni Non Non Non
Suisse Oui (si le mobile est Oui (le patient doit
« non égoïste » ingérer lui-même la
prescription létale)
120
tion in vitro par la n’y a pas s’il n’y a s’il n’y a condition
(bébé majorité don d’ovule pas don pas don qu’il n’y ait
éprouvette) des Eglise ou de d’ovule ou d’ovule ou pas
Protestant sperme (Fiv de de sperme d’embryon
es homologue) sperme (Fiv s
(Fiv homologu surnumérai
homologu e) res. Ce qui
e) et si la n’est pas le
preuve cas pour
catégoriqu l’instant
e d’une
nécessité
médicale
a été
établie
Embryons Refus de Congélati Pas de Congélati Conservat Congéla-
surnumérai toute forme on position on ion tion et
res de admise, officielle destruc- interdite, destruction
féconda- mais tion et sauf en interdites
tion in vitro palier à la manipulati cas de
menant à stérilité du on à « nécessi-
la création couple caractère té
d’embryon bénéfique absolue »
s autorisées engageant
surnumérai la
res. Refus responsab
de la ilité du
conservati médecin
on des
embryons
Expérien- Très Doivent Interdites, Autorisée
En Refus de
ces sur fermement être l’embryon s, principe créer des
l’embryon refusées stricte- est un être l’embryon
interdites, embryons
ment humain en en tolérées si à cette fin.
encadrées perspective, éprouvet-
elles sont Mais c’est
et avoir il ne peut te le ne seul la moins
une visée être bénéficie
moyen mauvaise
thérapeuti considéré pas de
offert par utilisation
que comme un droits de
la science pouvant
objet ni protection
pour être faite
comme un accordés
sauver des
produit à des vies embryons
commercialis l’embryon
ou traiter surnumérai
able in utero
une res en
anomalie stock
Clonage Très Envisagea Le clonage Autorisé Le Interdit, le
humain à fermement ble au cas d’une cellule comme clonage début de la
fins refuse, par cas, ou d’un tissu tout autre d’une vie
thérapeutiq l’embryon dans est autorisé. acte cellule ou commença
ues ne pouvant l’intérêt du Le clonage thérapeuti d’un tissu nt dès la
être progrès d’un individu que à est féconda-
assimilé à de la est caractère autorisé. tion
un pur médecine condamné bénéfique Le
matériau et sous clonage
de son d’un
121
recherche, contrôle individu
même à est
visée condamné
thérapeutiq , quel
ue qu’en soit
l’objectif
Clonage Très Condam- interdit Autorisé Très Autorisé
humain fermement né mais en cas de ferme- sur réserve
reproductif refusé, quelques stérilité ment de non
comme Eglises avérée et interdit. modifica-
tout mode laissent définitive L’homme tion du
reproductif une porte des époux ne peut patrimoine
qui n’est ouverte pas se génétique
pas le fruit substituer
de la au
relation Créateur
sexuelle pour
entre un donner la
homme et vie
une femme
122
BIBLIOGRAPHIE SELÉCTIVE
Nous reprenons ici uniquement les ouvrages sur la bioéthique que nous
avons utilisés directement dans la composition de notre cours et qui sont
en permanence dans notre bibliothèque. Nous ajoutons l’ouvrage de
Sébastien MUYENGO MULOMBE que nous n’avons pas pu avoir en
main.
BORRILLO.D., Bioéthique. Textes présentés par. (A savoir). Paris,
Editions Dalloz, 2011.
D’ORNELLAS, P. (Mgr), e.a., bioéthique. Propos pour un dialogue. Une
contribution de l’Eglise Catholique à la réflexion en vue de la révision de
la loi relative à la bioéthique. Paris, Desclée de Brouwer/Lethielleux,
2009.
HOTTOIS, G., Qu’est-ce que la bioéthique ? (chemins philosophiques).
Paris, J. Vrin, 2012.
JONAS, H., Le droit de mourir. Traduit de l’allemand par Ph. IVERNEL.
(Rivages poche/petite bibliothèque, 196) Paris, Payot/Rivages, 1996
ID., Pour une éthique du futur. Traduit de l’allemand et présenté par
S.CAMILLE et Ph. IVERNEL. (Rivages Poche/petite Bibliothèque, 235)
Paris, Payot, 1998.
ID., Le Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation
technologique. Traduit de l’allemand par Jean GREISCH (Champs, 402)
3ème édition, Paris, Flammarion, 2003.
KANANGA MASALA, e.a., La bioéthique, origines, enjeux et défits.
Actes de la deuxième matinée philosophique. Jeudi 10 juillet 2009.
Revue Congolaise de Philosophie (2009), n°2.
LEMAS. N., Bioéthique : une nouvelle frontière des valeurs ?
(Transversale Débats) Paris, Ellipses, 2009.
MUYENGO MULOMBE., Ethique et génie génétique. Préface de Dr
Evariste LIKINDA B. (foi-science-conscience, 4) Kinshasa, Presses
Universitaire du Sud, 2004.
NGIMBI NSEKA, H., Ethique et intersubjectivité. Essai sur les
fondements philosophiques de la vie en société. Préface de l’abbé Stany
KANGUDI (Recherches philosophiques Africaines, 28), Kinshasa,
Facultés Catholiques de Kinshasa, 2001.
123
PINSART, M.-G., Idées reçues. La bioéthique. (Sciences et techniques,
191) Paris, le Cavalier Bleu, 2009.
SICARD D., L’éthique médicale et la bioéthique. (Que sais-je ? n°2422).
3ème édition mise à jour, Paris, PUF, 2013.
Biologie, médecine et éthique, Textes du Magistère catholique réunis et
présentés par Patrick VERSPIEREN s.j., Paris, Le Centurion, 1987.
BOURGEOIS P.et BUTTNER Y., La Bioéthique pour les nuls, L’essentiel
pour tout comprendre, Paris, First, 2O2O.
124
Appendice : Quelques questions pouvant aider à revisiter le cours
1. Pourquoi éthique plutôt que morale dans bioéthique
2. La bioéthique est considérée comme un « produit de culture nord-
américaine ». Y-a-t-il quelques raisons qui expliquent cela ‘?
3. Vu ses conditions d’émergence aux Etats-Unis et en Europe, la
Bioéthique ne semble pas pouvoir avoir droit de cité en République
Démocratique du Congo en particulier et en Afrique en général.
Est-ce votre avis ? Expliquez-vous.
4. Malgré son caractère pluridisciplinaire, la Bioéthique se présente
comme une éthique médicale. Dites ce que vous en pensez.
5. Qu‘avons-nous à faire avec une bioéthique, nous autres médecins
qui avons déjà notre déontologie médicale depuis Hippocrate ?
6. Est-ce vrai qu’un bon médecin n’a pas besoin de bioéthique ?
7. Quelles questions éthiques posent a. L’avortement ; b. le
diagnostic prénatal ; c. le diagnostic préimplantatoire’? Appréciez
les réponses qui sont données.
8. Quelles questions éthiques peuvent poser les prélèvements et les
greffes d’organes de tissus et de cellules ?
9. De quoi s’agit-il dans le débat sur le statut juridique de L’embryon ?
Que gagne-t-on à y distinguer entre cellules souches totipotentes,
cellules pluripotentes et cellules multipotentes ?
10. Que pensez-vous de l’euthanasie ? Ou peut-on revendiquer le
droit de mourir ?
11 . Quels problèmes éthiques pourraient poser la violation du
principe d’indisponibilité du corps pour autrui ?
12 . A quoi servent les tests génétiques ? A quelles questions
éthiques conduisent-ils ?
13 . Que pensez de la maternité pour autrui ?
14 . Qu’est-ce que le principlisme ?
15 . La bioéthique a-t-elle affaire avec le droit ?
16 . Quel rôle joue dans l’histoire de la bioéthique le code de
Nuremberg ?
17 . Sommes-nous déterminés par notre code génétique ?
18 . Le vivant est-il brevetable’?
19 . Faut-il continuer à interdire le clonage ?
125
20 . Dans quels domaines pouvez-vous envisager un apport positif
de la médecine traditionnelle sur la médecine moderne ?
21 . Entre médecine et religion, peut-il y avoir quelque rapport ?
22 . Indiquez clairement les étapes qui ont conduit à la Déclaration
d’Helsinki ?
23 Le professeur BARNARD déclarait : « limiter l’application de la
technologie médicale […] signifierait réduire les possibilités
d’aider les patients dans le futur ». Qu’en pensez-vous ?
24 . Deux approches philosophiques sous-tendent la bioéthique.
Parlez-en brièvement.
25 .Vous avez été nombreux à stigmatiser la situation liée au refus
de la transfusion motivé par les convictions religieuses. Quelle
attitude conviendrait-il d’adopter ?
26 .Quels sont les ingrédients qui ont présidé à la naissance de la
bioéthique dans le creuset américain ?
27 . En quoi l’environnement se rattache-t-il à la bioéthique ?
126