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Les sciences formelles comme la logique et la mathématique s’intéresse uniquement à la forme
logique de la pensée et, de manière plus particulière, aux formes universelles du raisonnement valide,
peu importe les entités sur lesquelles s’appliqueraient les énoncés (Cf. Cours « la raison et le réel »).
Il n’est pas besoin, par exemple, d’observer un cercle pour le connaître. Il suffit de le construire
mathématiquement, c’est-à-dire de démontrer ses propriétés sans considération du contenu. Les
sciences expérimentales telles que la physique, la chimie et la biologie, s’intéressent, elles, à la réalité,
c’est-à-dire aux objets et aux phénomènes du monde extérieur ; elles cherchent plutôt à établir et
vérifier la correspondance entre la théorie et la réalité.
Au sens singulier, le mot science devient moins précis, pour ne pas dire plus ou moins
équivoque : même en étant synonyme de la connaissance et du savoir en général, la science réunit sous
une seule dénomination des disciplines aussi différentes, des métiers si divers, des méthodes si
divergentes. Ce qui justifie peut-être le singulier du mot « science », c’est l’existence d’une
communauté scientifique qui réalise un travail collectif, qui n’a guère d’équivalent dans les mondes
artistique, littéraire ou philosophique ; c’est également l’idéal scientifique de neutralité et d’objectivité
dans l’explication du réel.
La question de l’essence de la science se pose également comme une question à propos de
l’objet d’étude en science. L’objet de la science semble multidimensionnel. Jusqu’à quel point peut-
on, par exemple, séparer au sein de l’être vivant entre sa conception biologique et évolutive et sa
conception physico-chimique et inerte ? Il est difficile de trouver aujourd’hui une différence de
principe entre science de la nature vivante et science de la nature inerte, compte tenu de l’intérêt
apporté aujourd’hui en biologie à la question des lois physico-chimiques. Pendant longtemps, on a pu
croire à « la génération spontanée », c’est-à-dire à l’engendrement des êtres vivants à partir d’une
matière en putréfaction. Mais Pasteur montre définitivement que la génération spontanée n’existe pas,
y compris pour les micro-organismes : le vivant vient du vivant, et non de la matière. Pourtant, la
biologie transforme aujourd’hui les processus organiques en processus chimiques, de même que leurs
principes de structuration (l’ADN). Ainsi l’espace creusé au niveau de la réalité entre le vivant et la
matière semble s’effacer au profit d’un autre, celui du fonctionnement chimique de l’organisme.
Heureusement, aujourd’hui la théorie de l’évolution permet de résoudre cette apparente contradiction.
La question de l’essence de la science se pose également à un autre niveau, celui de la relation
des sciences de la nature qui s’intéressent à l’homme telles que la biologie, la neurologie et les
sciences humaines telles que l’histoire, la sociologie, la démographie, l’anthropologie, l’économie, la
linguistique et la psychologie. On sait qu’au 19ème et au 20ème siècle une coupure s’est opérée entre ces
deux sortes de sciences. Mais jusqu’à quel point cette coupure pourra-t-elle être définitive ? Car si,
pour ne donner que cet exemple, aux yeux de la neurologie, l’étude du cerveau humain est similaire à
l’étude de la souris aussi bien théoriquement qu’expérimentalement, aux yeux des sciences humaines
telles que la sociologie ou la psychologie, l’homme est d’une nature presque totalement différente :
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son mode de vie en société fonctionne à travers des valeurs culturelles qui rendent sa représentation
psychologique du monde très spécifique.
Comme on le sait, les sciences humaines », ou « sciences de l’homme » prennent l’homme
pour objet, en tant qu’il est, non pas comme corps et matérialité naturelle, mais comme un être
spirituel et social qui pense et qui agit. Il est clair qu’on ne peut étudier les phénomènes physiques
comme on étudie les phénomènes psychiques ou les phénomènes sociologiques. Cela veut-il dire que
les sciences humaines doivent-elles être exclues du champ scientifique sous prétexte qu’elles
n’utilisent pas les mêmes méthodes de la science expérimentale ? Il faut reconnaitre que la
particularité des sciences humaines est qu’elles cherchent plus à comprendre l’homme qu’à
l’expliquer. Expliquer, c’est dégager les causes et les mécanismes ; comprendre, c’est donner le sens.
En effet, l’homme n’agit pas seulement comme un mécanisme poussé par des causes, il agit pour des
raisons, il donne du sens à son action. L’homme est à la fois objectivité et subjectivité. On appelle
herméneutique le travail d’interprétation qui, au-delà de l’explication des déterminismes et des
contextes, cherche à comprendre le sens de ce qui arrive à l’homme.
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Si l’empiriste est celui qui part de l’expérience sensible, il reste à savoir comment, après
avoir enregistré les données fournies par les cinq sens (data), il organise ces données et si, de surcroit,
il parvient à prédire vraisemblablement, c’est-à-dire de la façon la plus probable possible, leurs
conséquences. Les données externes de l’expérience sensible suffisent-elles à élaborer une
connaissance véritable ? Il faut dire que la perception n’est pas pure réception. Elle est conditionnée
par des programmes innés, précisément neurologiques, qui s’avèrent nécessaires pour structurer les
sensations en éléments signifiants. Parvenir à organiser consciemment et rationnellement les données
reçues du monde extérieur dans des structures préétablies formellement qu’on appelle théorie réclame
au moins un double soin : le soin de faire intervenir des schèmes, c’est-à-dire des cadres de pensée
théoriques qui traduisent un certain paradigme, et le soin de se départir des préjugés et des a priori.
Un paradigme, c’est un modèle dominant, fait de principes théoriques, de pratiques communes,
d’exemples fondateurs qui soudent une communauté de chercheurs, qui orientent leurs recherches et
sélectionnent les problèmes intéressants à leurs yeux. Il faut reconnaître que le paradigme n’est jamais
totalement explicite.
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pour Thomas Kuhn, n’est pas constitué par un progrès continu et cumulatif, mais par des sauts, par des
crises qui voient des paradigmes se substituer soudainement à d’autres.
1La syllogistique est la partie de la logique formelle qui se charge d’étudier les différentes formes logiques et universelles du
syllogisme
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K. Popper est la question de la réfutabilité des théories scientifiques). Une question se pose pourtant :
la comparaison suffit-elle pour considérer la théorie vérifiée comme adéquate au phénomène étudié ?
La rigueur et la pertinence du calcul mathématique ne fournissent-elles pas le critère de la certitude
beaucoup plus que ne le ferait l’expérience réalisée ?
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définition. En effet, le sens ordinaire du mot « poids » n’est pas forcément celui que lui confère la
science ; de plus, en science moderne ce mot n’est jamais utilisé de manière métaphorique ou
métaphysique. Il faut dire que les définitions qu’apporte la science ne visent pas plus que la précision,
l’adéquation et surtout l’explication des données de l’expérience scientifique par leurs caractéristiques
essentielles. Aujourd’hui, grâce aux nuances scientifiques, on sait que le poids d’un objet est la force
avec laquelle la Terre (ou les autres astres) nous attire vers elle et que l’unité de cette force est le
newton (N), c’est-à-dire que le poids se mesure en newtons et non en kilogrammes, alors que la masse
est la quantité de matière dont l'objet est constitué, ce qui explique pourquoi elle se mesure en
kilogrammes à l’aide d’une balance par exemple. On peut citer un autre exemple, tiré du domaine des
sciences humaines : en économie, la « productivité » est un concept abstrait, et l’on peut visiter une
usine sans jamais « voir » la productivité. Pourtant, la productivité est une réalité indéniable, voire
fondamentale : elle commande le prix des marchandises, la compétitivité d’un pays, le pouvoir d’achat
de ses habitants, etc. Ces deux exemples, tirés de deux domaines de la science différents, montrent
que, en définitive, l’abstrait scientifique ne s’oppose pas au réel ; au contraire, c’est un instrument
d’action sur le réel qui force ce dernier à parler le langage de la science et de la vérité.
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Dossier. L’épistémologie ou la philosophie des sciences
L’épistémologie est la réflexion critique sur l’histoire des sciences ainsi que les conditions de
la vérité scientifique. Plus précisément, elle se charge de la critique de l’objet, des méthodes et des
résultats de la recherche scientifique, tous domaines confondus.
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La thèse de Bachelard peut utilement être opposée à une conception plus naïve de l’histoire
des sciences, selon laquelle les sciences progressent par simple accumulation. Une telle conception a
été défendue par l’historien des sciences français Pierre Duhem. Bachelard met en évidence le
caractère conflictuel et dialectique de l’histoire des sciences. On peut l’illustrer par l’exemple
classique des fontainiers de Florence. La théorie aristotélicienne expliquant que l’eau s’élève dans les
pompes en vertu du principe métaphysique : « la nature a horreur du vide ». Les scientifiques du
XVIIe siècle considéraient comme énigmatique que l’eau cesse de monter à partir d’une certaine
hauteur. Il fallut le génie de Torricelli (1608 – 1647) pour imaginer que, si l’eau montait, ce n’était pas
par « horreur du vide », principe présumé être tout à fait naturel, mais à cause de la pression
atmosphérique – ce qui expliquait aussi qu’à partir d’une certaine hauteur, proportionnelle à cette
pression, l’eau cesse de monter. Comme le montre cet exemple, le sens commun constitue un obstacle
qu’il faut dépasser par le renoncement à l’affectivité (spontanéité) du sujet (l’homme). « La
connaissance scientifique, écrit Bachelard, est toujours la réforme d’une illusion » ; certes, les
découvertes de la science nous donnent toujours accès au même monde usuel ; il n’en reste pas moins
indispensable qu’une reconstruction de ce monde soit faite grâce à la raison, et cela, en procédant à sa
mathématisation. Bachelard soutient même que, dans la méthode scientifique, les formulations
mathématiques jouent un rôle plus important que l’observation des phénomènes. Le phénomène,
pense-t-il, ne correspond plus à des choses mais à « l’instant particulier d’une méthode » (Noumène et
microphysique, in études, I). En science, le phénomène est « désubstantialisé ».
La démarche expérimentale soulève deux autres questions non des moindres : les limites de
l’induction et la falsifiabilité.
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4.4. Vérifications/falsifiabilité
Le cas de l’induction montre que la science ne sert pas qu’à vérifier la théorie, mais à la
réfuter aussi. On parle de principe de démarcation entre la science vraie et la science fausse lorsque la
science est comprise comme l’ensemble des théories vérifiées. Mais la théorie n’est théorie que si elle
est aussi réfutable ; le fait qu’une théorie ne soit pas encore réfutée n’empêche pas qu’elle puisse être
démentie par les faits. Cette notion de science comme théorie provisoirement vraie met en avant le
principe de vérisimilitude.
Popper est philosophe des sciences. Il est rendu célèbre par sa critique du
positivisme (qui considère que seules les sciences formelles et naturelles
produisent les propositions vraies et douées de sens).
Selon Popper, la prétention qu’une théorie peut être « vérifiée » équivaut à la
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croyance qu’elle peut être définitivement vraie. La spécificité des théories véritablement scientifiques
tient, au contraire, à leur capacité d’évoluer tout en étant confrontées à des faits qui les remettent
éventuellement en cause. Une théorie scientifique n’est « vraie » que pour autant qu’elle est démentie
par des faits nouveaux : elle est donc provisoire par essence (ce qui parfois ne l’empêche pas de durer
longtemps).
Popper ne critique pas l’idée de sciences, mais plus précisément une conception naïve de la
science selon laquelle celle-ci est figée une fois pour toutes. Le discours scientifique est par essence un
discours capable de révolutions internes qui lui permettent d’intégrer des données nouvelles. La vérité
scientifique ne consiste pas en énoncés universellement ou éternellement valides. La science s’inscrit
dans l’histoire de l’indissociable relation de la vérité à la fausseté ; sinon, comment pourrait-il être
possible de résoudre la contradiction apparente entre la vérité et le progrès des sciences. C’est parce
que la vérité réside moins dans la correspondance avec les faits que dans son caractère limité et sa
cohérence formelle, qu’elle est sujette aux démentis de l’expérience.
- La globalité du fait humain : il est difficile de comprendre l’homme en isolant un seul de ses aspects,
soit sa dimension biologique ou sa dimension psychologique ou sociologique, etc. Cela risque de
mener à un réductionnisme procédant, au fond, de méthodes partielles. Tenter le contraire, c’est-à-dire
adopter une approche de l’homme qui soit globale, risque malheureusement de déboucher sur des a
priori idéologiques.
- La subjectivité du fait humain : l’homme, de par la nature de son tempérament, son esprit et ses
représentations est un être typiquement subjectif. Ses passions irrationnelles interdisent à l’observateur
une généralisation des comportements humains sous forme de lois naturelles. Cela veut dire, entre
autres, que l’observateur lui-même n’est pas capable d’une neutralité absolue ; l’observateur ou le
chercheur humain risque d’intervenir personnellement par des jugements de valeur et des préjugés
idéologiques ; or, on ne peut à la fois être juge et partie, sujet et objet d’étude.
- La spécificité du fait humain : il est difficile d’isoler le phénomène humain comme l’on isole les
phénomènes de la nature. Car l’être humain n’est pas forcément conditionné par des causes
déterminantes. L’absence de répétabilité interdit l’expérimentation. La mémoire du passé empêche la
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répétition à l’identique ; car, dès lors qu’on prévoit le futur, on peut modifier les événements prévus.
N’étant pas forcément gouverné par le rapport de cause à effet, l’homme n’est pas régi par un
déterminisme du genre de celui dont parle les sciences exactes.
Auguste Comte a fait œuvre de novateur lorsqu’il a proposé en 1839 le terme sociologie pour
l’opposer à toute recherche sur l’homme qui soit métaphysique. La sociologie s’oppose à la
philosophie. Car, selon lui, les phénomènes sociaux (ou phénomènes de société) sont suffisamment
bien particuliers pour qu’ils puissent faire l’objet d’une discipline distincte des autres disciplines,
notamment de la philosophie. Ils sont naturels comme tout autre phénomène naturel et méritent d’être
étudiés scientifiquement, c’est-à-dire moyennant une « méthode positive », qui, telle une « physique
sociale », permet d’expliquer les phénomènes de la société. En voulant donc faire de la sociologie une
« science positive », Comte ambitionne en fait d’en faire ce que nous appelons aujourd’hui une «
science exacte ».
Wilhelm Dilthey (1833-1911), bien qu’il fût influencé par la pensée de Comte, conteste le
positivisme scientiste en établissant que les méthodes employées pour connaître les « choses de la
nature » ne peuvent être les mêmes que celles mises en œuvre pour connaître les « choses de l’esprit ».
Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920) s’oppose, lui aussi, à Comte et à Durkheim. Pour
lui, les faits humains ne sont pas des faits naturels, mais culturels. Ils méritent d’être traités selon une
méthode « compréhensive », à la manière de Dilthey, et non plus selon une méthode basée sur un
schéma « explicatif ». Sans vraiment renoncer à rechercher une causalité explicative des faits sociaux,
la méthode compréhensive s’efforce néanmoins d’en comprendre le sens ; les faits humains
s’interprètent, et cela suffit pour tenir une science comme l’histoire pour une science interprétative.
De tout ce qui vient d’être dit, il ressort, de manière générale, que la science ne peut se limiter
à l’étude des êtres matériels, pas plus qu’elle ne peut faire des « sciences de l’homme » une science
exacte. Mais l’homme, pris pour ce qu’il est, peut-il, à juste titre, faire l’objet d’une étude qui soit de
part en part scientifique ? Ne faut-il pas commencer par se demander d’abord : qu’est-ce que l’Homme
? L’historien, par exemple, n’étudie-t-il pas davantage le « passé humain » que l’homme, à proprement
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parler ? Le psychologue ne se penche-t-il pas davantage sur le fonctionnement de l’esprit humain que
sur l’homme dans sa complexité globale et multidimensionnelle ? L’ethnologue n’étudiait-il pas au
départ les particularités des sociétés primitives sans fondamentalement s’interroger sur la nature
humaine, même si, il est vrai, les connaissances acquises apportaient des renseignements
supplémentaires sur l’humain en lui-même, notamment pour ce qui relève de son passé et de son
évolution ? Il n’est de science humaine qui puisse échapper à ce genre de questionnement
philosophique. Peut-être la philosophie ou l’anthropologie au sens que lui donne Kant, c’est-à-dire
l’étude philosophique de l’homme, est-elle la plus à même d’apporter des éléments de réponse
appropriés à la nature complexe de l’être humain. N’empêche que la question de savoir jusqu’à quel
point la philosophie peut répondre à la question : « Qu'est-ce que l'homme ? » reste ouverte.
FIN.
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