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Bodart Ophélie

Histoire de la philosophie
Epoque contemporaine

Didier Debaise
Sylvain Delcomminette
Odile Gilon
Arnaud Pelletier

[TRAN-B100]

_________________________

Université Libre de Bruxelles

2017-2018
Introduction
La philosophie contemporaine ? En quoi elle se distingue de celle des autres
époques ? 5 axes, obsessions, particularité se retrouvant parfois de manière
implicite dans d'autres époque, mais qui sont fondateur dans l'époque
contemporaine :

a) Axe généalogique

Généalogie = méfiance, questionnement sur les enjeux implicites cachés (donc


plus efficace) de ce que les concepts/idées prétendent être. On interroge les
idées/concepts en demandant ce qui se trouve sous le concept, qu'est ce qui s'y
trame. Quels sont les intérêts ? Les valeurs ? Les enjeux politique sous le
concept ?

Par exemple, la connaissance : qu'est-ce que connaitre ? Qu'est-ce qu'une


connaissance vraie ou fausse ? La philosophie s'est posé massivement cette
question, de manière continue, se demandant qu'est-ce que connaitre. Mais la
pratique généalogique consiste à dire qu'en posant la question comme ça, on
aura que des réponses superficielles. Il y a des question plus sérieuses,
profondes et inquiétante : qui veut connaitre ? Qui est intéressé par la
connaissance ? Qui la veut ? Pourquoi il la veut ? Qu'est-ce qu'il cherche ?
Comment connait-il quelque chose ?

→ Approche généalogique on part d'un postulat : qui, quoi, pourquoi et


comment. Il y a des réponses qui ne peuvent être que des questions de
pouvoir, de conflit et de valeurs.

Quel pouvoir peut-il tirer de la connaissance ? En vue d'amplifier un pouvoir. Et


comment constitue-t-il un pouvoir ? Comment il acquière la connaissance ?

La philosophie rompt avec l'approche du « qu'est-ce que », en cherchant des


questions plus profondes.

Nietzsche dira que ce qui a le plus manqué à la philosophie, c'est l'art de la


méfiance, se méfier de ce qui semble aller de soi dans certain concept. Connaitre
quelque chose c'est mieux de ne pas la connaitre ? Rechercher la vérité est plus
importante que rester dans l'erreur ? La vérité aurait une valeur positive, il vaut
mieux connaitre qu'être ignorant, la certitude serait plus fondatrice que
d'autres modalité d'expérience.

→ Comment la certitude est devenue suprême ?

On interroge les fonctions de pouvoir, les valeurs, les conflits, une trame en
deçà du concept. Avec des tensions sous le concept, des conflits de valeurs...

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b) Axe de l'historicisation des concepts

Ça ne veut pas dire faire l'histoire d'un concept, revenir en arrière et faire toutes
les étapes d'un concept. Mais interroger les fondements historiques des
concepts (croyances, connaissance, liberté...). Comment les concepts sont liés
à une histoire, et surtout à l'histoire de l'occident. On les historicise et on les
localise.

Le concept de vérité à tel moment, se déploie dans tel histoire et se retrouve à la


fin dans tel histoire... C'est l'histoire des occidentaux dans leur relation aux
autres civilisations.

Pour des penseurs, pour Descartes ou Kant, la connaissance de la vérité que


se veut universellement et indépendamment de toute
historisation. Maintenant on remet ça en question. C'est valable pour les
ensembles des idées et des concepts à notre disposition.

c) Axe de la critique radicale des systèmes

Surtout les systèmes abstraits. La philosophie a eu un goût immodéré, naïf dans


les puissances de l'intelligence à créer des systèmes. Elle a cru que l'intelligence
était nécessairement le lieu de l'expérience suprême, le lieu qu'il fallait
valoriser au détriment des sentiments, des affects, des sensations, de la pluralité
des manières de faire l'expérience. L'intelligence était le lieu de fondation de
légitimité de toute expérience... En explorant cette intelligence, en voyant ses
qualités, ses composantes, la philosophie pensait pouvoir créer des systèmes en
disant ce qu'est le réel, le monde... Comme si de la pure intelligence on pouvait
sortir le monde, le réel, et l'expérience.

La philosophie contemporaine remet radicalement cette idée en question.


Met en avant d'autres rapport au monde qui ne passe plus seulement par
l'intelligence. Des concepts qui ne seraient plus seulement articulé ou construit par
l'intelligence.

d) Axe de la grande remise en question de la subjectivité

Le statut du cogito, du sujet pleinement possesseur de lui-même, l'idée que


l'homme se caractérise par un accès à la subjectivité. Et c'est sur ce fond qu'il
rend compte de son expérience.

Ce rapport est remis en question maintenant. La subjectivité est une pure


fiction, une convention qui nous permet de nous présenter simplement. Nous
permettant d'être des sujets politique compte tenu d'une réalité collective. Mais
la subjectivité en tant que tel ne désigne rien. Rien dans notre expérience ne révèle
un « je » pure délié de sa mémoire, ses sensations, son expérience...

« Je » = convention langagière.

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e) La distinction de la pratique philosophique, scientifique et artistique

Nécessité de la distinction des pratiques. Ce problème devient essentiel,


déterminant (même s'il avait déjà été abordé bien avant). La distinction se porte
sur 3 pratiques de création :

• Les sciences comme création (>< découverte) des fonctions

• Les arts comme des création de percept et d'affects, des manières de


percevoir et d'être affecté

• La philosophie n'est plus découverte et contemplation, ni règle de vie...


Elle devient création de concepts (qui ne sont pas découverts, observé ou
vu, mais bien crée comme les objets d'art ou scientifique).

On voit partout des actes de création qui n'ont rien à envier les uns aux autres.
Pas plus de création d'un côté ou de l'autre.

5 axes qui vont traverser des pans de la philosophie. Pour montrer ces axes, on
va partir d'un philosophe chez qui on trouve tous les axes de manière très
explicites et articulé les uns aux autres : Henri Berxson.

1. Henri Bergson
1.1. Bibliographie
Né en 1859 à Paris, étudie à l'école normale supérieur. Agrégé en 1881. Il acquière
une immense notoriété, l'une des plus importante jamais vu à son époque, grâce
à sa thèse publiée en 1889 « l'essai sur les données immédiate de la
conscience ».

Textes dont les titres et les enjeux sont de prime à bord hard et complexe,
technique et hautaine... À leur publication, il y a une sorte de mouvement d'intérêt
pour ses pensées, dépassant les milieux académiques (citoyens, politique,
écrivain...). Tous écoutent ses cours, touche profondément un publique
hétérogène.

Il connait tous les honneurs académiques : membre de l'académie française,


des faits moraux... Premier philosophe à avoir le prix Nobel de littérature, mais
pas pour des romans, mais pour son œuvre philosophique en tant que tel.

Il écrit avec une grande clarté d'expression, c'est technique mais claire, bien
écrit. Il faut se méfier de la simplicité de l'énonciation de l'auteur, se méfier de
l'apparence de simplicité. Il écrit un livre tous les 10 ans et pendant ce temps
il lit tout ce qu'il trouve sur le sujet et puis pendant un an il écrit son livre. Souvent
des livres courts, mais très retravaillé jusqu'à avoir le niveau de clarté
maximal. Énorme travail d'écriture.

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« Cherchez la simplicité, mais méfiez-vous d'elle. » La simplicité est la
conclusion d'un processus, mais pas sa cause.

Son influence par l'école du pragmatisme américain dont les figures principales
sont William James et John Dewey qui se présente comme les hériter de
Bergson.

Il a influencé : Maurice Merleau-Ponty et Emanuel Levinas, Heidegger.


D'autres philosophes de l'évènement : Marc Deleuze.

Il influence aussi des littéraires : Charles Peggy, Marcel Proust. Aussi dans le
cinéma avec Alain Resnais.

1.2. Son œuvre


3 grandes catégories de livres s'articulant tous autour d'une situation des
sciences contemporaines. Ce qui ne veut pas dire que c'est un philosophe des
sciences. Mais Bergson utilise des débats principalement scientifiques pour
introduire un nouveau genre de question. Il est sans doute l'un des derniers
philosophes qu'on peut qualifier d'interventionniste dans le champ des sciences.
Au XXe siècle, plus aucun philosophe ne pense pouvoir s'introduire dans les
débats scientifiques d'égal à égal avec les scientifiques, sauf Henri Bergson et
Whitehead. En 1922, Bergson rencontre Einstein et sans se présenter comme
commentateur de la relativité, il propose une théorie de la relativité alternative...
Conflit d'interprétation et de construction sur cette théorie de la relativité. Il a la
prétention d'intervenir dans le champ scientifique, mais en allant au-delàs
de l'activité scientifique.

Premier domaine d'intervention : la psychologie et la physiologie. Il reprend


tous les débats sur la psychologie expérimental et la physiologie, toutes les
écoles. Il faut un diagnostic de son présent. Il envoie toutes les limites et articule
le fond sur un nouveau problème : « l'essai sur les données immédiates de la
conscience », « matière et mémoire » 1996.

Deuxième domaine d'intervention : les théories de l'évolution. Spenser,


Lamarque, Darwin sont au centre de son plus grand livre : « l'évolution
créatrice » 1907 dans lequel il réarticule, montre les limites sur les débat de
la théorie de l'évolution.

Troisième domaine d'intervention : Physique et mathématique avec « l'enjeu


de simultanéité ».

S'ajoute d'autres livres : « les deux sources de la morale et de la religion »


1932, et « la pensée et le mouvant » en 1934.

On peut avoir l'impression que traiter de la philosophe de Bergson, c'est traiter


des sciences de son temps. Mais non, lui s'occupe de ce qui échappe aux
sciences, ce qui ouvre une philosophie du corps, de la vie et de la durée.

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L'obsession de Bergson n'est pas l'histoire des sciences, mais cette histoire est
l'occasion pour poser un autre problème : qu'est-ce que les sciences ne
peuvent pas prendre en compte ? Les sciences sont irréformables sur ces
points. Les sciences ne fonctionnent que sur une opacité, une exclusion de
quelque chose de fondamental que seul la philosophe et les arts peuvent traiter :
la vie, le corps, la mémoire.

Il meurt en 1941. Il est Juif, il se présente en 40 à la police pour se faire recenser


comme juif. Rien ne l'oblige, il aurait pu faire exception grâce à sa reconnaissance.
Il écrira dans son testament qu'il voulait rester parmi ceux qui allaient être
persécuté. Il a donc renoncé à tous les honneurs, exclus de toutes les sociétés
dont il était membres. Il meurt quelques mois plus tard.

2. Bergson et l'évolutionnisme
Bergson était passionné par les mathématiques, pourtant il fera de la
philosophie. Pourquoi ? Dans un rapport à l'évolutionnisme, révolution
scientifique, politique, épistémologie de la fin du XIXe. Il ne voit pas que
Darwin, mais comment quelque chose de nouveau, une nouvelle manière de
pensée, qui va au-delàs de l'histoire naturelle et des sciences, et qui devrait
concerner tous les aspects de notre existence. Il y voit la révolution
politique et sociale. Une figure l'intéresse particulièrement : Spenser.

Spenser est resté longtemps comme le plus grand penseur évolutionniste, au-
delàs de Darwin. Il a fasciné des penseurs comme Nietzche et Bergson. 1820-
1903, auteur de livres politiques « l'individu comme l'État », « principe de
biologie » où il développe une théorie générale de l'évolution...

Bergson encore étudiant entend parler de lui, s'intéresse à ses œuvres. Il lui écrit
et il veut être le philosophe de l'évolution. Il a l'impression qu'il manque quelque
chose, une pensée qui systématiserait la pensée de l'évolution.

Dans « la pensée et le mouvant » (les deux livres qui vont nous intéresser :
« l'introduction à la métaphysique » « le possible et le réel ») est fait de
conférence. Il est accessible vu qu'il s'adresse à un publique large, et qu'il
réarticule toutes les obsessions qui ont fait son œuvre. Dans ce livre, il retrace
brièvement les étapes du développement de sa pensée et surtout le moment de
cet appel à la philosophe :

« Une doctrine nous avait paru jadis faire exception, et c’est probablement
pourquoi nous nous étions attachés à elle dans notre première jeunesse. La
philosophie de Spencer visait à prendre l’empreinte des choses et à se
modeler sur le détail des faits. Sans doute elle cherchait encore son point
d’appui sur des généralités vagues. Nous sentions bien la faiblesse des
Premiers principes. Mais cette faiblesse nous paraissait tenir à ce que
l’auteur insuffisamment préparé n’avait pu approfondir les ‘idées dernières’
de la mécanique. Nous aurions voulu reprendre cette partie de son œuvre,
la compléter et la consolider. Nous nous y essayâmes dans la mesure de nos

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forces. C’est ainsi que nous fûmes conduits devant l’idée de Temps. Là, une
surprise nous attendait » (Bergson, La pensée et le mouvant, p. 2)

« Ce qui a le plus manqué à la philosophie, c’est la précision. Les systèmes


philosophiques ne sont pas taillés à la mesure de la réalité où nous vivons.
Ils sont trop larges pour elle. Examinez tel d’entre eux, convenablement
choisi : vous verrez qu’il s’appliquerait aussi bien à un monde où il n’y aurait
pas de plantes ni d’animaux, rien que des hommes; où les hommes se
passeraient de boire et de manger ; où ils ne dormiraient, ne rêveraient ni
ne divagueraient ; où ils naitraient décrépits pour finir nourrissons ; où
l’énergie remonterait la pente de la dégradation ; où tout irait à rebours et
se tiendrait à l’envers. C’est qu’un vrai système est un ensemble de
conceptions si abstraites, et par conséquent si vastes, qu’on y ferait tenir
tout le possible, et même de l’impossible, à côté du réel. L’explication que
nous devons juger satisfaisante est celle qui adhère à son objet : point de
vide entre eux, point d’interstice où une autre explication puisse aussi se
loger; elle ne convient qu’à lui, il ne se prête qu’à elle. Telle peut être
l’explication scientifique. Elle comporte la précision absolue et une évidence
complète ou croissante. En dirait-on autant des théories philosophiques ? »
(Bergson, La pensée et le mouvant, p. 2)

→ Il a découvert Spenser, penseur qui dénotait de tout ce qui était à la


disposition des intellectuels de l'époque. Il a voulu être son disciple et
reprendre sa pensée. Il trouve deux choses chez lui :

o Un certain style, manière d'être en rapport avec les choses, de se


rapporter aux mondes et aux choses, une manière précise de le faire.
Il se met en correspondance sur les choses, il prend les choses
comme modèles, une emprunte. Donc chez Bergson, la philosophie
n'est pas superficielle et abstraite, mais elle s'immisce dans les
choses.

o Spenser veut faire une vue générale de l'évolution. Quelle


révolution des théories évolutionniste ? Quel est le point d'originalité
et révolutionnaire qui change tout pour Bergson qui fait qu'on ne peut
plus penser de la même manière avant et après l'évolutionnisme :
s'introduit dans les choses la question du temps. Le temps entre
dans les vivants et dans les choses. On croyait (avant
l'évolutionnisme) que les choses sont dans le temps, que le temps est
une sorte de réceptacle, comme une ligne du temps, de calendrier,
de la chronologie... Comme s'il y avait LE temps, une sphère
générale et que les choses, les vivants, les évènements
politique/historique s'y inséraient. Comme s'ils n'étaient pas
temporel. Avec les théorie évolutionniste, Bergson voit que chaque
être est temporaire. Il n'est pas dans le temps, mais c'est le temps.
Il n’y a pas de temps plus concret et réel que le temps de chaque
être, de son épaisseur temporelle. Il n'y a pas de temps plus profond

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que le fait de vieillir, changer et varier. C'est ce que les
évolutionnistes mettent dans le temps.

De Aristote jusqu'aux théorie évolutionniste, on a une vision statique des


êtres. On a des grands schémas, les espèces se différencies, on les distingue selon
un arbre. Mais comme si ces différences avaient été fixé une fois pour toute, étant
toujours là. Avec l'histoire naturelle et l'évolutionnisme, on pense chaque
vivant comme issu d'une trajectoire historique, le produit d'une histoire. On
met l'histoire dans le vivant. Le vivant n'est pas dans le temps, il est le temps. Le
temps est dans les choses.

Cette vision devrait tout changer, remettre en question nos catégories de pensée.
La connaissance : comment connaitre un monde qui évolue toujours, comme
si toutes les théories arrivaient toujours trop tard puisque ça à déjà changer,
comme si même nos organes pour penser n'avaient pas évolué. Il faudrait
changer la théorie de la réalité, de la connaissance, de l'expérience... en y
insérant le temps. C'est ce que veut faire Bergson, généraliser tous les effets
de l'évolutionnisme.

Il voit chez Spenser l'annonce de ce problème : il faut une théorie véritable


du temps des choses, mais théorie insatisfaisante chez Spenser, il l'a raté, il
annonce quelque chose d'énorme mais qu'il n'arrive pas à exprimer. Bergson
prolonge le projet, c'est ce qui le passionne. Pourquoi Spenser annonce quelque
chose de si énorme et qu'il n'arrive pas au bout ? Et pourquoi on ne sait pas le
faire en le prolongeant ?

Au début, Bergson se disait que ça pourrait être des faiblesses, Spenser n'était
pas si génial que ça... Ou est-ce lié à la psychologie de Spenser... Bergson poursuit
le projet et se rend compte que ce n'est pas un problème de tempérament ou de
psychologie... Peut-être que Spenser n'était pas bien préparé, qu'il n'avait pas
assez de connaissance pour penser la temporalité inerrante des choses.
Bergson se prépare, il essaie, mais échoue. Impossibilité de rendre compte de
la temporalité des choses.

Quelle surprise ? Il y aurait dans l'œuvre, dans la théorie évolutionniste, une zone
obscure, inaccessible : la question du temps.

L'évolutionnisme est révolutionnaire parce qu'il introduit la question du temps


dans les choses. Il devait rendre compte du temps des choses. Mais si on va au
bout de la pensée évolutionniste, on se rend compte qu'il ne peut pas penser
le temps lui-même. Bergson dit que l'évolutionnisme ne pensera jamais la
question du temps, et pourtant c'est ce qu'il devait faire. Cette incapacité n'est pas
un accident, mais (inerrant à l'évolutionnisme) dans l'essence même qui travaille
l'évolutionniste qui fait qu'il ne peut pas penser le temps. Une tache aveugle qu'elle
aurait pourtant dû étudier.

L'évolutionnisme à un rapport hérité aux sciences elles-mêmes, c'est


pourquoi elle est limitée et ne peux pas penser le temps. Si les théories

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évolutionnistes ne peuvent pas penser le temps, c'est peut-être par leur héritage
de la mécanique (les sciences). Les mécaniques ne pensent pas le temps.

Est-ce que la physique et la mathématique pense le temps ? Non plus. La


psychologie expérimentale non plus, pourtant comment parler d'un
phénomène sans parler de ses changements et d'avoir une expérience
temporelle ?... Ni la biologie...

Derrières toutes ces pratiques scientifiques, il y a pire qu'une tache aveugle,


mais une conjuration du temps, une volonté de sortir le temps. Comme si ne
pouvait expérimenter qu'en excluant le temps. Les sciences ne pensent pas le
temps par cause d'accident, mais parce que c'est une condition de leur existence.

Bergson généralise. Est-ce que la philosophie a déjà pensé le temps ? Ici non
plus.

Pourtant toutes les sciences parlent du temps : le déplacement d'un mobile,


traité sur le temps en philo... Malgré ça, les sciences et la philo n'ont jamais pensé
le temps. Si les sciences n'ont jamais pensé le temps, qu'est-ce qu'elles
appellent temps dans leur essais, équation, théories... ? La philo et les sciences
n'ont pensé que l'espace, pas le temps, mais un temps qui est réalité l'espace.
En parlant de dimension du temps, on parle de dimension de l'espace.

→ C'est la grande invention de Bergson, pensée inédite.

Qu'est-ce qu'il y a de commun entre l'histoire naturelle (inscription des vivants


dans une histoire ; une journée qu'on a vécu et qu'on raconte à quelqu'un d'autre)
et le mouvement d'une boule sur un plan incliné. À chaque fois, quand on
parle du temps propre à ces évènements, on a tendance spontanément à tracer
une ligne divisée en points (dates liées à des évènements). Quand on parle du
mouvement d'un boule, on parle de son point de départ, son arrivé et les endroits
où elle passée. Dans les deux cas, on a traduit une expérience temporelle en
une espace : une ligne avec des points, le cadrant de notre montre... La
temporalité est traduite dans l'espace et le temps devient une variable dans
l'espace.

Traduction du temps en espace est présente dans toutes nos activités, que ce soit
les sciences, la vie quotidienne, la philosophe...

Pourquoi on est si à l'aise avec l'espace ? Pourquoi l'espace est si évident ?


Pourquoi quand on parle de notre vie intérieure, nos expériences, ça devient plus
compliqué ? Comme si notre intelligence était plus à l'aise avec l'espace qu'avec
le temps. Pourquoi traduire le temps en espace ?

Pourquoi les sciences ne rompent-elles pas avec ce rapport spontané qu'on a avec
l'espace ?

Comment se fait-il que ce qui nous est le plus intime, le plus profond, c'est la
durée ? Que notre vie c'est vieillir, se transformer, changer, que le temps est

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partout dans nos expériences... Mais que dès qu'on veut en parler, en rendre
compte, on doit nécessairement le traduire dans l'espace ? Qu'est ce qui nous
bloque l'accès dans notre intelligence ?

La philosophie de Bergson va avoir deux dimensions :

• Un grand diagnostic sur l'exclusion du temps dans nos pratiques et des


raisons de cette exclusion
• Comment développer une idée profonde du temps, quelle
transformation de nous-même est requise pour penser et exprimer le
temps ?

Quelque chose dans l'intelligence qui fait que se généralise l'espace au


détriment du temps. Quelque chose empêche de penser le temps. C'est comme
si on ne faisait toujours l'expérience du temps, parce que notre existence est
marquée de changement, mais que quand on veut l'expliciter, on en est incapable.
Pourquoi ? Pourquoi le temps reste inconnu ? Pourquoi les sciences parlent
d'espace et pas de temps ? Il faut penser la connaissance pour comprendre.

3. La connaissance selon Bergson


3.1. Connaissance relative et absolue
Bergson pense la connaissance dans « la pensée et le mouvant » (p.178) :

« Si l’on compare entre elles les définitions de la métaphysique et les


conceptions de l’absolu, on s’aperçoit que les philosophes s’accordent, en
dépit de leurs divergences apparentes, à distinguer deux manières
profondément différentes de connaître une chose. La première implique
qu’on tourne autour de cette chose; la seconde, qu’on entre en elle. La
première dépend du point de vue où l’on se place et des symboles par
lesquels on s’exprime. La seconde ne se prend d’aucun point de vue et ne
s’appuie sur aucun symbole. De la première connaissance on dira qu’elle
s’arrête au relatif; de la seconde, là où elle est possible, qu’elle atteint
l’absolu »

Il parle de en général, dans la philosophie. On y trouvé un accord implicité


(malgré les divergences apparentes entre les écoles, mouvements de pensée), il
y a deux manières de connaitre une chose... Constat qu'il fait pour la
connaissance en général, en dehors de la philosophie (expérience quotidienne,
sciences...).

• Connaissance relative : tourner autour de la chose, être en extériorité


de la chose, on se place par rapport à un point de vue de la chose
• Connaissance absolue : rentrer dans la chose, fusion avec elle pour en
prendre les contours... On s'impartisse avec la chose

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Bergson ne prend pas position, il est toujours que dans le constat. Il ne dit pas si
on a accès au deux, laquelle on utiliserait le plus...

a) Connaissance relative

Connaissance relative ? Elle est relative si elle implique deux choses :

• Un point de vue, un observateur en position par rapport à la chose


• Des symboles, système symbolique utilisé par l'observateur

Si on prend n'importe quel objet, n'importe quelle perception, la position de notre


corps, la manière dont on l'observe, la place qu'on occupe, va marquer
différentes perspectives sur cette chose... Si on bouge, on change la
perspective. Quand peut-on dire qu'on connait la chose ? Est-ce l'addition des
perspectives ? Est-ce qu'il y a une perspective privilégiée ? Laquelle ? Compte
tenu de l'observateur, la connaissance varie toujours.

Ex : on est dans un train à l'arrêt. Un autre train est à l'arrêt à côté... Si les deux
trains bougent en même temps, on pourra avoir l'impression qu'ils ne bougent
pas... Si on est à l'arrêt et que l'autre démarre, on aura une autre perception du
mouvement, plus ou moins rapide en fonction de notre vision.

Extrême pluralité de la connaissance si on prend le point de vue de


l'observateur. Le moindre mouvement donne une autre perspective sur la chose.

Relative à des symboles ? Les mots, le langage utilisé, les formalismes


(mathématiques, géométriques...), les graphiques utilisés...

Ex : le train. On est dans le train qui avance, en intériorité avec notre expérience.
Et si le lendemain, on nous demande ce qu'on a fait, on va traduire l'expérience,
mettre en mot le voyage. Si on change de langue, les substantifs seront différents.
On relativise l'expérience par traduction dans une langue, avec tous les
changements relatifs à l'usage de la langue (sujet, prédicat, substantif...). Et si
l'interlocuteur ne connait pas les gares et qu'il veut en savoir plus, on va utiliser
un système comme google map ou un GPS pour montrer où son ces gares et le
trajet... C'est un graphique ou un formalisme géographique. Quelle relation il
peut y avoir de commun entre le fait de prendre un train et des localisations par
GPS (longitude et latitude) ? Rien. Ce sont deux expériences différentes dont on
les croit lier, alors qu'elles n'ont aucune ressemblance. Si l'interlocuteur veut en
savoir plus, on peut utiliser des formalismes géométriques, en faisant un
schéma (T comme train passe du point A eu point D, avec une vitesse vv'). Quel
point commun entre ce schéma et l'expérience du voyage dans le train ? Aucun.
On a traduit l'expérience sous un autre modalité. On peut démultiplier cette
symbolisation de l'expérience.

Où est la vraie expérience ? Dans les formalismes mathématiques ? Par


représentation technique géographie ? Dans les mots utilisés ? Il n'y a pas de point
de vue privilégié dans l'ordre symbolique. La connaissance c'est la
démultiplication presque à l'infini de tous ces strates qui nous font parler

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de l'expérience. Si on devait parler d'une connaissance : carte, système
géographie, mots utilisés... c'est tout ça associé qui donnera sens à l'expérience.

b) Expérience absolue

Qu'est-ce qu'une expérience absolue ? Relative à rien d'autre qu'elle-même.


C'est peut-être la connaissance qu'on avait la veille quand on était dans le train,
la connaissance intime qu'on avait du voyage, qui n'avait pas besoin de mot,
de formalisme, de géographiassions... C'est le sentiment de sympathie qu'on avait
avec le voyage. On était dans l'expérience, rapport absolu.

Bergson ne dit pas qu'on est condamné au savoir relatif, ni qu'on sait atteindre
la connaissance absolue. Il ne fait qu'une distinction.

Il va dire « j'appelle science ce qui relève du savoir relatif ». Les sciences sont du
savoir relatif, un savoir de traduction (de mouvement dans des schémas,
formalisme langagier...). La science ne peut connaitre et n'a de validité que dans
la mesure ou elle est un savoir relatif. Elle ne vise pas à connaitre les choses de
l'intérieur, mais a avoir une connaissance sur les choses. La méthode des
sciences, c'est l'analyse (= traduction).

La philosophie, si elle est possible, c'est en alliance avec les arts (littérature
surtout) à comme prétention et comme objets de déployer un savoir absolu, un
savoir de sympathie avec les choses, du point de vue intérieur avec les choses.
Sa méthode n'est pas l'analyse, mais l'intuition.

L'intuition n'est pas une faculté pour Bergson, mais une méthode. Il va travailler
aux étapes de cette méthode.

Exemples sur le savoir absolu et le savoir relatif : (p. 178)

« Quand je parle d’un mouvement absolu, écrit Bergson, c’est que j’attribue
au mobile un intérieur et comme des états d’âme, c’est aussi que je
sympathise avec les états et que je m’insère en eux par un effort
d’imagination. Alors, selon que l’objet sera mobile ou immobile, selon qu’il
adoptera un mouvement ou un autre mouvement, je n’éprouverai pas la
même chose. Et ce que j’éprouverai ne dépendra ni du point de vue que je
pourrais adopter sur l’objet, puisque je serai dans l’objet lui-même, ni des
symboles par lesquels je pourrais le traduire, puisque j’aurai renoncé à toute
traduction pour posséder l’original. Bref, le mouvement ne sera plus saisi du
dehors et, en quelque sorte, de chez moi, mais du dedans, en lui, en soi. Je
tiendrai un absolu »

Mouvement d'un mobile sur un plan incliné, exemple paradigmatique, exemple


qui était célébré dans les sciences expérimentale. Lorsque les sciences parlent d'un
mobile, elles ne peuvent développer qu'une connaissance relative, si on change
de géométrie, le mouvement du mobile sera différent. Mais si on imagine qu'on
attribue au mobile une intériorité et des états d'âmes, via l'imagination, en
se projetant dans la chose, alors que ça bouge vite ou pas, que ça passe à droite

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ou à gauche, parce qu'il sera dans la chose. Plus besoin d'un point de vue, puisqu'il
devient la chose, plus besoin de symbole... C'est un savoir absolu.

Il ne dit toujours pas que c'est possible.

Deuxième exemple (p. 178-180) :

« Soit encore un personnage du roman dont on me raconte les aventures.


Le romancier pourra multiplier les traits de caractère, faire parler et agir son
héros autant qu’il lui plaira: tout cela ne vaudra pas le sentiment simple et
indivisible que j’éprouverais si je coïncidais un instant avec le personnage
lui-même. Alors, comme de la source, me paraîtraient couler naturellement
les actions, les gestes et les paroles. Ce ne seraient plus des accidents
s’ajoutant à l’idée que je me faisais du personnage, enrichissant toujours et
toujours cette idée sans arriver à la compléter jamais. Le personnage me
serait donné tout d’un coup dans son intégralité, et les mille incidents qui le
manifestent, au lieu de s’ajouter à l’idée et de l’enrichir, me sembleraient
au contraire alors se détacher d’elle, sans pourtant en épuiser ou en
appauvrir l’essence »

« Vu du dedans, un absolu est donc chose simple ; mais envisagé du dehors,


c’est-à-dire relativement à autre chose, il devient par rapport à ces signes
qui l’expriment, la pièce d’or dont on n’aura jamais fini de rendre la
monnaie »

Rapport à l'art et à la psychologie. Le narrateur d'un roman démultiplie les traits


de caractères, les situations, les intrigues. Il met le personnage en contexte, lui
donnant un environnement, il lui donne de la forme par trait de caractère. Tant
que c'est ainsi, on est dans une connaissance relative tout en extériorité du
personnage. S'il ajoute contexte, situation, accident, le romancier resterait dans
le relatif. Mais dans les romans, il y a un moment où sa bascule, on finit par
coïncider avec des personnages, par l'imagination, on entre dans le
personnage, on est en sympathie avec lui. On voit comme lui, on anticipe la
manière possible par lesquelles il vivra les situations (pareil pour les films,
séries...). Sympathie qui donne une connaissance absolue du personnage.
Sympathie qui ne veut pas dire que le personnage est bon et qu'il nous ressemble,
mais qu'on ressent ensemble (= sympathie). On n’est pas en sympathie pour le
personnage, mais avec le personnage. On sent ce qu'ils sentent, on voit ce qu'ils
voient...

Bergson n'oppose pas les deux connaissances. Il ne dit pas qu'un roman doit
nous mettre en sympathie directement. Il faut une mise en distance pour qu'on
rentre au fur et à mesure en sympathie, qu'on sorte de nous-même pour entrer
dans le personnage et s'y perdre. Ce qui veut dire que la sympathie n'est jamais
instantanée. Elle présuppose une trajectoire, un mouvement, une métamorphose
de nos états. On doit doucement se rapprocher par savoir relatifs du point central
de la chose... La sympathie est donc un mouvement, une trajectoire de
familiarisation.

Bodart Ophélie 13
Donc la philosophie requière les sciences pour permettre une familiarisation
avec les choses. On n’atteint pas directement le savoir absolu.

Vu du dedans, le rapport est simple et infini. La vie d'un personnage de roman


peut aller à l'infini, mais on a le sentiment simple et directe de ce qui lui arrivera.
Le même personnage vu du dehors, si on refuse d'entrer en sympathie avec lui, la
connaissance ne trouvera jamais son moment véritable (addition de perspective,
changement des traductions...).

Est-ce qu'il y a une seule expérience, connaissance, qu'on peut qualifier d'absolu
indubitablement ? Le personnage romanesque ? Non, involontaire et presque
fragmentaire. S'il y en a un, on peut construire la philosophie avec cette
connaissance sur cette base, et s'il n'y en a pas, alors on est condamné à rester
dans le savoir scientifique.

3.2. Une connaissance absolue : notre vie intérieure


Mais pour Bergson, il y a quelque chose qu'on connait absolument : notre
vie intérieure. On connait ce qui nous arrive de l'intérieur, on en a un rapport de
connaissance absolu, on le vit de l'intérieur.

→ C'est ce qu'avait dit Descartes dans les méditations. On peut douter de


toute chose, de nos sens, nos perceptions, mais il y a une certitude, c'est
celle du cogito, celle de notre moi. Descartes posait un savoir absolu,
celui du cogito.

Bergson semble dire la même chose que Descartes, mais en changeant quelque
chose, il ajoute quelque chose qui change tout : il ne dit pas qu'on est sûr et
qu'on connait absolument la subjectivité, mais un écoulement, l'écoulement de
notre vie intérieur.

William James parlerait du flux de la conscience, le fleuve de la conscience. Il


faudrait dire pas comme Descartes « je pense », mais « ça pense, il y a de la
pensée », comme on dit qu'il pleut. Il y a de la pensée, de l'expérience, je ne suis
pas à l'origine de ma pensée, il y a d'abord un flux de pensée.

Qu'est-ce qui distingue Descartes et Bergson :

• Descartes, le cogito est le socle inamovible de notre connaissance. La


condition pour qu'il occupe cette place, c'est qu'il ne soit pas changeant.
Expérience instantanée (« je pense, je suis »). Mais si on dit « je pense »
varie en fonction de son expérience. Entre le fragment où il dit « je pense »
et « je suis », il n'est déjà plus pareil. Même si on parle d'un court temps, il
y a peut-être déjà eu une variation de la conscience, une altération de
notre conscience. Mais alors, si celui qui dit « je pense, je suis » après 3
ans, qu'est-ce que les deux « je » ont encore en commun ? Ils sont altérés.
Il faudrait que le « je » ne se modifie pas, qu’il soit un fond non changeant
de l'expérience.

Bodart Ophélie 14
• Bergson, le « je » non changeant de l'expérience est un mythe, ne
correspond à rien, c'est le sujet d'une phrase qui ne désigne rien. Notre
expérience concrète est celle d’une fluctuation infinie allant dans toutes les
directions. Mémoire, souvenir qui nous hantes,... Rien n'est statique dans
notre l'expérience. Ce n'est pas l'expérience du « je », mais de l'écoulement
de notre existence. C'est le point de départ, il n'y a rien en dessous...

Parton de l'expérience pour l'explorer et dégager une vision de la temporalité plus


concrète (P.182) :

« Quand je promène sur ma personne supposée inactive le regard intérieur


de ma conscience, j’aperçois d’abord, ainsi qu’une croute solidifiée à la
surface, toutes les perceptions qui lui arrivent du monde matériel. Ces
perceptions sont nettes, distinctes, juxtaposées ou juxtaposables les unes
aux autres ; elles cherchent à se grouper en objets. J’aperçois ensuite des
souvenirs plus ou moins adhérents à ces perceptions et qui servent à les
interpréter ; ces souvenirs se sont comme détachés du fond de ma
personne, attirés à la périphérie par les perceptions qui leur ressemblent ;
ils sont posés sur moi sans être absolument moi-même. Et enfin je sens se
manifester des tendances, des habitudes motrices, une foule d’actions
virtuelles plus ou moins solidement liées à ces perceptions et à ces
souvenirs »

Il faudrait se mettre dans une certaine attitude, disposition, pour pouvoir faire
l'exploration. Attitude de l'inactivité, difficile à acquérir, être au maximum de
l'inaction. Pourquoi est-ce si difficile à acquérir ? On est essentiellement des corps
actives, on ne cesse d'agir, nos perceptions, sensations, représentations sont
toujours des actions. Le vivant, c'est une activité. On ne sait même pas ce que ça
pourrait être de ne pas agir. Même au repos, on est assailli de souvenir. Nous
sommes d'abord des corps biologie, actif, vivant, toute notre expérience est vivant,
même en dormant.

Si on veut interroger la connaissance et le rapport à l'expérience absolu, on doit


faire l'effort, changement considérable, pour essayer d'être le plus inactif
possible. Comme si au plus on est actif, au plus on perçoit et interprète les choses
selon une certain mobilité. Et moins on est actif, plus on les perçoit selon une autre
modalité.

Bergson va prendre quelques moments privilégiés de l'inactivité : le réveil


alors qu'on est encore poursuivi par la nuit, notre champ de perception est
indistinct, vague, chaotique... Quand on cherche à faire quelque chose, on
focalise notre attention sur quelques objets en particulier (table, porte...) et
tout le champ de perception de focalise autour de cet objet et transforme notre
expérience initiale autour de cet objet, le distingue du champ de perception.
Se fluxe vague est plus proche et vrai par rapport à notre flux de conscience (aussi
un flux flou et vague). Comme s'il y avait deux pôles de notre conscience :

Bodart Ophélie 15
• Pôle intérieur, tout est fusionné, les choses sont reliées les unes aux
autres par des liens intimes
• Pôle extérieur, de l'action où on transforme les mêmes perceptions en les
distinguant et en en faisant des objets extérieurs les uns aux autres

Autre exemple : l'auditoire est une passe indistingué pour le professeur puisqu'il
est concentré sur sa parole, sa pensée. Puis si un élève parle, sa focalisation va se
fixer sur cette personne et le distinguer de la masse. Il va traduire ton son champ
perceptif qui était vague pour se focaliser sur un élève.

→ Au plus il est actif, que tout est indistinct. Au plus il agit, il retire du flux
des parties qu'il va identifier, différencier.

Proust : si on rentre chez quelqu'un, on a d'abord l'odeur, les couleurs, l'ambiance


qui nous apparait. On ne peut pas dire en quoi elle est particulière, on est pris
dans l'ambiance. Puis peut-être qu'elle rappel une situation, et on va en faire des
perceptions particulières, percevoir des objets qui étaient indistinct et qui
formait l'ambiance.

4. Le flux de conscience, flux d’image


Au plus on agit, plus on distingue les choses. Au moins on agit sur les choses,
au plus elles sont dans un flux indistinct. Au plus on veut agir sur les objets,
au plus on va les spatialiser. Moins on agit dessus, au plus ils seront dans un flux
temporel, un mouvement.

3 dimension dans le flux de conscience :

• Les perceptions qui arrivent du monde : c'est le présent de la


conscience, tout ce qui l'affecte, la touche, ce qu'elle reçoit à un moment...
Il n'y a rien de plus concret dans la perception du temps que cette
dimension. Le présent, c'est tout ce qui arrive à une conscience, tout ce
qui est donné dans une expérience. Le présent = perception immédiate.
Un souvenir, on peut dire que c'est le passé, mais s'il m'affecte maintenant,
c'est un présent, le souvenir est au présent. Le présent est aussi le désire,
les souvenir qui m'affecte au moment où ils m'affectent. Le souvenir n'est
pas moins présent que la perception immédiate, il m'affecte de la même
manière

• Le passé, les souvenirs : mon flux de conscience est traversé de souvenir.


Ils me hantent, viennent de manière inattendue, pas toujours sollicité...
C'est ce qui fait que quand on entre dans une pièce ou qu'on regarde
quelqu'un, on est assailli de souvenir. C'est le passé par rapport au point de
vue du présent. Contradiction avec le point précédent ? Le passé n'existe
qu'au présent. Le passé, c'est tout ce qui a eu lieu dans le mesure où ça
nous affecte dans le présent.

Bodart Ophélie 16
• Le futur : des tendances, habitudes motrices, prés-dispositions à agir,
incitation à faire quelque chose... Tout ce qui est en train de se faire,
orienté d’une certaine manière, les chose à accomplir ou à faire, les
désires à réaliser... Tout ce qui nous met au-delàs de notre situation
présence, qui tend à nous faire faire autre chose ou aller ailleurs... Ce sont
les actions virtuelles, des choses qu'on pourrait faire, qui nous oriente et
qu'on ne fait pas directement. C'est une direction de l'action présente, une
visualité de l'action présente.

Le passé n'est pas un ancien présent et le futur n'est pas un prochain


présent. Le passé c'est ce qui agis de manière insistance au présent, ce qui
nous obsède au moment présent. Le futur c'est toutes les prédispositions, les
orientations qu'on prend, les désire à faire quelque chose au moment présent.

Il n'y a pas de temps plus véritable, concrète et véritable que le temps du


flux de conscience. C'est le temps des calendriers, de la datation, des horloges
qui sont des temps abstraits. Temps scientifique basé sur le temps du flux de
conscience.

4.1. L’expérience de mon corps dans le flux des images


Perception au présent, ce qu'est le réel pour Bergson (Matière et mémoire, p. 11) :

« Nous allons feindre pour un instant que nous ne connaissons rien des
théories de la matière et des théories de l’esprit, rien des discussions sur la
réalité ou l’idéalité du monde extérieur. Me voici donc en présence d’images,
au sens le plus vague où l’on puisse prendre ce mot, images perçues quand
j’ouvre mes sens, inaperçues quand je les ferme. Toutes ces images agissent
et réagissent les unes sur les autres dans toutes leurs parties élémentaires
selon des lois constantes, que j’appelle les lois de la nature, et comme la
science parfaite de ces lois permettrait sans doute de calculer et de prévoir
ce qui se passera dans chacune de ces images, l’avenir des images doit être
contenu dans leur présent, et ne rien y ajouter de nouveau. Pourtant il en
est une qui tranche sur toutes les autres en ce que je la connais par
seulement du dehors par des perceptions, mais aussi du dedans par des
affections: c’est mon corps »

Si on oublie pour un instants nos théories scientifiques, de la matière, de l'esprit.


Si on prend les choses dans leur immédiateté, comme si on ne savait rien du réel
scientifique. Si on interprète pas, on a affaire à un flux multiple d'image (la
pièce, des corps, des papiers... = traduction symbolique)... Mais aussi dans flux
de bruits. Sans théorie scientifique, on pourrait dire que ces images ne renvoient
rien, sans savoir s'il y a quelque chose de plus réel que ces flux d'image. Toutes
les images fluctuent, sont en interactions les unes avec les autres. Ce sont des
images de rien, elles sont simplement ce qu'elles sont et se manifeste comme elles
sont. Mais elles interagissent les unes avec les autres. Une science parfaite
devrait pouvoir dire comment elles interagissent les unes avec les autres.
Permettrait de dire ce que les images vont faire et anticiper leur mouvement.

Bodart Ophélie 17
Pourtant, dans toutes ces images, il y en a une qui contraste avec les autres
via l'expérience que j'en ai : mon corps.

Notre corps contraste parce que donne le sentiment que toutes les images
sont polarisé par elles, que toute les images vont vers sa direction, si je me
déplace, les image bougent avec moi, si je change de pièce, les image
disparaissent et d'autres apparaissent. Le corps apporte avec lui les perceptive que
j'ai des images. Image parmi les image qui change tout parce que traduit les
images en fonction d’une certaine perspective.

Si je n'étais pas lié à mon corps, j’aurais une vision de toutes les image équivalant.
Elles se vaudraient toute. Mais compte tenu de mon corps, elle varie en fonction
de mon corps. Si je n'étais pas attaché à un corps, je verrais toutes les images
en ensemble, sans perspective.

Pour Bergson, la plupart du temps, on a vu, on a fait l'expérience de beaucoup


plus de chose que ce que nous pouvons en percevoir. On aura une vision de
beaucoup plus d'image, que la perception qu'on pourra en tirer, la traduction qu'en
fera notre corps. Notre corps simplifie, traduit, identifie les choses selon ses
actions. Il transforme le champ des images en privilégiant certains, en les
détachant du reste... On a vu beaucoup plus que ce qu'on a perçu. Notre
expérience est une simplification d'un fond ou tout était donné.

→ Toutes les images sont données en équivalence, mais par les mouvements
de notre corps, on va simplifier notre champ de perception et se focaliser
sur certain images, sans jamais faire disparaitre la multiplicité initiales des
images.

C'est ça le présent, le flux infini des images.

Bodart Ophélie 18
Rappel/Synthèse
Expérience possible d'une connaissance absolue, celle de l'écoulement du moi,
un mouvement du moi. Dimension temporelle du moi. Dimension de cette
temporalité du moi qui s'identifient à ce qu'il y a de plus réel et de plus profond
dans le temps (expérience profonde et authentique du temps). 3 dimensions
distinctes (par analyse mais pas dans l'expérience, on peut les distinguer, mais
elles ne sont pas distinctes) :

• Expérience des images au présent, seule définition positive du présent,


l'ensemble de toutes les images qui nous affectes. Même un souvenir est
au présent puisqu'il nous affect au moment où on en fait l'expérience (on
se souvient maintenant). Image = tout ce qui nous apparait, ce qui nous
est donné dans l'expérience. Il distingue dans ces images, une en
particulier qui ne se distingue pas par son statut, sa réalité, mais par sa
fonction, c'est l'image de mon propre corps. Bergson appel le présent, le
réel, toutes les images qui nous affects. Dans ce présent, une image se
dégage, celle de mon corps en tant que perspective par laquelle on est
affecté.

• L'ensemble de nos souvenirs, ceux qui accompagne notre corps et nos


perceptions

• Les anticipations, les tendances, ce vers quoi on dirige nos actions, ce


qu'on espère

4.2. Les souvenirs, la mémoire


Les souvenirs, la mémoire. Qu'est-ce ? Et donc qu'est-ce que le passé ? Imaginons
ce qu'on entend en général par « souvenir, mémoire » (Bergson va transformer
cette expérience) : sorte d'image représentée de notre action. La philosophie et
les sciences n'ont pas rompu avec cette vision simple de la mémoire. Par
exemple "la semaine dernière j'ai été chez un amis", une action avec un ensemble
de perception concomitante avec cette action. Chacune de nos actions produirait
une image représentée dans nos esprits. C'est ce qu'on voit comme un
souvenir, quelque chose qui s'est passé, qu'on a vu, et qu'on a stocké dans le
cerveau. Après, on imagine une sorte d'ordre chronologique dans notre
mémoire. Les souvenir anciens, de notre enfance, puis des souvenir plus récent,
comme si les souvenir s'inscrivaient dans un ordre chronologique et que les plus
anciens seraient les moins vivace et les plus proches seraient les plus vifs. On en
oublie même certain, on oublie des choses de notre vie. Donc on peut oublier
des souvenirs, notre mémoire peut avoir des trous. En général, on pense que
plus le souvenir est ancien, au plus proche de l'oublie est, au plus on aurait du mal
à s'en souvenir. L'oubli serait lié à la chronologique.

Bodart Ophélie 19
Problème avec cette vision :

• Comment se fait-il que des souvenirs intense, vif, anecdotique de notre


passé lointain reviennent parfois très nettement ? On peut se souvenir
d'une phrase d'une personne dont on avait oublié l'identité, et parfois mieux
que ce qu'on a fait la veille. Pourquoi les souvenirs ne sont pas
forcément plus vifs parce qu'ils nous sont proche temporellement.
Parfois on se souvient mieux d'une expérience d'il y a 10 ans, que celle d'il
y a 10 minutes. Donc l'organisation des souvenirs n'est peut-être pas
aussi chronologique qu'on ne le croit. Parfois répétition de souvenirs,
d'actes... Pourquoi ils se répètent ? Ainsi, l'ordre chronologique n'explique
par la vivacité des souvenirs.

• L'oubli : on croit qu'oublier, c'est un effacement de notre mémoire. Si


c'est vrai, comment se fait-il qu'il nous arrive de nous en ressouvenir ?
Que ça revienne dans notre mémoire ? Si un ami d'enfance nous parle d'un
évènement ancien ou d’une personne oubliée, et qu'à force de nous en
parler, de nous replonger dans l'atmosphère de l'époque, le contexte, on
finit par s'en souvenir. Comment a-t-il pu revenir dans notre mémoire qui
l'oublie est un effacement ? Il n'avait jamais vraiment disparu. Donc, si
aucun souvenir n'est retiré de notre mémoire, alors on se souvient de tout
et on a jamais rien perdu. Thèse de Bergson.

• Le souvenir serait une image associée à l'action et logé dans notre


cerveau. Comme si le cerveau serait un grand disque dur de la mémoire.

Ainsi chaque souvenir est localisé dans une partie du cerveau, dans une
organisation neuronale particulière. L'oubli dans ce cas serait une altération
neuronale qui ferait effacer le souvenir. Bergson s'intéresse à cette question de
cerveau et de neurologique. Si le souvenir est localisé quelque part dans le
cerveau, alors pourquoi les accidentés, cérébrolésés, par régulation, nouvel
apprentissage, se remémore certaines choses au fur et à mesure de leur
apprentissage ? Pourquoi les altérations du cerveau ne vise jamais la
mémoire d'une partie conséquente de celle-ci ? Sentiment qu'après un
accident, il y a un redéploiement des souvenir dans d'autres parties du cerveau.
Si le souvenir est dans un point précis du cerveau, enlever des neurones
suffirait pour qu'il disparaisse, mais ce n’est pas le cas, il réapparait dans
d'autres partie du cerveau.

Conception Bergsonienne du souvenir ? Il va dire 3 choses distinctes :

• Le souvenir est toujours lié à une action présente, la mémoire est liée
à une action présente du corps : donc le souvenir ne flotte pas de manière
neutre, la mémoire n'est pas qu'un stocke d'image et d'idée stabilisé. Elle
est liée à l'action en train de se faire et qu'elle se modifie et de redéploye
par rapport à notre action présente. La mémoire n'est jamais fixée une
fois pour toute, même les souvenirs les plus anciens. Sans expérience du
présent, les souvenirs seraient chaotiques, sans perceptions, sans
sollicitation extérieur du corps, pas de cohérence de la mémoire et du

Bodart Ophélie 20
souvenir. La mémoire est un immense chaos à multiple dimension
temporelle ou rien ne se coordonne de manière nécessaire et cohérente.
Des fragments se répètent...

• Chaque action présente, chaque perception, activité, est accompagnée


d'une multiplicité de souvenirs. Toute perception, aussi infime soit-elle
est accompagné de souvenirs, voir même de la totalité des souvenirs. Ces
souvenirs ne sont jamais en proximité avec les perceptions qui les accueils.
Dans nos perceptions, il y a des souvenirs d'une toute autre nature que nos
perceptions immédiates. Nos souvenirs ne sont pas toujours à l'image de la
perception immédiate.

• Le souvenir est toujours en totalité, on garde la trace et le souvenir de


toute notre vie. Rien ne s'efface de nos souvenirs, tout reste. Souvenirs
et mémoire s'amplifie pour accueillir les nouvelles actions.

Qu'est-ce que l'oubli pour Bergson ? Ce n'est pas un effacement, rien ne


s'efface jamais. C'est un recouvrement. Quelque chose à recouverts un souvenir
ancien. Il est toujours là, mais opacifié, rendu invisible par des souvenirs plus
présent ou par d'autres souvenirs. Pourquoi ce recouvrement ? L'action présente
du corps traduit l'ensemble des souvenirs, intensifie certain contenu et en
rend obscure d'autres compte tenu de ses actions. L'oubli c'est une sorte de
plissement, comme quand on fait d'une feuille un éventail, certaines faces ne sont
plus visibles, mais existes toujours. Chaque dépliement repliera ailleurs.

La plus pars du temps, on est possédé par nos souvenirs (et pas l'inverse),
comme s'ils insistaient dans nos actions, nous poussant à faire certaines
choses. On a l'expérience des sentiments de déjà vu, de familiarité ou de
dérangement sans savoir l’expliquer, comme si on avait le souvenir de quelque
chose de similaire. On est possédé par d'anciens souvenirs, qui dans l'action
présente se réactualise. On n’a donc pas de maitrise sur nos souvenirs. Ils
viennent à l'occasion d’une action, nous donnant un sentiment particulier.

Est-ce une vision déterministe ? Est-on déterminé par nos souvenirs ? Pour
Bergson, notre personnalité, notre identité, ce qu'on est, c'est notre souvenir.
On est que notre souvenir, notre mémoire, c'est ce qui fait notre identité. On est
un flux de souvenirs qui se réactualise et s'amplifie par de nouvelles actions.
« C'est tout toi cette façon d'agir » : idée de répétition, donc de souvenirs.

Pour Bergson, le souvenir et les mémoires sont le lieu de l'originalité et de la


nouveauté. La nouveauté, c'est l'intrusion du souvenir dans l'actions.

Qu'est ce qui lui fait dire ça ? Si on photographie une pièce, reprenant tous ses
critères, ses contraintes (température, place, réverbération du son...) et qu'on
reproduit à l'identique les pièces (les bruits, les mouvements...) et que le
professeur ferait exactement le même cours, avec les mêmes intonations… entre
ces deux moments, il n'y aurait aucune comparaison possible. Ça serait deux
moments et deux pièces totalement différents. Pourquoi puisque tout serait
répété à l'identique ? On aurait le souvenir de la scène première, chacune de

Bodart Ophélie 21
nos phrases, chaque perception donnera le sentiment de déjà vu qui
accompagnera l'action avec une angoisse de déjà-vu. Les deux scènes sont
identiques du point de vue de l'extérieur (ce que verraient les sciences), mais
du point de vue intérieur à la scène, tout a changé, parce qu'à la perception
présente s'est ajouté le souvenir de la perception précédente. C'est ça la
nouveauté. Les sciences ne pourront pas exclues la mémoire qui aura transformé
la deuxième scène par l'addition de la première.

Donc la mémoire est le lieu de la nouveauté. Elle introduit un élément qui va


transformer l'expérience suivante. Introduit un sentiment, altère le sentiment
qu'on a de l'expérience. (D'autres auteurs en feront une loi cosmologique)

Intrusion d'une mémoire non attendue dans chacune de nos actions. En


psychologique on parle d'un stimulus -> réponse adéquate. Mais qu'est ce qui
se passe entre le stimulus et la réponse ? Le scientifique voudrait que la réponse
soit à l'image du stimulus. Mais pour Bergson, il faut s'intéresser à ce qui
s'immisce entre les deux : la personnalité ou la mémoire (qui sont
synonyme).

4.3. Interaction entre le corps et la mémoire


« Cette image toute particulière, qui persiste au milieu des autres et que
j'appelle mon corps, constitue à chaque instant, comme nous le disions, une
coupe transversale de l'universel devenir. C'est donc le lieu de passage des
mouvements reçus et renvoyés, le trait d'union entre les choses qui agissent
sur moi et les choses sur lesquelles j'agis, le siège, en un mot, des
phénomènes sensori-moteurs. Si je représente par un cône SAB la totalité
des souvenirs accumulés dans ma mémoire, la base AB, assise dans le
passé, demeure immobile, tandis que le sommet S, qui figure à tout moment
mon présent, avance sans cesse, et sans cesse aussi touche le plan mobile
P de ma représentation actuelle de l'univers. En S se concentre l'image du
corps ; et, faisant partie du plan P, cette image se borne à recevoir et à
rendre les actions émanées de toutes les images dont le plan se compose »
(Bergson, Matière et mémoire, p. 168-169).

Les images au présent sont en mobilité permanente. Le


corps est une image parmi les autres et elle produit une
perspective sur les images, c'est-à-dire une perception.
Le corps forme la perspective dans laquelle les autres
images sont sentie. La perception réduit l'ensemble des
images. Le corps prend une partie des images relatives à
son action. On appel « réel » l'ensemble de ces images,
pas de définition plus profonde de ce qu'est le réel. L'univers
en devenir, processus jamais stabilisé, infini, le plan P = la
réalité qui ne cesse de se transformer. Le plan P est le
réel, l'ensemble des images en fluctuation.

Bodart Ophélie 22
Le corps, c'est le point S. La perspective, le lieu affecté par le monde et qui va
réagir à ces affections. Il marque un point particulier dans la fluctuation de toutes
ces images. Le point S, le corps est affecté par toutes les images et il y répond
selon une certaine modalité. Le point S est le présent pour le corps.

La réaction du corps va toucher la mémoire, représenté par AB, c'est la totalité


du souvenir.

Donc, le corps est un foyer d'action permanent, il est stimulé en permanence


qui forme une sorte de flux chaotique. Si on peut, par expérimentation, dégager
le corps et rendre compte de ces images, on aurait affaire à la réalité elle-même
(c'est l'objectif des sciences). Le corps est un lieu d'action, et dans chaque action
sera impliqué la totalité du passé (ABS).

Comment comprendre le triangle ? AB est l'assise immobile du passé et de la


mémoire. Et tout le passé c'est le cône SAB... Dans chacune de nos actions
contracte la totalité du passé selon une perspective. Le cône c'est une
perspective. Une nouvelle action va introduire une nouvelle contraction du
passé.

Exemple : on ne peut pas entrer dans le corps de l'autre pour avoir une perspective
différente de la nôtre, on a qu'un flux d'image sans notion de la réalité sous-
jacente. Certain stimulus nous attirant plus, rendant vagues d'autres perceptions
tout aussi actuelles. Le champ perceptif fluctue. C'est la même chose avec la
mémoire : si je pense à un ami d'enfance, il prend toute la place, faisant oublier
les souvenirs récents. Le souvenir devient la zone de clarté, renvoyant d'autres
souvenirs dans l'obscurité.

Pris par nos habitudes de pensé et nos actions, on voit les souvenirs comme
des objets, des scènes clairement identifiés. Mais si on se laisse possédé par les
souvenirs, on se rendra compte qu'on aura surtout affaire à des atmosphères
qui nous permettrons de dégager des personnes, des phrases... On transforme
ces atmosphères en ensemble de mot, d'image, de personnage... Une
phrase n'a pas d'importance sans contexte précis (une même phrase dite par un
chauffeur de bus ou un ami très proche n'aura pas le même impact).

Le souvenir, ce qui est représenté par ABS, ce n’est pas un stock de phrase,
personnage, action, mais une dynamique entre des atmosphères, des
sensations, dont on peut difficilement dire où elles ont exactement
commencé ou terminée. C'est pour ça que c'est un cône, foyer d'intensité plutôt
que des contenus de pensée. La mémoire sont des intensifications de notre vie
psychique, qui se fait compte tenu d'actions présentes.

Ce qu'on a vu du souvenir, c'est le passé. Pour Bergson, le passé est toujours


au présent, lié à un acte, toujours donné en totalité selon une certain intensité.
Ce qu'on oublie ne s'est jamais effacé, mais à simplement perdu de son intensité
sur le moment.

Bodart Ophélie 23
4.4. Le futur
3em dimension du temps (après le passé, le présent) : l'intensité. Comme si
toutes nos actions présentes étaient toujours orientées sans pour autant
qu'on se représente la finalité. On sent le prolongement du chemin qu'on
emprunte. On discute avec quelqu'un et on imagine le type de réaction qu'il pourra
avoir, mais dans un spectre de possibilité. On n’anticipe pas tout à fait ce qu'il
va dire, mais on se fait une idée sur ce qu'il pourra dire. On ne sait pas quelle
sera nos actions possibles dans le futur, mais on en fait une certaine idée et on
canalise plusieurs possibilités. La réalité est tellement complexe, qu'on a
affaire à l'image qu'on se fait de ce qui va suivre. On fait les choses dans l'intention
qu'elle produise un effet. Nos actions présentes n'impliquent pas une
représentation du futur fixé une fois pour toute, mais toutes nos intentions, nos
attentes, les possibilités qu'on image et qui nous accompagnes. On est, dans
chacune de nos actions, obsédé par ce qui pourrait suivre, ce qui est
vaguement indiqué de ce qu'on devrait faire, d'attente, de tension, de tendance,
qui sont toujours au présent.

Pour Bergson, le futur, ce n’est pas un prochain présent, ni quelque chose qui
va arriver. Le futur, c'est ce qui dans notre action présente, nous oriente dans
une certaine direction, nous fait attendre quelque chose de particulier, nous fait
anticiper des actions. Le futur comme le passé est toujours au présent pour
Bergson.

Ces trois dimensions du temps, concrètes, analysé à partir du flux de


conscience et qu'on distingue par analyse, fonctionne toujours de manière
entremêlée. Ce qu'on attend d'une situation est toujours lié à des souvenirs qui
nous obsèdent et nous orientent. Le futur oriente le passé comme le passé oriente
le future et leur point de connexion est toujours le présent. Il n'existe que le
présent.

Problèmes : dimension du temps qui sont concrets et s'inscrivent dans la


conscience, marquant la singularité d'une personnalité. Conséquence : il y
autant de temps qu'il y a de corps, d'action en train de se faire. Le temps est
démultiplié. Chaque corps à son temps propre, sa manière particulière
d'articulé passé et présent. Infinité de temps. Temps des consciences que Bergson
amplifie en disant que c'est le temps des corps, de la vie organique... Les corps
ne sont pas dans un temps, les corps c'est le temps. Pourquoi on se
représente quand même un temps (calendrier, horloge) commun à tous les corps ?
D'où viens se temps commun qui n'existe pas pour Bergson ? Quand les sciences
articulent des phénomènes biologiques, à quel temps se réfère-t-elle ?

Bodart Ophélie 24
Rappel
3 dimensions de l'écoulement qu'on peut distinguer par une dimension d'analyse
(qui ne sont pas distinct en soi) :

• L'expérience au présent, les images telles qu’elles nous affectent et telle


qu'on y répond, images fluctuantes = le réel

• La mémoire, les souvenirs qui viennent s'associer à l'expérience présente


et qui correspondent à notre passé, au passé de notre conscience.
Mémoire qui reprend l'entièreté des souvenirs, on n'oublie rien vraiment,
on peut juste avoir le sentiment d'avoir oublié

• Nos expériences anticipatives, nos attentes, ce qui nous pousse au-


delàs de notre action présente, tous les vecteurs de notre expérience.
C'est le futur.

5. Le corps/la conscience est le temps


Il n'y a pas de temps plus profond que celui-là. Pluralisation infinie du temps,
puisque chaque conscience est marquée par des souvenirs distinct, des
anticipation distincts qui constituent son temps propre. Il n'y a pas deux
expériences du temps similaire, chaque expérience est marquée par un souvenir,
histoire, présent, anticipation différente... Donc le temps d'une conscience
n'est pas celui d'une autre conscience. Pluralisation infinie des temps, tous
relatifs à des consciences.

Bergson va plus loin en disant que ce n’est pas que la pluralisation des
consciences, mais aussi celle de la vie organique, des vivants. La vie de notre
corps, de nos sens, est marqué par des rythmes et des temps distincts. Il y a une
sorte de pluralisation des temps organiques. Chaque (éléments) vivant est lié à un
temps particulier, son temps à lui. Il n'existe pas de temps général qui fera la
mesure de tous ces temps.

Toute la question est de savoir que si tous les temps sont distincts, qu'il n'y a
pas le Temps, qui serait une pure fiction, et qu'il n'y a que des temps (de
différentes consciences et de différents vivants), alors comment tous ces temps
peuvent-ils se relier ? De quoi parle-t-on lorsqu'on parle du Temps dans sa forme
générale ?

« Il n’y a pas deux moments identiques chez un être conscient. Prenez le


sentiment le plus simple, supposez-le constant, absorbez en lui la
personnalité toute entière: la conscience qui accompagnera ce sentiment ne
pourra rester identique à elle-même pendant deux moments consécutifs,
puisque le moment suivant contient toujours, en sus du précédent, le
souvenir que celui-ci lui a laissé. Une conscience qui aurait deux moments
identiques serait une conscience sans mémoire. Elle périrait et renaitrait
donc sans cesse » (Bergson, La pensée et le mouvant, p. 183-184)

Bodart Ophélie 25
L'enjeu du texte est de rappeler que la conscience est un flux, un changement
permanent. Elle est essentiellement (et non pas accidentellement) temporelle.
La conscience n'est que du temps. Remise en question d'un préjugé généralisé qui
a traversé la philosophie moderne : il y aurait des moments identiques dans la
conscience.

Des moments identiques ? En philosophie moderne et en général, on pense


qu'on a une conscience avec un sous-bassement identique, invariable de notre
conscience, comme si on était toujours les mêmes. Personne ne nie qu'on change,
mais on pense que c'est un effet superficiel et secondaire, que malgré nos
expériences et notre vie, il y aurait quelque chose en deçà de toute cette
expérience qui serait notre moi véritable, notre substance réelle... On est
capable de nous reconnaitre et de reconnaitre les autres malgré les changements,
donc on se forge l'idée qu'il y aurait un petit moi secret, une conscience secrète
sous la conscience superficielle, ça serait un moi profond. On s'en fait une
représentation, comme si on gardait toujours quelque chose de soi d'identique.

La philosophie moderne est allée loin dans cette vision de la conscience : il y aurait
un « je », un cogito qui ne se modifie pas et qui est toujours identique à
lui-même et dont les fluctuations seraient des accidents, superficiel. Ce sentiment
est un sentiment qu'on a tous et qui devient un concept philosophique dans la
philosophie moderne.

Bergson montre que c'est une fiction. Il n'y a pas de « je » caché ou de


conscience homogène sous la pensée, de « moi » en dessous de nos actions et
de nos changements. Bergson pose la question (argument) de manière technique :
il faudrait que le moi puisse se répéter à l'identique. Pourtant, il dit qu'il n'y
a pas deux moments identiques chez un être conscient. Rien ne se répète à
l'identique pour Bergson.

Il pose la question simplement : si on prend le sentiment le plus simple comme


l'ennuie ou le désire, on a tendance à dire « je désire quelque chose », il y a le
« je », moi qui désire quelque chose et le désire serait une émanation du moi.
Si on prend la haine, « je hais quelque chose »... On la prend dans sa conscience,
c'est à dire pendant un moment de son existence et qu'on y met toute sa
personnalité, ne se définissant plus que par ce sentiment précis. Alors la haine
ne se répètera jamais à l'identique, elle aura varié pendant le temps de son
existence. Pourquoi ? Tout au long de son existence, le sentiment se verra ajouté
en permanence sa propre histoire. Il est transformé par les moments par
lesquels il passe. Il n'arrêtera pas de se transformer par le souvenir qui
l'accompagne en permanence.

Si je désire être avec quelqu'un. D'abord on se fait une idée très abstraite
de ce que ça pourrait être. Le désire varie en permanence via les fluctuations de
notre état... Comme si le désire n'était pas lié à ce qu'ils sont déjà (je veux devenir
ça... donc je ne le suis pas). Mais le désire a un temps, il évolue, se transforme.
Donc il n'y a pas deux moments identiques dans la conscience. Même le moindre
sentiment à un variation continue à cause de :

Bodart Ophélie 26
• L'histoire particulière de ce sentiment
• Le souvenir qui se cessera de l'accompagner

On peut désirer la même chose en deux temps différents, on ne le désirera


pas de la même façon, tout simplement parce que la deuxième fois est hantée
par le souvenir de la première. Le rapport qu'on aura pour la première fois avec
un sentiment, ne sera jamais identique à la deuxième fois parce que le souvenir
s'ajoute, et c'est irréversible. Même dire la même phrase à deux moments, ça ne
sera jamais dire la même phrase parce que lors de la deuxième fois, on aura un
sentiment de déjà vu, une précompréhension de la phrase, une série de
sentiment lié à la phrase et lié au souvenir de la première fois qu'on l'a prononcé.

Quand on revoit un film, on ne le voit plus de la même façon.

Toute répétition fait surgir en permanence une différence, une modification,


un changement d'état. La répétition produit toujours une différence et un
changement. C'est pourquoi Bergson peut dire en conclusion qu'une conscience
qui aurait deux moments identiques serait sans mémoire, elle périrait et
renaitrait sans cesse. La mémoire, c'est ce qui fait le lien entre nos actions, ce qui
relie nos expériences.

Sur cette conclusion : à qui Bergson pense-t-il lorsqu'il l'écrit ? Qui aurait pu parler
d'une conscience sans mémoire ? Penserait la conscience comme quelque chose
qui meurt et renait sans cesse ? Il pense à un philosophe et une pratique qui
défendent cette pratique :

• Descartes : « je pense je suis ». Il y pose l'identité de la conscience à soi.


Arrive à la conclusion que notre conscience ne cesse de renaitre et de
disparaitre à chaque moment. Descartes attribuant à Dieu les conditions de
la persistance de la conscience, c'est lui qui maintient la continuité de la
conscience. Dans ce cas on exclut la mémoire et donc la continuité de la
mémoire (puisqu'elle meurt et renait sans cesse pour Descartes)

• Bergson prend position (opposée) par rapport au sciences exactes et à


la psychologique : en psychologie à l'époque, est une psychologie des
états mentaux, elle ne donne à la mémoire qu'un caractère secondaire où
elle fait de la mémoire quelque chose qui dérive des états. Elle est dans
l'incapacité de penser la continuité de la personnalité, de l'expérience
personnelle. Il aurait fallu qu'elle pose la question de la mémoire parce que
c'est la condition même de la personnalité, c'est elle qui fait la continuité.
Au-delàs de la psychologie, c'est aux sciences physiques que Bergson
s'adresse : vision de l'univers faite de moments identiques, c'est la condition
même de la physique. On ne parle plus de conscience ou de souvenir dans
ces sciences, répétition systématique présupposée.

Chercher dans la conscience quelque chose qui se répète, c'est analogue avec la
science et la manière dont elle calcule les corps en lien avec leur position et leur
vitesse, se référent comme si c'était des éléments identiques du corps. Comme si

Bodart Ophélie 27
le réel était fait d'éléments qui se répètes. Expression d'élément invariant sur
lesquels la physique se focalise pour créer des lois de répétitions.

Dès le moment où on dit que le moindre évènement va être en variation par toutes
les manières avec lesquelles elle est envisagée, il sera essentiellement en
variation. Il n'y a pas d'élément identique.

6. Le fonctionnement de notre intelligence…


« C’est, au-dessous de ces cristaux bien découpés et de cette congélation
superficielle, une continuité d’écoulement qui n’est comparable à rien de ce
que j’ai vu s’écouler. C’est une succession d’états dont chacun annonce ce
qui suit et contient ce qui précède. A vrai dire, ils ne constituent des états
multiples que lorsque je les ai déjà dépassés et que je me retourne en arrière
pour en observer la trace. Tandis que je les éprouvais, ils étaient si
solidement organisés, si profondément animés d’une vie commune, que je
n’aurais su dire où l’un quelconque d’entre eux finit, où l’autre commence.
En réalité, chacun d’eux ne commence ni ne finit, mais tous se prolongent
les uns dans les autres. C’est, si l’on veut, le déroulement d’un rouleau, car
il n’y a pas d’être vivant qui ne se sente arriver peu à peu au bout de son
rôle; et vivre consiste à vieillir. Mais c’est tout aussi bien un enroulement
continuel, comme celui d’un fil sur un pelote, car notre passé nous suit, il se
grossit sans cesse du présent qu’il ramasse sur sa route; et conscience
signifie mémoire » (Bergson, Pensée et mouvant, p. 183)

Résumé de tout ce qu'on a vu jusqu'à présent. Première phrase : on a tendance


à transformer le flux de notre expérience, à la découper en objets distincts,
se forgeant l'idée d'objet, de chose, les extrayant du flux de notre expérience. On
finit par croire que ces objets sont distincts dans le flux de notre expérience.
Pourquoi ? Parce qu'on est des êtres pratiques essentiellement, on a doit agir
sur le monde. Pour ce faire, on doit identifier, simplifier, transformer... toute notre
intelligence est au service de notre action. Il est difficile pour nous de parler
autrement de notre expérience qu'en la chosifiant, la simplifiant.

Si on se rend dans un lieu inconnu, notre expérience première est celle de


l'atmosphère du lieu, sentiment vague. Et quand on essaie d'en parler, d'en faire
une représentation, on transforme cette expérience vague en une série de
chose. On y identifie des objets, des places, des situations. On s'en forge une
représentation. Même lorsqu'on se réfère ou on se focalise sur nos souvenirs, on
les transforme en chose. On identifie dans notre mémoire des objets, une
mémoire, une personne, et on en fait une identité abstraite. Ce sont des effets
de notre intelligence, et non pas leur réalité primitive = cristaux bien
découpé, congélation superficielle = on ne garde toujours qu'une part
superficielle et simplifié de nos expériences. Si on se replonge dans nos
souvenirs par un exercice, on se rend compte que rien ne correspond à ces cristaux
délimités, ces objets solidifiés...

Bodart Ophélie 28
C'est surtout évident dans le cas de notre mémoire. Si on prend n'importe quel
évènement de notre passé, qu'on essaie de le délimiter, savoir quand il a
commencé ou terminé... Quand a-t-on arrête de voir quelqu'un ou de quand l'a-t-
on vu pour la première fois ? Les représentations qu'on en fait trouvaient ses
fondements dans des évènement antérieurs et continue encore... Rien ne
commence jamais vraiment et rien ne se termine jamais vraiment. On a que des
reprises, des prolongements, des pertes d'intérêts, plutôt que des
commencements et des fins.

En histoire, Shakespeare « César », quand à vraiment commencé et terminé le


meurtre de César ? Est-ce que ça a commencé lorsque la lame est enfoncée ? Ou
quand César a pris le pouvoir ? Quand les comploteurs se sont rassemblés ? On
ne sait pas vraiment quand commence le meurtre. Et quand est-ce qu'il finit ? À la
mort de César ? Dans les remords de ses assassins ? Notre histoire étant la
conséquence de cet assassinat... Est-ce vraiment fini ? Il faudrait en dire autant
de chacun de nos souvenirs. Moment privilégié mais dont le commencement
n'est jamais vraiment précis et la disparition n'a jamais vraiment eu lieu.

Qu'est ce qui nous donne l'impression que nos souvenirs commencent et finissent
à un moment particulier ? Bergson développe une idée, un concept, déployé dans
"le réel et le possible", celui de la vision rétrospective (du vrai, du possible).
Mobilisé dans cette situation, dans a troisième phrase. On ne peut situer des
évènements que lorsqu'ils seront passé, c'est seulement rétrospectivement
qu'on pourra identifier des moments. Lorsqu'on les vit, ils ne constituent pas
des moments distincts, ils ne sont pas successifs mais continue. C'est une fois
passé qu'on peut les distinguer. Opération rétrospective. Et alors on altère et
on réécrit l'histoire par laquelle on est passé. On croit voir dans les évènements
passé les traces de ce qu'on est aujourd'hui, on relit le passé à l'image de ce que
nous sommes aujourd'hui. C'est la vision rétrospective.

Ainsi la manière dont on vit une chose sur le moment, est différente de la
manière dont on la revoit en y repensant. C'est pareil lorsqu'on traite
d'évènement historiques. Qu'est-ce qu’un personnage précurseur ? Ce n'est
possible que compte tenu d'une vision rétrospective. C'est-à-dire que compte tenu
de la physique actuelle, on peut dire que telle figure historique était un précurseur.
Mais uniquement en prenant on compte notre époque et nos progrès actuels.
À leur propre époque, ils n'étaient pas vu comme précurseurs, mais parfois comme
fou, hérétiques... Précurseurs, théories, individus, choses, qui nous ressemble le
plus, et qui pourtant se sont déroulé il y a longtemps. Comme s'ils allaient dans
une seule direction, la nôtre, alors qu'ils allaient dans plein de directions
différentes.

On envisage les évènements passé rétrospectivement à l'image que nous


somme devenu. On ne se rentre jamais dans ce qu'ils étaient pour eux-mêmes.
Comme si on en changeait la nature rétrospectivement. Pas de sentiment simple,
que des prolongements, des reprises, sans jamais savoir quand ils commencent
où se termines.

Bodart Ophélie 29
Deux images :

• Un rouleau : la vie étant un rouleau qui se déroule. Et donc vivre, c'est


vieillir, un déroulement.

• Une pelote : la vie est aussi un enroulement. Chaque acte reprend les actes
antérieurs, les transmet aux actes successifs. Il s'enroule, se reprend et se
transmet. Donc notre passé nous suit, il se grossit sans cesse. C'est la vision
du temps, grossissement où le passé est toujours intégré, sans jamais
savoir où ça commence et où ça se termine.

Il n'y a pas de temps de dehors de ça, c'est notre seule expérience véritable
du temps. Alors qu'est-ce que le Temps (physicien, au quotidien) ? Qu'est ce qu'on
demande lorsqu'on demande l'heure ? À quoi ça correspond ? Ce n'est pas le même
temps que celui de la conscience. Chronologie >< écoulement.

6.1. L’origine de cette vision faussée (scientifique) du temps


Bergson va en faire une longue généalogie, une histoire d'un temps dénaturé,
abstrait et qui a traversé l'histoire de la philosophie, la physique, les
mathématique, les sciences naturelles en générale... Et qui étrangement est le
concept de temps qu'on mobilise le plus généralement. Il fait remontrer cette
histoire au paradoxe de Zénon d'Élée. Bergson fait une vision rétrospective
du temps. Ca ne veut pas dire que Zénon était à l'origine de cette
conception du temps, mais Zénon arrive à l'exprimer de la manière la plus
claire, de manière simplifiée. Et donc en revenant à ce moment de la vision du
temps, on pourra en comprendre la logique et les sous-bassement et donc on
pourra comprendre la physique actuelle.

« La métaphysique est née, en effet, des arguments de Zénon d’Elée relatifs


au changement et au mouvement. C'est Zénon qui, en attirant l'attention
sur l'absurdité de ce qu'il appelait mouvement et changement, amena les
philosophes – Platon tout le premier – à chercher la réalité cohérente et
vraie dans ce qui ne change pas » (H. Bergson, Essai sur les données
immédiates de la conscience, Paris, Presses Universitaires de France, 2007,
p. 156).

« Il consiste à dire que le plus lent de la course ne peut être rattrapé


par le plus rapide, étant donné que le poursuivant doit
nécessairement atteindre le point d’où le poursuivi est parti, de telle
sorte que le plus lent doit sans cesse avoir une certaine avance »
(Physique, Livre VI, IX, 239b14).

C'est à cause de Zénon qu'on a eu une conception qui hanté les sciences : la
recherche de la cohérence vraie dans ce qui ne change pas. Des arguments
de Zénon, Bergson en reprend deux, sélectionné parce que chacun permet
d'identifier une logique particulière lié au Temps :

Bodart Ophélie 30
• Achille et la tortue
• Paradoxe de l'archer

a) Achille et la tortue

Achille est un coureur, et si on le met au début d'une course et qu'on mette une
tortue un peu plus en avant... Alors Achille ne rattrapera jamais la tortue parce
que pour dépasser la tortue Achille devrait atteindre le point de départ de la tortue
et qu'elle aura déjà avant lorsqu'il y arrivera... Achille devra ensuite atteindre le
point où la tortue était lorsqu'il est arrivé aux départs, mais elle n'y sera déjà
plus... etc. Au niveau des principes conceptuels si on se représente les
mouvements d’Achille et de la torture et qu'on trace une ligne droite, on
doit dire que pour atteindre un segment de la droite, il faut atteindre un autre
segment de la droite... Ce à l'infini. Le mobile ne change jamais puisqu'il doit
toujours atteindre un autre segment. C'est un argument mathématique (non
existentiel). Les points étant divisible à l'infini.

b) Paradoxe de l’archer

S'il lance une flèche, elle doit atteindre sa cible. Pour ça, elle doit occuper une série
de lieu, passe par une série de point particulier. On peut segmenter sa trajectoire.
Zénon dit que puisque ses segments sont immobiles, et que la flèche occupe un
segment qui est sa grandeur, elle occupe le lieu de ce qu'elle est et que le lieu est
immobile, alors la flèche est immobile à chacun des moments de son
déplacement... Donc, elle se ne déplace pas parce qu'elle est toujours immobile,
ou alors son déplacement une succession d'immobilité. Le lieu, le point
géométrique sont immobiles, et les corps se déplacent entre des points immobiles.
On essaie de recomposer de la mobilité, du mouvement, à partir de l'immobilité.

Le paradoxe de Zénon est de dire que manifestement Achille dépassée la tortue


et la flèche touche sa cible. Zénon ne le nie pas. Mais dès le moment où on
essaie d'expliquer ce mouvement, qu'on entre dans les principes d'explication,
on entre dans des paradoxes de la spécialisation des mouvements. Deux
paradoxes de l'intelligence (et pas du mouvement en tant que tels) : d'abord
on établit une ligne géométrique du parcours et on en distingue des points, et pour
qu'Achille dépasse la tortue, il doit passer par une succession de points, donc il ne
la dépassera jamais parce que la division des points est infinie... On essaie
d'expliquer le mouvement par l'immobilité des lieux qu'elle occupe
successivement...

Bodart Ophélie 31
Synthèse
L'expérience de la durée nous est familières, expérience la plus simple du
temps. Vécue temporel. C'est l'expérience du temps humain. Correspondance
entre ce qu'on éprouve dans notre expérience comme durée et la nature même
du temps. Lorsqu'on y réfléchit, qu'on essaie de le conceptualiser, de le
communiquer à d'autres, on entre dans des difficultés et on en dénature le
sens. On sent que le passé agis et que les évènements se succèdes. Mais quand
on essaie de le dire, qu'on utilise des mots pour le dire, on est confronté aux
difficultés sur la nature du temps. C'est une chose simple, mais infiniment
complexe lorsqu'on veut la conceptualisé. Il y a donc quelque chose dans notre
intelligence, dans nos mots qui a tendance à en dénaturer le sens. Qu'est ce qui
nous en rend incapable dans notre intelligence ?

6.2. Quel est le temps pour notre intelligence ?


Qu'est-ce que l'intelligence se représente lorsqu'elle parle du temps ? Quel est le
temps pour notre intelligence ? Point opposé au temps concret.

Ce temps de l'intelligence, celui dont on parle en général, le temps des


sciences, de la logique... Généalogie de ce temps de l'intelligence, en comprendre
la logique, les caractéristiques et les nécessités. (le temps dont on a parlé jusqu'ici
était le temps réel, la durée, vécu). Le temps de l'intelligence est abstrait, irréel,
mais c'est pourtant celui de nos institutions, de nos sciences.

L'argument de Zénon d'Elée nous permet d'avoir une certaine représentation


du temps qui nous est aujourd'hui quotidienne, acquise. Présupposé du temps de
notre intelligence. Deux paradoxes qui disent qu'il nous est évident à nous tous
que lorsqu’une archée lance une flèche, elle touche sa cible, qu’Achille dépassera
la tortue, ce n’est pas ça le paradoxe. Le paradoxe pointe un autre élément :
compte tenu de cette évidence, il est étrange que lorsqu'on s'en fait une
représentation, qu'on essaie de représenter ces mouvements, toutes les
catégories qu'on mobiliseront rendront impossible le mouvement. Au
niveau de l'intelligence, la flèche ne bouge pas, Achille ne dépassera jamais la
tortue (>< réalité). C'est l'intelligence qui pose problème.

a) Achille et la tortue

« Il consiste à dire que le plus lent de la course ne peut être rattrapé par le
plus rapide, étant donné que le poursuivant doit nécessairement atteindre le
point d’où le poursuivi est parti, de telle sorte que le plus lent doit sans cesse
avoir une certaine avance » (Aristote, 1990: Livre VI, IX, 239b14).

Achille cours d'un seul tenant, il va dépasser la tortue. Mais lorsque j'essaie de
le représenter, quand j'essaie de formaliser ce que fais Achille, je vais tracer
une ligne imaginaire, un segment de droite abstrait, irréel. Je vais traduire le
mouvement d'Achille dans un segment de droite. La tortue est dans ce segment
de droite, et je projeté par mon intelligence quelque chose sur leur course qui est

Bodart Ophélie 32
un nouveau point, celui de départ de la tortue. Achille par du point A, la tortue
part du point A'. Pour qu’Achille rattrape la tortue, il faudrait qu'il passe par A', je
trace un nouveau segment de droite. Logique compliquée parce que notre
intelligence complique tout et fini par se perdre seule. Mais donc, le temps
qu’Achille atteigne A', la tortue aura avancé, elle sera au point B, et Achille devra
passer par B pour la rattraper, le temps qu'il arrive la tortue sera à C... Ainsi,
Achille ne pourra jamais rattraper la tortue.

Une course simple devient infiniment compliquée. Il implique d'avoir tracé


une ligne, de l'avoir projeté sur la course, avec des points, qu'on imagine Achille
passer par une série de point, et que sa course soit le passage successif d'un point
à un autre.

Comment Bergson lit ce paradoxe :

« Il y aurait eu pourtant un moyen très simple de trancher la difficulté :


c'eût été d'interroger Achille. Car, puisque Achille finit par rejoindre la
tortue et même par la dépasser, il doit savoir, mieux que personne,
comment il s'y prend. Le philosophe ancien qui démontrait la possibilité du
mouvement en marchant était dans le vrai : son seul tort fut de faire le
geste sans y joindre un commentaire. Demandons alors à Achille de
commenter sa course : voici, sans aucun doute, ce qu'il nous répondra. «
Zénon veut que je me rende du point où je suis au point que la tortue a
quitté, de celui-ci au point qu'elle a quitté encore, etc. ; c'est ainsi qu'il
procède pour me faire courir. Mais moi, pour courir, je m'y prends
autrement. Je fais un premier pas, puis un second, et ainsi de suite :
finalement, après un certain nombre de pas, j'en fais un dernier par lequel
j'enjambe la tortue. J'accomplis ainsi une série d'actes indivisibles. Ma
course est la série de ces actes. Autant elle comprend de pas, autant vous
pouvez y distinguer de parties. Mais vous n'avez pas le droit de la
désarticuler selon une autre loi, ni de la supposer articulée d'une autre
manière. Procéder comme le fait Zénon, c'est admettre que la course peut
être décomposée arbitrairement, comme l'espace parcouru ; c'est croire que
le trajet s'applique réellement contre la trajectoire ; c'est faire coïncider et
par conséquent confondre ensemble mouvement et immobilité (H. Bergson,
La pensée et le mouvant, p. 89) »

Bergson revient sur une distinction qui a déjà fait avant : différence entre savoir
relatif et absolu. Vu de l'extérieur, relativement à la position d'un observateur
externe, la course d'Achille est infiniment complexe. Mais vu de l'intérieur, elle est
d'une grande simplicité. Tout change selon la perspective avec laquelle on
l'interroge. Donc, il faut demander à Achille, s'installer dans la perspective
intérieure de la course.

Diogène de Sinc qui contredisait Zénon en marchant pour prouver le mouvement,


mais sans parler. Pour Bergson c'était un tort de ne pas parler, on peut penser
le mouvement, mais il faut se méfier de la façon dont on se le représente.

Bodart Ophélie 33
Achille fait un pas unitaire, détendu, qui ne passe par aucune partie ou point,
ce n'est qu'un mouvement total. Il enchaine les pas jusqu'à enjamber la tortue.
Le mouvement d'Achille est continu. Mais on peut toujours par l'intelligence le
décomposer en partie. On peut le faire, mais ce n’est pas pour ça que le
mouvement est fait de partie et de points. C'est ça qui est important : la durée,
le mouvement, est continue, prolongement, reprise... mais par l'intelligence
on peut en distinguer des parties. Ce qui ne veut pas dire que ce mouvement
est fait de partie. On projette les parties, les points, on traduit le mouvement dans
un segment de droite.

C'est la spécialisation du temps : quand on parle du temps, qu'on essaie de


nous représenter le temps, on le traduit dans les catégories de l'espace. On
traduit le temps en espace. De la course d'Achille, on en a fait une ligne, on a
cherché des points et des segments de droites et on s'est perdu parce qu'on a
appliqué des catégories de l'espace sur le temps.

C'est abstrait, pourtant, quand on demande l'heure à quelqu'un, qu'on demande


quand à vécu Jules César, ce qu'on a fait hier à 18h... On invente une ligne du
temps. Spatialisation du temps et de l'histoire. 18h est un point dans une ligne
circulaire (horloge, montre). C'est l'instinct de l'intelligence, c'est l'intelligence
elle-même qui amène à tout transformer dans l'espace. Le cerveau est une
machine de projection d'espace, familière avec l'espace et aliéné avec le temps.

C'est instinctif (>< éducation) parce qu’on n’a pas encore posé la question de
l'intelligence, savoir à quoi ça serre. L'intelligence ne sert qu'à l'action, elle ne
vise que l'action, elle ne sert pas à connaitre quelque chose, à dire ce qu'est le
réel. L'intelligence est faite pour agir et elle remplit parfaitement cette fonction.
Dans un autre livre, Bergson à retracer l'histoire du vivant, de ses formes les plus
simples aux plus élaborées, montrant la genèse de l'intelligence (plantes, animaux,
humain).

L'intelligence invente et projette sur les choses les conditions de l'action


du corps. Monde des objets, des lois, des règles, qui permettent au corps d'agir.
Comme si l'intelligence était un prolongement de notre corps, traduisant ce qui lui
est donné dans les catégories de l'action possible du corps. Si on entre dans une
pièce, on aura besoin d'anticiper ce qui s'y trouvera, d'identifier des objets, des
actions pour savoir comment notre corps pourra circuler.

Ex. venant d'un biologiste « monde animaux et monde


humain », en collaboration avec un artiste peintre. Ils ont essayé
de se représenter, de mettre en image un lieu commun,
mettant en image la diversité dans la nature des manières de
l'éprouver et d'en faire l'expérience. Comment se
représente ce même lieu un cheval, une mouche, un humain...
Pour chaque type d'organe de perception, il y avait un monde à
part entière, c'est le monde du cheval, du chien, de l'homme...
Représentation visuelles figurée. Le monde humain est un
monde inventé par l'intelligence en vue de permettre à l'activité
du corps de se déployer pleinement.

Bodart Ophélie 34
Spatialisation = ce que nous projetons, manière par laquelle on traduit tout
ce qui nous arrive dans des termes spatiaux exclusivement. C'est l'activité de
l'intelligence.

Pourquoi l'intelligence est spatialisante ? Parce qu'elle a besoin d'identifier


des objets et des relations avec des objets. C'est vital parce que le corps en
a besoin. Ce qui ne veut pas dire que le monde et notre expérience est composée
d'objet et de relation avec ces objets. Il suffit de votre notre expérience de la durée
pour se rendre compte qu'elle est composée d'une continuité indistincte.

b) Le paradoxe de la flèche

« Si un objet quelconque est en repos, lorsqu’il n’est pas déplacé du lieu qui
est égal à ses propres dimensions, et si d’autre part cet objet qui se meut est
sans cesse dans le lieu qu’il occupe présentement, la flèche qui se déplace est
immobile » (Aristote, 1990: Livre VI, 239b5)

Manière compliquée d'exprimer quelque chose de simple. Une archée tire une
flèche et elle touche sa cible. Mais si on droit calculer son parcours, l'exprimer de
manière relativement précise à quelqu'un d'autre qui n'en était pas témoin, on en
arrive à des formules aussi compliquées. L'intelligence, dès qu'elle expliquer
verbalement, avec ses abstractions, dit des choses qui le rende compliqué.

Ce que Aristote veut dire, dans des termes presque mathématiques, c'est que le
parcours de la flèche passe par une série de place. Spatialisation du
mouvement. Passe par une série de lieux qui ont la dimension de la flèche. Or,
ces lieux sont immobiles, comme les points sur une ligne. Donc, la flèche est
entièrement dans chaque segment, que segment étant immobile, la flèche est
immobile à chaque lieu où elle se trouve.

Lorsqu'on utilise un GPS, les systèmes de longitude et les latitudes sont fixé une
fois pour toute, quel que soit le mouvement qu'on fait. Ce qui veut dire qu'on
explique par l'intelligence la mobilité de la flèche par l'immobilité de la ligne.

On en arrive à cette conclusion vague que la chose la plus réelle, vraie, serait
l'immobilité et que la mobilité serait une sorte d'effet secondaire ou
d'illusion. Espace statique et immobile, alors l'immobilité serait la chose la plus
profonde... Erreur...

Deuxième série d'illusion qui nous fait croire que l'immobilité, l'invariance et
l'identité sont des catégories premières. Comme si le réel était fait de choses
immobiles, invariante. Sacralisation de l'invariance de l'immobilité. Mais c'est
celle de l'intelligence, pas celle du réel. On a un réel et une expérience faite de
changement, de durée, de mouvement, mais notre intelligence la traduit dans ses
propres catégories : invariance, stabilité... On finit par croire que le réel est à
l'image de notre intelligence (c'est un geste anthropomorphique, croire que
l'intelligence est le fondement du réel).

Bodart Ophélie 35
Bergson le résume :

« Mais en cela consiste précisément notre méthode habituelle. Nous


raisonnons sur le mouvement comme s'il était fait d'immobilités, et, quand
nous le regardons, c'est avec des immobilités que nous le reconstituons. Le
mouvement est pour nous une position, puis une nouvelle position, et ainsi
de suite indéfiniment. Nous nous disons bien, il est vrai, qu'il doit y avoir
autre chose, et que, d'une position à une position, il y a le passage par lequel
se franchit l'intervalle. Mais, dès que nous fixons notre attention sur ce
passage, vite nous en faisons une série de positions, quittes à reconnaître
encore qu'entre deux positions successives il faut bien supposer un passage.
Ce passage, nous reculons indéfiniment le moment de l'envisager » (H.
Bergson, La pensée et le mouvant, op. cit., p. 89).

Méthode habituelle, qui ne veut pas dire notre expérience la plus directe des
choses. Il parle de notre expérience déjà traduite dans notre intelligence,
modifiée par l'intelligence. Il marque une sorte de dimension naturelle de notre
intelligence qui s'implique spontanément dans notre expérience. On pense le
mouvement comme s'il était fait d'immobilité, de point invariable. Le point
est à la ligne ce que l'instant est au temps, c'est à dire une abstraction, celle par
laquelle on a traduit le temps par l'espace.

Bergson poursuit en disant que du point de vu de notre intelligence, le


mouvement est pour nous succession de nouvelles positions. On voit un objet
qui se déplace et on le pense comme une succession de position. Parfois, on se
demande ce qui peut se passer entre les deux moments, dans l'intervalle de deux
positions, entre l'origine et la destination. On peut penser qu'il y a un vide, mais
si on y pense, on y voit encore des positions à l'infini, parce que l'intelligence
cherche toujours la position et l'immobilité. Or, si on sort à un moment des
catégories de l'intelligence, si on se place à l'intérieur même de la mobilité, il ne
serait plus question d'intervalle et de vide, il n'y aurait plus de moment vide dans
l'expérience, tout s'y poursuivrait selon une certaine continuité. Le vide, c'est la
partie d'une expérience à laquelle on ne prête pas attention ou qui frustre une
attente. Un lieu vide n'existe pas, mais compte tenu de l'attentent qu'on en a,
ça sera une attente frustrée et donc on l'appellera le vide (« il n'y avait
personne à la fête », « rien dans la pièce »).

Conception abstraite du temps. Quand on parle du temps, on parle d'une


abstraction, du temps de notre intelligence, et ce n’est pas du temps, mais de
l'espace. On ne parle en fait que de l'espace, pas du temps. C'est la fonction
naturelle de notre intelligence que de penser dans l'espace.

Bergson dit que c'est la fonction naturelle de l'intelligence, la plus direct et


spontanée. Mais est-ce que la philosophie a rompu dans son histoire avec cette
conception représentée du temps, qui est de l'espace ? Non pour Bergson, dans
ses formes majeures à repris en permanence cette vision spatialisante du temps.
Ce que la philosophie appelait temps, c'était de l'espace.

Bodart Ophélie 36
7. Le temps spatialisé et les sciences
Est-ce que les sciences ont rompu avec cette vision d'un temps spatialisé ? Non,
les sciences n'ont jamais parlé du temps, que de l'espace, même en mettant
en équation le temps. Elle spatialise. Les exceptions sont extrêmement rares.

« La fonction de la science est d’accroitre notre influence sur les choses. La


science peut être spéculative dans sa forme, désintéressée dans ses fins
immédiates : en d’autres termes, nous pouvons lui faire crédit aussi
longtemps qu’elle voudra. Mais l’échéance a beau reculer, il faut que nous
soyons finalement payés de notre peine. C’est donc toujours, en somme,
l’utilité pratique que la science visera. Même quand elle se lance dans la
théorie, la science est tenue d’adapter sa démarche à la configuration
générale de la pratique » (H. Bergson, L'évolution créatrice, op. cit., p. 192).

La position de Bergson, c'est que les sciences, dans leur fonction véritable, dans
leur essence, ne se sont jamais véritablement transformé. Des sciences
antiques aux sciences contemporaines, il a bien des évolutions dans les théories,
les connaissances, mais elle n'a jamais changé de fonction. Fonction
irréformable pour Bergson, la science ne changera jamais de fonction.

Position provocatrice de Bergson : les sciences par leur essence même ne


visent pas à dire ce qu'est le réel. Ce n'est pas la fonction des sciences, elles ne
sont pas là pour dire ce qu'est le réel. Elles ne peuvent le dire que partiellement,
selon un aspect du réel. Elles ne peuvent que mettre en valeur l'aspect lié à
l'intelligence. Rien de plus ridicule que l'ambition de certain à avoir une science
totale, complète des phénomènes, correspondant directement au réel. C'est de
l'idéologie, pas des sciences, elles ne sont pas faites pour dire le tout du réel à
cause de leur nature même.

Est-ce une critique que fait Bergson aux sciences pour les discrédité ? Non.
C'est parce que les sciences n'épuisent pas le réel qu'elles sont importantes,
efficace, qu'elles définissent autant d'élément dans notre expérience. C'est une
condition de leur puissance.

Les sciences ne visent qu'un aspect du réel et ne pourront jamais pouvoir


traiter d'autres aspect du réel. Et c'est ça qui les rend efficace et importante. À
l'inverse, si les sciences pouvaient toucher le réel dans la totalité de ses aspects,
elles seraient totalement inefficaces. C'est leur partialité qui est condition de
leur efficacité.

À quoi servent les sciences ? Pas pour connaitre le réel, elles ne sont jamais
contemplatives. Elles n'ont aucun intérêt à dire ce qu'est le réel, ça serait un signe
d'impuissance. Les sciences servent à accroitre notre influence sur les choses.
C'est la seule fonction de la science, qui n'a jamais changé et ne changera jamais.
Amplifier notre puissance d'agir sur les choses, rendre le monde accessible à notre
puissance d'action. Les sciences prolongent les nécessités de notre
intelligence.

Bodart Ophélie 37
Deux distinctions quand on parle des sciences :

• Différence entre science théorie et pratique. Sciences théories qui


développeraient des lois cosmologiques par exemple, indépendamment de
leur aspect pratique, ça serait la science pure, désintéressée de toutes les
conséquences pratiques (mathématique, physique théorie...). Face à ça, des
sciences dites pratiques, qui viseraient les difficultés de relation entre les
sciences théorie et leur application (sciences des ingénieurs).

→ Distinction intéressante pour Bergson, permet d'organiser les


enseignements et les recherche... Mais elle n'est pas profonde.
Dès qu'on traite concrètement de ces sciences théories, on se rend
compte qu'ils développement leur théorie à partir de toutes les
dimensions pratique de leur époque. C'est une fausse opposition
dans la réalité, parce que dans les deux cas la science est pratique,
même quand elle est théorique et le plus épuré possible. Il y a des
intensités, des différentes d'intensité, mais pas de nature. Pratique
ou théorie en fonction de la distance des effets. Plus ses
applications sont lointaines, plus elle sera pure et théorie, plus ses
effets sont immédiats, plus on la dit pratique. Mais les deux relèvent
d'une seule fonction, accroitre notre influence sur les choses, agir,
que ce soit une action lointaine ou proche.

• Distinction entre science classique et modernes. Les sciences


classiques étaient principalement organisées, notamment en ce qui
concerne le mouvement, autour de lieu ou de point privilégié (haut, bas...)
du mouvement. Les sciences modernes s’établissent par une équivalence
généralisée des lieux. Un mobile peut être pris à n'importe quel moment de
sa trajectoire et reconstituer ses mouvements. Pas de points privilégiés dans
la trajectoire, tous sont interchangeable.

→ Mais au final pour Bergson, science classique ou science moderne


ne change pas la nature de l'activité scientifique. Elle reste liée
à la question de l'influence sur les choses, et lié à la spatialisation que
ce soit en lieu interchangeable (mathématisation des sciences
modernes) ou privilégié.

Dans les sciences, le temps reste pensé dans le régime de l'espace ? Étant
donné l'organisation pratique des sciences, elles prennent de l'objet que ses
dimensions situables. Elles pensent son mouvement comme une série de
configuration instantanée (Newton). L'État de l'univers à un moment particulier,
suit un état de l'univers à un moment particulier... Les lois du mouvement vont
consister à, compte tenu d'un moment particulier, comment va se passer le
mouvement du mobile à un autre moment particulier.

Métaphore : image cinématographique de la pensée. Les sciences fonctionnent


sous un modèle cinématographique. Lorsque Bergson écrit, c'est les débuts du
cinéma et il s'intéresse à la technique. Comment fonctionne le cinéma ? Série de

Bodart Ophélie 38
photographie statique qui, par une projection à une certaine vitesse, donne
l'impression d'un mouvement. Notre intelligence est cinématographique, faite
de photographie instantanée, spatiale. Les sciences fonctionnent comme ça,
en se faisant des représentations statiques de l'univers, comme une succession de
photo. La loi du mouvement, c'est la manière par laquelle chaque image est reliée,
selon une vitesse de transfert des photos. On est tellement marqué par ces
dimensions cinématographiques de la pensée qu'on finit par croire que le réel
est fait de photo distincte, de moment distinct. On oublie que c'est notre
intelligence qui est cinématographique, mais pas le réel. Cristallisation de la
pensée cinématographique.

Toute cette réflexion à partir de la différence entre le temps réel et la


représentation intellectuelle du temps. Tout ça pour arriver à la métaphore d'une
intelligence cinématographique, qui ne vise que l'action. Ce qu'on appelle la
loi de la nature, ou loi générale, n'est qu'une succession de ces images
cinématographiques.

Quel rôle peut jouer la philosophie là-dedans ? Si le corps est un foyer d’action.
Qu'il se défini comme être agissant, si l'intelligence n'a pour fonction unique que
d'amplifier l'action du corps, la rendre possible, traduire le monde dans les formes
dans ce qui permettra au corps d'agir. Si la philosophie à créer une
métaphysique de la connaissance qui venaient consolider la fonction de
l'intelligence. Si les sciences n'ont jamais eu pour unique fonction que
d'établir des lois, des ordres de réalité, plus amplifié que l'intelligence dans
l'action même. File tendue du corps jusqu'à la métaphysique et aux sciences. Les
sciences seraient encore plus pertinentes que leur unique fonction serait de nous
permettre d'agir.

Vision du réel : est-ce que l'intelligence n'est pas uniquement fabulatrice,


fictionnelle ? Productrice permanente de fiction et de fabulation ? Elle invente un
monde qui ne correspond à rien d'autre que ce qui permet au corps d'agir. Illusion
généralisée, comme si le réel était ce qu'on projetait comme les conditions
d'action de notre corps Cette immense fiction qu'on appelle le monde de
l'intelligence et de la représentation n'aurait d'autre validité et consistance que
de nous permettre d'agir. Si tout était fiction, rien n'était réel, que nos
représentations ne représentent rien d'autre qu'elle même... C'est efficace si ça
permet de faire plein de chose...

8. Le rôle de la philosophie
Alors à quoi servirait cette nouvelle philosophie ? Pour prolonger l'ordre de
la fiction et nous faire perdre tout illusion quant à la recherche d'une réalité au-
delà de nos représentations ? Est-ce que la philosophie permet juste de dire qu’on
n’aura jamais accès à la réalité telle qu'elle est, mais uniquement à nos
représentations ?

Ce n’est pas le cas pour Bergson, la philosophie doit nous montrer la genèse
de nos représentations et le fond. Comment accéder à cette réalité ? Et

Bodart Ophélie 39
pourquoi le faire si ça marche très bien comme ça ? Au bout de tout ce qu'on vient
de voir (impossibilité du mouvement, paradoxe de Zénon), on constate une tension
de la représentation, elle ne cesse de s'empêtrer dans des faux problèmes.

Par exemple : comment être libre dans un univers déterminé ? Comment le


libre arbitre est possible dans un monde déterminé de matière scientifique et
mathématique ? C'est un faux problème pour Bergson, la question est mal posée.
Est-ce que l'universel set fini ou infini tant dans ses origines que dans ses
finalités... C'est un faux problème.

Faux problème ? Lorsque l'intelligence invente un certain type de


représentation, d'entité abstraite qui lui permettent d'agir d'une certaine
manière et quand elle oublie qu’elle inventé cette entité abstraite, cette
représentation qui lui permettait d'agir, et que cette intelligence croit qu'elle a
affaire aux choses elles même.

Ce qu'on appelle des objets physiques en général on a tendance à identifier une


table, une chaise... Et quand on analyse ce que c'est exactement, on se rend
compte d'un immense foyer d'agitation anatomique, cellulaire... Rien de
simple là-dedans. L'œil simplifie ce qui est donné et on se fait une idée d'unité
de la chose. Fusion qui permet de représenter la chose pour agir sur elle, l'imaginer
en son absence... L'erreur c'est d'oublier qu'on a inventé cette
simplification et de dire qu'il y a quelque chose de réel qui correspond à cette
représentation. C'est le début des faux problèmes, on finit par croire qu'il y a une
unité de la table au-delàs de ma représentation.

L'intelligence invente des définitions et oublie que c'est sa propre définition. C'est
de là que viennent les faux problèmes. Toute nos mouvements sont actifs, on
invente des choses pour agir sur notre quotidien, les sciences amplifie ce
processus. Tout fonctionne très bien si l'intelligence ne se perdait pas dans des
faux problèmes qui sont d'avoir oublié qu'elle a inventé ces définitions. Il faut
dégager l'intelligence de ces faux problèmes pour retrouver les modes d'une
réalité en deçà de nos représentations.

8.1. La méthode de cette philosophie


Cette nouvelle philosophie va le faire à partir d'une méthode singulière. Il faut une
méthode pour le faire, parce que l'attitude à laquelle elle est en appel est contre
naturelle. Cette méthode s'appelle l'intuition.

« Ces considérations sur la durée nous paraissaient décisives. De degré en


degré, elles nous firent ériger l’intuition en méthode philosophique.
‘Intuition’ est d’ailleurs un mot devant lequel nous hésitâmes longtemps. De
tous les termes qui désignent un mode de connaissance, c’est encore le plus
approprié ; et pourtant, il prête à la confusion. Parce Tranb100 – Histoire de
la philosophie contemporaine – Didier Debaise 31 qu’un Schelling, un
Schopenhauer, et d’autres ont déjà fait appel à l’intuition, parce qu’ils ont
plus ou moins opposé l’intuition à l’intelligence, on pouvait croire que nous

Bodart Ophélie 40
appliquions la même méthode. Comme si leur intuition n’était pas une
recherche immédiate de l’éternel ! Comme s’il ne s’agissait pas au contraire,
selon nous, de retrouver d’abord la durée vraie » (H. Bergson, La pensée et
le mouvant, p. 25-26)

Passage important dans le développement de la pensée de Bergson. Son


problème majeur n'est pas la connaissance, comment connaitre quelque
chose... mais c'est la question de la durée. Il n'a jamais pensé une seule chose :
rendre compte du statut de la durée, faire l'expérience de la durée, pourquoi c'est
une expérience niée de la philosophie.

Problème de la connaissance : comment connaitre une durée, et pourquoi ce


concept est si difficile à capter par l'intelligence ? Problème de la liberté, de
l'ontologie... Tout ça renvoie à la durée. Ainsi, la durée est au cœur de la
pensée de Bergson et elle l'a toujours été, c'est son origine et son obsession.

Intuition en méthode scientifique : l'intuition ne s'est pas imposée


instantanément, le problème de l'intuition n'est pas apparu au même moment que
le problème de la durée, elle est apparue plus tard dans son œuvre. Mais le
problème de l'intuition est venu plus tard dans son œuvre parce qu'il vient plus
tard en ce qui concerne la durée. Le problème implique qu'il y ait la question de la
durée avant la question de l'intuition.

Des lecteurs avaient cru que la philosophie de Bergson était une philosophie de
l'intuition. Or ce n’est pas le cas.

Bergson dit que les considérations sur la durée lui firent ériger la méthode
de l'intuition en philosophie. C'est une monstruosité conceptuelle pour la
philosophie... L'intuition comme méthode. Monstruosité ? Dans l'histoire de la
philosophie l'intuition apparaissait toujours comme une certaine faculté,
une manière de faire l'expérience des choses. Expérience presque directe,
préalable à toute représentation, tout acte d'intellection. D'ailleurs, sur ce plan, la
philosophie ne posait pas le problème de l'intuition si différemment qu'on le fait
quotidiennement. On a tendance à opposer les gens intuitifs et les gens plus
réflexif (intellection).

« J'en ai eu l'intuition >< je pouvais l’anticiper en réfléchissant »

L'intuition serait une faculté presque sensible qui nous permet de nous rapporter
aux choses sur un mode direct, non médié, pas encore transformé par les actes
de notre intelligence.

Bergson va opposer intuition et intelligence, mais en disant que l'intuition est


d'abord une méthode. C'est presque un oxymore, une contradiction des termes.
L'intuition, au niveau définition, devrait s'opposer à la méthode (= le
chemin qu'on a suivi pour atteindre à une connaissance, le chemin qu'il faut suivre,
ensemble d'opération, d'état qui dans une expérience nous permet d'acquérir un
savoir ou une expérience). Intuition et méthode sont peut-être les termes les plus
opposé au niveau lexical.

Bodart Ophélie 41
Chez Descartes, l'intuition et la méthode formaient une sorte d'alliance.
Exploration de l'expérience, avec à la fin l'acquisition d'une intuition directe.
Comme si la méthode nous donnait les indications à suivre, comme une sorte de
mode d'emploi qui, porté à son terme, nous met face à une transformation
instantanée : l'intuition.

Bergson dit quelque chose dans cette expression différente de Descartes, puisque
l'intuition est la méthode elle-même, pas la fin du parcours. C'est le parcours
en entier

Bergson dit qu'il a hésité sur la mise en place d'une identification entre méthode
et intuition, ça n'allait pas de soi. Et il hésita encore plus parce que le terme avait
déjà été retransformé : Schopenhauer, philosophe allemand post-ancien.

Question de l'intuition dans la philosophe, issu de la critique de la raison de vivre


de Kant. Pour nous, toute expérience passe par la sensibilité, c'est la manière
par laquelle les objets, impression diverse du monde, sont synthétisé, unifié par
nos modes propres d'expérience. On est touché par le monde, la diversité des
impressions qui nous proviennent du monde, mais selon des modalités qui nous
sont propre, celle de notre sensibilité (5 sens). Et l'intuition est le moyen par
lequel nous recevront la diversité des éléments de notre expérience. La synthèse
à base de la sensibilité, c'est l'intuition. Flux de sensation qui s'associe à d'autres
flux pour ensuite en faire des règles générales, jusqu'à en faire l'expérience
intellectualisé. On fait l'expérience sensible d'une chaise, puis plus tard une
autre chaise, on finit par avoir le concept de ce qu'est une chaise. L'intuition
pour Kant, c'est un lieu de sensibilité relative à un type d'expérience.

Bergson, quand il utilise le mot intuition, il est conscient de ce rapport. Qu'est


ce qui le met mal à l'aise par rapport au terme intuition ?

• L'intuition revient à une certaine faculté, celle de la sensibilité. C'est une


sorte de première expérience qu'on peut trouver du rapport à ce qui nous
affect à l'extérieur.

• L'intuition c'est la manière par laquelle le sujet humain projette sur le


divers des intuitions les formes du temps et de l'espace.

En quoi c'est un problème ? Ça veut dire que le temps et l'espace ne seraient


que les formes par lesquels on fait l'expérience des choses. Le temps et
l'espace seraient la manière par laquelle on éprouve les choses.

Pourquoi est-ce un problème ? La conséquence logique ça, c'est que les choses
en elles même ne sont pas spatiotemporelle. On n’a pas accès à leur
temporalité propre. Si on dit que le temps et l'espace, c'est ce qu'on projette sur
les choses, en conséquence, les choses ne sont pas en elle-même
spatiotemporelle. La durée risquerait alors de n'être que la manière par laquelle
nous donnons sens aux choses qui nous arrivent. Mais que la durée ne serait pas
dans les choses.

Bodart Ophélie 42
Troisième problème que Bergson rejette : la finitude, l'homme ne peut pas aller
au-delàs de la spécificité de la manière par laquelle il éprouve une expérience.
Nous ne pourrions pas aller au-delàs de ce qui lui vient par les sens. On ne pourrait
pas sortir de nous-même. On est lié à une limite stricte, celle de notre
sensibilité.

Pourquoi c'est un problème ? Parce que ça veut dire qu'on est dans une extrême
limitation de la pensée, l'homme ne penserait que les conditions de sa
propre existence. Il ne pourrait jamais penser au-delàs de lui-même. L'intuition
serait le terme chez Kant qui marquerait cet interdit. Nous ne devrions pas tenter
d'aller au-delàs de nous-même, parler des choses elles même.

Pour Bergson au contrainte, l'intuition devrait devenir la méthode par


laquelle nous sortons de notre finitude. La manière par laquelle on peut entrer
dans les choses, on peut faire l'expérience des choses elles même. La manière
dont on peut éprouver les autres du réel.

3 limites de l'intuition que Bergson veut rejeter :

• Croire que l'intuition est liée à une faculté particulière, celle de la


sensibilité, donc lié à un problème particulier, un domaine d'expérience
particulier : or l'intuition n'est pas une faculté et quelle n'est pas liée à un
domaine particulier, elle touche tous les domaines.

• En faisant de l'intuition un lieu de projection de l'espace et du temps


sur les choses, on présuppose que ces choses ne sont pas spatiotemporelles
: or Bergson affirme que ce qu'on appelle « des choses, le réel », se sont en
eux même des durées, de l'espace et du temps.

• Dogme de la finitude, l'homme ne pourrait pas sortir de la spécificité de


son ode d'expérience, l'homme ne devrait pas chercher à prendre contact ,
entrer en sympathie avec des réalité qui serait d'un autre ordre que l'humain
(expérience végétale, animal...) : or pour Bergson, c'est au contraire la
fonction de la philosophie, et peut-être même sa seule fonction, sortir
de la condition humaine, nous faire éprouver, faire faire l'expérience de
réalité infra humain, biologique, végétale, animal, suprahumaine.

Se mettre en rapport de sympathie, de proximité avec les choses


infrahumaine, ça va jusqu'où ? Pour Bergson ça s'arrête nulle part, l'infrahumain
va à l'infini. C'est le mode de la méthode de l'intuition : intervertir le cours
habituel de la pensée. Modifier radicalement le cours habituel de la pensée. Quel
est-il ? C'est le cours pratique de la pensée, tout ce qu'on a vu jusqu'à présent, la
modalité par laquelle la pensée prolonge l'action. Intervertir le cours habituel de
la pensée, c'est se soustraire au paradigme agissant de la pensée, réduire
l'action à son minimum. C'est en quelque sorte se laisser posséder par les
choses plutôt que d'essayer d'agir sur elles.

Bergson pense que nous avons plein d'expériences immédiate où l'action n'a
pas encore prit ses droits (le réveil...). La philosophie sera l'attitude qui va

Bodart Ophélie 43
rechercher activement à se mettre dans ses attitudes là. C'est ça le mode de
l'intuition, remonter la pente de l'activité pratique. Ça se fait dans le flux de
l'expérience, à l'intérieur du sujet. Approfondir par une sorte d'introspection tout
ce qui nous submerge (souvenir, mémoire, désire...), On entre en familiarisation
à ce qui nous est le plus intérieur.

Par ce processus, on s'introduit dans des sortes de strate de plus en plus


approfondi de durée. C'est comme si, au plus on entre à l'intérieur du flux de
conscience, au plus on retrouve ce qui nous parait extérieur, c'est à dire les autres
réalités. L'intuition sera la démarche par laquelle nous sortons étape par étape
de l'activité pour rentrer en sympathie avec des strates de plus en plus
enfoui de la conscience. Elle va se faire en 3 temps, 3 étapes distinctes pour
Bergson :

• L'intuition est une sorte de vision directe de l'esprit par l'esprit, une
sorte de sympathie de l'esprit par lui-même. On sort de l'intelligence,
on approfondit un contact direct de la conscience avec lui-même.

• Interpénétration des consciences humaines, entrant dans


l'approfondissement du flux de la conscience, on entre en contact avec la
multiplicité des flux de conscience. La durée propre de notre conscience
devient analogue à la durée des autres consciences. Comme si on faisait
l'expérience d'une même réalité, celle des durées de la conscience en
générale. Ici on est encore dans l'humain, on est marqué par une durée
particulière, singulière, mais qui serait la même (bien que vécue par une
pluralité de réalité) pour tous.

• On fait l'expérience de ces durées infrahumaines, non humain, qui ne


se limitent pas à l'humain. Durée biologique, physique, vivante.
Bergson, dans un autre livre voit dans l'histoire du vivant, l'histoire d'un seul
élan vital, un seul mouvement de vie, une sorte d'impulsion vitale qu'il
appelle l'élan vital. Ce mouvement vital aurait d'abord été initié, une seule
vie, une seule modalité de vie. Et au cours de l'évolution, il se serait
différencié par sorte de bifurcation successive.

o Première bifurcation : les êtres organiques et non organique


o Deuxième bifurcation : les êtres végétaux et animaux
o Troisième bifurcation : les animaux instinctifs et les intelligents

On aurait une grande histoire des modalités d'existence à partir d'un foyer originel,
unifié. Pour Bergson, l'intuition c'est ce qui va nous permettre de retracer, de
reparcourir à l'intérieur de nous-même, à la fois les bifurcation et l'unité.
Nous retrouverons au plus profond de nous-même les strates du vivant en général.

Remarque : en sachant que l'intuition est identique d'une personne à l'autre.


L'intuition liée à la sensibilité est différente de l'un à l'autre, effectivement, mais
Bergson parle bien d'une méthode intuition, ce qui fait qu'elle est identique
pour tous. On ne fait que retourner l'intelligence sur elle-même.

Bodart Ophélie 44
On serait donc à un moment particulier de l'évolution, un moment où l'intelligence
a pris la forme qu'on connait aujourd’hui, un point radical lié à la notion pratique.
Intelligence qui nous aurait fait perdre le contact avec les autres vivants.
Parce qu'on les pense selon la modalité de notre intelligence active, on en a perdu
le contact et la sympathie. Par l'intuition, on peut revenir aux conditions même de
l'intelligence, à savoir l'élan vital. De proche en proche, on retrouverait une
unité d'existence, celle de l'élan vital.

Quels sont les réalités suprahumaines ? L'infrahumain c'est tout ce qui dans
notre existence nous met en liaison avec la totalité de l'histoire du vivant (structure
organique, anatomique, flux moléculaire...), notre corps étant une histoire de
variation et de sélection. Le suprahumain quant à lui concerne tout ce qui
renverrait à des modes de réalité qui pourraient insister dans notre expérience et
qui ne se réduirait pas à la dimension physique. Bergson est intéressé par
l'expérience des mystiques, tout ceux qui ont fait exister des réalité
suprahumaines (sans dire si elles sont vraies ou fausse). L'élan vital n'étant pas
que biologique, il est aussi spirituel, quelque chose qui dépasse l'humain est ses
fonctions d'intelligence, le poussant à aller toujours au-delàs de notre situation.
Les sciences et leur puissance pourraient faire partir de cet au-delà, autant que la
religion, la spiritualité. Aucune opposition entre science, spiritualité et
religiosité.

Dans une lettre, Bergson écrit à un philosophe italien, et il retrace tout son
parcours (j’ai pas retrouvé la citation).

Témoignage sur la façon dont il faut vivre l'expérience. On pourrait penser qu'il est
anti-intellectualisme spiritualiste... Ce n’est pas vrai.

9. Rappel de la réflexion de Bergson


Bergson répète que ce n'est pas la psychologie qui l'intéresse, mais d'abord
la théorie des sciences et ce qui peut paraitre être le plus rapide dans cette
pratique : les mathématiques. Bergson se rend compte que la mécanique pose
la question des mouvements des corps, leur interaction, leur déplacement... Donc,
la mécanique devrait poser comme central la question du temps (vitesse, temps
de déplacement). Même constat avec les théories de l'évolution. Choc pour
Bergson, la mécanique parle de temps, mais ne pense jamais une durée.
Quand elle parle de temps, elle parle de quelque chose de particulier qui n'a rien
de temporel, quelque chose de différent que le temps, elle parle en réalité de
l'espace. La physique ne parle toujours que de l'espace, et ce qu'elle appel temps,
c'est aussi de l'espace.

Constat de Bergson : la mécanique devrait penser le temps, mais elle pense


l'espace parce que la mécanique n'est pas une description du réel, mais que
comme toute science, c'est une articulation pratique des choses. Donc dans
l'activité pratique, il y a quelque chose qui tend vers l'espace plutôt que vers le
temps. C'est l'activité pratique qui est responsable de la question de l'espace. C'est
comme ça que Bergson en est arrivé à interroger cette suprématie de l'espace,

Bodart Ophélie 45
cette omniprésence de l'espace dans toutes les catégories de l'espace. Il y voit
le lieu responsable d'une série de faux problème. On pense tout dans l'espace.
C'est à ce moment que la nécessité d'une autre démarche philosophique s'est
posé à lui, l'intuition. Dans la mesure où l'espace est lié à l'activité pratique et
qu'elle trouve son lieu d'exercice dans l'intelligence, l'intuition va modifier ce cours
de l'intelligence pour de strate en strate rejouer la durée, retrouver une durée
plus profonde, plus réelle que l'espace. C’est à partir de là que tous les
problèmes de la philosophe, les cadre de la philosophie vont devoir être pensé
comme catégorie de la durée, et non plus de la science.

Bodart Ophélie 46

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