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2.5- Philosophie comme réflexion et critique.
Toute œuvre philosophique a pour point de départ la réflexion. Etre philosophe, c’est
réfléchir sur le savoir, le questionner et se questionner soi-même. La réflexion est une sorte
d'élaboration de la pensée résultant d'un examen des actes ou des faits par un retour sur soi-
même »1. La réflexion philosophique consiste en un retour sur soi-même de l’esprit, de la
pensée. C’est se réinterroger sur la connaissance, sur sa connaissance. Cela fait de la
connaissance philosophique, une connaissance non du premier degré mais du second degré, une
connaissance de la connaissance, un savoir du savoir. Edmund Husserl déclarera à ce sujet
que : « quiconque veut vraiment philosopher devra une fois dans sa vie se replier sur soi-même
et, au dedans de soi, tenter de renverser toutes les sciences admises jusqu’ici et tenter de les
reconstruire ». Une telle démarche est essentiellement critique en ce sens qu’elle conduit à se
méfier des certitudes, des évidences premières, des réponses toutes faites.
Bien que le philosophe ait devant lui une tradition, un passé, une histoire dont il ne peut
se passer – la tradition philosophique en l’occurrence les théories, les systèmes philosophiques
– il est appelé à en prendre connaissance non dans le but de s’incliner devant elle (ie cette
tradition) ou d’en faire acte de commémoration, mais de s’en emparer comme outils « en vue
d’élaborer sa propre pensée »2 comme l’écrit Hegel. La pensée philosophique est un fond sans
fin qui prend une forme donnée en un moment précis chez un théoricien donné. Mais ces
théories ne sont que « des réponses possibles et jamais définitives »3. La philosophie n’est de
ce fait qu’« une tâche inachevée et ouverte sur l’infini ». L’attitude philosophique, marquée par
une exigence de réflexion critique, de questionnement et de vérité qui a pris corps avec le
miracle grec, consiste à prendre appui sur les œuvres des devanciers et à oser ensuite les re-
penser soi-même. Tout cela fera dire à Emmanuel Kant qu’« il n’y a pas une philosophie que
l’on puisse apprendre. On ne peut qu’apprendre à philosopher ». Nous pouvons dire en bref
que, contrairement à l’attitude naturelle marquée par la naïveté, l’absence de critique, de
questionnement qui consiste à considérer tout ce qui est, comme une évidence, en se renfermant
dans un dogmatisme orgueilleux et fanatique, la philosophie, même face à ce qui peut être
considéré comme acquis, interroge. Pour le philosophe, les questions sont plus importantes que
les réponses (Cf. Jaspers : toute réponse en philosophie donne lieu à une nouvelle question. Ce
qui fait que la philosophie « se trahit elle même lorsqu’elle se dégénère en dogmatisme c'est-
à-dire en un savoir mis en formule, définitif et complet »).
Exercice d’entraînement
Qu’est-ce que la philosophie ?
LA SOPHISTIQUE
1
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2
Hegel, Précis de l’encyclopédie des sciences philosophiques.
3
Hegel
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séduire mais, qui ne comportent que des arguments fallacieux, faux. Pire encore, Protagoras
d’Abdère qui est l’une des figures illustres de ce courant affirmait que « l’homme est la mesure
de toute chose, de celles qui sont, de celles qui ne sont pas, qu’elles ne sont pas ». Ce faisant, il
semble, selon Platon, réduire la sensation, la connaissance des choses à la simple appréhension
individuelle. Tout devient relatif.
Cette large utilisation des paralogismes et surtout leur « sens aigu du relativisme » ont
conduit Platon à faire en sorte que « le nom même de « sophiste », qui signifie « savant » (…)
soit devenu synonyme de possesseur d’un faux savoir, qui ne cherche qu’à tromper, et faisant
pour cela un large usage du paralogisme ». écrit Romeyer Dherbey.
La philosophie est une discipline assez spéciale qui n’a ni un objet d’étude au singulier
ni une seule méthode. S’il est vrai que sa façon de procéder repose généralement sur le
questionnement, ce dernier a plusieurs manifestations, conformément aux différentes
représentations de l’objet étudié.
3.1- Objet
D’un point de vue global, on peut dire que la philosophie a pour objet le réel ou l’être,
mais aussi le non être. Seulement, ces deux objets ont de différentes manières de se présenter
selon les époques. La philosophie reste donc fille de son temps. Elle tient toujours compte de
toutes les valeurs spirituelles de son temps soit pour les approuver soit pour les réfuter
occasionnant leur transformation.
A ses débuts dans l’univers de la Grèce Antique, la philosophie était orientée vers la
nature. Les premiers philosophes portaient leur attention essentiellement sur la nature « physis »
et cherchaient à rendre intelligible par la raison l’origine et les transformations naturelles. C’est
ainsi qu’ils furent conduits à questionner le principe premier (Archè), l’élément originaire qui
serait cause et raison d’être de tout. Plusieurs hypothèses sont à retenir dans cette investigation
des Philosophes :
pour Thalès, c’est l’Eau ;
L’Apeiron (traduisant : l’infini, l’indéterminé, l’illimité) pour Anaximandre ;
L’Air pour Anaximène ;
Le Feu pour Héraclite ;
L’Etre pour Parménide ;
Le Nombre pour Pythagore ;
Empédocle parle des quatre premiers éléments (Terre, Eau, Air, Feu) en relation avec l’Amour
et la Haine : l’Amour entre ces éléments donne naissance aux astres en harmonie dans
l’univers ; la Haine entre eux donne les êtres particuliers ;
Anaxagore évoque le Noùs (l’Intelligence ou la Raison) ;
Les Atomes pour Démocrite.
La philosophie était carrément à ce moment de la Physique.
Avec Socrate dont la préoccupation fondamentale est la connaissance de l’homme
(faisant sienne la formule inscrite sur le fronton du temple de Delphes « homme connais-toi,
toi-même ») et sa conduite dans la cité, la philosophie va devenir Ethique ou Morale (les deux
termes ne traduisant qu’une même réalité à l’époque).
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Avec des auteurs comme Platon, Euclide de Mégare, Zénon de Citium, l’objet de la
philosophie sera le raisonnement en jeu dans ses deux premières manifestations (ie la physique
et la morale) : elle devient de la Dialectique ou la Logique.
Un peu plus tard dans l’histoire, la philosophie chez des auteurs comme Hobbes et
Rousseau, aura pour objet la conduite de la cité, de la société : elle sera donc de la Politique ou
de la Philosophie politique.
Pendant qu’elle s’occupera des sciences et de leur évolution, comme dans les travaux
de Bachelard, elle renvoyait, comme on l’a dit plus haut, à l’Epistémologie.
Mais dans la mesure où la philosophie s’intéresse à des questions relatives à l’existence,
la destinée humaine (comme dans les travaux de Jankélévitch), la condition humaine, la mort,
Dieu, le paranormal, ou tout simplement de ce que Kant appelle le noumène, on parlera de la
philosophie comme étant de la Métaphysique. Etc.
En bref, l’objet de la philosophie est le réel. Et par réel, il faut entendre ce qui existe
non seulement concrètement de façon palpable (l’homme, les faits sociaux, …), mais aussi à
l’état d’idée ou imaginaire (la justice, la vertu, la liberté, l’âme, Dieu …).
3.2- Méthodes
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– c'est-à-dire « l’art d’accoucher les esprits ». La maïeutique entretient de ce fait un lien étroit
avec la réminiscence.
- Doute cartésien
Depuis qu’il a été noté le détachement de la philosophie des sciences, la question qui
est posée est celle de savoir les relations qui existent entre elles et la philosophie.
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Descartes, Discours sur la méthode. 4
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Bien que la littérature soit d’avantage tournée vers l’inspiration et l’imaginaire, elle
puise de la philosophie le sens de la rédaction logique et de la clarification des concepts. La
philosophie inspire le littéraire dans ses engagements pour des causes diverses : la littérature
engagée.
Exercice d’application
Résolution
Au premier abord, on peut dire que la philosophie et la science se distinguent l’une de l’autre
sur plusieurs plans.
La science au sens étroit du terme (ie au XXe siècle), est toute discipline cherchant à
ramener les phénomènes observés par le moyen de l’expérimentation et de la mesure. Elle
permet de chercher la cause qui appelle les effets des phénomènes à l’existence afin de les
prévoir et les contrôler. Elle n’est jamais figée ; elle est en perpétuelle élaboration. La science
est cosmocentrique (elle ne s’occupe que de la matière sensible ou du phénomène) et cherche
les lois qui lient un phénomène à un autre. Quant à la philosophie elle est dite, depuis Socrate,
anthropocentrique. Elle s’intéresse bien sûr à la matière, mais aussi et surtout à l’esprit. C'est-
à-dire, pour parler comme Kant qu’elle traite et du phénomène et du noumène. En d’autres
termes, elle traite des choses matérielles comme la science et des choses spirituelles ou
imaginaires (Dieu, liberté, vie…) à la différence de la science.
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Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances 5
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- Au niveau de la méthode
Il faut dire que c’est au niveau de la méthode que les deux disciplines se divergent le
plus. Le scientifique pose la question : comment ? (comment fonctionne la chose afin d’en tirer
des lois qui la contrôlent, et s’arrête là). Alors que le philosophe pose la question : pourquoi ?
Par cette question, la philosophie cherche à trouver ou à justifier la raison d’être, le premier
principe ou le fondement de la chose. Il faut aussi ajouter que la science procède par
expérimentation alors que la philosophie procède par interrogation et analyse du discours. Le
philosophe ne va pas au laboratoire ; du moins pas à l’instar du scientifique.
Les résultats des sciences sont pratiques et exactes (cf. les prouesses accomplies en
médecine, physique, math, aéronautique, transport, communication, etc.), même si des fois c’est
temporairement. Alors que ceux du philosophe ne sont pas pratiques telle qu’on peut entendre
pratique dans le domaine de la science. Ils sont plus théoriques. La philosophie est spéculative,
parlant des sujets métaphysiques qu’elle aborde. Mais cet écart qui s’étend entre la philosophie
et la science ne peut-il pas être conflué ?
Il est possible de voir une certaine collaboration entre ces deux disciplines selon des
raisons que voici : d’une part, que ce soit la science ou la philosophie, c’est la raison qui est le
baromètre suprême de toute analyse. La preuve est qu’au départ, toutes les formes d’analyse du
réel étaient l’œuvre du philosophe (les Présocratiques, Thalès, Pythagore, etc., étaient de
grands scientifiques) depuis l’Antiquité. C’est avec le temps que plusieurs domaines de la
connaissance se sont émancipés de la philosophie pour se spécialiser. C’est le cas par exemple
des mathématiques, de l’astronomie, de la physique, de la biologie. Cependant, en s’émancipant
de la philosophie, ces sciences sont parties avec l’héritage de leur mère : la raison.
D’autre part, les deux disciplines se complètent. En effet après que les sciences se sont
émancipées de leur mère, celle-ci est devenue une épistémologie. C'est-à-dire que la science est
devenue l’un de ses objets d’étude. La philosophie se met à analyser les méthodes et les résultats
de la science. Selon surtout qu’avec son développement, la science a occasionné de nouveaux
problèmes sur beaucoup de plans (comme la menace nucléaire, les guerres sont de plus en plus
meurtrières, réchauffement climatique, disparition de la biodiversité, déforestation,
amincissement de la couche d’ozone, avortement, mère porteuse, insémination artificielle, bébé
éprouvette, euthanasie, mariage pour tous, etc.). On dirait que la science fournit la matière à
discuter à la philosophie. En effet la science pose pas mal de problèmes que le philosophe essaie
de soulever et de tenter de résoudre. Le philosophe passe alors pour la lanterne de la science.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », remarquera Rabelais. D’où se notent des
points de convergence entre ces deux disciplines.
3- Spécificités
Tout bien considéré, même si la science semble plus pratique et plus pragmatique, la
philosophie n’est pas du reste car ses recherches et l’application de ses résultats sont
importantes dans la conduite des problèmes sociopolitiques concrets (cf. l’application des
thèses des théoriciens du contrat : Hobbes, Rousseau, Kant ; les différentes recommandations
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des bio-éthiciens et des éthiciens de l’environnement, etc.). Il faut surtout insister sur le fait que
le point central vers lequel convergent fondamentalement ces deux corps de savoir, c’est le bien
être de l’homme sur terre. Et pour cela, au lieu d’entretenir un rapport de conflit entre ces deux
disciplines, ce en quoi excellent les scientistes, il vaut mieux se rendre à l’évidence de leur
complémentarité et travailler à la consolider.
D’une façon générale, deux positions se dégagent lorsqu’il s’agit d’évoquer le rôle de
la philosophie dans la société. Il y a ceux qui la perçoivent comme une activité purement
abstraite et spéculative et ceux qui la considèrent comme indispensable pour l’humanité.
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Selon les propos de Descartes. 7
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Platon, Gorgias.
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L’ethnophilosophie est définie comme la façon de penser, de voir, d’agir d’une ethnie,
d’un peuple, d’une région donné. Parler de l’ethnophilosophie c’est faire référence de façon
spécifique à une vision du monde propre à l’Afrique caractérisée par les coutumes, les traditions
les croyances, les proverbes… A ce niveau se pose un problème, celui de savoir s’il existe une
manière de penser singulièrement, typiquement africain. Les approches sont divergentes sur la
question.
L’Afrique n’ayant ni histoire ni culture et civilisation, elle ne saurait avoir par ricochet
de systèmes de pensée, de philosophie. Ces approches empruntes de racisme font de l’homme
africain un être enveloppé par les ténèbres de l’ignorance. C’est ainsi que pour Lucien Lévy-
Bruhl par exemple l’africain n’aurait qu’une « mentalité prélogique », sans capacité de penser.
Selon cette logique, l’africain ne posséderait pas la raison ou dans le meilleur des cas ne saurait
l’utiliser. Idée que semble corroborer cette idée de Senghor : « l’émotion est nègre et la raison
Hellène». Ce qui fait que : « l’Afrique noire, (…) est le pays de l’enfance, qui au-delà du jour
de l’histoire consciente est enveloppée dans la couleur noire de la nuit »8 écrira Hegel.
Contre cette première thèse qui rend l’homme africain incapable de penser, de
philosopher, une deuxième affirme l’existence d’une forme de pensée africaine qu’on pourrait
nommer, philosophie africaine. Au nom de l’universalité de la raison, le Père Placide Tempels
auteur de La philosophie bantou et Alexis Kagamé auteur de La philosophie bantou comparée
affirment que l’Afrique a une vision complète de l’individu au sein de sa société et dans le
monde. Ils disent par ricochet que l’Afrique dispose d’un système de pensée, de philosophie.
3- La résultante
A l’encontre de ces deux tendances qui tournent autour de pour ou contre une
philosophie africaine, Paulin Hountondji refuse toute coloration géographique de la
philosophie. La notion de philosophie ne saurait être réduite à une simple vision du monde.
Philosopher suppose un ensemble précis de démarches rationnel éminemment critique. En ce
sens, il ne saurait y avoir une philosophie propre à l’Afrique différente de celle européenne. La
philosophie spontanée ne saurait être la philosophie. Il n’y a pas de philosophie dans la tradition
et croyance africaine. Il y a tout au plus une forme de pensée. Philosopher n’est pas exhumer
une tradition.
Conclusion
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Hegel, Leçon sur la philosophie de l’histoire 9
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Sujets de réflexion
1-La philosophie est-elle faite pour élever ou pour exiler ?
2-La réflexion philosophique est-elle étrangère au monde ?
3-Peut-on prendre le sens commun pour la philosophie ?
4-Que pensez-vous de cette affirmation de Gourant : « le philosophe n’est plus aujourd’hui un
savant mais un spécialiste de philosophie » ?
5-Maurice Blondel écrit : « l’attitude philosophique c’est non la saturation intellectuelle mais
une ouverture d’esprit ». Que pensez-vous de cette affirmation ?
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