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COURS DE BIOETHIQUE

INTRODUCTION GENERALE

Etymologiquement, la bioéthique, mot formé de deux racines grecques :


éthique (èthicos) signifie « ce qui est habituel, usuel ». Ce mot renvoie
habituellement aux normes établies par la société et basées sur la
réflexion, contrairement à la morale qui constitue un cadre de conduite
personnelle ou des règles considérées comme bonnes. Elles guident
l’action en vue du bien. Bios signifie « la vie », comme dans la biologie
La bioéthique est donc littéralement l’étude des questions et des
problèmes sociétaux qui peuvent apparaître à l’occasion des pratiques
médicales nouvelles ou des recherches en biologie. C’est une discipline
née dans la deuxième moitié du XXème siècle en raison à la fois des
dérives de l’expérimentation sur l’être humain et de l’avancée des
pratiques médicales et thérapeutiques.
Entant que tel, la bioéthique est basée sur l’interdisciplinarité ou la
pluridisciplinarité, c’est-à-dire la réflexion collective de professionnels de
différents horizons, médecins et soignants, mais aussi philosophes,
historiens, théologiens, sociologues, chercheurs, politiques, juristes…
La bioéthique est à distinguer de la déontologie, qui régit les règles de
fonctionnement de la profession médicale. La bioéthique au contraire,
est une discipline de recherche, qui sert de base à l’élaboration des lois
incadrant les pratiques médicales en général, et notamment les
pratiques mettant en jeu des éléments du corps humains ou des
données à caractère médical.
La réflexion bioéthique est née aux Etats-Unis avec la publication d’un
ouvrage écrit par Tom BEAUCHAMP et James CHILDRESS en 1979,
intitulé « Principes de l’éthique biomédicale ». Pour ces auteurs, toute la
recherche biomédicale est centrée autour de quatre grands principes :
autonomie, bienfaisance, non-malfaisance et justice. Ils constituent la
base du « principisme ». (Nous en reparlerons).Il stipule que toute action
médicale, de soin ou de recherche doit ainsi s’efforcer de respecter ces
1
principes ou de les équilibrer au mieux. Quoique considéré par certains
de minimaliste, le principisme demeure tout de même l’approche la plus
couramment employée.
La réflexion éthique utilise également deux fondements philosophiques
opposés, d’une part le déontologisme, d’autre part, l’utilitarisme. Le
premier est une théorie héritée de la philosophie kantienne qui affirme
que les actions doivent être jugées à l’aune des devoirs qui s’imposent
au médecin. Ces devoirs génèrent des droits, et ceux du patient sont
placés au centre de toute démarche éthique. C’est l’approche privilégiée
en France. L’utilitarisme quant à lui, très utilisée chez les anglo-saxons,
est une théorie les conséquences des actions non pas en fonction de
l’individu isolé (le patient), mais du plus « grand bien ». Ce qui veut dire
qu’une action peut être décidée même si elle paraît néfaste à un patient,
dans la mesure où elle apporte un bien certain à la collectivité.
On le voit, pour autant que la philosophie apporte beaucoup à la
recherche sur la bioéthique, il n’est pas inintéressant d’en saisir un mot
afin de mieux circonscrire le sens de son intrusion en Médecine et en
Biologie.

Première partie : NOTIONS GENERALES

1. Notes de philosophie

Il n’est pas aisé de définir la Philosophie.


Etymologiquement parlant, le concept vient de philein, aimer et sophia,
sagesse. Amour de la sagesse.

Dans son activité réelle, la philosophie s’entend s’occuper de


tout, s’intéresser à tout le réel. C’est ainsi qu’elle est logiquement
parlant, et en rapport avec son objet si divers, son étendue si la large
dans le temps comme dans l’espace, et enfin sa diversité des courants
de pensée, elle demeure à tous points de vue difficile à définir. Entant
que totalité du Réel, la discipline philosophique entend tout englober.

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Aussi sa matière nous apparaît-elle d’une telle complexité qu’elle
comprend :
- L’Homme : défini comme Esprit et Matière ;
- Le Monde : défini comme :
a) Physis : il s’agit du monde tel que défini par les sciences physiques
et ayant pour objet l’étude des propriétés des corps et des lois qui
tendent à modifier leur état ou leur mouvement sans modifier leur nature.
C’est en d’autres termes le monde dans ses transformations diverses.
b) Cosmos : C’est le monde entendu comme Univers fini et
harmonieux.
c) Logos : par opposition au mythe, c’est la rationalité telle qu’elle se
développe dans un discours cohérent, construit et argumenté.
d) Polis : C’est le monde de la Cité-Etat, entendue comme
communauté des hommes en tant qu’ils vivent selon une organisation
structurée.
- L’Absolu : pour désigner toute réalité qui n’a pas besoin d’autre
chose qu’elle pour être ce qu’elle est. C’est Dieu pour toute religion
monothéiste. Ce qui existe en soi, indépendamment de toute la
représentation qu’on en a.
En considérant l’ensemble du discours philosophie et sa finalité, la
définition qui semble couvrir l’étendue de la philosophie est certainement
celle que propose Christian GODIN. Pour lui, la Philosophie est une
activité rationnelle critique, exprimée dans une œuvre écrite, et
s’efforçant de découvrir le sens des choses.
Que cela veut dire ?
D’abord, elle n’est pas oiseuse comme le veut le faire comprendre
l’opinion qu’on en reçoit.

Elle est basée sur la raison, faculté grâce à laquelle l’être humain est
capable de distinguer le réel de l’imaginaire, le vrai du faux, dans l’ordre
de la pensée, et de discriminer le bien du mal, le juste de l’injuste dans
l’ordre de l’action. Elle a donc pour méthode, la Réflexion.
Elle est critique en ce sens qu’elle se méfie des préjugés et des idées
gratuitement reçues.

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La philosophie s’exprime dans œuvre écrite souligne la méfiance vis-à-
vis de l’oralité. Elle exige la conceptualisation.
Enfin prenant toujours déjà distance à l’incongruité, la philosophie a pour
mission de donner sens, c’est-à-dire ce pourquoi une chose est ou n’est
pas.

2. Morale, éthique et science de mœurs

Parlant de morale en général, plusieurs concepts


interviennent et sont souvent source de confusion. Il nous paraît donc
important et essentiel d’apporter des distinctions entre le substantif « la
morale » et l’adjectif moral, entre la morale et l’éthique, puis enfin, la
morale et la science des mœurs

Étymologiquement parlant, la morale est égale à l’éthique.


Morale (mos:
Mœurs) et éthique (Ethos) faits, mœurs. Bref, science des mœurs.

Il convient toutefois de noter, à la suite de Paul Foulquié, que


la morale ou l’éthique n’est pas la science des mœurs qui a pour objet
d’établir comment les hommes se conduisent. Elle constitue la règle des
mœurs. Remarquons ici la différence qui existe entre science entant que
connaissance exacte de quelque chose, et règle, c’est-à-dire ce qui est
imposé et adopté comme ligne de conduite: Ainsi donc, continue
Foulquié, tandis que la science des mœurs est positive et s’attache à
observer les faits sans porter sur eux des jugements de valeur; la morale
elle, est normative. Elle fournit des normes d’après lesquelles sont
portés des jugements de valeur.

En d’autres termes, la morale relève de l’ordre des règles et


non pas de celui de l’ordre de science, elle est différente de la science
des mœurs.

La définition (car A. Lalande, vocabulaires technique et


critique de la philosophie) est assez savante: la morale est l’ensemble
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des règles soit; admises à une époque et par un groupe d’hommes, soit
tenues pour inconditionnellement valables. Il considère en outre la
morale comme une théorie raisonnée du bien et du mal. L’éthique est de
l’ordre théorique et formel, tandis que la morale est de l’ordre pratique.
L’éthique est enseignée mais la morale est pratiquée, vécue. En ce
sens, l’éthique éclaire et systématise la morale. Dans un sens strict, c’est
un système rationnel normatif. En tant que telle, la morale vise des
conséquences normatives et n’est pas une science objective et
descriptive des mœurs ou des jugements moraux.
La science des mœurs vise à décrire l’être dans ses manifestations
morales.

3. Conscience morale

La morale, nous l’avons dit, est normative, c’est-à-dire qu’elle


fournit des normes. Cependant, il faut reconnaître que ces normes,
l’enfant les reçoit de ses éducateurs. Toutefois il arrive un moment où
l’enfant n’est pas plus un enfant, où il devient capable de penser
personnellement, et fait siennes les normes lui apprises, soit en les
adoptant, soit en les rejetant pour en adopter d’autres. La perception de
ces normes ainsi que leur application au cas particulier, souligne
Foulquié, est le fait de la conscience morale.

En fait, la conscience morale est une conscience qui


détermine pour tout homme ce qui est bien et mal, ce qu’il est obligé de
faire et ce dont il est tenu de s’abstenir. Ainsi que le bien et le devoir
constituent les deux pôles de la vie morale, la conscience affirme
Gabriel Matinier sera à porter à un ordre des choses qui lui apparaît à
la fois obligatoires et désirables. Bien plus, il faut noter que le devoir a
pour corrélat le droit, et par conséquent la responsabilité, la fidélité au
devoir et la pratique du bien exigeant la vérité.

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Du reste, pour mieux préciser la notion de la conscience
morale, il paraît instructif de comprendre ce que l’on entend par
conscience. Etre Conscient suppose la Connaissance : Conscience
morale. La personne humaine est souvent définie comme un individu
conscient de lui-même. Or être conscient de soi-même, veut dire non
pas seulement désirer, sentir, agir pour se procurer ce que l’on désire
mais savoir ce que l’on désire. Il est donc clair que le fait d’être conscient
suppose une certaine connaissance, la connaissance de nos sentiments,
de nos désirs, de nos actions, par conséquent la conscience par laquelle
nous connaissons ce que nous pensons et faisons. Et ce que nous
sommes est appelée conscience psychologique ou intellectuelle. Elle
consiste dans la connaissance des faits d’une catégorie particulière : les
faits psychiques appelés aussi fait de connaissance. La conscience
morale et la conscience psychologique sont intrinsèquement liées.

Un problème se pose: l’homme seul est conscient de lui-


même, de son activité intérieure et extérieure. Cependant puisque la vie
psychique est antérieure à cette réflexion, il est des faits qui échappent à
toute conscience réfléchie.

Ex : souffrir vaguement d’un malaise physique ou d’une déception


morale. Bref la conscience psychologique peut être réfléchie ou
spontanée. On appelle conscience spontanée, le sentiment confus que
n’accompagne pas la connaissance de ce que nous éprouvons.

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4. ORIGINE DE LA VIE

Trois hypothèses principales - auxquelles nous ajouterons celle de


Jacques Monod (191 0- 1976) - sont è considérer sur ce problème de
l’origine de la vie.

a. La théorie de la génération spontanée

Elle est affirmée au début de l’époque moderne, conquérant du coup


tout le monde scientifique y compris les penseurs de talent comme René
Descartes (1596-1650) et Isaac Weston (1642-1727). Mais elle n’a été
longtemps admise comme croyance populaire et a même été intégrée,
dans la physique aristotélicienne, comme un fait résultant d’une simple
observation. Au XIXe siècle, la théorie a été renouvelée par des savants
et philosophes à tendance matérialiste contre laquelle s’est élevé Louis
Pasteur (1822-1895) avec ses célèbres expériences.

La thèse matérialiste est que la vie est une conséquence de


l’organisation, et que celle-ci est réalisable par un concours de causes et
conditions purement physiques. C’est ce qui est arrivé à un moment
donné dans le passé de l’univers la vie a surgi quand l’évolution a
amené les conditions nécessaires et suffisantes ; et c’est ainsi aussi
qu’elle se produira à l’avenir quand la science sera suffisamment armée
pour faire la synthèse de la vie.

Cette théorie classique de la génération spontanée se présente sous la


formule monodienne de la génération de la vie à partir de la matière par
le hasard. En substance, la théorie affirme qu’à travers une combinaison
fortuite des éléments chimiques s’est formée la première cellule vivante,
par elle s’est immédiatement établi un code génétique formé d’une série
des molécules de l’ADN1) qui a définitivement fixé la transmission de la
vie.

1)
Pour rappel ADN = Acide-désoxyribose-nucléique = composants chimiques de gènes.

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Comment s’est laite la distinction entre tous les êtres vivants que nous
connaissons ? C’est dû répond Monod, au pur hasard. « Le hasard seul
est à la source de toute nouveauté, de toute création de la biosphère. Le
hasard pur. Le seul hasard, liberté absolue mais aveugle, à la racine
même du prodigieux édifice de l’évolution : cette notion centrale en
biologie moderne n’est plus aujourd’hui une hypothèse parmi d’autres
possibles ou au moins concevables. Elle est la seule concevable,
comme la seule compatible avec les faits d’observation et d’expérience2)

b. Théorie de la préexistence

C’est celle qu’Henri Bergson (1859-1941) a développée dans L’évolution


créatrice. Elle a été reprise par le jésuite Pierre Teilhard du Chardin
(1881-1955) et par Edouard Le Roy (1870-1954) sous la Forme de
l’hypothèse de la biosphère. L’idée directrice est que la vie, comme
réalité indéterminée, est antérieure à l’apparition des êtres vivants qui en
sont en quelque sorte des condensations ou des concrétions. Chez
Bergson, ce qui est primitif, c’est la vie. Elle est un mouvement, un élan,
un jaillissement spontané. La matière est la retombée de ce mouvement.
Les espèces vivantes apparaissent à la rencontre de ces deux
mouvements en sens contraire.

c. Théorie de la création

Selon cette théorie, la vie a été créée par Dieu quand l’univers a fourni
les conditions de sa possibilité. Rien n’oblige du reste à admettre que
Dieu ait créé ensemble toutes les espèces vivantes, ni même qu’il ait
créé directement chacune à des moments différents de l’histoire du
monde. Il n’y a pas de raison métaphysique qui interdise d’admettre une
évolution des espèces à partir d’un germe primitif, étant entendu que
Dieu dirige l’évolution par sa Providence, et que l’homme en est exclu,
parce qu’il a une âme spirituelle qui ne peut provenir que d’une création

2)
J. MONOD. Le hasard et la nécessité, essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Paris, Seuil,
1970, p.127.

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directe de Dieu, non seulement pour le premier homme, mais pour
chaque homme en particulier.

d. Appréciation de différentes théories sur l’origine de la vie

 La dernière théorie, typique à la mentalité mythique a été


cependant accueillie même par les savants du passé, y compris
Charles Robert Darwin (1809-1882) qui attribuait à l’action directe
de Dieu l’origine de quatre ou cinq prototypes vivants. Elle a été
réaffirmée par quelque savant contemporain comme Jean Servier
(1918-2000)3)

 La théorie de la génération spontanée peut être appréciée du point


de vue scientifique et du point de vue philosophique. Du premier
point de vue, c’est un fait que les corps synthétiques ne vivent pas,
ont seulement réalisé la matière du vivant. Et toutes les
anticipations qu’on peut faire sur le progrès de la science dérivent
d’une mentalité « scientiste » qui n’a rien de scientifique.
Inversement les expériences de Pasteur montrent seulement que
la vie ne se développe pas dans un milieu stérile.

 Du point de vue philosophique, la génération spontanée répugne,


si on l’entend dans son sens strict, comme production d’un vivant
par le seul jeu des forces physico-chimiques. Mais si l’on admet
qu’il y a dans la matière des germes de vie, une vie en puissance,
la situation change entièrement. On pourrait même étendre l’idée
au cas où un savant ferait la synthèse de la vie, car celle-ci
résulterait d’une disposition intelligente des éléments, et non pas
du seul jeu des forces physiques.

 Quant à la théorie de J. Monod, il y a plusieurs raisons à ne pas la


partager comme l’ont fait d’autres savants. Pourquoi se réfugier

3)
De lui il est dit d’être un des défenseurs de la thèse de la création, contestant vigoureusement tous les
arguments avec lesquels on a tenté de prouver l’évolution. Cf. B. MONDIN, Anthropologia filosofica. (subsidia
Urbaniana, 6) Roma, Urbaniana University Press, 1983.

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dans le hasard pour expliquer la vie ‘? N’est-ce pas refuser à ne
pas l’expliquer ‘? Il est en plus absurde que du hasard, de
l’irrationalité ait l’origine de la rationalité, comme on a vu naître
l’homme dans l’évolution de l’univers. En plus, J. Monod part d’un
principe absolument réductionniste qui exclut la possibilité
d’accueillir le «sens » et I’ intentionnalité de quelque chose. Il dit en
effet « Le postulat de base de la méthode scientifique » est que
« la nature est objective et non projective »4). C’est le refus
systématique de considérer comme pouvant conduire à une
connaissance « vraie » toute interprétation des phénomènes
donnés en termes de causes finales, c’est-à-dire de « projet ».
Postulat en flagrante contradiction avec l’œuvre même de J.
Monod qui, tout en étant une créature du hasard et de la nécessité,
se propose cependant dans sa recherche de l’origine de la vie des
objectifs et cherche sans aucun doute le sens de cette
merveilleuse aventure.

 Enfin, il faut remarquer, à propos de la doctrine bergsonienne. que


ses thèses sont d’ordre philosophique et non scientifique. Elles
sont plutôt de ce point de vue, invérifiables. Cette doctrine se
réfère à une métaphysique générale selon laquelle il n’y a pas
d’être mais seulement le mouvement. Et la critique qu’on peut
adresser à une telle métaphysique est la suivante : le mouvement
suppose un être qui change, qui, tout en changeant, reste
identique à travers les diverses phases. Autrement il n’y a plus de
mouvement, mais une suite d’apparitions et de disparitions sans
lien. Quant à la conception même de la vie, réalité indéterminée,
c’est une abstraction réalisée, car le terme de vie désigne ce qu’il y
a de commun à tous les êtres vivants, c’est un genre qui n’existe
pas en dehors de l’esprit qui le forme. D’autre part, à s’en tenir à
cette théorie, il est difficile de concevoir l’insertion de la vie dans la
matière si ce sont des mouvements de sens contraire. Car ou bien
les deux mouvements s’équilibrent, mais alors ils s’annulent, et on

4)
J.MONOD, o.c., p.17.

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n’a plus rien, ni vie ni matière. Ou bien le mouvement ascendant
l’emporte, alors la matière est absorbée dans la vie, on n’a que de
la vie. Ou bien, enfin, le mouvement descendant l’emporte, alors la
vie est absorbée dans la matière, on n’a plus que de la matière
sans vie. Il n’y a donc aucune signification réelle à donner aux
images dont se sert Bergson.

e. La vie humaine

Les considérations précédentes concernent tout être vivant, du


mollusque à l’homme. Il nous faut maintenant examiner la vie humaine
comme telle. C’est la vie humaine qui caractérise l’homme et c’est d’elle
qu’il faut partir pour avoir une compréhension plus authentique de son
être. Or l’homme, comme être vivant, se détache nettement des autres
vivants par le type de vie qui le caractérise, à savoir une vie consciente
d’elle-même.

1. La vie de l’homme est spécifiquement différente de celle des


animaux et des végétaux. Platon nous dit qu’assigner le plaisir
comme fin à la vie humaine, c’est réduire l’homme à un
mollusque.
2. La vie humaine se distingue des autres vies par les niveaux
spirituels qu’elle atteint et par les dimensions sociales qu’elle
rejoint : aussi peut-on parler de vie spirituelle, intellectuelle,
affective, sociale et politique. En outre la vie humaine se
distingue des autres par l’attitude que l’homme affiche vis-à-vis
de la vie : l’homme se pose le problème de la vie, apprécie la
beauté, cherche à améliorer sa forme de vie, tend à transcender
les limites de l’espace et du temps dans lesquelles sa vie est
confinée. L’homme peut se faire l’idée d’une vie parfaite et de
cette vie il en éprouve la fascination. L’homme est maître de sa
vie, il peut dans une large mesure la contrôler la diriger et la
perfectionner comme il peut la détruire.
3. Enfin, la vie humaine se caractérise par une richesse et une
variété stupéfiante. Les animaux, même les plus évolués, ont
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toujours les mêmes choses : ils mangent, boivent, dorment, se
multiplient et ils le font toujours de la même manière avec une
extrême monotonie. Les hommes au contraire ont une vie très
variée, très diversifiée : ils dorment, mais ils sont aussi capables
de résister au sommeil pendant des journées en cas de
nécessité. Ils mangent, boivent, mais en se servant de la plus
grande variété de nourriture et de boisson et selon les modes
les plus variés. Ils se divertissent, changeant continuellement
leurs propres loisirs, ils étudient, travaillent, pensent, prient, etc.

En conclusion, la vie humaine est une vie qui atteint des niveaux
spirituels élevés, niveaux qu’elle cherche toujours à dépasser. Son
regard est constamment fixé en avant. C’est pourquoi le vrai sens (le la
vie humaine ne peut être saisi que si l’on découvre le but, la fin vers
laquelle elle est dirigée. Si I’on ne peut encore répondre à la question de
savoir quelle est la fin de la vie humaine, on est cependant sûr du
résultat obtenu jusqu’ici : le sens ultime de la vie humaine ne peut être
tiré ni d’en bas ni du passé, parce qu’elle est tournée vers le haut et vers
l’avenir.

Un autre résultat à retenir de ce qui a été dit sur la vie est qu’elle n’est
manifestation de l’être propre de l’homme que quand on la prend dans
toute sa richesse et sa complexité, telle qu’elle se réalise dans les
personnes singulières, une richesse et une complexité tendant à
déborder systématiquement toutes les frontières, toutes les limites que
leur impose l’environnement socio-culturel dans lequel la vie se
développe.

Tout en disposant de son code génétique présent, lui prescrivant les


conditions minimales nécessaires, la vie humaine désarçonne pourtant
constamment les limites assignées par l’ADN de l’homme vivant. Plus
qu’une réalité finie, la vie pour l’homme est une possibilité à explorer, à
découvrir et à réaliser. C’est une vie tendue vers l’éternel et
l’hyperspatial, dont l’effort tend à briser les chaines de l’espace et du

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temps. La dignité de la personne humaine sur laquelle se fondent toutes
les valeurs morales s’inscrit déjà dans cette dynamique de la vie.

Note de lecture : La théorie cellulaire


« La cellule, comme chacun le sait, constitue l’unité vitale, l’élément fondamental de
toute vie, aussi bien végétale qu’animale. On ne connait d’êtres vivants que sous a
forme cellulaire : les êtres les moins élevés en organisation (protozoaires, levures,
microbes) sont des cellules isolées, indépendantes, vivant à l’état libre, tandis que tout
organisme en tant soit peu complexe se laisse décomposer en de multitude de petits
organismes élémentaires, qui sont des cellules. Selon une comparaison consacrée, les
cellules forment l’organisme comme des briques forment une maison » … De ce qui la
cellule est l’unité vitale, il s’ensuit nécessairement que tout problème biologique se
trouve représenté à l’état potentiel l’organisme futur (problème de développement).
C’est par l’intermédiaire de deux cellules reproductrices que les progénitures
transmettent au produit les conditions organiques d’une individualité semblable aux
leurs (problème de l’hérédité). C’est à l’intérieur des cellules reproductrices, enfin, que
se produisent les variations susceptibles de jouer un rôle dans l’évolution des espèces
(problème de l’évolution) » (Jean ROSTAND, Esquisse d’une histoire de la biologie
(Idées, 64). Paris, Gallimard, 1945, p.129s)

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II. Deuxième partie : LA BIOETHIQUE

Chapitre 1. : BREVE HISTORIQUE

Des traces d’expérimentation réalisées sur des malades, des prisonniers


ou des condamnés à mort sont déjà présentes depuis l’Antiquité. Les
règles éthiques et déontologiques sont généralement édictées après des
scandales et des affaires choquantes pour l’opinion, lorsque des tabous
sont brisés.
Plus près de nous, la première expérimentation « officielle » sur l’être
humain est réalisée en Angleterre dans les années 1790. Le médecin
Edward JENNER fait deux observations :
- Des femmes en contact avec des vaches atteintes de vaccine, une
maladie bénigne ressemblant à la variole, développent, elles aussi,
une forme de vaccine.
- Ces femmes semblent immunisées contre la variole humaine.
De ce constat, il a l’idée de récupérer du pus des pustules de ces
femmes vaccinées et de l’injecter à d’autres personnes en bonne santé.
Résultat : ces personnes deviennent elles-mêmes insensibles aux
attaques de la variole. La « vaccination » était née.
Au XIXème siècle, lors des travaux similaires sur la syphilis, un médecin
prussien est accusé d’avoir injecté du sérum syphilitique à plusieurs
personnes sans les en avoir informées. Le gouvernement prussien
instaure alors l’obligation de recueillir un consentement éclairé des sujets
de recherche et interdit l’expérimentation scientifique sur les mineurs et
les « incapables ».
Au XXème siècle, sans tenir compte d’aucune règle, le régime nazi porte
à son paroxysme l’expérimentation sur les humains avec de vastes
programmes médicaux et scientifiques menés sur les prisonniers des
camps de concentration. On les plonge dans des bains d’eau glacée
pour tester la résistance au froid du corps humain. On leur inocule
également divers parasites pour étudier le développement des
infections, on teste des poisons pour fabriquer des nouvelles armes
chimiques…

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Après la guerre, à Nuremberg, le tribunal militaire américain mène le
« procès des médecins » et fait appel à des experts qui entreprennent de
réunir des éléments épars d’une réflexion éthique. Ce procès aboutit en
1947, à la publication du « code de Nuremberg », un corpus de dix
principes déontologiques encadrant la recherche expérimentale sur
l’homme. Ce document introduit explicitement le respect des droits de
l’homme dans la recherche médicale internationale.

Afin de mieux structurer la bioéthique internationale, on crée, lors du


procès des médecins nazis, l’Association médicale mondiale, chargée de
rédiger notamment les textes encadrant les recherches biomédicales,
pour protéger la vie humaine. Sur le plan international, la Déclaration
universelle des droits de l’homme, publiée le 10 décembre 1948 par
l’ONU, commence à aborder la question. En 1950, dans la même
mouvance 50 états européens se dotent d’un texte juridiquement fort, la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Dans le
même sens, un Code international d’éthique médicale, revisitant le texte
d’Hippocrate (la santé de mon patient sera mon premier souci), sera
publié en 1949.

Enfin, le texte fondateur qui encadre toute la recherche biomédicale


depuis 1964 est la Déclaration d’Helsinki.

Tout en reconnaissant qu’il est nécessaire de réaliser des études


expérimentales sur l’être humain pour faire avancer la connaissance, elle
pose comme axiome prioritaire que « l’intérêt de la science ne doit
jamais prévaloir sur le bien-être de l’individu ».
Les réactions de rejet sont nombreuses, et certains s’opposent
farouchement à une limitation des Pratiques expérimentales. Ainsi le Pr
Christian BARNARD, qui a réalisé la première transplantation cardiaque
en 1967, déclarait : « limiter l’application de la technologie médicale […]
signifierait réduire les possibilités d’aider les patients dans le futur ».

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Il se pose donc clairement ici, la problématique centrale de la
bioéthique : comment assurer la protection des droits individuels des
sujets de recherche tout en cherchant à améliorer le bien-être collectif ?

On le voit, trois éléments essentiels ont contribué à la naissance de la


bioéthique :
1. L’expérimentation humaine qui s’est longtemps produite
sans réglementation.
2. Le choc causé par la seconde guerre mondiale et le
procès de Nuremberg a conduit à la création d’instances
internationales de protection de la vie humaine.
3. Le code international d’éthique médicale et la déclaration
d’Helsinki encadrent les recherches biomédicales.

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Chapitre 2 : QUELQUES NOTIONS CLES

Il n’est pas inintéressant de nous arrêter a des notions préliminaires liées


à la bioéthique et à des cas concrets avant d’aborder une réflexion
concrète.

1. Eugénisme

Naissance de l’eugénisme

HISTOIRE
Dans la Grèce antique, à Sparte, les nouveau-nés malformés sont
éliminés. Cependant, c’est Francis Galton, cousin de Charles
Darwin, qui invente le terme d’eugénisme en 1883. Pour lui, tous les
hommes ne sont pas égaux : certains sont absolument supérieurs à
d’autres, et il avait entrepris de prouver que le « génie »est
héréditaire. Ses idées ont rencontré et rencontrent toujours un
certain écho.

Au début du XXème siècle, le courant eugénique, parti d’Angleterre,


gagne les États-Unis, où la théorie de la dégénérescence, qui
postule que les humains « inaptes » ont acquis des traits
indésirables en raison de « mauvais environnements » et
transmettent ensuite ces traits par les gènes, est en vogue dans les
milieux blancs protestants. Tandis qu’en Angleterre, Galton est
partisan de promouvoir une reproduction saine en favorisant les
unions entre les personnes jugées « de qualité » (eugénisme
positif), un certain nombre d’eugénistes américains imaginent un
programme de stérilisation forcée des individus jugés indésirables
ou « dérangeants » (eugénisme négatif). Les États-Unis, mais aussi
d’autres pays, promulguent des lois sur la stérilisation forcée, à cette
époque. En Suède, ces lois n’ont été abrogées qu’en 1976. Jusque-
là, il était encore habituel de stériliser des malades mentaux sans
leur consentement : on estime que 60 000 personnes auraient subi
cette atrocité aux États-Unis, autant qu’en Suède.
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Eugénisme au XXème siècle

L’eugénisme était en vogue partout dans le monde, et la République


de Weimar préparait déjà des lois eugéniques avant l’avènement
d’Hitler au pouvoir. Une société « d’hygiène raciale » avait été
fondée en Allemagne dès 1903, et le mouvement prônant la
« régénération nationale » comptait même des juifs parmi ses
membres les plus éminents. Hitler lui-même affirme qu’il est
influencé par ses lectures des articles d’Henry Ford sur le concept
« d’hygiène raciale ».

Pour « purifier » leur race, les nazis mirent au point un vaste


programme de contrôle des naissances, encourageant les individus
reconnus « aryens » à se reproduire entre eux, créant des
établissements destinés à élever les enfants issus de ces unions le
Lebensborn, qui permettait à des femmes de rencontrer des SS et
d’être hébergées clandestinement pendant leur grossesse, puis
d’abandonner leur enfant à la SS pour constituer la nouvelle élite.
Un tel centre a même été créé en France en 1944 dans l’Oise. Les
dignitaires nazis étaient encouragés à avoir au moins quatre
enfants, et la propagande favorisait les familles nombreuses chez
les « supérieurs », l’avortement y étant proscrit. Dans le même
temps, les juifs et les « impurs » étaient fortement dissuadés d’avoir
des enfants, une loi rendant même l’avortement obligatoire pour les
« inférieurs » à partir de 1940.

De son côté, la France n’a pas caché son enthousiasme devant ces
lois. Si elle n’a pas suivi la voie, c’est que, d’une part, la tradition
catholique profondément ancrée en France est par nature hostile à
tout ce qui peut contrecarrer la procréation et, d’autre part, que le
pays avait besoin de régénérer sa démographie après l’hécatombe
de la Grande Guerre, d’où une politique plutôt nataliste.

Aujourd’hui, la loi française condamne fermement toute forme


d’eugénisme. Le Code pénal punit ainsi de 30 ans de réclusion
18
criminelle les pratiques eugéniques « tendant à l’organisation de la
sélection des personnes » (art. 214-1). Le Code civil également
« Nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine. Toute
pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des
personnes est interdite » (art. 16-4). On retrouve encore cette
interdiction dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne adoptée en 2000.

En novembre 2018, la société canadienne du syndrome de Down (la


trisomie 21) publiait un communiqué-choc pour être répertoriée sur
la liste des espèces menacées. En effet, les nouvelles techniques
de dépistage prénatal laissent penser que de moins en moins de
bébés naîtront avec la trisomie 21 dans le futur. Par ailleurs, les
techniques de procréation médicalement assistée permettent de
sélectionner du sperme ou des ovocytes sur de nombreux critères
de « qualité » qui ne sont pas sans évoquer l’eugénisme le plus
radical.

A la même période, une équipe de chercheurs chinois annonce


avoir modifié le génome d’embryons humains pour la première fois
grâce aux nouveaux outils moléculaires disponibles.

L’essentiel

 L’eugénisme vise littéralement à améliorer l’espèce en


organisant une reproduction sélective
 Les nazis ont pratiqué une politique d’eugénisme négatif
(éliminer les « inférieurs ») et positif (favoriser les unions
«supérieures »).
 L’eugénisme est sous-jacent aux techniques de génie
génétique les plus récentes.
.

19
2. Euthanasie

En grec, « eu - » signifie bon, « thanatos » la mort, Le terme


« euthanasie » est né au siècle des Lumières pour décrire la façon
dont les médecins pouvaient, dans certains cas, abréger les
souffrances de patients agonisants déclarés incurables.

Pour cette notion, comme pour l’eugénisme, on distingue une


euthanasie active, lorsqu’il s’agit de mettre fin volontairement à la
vie d’une personne, et une euthanasie passive, dans les cas d’arrêt
des traitements pour accélérer la fin de vie. Il faut encore distinguer
le suicide assisté, qui est un acte délibéré d’auto-administration
létale, après prescription médicale, afin de mettre fin à sa vie.

Euthanasie et nazisme
Les illustrations les plus manifestes de l’euthanasie dans l’Histoire
sont les génocides, parmi lesquels celui perpétré au nom de
l’idéologie nazie, le terme euthanasie étant alors dévoyé pour
signifier l’élimination des « impurs » et des êtres humains
« inférieurs », dans des conditions qui n’avaient plus rien de
médical, ni même d’humain. En parallèle de sa politique eugéniste,
le régime nazi a ainsi développé un intense programme
« d’euthanasie active » qui a porté le concept au paroxysme. C’est
le 1er septembre 1939 que démarre un programme d’euthanasie de
personnes handicapées après l’autorisation écrite du Führer : « Le
Reichsleiter Bouhler et le docteur Brandi sont chargés de la
responsabilité d’étendre le domaine de compétence de certains
médecins, nommément désignés, afin que les patients qui, pour
autant que l’entendement humain puisse en juger après un
diagnostic des plus approfondis, sont considérés comme incurables
aient droit à une mort miséricordieuse.» (In Michael Tregenza,
Aktion T4, 2011). Le programme « Aktion T4 » était lancé. On estime
que plus de 200 000 personnes, adultes et enfants, seront tuées
dans le cadre de ce programme et de ses ramifications

20
(malformations, handicap mental, maladies incurables, graves
blessures...).

Mais ce n’est encore rien par rapport au programme d’extermination


systématique lancé début 1942, la « Solution finale » au total, entre
4 et 6 millions de personnes seront « euthanasiées » dans les
camps d’extermination et de concentration, juifs bien sûr, mais aussi
tziganes, prisonniers politiques, homosexuels...

À la suite de ces crimes de masse, les procès de Nuremberg, en


1947, permettent de poser les bases d’une réglementation
internationale qui marque les débuts de la bioéthique moderne.

Mourir… dignement?
L’euthanasie, au sens moderne du terme, signifie davantage la
possibilité pour chaque individu de choisir le moment de sa mort,
dans la dignité. Beaucoup plus assumée socialement que
l’eugénisme, l’euthanasie médicale émerge à nouveau depuis les
années 1970-80, et les débats sont très vifs aujourd’hui autour de
cette thématique. Plusieurs présidents de la République ont été
amenés à donner un avis sur la question de la fin de vie, et François
Hollande, après des déclarations plutôt favorables, parviendra
finalement à un compromis en introduisant la ex sédation profonde
et continue » comme thérapeutique possible de fin de vie et en
instaurant la notion « d’aide à mourir » dans une loi de 2016 (voir
notion 31). Plusieurs pays ont légalisé l’euthanasie à des degrés
divers. On estime qu’en Europe, environ 50 % des décès résultent
d’une décision médicale, active ou passive. Cette situation s’est
progressivement installée en réaction à ex l’acharnement
thérapeutique » ou à ex l’obstination déraisonnable » due aux
avancées des traitements qui permettent de maintenir des
personnes artificiellement en vie (voir notion 33).

21
Affaire Lambert
La fin de vie de Vincent Lambert en juillet 2019 a défrayé la
chronique. Ce jeune homme, victime d’un grave accident de la
route, était plongé dans un coma jugé profond et végétatif depuis
plus de 10 ans, avec des lésions irréversibles. L’équipe médicale
décide, dans le prolongement de la loi Leonetti l’arrêt des
traitements. Mais les parents de Vincent, très engagés dans la lutte
contre l’avortement et la « préservation de toute vie », ont contesté
à plusieurs reprises la décision du corps médical d’arrêt des
perfusions, donnant lieu à un véritable feuilleton judiciaire et
saisissant le Conseil d’État, la Cour de cassation, Ta Cour
européenne des droits de l’homme et même l’ONU. Toutes ces
juridictions et instances auront finalement donné raison aux
médecins. Vincent Lambert est mort en juillet 2019...
Ces questions sont particulièrement complexes et ne peuvent
obtenir de réponses évidentes. L’alimentation et l’hydratation par
perfusion doivent-elles être considérées comme des traitements, ou
comme de simples soins ? Est-ce une « obstination déraisonnable »
d’alimenter une personne dépendante ? Que recouvre précisément
la notion de « maintien artificiel de la vie » ?

Euthanasie
L’essentiel

 L’euthanasie, littéralement la « belle mort », peu être active


(administration d’un poison) ou passive (arrêt des traitements
pour hâter la mort).
 En France, c’est la loi «Claeys-Leonetti » qui détermine les
conditions de la fin de vie en milieu hospitalier.
 Malgré un encadrement juridique relativement explicite en
France, de nombreux litiges surviennent en fin de vie,
notamment par méconnaissance de la loi.

22
3. Philosophie et bioéthique

La réflexion bioéthique est fondée sur deux approches


philosophiques en tension permanente. D’une part, la vision
kantienne de l’autonomie s’inscrit dans une perspective
déontologique. D’autre part, le principe de bienfaisance est plutôt
basé sur une philosophie utilitariste n ou conséquentialiste.

Déontologisme

Emmanuel Kant a publié des ouvrages de morale et d’éthique qui


irriguent toute la pensée occidentale. Dans son ouvrage
Fondements de la métaphysique des mœurs, il s’interroge sur la
morale, et en tire la conclusion qu’une action, pour être « bonne
», doit répondre à l’idée d’un « devoir », à une « bonne intention
», et surtout ne pas être motivée par l’intérêt. Cette morale de la
« pureté de l’intention », avant celle de l’action, est la déontologie.
La morale est au-dessus de toutes les autres valeurs, avant même
le bonheur. Par définition les actions menées selon cette règle sont
parfaitement désintéressées.

Par ailleurs, l’action menée doit avoir une portée universelle, elle
doit répondre à un « impératif catégorique » : « agis de telle sorte
que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps
comme principe d’une législation universelle ». Ce que je fais est
une action morale si le bien que j’en tire peut apporter du bien à
tous.

A partir de cette morale, l’homme est donc perçu comme un être


raisonnable, capable de se donner sa propre loi. Il est libre et
autonome. C’est sur cette base que la recherche du consentement
est le préalable à toute interaction entre le corps médical et un
patient.

23
Conséquentialisme ou l’utilitarisme

Au contraire du déontologisme, qui part de l’autonomie de la


personne et de sa valeur morale pour proposer des lois collectives,
l’utilitarisme vise à agir de manière à maximiser le bien-être collectif.
Il s’agit ici d’évaluer la portée de l’action en fonction de ses
conséquences sur la valeur « bien-être pour tous » et non «bien-être
de l’individu agissant ». C’est le philosophe anglais Jeremy Bentham
qui fonde cette conception philosophique héritée des Lumières.
Selon lui, l’utilité se définit comme « le principe qui approuve ou
désapprouve toute action en accord avec la tendance à augmenter
ou à diminuer Ie bonheur de la partie dont l’intérêt est en question ».

L’action menée doit donc être jugée uniquement sur les


conséquences qu’elle génère, quelles que soient les motivations de
l’acteur. Les conséquences étant mesurables, cette approche est
pragmatique. Cette vision anglo-saxonne est souvent mise en avant
pour déterminer les politiques de santé publique, l’idée étant de
maximiser les bénéfices pour le plus grand nombre. Les grandes
campagnes de vaccination en sont un exemple : elles préconisent le
traitement égalitaire de tous les individus, sans se préoccuper des
risques individuels (phobie des piqûres, réactions allergiques, effets
secondaires...), le but étant globalement d’éradiquer ou de limiter au
maximum une maladie, à l’échelle de la population.

4. Opposition entre déontologisme et utilitarisme

La question de l’évaluation du rapport bénéfice/risque est au cœur


de la tension entre déontologisme et utilitarisme. Pour le
déontologiste, ce qui compte c’est de savoir si le risque encouru est
accepté librement, sans tenir compte des bénéfices attendus, tandis
que le conséquentialiste pèsera les risques et les bénéfices et
choisira la solution la solution la plus favorable.

24
Pour illustrer les deux approches pratiques que ces deux
philosophies sous-entendent, nous pouvons prendre deux
exemples :
 Une personne en fin de vie nécessite un traitement coûteux.
Se pose la question de la pertinence de lui administrer ce
traitement. Le point de vue déontologique impose de faire
tout ce qu’il est possible de faire pour améliorer la condition
du malade. Le choix utilitariste préconise d’économiser le
coût du traitement, s’agissant d’une personne que l’on ne
peut plus sauver de toute façon...
 Une personne âgée présente une démence incontrôlable et
dangereuse. Le point de vue déontologique tend à tout faire
pour maintenir la personne à son domicile, avec des aidants,
de façon à préserver son environnement et ne pas aggraver
les symptômes. Le conséquentialiste place d’office cette
personne en institution, même au prix d’une aggravation de
la démence, le but étant ici de protéger la famille et
l’entourage de la personne. Le bien de tous prévaut sur le
malheur d’un seul.

Philosophie et bioéthique
L’essentiel

 La bioéthique est basée sur deux approches philosophiques


dont la confrontation fait naître le débat.
 Le déontologisme, inspiré par Kant, donne sa force au
principe d’autonomie, à l’origine du consentement éclairé.
 conséquentialisme, d’origine anglosaxonne, est très
pragmatique et gouverne le principe de justice: le plus grand
bien pour le plus grand nombre.

5. Respect de l’autonomie

L’autonomie est littéralement le fait de « pouvoir se fixer des règles


à soi-même ». Ce principe implique pour le médecin le devoir de se
25
conformer au libre choix du patient « hors de toute contrainte ».
C’est un principe déontologique et humain fondamental qui est déjà
présent dans le Code de Nurernberg, après la Seconde Guerre
mondiale (voir notion 2).

« Une personne autonome est une personne capable de réfléchir


sur ses objectifs personnels et de décider pour elle-même d’agir
conformément à cette réflexion. » (Rapport Belmont, 1978.)

Dans les faits, c’est plutôt un idéal, un but à atteindre qui génère des
tensions entre la tendance volontiers paternaliste du médecin et la
tendance plutôt individualiste des patients. Par ailleurs, ce principe
met également en tension l’éthique et le droit, car l’exercice de
l’autonomie fait appel à plusieurs concepts juridiques comme les
majorités (sexuelle, pénale, civile) et la capacité de discernement.

Concrètement, l’application du principe d’autonomie induit


l’obtention du consentement libre et éclairé du patient préalable à
toute intervention, que ce soit une enquête, un traitement, une
intervention ou une expérimentation. Pour rechercher le
consentement du patient, il faut lui dire la vérité sur ce qui est prévu,
assurer le secret médical et l’aider à prendre la «meilleure »
décision, en toute transparence et connaissance de cause. Si le
patient le demande, il faut être prêt à l’aider et à le conseiller.

Souvent, la relation patient-soignant est limitée par une contradiction


majeure entre cette nécessité d’informer au mieux le patient pour
éclairer sa décision et l’utilisation par le soignant d’un jargon
technique difficilement compréhensible. (Méc. de def :rationalisation)

Aussi, le soignant doit être capable d’expliquer clairement, avec un


vocabulaire simple, ce qui est prévu et ce qui est connu, mais aussi
ce qui est incertain.

26
Le principe d’autonomie se décline en trois volets principaux, qui
supposent que le sujet est « libre et capable »
 L’autonomie d’action, qui implique de pouvoir agir et se déplacer.
 L’autonomie de pensée, c’est-à-dire de pouvoir mener une
argumentation réfléchie.
 Et l’autonomie de volonté, soit le fait de se déterminer en fonction
d’une conception du bien qui nous est propre, tout en gardant la
maîtrise de notre sensibilité.
C’est l’article L.1111-4 du Code de la santé publique qui l’exprime
en affirmant que «toute personne a le droit de refuser ou de ne pas
recevoir un traitement ». Le médecin doit « respecter la volonté de
la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix
et de leur gravité ».

6. Exceptions au principe d’autonomie

Il y a plusieurs limites à l’exercice de l’autonomie : respect de


l’autonomie du soignant et respect des intérêts de la collectivité,
notamment. Dans ce contexte, certaines situations bien codifiées et
inscrites dans le droit peuvent autoriser le personnel soignant à
intervenir en l’absence de consentement du patient. Elles sont de
deux types :

 D’une part, dans les situations d’urgence vitale. lorsque la vie du


patient est en danger, le corps médical est autorisé à intervenir sans
rechercher le consentement pour prendre toute mesure jugée
nécessaire.
 D’autre part, en cas de maladie contagieuse. Dans ce cas, le
corps médical doit placer la sauvegarde de la collectivité avant
l’intérêt du patient, au besoin en le confinant contre son gré.

Le Code de la santé publique précise à cet égard que « tout


médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en
péril doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins
nécessaires» (art. R. 4127-9),
27
Les médecins se trouvent dans une situation délicate face au refus
des témoins de Jéhovah de se faire transfuser même en cas
d’urgence. Le Conseil d’État, depuis une jurisprudence du 26
octobre 2001, estime que le médecin peut passer outre ce refus si
quatre conditions cumulatives sont remplies

 le pronostic vital du patient est enjeu;


 aucune alternative thérapeutique n’est envisageable;
 la transfusion est indispensable à la survie;
 les actes médicaux sont proportionnels à son état.

En sens inverse, si le médecin se plie à la volonté du patient et que


la famille se retourne contre lui, le juge estime qu’« il ne saurait être
reproché au médecin, qui doit respecter la volonté du malade,
d’avoir éventuellement tardé à pratiquer une intervention vitale, alors
qu’il ne pouvait la réaliser sans procéder, contre la volonté du
patient, à une transfusion sanguine» (TGI Aix-en-Provence, 13 mai
2004, confirmé par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 21 décembre
2006).

7. Considérer la vulnérabilité plutôt que l’autonomie

Cependant, supposer que le patient est pleinement et définitivement


autonome relève souvent de l’utopie, car chaque personne est en
interaction permanente avec son environnement biologique, culturel
ou social... L’autonomie n’est pas une valeur objective et figée.

De plus, face au patient, le soignant doit mesurer qu’il ne partage


pas forcément le même système de valeurs, la même religion, le
même mode de vie...

Il doit être prêt à ce que le patient refuse l’intervention ou le


traitement prévu et l’accepter sans jugement. Et doit garder à l’esprit

28
que le patient est dans une situation dépendante, en attente
d’actions, tout en se gardant d’en abuser.

A l’inverse, l’injonction à l’autonomie, qui imposerait l’autonomie,


peut être néfaste et enfermer le patient. Il ne faut jamais perdre de
vue que le patient a le droit de choisir, quel que soit ce choix.

Devant ces difficultés, certains bioéthiciens proposent de remplacer


ce terme d’« autonomie » du patient par le concept de
« vulnérabilité », qui illustrerait plus justement la position du patient
face aux choix auxquels il est confronté. Alors que l’autonomie
suppose que le patient est capable de faire des choix, la
vulnérabilité est plus pour les cas où le patient n’est plus en capacité
de choisir.

Respect de l’autonomie
L’essentiel

 Le respect de l’autonomie est le principe bioéthique le plus


important, directement issu des expériences menées
pendant la Seconde Guerre mondiale.
 Il se traduit par la recherche du consentement libre et
éclairé du patient avant toute « intervention » ou recherche
biomédicale.
 Le principe d’autonomie est fréquemment remplacé par
celui de vulnérabilité de l’individu face au corps médical.

8. Principes de non-malfaisance et de bienfaisance

Ces deux principes reposent sur une approche utilitariste de la


bioéthique.

Non-malfaisance

29
Le principe de non-malfaisance est en réalité le plus ancien,
puisqu’il découle du fameux serment d’Hippocrate : « Primum, non
nocere » (en premier, ne pas nuire). Le médecin doit veiller en
priorité à ne pas nuire au patient, autrement dit : il est pire de lui
nuire que de ne pas agir pour l’aider.

Ce principe se traduit concrètement par la mesure de ce que l’on


appelle la « balance bénéfices/risques », l’une des principales
valeurs de la bioéthique. Pour qu’un médecin puisse administrer un
traitement à un patient, ce rapport doit systématiquement être
favorable, c’est-à-dire que les bénéfices attendus doivent toujours
être supérieurs aux risques encourus.

Le principe de non-malfaisance peut s’illustrer par deux situations


simples. Le médecin doit-il persister à administrer un traitement
pénible qui prolonge artificiellement la vie d’un patient en fin de vie,
ou bien arrêter ce traitement pour améliorer sa qualité de vie, en
sachant que son espérance de vie sera diminuée ? La situation
strictement inverse est aussi une illustration de ce principe de non-
malfaisance: le médecin doit-il administrer au patient en fin de vie de
puissants antalgiques pour améliorer son état, malgré leur toxicité
certaine, ou bien laisser le patient souffrir, sans rien faire, ce qui lui
permettra de vivre plus longtemps?

Ce dilemme du « tuer ou laisser mourir » a amené le législateur à


édicter des règles pour permettre le « refus de l’obstination
déraisonnable ». En effet, l’acharnement thérapeutique contrevient
aux deux principes de non-malfaisance et de bienfaisance et, bien
souvent, à celui du respect de l’autonomie du patient. Depuis la loi
du 2 février 2016, le médecin est autorisé à ne pas mettre en œuvre
ou à interrompre des actes médicaux répondant à certains critères,
de même que le patient peut s’opposer à ce qu’il juge
déraisonnable.

Bienfaisance
30
Le principe de bienfaisance, lui, est le fondement de l’approche
médicale. Il est basé sur la nécessité d’améliorer le sort du malade
et de diminuer sa souffrance dans toute la mesure du possible. Bien
entendu, tout en respectant les deux principes fondamentaux
d’autonomie et de la malfaisance. La bienfaisance est donc un
devoir du médecin.

Il est centré sur l’intérêt de la personne. En tant que personne


vulnérable, le malade doit être accompagné « au mieux » et soutenu
dans ses décisions. Pour lui faire « du bien », le médecin doit veiller
à minimiser les effets nocifs, tout en maximisant les effets positifs.

Cependant, la bienfaisance peut être mesurée à l’échelle


individuelle, mais aussi à l’échelle collective, et cela génère souvent
des tensions éthiques. Par exemple, une campagne de vaccination
apporte un bien à la population en diminuant drastiquement la
prévalence de l’infection, mais à l’échelon individuel, certains
subissent des désagréments (effets secondaires, contraintes
logistiques...).

Souvent, l’application de ces deux principes a conduit le médecin à


adopter une attitude paternaliste : «Je sais ce qui est bon pour vous,
laissez-moi faire » or, en agissant on comprend que le premier
principe d’autonomie est bafoué. Le médecin ne saurait se
substituer à la volonté du patient, quand bien même il sait que la
décision du patient contredit la bienfaisance. L’autonomie prime
donc généralement sur le bien-être, et ces notions sont purement
subjectives.

Principes de non-malfaisance et de bienfaisance


L’essentiel

31
 Il est parfois difficile de faire la distinction entre non-malfaisance et
bienfaisance. L’une s’attache à ne pas nuire, quand l’autre veut
rendre service
 Pour mesurer la bienfaisance et la non-malfaisance, le rapport
bénéfice/risque est un indicateur efficace
 Parfois, la volonté de bienfaisance peut aboutir à une obstination
déraisonnable, encadrée par une loi depuis 2016 pour protéger le
patient.

9. Principe de justice

Ce principe fondamental est directement issu du scandale qui a


secoué les États-Unis en 1972, après la révélation de l’utilisation de
citoyens syphilitiques, noirs et pauvres comme cobayes pour étudier
la progression de la maladie (scandale de Tuskegee) : « Il y a une
injustice lorsqu’un bienfait auquel une personne a droit lui est refusé
sans raison, ou lorsqu’un fardeau lui est indûment imposé.»
(Rapport Belmont, 1978.) En fait, la justice se définit dès qu’une
injustice est constatée c’est un principe plutôt déontologique.

La justice est basée sur le premier article de la déclaration des


droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « tous les hommes
naissent libres et égaux en droit ». L’égalité est donc la valeur de
référence pour s’assurer qu’une recherche biomédicale est juste.
Tous les patients doivent être traités de la même façon. Cette notion
importante constitue la base de notre système de santé depuis la
fin de la Seconde Guerre mondiale : la Sécurité sociale

La justice s’applique surtout collectivement. Ainsi, Ies questions


peuvent se décliner en deux visions opposées :

 D’un point de vue utilitariste, les fonds des dépenses de santé


doivent être répartis proportionnellement à la fréquence des
maladies, de façon à obtenir le plus grand bénéfice pour le plus
grand nombre: c’est un traitement équitable.
32
 D’un point de vue égalitariste, tous les malades doivent être traités
de manière identique, chaque malade étant considéré comme
strictement égal aux autres: c’est un traitement égalitaire.

On voit bien que chacune de ces visions a des limites, et leur mise
en tension détermine l’orientation des politiques de santé publique.
Concrètement, il est possible d’appliquer un certain nombre de
règles pour aider à juste répartition des dépenses de santé :

 Viser « le plus grand bien pour le plus grand nombre » ;


 Donner à chacun les mêmes chances (par exemple, lutter contre les
déserts médicaux
 Ne pas discriminer des populations (racisme, sexisme, mais aussi
en fonction d’une pathologie, comme refuser un patient
HIV/séropositif...)
 appliquer la règle de la mutualité qui suppose que chacun participe
à faible coût pour permettre une re-répartition des coûts à ceux qui
en ont besoin ;
 veiller à l’absence de conflits d’intérêts (les médecins sont invités à
des congrès par les sociétés pharmaceutiques qui leur vendent les
médicaments à prescrire...) ;
 veiller à ce que les pratiques soient transparentes et accessibles.

Lorsque le Code de la santé publique porte de trois à onze le


nombre de vaccins obligatoires, c’est bien dans une optique de
justice qu’il le fait : «Viser le plus grand bien pour le plus grand
monde. » Cela ne va pas sans poser de problèmes juridiques. En
effet, la loi (art.L.3111-2 du CSP), en rendant obligatoires ces
vaccinations, se heurte à un principe supérieur, le droit à l’intégrité
physique, qui fait partie du droit au respect de la vie privée, lequel,
est affirmé à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme. Imposer une vaccination constitue
manifestement une violation de ce droit. En 2018, la Ligue nationale
pour la liberté des vaccinations saisit le Conseil d’État en vue de
faire annuler le décret n° 2018-42 du 25 janvier 2018 relatif à la
33
vaccination obligatoire. Pour se prononcer, la Haute assemblée
commence par viser l’ensemble des maladies combattues par ces
vaccins et en fait une évaluation qualitative (plus de 90% de
réussite). Ensuite, le Conseil d’État considère qu’en rendant
obligatoires « les onze vaccins figurant déjà dans le calendrier des
vaccinations rendu public par le ministre chargé de la santé, mais
qui, pour huit d’entre eux, étaient antérieurement seulement
recommandés, les dispositions législatives critiquées ont appuyé le
droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l’objectif
poursuivi d’amélioration de la couverture vaccinale pour, en
particulier, atteindre le seuil nécessaire à une immunité de groupe
au bénéfice de l’ensemble de la population, et proportionnée à ce
but» (CE, 6 mai 11141 2019, Ligue nationale pour la liberté des
vaccinations, n° 419242)

Comment faire bénéficier chacun des meilleures conditions d’accès


aux soins ? C’est sur la base de ce principe de justice que les tarifs
des médicaments, mais aussi des actes médicaux, sont fixés et
contrôlés, de façon à ne pas laisser « le marché » décider de tout en
absence de contraintes.

Principe de justice
L’essentiel

 le principe de justice est mis en cause dès lors qu’une injustice est
constatée.
 C’est lui qui est utilisé pour faire fonctionner la sécurité sociale,
pour définir les politiques de santé : « le plus grand bien pour le
plus grand nombre. »
 Le principe de justice permet de réfléchir à la différence entre les
notions d’égalité et d’équité.

10. Responsabilité et Dignité de la personne

34
La responsabilité (du latin « respondere ») est le fait de devoir
répondre de ses actions. Elle se décline particulièrement dans la
pratique médicale, où le soignant a une responsabilité envers son
patient. En miroir, la dignité est le respect dû à l’autre, qui ne doit
pas être considéré en tant qu’objet, mais en tant que personne.
C’est un critère fondamental inscrit dans le premier article de la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Responsabilité(s)

Nous sommes responsables de nos actes, et nous sommes


responsables à plus d’un titre. Notamment, nos actes peuvent être
jugés devant un tribunal, pour évaluer notre responsabilité juridique.
Cela signifie qu’une autorité impose des règles, et que nous devons
nous y conformer. Cette responsabilité est celle que nous devons à
la société. La punition subie peut être :

 une sanction pénale (amende, emprisonnement...);


 une réparation des dommages occasionnés (indemnisation du
préjudice subi).

Nous sommes également engagés par la responsabilité morale,


c’est-à-dire l’évaluation de nos actes sur le plan du respect des
« bonnes mœurs ». La responsabilité morale, contrairement à la
responsabilité juridique, ne fait pas référence à une autorité
supérieure elle est intrinsèque à nos actions, elle est le reflet de
notre personne. Elle est également imprescriptible, c’est-à- dire
qu’elle s’inscrit dans une durée illimitée. La responsabilité morale
est liée à la valeur liberté, car on ne peut être tenu responsable que
des actions librement menées. Bien entendu, les principes de non-
malfaisance et de bienfaisance sont étroitement liés à cette notion.

Le concept de dignité est issu de la tradition judéochrétienne, qui


place l’homme au-dessus et à part de toutes les autres créatures
vivantes et, à ce titre, en fait une personne responsable des autres
35
et d’elle-même. La pensée s’est précisée au siècle des Lumières,
avec l’approche philosophique de Kant et ses impératifs
catégoriques. Le troisième socle est le Code de Nuremberg, édicté
en 1947 pour ne plus avoir à juger des indignités comme celles
qu’avaient perpétrées les médecins nazis. Finalement, la
Déclaration universelle des droits de l’homme pose dans son article
premier, en 1948 «Tous les êtres humains naissent libres et égaux
en dignité et en droits. »

La dignité est une valeur propre à l’humain, elle est inconditionnelle,


intangible, absolue. Un homme ne peut donc pas la perdre
intrinsèquement. Cependant, comme elle dépend, dans une certaine
mesure, du regard des autres, en certaines circonstances, on peut
perdre sa dignité dans son rapport avec d’autres hommes. Le
soignant, dans sa relation avec lui, doit veiller à faire en sorte que
son patient ne se sente jamais indigne.

La dignité de la personne humaine est une construction purement


sociale. À ce titre, elle peut être déconstruite si on ne la préserve
pas. L’incarcération, la fin de vie, le handicap mental ou physique
lourd constituent des situations particulières où le corps peut être
considéré comme un objet, avant de rester un sujet. La préservation
de la dignité dans ce cas doit être particulièrement prise en compte.
Elle passe, dans le milieu médical, par la recherche du
consentement du patient, même diminué.

Responsabilité et dignité de la personne


L’essentiel
 la responsabilité, dans le domaine médical, n’est pas que
juridique ; elle est aussi morale, en vertu du principe de
bienfaisance.
 Répondre de ses actes implique de pouvoir agir librement
 La dignité de la personne humaine, définie après les horreurs
nazies, est une construction sociale destinée à protéger les
humains les uns des autres.
36
11. Etat normal et pathologique

En Occident, l’art du médecin consiste à détecter les symptômes


d’une maladie, pour la caractériser et tenter de trouver la meilleure
approche afin de la guérir ou, au moins, de la combattre. Dans la
médecine chinoise, le médecin n’est rémunéré que si son patient
reste en bonne santé: sa position est inverse, son art consiste à
prévenir les déséquilibres à l’origine des maladies, de façon à ce
que son patient ne tombe pas malade.

Mais qu’est-ce que la maladie ? Et d’abord, qu’est-ce que la «


bonne santé » ? Ces questions sous-tendent l’exercice de la
médecine depuis des siècles, et de grandes figures historiques y ont
apporté leur réponse, comme François-Xavier Bichat, Claude
Bernard, Auguste Comte ou Georges Canguilhem.

Le concept de normal peut s’entendre de deux façons :


 d’une part, une variation minime autour d’un état « le plus
souvent observé » (type moyen);
 d’autre part, un état qui tend vers l’optimum de fonctionnement
(type idéal).

Compte tenu des difficultés à définir la norme, l’état pathologique est


encore plus difficile à cerner. Un des problèmes majeurs est que la
norme est établie par rapport à un groupe ; or, le médecin consulte
toujours dans une relation individuelle avec son patient. L’idée
même de « normalité » s’en trouve fragilisée.

En fait, la maladie crée un nouvel état, un nouvel individu, une


nouvelle norme, déplacée du référentiel de la norme «usuelle ». De
même, la guérison serait une sorte d’apaisement du pathologique,
mais pas un vrai « retour à la normale ».

Polymorphismes et mutations
37
Avec l’essor des techniques de génomique (le séquençage massif
d’ADN), ces questions du normal et du pathologique ont pris un
nouveau tour. En effet, les variations par rapport à la référence
d’une séquence d’ADN ont longtemps été appelées mutations, sans
préjuger de leur effet délétère. Mais il est vite apparu que la
référence même était une idée fausse. Lors du séquençage du
génome dans les années 1990, les chercheurs avaient utilisé l’ADN
d’une vingtaine d’individus pour établir la séquence du génome « de
référence » de l’humanité. Or, chacun de nous possède en
moyenne 3 ou 4 millions de spécificités dans son ADN. Ces
«polymorphismes» sont ce qui fonde notre identité. Au niveau
cellulaire, ils entraînent autant de microvariations qui modifient
subtilement le fonctionnement « normal » de notre métabolisme.

Parfois, une de ces variations a un effet bien plus marqué que les
autres, délétère. C’est une mutation, c’est-à-dire une variation
pathogène. Mais, de la même façon, il doit sans doute exister des
variations à effet marqué positif, car les biologistes de l’évolution
savent depuis longtemps que le moteur de l’évolution est justement
cette variabilité aléatoire de la séquence des gènes. Par ailleurs, si
les mutations étaient si néfastes, pourquoi ne sont-elles pas
définitivement éliminées par l’évolution?

Aujourd’hui, on ne parle plus que de « variation de séquence », dont


l’effet fonctionnel est apprécié par le généticien en fonction de ses
connaissances, allant de « bénin » à « pathogène », en passant par
une immense majorité de variations à « effet inconnu »

Le CCNE a préconisé, dans son avis n° 124 sur le séquençage à


haut débit de l’ADN, que les généticiens considèrent le génome non
plus comme normal ou pathologique, mais comme un continuum de
variations possibles.

Découvertes fortuites
38
Un des problèmes du séquençage à haut débit de l’ADN est le
risque de tomber sur des variations connues pour être pathogènes,
mais n’étant aucunement liées à la pathologie que présente le sujet.

Par exemple, lors d’un test de la mucoviscidose, on séquence tout


l’ADN et on tombe sur une variation on séquence du gène BRCA1
prédisposant à développer un cancer du sein. Que faire ? Dans ces
cas assez clairs, la majorité des généticiens s’entend sur le fait qu’il
faut communiquer cette information de découverte fortuitement au
patient.

Mais dans la majorité des cas, on trouve plutôt des variations de


signification inconnue, ou à la signification incertaine... Le dire, dans
l’optique qu’avec les progrès de la connaissance, quelqu’un sera
plus tard à même de réinterpréter ces variations? Ne pas le dire,
puisque ces variations n’expliquent pas la pathologie du patient?
Les débats sont âpres sur cette question !

Etat normal et pathologique


L’essentiel

 Le pathologique est défini par rapport à un « normal », or l’état


normal ne peut être défini que sur un grand nombre, alors que
le patient est seul face à son médecin.
 En génétique, la « référence » est la séquence d’ADN la plus
souvent observée, et on parle de variant de séquence dès que
la séquence diffère de la référence.
 Un variant de séquence peut être neutre, bénéfique ou
délétère, et cette interprétation varie en fonction des
connaissances accumulées.

12. Consentement éclairé

39
Le consentement « éclairé » du patient à toute étude l’incluant est
un prérequis, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le seul
cas qui fait exception à cette règle générale est le don d’organes, où
le consentement est présumé.

L’idée est que l’individu ne peut véritablement prendre une décision


que s’il a une bonne perception des faits, risques et des avantages
de la procédure envisagée, pour cette raison, le consentement «
éclairé » est indissociable d’un autre document, la notice
d’information, qui doit expliquer clairement ce qui est proposé au
patient dans quel cadre, pour quel objectif et pour quels résultats

Le consentement est un outil juridique qui pose une base légale et


assure le respect de la personne. Il découle de l’application du
principe d’autonomie. Il est garant l’information dispensée au
patient. Tous les documents liés doivent être rédigés en langage
clair et compréhensible, et en toute transparence. Ce consentement
est révocable à tout instant.

C’est en fait un processus dynamique et continu, qui doit être


réévalué selon l’avancée des travaux et les découvertes effectuées.
Si l’incertitude sur les risques augmente, le consentement doit
également être réévalué.

Le consentement doit être recueilli par écrit (L. 16-10 du Code civil).
Préalablement à ce recueil, le patient doit avoir pris connaissance
d’une information détaillée, pendant une consultation individuelle,
avec un médecin spécialisé.

Il existe plusieurs types de consentement, et nous avons tous déjà


signé un formulaire de « consentement » à l’hôpital avant une
anesthésie, qui nous explique les risques liés à l’hospitalisation et
au geste médical. Pour les personnes sous tutelle ou les mineurs, le
consentement des représentants légaux est nécessaire, mais
l’assentiment des personnes concernées est recherché.
40
Dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la
procréation, le consentement des deux parents est nécessaire.

Une patiente victime d’un arrêt cardio-respiratoire est placée en


unité de soins intensifs puis dans un service de réanimation. En
l’absence d’amélioration, les soins sont suspendus. La patiente
décède peu de temps après. La famille forme un recours devant le
tribunal administratif, arguant qu’elle n’a pas été informée. Le juge
considère en l’espèce que l’arrêt des soins « ne présentait pas un
caractère d’urgence» et que l’absence de consultation de famille est
constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de
l’hôpital (TA Paris, 6 octobre 2017, n° 1618801/6-1).

Dans une autre affaire, un homme est admis à l’hôpital dans le but
de se faire prélever un rein pour le donner à son frère. Or, dans la
nuit, il fait savoir qu’il entend renoncer. On ne lui permet pas de
quitter l’hôpital, mais le lendemain, après lui avoir donné des
médicaments l’empêchant de s’exprimer, il est conduit au bloc et
opéré. Le juge administratif considère qu’« en omettant de vérifier le
maintien du consentement [du patient] alors que ce dernier avait
exprimé, dans la nuit qui a précédé l’intervention, une volonté de
rétractation, le CHU [...] a commis une faute de nature à engager sa
responsabilité» (CAA Nantes, 29 septembre 2017, n° 15NT03537).
Le consentement le plus formalisé est celui qui encadre les
analyses génétiques et participation à des recherches biomédicales.

Le consentement appliqué à la génétique

 Les tests génétiques ne peuvent être conduits que si l’individu


concerné en retire un bénéfice direct (sauf dans certains cas
précis où ce sont les apparentés qui en bénéficient). C’est le
principe de primauté de l’individu. Seul le médecin prescripteur
est habilité à rendre le résultat à la personne, uniquement lors
d’une consultation individuelle.
41
 Le patient est libre à tout moment de retirer son consentement,
mais il est également libre de refuser qu’on lui communique les
résultats obtenus après réalisation du test. C’est le principe de
préservation du droit de ne pas savoir.
 Les tests doivent être réalisés uniquement dans un laboratoire
agréé par les agences régionales de santé, par un biologiste
agréé par l’Agence de la biomédecine.
 Les laboratoires et les praticiens doivent s’assurer que la
confidentialité et le respect de la vie privée de leur patient sont
assurés, pour éviter que des organismes tiers n’utilisent les
données génétiques comme outil de discrimination.

Questions autour du consentement

Le débat autour du consentement éclairé pose d nombreuses


questions, tant dans le domaine du diagnostic que de la recherche.
 Comment s’assurer que l’information est suffisante et a été
assez bien comprise? Notamment, lorsque les personnes ne
sont pas sous tutelle, mais ont des difficultés de
compréhension. Pour un mineur, ce sont les parents qui
consentent, mais l’enfant doit être informé. Qu’advient-il s’il
n’est pas d’accord avec ses parents ? Ou encore si les parents
ne sont pas d’accord entre eux?
 Des analyses génétiques peuvent-elles être faites sur des
embryons, sur des patients décédés? Comment encadre-t-on
ces pratiques?
 Que se passe-t-il si, au gré des développements
technologiques, un échantillon réanalysé avec une nouvelle
méthode donne des résultats différents de l’analyse initiale?
Dans un tel cas, doit-on convoquer à nouveau le patient?
L’informer a posteriori? Comment formuler au mieux ces
éventualités dans le formulaire de consentement ou la notice
d’information initiaux ?
 Dans le cadre d’un consentement pour un essai thérapeutique,
comment être sûr que la personne consent bien pour la
42
recherche? Comment s’assurer qu’elle a bien compris les
enjeux? Les risques? Par définition, un essai thérapeutique a
une issue inconnue et il est extrêmement difficile d’évaluer le
rapport entre les bénéfices théoriques et les risques encourus.

Consentement éclairé
L’essentiel

 Obtenir le consentement éclaire de toute personne engagée


dans une démarche médicale, diagnostique ou thérapeutique
est obligatoire depuis 1947.
 Le consentement éclairé est assorti d’une information claire,
transparente, honnête, qui doit permettre à la personne
concernée de se positionner « en toute connaissance de
cause ».
 Il a valeur juridique, il est révocable à tout instant, il est évolutif.
Toute modification du protocole entraine une révision du
consentement.

13. Collégialité et pluridisciplinarité

Le principe du travail bioéthique est que ce n’est pas une recherche


de discipline fermée, mais plutôt une recherche multidisciplinaire,
ouverte, en mouvement. C’est-à-dire qui regroupe des spécialistes
de disciplines très diverses. Ainsi, dans les comités éthiques
participent des biologistes, des médecins, des juristes, des
paramédicaux, de philosophes, des historiens, parfois des
représentants de communautés religieuses. La multiplicité des
points de vue représente un enrichissement qui nourrit
considérablement les débats. Elle limite l’enfermement de spécialité
et empêche qu’un fossé se creuse entre l’espace de réflexion et de
travail et la vie « ordinaire ».

La collégialité est une autre caractéristique du bioéthique les


spécialistes travaillent ensemble, tentent de dégager des positions
43
communes, acceptées par tous les membres du groupe, même si ce
n’est pas leur avis. C’est une spécificité de cette discipline. Les
points de vue sont confrontés, débattus, les arguments de chacun
entendus et discutés, et une position commune est décidée, que
chacun doit accepter. La recherche d’un consensus est un exercice
difficile, car il suppose tempérer ses convictions et d’entendre les
points de vue divergents. Elle permet également de partager la
responsabilité d’une décision particulièrement lourde à prendre, afin
d’éviter qu’un seul soignant en assume tout le poids.

Centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal


Le diagnostic prénatal en France est organisé en 49 centres
pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) qui maillent le
territoire et gèrent le suivi de grossesses « à risque », c’est-à-dire
lorsqu’une anomalie a été mise en évidence pendant le parcours de
s d’une femme enceinte. Ils sont agréés par l’Agence de la
biomédecine.

Le CPDPN, basé dans un hôpital disposant d’un service


d’obstétrique, regroupe
 gynécologues;
 échographistes;
 pédiatres;
 généticiens;
 chirurgiens pédiatres;
 psychologues ou psychiatres;
 fœtopathologistes;
 biologistes;
 conseillers en génétique;
 sages-femmes;
 autres spécialités, si besoin, selon les cas.

C’est à ce groupe de professionnels, hétérogène et d’avis très


divers, qu’il revient de statuer sur la « particulière gravité » de la
44
maladie détectée chez le fœtus et de son « incurabilité » (selon les
termes de la loi), de façon à orienter le couple vers une IMG s’ils le
souhaitent (voir notion 29). Si la grossesse est poursuivie, le
CPDPN doit assurer la prise en charge du nouveau-né dans les
meilleures conditions possible. Les réunions de ces centres, au
cours desquelles ces questions sont débattues, où les plus intimes
convictions de chacun sont exposées au grand mur, donnent lieu à
des oppositions parfois violentes.

Mais la décision finale d’interrompre ou non la grossesse, qui revient


aux parents, est acceptée par tous, quelles que soient leurs
convictions, c’est la base du fonctionnement de ces centres.

Activités CPDPN

En 2015, sur 787844 dossiers examinés, 7354 attestations de


particulière gravité ont été délivrées dans les 49 CPDPN, soit un
peu plus de 0.9% des cas.

Les CPDPN jouent donc un rôle important de garde-fou, en évitant


les dérives eugéniques, qui aboutiraient à des IMG trop fréquentes.

Décisions d’arrêt des thérapeutiques

En fin de vie, les équipes soignantes sont également confrontées à


des situations dont le poids et la difficulté obligent à se concerter
pour en partager la responsabilité. Ce sont les décisions difficiles de
Limitation ou d’Arrêt des Thérapeutiques Actives (LATA). Arrêter le
traitement d’un malade agonisant, c’est toujours un acte lourd, qui a
des conséquences irréversibles, où la réflexion éthique a toute sa
place. La décision de LATA implique le patient lorsque c’est possible
(s’il est conscient), ses proches, l’équipe soignante, mais aussi le
médecin traitant et ses médecins spécialistes.

45
 La limitation thérapeutique consiste en la non-optimisation des
techniques qui permettent le maintien artificiel en vie ou la
planification de cette non-optimisation.
 L’arrêt thérapeutique consiste en l’interruption d’un ou plusieurs
traitements qui assurent le maintien artificiel en vie.

C’est la loi Claeys-Leonetti qui encadre les décisions thérapeutiques


de fin de vie. Celle-ci impose la collégialité et la pluridisciplinarité
dans le processus décisionnel, ainsi que le respect des souhaits du
malade.
Collégialité et pluridisciplinarité
L’essentiel

 La force des travaux bioéthiques est de réunir des personnes


d’horizons, de formations et de métiers très différents; c’est la
pluridisciplinarité qui confronte les points de vue.
 Certaines décisions difficiles, comme l’arrêt des thérapeutiques
ou l’interruption de grossesse, sont partagées entre plusieurs
professionnels, c’est la collégialité.
 Collégialité et pluridisciplinarité sont imposées par la loi.

14. Genèse des lois françaises

En général, ce sont des avancées techniques rapides des


transgressions qui amènent à la prise de conscience qu’il faut
encadrer les pratiques.

Les années 1960-70 sont marquées par de grands techniques,


notamment pour les greffes d’or (1967 première greffe de cœur ;
1969 : première de poumon) et pour la procréation médicalement
assistée (1968 premières banques du sperme ; 1978 : premier
enfant issu d’une fécondation in vitro, en Angleterre).

En France, la naissance d’Amandine, premier «bébé éprouvette» en


1982, va entraîner une prise de conscience des enjeux de société
46
sous-jacents. Pour faire suite aux débats et organiser les réflexions
sur ces thématiques, le président de la République décrète la
création du comité consultatif national d’éthique. (Décret n° 83-132
du 23 février 1983 « portant création d’un Comité consultatif national
d’éthique pour les sciences de la vie et de santé » codifié aux
articles R. 1412-1 et suivants du Code de la santé publique.)

À l’origine, cette instance avait pour mission « de donner son avis


sur les problèmes moraux qui sont soulevé par la recherche dans
les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, que ces
problèmes concernent l’homme, des groupes sociaux ou la société
tout entière (Art. 1er de la version de 1983.) Ses travaux vont
aboutir à la première grande loi venant encadrer la recherche
biomédicale : la loi Hurriet-Sérusclat (n° 88-1138 20 décembre
1988 «relative à la protection des personnes qui se prêtent à des
recherches biomédicales », codifiée au Code de la santé publique,
articles L. 209-1 et suivants). Les recherches utilisant des humains
ne doivent être entreprises que pour étendre la connaissance, que
si les bénéfices attendus sont supérieurs aux risques encourus, et
que si les investigateurs ont fait la « preuve » de leurs compétences.

Mais il est évident que la loi doit s’intéresser également à la pratique


clinique, pas seulement à la recherche. Les travaux continuent donc
pour élaborer ce qui constituera le premier corpus de lois dites «
bioéthiques ».

Les lois de 1994

On parle des lois de bioéthique, car il y en a eu en réalité trois, très


complémentaires. Elles ont été le résultat d’un long travail de
maturation, d’auditions de personnalités des milieux scientifiques,
philosophiques, religieux, juridiques, pour aboutir à un rapport de
synthèse rédigé par le député Jean-François Mattei, médecin
généticien.

47
 La loi n°94-548 du le 1er juillet 1994 «relative au traitement de
données nominatives ayant pour fin la recherche dans le
domaine de la santé » est venue compléter la loi « informatique
et libertés » Elle émane du ministère de la Recherche.
 La loi n° 94-653 du 29juillet1994 « relative au respect du corps
humain », émanant du ministère de la Justice, inscrit dans le
Code civil les principes composant le statut juridique du corps
humain: primauté de la personne, dignité et respect de l’être
humain, inviolabilité et non-patrimonialité du corps humain. Elle
vient également encadrer le recours aux tests génétiques, et
instaure le recueil obligatoire du consentement de l’individu.
 La loi n° 94-654 du 29juillet 1994 «relative au don et à
l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à
l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic
prénatal », émanant du ministère de la Santé, insère de
nouveaux articles dans le Code de la santé publique.

Ces lois posent le principe que le corps humain est :


 inviolable;
 Indisponible ;
 non brevetable ;

C’est le juge qui est garant de ces principes

Initialement, ces lois devaient être révisées tous les 7 ans pour faire
face à l’avancée rapide des progrès techniques mais le travail
parlementaire permet rarement de tenir ces délais et la première
révision n’est intervenue que 10 ans après.

Révisions successives

La loi de 2004 (n° 2004-800 du 6 août 2004 « relative la bioéthique»


- codifiée au Code de la santé publique se focalise surtout sur les
greffes et dons d’organes. Eh vient placer le consentement éclairé
au centre du système de santé et ordonne la création de l’Agence
48
de la biomédecine (ABM). Cet établissement public administratif est
notamment chargé de délivrer les agréments aux laboratoires et aux
praticiens, et gère les listes d’attente et les prélèvements pour les
greffes.

La loi de 2011 (n° 2011-814 du 7 juillet 2011 « relative la


bioéthique» - codifiée au Code de la santé publique) se focalise
essentiellement sur l’assistance médicale à la procréation (AMP), en
posant la définition qui a été largement débattue en 2018-2019 :
l’assistance médicale à la procréation est la « réponse médicale à
l’infertilité d’un couple ».

La loi de 2011 vient également assouplir la réglementation en ce qui


concerne le don de gamètes. Il n’est plus nécessaire d’être en
couple ni d’avoir déjà eu des enfants. La pénurie de gamètes est en
effet continue, ce qui conduit à se demander si la gratuité du don ne
constitue pas un frein.

La loi de 2013 (n° 2013-715 du 6 août 2013 « tendant à modifier la


loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant
sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules
souches embryonnaires ») se focalise sur les recherches sur les
embryons humains. Depuis 1994, il était interdit d’utiliser les
embryons humains pour augmenter la connaissance, sauf exception
dérogatoire depuis 2004. La révision de 2013 vient retourner la
situation, en autorisant la recherche sur l’embryon et les cellules
souches embryonnaires, de façon très encadrée. Les recherches
peuvent être menées à partir d’embryons conçus dans le cadre
d’une AMP, ne faisant plus l’objet d’un projet parental, après
consentement des parents. Le but de la recherche doit être de
permettre des progrès thérapeutiques.

Genèse des lois françaises


L’essentiel

49
 les lois de bioéthique viennent encadrer les pratiques à la suite
d’avancées techniques souvent brutales.
 Chaque loi est l’occasion d’une profonde réflexion
pluridisciplinaire et de débats enrichissants.
 Les révisions périodiques permettent d’accompagner les
évolutions des techniques.

50
15. La révision des lois bioéthiques en 2020

Encore une loi ?? La première loi sur la bioéthique avait disposé


qu’il fallait y revenir tous les 7 ans … on peut évidemment se poser
la question de la pérennité du travail législatif. Pourquoi autant de
révisions ?

Relativité de l’histoire.

On peut se souvenir de l’article 1240 du Code civil relatif à la


responsabilité civile (anciennement 1382) qui n’a pas bougé depuis
l’époque napoléonienne et qui a survécu aux avancées techniques
et de la société moderne. Les notions de faute et de préjudice n’ont
pas changé

Il n’en est pas de même de la science. Dans toute sa sagesse, le


législateur a estimé qu’il fallait revenir sur l’ouvrage régulièrement,
tant les progrès scientifiques allaient vite.

Le droit est mouvant, mais la science aussi. Ce que l’humanité est


capable de découvrir dans les sciences du vivant nécessite toujours
un ajustement juridique. Le droit est derrière, mais toujours présent.

Quels étaient les thèmes en débat en 2018?

Les points mis en débat lors des États généraux de la bioéthique


2018 sont les suivants
 cellules souches et recherche sur l’embryon;
 examens génétiques et médecine génomique;
 données de santé;
 neurosciences ;
 dons et transplantations d’organes;
 intelligence artificielle et robotisation;
 prise en charge de la fin de vie.

51
Presque huit années se sont écoulées depuis la dernière réforme en
la matière. Sur la base de ces états généraux, un projet de loi a été
déposé à l’Assemblée nationale (n° 2187) le 24 juillet 2019.

Les motifs de la loi

Dans ses motifs, le projet rappelle et recommande certains points


précis

« La France a fait le choix que les représentants du peuple, et non


un comité d’experts, décident de ce qui est permis et interdit dans le
champ de la bioéthique. Le processus impliquant toutes les parties
prenantes pendant de longs mois est un moment unique que peu de
pays peuvent mener, car il nécessite à la fois la capacité à déployer
les techniques médicales dont il est question, un régime politique
stable et démocratique et une volonté collective de défendre une
certaine vision de la liberté, de l’humanité et de la solidarité. […]
Dans son ouvrage, le Gouvernement a souhaité dessiner un cadre
permettant à la liberté de chacun de s’exprimer, dans le respect de
l’intérêt collectif en cherchant ce point d’équilibre entre ce que la
science propose, ce que la société revendique et les valeurs
fondamentales qui soutiennent l’identité bioéthique de la France,
pionnière en matière de législation dans le domaine de la
bioéthique, tout en accordant une place particulière aux situations
de souffrance voire de drame que rencontrent certaines
personnes».

Le rapport de la commission des lois à l’Assemblée nationale (n°


2243) insiste en préliminaire : « Alors que le désir d’enfant peut être
satisfait par la mise à disposition de techniques éprouvées, bien que
perfectibles, à l’étranger, les évolutions de notre société appellent à
une mise en cohérence du cadre juridique.

Avec l’extension de l’assistance médicale à la procréation avec tiers


donneur à toutes les femmes, le projet loi répond en effet à une
52
demande exprimée depuis plus de deux décennies, Si des
divergences demeurent sur les choix opérés par le Gouvernement, il
convient toutefois de se féliciter que notre pays s’engage enfin dans
un chemin déjà emprunté par de nombreuses autres nations
modernes. L’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux
femmes non mariées, associée à une réforme de la filiation,
représente en effet une avancée majeure. »

La commission ajoute que, « tirant les conséquences de l’ouverture


de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et
de la suppression de son motif thérapeutique, le projet de loi [...]
crée, dans un nouveau titre du Code civil […] un mode de filiation
par déclaration anticipée de volonté qui permet aux couples femmes
de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’assistance
médicale à la procréation qu’auront réalisée ensemble, et ce,
simultanément, dès naissance. Il prévoit par ailleurs que la femme
non mariée qui donne naissance à un enfant par assistance
médicale à la procréation avec un tiers donneur se voit appliquer les
règles de filiation dites de droit commun ».

Enfin, les rapporteurs expliquent que « ce texte a marqué par une


mobilisation citoyenne importante à travers les États généraux de la
bioéthique. Avec notamment l’étude du Conseil d’État, le rapport de
la mission d’information instituée par la Conférence des présidents,
les rapports de l’OPECST et ceux de l’Agence de la biomédecine,
chacun a pu prendre connaissance dans le détail des enjeux
soulevés par les évolutions scientifiques et sociétales récentes,
auxquelles le projet devait répondre ».

La révision des lois bioéthiques en 2020


L’essentiel

 Les lois de bioéthique ont inclus dans leur première version (en
1994) une option de révision périodique pour tenir compte de
l’avancée des techniques.
53
 La chaque révision est précédée d’États généraux, vaste
concertation populaire à l’échelle nationale qui permet à chacun
de participer aux débats, sous l’égide du CCNE.
 La périodicité de la révision, entre l’organisation des États
généraux et le nécessaire travail parlementaire, respecte
globalement les délais prévus de 7 ans.

16. Structuration de la bioéthique en France

La France est un modèle d’organisation pour le travail bioéthique,


avec un maillage du territoire piloté par une instance nationale.
Cette structuration unique permet l’organisation régulière d’États
généraux, un travail collectif de grande ampleur qui permet de
colliger informations de terrain pour nourrir et enrichir le travail
parlementaire en vue des révisions périodiques des lois de la
bioéthique.

Le Comité consultatif national d’éthique

Cette instance nationale a été créée sous l’impulsion du président


de la République, François Mitterrand, par décret du 23 février 1983
(n° 83-132 du 23 février 1983 « portant création d’un Comité
consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la
santé ») avec pour mission «de donner des avis sur les problèmes
éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la
connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et
de la santé. » (Art. L. 1412-1 du Code de la santé publique.) Bien
qu’ayant un avis purement consultatif, le Comité est chargé de
réaliser, des sujets d’actualité, des synthèses qui sont publiées
assorties de recommandations et d’avis. Les avis du CCNE sont
toujours extrêmement bien documentés et très clairement rédigés,
ils permettent vraiment de se faire une opinion « éclairée» sur la
thématique abordée. À ce jour, le CCNE a publié 131 «Avis », tous
consultables ou téléchargeables sur son site (https:/www. ccne-
ethique.fr/fr).
54
C’est un comité indépendant, qui réunit une quarantaine de
personnes pour des périodes de 4 ans renouvelables, dont :

 Un président nommé par le président de la République pour 2


ans renouvelables;
 5 personnalités nommées par le président de la République
appartenant aux « principales familles philosophiques et
spirituelles»;
 19 personnalités intéressées par l’éthique dans leur profession;
 15 personnalités de la recherche publique.

Le décret portant création du CCNE impose un fonctionnement


pluridisciplinaire qui permet de croiser les approches et constitue la
base de la réflexion éthique.

Le CCNE est chargé d’organiser les États généraux, grande


consultation citoyenne en vue de préparer les révisions périodiques
de la loi de bioéthique. Pour ce faire, il s’appuie sur un maillage
national de structures éthiques régionales.

Espaces de réflexion éthique régionaux

Chaque établissement de santé est légalement tenu de former ses


personnels à l’éthique médicale. Pour répondre à cette obligation,
une loi a créé, dans chacune des régions françaises, les espaces de
réflexion éthique régionaux (ERER- Loi du 6 août 2004). Ces
espaces sont adossés à des centres hospitalo-universitaires (CHU)
et permettent d’assurer des missions non seulement de formation et
d’information, mais également d’accueil du public et de débats.

Chaque année, ils réalisent un rapport d’activité qui est adressé au


CCNE. Celui-ci n’est pas leur tutelle, mais il synthétise les données.
Les ERER sont placés sous la responsabilité des Agences
régionales de santé (ARS). Ce sont les ERER qui ont organisé les
55
débats publics et manifestations de consultation dans le cadre des
États généraux de la bioéthique de 2018 pour préparer la révision
de la loi de 2020.

Structuration de la bioéthique en France


L’essentiel

 En France, les travaux de bioéthique sont pilotés par un Comité


consultatif national d’éthique, indépendant et pluridisciplinaire,
qui rend compte au président de la République, au Sénat ou à
l’Assemblée nationale.
 Le CCNE s’appuie sur un ensemble d’espaces de réflexion
éthique régionaux (ERER) qui interagissent avec le grand
public et les professionnels de santé.
 Ces instances organisent régulièrement des États généraux de
la bioéthique qui sont destinés à préparer le travail
parlementaire en amont des révisions de la loi de bioéthique.

17. Agence de la biomédecine et protection des


personnes

En France, parmi les instances chargées de l’application des textes


de loi relatifs à la bioéthique, l’Agence de la biomédecine (ABM)
joue un rôle très important Cependant, elle s’occupe plutôt des
filières du côté des professionnels. Pour faire respecter les droits du
côté des patients, d’autres structures ont été mises en place : les
comités de protection des personnes.

L’Agence de la biomédecine

Cette instance nationale a été créée lors de la révision des lois de


bioéthique de 2004 pour remplacer l’Établissement français des
greffes. Dans l’opération, les missions se sont diversifiées. Elle
s’appuie en région sur les agences régionales de santé (ARS) pour
le territoire.
56
Les quatre grands domaines dans lesquels I’ABM exerce ses
compétences sont :
 le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellules
souches hématopoïétique ;
 l’assistance médicale à la procréation ;
 l’embryologie;
 la génétique humaine.

Elle gère notamment les listes d’attente et l’organisation pratique de


toutes les greffes d’organes et de tissus. Pour ce faire, elle dispose
de registres nationaux, comme registre national des refus au
prélèvement qui recense les personnes opposées au prélèvement
d’organes après leur mort, ou le registre national des tentatives de
FIV.

Elle encadre le diagnostic prénatal et le diagnostic préimplantatoire.


Elle est chargée de donner les agréments aux laboratoires et,
individuellement, aux praticiens de génétique, et elle gère le
fonctionnement des centres pluridisciplinaires de diagnostic
prénatal.

Enfin, elle évalue et autorise, le cas échéant, les projets de


recherche sur les embryons humains ou les cellules souches
embryonnaires.

Elle est placée sous l’autorité du ministère de la Santé. Son


directeur et les membres de son conseil d’administration sont
nommés par décret.

Les décisions de l’Agence de la biomédecine génèrent un


contentieux intéressant, notamment lorsqu’elle refuse l’exportation
de gamètes et de tissus germinaux aux fins d’assistance médicale à
la procréation.

57
Prenons un exemple tel celui d’une décision de refus d’exportation
des gamètes d’un jeune homme décédé à l’âge de 23 ans, que sa
mère sollicitait. Le Conseil d’État valide la décision de l’Agence en
considérant qu’il «n’apparaît pas que l’intéressé aurait eu un projet
parental précis, pour lequel il aurait procédé, à titre préventif, à un
dépôt de gamètes en vue de bénéficier d’une assistance médicale à
la procréation [...] ni qu’il ait explicitement consenti, à cette fin […] à
l’utilisation de ses gamètes après son décès» (CE, 4 décembre
2018, n° 425446).

Les comités de protection des personnes

Les CPP sont directement issus de la réglementation de protection


des droits de l’homme dans la recherche biomédicale mise en place
lors de la loi Huriet-Sérusclat de 1988. Seulement, jusqu’en 2004, ils
n’avaient qu’un avis consultatif sur les dossiers de recherche soumis
à leur appréciation. La mise en conformité, avec une directive
européenne lors de la révision de la loi de 2004, leur a donné plus
d’importance, leur accord étant maintenant nécessaire pour mener
la recherche.

Ces instances, réparties sur le territoire national, sont au nombre de


39. Elles sont composées à parts égales de membres du domaine
médico-scientifique et de la société civile, de façon à garantir leur
indépendance. Chaque comité est agréé par le ministère de la
Santé pour une durée de 6 ans.

Pour éviter que l’évaluation des projets soit biaisé par des relations
amicales ou locales, chaque projet de recherche déposé est, depuis
2018, attribué à un CPP par tirage au sort, puis envoyé à ce comité
qui rend donc un avis « en aveugle ».

Ces comités vérifient la conformité des travaux envisagés avec les


lois de bioéthique nationales, mais aussi avec le respect des
conventions internationales. Ils peuvent demander des précisions ou
58
des révisions. Leur but est ainsi d’assurer la protection des
personnes, aussi bien sur le plan biologique que juridique (ils
vérifient par exemple que toutes les données recueillies seront
anonymes).

Pour démarrer un projet de recherches biomédicales, ou un essai


thérapeutique, chaque projet doit recevoir l’autorisation d’un CPP et
de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de
santé (ANSM).

Agence de la biomédecine et protection des personnes


L’essentiel
 En France, l’Agence de la biomédecine gère et contrôle toutes
les activités en lien avec le don d’organes, de tissus, cellules, la
génétique et l’assistance à la procréation.
 Tout laboratoire en lien avec l’utilisation de produits humains
doit être agréé ainsi que chaque professionnel de santé
impliqué.
 Les comités de protection des personnes sont une des
instances d’évaluation de chaque projet de recherche mettant
en jeu des êtres humains.
 Tout projet de recherche biomédicale doit recevoir une
double autorisation pour pouvoir démarrer.

59
Chapitre 3. LA BIOETHIQUE EN AFRIQUE

Marie-Geneviève PINSART résume les différentes conditions de


l’émergence et du développement de la Bioéthique de la manière
suivante: « Un progrès technoscientifique fulgurant, un libéralisme
politique privilégiant la liberté et l’autonomie individuelle et l’égalité de
tous les citoyens, un public intéressé par l’usage des fonds collectifs et
informé à ce sujet par les médias très actifs, une propension à la
moralisation, la forte conviction qu’il faut favoriser le progrès des
technosciences, l’ouverture de centres de recherche et le
développement d’une littérature spécialisée. Voilà quelques ingrédients
qui se sont mêlés à des degrés divers dans le creuset nord-américain
pour donner naissance à la Bioéthique »

De manière générale, l’apparition des préoccupations bioéthiques dans


un pays est liée à la présence plus ou moins fortes de la
technoscience..., à l’existence (sous des formes plus ou moins abouties)
d’un système politique démocratique garantissant la liberté d’expression
et la prise en compte de l’avis des citoyens dans la mise en place d’une
politique sanitaire, à l’impact des technosciences sur l’environnement
naturel, la culture et les droits des citoyens.

En tenant compte de tous ces paramètres ou conditions, peut-on


s’attendre à une émergence « fulgurante » de la Bioéthique dans les
pays africains, dans notre pays ? En effet, il semble que les différents
problèmes que la Bioéthique nous amène à débattre y sont absents.
Mais on sait aussi que malgré le faible impact de la science et de la
technique sur I’ homme africain. « Les retombées technologiques de la
science moderne dans la vie des hommes en Afrique ne peuvent
manquer de susciter des interrogations d’ordre éthique ». Mondialisation
oblige. Un des chercheurs dans le domaine notait qu’ « il se pose déjà
dans la société africaine les problèmes éthiques relatifs à la procréation
et à la stérilité qui peuvent trouver des solutions grâce à l’apport de
technologies biomédicales. Il y a des choix à opérer et des décisions à
prendre devant des techniques médicales occidentales déjà présentes
60
en certains milieux hospitaliers africains. Elles entraînent une exigence
de changement de comportement sexuel face à notre propre perception
de la procréation, de la maladie, de la relation médecin/patient, de la
guérison, de la mort, etc. »1).

Note de lecture sur l’universel éthique


L’universel éthique ne peut s’imposer, il ne peut que se retrouver
progressivement dans le sentiment d’un bien commun auquel chaque
culture adhère et non auquel elle se soumet ... «L ‘universel éthique
est... une évidence partagée par les occidentaux. Mais les Africain et les
asiatiques ne manquent pas de s’étonner des divergences dans
l’application concrète, par exemple de l‘autonomie. Ici le respect du droit
de mourir par un suicide assisté ou par l’euthanasie, du droit de procréer
par gestation délégué à autrui, d’avorter quand bon vous semble, là les
interdictions inscrites dans la vie, voire la constitution »… » L’éthique a
… une vocation à un universel, mais un universel qui attend que chaque
culture propose sa vision, à son propre rythme. L’occident à beaucoup à
apprendre de la culture africaine, de leur générosité, de leur capacité à
accompagner la personne, des cultures asiatiques par leur force de mise
à distance de l’événement, leur résignation, voire leur fatalisme. Chaque
culture véhicule évidemment des valeurs propres qui paraissent
essentielles le respect de chacune d’entre elles n’est pas faire preuve de
relativisme ou d’indifférence, il est l’amorce d’une écoute pour chercher
en commun « (D.SICARD, O.C, P.61-62)

1)
MUNDAY Mulopo F., La Bioéthique en philosophie africaine. Essai de dépassement de la marginalisation, dans
KANANGA MASALA, e.a., La Bioéthique, origines, enjeux et défis, Actes de la deuxième Matinée philosophique,
jeuidi 30 juillet 2009, dans revue congolaise de philosophie, 2009, n°2 (juillet-décembre), p.79. On trouvera
dans ces actes la réponse détaillée à la question de la pertinence de la Bioéthique en Afrique. Voir entre autres
l’étude du prof. MBAMBI MONGA Oliga, La Bioéthique question est perspectives africaines, p.35-43.

61
Chapitre 4. DOMAINE DE LA BIOETHIQUE

4.1. Biotechnologies appliquées à l’homme

La bioéthique est devenue sujet d’actualité, suite aux manipulations


génétiques effectuées sur les plantes alimentaires, au clonage et à
l’utilisation d’embryons humains. Historiquement, elle est apparue au
moment où le pouvoir fourni par la médecine est devenu plus important
(maîtrise de la fécondité par les femmes grâce à la pilule contraceptive,
apparition des premiers services de soins intensifs avec la possibilité,
inconnue jusqu’alors, de l’acharnement thérapeutique et la difficulté
inédite qu’il y avait à prendre la décision d’arrêter un traitement devenu
futile). De même, l’évolution de l’attitude à l’égard de la science faisait
qu’elle ne bénéficiait plus d’une aura systématiquement positive (Bombe
atomique. expériences des médecins nazis).

4.2. Procréation humaine

Parmi les questions préoccupant les bioéthiciens pour leurs enjeux


nouveaux dans ce domaine, de manière non-exhaustive. On peut citer :
 L’assistance médicale à la procréation a été l’un des premiers
objets de réflexion de la bioéthique, pour son potentiel eugéniste.
Ainsi, en France, le Comité consultatif national d’éthique pour les
sciences de la vie et de la santé (CCNE) a été créé en 1983 après la
première naissance par Fivete en 1982.
 La contraception et L’avortement : On a dit qu’avec ces deux
pratiques. la bioéthique a tout donné aux femmes2)
 Le don et l’usage d’éléments et produits ou sous - produits du
corps humain (Don de gamètes ou d’embryons ; don de sperme. don
d’ovules dans le champ de la reproduction) qui semblent aller à
l’encontre du principe de la non-patrimonialité et de Ia non disponibilité

2)
Cf.M.-G. PINSART, o.c., p.,107 ; « La contraception et l’avortement ont effectivement été les premiers
problèmes qui concernent en priorité les femmes dans les débats bioéthiques. Mais cela ne signifie pas que ces
problèmes soient désormais réglés dans le champ de la Bioéthique »

62
du corps humain. Le corps du citoyen ne lui appartient pas en propre.
il ne peut en faire commerce3)
 La privatisation de banques d’organes ou de greffons (de sang de
cordon par exemple)
 L’hypothèse d’une gestation de I’embryon humain par des
espèces non humaines ;
 Les questions de clonage humain (thérapeutique ou non). Si le
clonage humain à visée non-reproductive est diversement évalué, il y
a actuellement consensus en Europe occidentale pour interdire le
clonage humain à visée reproductive4)
 Le diagnostic prénatal ou préimplantatoire. « Le dépistage
prénatal concerne les explorations pratiquées pendant la grossesse
pour l’expertise de la normalité d’un fœtus. Il se distingue du
diagnostic préimplantatoire. Ce dernier concerne l’examen de
l’embryon avant son implantation utérine. Il n’est pas destiné à une
Interruption de grossesse. Il précède celle-ci, le diagnostic prénatal
repose sur l’échographie qui est répétée au cours de la grossesse
aux troisième ; cinquième et septième mois. Un test de diagnostic
sanguin, non pas de la trisomie 21, mais de l’augmentation
significative de ce risque, est pratiqué vers la deuxième semaine. Si le
test révèle ce risque, le médecin provoque une amniocentèse, c’est-à-
dire un prélèvement de liquide amniotique par voie intra-abdominale
pour examiner le liquide er rechercher l’anomalie chromosomique sur
les cellules prélevées. Ces examens font courir un risque
d’interruption accidentelle de grossesse de l’ordre de 1 à 2%. Le
résultat positif s’accompagne de près de 90% de demandes
d’interruption de grossesse. Le caractère quasi systématique de ce
dépistage peut conduire, qu’on le veuille ou non, à une
programmation eugénique qui ne dit pas son nom. Le dépistage
prénatal est très organisé dans sa pratique et ses finalités. Il revient
en effet au médecin des centres pluridisciplinaires de diagnostic
prénatal de porter un jugement sur l’existence d’une maladie grave et
incurable pouvant justifier l’avortement thérapeutique. Le seuil de
3)
Cf. D. SICARD, o.c., p. 20 ss. « A propos du don d’organes ».
4)
Cf. N. LEMAS, o.c., p. 189 : « faut-il continuer à interdire le clonage ? »

63
cette gravité est diversement apprécié. Il dépend aussi du regard de
la société sur la capacité à accepter des enfants handicapés... »5)
 La connaissance de caractères génétiques et les thérapies
géniques ;
 L’eugénisme (stérilisation d’handicapés mentaux et de personnes à
risque génétique...) ;
 Statut juridique de l’embryon et du fœtus (lié en droit fiançais à la
(dignité de la vie humaine»). La question éthique du statut de
l’embryon est des plus débattues: n’est-il pas, à ce stade très précoce,
qu’un amas de quelques cellules. ou est-elle une personne potentielle,
voire une personne morale à part entière ?6)
 la recherche sur l’embryon et l’utilisation d’embryons
surnuméraires:
 les cellules-souches. La recherche sur les cellules-souches
humaines est autorisée, en France, à titre exceptionnel, et uniquement
à partir des embryons surnuméraires ;7)
 les neurosciences dont les progrès permettent peu à peu de lire,
voire de modifier l’activité du cerveau : en direct8)
 les nanobiotechnologies9). Les nanosciences et nanotechnologies
(d’après le grec vavoç, signifiant nain), ou NST, peuvent être définies
au minimum comme l’ensemble des études et des procédés de
fabrication et de manipulation de structures (électroniques.
chimiques...), de dispositifs et de systèmes matériels à l’échelle du
nanomètre (nm), ce qui est l’ordre de grandeur de la distance entre
deux atonies.

4.3. Génie génétique

5)
D. SICARD, o.c., p. 37-38.
6)
On peut lire les pages sur les avatars de la personne de N. LEMAS, o.c., p. 121 ss et sur la question : 1 »
embryon est-il une personne comme les autres ? Les enjeux éthiques de la recherche sur les cellules
embryonnaires, p. 181 ss. On retiendra la distinction faite par les protagonistes du débat entre « cellules
totipotentes », capables de produire l’organisme entier si elles sont placées dans le milieu adéquat, « cellules
pluripotentes », capables de donner tous les types de tissu sauf le placenta et « cellules multipotentes »,
l’enjeu du débat portant sur les deux premières.
7)
Décret n° 2006-1660 du 22 décembre 2006 relatif au don de gamètes et à l’assistance médicale à ma
procréation et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires)
8)
Cf. D. SICARD, o.c., p. 55 : « l’apport des neurosciences »
9)
Ibid., p. 108 ss : « Les problèmes éthiques posés par les nanotechnologies »

64
Si la transgénèse pose le problème de la bioéthique, les réactions les
plus fréquentes face au génie génétique sont largement fonction de
l’objectif final, plus que de l’organisme concerné, tout du moins lorsque
cet organisme n’est pas d’origine humaine. En 1975, la conférence
d’Asilomar avait déclaré un moratoire sur ces recherches, le temps de la
réflexion, qui a été levé par la suite.

Ainsi, le génie génétique ayant des buts médicaux et pharmaceutiques


(fabrication de vaccins, thérapie génique diagnostic prénatal) est-il mieux
perçu que les manipulations ayant des buts alimentaires ou ludiques
(OGM, clonage d’animaux familiers) qui soulèvent beaucoup plus de
problèmes.

Les manipulations humaines (profil génétique, clonage reproductif ...


amélioration) sont de plus en plus débattues par la communauté
scientifique.

4.4. Brevetage du vivant

Le problème du brevetage du vivant consiste à savoir si une séquence


de gènes est brevetable et si les applications de sa découverte,
médicaments, tests, etc., le sont également. C’est un enjeu de première
importance pour les entreprises qui ont investi des sommes d’argent
considérables dans le décodage du génome humain, mais également
pour les éventuels progrès de la connaissance induits par la découverte
de ces gènes. En outre, la question des brevets de médicaments pose le
problème de l’accès au soin pour les plus pauvres. Une législation mal
adaptée pourrait conduire à la bio piraterie.

Selon une déclaration de l’Unesco du 11 novembre 1997, le génome


humain est un patrimoine de l’humanité et il ne peut faire l’objet de
commercialisation. Le décodage du génome ne peut être breveté mais à
partir (le ce décodage les applications thérapeutiques peuvent l’être).

65
Outre les problèmes relatifs au brevetage des gènes, de nombreuses
autres affaires ont été soulevées devant les juges (Moore v. Regents of
the University of California en 1990 la Cour suprême de Californie ayant
admis la possibilité pour les médecins de breveter une lignée cellulaire,
similaire à la lignée cellulaire HeLa, créée à partir des cellules d’un
patient, sans son consentement. En France, le Comité consultatif’
national d’éthique (CCNE) a examiné ce problème dans son avis n°98
(2006) sur la « commercialisation des cellules souches humaines et
autres lignées cellulaires »10)

4.5. Interventions sur le corps humain


Le premier code d’éthique sur l’expérimentation humaine est attribué au
chirurgien américain William Beaumont en 183311) et la première
réglementation de l’histoire encadrant l’expérimentation sur des êtres
humains émane de la Prusse en 1900 suite au scandale de l’affaire
Albert Neisser12).

 Prélèvements d’organe et de tissus : la vente d’organe étant


interdite dans de nombreux pays, les législateurs ont dû définir
comment la pénurie d’organes devait être gérée. En France. a été
créé en 1 992 un registre des refus, qui consigne tous les refus au
don d’organe. Le don de cellules souches et le clonage
thérapeutique sont également sujets à controverses ;
 Prothèses ;
 gestion des banques d’organes ;
 neurochirurgie : en Russie, par exemple, il est légal d’opérer
(même sur des mineurs) le cerveau de personnes, afin de limiter
leurs comportements violents ;
 utilisation des psychotropes...

10)
Comité consultatif national d’éthique (CCNE), commercialisation des cellules souches humaines et autres
lignées cellulaires, avis n°98, 17 novembre 2006.
11)
George ANNAS et Michael GRODIN, The Nazi Doctors and the Nuremberg Code : Human Rights in Human
Experimentation, Oxford University Press, 1992, p.125
12)
Jochen Vollman, « Informed consent in human expérimentation before the Nuremberg Code », dans British
Medical Journal, vol. 313, 1996, p. 1445-1447.

66
4.6. Vieillir et mourir
 acharnement thérapeutique (à partir de quel moment faut-il
considérer que le traitement devient trop lourd ?) ;
 euthanasie aide médicale au suicide Limitations ou arrêt des
thérapeutiques actives (LATA) en réanimation ;
 Soins palliatifs ;
 contrôle de la sénescence (personnes atteintes de la maladie de
Parkinson...

47. Expérimentation


Expérimentation visée thérapeutique ou de recherche13)
 quelles sont les personnes admises (volontaires, prisonniers,
personnes saines. malades, handicapés mentaux...) en F rance,
elle est interdite sur les personnes en étal végétatif chronique, ainsi
que sur les personnes en état de mort cérébrale, sauf, dans ce
dernier cas, si la personne fait don de son corps à la science ;
 embryons surnuméraires utilisés pour la recherche (voir en
France la décision du conseil constitutionnel du 27 juillet 1994
concernant la loi relative au respect du corps humain14) et la loi
relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps
humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic
prénatal)15)

4.8. Interventions sur les êtres et les milieux non humains


 expérimentation sur les animaux ;
 préservation des espèces (animales ou végétales), question de la
biodiversité des études récentes démontrent que la biodiversité
des milieux aquatiques aide à la reconstitution plus rapide des
stocks de poissons ;

13)
Hans JONAS, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique. Traduit de l’allemand
ème
par Jean GREISCH. (Champs, 402). 3 édition, Paris, Flammarion, 2003.
14)
Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique TITRE III ; DON ET UTILISATION DES ELEMENTS ET
PRODUITS DU CORPS HUMAIN.
15)
Conseil constitutionnel, Décision n094-343/344 DC du 27 juillet 1994.

67
 incidences de la société industrielle sur la biosphère (nouveaux
produits mutagènes. organismes génétiquement modifiés ;
 armes biologiques ;
 clonage sur les plantes (depuis plus d’un millénaire en (lime) ou les
animaux ;
 transgénèse...

68
Chapitre 5. BIOÉTHIQUE ET NATURE

De nombreuses personnes redoutent une appropriation de la nature par


l’homme et réclament la (re)définition des règles morales actuelles. La
vision la plus traditionaliste demeure assez anthropocentriste et pose
comme exigence la minimisation de l’impact de l’homme sur son
environnement, de façon à pouvoir le conserver intact et propre à la vie
humaine (vie des générations futures). Cette vision est celle couramment
suivie en France.

Une approche différente cherche à replacer l’homme au sein de la


biosphère. Elle repose sur le concept d’écologie profonde et soutient
que l’homme n’a pas plus de droits que les autres espèces vivantes et
doit respecter la nature, fût-ce à ses dépens, Il est à noter cependant,
que les activités du vivant contribuent à modifier son environnement,
comme l‘ont fait par exemple les premières plantes qui ont colonisé la
planète en modifiant la composition de l’atmosphère terrestre par leurs
rejets d’oxygène et de dioxyde de carbone.

69
Chapitre 6. LA QUESTION PHILOSOPHIQUE17) DU RESPECT DE
L’ÊTRE VIVANT

On ne peut aborder la question philosophique du respect de l’être vivant


sans invoquer l’impératif catégorique kantien16) « agis de telle façon que
tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autres,
toujours en même temps comme fin, jamais simplement comme
moyen »17)

Cette maxime constituerait pour certains le fondement même de la


bioéthique : le principe de respect de la dignité humaine comme «
principe matriciel » de la Bioéthique18)

Kant développe le principe de dignité comme « valeur intérieure


absolue »19) qui exprime une exigence de non-instrumentalisation de
l’être humain (en matière d’expérimentation biomédicale ou de
transplantation d’organes par exemple). On peut néanmoins douter de la
pertinence de l’application quasi-systématique de cette référence à
l’ensemble des questions que traite la bioéthique. D’une part le principe
de dignité de la personne humaine occulte la question philosophique
relative aux autres êtres vivants. D’autre part, ce principe érigé en valeur
absolue risque d’entrer en conflit avec d’autres principes tels que la
liberté par exemple.

Les êtres vivants représentent, dans le langage courant, à la fois les


êtres humains, les animaux et les végétaux. Les excès de la société
industrielle ont conduit dans la seconde moitié du XXe siècle à une prise

16)
« On ne peut jamais faire l’impasse sur un arrière-plan culturel, théologique ou spirituel car depuis toujours
les actions humaines ont tendu vers le bien et vers le juste. Mais les références philosophiques sont aussi
importantes, en particulier Kant avec ses impératifs catégoriques de devoir conférer à la volonté humaine
d’agir en considérant la personne comme une fin, jamais uniquement comme un moyen et de façon telle que
cette action soit universalisable » Cf. D. SICARD, o.c., p. 6.
17)
Kant, la métaphysique des mœurs, Paris, Flammarion, 1994.
18)
Noëlle Lenoir et Bertrand Mathieu, les normes internationales de la bioéthique, Paris, PUF, 2004.
19) er
Charte promulguée le 1 mars 2005 (lien sur le site du ministère de l’écologie)

70
de conscience de l’intérêt d’une vision moins anthropocentrique du
inonde, prenant en compte l’ensemble du monde vivant.

« La charte de l’environnement »20) insérée depuis 2005 dans le


préambule de la Constitution française, ainsi que la (déclaration
universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme »20) adoptée la
même année par I ‘UNESCO, sont des exemples pertinents de ce
« recentrage » de la bioéthique et des textes dans lesquels elle
s’exprime.
Pour ce qui est des conflits de valeur que peut entraîner la promotion
unilatérale du principe de dignité de la personne humaine, on peut citer,
par exemple, le débat actuel sur l’euthanasie entre ceux qui
revendiquent sa légalisation au nom du droit de mourir dans la dignité et
ceux qui militent contre cette pratique au nom de ce même principe
interprété différemment. D’ un côté, la dignité de la personne humaine
est comprise comme le devoir de respecter le droit de la personne à
choisir sa mort et à ne pas « perdre » sa dignité dans la maladie de
l’autre, cette dignité est une valeur absolue sur laquelle l’homme
individuel n’a aucun pouvoir puisqu’elle appartient à l’humanité dans son
ensemble et le respect de cette dignité est compris comme
l’accompagnement du malade jusqu’à sa mort sans autre forme
d’assistance portant directement atteinte à la vie.

Si la référence à la philosophie kantienne est très utilisée à l’appui des


réflexions de bioéthique, on peut néanmoins remarquer qu’avec la
révolution biotechnologique, la philosophie morale traditionnelle
n’apparaît plus suffisante pour répondre à toutes les nouvelles questions
éthiques posées. Depuis le siècle des lumières, la réflexion
philosophique s’était plutôt concentrée sur l’humain en tant que citoyen,
individu libre, raisonné et raisonnable. Cette réflexion s’est traduite
concrètement par la promotion des Droits de I’ homme au moment de la
Révolution Française.

20)
Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, UNESCO, 2005

71
Or le défi que posent les progrès actuels des sciences et des techniques
à la philosophie contemporaine est de réfléchir aux valeurs propres de
l’humain et à son rapport au corps, voire au vivant en général (animaux,
environnement).

Pour certains, le débat bioéthique ferait naître une nouvelle génération


des Droits de l’homme (après les droits civils et politiques, économiques
et sociaux, collectifs) voire serait en rupture avec la conception
traditionnelle des Droits de I’ Homme. « Les droits de l’homme ainsi
revisités ne perdent-ils pas en effet leur essence politique libérale pour
asseoir des valeurs morales et contraindre la science ? »21.

Le débat entre la primauté de la dignité humaine versus la liberté


individuelle est de nouveau mis en exergue au sein même des textes
fondateurs de la bioéthique.

En effet, la plupart de ces conventions22) font référence à un nouveau


système de valeur, la promotion du principe de « dignité de la personne
humaine » diffère considérablement de celui de liberté et d’autonomie
proclamé par la philosophie des Droits de I’ Homme.

Le choix moral, juridique ou politique d’accorder la primauté à la dignité


au détriment de la liberté dans certains contextes (comme en matière de
Fin de vie ou de procréation assistée, par exemple) est révélateur d’une
conception renouvelée de la société. Ce changement de valeurs de
référence fait suite à la prise de conscience du pouvoir démesuré que la
science offre aujourd’hui à l’homme sur son propre destin.

Finalement, les réflexions philosophiques contemporaines concernant


cette révolution biotechnologique se situent principalement entre deux
extrêmes : la « technophobie » représentée par Hans Jonas et son

21
C. BYK, Progrès scientifique et droits de l’homme : la rupture ?
22)
Notamment la CEDH et la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme de l’Unesco
adoptée en octobre 2005

72
heuristique de la peur23) et la « technophilie » représentée par
Engelhardt24).

Mais la plupart de philosophes proposent un juste milieu entre ces deux


extrêmes qui vise à ne pas rejeter les progrès scientifiques en se
laissant aller au catastrophisme ambiant tout en régulant les pratiques et
définissant des valeurs pour la société. La primauté de la dignité
humaine dans certains cas ne serait alors pas contraire à la liberté mais
en fixerait les limites afin d’assurer la nécessaire cohésion sociale et la
survie de l’espèce humaine.

23)
H.JONAS, o.c.
24)
H.T. ENGELHARDT, The Foundations of Bioethics, Oxford University Press, USA, 1996 ; Gilbert HOTTOIS, La
technoscience : entre technophobie et technophilie, où l’auteur insiste sur l’importance de la première
approche chez les philosophes contemporains.

73
Chapitre 7. ENJEU MORAL ET POLITIQUE DE LA BÎOETHIQUE

La bioéthique se trouve au carrefour de trois disciplines anciennes et


ancrées dans la société que sont la morale (philosophique ou religieuse),
la science et le politique.

Néanmoins, si ces disciplines se réunissent pour dialoguer au sein des


institutions de bioéthique nationales et internationales, leurs différences
majeures de point de vue constituent souvent un frein à la prise de
décision.
Le monde de la bioéthique est essentiellement un monde discursif de
débats alors que la politique et la science se situent plutôt au niveau de
l’action. Mais cet accent mis sur le dialogue n’est-il pas aussi révélateur
d’un nouveau mode de gouvernement qui cherche à dialoguer, faire
participer plutôt qu’à surveiller et punir25) ?

Il n’est pas anodin que ces dernières années, les néologismes


biopolitique » et « biopouvoir » inventés par Michel Foucault, pour
décrire cette nouvelle forme de pouvoir qui s’intéresse aux rapports
intimes des sujets à leur corps, se soient formés sur la même base que
celui de bioéthique », Quel est donc ce « bio » qui est au cœur de nos
Sociétés contemporaines ? Est-ce le vivant saisi par la science avec les
révolutions en matière de procréation, de fin de vie, de génétique, etc ?
Sont-ce les sciences humaines et sociales qui cherchent à comprendre
la vie ? Est-ce le politique voulant avoir une emprise sur les corps ?

L’évolution actuelle de la bioéthique et la place de plus en plus


importante que prend cette réflexion au sein du monde politique, des
médias et de la société témoigne que l’enjeu est de taille et que les
questions auxquelles la bioéthique cherche à répondre sont essentielles
pour l’avenir de nos sociétés. Ces réponses faites par les acteurs publics
constituent les choix de société fondateurs au sens où ils portent sur les
valeurs que la société se donne pour fonctionner et vise à la création de

25)
D. MEMMI et D. FASSIN (dir), Le gouvernement des corps, ed EFESS, 2004.

74
normes sociales. « Dès lors que les politiques en matière de recherche
et de santé publique deviennent un des points clés du lien social, nous
sommes inévitablement conduits à nous interroger sur la capacité de nos
institutions politiques à nous permettre d’en conserver la maitrise et de
dresser les perspectives à leur développement. »26).

On assiste ainsi à une multiplication des instances de bioéthique. En


France, le Comité consultatif national d’éthique a été créé en 1983. Il a
pour mission de rendre des avis sur les problèmes éthiques que pose le
progrès des sciences et des techniques27). Pour la première fois, une
instance pluridisciplinaire se voyait confier le rôle d’animer un débat
public sur les problèmes soulevés par l’évolution des sciences et des
techniques. Mais cette instance, comme son nom l’indique, n’est que
consultative, et laisse le soin aux autorités compétentes de fixer les
règles. Est-ce cette difficulté à conjuguer de concert l’éthique et le droit
qui conduit, après 25 ans de fonctionnement, à une réflexion, voire une
volonté politique, de modifier l’organisation du comité ? Il est vrai
qu’existe désormais dans le paysage normatif de la bioéthique une
Agence de la biomédecine dont les attributions normatives s’étendent
également à la réflexion éthique.

Au niveau international, le Comité directeur pour la bioéthique (CDBI)


du Conseil de l’Europe ou les comités international et
intergouvernemental de bioéthique de I’Unesco ont une activité
importante et une influence certaine sur les grandes thématiques de la
réflexion bioéthique.

Parallèlement, le « biodroit » se développe et l’activité législative se veut


dynamique avec l’adoption en France depuis 1994 de lois dites de
bioéthique (révisées une première fois en 2004, une deuxième fois en
2010).

26)
Article de christian BYK, « Bioéthoque » in Dictionnaire Permanent Bioéthique et biotechnologies. Ed.
légistatives, Montrouge, mise à jour 2005.
27)
Voir site internet du CCNE dont les missions ont été révisées dans la loi du 6 août 2004.

75
Finalement, que la bioéthique soit bien un enjeu politique, on peut le voir
par sa présence dans la charte des droits fondamentaux de l’union
européenne adoptée par le Conseil et le Parlement européen le 7
décembre 2000.

Chapitre 8. QUELS PRINCIPES MORAUX AU FONDEMENT DE LA


BIOETHIQUE ?

Une des tâches de la bioéthique est de mener une réflexion théorique


sur les principes en cherchant à les définir à les hiérarchiser et à les
articuler au sein d’une théorie. Elle ne peut en rester là. Elle doit jeter un
pont entre la théorie et la pratique en analysant la manière dont ces
principes sont appliqués et surtout en évaluant leur capacité è résoudre
les problèmes posés.

Ainsi on a relevé l’intérêt que la bioéthique a suscité auprès du public


pour les théories philosophiques au point que des philosophes ont été
amenés à s’ investir davantage dans la solution des questions actuelles
en examinant dans une perspective nouvelle des théories éthiques
comme l’éthique de la prudence d’ARISTOTE, l’éthique déontologique
d’Emmanuel KANT, l’éthique utilitariste de John Stuart MILL, l’éthique
pragmatiste de William JAMES et l’éthique de la responsabilité de Hans
Jonas. La conclusion à laquelle aboutissent ces théories est le respect
de la volonté de la personne.

C‘est dans ce contexte que, durant les années 1970, les bioéthiciens
américains ont proposé des principes qui satisfont des conceptions
philosophiques et religieuses différentes. Ainsi Tom BEAUCHAMP et
James CHILDRESS ont exposé dans Principles of Biomédical Ethics
(1979) une démarche méthodologique qui s’appelle en anglais le
principlism. L’objet du principlisme est simple : enraciner l’éthique
médicale dans la « morale commune ». L ‘idée maîtresse des auteurs
était d’établir des principes minima que personne ne pourrait remettre en
cause, en se basant sur I’intuition qu’au-delà des différentes options
éthiques en présence dans une société pluraliste, il existerait des
76
convergences entre tous les grands courants, et donc un accord
possible. Le principlisme tire son nom de la priorité accordée à quatre
principes formels dans, la résolution des conflits éthiques :

- Le principe d’autonomie (PA) : le patient est une personne libre


de décider de son propre bien et que celui-ci ne peut lui être
imposé contre sa volonté en faisant usage de la force ou en
profitant de son ignorance. Ce principe constitue le fondement de
la règle du consentement libre et informé. Il entre en conflit avec le
paternalisme, bien qu’il n’empêche pas le patient de s’en remettre
volontairement è son médecin. Philosophiquement, il est souvent
introduit dans le sillage de la morale kantienne du respect de la
personne humaine et associé è la défense de la liberté individuelle
de John Stuart Mill, bien qu’il se présente comme moralement
« neutre » ou « formel ». c’est-à-dire n’engageant aucune
conception particulière du bien.
- Le principe de bienfaisance (PB). L’agir éthique ne postule pas
seulement le respect de la liberté de l’autre il comporte la visée du
bien. Ce n’est plus la traditionnelle règle d’or » (fais à autrui ce que
tu voudrais qu’il te fît » et « Ne fais pas à autrui ce que tu ne
voudrais pas qu’il te fît » qui s’applique, mais une règle telle que :
« fais à autrui ce que tu veux qu’on lui fasse ».
- Le principe de non-malfaisance ou de non-nuisance (PNM)
rappelle un aspect de l’éthique médicale traditionnelle remontant
jusqu’au corpus hippocratique : « avant tout ne pas nuire (primum
non nocere). Mais il le relativise en l’actualisant : la volonté du
patient ne doit pas être suivie par le médecin si celui-ci la juge
contraire à sa propre éthique. celle-ci coïncide le plus souvent avec
la bonne pratique médicale qui enjoint au médecin de donner au
patient les meilleurs soins prescrits par l’état de l’art,
- Le principe de justice nous fait entrer dans le domaine de la
philosophie sociale et politique, il s’agit de réguler au mieux la
distribution ou l’allocation de moyens et de ressources limités,
insuffisants pour la satisfaction de tous les besoins et de toutes les
demandes.
77
Le principlisme a eu du succès qui s’explique par la large adhésion de la
société américaine au contenu des quatre principes et par la clarification
conceptuelle qu’apporte cette réduction du nombre de principes à
quatre. L’appel à ces principes dans la résolution des problèmes et la
justification des décisions a fini par fonctionner dans le monde
biomédical comme une formule sacrée.

Toutefois le principlisme a montré ses limites, Il arrive fréquemment


qu’on ne s’accorde pas sur la hiérarchisation des principes dans une
situation donnée, comme dans le cas d’une personne consciente,
entourée d’attention et en phase terminale d’un malade qui demande de
manière répétée une aide médicale pout mourir dans un état qu’ il juge
digne : faut-il respecter le principe d’autonomie qui reconnaît à la
personne la libre disposition d’elle-même ou le principe de non-
malfaisance qui interdit de nuire à autrui et empêche le médecin de
participer volontairement à la mort de son patient ? Autant dire que la
résolution d’une controverse ne peut pas toujours se fonder sur une
vision morale commune.

Aussi le médecin et philosophe américain Hugo Tristram ENGELLHARD


qui prend acte du fait que « nous sommes des étrangers moraux », que
nous ne partageons pas une vision morale commune, propose-t-il une
autre approche, une éthique procédurale. Il penche pour une « éthique
pluraliste et séculière », refuse de donner priorité à quelque approche
morale que ce soit (qu’elle soit fondée sur la raison, intuition ou la
religion) pour laisser place à une négociation entre la pluralité des
acteurs »28). Mais l’auteur a fini par ne retenir que le principe d’autonomie
et le principe de bienfaisance. Ce qui traduit une des limites au
principlisme.

Celui-ci essuiera d’ailleurs des attaques de plus en plus nombreuses à


partir des années l990 :

28)
Il a été noté que cette pensée de l’auteur s’exprime avant tout dans la première édition de ses Foundations
of Bioethics (1986), la seconde, publiée après sa conversion à l’orthodoxie en 1996, prend ses distances vis-à-
vis de la première.

78
1. par la casuistique qui s’attache à la spécificité de la situation pour
dégager les valeurs et les principes qui y sont en jeu ;
2. par l’éthique de la vertu qui insiste sur les qualités morales de la
personne qui doit décider et agir ;
3. par l’éthique du souci de l’autre (Care Ethics) qui met en valeur
l’écoute, la compassion et les relations personnelles
4. par l’éthique féministe qui, à l’encontre de la restriction du
principlisme au domaine médical, attirera l’attention sur les
questions du « genre » (discrimination en fonction du sexe de Ia
personne, imposition d’un rôle social)
5. enfin par des conceptions extérieures au cadre occidental de
pensée et fondée sur d’autres valeurs et principes (importance de
la collectivité au détriment de l’autonomie individuelle dans la
culture japonaise ou africaine, par exemple).

C’est-à-dire, en conclusion, que le recours aux principes éthiques du


principlisme, tout en clarifiant les données d’un problème, doit souvent
être enrichi par la prise en considération d’autres paramètres, comme
celui de la particularité de la situation du patient29)).

29)
Cf. M.G. PINSART, o.c., p. 35ss ; aussi N. LEMAS, o.c., p. 26-29.

79
Chapitre 9. LES RÈGLES BIOÉTHIQUES

Les auteurs reconnaissent à la Bioéthique une double dimension :


spéculative et prescriptive. Nous voulons expliciter, par des textes, la
dernière dimension, en rappelant le Serment d’Hippocrate, code de
Nuremberg et la Convocation sur les droits de l‘homme et la
biomédecine, trois textes traduisant, chacun à son niveau et à son
époque, des préoccupations philosophiques relatives aux interventions
sur l’humain.

9.1. Le serment d’Hippocrate (4ème siècle av. J.C)

« Je jure par Apollon, médecin. Esculape, par Hygie et Panacé. par tous
les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai,
suivant mes forces et ma capacité, le serment et l’engagement suivants :
je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de
mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je
pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour mes frères, et, s’ils
désirent apprendre la médecine, je leur enseignerai sans salaire ni
engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du
reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon Maître et aux
disciples liés par engagement et un serment suivant la médicale, mais
nul autre ».
« Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes
forces et mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute
injustice. Je ne mettrai personne du poison, si on m’en demande, ni ne
prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; semblablement, je ne
remettrai à aucune femme un pessaire abortif. .Je passerai ma vie et
j’exercerai mon art dans l’innocence et la pureté. Je ne pratiquerai pas
l’opération de la taille. Dans quelque maison que je rentre, j’y entrerai
pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et
corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres
ou esclaves. Quoi que je voie ou entende pendant, ou même hors de
l’exercice de ma profession, je tairai ce qui n’a jamais besoin d’être
divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas ».
80
« Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir
heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des
hommes, si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort
contraire »30).
Les auteurs signalent des codes plus récents comme celui de Persival
(1833 et celui de Beaumont (1847) dans lesquels sont cristalIisées les
préoccupations philosophiques relatives aux interventions sur le corps
humain.

9.2. Le Code de Nurernberg (1946)

Mais c’est le code de Nuremberg que l’on considère comme le texte


fondateur de la bioéthique en tant que savoir prescriptif. Il définit en effet
les principes fondamentaux qui devraient être observés pour satisfaire
aux concepts moraux, éthiques et légaux concernant, entre autres, les
recherches menées sur des sujets humains. On le résume en dix points :
1. Le consentement volontaire du sujet humain est absolument
essentiel. Ce qui signifie que la personne intéressée doit jouir de la
capacité légale totale pour consentir…L’obligation et la
responsabilité d’apprécier les conditions dans lesquelles le sujet
donne son consentement incombent à la personne qui prend
l’initiative et la direction de ces expériences ou qui y travaille.
2. L ‘expérience doit avoir des résultats pratiques pour le bien de la
société, et est impossible à obtenir par d’autres moyens : elle ne
doit pas être pratiquée au hasard et sans nécessité.
3. L’expérimentation humaine ne doit être envisagée qu’après une
expérimentation sur l’animal.
4. L’expérience doit être pratiquée de façon à éviter toute souffrance
ou dommage physique et mental non nécessaire.
5. L’expérience ne doit pas être tentée quand il existe une raison à
priori de croire qu’elle entraine la mort ou l’invalidité du sujet.

30)
Cf. D. BORRILLO, o.c., p.7, note I.

81
6. Les risques encourus ne devraient jamais excéder l’importance
humanitaire du problème que doit résoudre l’expérience
envisagée.
7. On doit t’aire en sorte d’écarter du sujet expérimental toute
éventualité, si mince soit-elle, susceptible de provoquer les
blessures, l’invalidité ou la mort.
8. Les expériences ne doivent être pratiquées que par des personnes
qualifiées.
9. Le sujet humain doit être libre, pendant l’expérience de faire
interrompre, s’il estime avoir atteint le seuil de résistance, mentale
ou physique au-delà duquel il ne peut aller.
10. Le scientifique chargé d’expérience doit être prêt à
l’interrompre à tout moment, s’il une raison de croire que sa
continuation pourrait entraîner des blessures, l’invalidité ou la mort
du sujet humain soumis à expérimentation »31)

9.3. La Convention internationale de l’Association médicale


(Helsinki, 1964)

C’est une étape vers l’internationalisation de la bioéthique. En effet sur


base du code de Nuremberg, cette Convention a réaffirmé les grands
principes applicables à la recherche clinique. L’information, d’une part, le
consentement éclairé du patient, d’autre part, doivent fonder l’action des
professionnels ; l’intégrité physique des personnes constitue le troisième
pilier de cette Convention internationale.

Dans la suite, la Déclaration de Tokyo (1975) et celle de Manille (1980)


réaffirmeront le principe selon lequel les individus ne peuvent pas être de
simples objets d’expérimentation scientifique.

Depuis l’adoption de ces textes internationaux, plusieurs avis,


recommandations et déclarations ont posé des principes généraux pour
la régulation aussi bien de l’activité scient i tique et de l’action

31)
Ibid., p. 5-7.

82
thérapeutique chez I’humain que de la manière de collecter des
informations génétiques, de procéder à I expérimentation animale,
d’intervenir sur le génome, de déterminer l’accès aux techniques de
procréation artificielle, d’agir sur I’embryon ou d’organiser la fin de la vie.

Chapitre 10. BIOÉTHIQUE ET DROITS DE L’HOMME

Ceci nous amène à expliciter les liens entre bioéthique et droits de


l’homme qu’on lit en filigrane dans ce qui précède.

« Dès son origine aux Etats-Unis, écrit MG. Pinsart, la bioéthique est
intimement liée au droit, ou plus précisément elle se forme au contact
d’affaires traitées par les tribunaux. Ces affaires réveillaient des
problèmes éthiques que l’on croyait résolus. C’est ce qui arriva avec
l’interdiction de l’avortement dans le droit pénal qui semblait à certaines
personnes ne jamais devoir être remise en question »32).

Mais la formation de la bioéthique au contact du droit est également


claire dans le domaine de l’expérimentation humaine et du
consentement des personnes, par exemple. C’est de l’institution
juridique que fut le tribunal de Nuremberg (1046) qu’est né le Code de
Nuremberg (1947), un document éthique fondateur sur l’expérimentation
humaine.
Le droit sera aussi affecté par l’essor des technosciences et par les
bouleversements éthiques et sociaux que celui-ci implique. Comme
l’éthique médicale s’est transformée en bioéthique, dans le nouveau
contexte technoscientifique, le droit a évolué en biodroit.
Alors que le droit médical traditionnel est attentif aux aspects juridiques
liés à l’exercice de la profession médicale (les relations professionnelles
entre les médecins, les mauvaises pratiques médicales), le biodroit est
plus large et concerne l’être humain dans ses divers rapports avec la
biomédecine, les biotechnologies et les nouvelles techniques comme
l’informatique par exemple. Il concerne aussi la matière suivante (OGM,

32)
Ibid., p. 94.

83
protection juridique des inventions biotechnologiques...) et les êtres
vivants (expérimentation sur l’animal, clonage, etc.). C’est les
dispositions du droit positif en rapport avec la bioéthique qui définissent
le biodroit. Celui-ci doit à la fois interroger les catégories juridiques
traditionnelles pour résoudre une situation, mais intégrer de nouvelles
valeurs éthiques et sociales notamment mises en évidence par la
bioéthique…

En France la collusion entre le droit et l’éthique apparaît dans


l’appellation courante « lois de bioéthique » qui désigne au départ trois
lois : la loi 91-5-18 du 29 juillet 1994 sur le traitement des données
nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé, la
loi 04-653 du 29 juillet 1994 autour du respect du corps humain et la loi
94-654 également du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des
éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la
procréation et au diagnostic prénatal33).

Voici quelques déclarations et chartes, conventions ou protocoles qui, au


niveau international, nous renseignent sur la « collusion » de la
bioéthique et du droit

10.1. Quelques déclarations et autres chartes. Conventions ou


protocoles nous renseignement sur les rapports entre
Bioéthique et Droits de I ‘homme

10.1. – La Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU 10


décembre 1984).
Art. 1er – « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignités et
en droits. Ils sont doués’ de raison et de conscience et doivent agir les
uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Mais aucun des 30 articles «indique spécifiquement le droit à un accès


équitable au soin. La seule mention est fait dans I ‘article 22 qui stipule
33)
Devant être, en principe, révisées tous les cinq ans, elles l’ont été en 2011 et en 2018. Nous verrons dans le
chapitre suivant la position exprimée par les Evêques de France avant la révision de 2011.

84
que toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la
sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits
économiques sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la
coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des
ressources de chaque pays34)

10.2 - La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée


le 27 juin 1981 à Nairobi stipule dans son article 16 que « toute personne
a droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit
capable d’atteindre »

10.3. - La Déclaration du Caire sur les droits de I’homme en islam du 5


août 1990 stipule dans son article 17 que « tout homme a le droit de
vivre dans un environnement sain et que l’Etat et la société doivent
garantir à chaque homme la protection sanitaire et sociale ainsi que tous
les services publics dont il a besoin, dans la limite des possibilités
existantes »

10.4.- La Charte sociale européenne du conseil de l’Europe adoptée le 3


mai 1996 à Strasbourg déclare clans son article 11 : « les parties
s’engagent à prendre des mesures appropriées tendant notamment à
éliminer dans la mesure du possible les causes d’une santé déficiente, à
prévenir dans la mesure du possible les maladies épidémiques,
endémiques et autres, ainsi que les accidents » - Dans son article 13 :
« un droit à l’assistance sociale et médicale » dans l’article 15 : « un droit
des personnes handicapées à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la
participation à la vie de la communauté ».

34)
Cf. Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) dans Droits de l’homme. Recueil de documents
internationaux et nationaux rassemblés pour le Colloque international sur la culture chrétienne devant les
droits humains. Organisé à l’Université catholique de Lyon du 20 au 23 septembre 1989 à l’occasion du
Bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. (Fédération internationale des Universités
catholiques. Centre de coordination de la recherche). Bruxelles, Bruylant : Louvain-la-Neuve, AEDL., 1989, p.,
15.

85
10.5.- La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
adoptée par le Conseil et le Parlement européen le 7 décembre 2000.
Son article 35 stipule que toute personne a le droit d’accéder à la
prévention en matière de santé et de bénéficier des soins médicaux
dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales ».

L’observation a été faite, selon laquelle les textes généraux fondateurs


des Droits de l’homme ne laissent aucune place théorique au droit à
avoir la meilleure santé possible et à accéder aux soins.

10.6.- En revanche et en particulier la Convention d’Oviedo pour la


protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à
l’égard des applications de la biologie et de la médecine adoptée par le
conseil de l’Europe le 4 avril 1997. C’est le premier instrument
international coercitif. Elle énonce une série de principes concernant la
génétique, la recherche médicale, le consentement de la personne, le
droit au respect de la vie privée et le droit à I’information, la pratique de
transplantation d’organes ainsi que l’organisation du débat public sur ces
questions, la Convention interdit toute forme de discrimination à
l’encontre d’une personne en raison de son patrimoine génétique et
n’autorise que des tests prédictifs des maladies génétiques qu’à des fins
médicales Les interventions sur le génome humain peuvent être
entreprises pour des raisons préventives et uniquement si elles n’ont pas
pour but d’introduire une modification dans les structures génétiques de
la descendance. L’utilisation des techniques d’assistance médicale à la
procréation n’est pas admise lorsqu’elle vise à choisir le sexe de l’enfant
à naître, sauf en vue d’éviter une maladie héréditaire grave, le texte fixe
également des règles relatives à l’exercice de la recherche médicale en
prévoyant des modalités précises, notamment pour des personnes qui
n’ont pas à capacité de consentir Il interdit la fabrication d’embryons
humains aux fins scientifiques et, dans les pays où la recherche sur les
embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci doit assurer une
protection adéquate de I’embryon

86
Le principe selon lequel la personne concernée doit donner son
consentement éclairé préalablement à une intervention clinique, anime
l’esprit de cette Convention Une intervention ne doit être effectuée sur un
individu n’ayant pas la capacité de consentir que pour son bénéfice
direct Le patient a droit de connaître toute information recueillie sur sa
santé, notamment les résultats des tests génétiques prédictifs. La
volonté d’une personne de ne pas être informée doit également être
respectée. La Convention interdit le prélèvement d’organes ou de tissus
non régénérables sur une personne n’ayant pas la capacité de consentir.
La seule exception concerne le prélèvement de tissus régénérables
entre frères et sœurs. La Convention d’Oviedo reconnait enfin
l’importance des débats publics et des consultations ouvertes en matière
de bioéthiques.

De fait, entré en vigueur en 1999, cet instrument international est devenu


le socle de l’ordre public européen en matière de bioéthique.

La Convention est très précise dans son article 3 sur l’accès équitable
aux soins de santé, dans son article 6 sur la protection des personnes
n’ayant pas la capacité de consentir, dans son article 7 sur la protection
des personnes souffrant d’un trouble mental, sur la non-discrimination à
partir des tests génétiques, sur la protection des personnes se prêtant à
une recherche et sur l’interdiction de la constitution d’embryon humain
aux fins de recherche (art. 18).

10.7. - La Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de


l’homme de I’ Unesco en 2005 reconnaît que la santé ne dépend pas
uniquement des progrès de la recherche scientifique et technologique,
mais également des facteurs psychosociaux et cultuels. Elle fait un enjeu
majeur des principes du consentement éclairé, de la non-discrimination,
de la non-stigmatisation, du respect de la vulnérabilité humaine et de I’
intégrité personnelle, de l’accès à des soins de santé de qualité, aux
médicaments essentiels, notamment dans l‘intérêt de la santé des
femmes et des enfants.

87
Ainsi peu à peu il apparaît que la précarité, la pauvreté sont des facteurs
majeurs de l’inégalité aux soins et que toute réflexion éthique doit
d’abord prendre en compte l’inégalité sociale, géographique,
économique et culturelle. Il s’agit de donner aux droits la possibilité de
s’appliquer.

Il a été constaté que les universités ne laissent aucune place à la


revendication de donner des droits à ceux qui ne les ont pas, et les
débats dits de bioéthique ne laissent qu’une place marginale aux
prérequis éthiques croissants35)

Chapitre 11. LA BIOÉTHIQUE : ENTRE ÉTHIQUE DE LA


CONVICTION ET ÉTHIQUE DE LA RESPONSABILITÉ

Pour comprendre certains débats de bioéthique, il convient de relever les


deux logiques diamétralement opposées qui guident leurs protagonistes.
Qu’on se rappelle d’abord la double dimension spéculative et
prescriptive de cette discipline. Elle est en effet à la fois une réflexion sur
les problèmes moraux, liés à une réflexion sur le vivant et ses
applications ainsi qu’un guide de conduites des professionnels et des
usagers du système de santé. C‘est dans sa dimension normative,
prescriptive que le champ bioéthique a été influencé par les deux
logiques en question qu’on peut appeler, suivant la terminologie du
sociologue allemand Max Weber (1864-1920), éthique de la
responsabilité et éthique de la conviction. Alors que cette dernière
privilégie les principes immuables provenant principalement des religions
(par exemple prohibition de l’avortement et de l’euthanasie au nom de la
sacralité de la vie), l’éthique de la responsabilité favorise, au moment de
prendre une décision, les conséquences pratique de l’action. Ainsi pour
cette éthique de la responsabilité, de manière limitée et sous certaines
conditions, la liberté de la femme doit primer sur la vie de l’embryon et
celle du malade sur l’obligation de soins du médecin. Les personnes
sont donc tenues responsables de leur choix et la loi ne doit intervenir

35)
D. SICARD, o.c., p.19.

88
que lorsqu’un comportement lèse un tiers. Pour l’éthique de la
conviction, par contre, ce n’est pas tant le consentement, l’absence de
préjudice ou le consensus du moindre mal qui constitue le gage de
légitimité d’une action, mais plutôt l’obéissance à des principes
transcendants. Cette soumission apparaît comme la seule garantie de la
moralité, indépendamment des conséquences pratiques qu’une telle
obéissance aveugle serait susceptible de produire.
Le débat bioéthique et ses conséquences pratiques ne sont très souvent
que le reflet de la tension entre ces deux logiques antinomiques et,
malgré le caractère laïc des sociétés contemporaines, l’appel aux
principes transcendants se substitue souvent à l’argumentation et à la
délibération démocratique. Ainsi la construction jurisprudentielle de la
notion de « dignité humaine » apparait. En France par exemple,
comme un fondement s’imposant à tous, compris contre la volonté de
l’individu qu’il est pourtant censé protéger. La confusion entre
eugénisme d’Etat, toujours condamnable, et certaines pratiques de
dépistage prénatales crée un climat culpabilisateur envers les femmes
qui décident de mettre fin à une grossesse pouvant aboutir à la
naissance d’un enfant handicapé...

Entre les deux extrêmes désignés comme courant constructiviste


(répondant à l’éthique de la responsabilité) et courant essentialiste ou
métaphysique (éthique de la conviction), on signale un troisième courant
qualifié de néo-traditionnaliste ou néoconservateur. Comme les courants
religieux, il s’attache à démonter et à dénoncer les abus de la science, le
« poison » de I’ individualisme, la marchandisation de l’humain et la
désintégration sociale produite par la modernité. Obsédé par la perte de
repères et les risques d’effacement de l’ordre traditionnel, la pensée néo-
traditionnelle se fait la gardienne de l’ordre établi, présenté comme une
structure anthropologique immuable.

On notera par exemple que l’opposition au mariage entre personnes du


même sexe, à la filiation homoparentale, à la gestation pour autrui, etc.
est commune à I’ Eglise et au courant conservateur.

89
Note de lecture : Un bon médecin n’a pas besoin de bioéthique
« Un bon médecin est …quelqu’un qui doit maîtriser des connaissances
scientifiques et capable d’évaluer la pertinence de leurs applications
d’un point de vue médical, mais aussi d’étendre les souhaits d‘un
patient ou de ses proches et, en concertation avec toutes les parties
concernées, de prendre une décision justifiée médicalement et
humainement. Il a donc certainement besoin de bioéthique » M.G.
(PINSART, o.c., p.92.)

90
CHAPITRE 12. BIOÉTHIQUE ET POSITION DES RELIGIONS

Sur certains problèmes posés par la Bioéthique, la position peut différer


selon les religions, pour ne parler que d’elles ici pour la part qu’elles
prennent dans les débats36).

1. L’Eglise catholique (de France)

Nous reprenons le point de vue des Evêques de France unanimement


exprimé par un groupe de travail et publié dans l’ouvrage évoqué plus
haut37) . Nous suivrons les thèmes traités par ce groupe et retenus dans
le cadre de la révision de la loi relative à la bioéthique 1. La recherche
sur l’embryon ; 2. Le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de
cellules ; 3. La recherche biomédicale et l’expression de consentement ;
4. Le principe d’indisponibilité du corps humain ; 5. L’assistance
médicale à la procréation médicalement assistée et I’anonymat du don ;
6. La question de la gestation pour autrui (« mère porteuse ») ; 7. Le
développement de la médecine prédictive ; 8. Recours au diagnostic
prénatal (DPN) et au diagnostic préimplantatoire (DPI). Les résumés
repris ici ne dispensent pas de la lecture attentive et de l’étude
approfondie de chaque chapitre. Nous terminerons par l’appréciation de
cette position de l’Eglise catholique en y ajoutant celles des autres
religions reconnues telles : protestante, juive, musulmane.

1. Recherche sur l’embryon et cellules souches (Résumé, p.38-


40)

La question de la recherche sur I’embryon humain est liée à la


perspective de développer une « médecine régénératrice qui aurait pour
but de traiter les maladies dégénératives, notamment celles du système
36)
Dans le petit ouvrage (L’éthique médicale et la bioéthique) qui nous donne une partie de la matière de ce
chapitre. Didier Sicard écrit ; « A chaque révision des lois dites bioéthiques, les parlementaires (Assemblée
nationale, Sénat, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) et le Conseil
d’Etat demandent à auditionner les représentants des religions. Aucune loi ne fait l’objet d’une telle
attention ». (p. 117)
37)
Mgr Pierre d’ORNELLAS e.a., Bioéthique. Propos pour un dialogue. Une contribution de l’Eglise catholique à la
réflexion en vue de la révision de la loi relative à la bioéthique. Paris. Desclée de Brouwer § Lethielleux, 2009.

91
nerveux, et de réparer des tissus ayant subi de graves lésions. Cette
médecine régénératrice utiliserait pour cela des cellules souches, qui ont
la caractéristique d’être non spécialisées et qui pourraient reconstituer
les tissus ou organes défaillants. Il en existe plusieurs types : les cellules
souches adultes, les cellules souches de sang de cordon, les cellules
souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites.
Malgré l’enthousiasme qu’il suscite, le développement de traitement à
court terme à partir des cellules souches embryonnaires n’est pas
radicalement envisageable dans l’état actuel des connaissances. Il pose
en outre de graves problèmes éthiques. En effet, leur utilisation suppose
la destruction d’embryons. Or, si l’on reconnaît en l’embryon, dès sa
conception un être humain, faisant partie de l’humanité, on ne peut le
traiter comme un matériau de laboratoire qu’on rejetterait après l’avoir
utilisé comme réserve de cellules. Ce serait une grave atteinte à sa
dignité. Il importe de rester en garde contre des artifices de langage
couramment utilisés aujourd’hui pour récupérer les objections d’ordre
éthique. Nombre d’entre eux se révèlent arbitraires, et cherchent à
masquer la réalité.

Chercher à obtenir des cellules souches par ce qui est désigné comme
le transfert de noyau » reviendrait non seulement à utiliser des embryons
humains pour la recherche, mais de plus, à les créer directement dans
ce but pour finalement les rejeter.
° En revanche, la recherche sur les cellules souches adultes et sur les
cellules du cordon ombilical ont déjà permis des applications
thérapeutiques encourageants pour des développements futurs. On doit
aussi évoquer les espoirs pour la thérapie cellulaire que suscitent les
« cellules souches pluripotentes induites » découvertes en 2006 par une
équipe japonaise ; elles retiennent désormais l’attention des
scientifiques ; car elles semblent avoir la plupart des propriétés des
cellules souches embryonnaires, sans poser de questions éthiques
particulières.

Il s’agit donc de prendre le recul nécessaire à une politique de santé,


réfléchie et équilibrée qui, sachant éviter le piège du scientisme,
92
+ trouvera une juste place aux perspectives de thérapie cellulaire, et à
d’autres champs du domaine bio-médico-social, à la recherche
pharmaceutique, au développement de stratégies médicales et de
structures médico-sociales adaptées, à l’accompagnement des
personnes et des familles concernées par les maladies dégénératives
+ évitera de privilégié l’intérêt particulier de certains patients par rapport
au bien commun de la société au niveau national et international.

2. Prélèvements et greffes d’organes de tissus et de cellules


(Résumé. p.55-56)

Ils sont « une nouvelle manière de servir la famille humaine », mais ils
posent de multiples questions éthiques car ils supposent une atteinte à
l’intégrité du corps humain. Un strict encadrement est indispensable pour
garantir le respect de la personne. Le consentement est essentiel ainsi
que la finalité thérapeutique de l’acte.

Les principes corollaires de la dignité de la personne humaine tels que la


non patrimonialité et l’indisponibilité du corps humain assortis de la
gratuité et de I’ anonymat du don doivent garder une place importante
dans le corpus juridique y afférant.

Les modalités de l’expression d’un choix libre et éclairé de la part de la


personne doivent également être renforcées.

La pratique du prélèvement d’organes sur « donneur à cœur arrêté »


pose des questions spécifiques qui n’ont pas encore été soumises à un
réel débat au sein de la société. Elle ne peut être développée avant que
ce débat ait eu lieu, et que la population ait été largement informée.
Sinon, la notion de consentement, même « présumé », qui est
essentielle, n’aurait plus de sens.

Le développement de greffes et d’organes ne doit pas se faire au


détriment de soins dus aux malades chroniques incurables et aux
personnes parvenues à un grand âge.
93
3. Recherche biomédicale et expression du consentement
(Résumé, p.67-68)

Le développement de la recherche Biomédicale sur l’être humain est


encadré par des règles éthiques internationales et des règles juridiques
nationales de protection et de respect des personnes. Ainsi, en France,
sauf exceptions prévues explicitement par la loi, aucune recherche
biomédicale ne peut être pratiquée sur une personne sans son
consentement libre et éclairé, recueilli après avoir délivré les
informations nécessaires à cette fin.

Les recherches biomédicales expérimentales impliquent une prise de


risque pour les personnes qui y participent. Or le consentement libre et
éclairé de ces dernières peut être altéré par leur espoir de guérison.

La protection des personnes impliquées et concernées par ces


recherches, et tout .spécialement les plus vulnérables, doit donc faire
l’objet d’une vigilance toute particulière.
° Il pourrait être opportun d’élargir le champ d’application de la loi à
toutes les recherches, études et investigations menées sur l’être humain,
et d’y inscrire les principes de respect pour la personne de sa dignité, de
son intégrité physique et mentale, ainsi que le droit au respect de sa vie
privée et de ses données privées.

Afin d’assurer une protection adéquate des personnes, il conviendrait de


préciser en outre le critère d’intérêt de la recherche par rapport à
l’évaluation des risques encourus

La frontière soins/recherche étant tenue, le renforcement de l’information


et des soins à garantir aux personnes malades serait utile

De manière plus générale, une amélioration de l’information et des


modalités du recueil du consentement au travers du développement de
guides de bonnes pratiques serait souhaitable, notamment en ce qui
94
concerne les populations vulnérables comme les enfants, les personnes
handicapées, les personnes âgées. De même il conviendrait
d’approfondir la réflexion sur les modalités de l’information et du recueil
de l’autorisation donnée par le représentant légal le tuteur, la personne
de confiance ou des membres de famille de la personne quand celle-ci
est sous tutelle ou mineure.

4. L’indisponibilité du corps humain (Résumé. P.81-82)

L’indisponibilité du corps humain est un principe ancien du droit dont le


respect concourt à la sauvegarde de la dignité humaine...

L‘existence du principe d’indisponibilité du corps humain traduit la prise


en compte... d’une vision « personnificatrice » du corps évitant de le
réduire un gisement de ressources biologiques librement cessibles. Ce
principe tient compte de l’unité du corps et de la personne en vertu de
laquelle vendre son corps reviendrait à se vendre soi-même et donc à
violer sa dignité humaine.

L’application de ce principe en droit français conduit à des solutions


différenciées selon la distance instituée entre le corps et la personne.

Lorsque le corps est identifié à la personne, il est indisponible : c’est ce


qui justifie la nullité des conventions de mère porteuse
Lorsqu’il s’agit d’éléments ou de produits du corps humain préalablement
séparés de celui-ci, le principe s’efface au profit d’une disponibilité
triplement restreinte :
1. Seuls les éléments et produits ayant donné lieu à un encadrement
spécifique peuvent être objets de cessions aux conditions posées
par la loi.
2. Seules les utilisations visant une finalité thérapeutique peuvent être
envisagées.
3. Ces cessions ne peuvent intervenir qu‘à titre gratuit et anonyme.

95
Ces règles permettent de concilier l’intérêt thérapeutique d’autrui et la
sauvegarde de la dignité humaine : leur abandon attesterait d’une
réification du corps humain.

Diverses pénuries sont souvent invoquées pour justifier l’aménagement


des règles protectrices de la dignité humaine aux lois du marché par
ajustement de l’offre à la demande : « ... Ces pratique se doivent être
considérées à l’aune de la primauté de l‘intérêt de l’être humain et du
respect de sa personne – corps et esprit, indissociablement-dans son
éminente dignité »

4. L’Assistance médicale à la procréation et l’anonymat du don


(AMP) (résumé, p.93-94)

L’AMP vise à remédier à l’infertilité de l’un des deux membres d’un


couple hétérosexuel par une technique qui permet la procréation « en
dehors du processus naturel ». Elle recouvre plusieurs techniques:
L‘insémination artificielle intra-utérine avec les spermatozoïdes du
conjoint (IAC) ou d’un tiers « donneurs (IAD) ; La fécondation in vitro
(FIV) avec transfert d’embryons « frais » ou après congélation, avec ou
sans donneur de gamètes extérieur au couple ; la fécondation in vitro
avec ICSI (intra cytoplasmic sperm injection) dans un ovocyte mature
d’un seul spermatozoïde sélectionné

Le développement des techniques d’AMP a conduit à la production, à la


congélation et à la destruction d’un nombre considérable d’embryons
humains

Le texte se réfère à l’arrêté du 11 avril 2008 lequel témoignerait d’un


commencement de prise de conscience du caractère inacceptable d’un
manque de respect Je I’embryon humain. En effet cet arrêté
recommande une limitation du nombre d’embryons constitués à la suite
de tentatives de FIV ; il impose de ne chercher à ne recueillir que peu
d’ovocyte, lorsque le couple demande, conformément à ce qui est prévu
dans la loi, qu’il n’y ait pas de recours à la congélation. Le respect de
96
l’embryon humain devrait conduire à poursuivre dans cette voie, et à
limiter le nombre d’ovocytes fécondés au nombre d’embryons qui
pourraient être transférés.

Le recours à un don de gamètes introduit un lien corporel avec un tiers


extérieur au couple en ce qui concerne la conception, et donc l’existence
même de l’enfant. Ce tiers ne peut qu’être présent dans l’imaginaire des
parents et de I enfant. La loi a jusqu‘à présent imposé l’anonymat des
donneurs de gamètes sans reconnaître à l’enfant le droit de connaître
ses origines. Cette règle est désormais contestée. Le législateur devra
prendre des décisions à ce sujet. La difficulté de cette décision témoigne
du caractère gravement problématique de la recherche d’une conception
par recours à un tiers donneur.

L’extension de l’accès à I ‘AMP aux personnes vivant seules, voire à des


couples formés de personnes du même sexe ajoutent aux problèmes
posés par le don de gamètes une totale distorsion des liens familiaux. et
mettrait profondément en cause les notions mêmes de maternité et de
paternité.

5. Une éventuelle législation sur la maternité pour autrui


(Résumé, p. 109-110)

Légiférer la pratique de « mère porteuse » créerait plus de problèmes et


de risques que cela n’en résoudrait. La gestation pour autrui ne prépare
pas le préjudice subi par l’enfant, mais l’organise pour remédier à la
souffrance d’un couple sans enfant. Elle ne tient pas compte des liens
créés lors de la période intra-utérine entre la femme enceinte et l’enfant,
et conduit à l’abandon de celui-ci, avec les séquelles et difficultés
identitaires qui en seront la conséquence.

Une telle pratique fait courir è la mère porteuse, en plus de risques


médicaux inhérents à toute grossesse, des risques psychologiques non
négligeables. Et de toute façon, la législation de la GPA (Gestation Pour
Autrui) ne pourrait régler tous les cas d’enfants nés de mères porteuse ;
97
°Cette législation bouleverserait les fondements mêmes du droit de la
filiation, avec pour conséquence immédiate une insécurité juridique pour
l’enfant abandonné, et pour conséquences plus lointaines un
changement radical ou une incohérence de ce droit.

La législation dc la GPA remettrait en question le principe juridique


fondamental d’indisponibilité du corps humain. La notion de simple
« dédommagement » risque fort soit de se révéler insuffisance, soit
d’attirer des femmes spécialement vulnérables…, ce qui conduirait à
l’exploitation de cette vulnérabilité et l’instrumentalisation du corps
humain.

6. La médecine prédictive. Les tests génétiques en médecine :


du diagnostic clinique à la médecine prédictive (Résumé. p.
130-132)

Un test génétique est « tout test scientifique réalisé pour obtenir des
informations sur certains aspects du statut génétique d’une personne ».
Les tests génétiques permettent d’appréhender la présence d’une
mutation ou d’une anomalie touchant l’ensemble des cellules de
l’organisme et pouvant être transmises à la descendance : il s’agit alors
d’une mutation héréditaire. Ils permettent également de déceler les
mutations sur le génome touchant quelques cellules de l’organisme : il
s’agit alors d’une mutation somatique non transmissible aux générations
suivantes… Les maladies génétiques peuvent provenir d’une anomalie
sur un gène ; on parle alors de maladie monogénique - ou d’une
variabilité touchant plusieurs endroits du génome et se déclenchant suite
à des facteurs environnementaux négatifs - on parle alors de maladies
multifactorielles (maladies cardio-vasculaires, psychiatriques, diabète
sucré, cancers, obésité, etc.)

L’objectif premier de la médecine prédictive est d’associer à la révélation


d’un risque une prise en charge médicale de la personne, ou des

98
examens répétés régulièrement de manière à repérer des signes qui
annonceraient l’apparition de la maladie.

Un suivi psychologique est indispensable pour accompagner la personne


dans son cheminement après l’annonce de ce risque

Tout test devrait être évalué avant commercialisation ou proposition par


les services cliniques. Ceci pose la question : qui décide de l’intérêt d’un
test ? Sur quels critères ? Comme le propose la méthode ACCE
(Analytic validityn Clinical validity, Clinical utility and associated Ethics,
legal and social implications), sont à prendre en considération la validité
du test, son utilité clinique, les moyens préventifs, thérapeutiques ainsi
que l’accomplissement psychologique et financier. Tout ceci peut être
mis en place au niveau collectif, les questions éthiques, sociales et
légales devront être également posées par une équipe pluridisciplinaire.

L’utilisation abusive des tests génétiques, voire leur mise à disposition


directe sur un marché non régulé, peut être très dommageable pour les
personnes. Les tests portant sur un risque plus élevé que dans la
population générale de développer une maladie multifactorielle sont,
pour la plupart, de peu d’utilité au plan individuel, tout en étant sources
d’anxiété et d’angoisse. Des entreprises commerciales étrangères
proposant des tests sans se conformer aux règles édictées à l’échelle
nationale, des campagnes d’information ainsi qu’une éducation de la
population sont nécessaires.
°La médecine propose désormais aux couples désireux de mettre au
monde un enfant un ensemble d’examens destinés à diagnostiquer
d’éventuelles anomalies génétiques ou chromosomiques de l’embryon
ou du fœtus. Cela conduit à l’élimination d’embryon après DPI
Diagnostic Préimplantatoire) ou du fœtus (après DPN Diagnostic
Prénaatal) en cas de forte probabilité de donner naissance à un enfant
atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue
comme incurable au moment du diagnostic. Les notions de « spéciale
gravité » et d’ « incurabilité » posent question, spécialement en ce qui
concerne les maladies qui se déclareraient à un âge avancé.
99
° Il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de campagne de dépistage
systématique généralisé de certaines anomalies génétiques, lorsque
manquent de véritables preuves du bénéfice d’une prise en charge
précoce des personnes en risque de développer la maladie
correspondante.
° Dans la décision de recourir ou non à des tests génétiques reconnus
comme médicalement pertinents, la liberté des patients et de leur famille
doit être sauvegardée. Sauf exceptions dûment légitimées, les tests ne
devraient jamais être considérés comme obligatoires. Cette liberté
implique une information complète, exacte et compréhensible sur les
modalités du test, l’interprétation du résultat et les possibilités de prise
en charge consécutive. En cas de diagnostic prénatal, devront être
clairement explicitées les possibilités d’aide et de soutien qui pourraient
être mises en place à la naissance d’un enfant malade ou susceptible de
le devenir.
7. Recours au diagnostic prénatal (DPN) et au diagnostic
préimplantatoire (DPI) (Résumé, p. 147)
Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales ayant pour but
de détecter in utero chez I ’embryon ou le fœtus une affection d’une
particularité gravité. II doit être précédée d’une consultation médicale
adaptée à l’affection recherchée ». Le diagnostic préimplantatoire est
effectué à partir des cellules prélevées sur l’embryon in vitro », lorsqu’a
été identifiée chez l’un des parents une anomalie conduisant à une forte
probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie
génétique d’une particulière gravité »
°Le DPN est une pratique éthiquement légitime voire souhaitable si elle
vise des mesures préventives et thérapeutiques pour le bien de l’enfant
à naître. La pratique du diagnostic en vue de déceler des anomalies
chromosomiques est sortie de ce cadre comme en témoigne les très
nombreuses interruptions de grossesse pratiquées pour motif médical
(IMG) auxquelles elle a conduit.
°Le DPI est une technique lourde pour les parents, coûteuse pour la
société et de faibles résultats. L’autorisation de cette pratique par le
législateur même limitée à des cas exceptionnels - porte atteinte au
principe éthique majeur de la mise au monde d’un enfant pour lui-même,
100
°Une extension des prescriptions et des modalités du DPN dans un but
autre que préventif ou thérapeutique pour le bien de l’enfant à naître, et
de celles du DPI, ne pourrait qu’accentuer une dérive eugénique déjà
présente dans notre société.
°Pour répondre à la souffrance des parents, il est urgent d’encourager la
recherche sur les maladies concernées plutôt que l’éradication des
malades.

II. LES AUTRES RELIGIONS

Telle qu’elle est présentée ici, la position de l’Eglise catholique est jugée
de « plus porteuse de refus que d’ouverture »38) ; mais elle est très
cohérente, fondée en particulier sur le respect absolu de l’embryon et de
la vie humaine ».

1. en effet l’église catholique :


- Rappelle qu’elle professe un « grand oui à la vie humaine, à la
valeur infinie de la personne humaine aimée pour elle- même
comme principe absolu ». Le premier droit est celui de la vie.
L’interdit de tuer, la dignité spécifique de la procréation humaine
fruit d’une sexualité ancrée dans l’amour humain au sein du
mariage restent fondateurs.
- Accorde une grande attention aux conséquences sociales des
choix législatifs (solidarité, vulnérabilité).
- Distingue la science à la recherche du vrai, de la technoscience,
plus sensible à la volonté de puissance et aux intérêts financiers
en jeu, conduisant à une discrimination génétique en particulier.
- Sans s’opposer frontalement à la fécondation in vitro, elle souhaite
limiter le nombre d’embryon à implanter.
- Reconnaît en l’embryon dès sa conception un être humain et
refuse la recherche dont il peut faire l’objet, en particulier lorsque
cette recherche est destinée à créer des lignées embryonnaires.

38)
Cf.D. SICARD, o.c., p., 118.

101
- Reconnait la mort encéphalique et apporte son concours à la greffe
d’organe.
- Prohibe la maternité pour autrui en fonction de I’existence du
principe d’indisponibilité du corps humain.
- S’interroge sur l’anonymat du donneur de gamètes comme
conséquences du tiers donneur et refuse l’aide de l’assistance
médicale à la procréation aux personnes seules en craignant aussi
les conséquences d’un élargissement au diagnostic
préimplantatoire ».

2. l’Eglise protestante est moins précise dans ses recommandations.


Si les Eglises évangéliques en particulier sont plus proches des
positions catholiques que libérales du protestantisme réformé et
que la position protestante sur la bioéthique est plutôt celle de la
liberté et de la responsabilité, dans l’ensemble, les protestants sont
moins précis sur le respect de l’embryon dès sa conception et
s’interrogent davantage sur la relation de cet embryon avec sa
mère au moment de son accueil, à sa relation à Dieu qu’à son
statut ontologique. Ils sont plutôt réservés sur l’acharnement
procréatif, mais ils ne sont pas hostiles à I’AMP en réclamant plus
des droits pour l’enfant que des droits à l’enfant. Leur position sur
les greffes d’organe est celle qui existe dans la loi et ils se méfient,
comme les catholiques, d’un réductionnisme génétique.
3. La religion juive part du postulat du choix a priori de la vie et de
l’éloignement du magnétisme de la mort qui est par essence
«« impure». Les juifs ont une conception progressive de
l’animation de l’embryon avant quarante jours. La recherche peut
donc théoriquement en disposer in vitro jusqu’à cette période. Ceci
ne signifie nullement que I ’avortement est licite jusqu’à quarante
jours, car I’embryon est protégé in vivo dans l’utérus de sa mère.
L’acte d’avortement demeure un acte de mort donc impur. Les juifs
ne sont pas opposés à l’assistance médicale à la procréation. Mais
l’importance de la filiation juive, en particulier maternelle milite
contre l’anonymat et les donneuses de gamètes. Le diagnostic
préimplantatoire est considéré comme une manifestation
102
contemporaine de I’« eugénisme ». Si le respect du corps impose
sa protection absolue, le respect de la vie encourage les greffes
d’organe. La fin de vie ne doit pas faire l’objet d’une interruption
brutale décidée en fonction de tel ou tel critère, mais la vie doit être
respectée jusqu’au bout. L’indignité est liée au regard critique qui
est projeté sur la dignité de la personne. Il n’y a pas de valorisation
de la souffrance et les soins palliatifs sont encouragés.
4. L’Islam aborde les questions de l’éthique médicale en s’appuyant
sur les fondements de sa religion. Ses références, le Coran et la
Sunna du prophète Mahomet. Pour l’Islam, l’homme n’est pas
propriétaire de son corps ni le corps des autres hommes, car ils
appartiennent au Créateur. Ainsi il est interdit de tuer les hommes
et de se suicider. La qualité d’homme commence au moment de
l’insufflation de la vie dans le fœtus et finit à l’apparition des signes
avérés de la mort. A chaque situation qui pose une question de
bioéthique, les spécialistes sont appelés à chercher si, dans le
Coran et dans la tradition du prophète, le cas en question est
explicité. Sinon, ils cherchent si un cas semblable a déjà fait l’objet
d’études accompagnées de solution. S’il n’est fait nulle part
mention du cas en question, on se fie alors à la jurisprudence. La
personne humaine a donc un caractère sacré et I’inviolabilité du
corps humain vivant s’étend au cadavre avec une interdiction de
l’incinération. Le don d’un organe pour sauver un parent malade ou
un ami est considéré comme un acte de charité dans la tradition
islamique. Mais ce don ne peut être accepté que s’il n’y a pas
d’autres moyens de sauver la vie du receveur. Après la mort, le
prélèvement n’est pas interdit, mais il doit avoir fait l’objet d’un
consentement explicite et les héritiers doivent donner leur accord.
Dans le domaine de la procréation, un enfant doit être issu d’un
homme et d’une femme unis pur un contrat de mariage. Le Coran
n’admet que la filiation biologique. Une grossesse obtenue avec un
sperme qui n’est pas celui du mari équivaut à un adultère.
L’avortement est interdit, mais un avortement thérapeutique avant
les 12O jours est permis et même après, s’il s’agit de sauver la vie

103
de la mère, l’islam interdit l’euthanasie active qui est assimilée à un
homicide volontaire.
5. En conclusion, nous retiendrons que dans l’ensemble ces positions
des religions se retrouvent dans un consensus pour respecter la
vie et son début, même si les modalités de ce respect sont plus ou
moins absolues. L’Eglise catholique est celle qui a souhaité, par la
loi, un encadrement très strict de la science, faisant d’elle la cible
des critiques des rationalistes, en se référant sans cesse à une
transcendance, comme d’ailleurs la plupart des autres religions.

104
CHAPITRE 13. MEDECINE ET RELIGION

Tout en relevant de l’Anthropologie culturelle, nous proposons ce dernier


chapitre comme un complément au chapitre précédant qu’il englobe
cependant en quelque sorte, s’intègre ainsi une étude faite à partir d’un
problème posé par les étudiants en médecine qui s’est formulé comme
suit : « Foi chrétienne et croyance ancestrale dans la pratique africaine
de la médecine et du traitement des malades ». J’ai perçu le problème
comme celui de la pratique médicale telle qu’elle est exercée aujourd’hui
selon les principes issus de la science médicale (serment Hippocrate) et
dans un contexte culturel, tel que celui de l’Afrique, où peut-être une
autre pratique médicale ou une autre façon de traiter les malades
exigerait du médecin un effort d’inculturation pour mieux répondre à sa
vocation.

Avant d’arriver à répondre à ce problème, il nous a semblé utile de


l’inscrire dans cet ensemble des rapports entre Médecine et Religion.
Quelques questions de bioéthique, sinon d’éthique médicale, peuvent
ainsi trouver écho dans le conteste africain où les débats sur cette
matière semblent être absents, non sans doute par manque d’intérêt,
mais peut- être par manque de moyens et de volonté politique qui puisse
promouvoir et soutenir la recherche scientifique dans les domaines qui
ont affaire avec la Bioéthique.

Pour aborder maintenant le thème de notre chapitre, notons de prime


abord que s’il y a unité de l’humanité, elle se manifeste, de toute
antiquité, dans la conception que la plupart des hommes se font de la
maladie. A quelque religion qu’ils appartiennent, l’observation - aussi la
révélation - leur a montré que les maladies n’avaient pas une origine
univoque, mais provenaient, soit des causes naturelles, soit
d’interventions surnaturelles. Et même, en ce qui concerne les causes
naturelles, souvent une infraction à la morale divine était à la base du
mal. Ainsi la médecine ne pouvait se passer d’être religieuse.

105
1. Dans les religions anciennes

Il en est ainsi clans les religions chaldéennes et assyriennes où la


médecine paraît avoir été sacerdotale et magique et les maladies sont
l’œuvre des démons; en Perse avec le Mazdéisme39) ; en Inde avec la
médecine brahmanique nettement incorporée à la religion et la maladie
considérée soit comme l’œuvre d’un génie malfaisant, soit comme un
châtiment que Dieu infligeait aux coupables dans les religions Extrême-
Orient (Tibet, Chine, .Japon)40) ; dans les religions du Moyen-Orient
(Egypte, Grèce, chez les Juifs et Musulmans); dans les religions
occidentales, à Rome particulièrement où presque tous les dieux avaient
une importance médicale et avaient leurs prêtres associant, à des
degrés divers, les pratiques religieuses et la médecine naturelle.
Bref, dans toutes ces civilisations, on voit toujours une médecine
populaire, tantôt empirique, tantôt superstitieuse et magique, évoluer
parallèlement à la médecine officielle, celle-ci se trouvant le plus
souvent, par la force des choses, incorporée au sacerdoce.

Entre autres éléments, on peut souligner le fait que, d’une part, l’esprit
polythéiste de toutes ces religions tend à donner une origine mythique à
diverses sciences ; d’autre part, des théories philosophiques attribuent à
la santé ou à la maladie, une origine essentiellement, surnaturelle. De là
une médecine conjuratoire sans caractère scientifique. On n’en est pas
loin à la conception africaine de la maladie et de la mort qui ne sont
jamais « naturelles ».
39)
La médecine y sacerdotale et de caractère religieux avec la croyance en un dieu principe du bien (Ormuzd ou
Ahur-Mazda) et un dieu principe du mal (Ahriman ou Angra Mainya) on y denombre 99 999 maladies, toutes
filles d’ahriman, et lancées contre les hommes par le demon tauru chacun est personnifiée par un genre. L’art
du médecin consiste à les empêcher de nuire pour cela, il lui faut une science enorme qu’il ne acquérir que par
la lecture des livres
40)
Au Tibet ce sont des génies, moitié divins, moitié humains, mais particulièrement mauvais, qui ont inventé
les maladies pour faire souffrir les hommes et les dieux qui, quoique immortels, ne sont pas exemple de
souffrir. La médecine essentiellement conjuratoire, est pratiquée par les prêtres, qui, selon les cas emploient le
grand ou le petit exorcisme. En Chine On évoque ici confucius (551-479 av. JC) dont la doctrine a continué la
médecine sacerdotale déjà existante avant lui, avec trois grades sacerdotaux les maladies sont cataloguées en
trois scrupuleuses listes, et distinguées en graves, moyennes et bénignes soignes respectivement par des
prêtres de la première, de la deuxième et de la troisième classe. Avec lao-tse on vit apparaitre une médecine
astrologique et alchimiste les astrologues proclamaient l’efficacité des astres, mais derrière les astrologues et
les alchimistes, apparaissent des thérapeutes et des sorciers qui prétendent guérir les malades au nom de
l’absolu.

106
Sur ce point la conception Biblique semble nettement différente. Nous
allons l’examiner brièvement avant d’en venir à la pratique chrétienne et
africaine de la maladie.

II. Dans la Bible

Il y a, dans la Bible, mention de maladies et d’infirmités courantes et


naturelles pour lesquelles on aura recours aux médecins dont le
ministère est voulu par Dieu41)).
• Parmi les maladies naturelles, il y’a la lèpre qui engendre impureté au
point de vue religieux. Elle entraine isolement du malade hors du champ.
La Bible distingue nettement entre la maladie et l’impureté religieuse : la
maladie guérie, l’impureté n’est pas supprimée de ce fait.
2. Certaines fonctions physiologiques comme les rapports sexuels, les
règles, accouchement entrainent une impureté temporaire42). Au point
de vue religieux, certaines affections ou infirmités avaient une grande
importance, en créant une incompatibilité plus au moins définitive, plus
ou moins complète avec les fonctions sacerdotales.
3. IL est aussi questions des maladies d’origine surnaturelle, soit
diabolique, comme les ulcères, ou les maux, dont le démon frappe le
saint homme Job43), soit divine comme les ulcères des Egyptiens44) ou
comme les maux dont sont menacés, dans le Deutéronome, les
contempteurs de la loi divine45). A ces maladies supranaturelles,
répondent les prières et les sacrifices. Le médecin cède évidement
complètement le pas au prêtre dans de tels cas.
4. On trouve un autre ordre des faits qui réunit médecine et religion.
Une maladie naturelle se voit guérie par intervention surnaturelle, soit
qu’il y ait l’intermédiaire d’un agent physique, comme le fiel du poisson
qui rendit la vue à Tobie46), ou les sept bains dans le Jourdain qui

41) )
Cf. Ecclésiastique, 33. 1-7
42)
Lév. XV
43)
Job II
44)
Exode IX
45)
Deut. 18, 21-61
46)
Tobie, XI

107
guérirent Naaman de la lèpre47) soit que la guérison se fasse sans action
matérielle, telles la résurrection du mort jeté dans le sépulcre d’Elisée48)
et la guérison par Elie de l’enfant de la veuve de Sarepta49)).

Les différents auteurs qui ont étudié la médecine dans la Bible sont
partagés en deux opinions. Pour les uns, les prescriptions mosaïques
avaient un caractère exclusivement religieux : pour les autres, ce
seraient des préoccupations hygiéniques qui auraient guidé le
législateur, Qu’en penser ?

Ce qu’il faut dire. C’est que la Bible s’est tenue sur le terrain
essentiellement religieux. L’Ecclésiastique, qui cite les préparations de
plantes susceptibles de rendre la santé, en parle comme d’un bienfait de
Dieu dont bénéficie la science humaine, mais ne donne aucune formule.
En fait, ayant pour but de conserver la race juive, dépositaire du culte du
vrai Dieu, jusqu’à l’avènement du Messie, la législation mosaïque,
conforme à l’origine divine et à la nature humaine, était forcément
hygiénique.

III. La médecine et le christianisme

Dès sa naissance, le christianisme se trouve placé sous les auspices de


la charité vouée au soin des malades. Aussi voit-on la communauté
chrétienne de Jérusalem choisir parmi les membres les plus qualifiés
sept diacres qui, è côté d’autres devoirs, devaient s’occuper en première
ligne du soin des malades et des pauvres. Cet exemple fut suivi par
d’autres communautés. Mais d’autres fonctions s’ajoutèrent à celles
primitivement assumées par les diacres. A côté d’eux se formèrent des
Associations de veuves, souvent recrutées dans les hautes classes de la
société, qui se consacrèrent au soin des malades et à diverses œuvres

47)
Rois V
48) )
Rois, XIII
49)
Rois, XVII

108
On sait que parmi les premiers convertis se trouve Luc le médecin, le
compagnon de saint Paul et un de quatre évangélistes ; en plus le
martyrologue des premiers siècles de I’Eglise est rempli de noms de
médecins dans la seule persécution de Dioclétien, on trouve une dizaine
de martyrs canonisés appartenant è la profession médicale. Sans
compter, dans ces premiers siècles de nombreux médecins qui seront
des prêtres, moines, évêques et même pape comme saint Eusèbe (vers
300-371), et qui associeront à leur ministère sacré, l’exercice de leur
première profession...

Dans la suite, on a vu naître et se développer des hôpitaux auprès des


évêchés et des monastères... Saint Jérôme (1481-1537 : mort en
soignant des pestiférés) nous dit que Sainte Fabiola fonda, en Italie, le
premier hôpital pour les pauvres en 380.
Saint Basile (329-379), qui avait étudié la médecine à Athènes, fonda è
Césarée de Cappadoce, vers 369, un hôpital célèbre qui sers un de
modèle à ceux dont chaque évêché fut pour en Orient dès le Veme
siècle.

Les couvents ont presque tous, outre l’infirmerie destinée è leurs


membres, un hôpital des pauvres pour les étrangers. Cassiodore (468-
552) recommande aux moines la lecture des ouvrages d’Hippocrate, de
Galien, de Dioscoride. Saint Benoit (480-547), en fondant son ordre vers
529, recommande avec sollicitude le soin des malades. En fin, les
conciles ou les règles des ordres religieux leur font un devoir de la
construction et de l’entretien d’hôpitaux, tel le premier synode tenu en
742.

La médecine du Moyen Age continue sans interruption la médecine


gréco-romaine dont les moines recopient les manuscrits et les grandes
écoles, les universités qui vont être créées, certaines sous l’impulsion
des papes, abriteront chacune une faculté de médecine…

C’est au XIIIème siècle qu’on verra la médecine devenir peu à peu une
science complètement laïque, celle dont la pratique et I’enseignement
109
n’étaient venus aux mains des clercs que par la force des circonstances,
et qui avait donné lieu à ce point de vue, à maintes réserves et
restrictions de la part de I’ Eglise.

Mais même lorsque les fondations d’hôpitaux seront faites par des laïcs,
ou les autorités civiles, c’est presque toujours, et pendant longtemps,
l‘esprit chrétien qui les inspirera... C’est que, religieux ou laïcs, il ne
saurait y avoir pour les chrétiens qu’un seul esprit devant la souffrance,
celui du christ qui pleure sur Lazare et qui a dit : « En vérité, je vous le
dis, ce que vous ferez à l’un de ces frères qui sont les miens, à l’un des
plus petits… c’est à moi-même que vous l’aurez fait »

C’est ce qui est rappelé aux médecins par le magistère de I’ Eglise, à


maintes circonstances, comme on peut le voir dans des allocutions que
le Pape Pie XIl avait faites aux différents membres de profession
médicale.

« Depuis que l’homme a été sujet à la maladie, nombreux ont été ceux
qui se sont préoccupés de l’assister, dans la mesure où les temps et les
moyens le permettaient. Mais les édifices proprement dits, construits en
vue d’hospitaliser et d’assister les malades, ont fait leur apparition plus
tard. Et cela, il ne faut pas l’oublier, grâce â la charité universelle laissée
en héritage à I’ Eglise par son divin fondateur … De nos jours, ce
problème, comme bien d’autres, intéresse aussi ceux qui étaient restés
longtemps indifférents et absents. Bénis soient leurs efforts et bienvenus
soient ceux qui, dans la grande maison de l’humanité souffrante, veulent
prêter leur concours. Cependant, que personne ne pense que l‘Eglise
puisse abandonner sa tâche maternelle de réconfort aux malades et à
ceux qui souffrent : personne, en effet, ne saurait la remplacer
entièrement dans sa mission au chevet du malade qui a non seulement
un corps. mais aussi une âme réclamant souvent plus de soins que le
corps lui-même »50) .

50)
PIE XII, Allocution aux religieuses hospitalières, La double obligation de religieuses d’hospitalières, 24 avril
1957. Documentation Catholique, n° 1252, du 26 mai 1957, col. 649-655, dans les malades : qu’en pense

110
Vous apportez dans la chambre du malade et sur la table d’opération
quelque chose de la charité de Dieu, de l’amour et de la tendresse du
Christ .Le Maîre-médecin de l’âme et du corps. Cette charité n’est pas
un sentiment superficiel, qui manquerait de résolution, elle n’écrit pas un
diagnostic pour plaire ou se faire bien voir, elle est aveugle aussi bien
aux séduisants atouts de la richesse qu’au misérable et déplaisant
aspect de la pauvreté et du dénuement : elle est sourde aux invités
d’une misérable passion qui chercherait une coopération dans le mal.
Car elle est amour qui embrasse tout l’homme, un être qui est frère en
humanité, et dont le corps malade est vivifié encore par une âme
immortelle que tous les droits de la création et de la rédemption lient à la
volonté de son Divin Maître. Cette volonté est écrite clairement pour
ceux qui désirent la lire : d’abord dans la fin essentielle que la nature a
manifestement attribuée aux organes humains, puis de façon positive,
dans le Décalogue. Cet amour sincère exclura toute raison, si grave soit-
elle, qu’on pourrait avancer pour autoriser un patient ou un médecin à
rien faire ou conseiller qui contreviendrait à cette volonté suprême »

IV. La croyance ancestrale dans la pratique africaine de la médecine


et du traitement des malades.

Venons-en maintenant à la pratique africaine où nous retrouvons à la


base de cette croyance selon laquelle il n’y a pas de maladie et de mort
naturelle. Pas seulement d’ailleurs pour la maladie ou la mort, mais pour
l’ensemble des phénomènes, si l’on en croit certains anthropologues.
« Le noir, disent deux d’entre eux, n’admet pas le phénomène naturel. Il
n’a jamais essayé de comprendre le processus de l’existence humaine,
les véritables connexions causales et lois naturelles. Les explications
que l’on peut donner à la procréation, à la maladie, a la mort n’ont pas
davantage préoccupé son esprit que l’origine de constellations célestes,
le décroit de la lune et la succession des périodes sèches et pluvieuses.
Pour lui, chaque événement de la vie et la santé, et la maladie et la mort,

l’Eglise. Choix de textes de Pie XII. Commentaire et documentation par J.-M Robert (documentation Catholique)
Paris. Bonne Presse

111
représentent des actes de reconnaissance ou de vengeance des
invisibles »51)

Concernant proprement la maladie, les auteurs poursuivent : « Mawu


Wété : Dieu l’a châtié. Dit-on au Togo, d’un homme qui tombe malade.
Le Noir en effet rattache tous les états de la physiologique à leur
correspondant dans l’au-delà. Embusqué derrière le moindre malaise
comme derrière la mort, il y a « celui qui en est cause ». Un hibou crie au
crépuscule, une femme l’entend et meurt dans la nuit ; sans aucun doute
c’est le hibou qui l’a tuée, car en cet oiseau se cache un vilain génie
(…) »52)

Kimpianga Mahaniah qui étudie la Maladie et la guérison en Milieu


Kongo fait le même constat en d’autres termes : « la maladie n’est pas
simplement le résultat du dysfonctionnement d’un organe, provoqué par
une cause matérielle, mais peut être due aussi a une force intangible :
Dieux, esprits locaux et ancêtres ». Mais dans la distinction de trois
catégories de maladie, l’auteur parle de « maladie normale », perçue
comme organique ou fonctionnelle, causée tout simplement par la nature
et pouvant être soignée : avec des produits pharmaceutiques provenant
en grande partie des plantes, des animaux et des minéraux.

Il est vrai que cette catégorie est quantité négligeable au regard des
maladies dites « anormales », survenant brusquement, ou après
plusieurs cas d’infortunes qui apparaissent à côté d’une suite
d’événements malencontreuses, ou causées par autrui (épilepsie,
certaines formes de folie). Elles sont considérées : 1) comme « l’effet, le
témoignage ou le signe d’une tension ou des conflits sociaux parmi les
membres de la communauté ou encore d’un déséquilibre rituel entre le
monde des ancêtres et celui des vivants » ; 2) comme ayant pour base

51)
C. GARNIER et J. FRALON, Le fétichisme en Afrique Noire (Togo-Camerount) avec 30 dessins de Ray Bret
KoCH. (Bibliothèque scientifique). Paris, Payot. 1951, p. 103
52)
Mais compatissant ou condescendant les auteurs justifie cette attitude : « il est plus simple évidemment et
moins fatigant pour l’esprit, de ne pas sonder les problèmes de la nature et de croire à l’action permanente et
inéluctable des fétiches, des esprits et des dieux. Après tout, devons-nous voir peut-être là un acte d’humilité
de foi envers les traditions acceptées depuis des millénaires »

112
« la transgression d’une règle ou d’un interdit par le malade ou par un
membre du clan ; 3) comme étant la conséquence d’une initiation du
patient à la « magie »’ et au « fétiche » ; le résultat d’une action de la
sorcellerie et de l’envoûtement …53)

Tout ce qui indique qu’une causalité de la maladie-même normale


semble-t-il- n’est jamais naturelle, En effet, si les causes naturelles ne
sont pas niées (nourriture insuffisante, chaud ou froid, choc ou accident,
piqûre u morsure. empoisonnement, agents pathogènes divers), elles
sont cependant réduites au avenu de causes « conditionnantes »54)

Ce qui est sûr est que, quelle soit normale. anormale ou surnaturelle, la
maladie englobe toutes les dimensions de la vie humaine (biologique.
psychologique ou spirituelle, sociale et culturelle) et de ce t’ait elle peut
être soignée avec des produits pharmaceutiques et
psychothérapeutiques.

Nous avons ici un point de confrontation entre la médecine moderne,


scientifique qui ne tel lent sous eut que la dimension physique ou
biologique et la médecine traditionnelle qui se veut intégrale et qui. de
ce fait, est en parlait accord avec conception chrétienne du traitement de
malades. De part et d’autre, en effet, on a une médecine qui se veut
humaine, une santé intégrale. Au niveau du discours l’enseignement de
I’ Eglise est très explicite sur ce point. Ecoulons encore le Pape Pie XII :

« Avant tout, disait-il allocution, que le praticien considère l’homme tout


entier, dans L’unité de sa personne, c‘est-à-dire non seulement son état
physique, mais aussi sa psychologie, son idéal moral et spirituel et la
place qu’il occupe dans son milieu social »55) Et tout cas pour le Saint

53)
Cf. Kimpianga MAHANIAH. La Maladie et la guérison en milieu Kongo Essai sur Kimfumu Kinganga Kingunza
et Kitobe Kinshasa de vulgarisation Agricole, 1982, p.28.
54)
Cf. LV Thomas et R. LUNEAU, la terre africaine et ses religions. Traditions et changements (Sciences
humaines et sociales). Paris, Larousse, 1957, p. 240.
55)
Pie XII, Allocution de circonstance aux membres de l’Union internationale contre le cancer, Diagnostic du
cancer, cancer du corps et cancer de l’âme. Documentation Catholique n°1233, du 2 septembre 1956 col. 1093-
1098, dans les malades : qu’en pense l’Eglise ? p. 46.

113
Père, la médecine qui veut être vraiment humine doit aborder le malade
intégralement, corps et âme (…) »56))

De la sorte. «en même temps que la guérison des corps avec les
problèmes déjà ardus qu’elle pose, il faut affronter les difficultés
psychologiques et sociales... »57). Et il rappelle au médecin chrétien qu’il
agit certes directement sur les corps, mais sur des corps animés d’une
âme immortelle spirituelle et, en vertu du lien mystérieux mais
indissoluble entre le physique et le moral, il n’agit efficacement sur le
corps que s’il agit en même temps sur l’esprit58)

Sur ce point où elle rejoint la foi chrétienne, la pratique de la médecine


africaine dans le traitement des malades accuse sa particularité: le
traitement d’une maladie n’est pas seulement le rétablissement du
patient dans son état organico-physique, mais aussi la recréation de
l’ordre caractérisé par une harmonie sociale et I équilibre rituel.

Ce qui justifie la pluralité et plus encore la diversité des acteurs qui


interviennent dans le traitement des maladies. Ainsi en Milieu Kongo, il y
a des pharmaco thérapeutes (mbuki), les psychothérapeutes (chef
consacré-mfumu-mpu ; nganga-nkisi. Nganga-ngombo, nganga-
makwende, nganga-mpodi. Nganga-kitomi. Nganga-nkuya, nganga-
kinkimba) et les spiritopsychothérapeute (ngunza).

Aussi, variable selon le type de maladie, sa gravité et la nature du


guérisseur, la thérapeutique négro-africaine compose-t-elle diversement
trois dimensions principales :

56) Discours
de circonstance au « symposium sur les affections des vaisseaux coronaires » lors de l’inauguration de
la « Maison du soulagement de la souffrance », les maladies cardiaques, la douleur, l’homme et la maladie.
Documentation Catholique, n°1228, 24 juin 1956, col. 782-786. Ib., p. 54.
57)
Ibid., p. 56-57.
58) ème
ID., Allocation aux membres du 4 congrès international des médecins catholiques. Les normes chrétiennes
de la déontologie dans le domaine de la fécondation artificielle. CH-SS-Documentation catholique, n°1054, du
23 octobre 1949. Col 1345-1355. Ibid., p.47.

114
Une action médico-magique qui suppose une connaissance du pouvoir
des plantes. On a dit à ce sujet que la pharmacopée indigène s’avère
souvent d’une prodigieuse richesse et d’une indiscutable efficacité...59)

Une action psycho-morale. Comme la maladie résulte d’une faute, la


démarche vise à la purification et à la réparation-sacrifice pour obtenir la
guérison-pardon : le malade doit avouer publiquement et, intégralement
ses fautes, les réparer sur son corps (coups, flagellations, brimades
diverses parfois cruelles), devant la société (car il doit mériter sa
réinsertion dans le groupe dont il s’est mis au ban par ses actes
délictueux) et devant les ancêtres gardiens de I ordre social et les dieux
claniques (offrandes, sacrifices).

Une action ici religieuse : la réparai ion, la purification et la réconciliation


suppose un rite sacrificiel qui s’achève dans un repas collectif, symbole
de l’union retrouvée.

On ne s’étonnera pas que devant un tel système socio-culturel quelque


auteur ait pu écrire : « NuI groupement humain n’a peut-être jamais fait
autant pour assurer le parfait équilibre et le plein épanouissement de ses
membres que la collectivité noire traditionnelle». En effet en rapport avec
la thérapeutique, la société négro-africaine est apparue comme une
société prévenante qui : 1° intègre et veille sur l’homme lors des
moments critiques de son existence (rites de passages) : 2° prend en
charge sa maladie et singulièrement ses troubles psychiques ; 3°
multiplie les voies de salut sous forme de conduites apaisantes ou
d’institutions équilibrantes = rapports tension/détente »60)

Tous, aspects que la médecine moderne ne semble pas encore avoir


intégrés dans sa pratique. Ce à quoi elle est invitée, si elle veut être
humaine comme cela est fort recommandé aujourd’hui, qu’on a
redécouvert l’unité psychosomatique de l’homme.

59)
R. LOWIE, Manuel d’anthropologie culturelle. (Bibliothèque scientifique). Paris, Payot, 1936. P. 362-363
60)
L.V. THOMAS et R. LUNEAU, o.c., p

115
116
Conclusion

Terminons notre propos par nous référer à la mentalité magique qui


semble caractériser la pratique africaine du traitement des malades. Par
rapport à la maladie, cette mentalité consiste à ne pas lui en chercher
une cause une « naturelle » et au recours à des procédés qui ne sont
pas scientifiques, au sens moderne du terme, à des pratiques
superstitieuses. Mais nous avons vu que cette mentalité n’est pas
qu’africaine et je crois qu’on peut s’en débarrasser avec une bonne
éducation intellectuelle et une formation scientifique. Si ce n’est pas ma
tante qui croit que le mouvement saccadé que fait sa sœur est un jeu de
marracasse dans une cérémonie de nkita, d’autres pourront bien
comprendre les explications d’un médecin selon lesquelles cela est dû à
des convulsions locales, les nerfs ayant été attaqués.

Quand avec ses Nkisi mi Bakulu un Ludiongo61) (il n’est pas le seul dans
le monde des ecclésiastique comme dans le monde laïc) vous conseille
de vous traiter vous-mêmes avec les plantes médicinales, il ne fait que
vous décrire, sans formules magiques, le dosage et le mélange des
plantes et d’autres ingrédients.

C’est qu’on peut exploiter la si riche pharmacopée africaine de façon


purement scientifique, loin de tout recours aux fétiches, ancêtres et
dieux ; loin de la pratique superstitieuse où, par exemple, les
« médecines » sont fabriquées avec des rognures d’ongles, des écailles
de poissons, des queues de lézards, des crânes d’oiseaux, la poudre de
cornes grillées, du sang séché, etc… : sans cérémonies liturgiques
(immolations, offrandes, paroles secrètes, formules abracadabrantes) ou
mise en scène, comme extraire la maladie sous forme d’objets : cailloux,
insectes, épines …, faire passer la maladie dans une plante ou dans un
animal)62). Faut-il que ce soit des Chinois ou des Indiens ou des
61)
Cf. Abbé LUDIONGO NDOMBASI, Nkisi mi bakulu. Roma, 1984. Il retient 140 maladies qu’il se propose de
soigner avec une combinaison dosée de plantes, herbes, feuilles, racines, écorces, fruits (citron), champignons,
etc. L’ouvrage est traduit en français par frère F. LUKOKI LUYEYE, sjk, Médecine traditionnelle kongo Nkisi mi
Bakulu (Afrique et développement, 19) Kinshasa, Université Catholique du Congo, 2011.
62)
Cf. L.V. THOMAS et R. LUNEAU, o.c., p. 243.

117
Coréens, ou des Américains, à venir nous construire des usines
pharmaceutiques ?

Note de lecture
« L’anthropologie médicale négro-africaine - qui n’en est encore qu‘à ses
balbutiement nous paraît constituer une démarche fondamentale non
seulement parce qu‘elle peut apporter beaucoup à la thérapeutique
scientifique de l‘occident (après avoir rejeté non sans mépris les «
pratiques indigènes », la médecine coloniale singulièrement la
psychiatrie-a dû ultérieurement, reconnaitre leurs mérites et composer
avec elle) mais encore et surtout parce qui elle révèle beaucoup de
choses sur la pensée religieuse (voire la philosophie) du Négro-africain »
(L. V. THOMAS et R. LUNEA U, oc., p.238)

Annexe I. Législation sur le clonage dans quelques Etats63)

Pays Existence d’une Clonage Clonage non


législation reproductif reproduction
nationale
Allemagne Oui (1990) Interdit Autorisé
Autralie Oui (2002) Interdit Interdit
Belgique Oui (2003) Interdit Autorisé
Canada Oui (2004) Interdit Autorisé
Chine Non Circulaires Circulaires
ministérielles ministérielles
l’interdisant l’interdisant
Corée du sud Oui (2003) Interdit Pas de règle
Danemark Oui (1997) Interdit Interdit
Etats-unis Non, mais Interdit
certains Etats
disposent d’une
législation
France Oui (2004) Circulaires le Interdit avec
prohibant dérogations
exceptionnelles
Inde Non Interdit Pas de règle
Irlande Non, mais Interdit Interdit
l’article 8ème
amendement de
la loi
constitutionnelle
de 1983 interdit
toute recherche
sur l’embryon

63)
Pour les deux tableaux ci-dessous, N/LEMAS, o.c., p. 197-198 et 206-207.

118
Israël Oui (1999) Moratoire Autorisé
Italie Oui (2003) Interdit Autorisé
Japon Oui (2000) Interdit Autorisé
Mexique Oui (1997) Interdit Interdit
Pays-Bas Oui (2002) Interdit moratoire
Royaume Uni Oui (2001) Interdit Autorise sous
conditions
Russie Oui (2002) moratoire
Thaïlande Non

Annexe 2. Législation sur l’euthanasie dans quelques Etats

Etat Euthanasie active Euthanasie passive Directives


et suicide anticipées
médicalement (notamment pour
assiste limiter
l’acharnement
thérapeutiques)
Allemagne Non Non (suicide
médicalement
assisté toleré
Belgique Dépénalisée (2002) Oui Oui (arrêté de 2003)
sous conditions
(demande
consciente,
volontaire et
informée, situation
insupportable)
Canada Non Tolérés dans
certaines provinces
Etats-unis Non (district of Acceptés par la cour
columbia l’autorise suprême (Oregon :
pour les patients en suicide
phase terminale (- médicalement
2008) assisté depuis 1997
pour les patients
capables d’ingérer
les médicaments
mettant fin à leurs
jours)
Espagne Oui (respect absolu Oui (idem)
de la volonté du
patient
France Non Oui (2005) sous Oui
forme de refus de
l’echarnement
thérapeutique et de
la possibilité de
prescrire des

119
médications qui ont
pour but de soulager
la souffrance et
indirectement de
hâter le décès
Italie Non (crime) Non Non
Luxembourg Dépénalisée par une Oui Oui (testament de
loi de février 2008 vie)
(en première
lecture ; confirmation
en attente)
Pays-Bas Oui (2003) Oui Oui
Royaume-Uni Non Non Non
Suisse Oui (si le mobile est Oui (le patient doit
« non égoïste » ingérer lui-même la
prescription létale)

Annexe 3. Les religions et l’embryon (actualité des religions, n.26-avril 2001)

Quand commence la vie ? Voici la réponse à laquelle répondent des représentants de


certaines traditions religieuses sollicités. Certains d’entre eux, des protestants et des
bouddhistes, n’en ayant pas d’officielle, ont élaboré leurs réponses à partir des données de
leurs doctrines concernant l’origine de la vie.

Catholique Protestant Orthodoxes Juifs Islam Bouddhism


s s e
avortement Très Possible Interdit sauf Autorisé Interdit. Interdit
fermement en cas de dans des avant le L’embryon sauf pour
refusé ; la détresse, situations de 40ème jour, recèle une des cas
vie dans la détresse (vie en cas promesse extrêmes,
humaine majorité de la mère d’indicatio de vie dans
commence des en danger) n humaine l’intérêt de
dès la Eglises thérapeuti la mère ou
conception protestant que s’il y a de
es graves
risques
pour
l’enfant
Insémina- Refusé Autorisé Interdite Interdite Refusé Autorisé
tion par la en règle parce que
artificielle majorité générale s’opposan
avec des t à la loi
donneur Eglises naturelle
protestant
es
Don Refusé Autorisé interdit Interdit en Refusé Autorisé
d’ovule par la règle parce que
majorité générale s’oppo-
des santt à la
Eglises loi
protestan- naturelle
tes
Féconda- Refusé Autorisé Autorisé s’il Autorisé Autorisé Autorisé à

120
tion in vitro par la n’y a pas s’il n’y a s’il n’y a condition
(bébé majorité don d’ovule pas don pas don qu’il n’y ait
éprouvette) des Eglise ou de d’ovule ou d’ovule ou pas
Protestant sperme (Fiv de de sperme d’embryon
es homologue) sperme (Fiv s
(Fiv homologu surnumérai
homologu e) res. Ce qui
e) et si la n’est pas le
preuve cas pour
catégoriqu l’instant
e d’une
nécessité
médicale
a été
établie
Embryons Refus de Congélati Pas de Congélati Conservat Congéla-
surnumérai toute forme on position on ion tion et
res de admise, officielle destruc- interdite, destruction
féconda- mais tion et sauf en interdites
tion in vitro palier à la manipulati cas de
menant à stérilité du on à « nécessi-
la création couple caractère té
d’embryon bénéfique absolue »
s autorisées engageant
surnumérai la
res. Refus responsab
de la ilité du
conservati médecin
on des
embryons
Expérien- Très Doivent Interdites, Autorisée
En Refus de
ces sur fermement être l’embryon s, principe créer des
l’embryon refusées stricte- est un être l’embryon
interdites, embryons
ment humain en en tolérées si à cette fin.
encadrées perspective, éprouvet-
elles sont Mais c’est
et avoir il ne peut te le ne seul la moins
une visée être bénéficie
moyen mauvaise
thérapeuti considéré pas de
offert par utilisation
que comme un droits de
la science pouvant
objet ni protection
pour être faite
comme un accordés
sauver des
produit à des vies embryons
commercialis l’embryon
ou traiter surnumérai
able in utero
une res en
anomalie stock
Clonage Très Envisagea Le clonage Autorisé Le Interdit, le
humain à fermement ble au cas d’une cellule comme clonage début de la
fins refuse, par cas, ou d’un tissu tout autre d’une vie
thérapeutiq l’embryon dans est autorisé. acte cellule ou commença
ues ne pouvant l’intérêt du Le clonage thérapeuti d’un tissu nt dès la
être progrès d’un individu que à est féconda-
assimilé à de la est caractère autorisé. tion
un pur médecine condamné bénéfique Le
matériau et sous clonage
de son d’un

121
recherche, contrôle individu
même à est
visée condamné
thérapeutiq , quel
ue qu’en soit
l’objectif
Clonage Très Condam- interdit Autorisé Très Autorisé
humain fermement né mais en cas de ferme- sur réserve
reproductif refusé, quelques stérilité ment de non
comme Eglises avérée et interdit. modifica-
tout mode laissent définitive L’homme tion du
reproductif une porte des époux ne peut patrimoine
qui n’est ouverte pas se génétique
pas le fruit substituer
de la au
relation Créateur
sexuelle pour
entre un donner la
homme et vie
une femme

122
BIBLIOGRAPHIE SELÉCTIVE
Nous reprenons ici uniquement les ouvrages sur la bioéthique que nous
avons utilisés directement dans la composition de notre cours et qui sont
en permanence dans notre bibliothèque. Nous ajoutons l’ouvrage de
Sébastien MUYENGO MULOMBE que nous n’avons pas pu avoir en
main.
BORRILLO.D., Bioéthique. Textes présentés par. (A savoir). Paris,
Editions Dalloz, 2011.
D’ORNELLAS, P. (Mgr), e.a., bioéthique. Propos pour un dialogue. Une
contribution de l’Eglise Catholique à la réflexion en vue de la révision de
la loi relative à la bioéthique. Paris, Desclée de Brouwer/Lethielleux,
2009.
HOTTOIS, G., Qu’est-ce que la bioéthique ? (chemins philosophiques).
Paris, J. Vrin, 2012.
JONAS, H., Le droit de mourir. Traduit de l’allemand par Ph. IVERNEL.
(Rivages poche/petite bibliothèque, 196) Paris, Payot/Rivages, 1996
ID., Pour une éthique du futur. Traduit de l’allemand et présenté par
S.CAMILLE et Ph. IVERNEL. (Rivages Poche/petite Bibliothèque, 235)
Paris, Payot, 1998.
ID., Le Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation
technologique. Traduit de l’allemand par Jean GREISCH (Champs, 402)
3ème édition, Paris, Flammarion, 2003.
KANANGA MASALA, e.a., La bioéthique, origines, enjeux et défits.
Actes de la deuxième matinée philosophique. Jeudi 10 juillet 2009.
Revue Congolaise de Philosophie (2009), n°2.
LEMAS. N., Bioéthique : une nouvelle frontière des valeurs ?
(Transversale Débats) Paris, Ellipses, 2009.
MUYENGO MULOMBE., Ethique et génie génétique. Préface de Dr
Evariste LIKINDA B. (foi-science-conscience, 4) Kinshasa, Presses
Universitaire du Sud, 2004.
NGIMBI NSEKA, H., Ethique et intersubjectivité. Essai sur les
fondements philosophiques de la vie en société. Préface de l’abbé Stany
KANGUDI (Recherches philosophiques Africaines, 28), Kinshasa,
Facultés Catholiques de Kinshasa, 2001.

123
PINSART, M.-G., Idées reçues. La bioéthique. (Sciences et techniques,
191) Paris, le Cavalier Bleu, 2009.
SICARD D., L’éthique médicale et la bioéthique. (Que sais-je ? n°2422).
3ème édition mise à jour, Paris, PUF, 2013.
Biologie, médecine et éthique, Textes du Magistère catholique réunis et
présentés par Patrick VERSPIEREN s.j., Paris, Le Centurion, 1987.
BOURGEOIS P.et BUTTNER Y., La Bioéthique pour les nuls, L’essentiel
pour tout comprendre, Paris, First, 2O2O.

124
Appendice : Quelques questions pouvant aider à revisiter le cours
1. Pourquoi éthique plutôt que morale dans bioéthique
2. La bioéthique est considérée comme un « produit de culture nord-
américaine ». Y-a-t-il quelques raisons qui expliquent cela ‘?
3. Vu ses conditions d’émergence aux Etats-Unis et en Europe, la
Bioéthique ne semble pas pouvoir avoir droit de cité en République
Démocratique du Congo en particulier et en Afrique en général.
Est-ce votre avis ? Expliquez-vous.
4. Malgré son caractère pluridisciplinaire, la Bioéthique se présente
comme une éthique médicale. Dites ce que vous en pensez.
5. Qu‘avons-nous à faire avec une bioéthique, nous autres médecins
qui avons déjà notre déontologie médicale depuis Hippocrate ?
6. Est-ce vrai qu’un bon médecin n’a pas besoin de bioéthique ?
7. Quelles questions éthiques posent a. L’avortement ; b. le
diagnostic prénatal ; c. le diagnostic préimplantatoire’? Appréciez
les réponses qui sont données.
8. Quelles questions éthiques peuvent poser les prélèvements et les
greffes d’organes de tissus et de cellules ?
9. De quoi s’agit-il dans le débat sur le statut juridique de L’embryon ?
Que gagne-t-on à y distinguer entre cellules souches totipotentes,
cellules pluripotentes et cellules multipotentes ?
10. Que pensez-vous de l’euthanasie ? Ou peut-on revendiquer le
droit de mourir ?
11 . Quels problèmes éthiques pourraient poser la violation du
principe d’indisponibilité du corps pour autrui ?
12 . A quoi servent les tests génétiques ? A quelles questions
éthiques conduisent-ils ?
13 . Que pensez de la maternité pour autrui ?
14 . Qu’est-ce que le principlisme ?
15 . La bioéthique a-t-elle affaire avec le droit ?
16 . Quel rôle joue dans l’histoire de la bioéthique le code de
Nuremberg ?
17 . Sommes-nous déterminés par notre code génétique ?
18 . Le vivant est-il brevetable’?
19 . Faut-il continuer à interdire le clonage ?
125
20 . Dans quels domaines pouvez-vous envisager un apport positif
de la médecine traditionnelle sur la médecine moderne ?
21 . Entre médecine et religion, peut-il y avoir quelque rapport ?
22 . Indiquez clairement les étapes qui ont conduit à la Déclaration
d’Helsinki ?
23 Le professeur BARNARD déclarait : « limiter l’application de la
technologie médicale […] signifierait réduire les possibilités
d’aider les patients dans le futur ». Qu’en pensez-vous ?
24 . Deux approches philosophiques sous-tendent la bioéthique.
Parlez-en brièvement.
25 .Vous avez été nombreux à stigmatiser la situation liée au refus
de la transfusion motivé par les convictions religieuses. Quelle
attitude conviendrait-il d’adopter ?
26 .Quels sont les ingrédients qui ont présidé à la naissance de la
bioéthique dans le creuset américain ?
27 . En quoi l’environnement se rattache-t-il à la bioéthique ?

Fait à Mbanza-Ngungu, le 25 janvier 2022.

Prof. Abbé Pierre NTIAMA NSIKU

126

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