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INTRODUCTION A LA SOCIOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

Prof. SEHI Bi Tra Jamal


Maître de Conférences
Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody
07 07 72 18 22 / bijamal@yahoo.fr
……………………………………………….
Objectifs du cours
Ce cours est destiné aux étudiants de Licence 1 en Sciences économiques et de gestion.
Il est en réalité une initiation en sociologie du développement. Il vise donc à initier les
étudiants au domaine de la sociologie du développement, son objet, son utilité pratique,
mais également de la problématique de spécialisations, en tenant compte des
changements politiques, économiques et idéologiques en cours. L'objectif du cours est
de discuter des orientations conceptuelles et pratiques données au développement, mais
également de connaître quelques idées sur les approches du développement en
économie politique et en sociologie et de les intégrer à une perspective analytique et
critique des effets de la libéralisation des marchés sur les pays «en voie de
développement».

Ce cours permet à l'étudiant d'acquérir des connaissances théoriques et factuelles sur les
diverses problématiques du développement: dimensions économiques, politiques et
sociales du développement.

Méthode

La démarche pédagogique s’articule autour de questions pratiques autour du


développement et de la sociologie, suscitant ainsi des débats sur la base des
connaissances des étudiants. Sur cette base, il s’agira de faire un renforcement
méthodique de leurs capacités à partir de l’articulation du cours (lecture du cours et
explications complémentaires, questions, réponses).

A chaque niveau du cours, des exercices sous la forme de travaux dirigés viendront
permettre aux étudiants de s’approprier le contenu du cours, et même de le dépasser. La
bibliographie proposée les orientera pour des recherches pratiques en sociologie du
développement. Ces travaux dirigés prendront, à chaque séance, plus de la moitié du
temps.
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Evaluation

Conformément aux principes de l’UIPA et du système LMD, ce cours offre deux


évaluations : un devoir de parcours et un examen final. En lien avec la méthode
pédagogique, un travail de groupe (3 personnes par groupe) sera proposé aux étudiants.
Ce travail compte pour 40% et l’examen final pour 60%.

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Introduction
Le développement est la caractéristique dominante de l'évolution de l'économie
mondiale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il exige un important effort
d'investissement en vue d'accroître le potentiel de production et une programmation ou
une planification pour orienter les choix, les actions et les structures. Contrairement au
terme « croissance », qui implique l'élévation des principales grandeurs caractérisant un
état économique donné, celui de « développement » est une amélioration qualitative et
durable d'une économie et de son fonctionnement. Il exige des aspects qualitatifs plus
précis à savoir le bien-être de la population et un état social globalement en progrès. Il
est à la fois une aspiration, un besoin, un programme, une exigence. Des lors, il est plus
que necessaire de parler d’une «sociologie du développement » non seulement pour
faire la lumière sur ses implications théoriques mais également et surtout pour jauger de
son utilité pratique aujourd’hui.

I. DEFINITION DE LA SOCIOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

Définir la sociologie du développement pose comme préalable la définition des


concepts de sociologie et de développement.

1. La sociologie

La sociologie est la science qui étudie les phénomènes ou faits sociaux, les institutions
sociales, économiques, politiques, etc. Elle repose sur une explication objective de ces
phénomènes en tenant compte de la spécificité de la société.

La sociologie est également l’étude des rapports sociaux. Sous ce rapport, elle analyse
les mouvements sociaux, les interactions sociales et les expressions symboliques
donnant accès à leur signification.

La sociologie s’intéresse, par exemple, aux rapports de production dans les


organisations économiques, aux fondements de ces rapports et à leurs expressions
symboliques données pour comprendre ces organisations. C’est pourquoi, selon Laville
(1997) « les rapports entre économie et sociologie se trouvent au cœur de
questionnements dont l’actualité est réaffirmée par diverses publications.» (p.229).

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2. Le développement

La définition du concept de DEVELOPPEMENT est très diversifiée et se heurte parfois


à des versions quelque peu divergentes.

Oakley et Garforth (1986), cités par Hammani (1997), estiment que le développement
évoque une certaine forme d’action, ou d’intervention propre à influencer sur le
processus général de transformation sociale.

C’est dans le même sens et dans le même contexte de conception de projet de


développement rural que Boukhari (1997) estime que : « le développent est un
changement de l’environnement (aménagement et équipement) et de CAP
(connaissances, attitudes et pratiques) ».

Mieux, le développement est un ensemble de processus sociaux induits par des


opérations volontaristes de transformation d’un milieu social entreprises par le biais des
institutions, d’acteurs extérieurs à ce milieu, mais cherchant à mobiliser ce milieu et
reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou de techniques et de savoirs (De
Sardan, 1995). En ce sens, le développement n’est pas quelque chose dont il faudrait
chercher la réalité ou l’absence chez les populations concernées contrairement à
l’acceptation usuelle.

Selon Rocher (1986) et Weber (1965), le développement peut donc être aperçu
comme l’amélioration des conditions de vie matérielles et immatérielles de la plus
grande partie de la population ; cette amélioration doit être continue et durable.

La sociologie envisage le développement comme un fait social. C’est un changement


de structures mentales et d’habitudes sociales d’une population donnée. Ces
changements sont observables dans le système économique, politique et également dans
les types d’organisation (Perroux, 1966).

De ce qui précède, on peut, de façon générale, définir le développement comme étant un


processus politique, social et économique cohérent et harmonieux engendrant un état de
vie, d’être et de pensée favorable à l’amélioration durable et désirée des conditions de
vie ; et tout ceci se caractérisant et s‘appréciant par rapport à des références
communément admises.

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Le développement, une totalité dialectique

Pour Lê Thân Khôi, professeur émérite de sociologie et d’économie et de


développement à l’Université de 1950 à 1992, il n’y a pas, il ne peut y avoir un
développement économique séparé et séparable des autres dimensions de la vie d’un
pays donné. Toutes les dimensions se tiennent mutuellement.

Entre la culture et le développement, il y a un rapport très étroit qui transparait. Le


concept que Lê Thân Khôi présente le développement comme « une totalité dialectique
incluant le politique, l’économique, le social et le culturel qui agissent les uns sur les
autres de façon dialectique, tantôt complémentaires et tantôt opposés. Le
développement politique est défini comme la libération de la domination intérieure et
extérieure, le développement économique comme la libération des forces productives, le
développement social, comme l’élévation du niveau général, le développement culturel,
comme la libération des connaissances, des valeurs et des attitudes qui permettent
l’épanouissement des personnalités et de leurs capacités créatrices ».

On remarque que développement apparaît dans sa réalité comme un concept dynamique


qui suppose que l’on modifie les données d’une situation antérieure (pas meilleure) pour
atteindre une situation beaucoup plus améliorée aussi au plan qualitatif qu’au plan
quantitatif.
On perçoit par ces différentes approches qu’il n’existe pas de définition universelle
communément admise qui puisse réellement cerner tous les aspects de ce concept qui se
veut davantage dynamique et relatif à un contexte. En effet l’on voit de plus en plus des
attributs qui se greffent au développement afin de l’adapter aux différentes réalités du
monde contemporain. Nous faisons allusion à des concepts comme le développement
durable, le développement endogène, le développement participatif, le développement
urbain, le développement rural…

Il y a développement du seul fait qu’il a des acteurs et des institutions qui se donnent
le développement comme but à atteindre et y consacre du temps, de l’argent et de la
compétence professionnelle (De Sardan, idem). C’est donc la présence
d’une «configuration du développement» qui définit l’existence ou non du

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développement. Si le développement implique l’interaction des acteurs et des
institutions engagées dans ledit processus, cette caractéristique fait de lui le champ de
prédilection de la sociologie.

Dans cette logique, la sociologie du développement se définit comme l’étude des


rapports sociaux et des changements sociaux liés aux transformations économiques,
politiques et culturelles d’une société ou d’une organisation.

II. OBJET DE LA SOCIOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

Tout comme la religion, la santé, l’économie, etc., l’objet de la sociologie du


développement est le développement en tant que « phénomène social » est une réalité au
cœur de l’existence de sociétés ou d’organisations multiples. Le développement fait
intervenir multiples acteurs sociaux (groupes cibles, acteurs de développement,
institutions de développement), leurs normes d’actions, leurs compétences, leurs
ressources cognitives et symboliques, leurs stratégies et ressources matérielles et
financières.

La confrontation de ces éléments constitue une entreprise complexe qui dépasse les
seules compétences des économistes, des agronomes ou tout autre intervenant sur cette
problématique. L’analyse de ces interactions comme celles relevant des diverses formes
de changement social demande un niveau de compétence spécifique. C’est celui-là que
revendique les sociologues du développement.

Aujourd’hui, la sociologie du développement s’intéresse aux processus et aux


phénomènes sociaux associés à ce qu’on appelle en référence aux pays du sud,
développement, projets de développement, opérations de développement constituent le
domaine de la recherche à part entière pour la sociologie du développement.

2.2 UTILITE DE LA SOCIOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

L’utilité de la sociologie du développement est perceptible à travers la spécificité de sa


méthodologie. En effet, le développement n’est qu’une des formes du changement
social et ne peut être appréhendé isolement. L’approche méthodologique qui sied dans
ce cas est le holisme méthodologique. Cette approche postule que tout est dans le tout.
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La sociologie aborde la question du développement en analysant les actions de
développement et les réactions des parties prenantes à ces actions ; car celles-ci ne
peuvent être séparées de l’étude des dynamiques locales ou endogènes, des processus
informels à côté des actions formelles, dans les changements attendus ou espérés.

Par ailleurs, le contexte de domination et d’inégalité dans lequel intervient le processus


de développement met en jeu les idéologies rhétoriques et pratiques de type populiste
chez des opérateurs de développement, comme chez les chercheurs. La sociologie du
développement rompt avec ce populisme idéologique au profit de ce qu’on appelle un
populisme méthodologique (De Sardan, op.cit). La sociologie du développement ne
peut prétendre intervenir de façon positive dans les débats moraux ou politiques autour
du développement que si elle y introduit des connaissances nouvelles et spécifiques.
L’adoption d’une approche méthodologique originale

III. LA QUESTION DE SPECIALISATION EN SOCIOLOGIE DU


DEVELOPPEMENT
La sociologie du développement se subdivise en plusieurs branches ou
« spécialisations ». Dans le cadre du cours, nous en retiendrons trois.

3.1 La sociologie économique

Depuis les classiques jusqu’aux n’éo-classiques, les spécialistes en sciences


économiques se sont toujours caractérisés par leur divergence de vue sur le champ
d’intervention de leur discipline. Il y a d’un côté, ceux qui mettent l’accent sur les
richesses sans être cependant d’accord ni sur la nature des richesses ni sur leur origine.
Parmi ceux-là, on peut citer Aristote, Smith, Say, Marx, Walras, etc. De l’autre côté, il
y a ceux qui mettent l’accent sur les comportements individuels plutôt que sur les
groupes sociaux ou le fonctionnement d’ensemble de l’économie (Robbins et tous les

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auteurs néoclassiques en général). Avec l’évolution de la connaissance scientifique et
surtout au XIXème siècle, des disciplines comme la sociologie, l’anthropologie, se sont
intéressé à ces pans de l’activité humaine jadis réservés à la science économique.

En effet, la sociologie économique étudie les faits économiques en les considérant


comme des faits sociaux. Elle s'adresse aux économistes et aux sociologues pour qu'ils
étudient ces faits en considérant la dimension de relation sociale que comportent de tels
faits sans négliger pour autant la dimension intéressée qui y est centrale [Swedberg,
2003].

Plus fondamentalement, on peut dire que la sociologie économique questionne le


cadrage réalisé par les économistes qui réduisent l’économie au calcul rationnel
concernant des ressources rares devant être affectées à des besoins considérés illimités.
Plus

positivement, elle propose une définition plus large de l’économie :

- soit comme représentations sociales dans la tradition durkheimienne ;


- soit comme activités sociales relevant d’une rationalité élargie dans la tradition
wébérienne ;
- soit comme rapports sociaux de production, de distribution et de consommation
selon la tradition marxiste ;
- et enfin comme activités reposant sur des principes économiques pluriels :
marché, redistribution, réciprocité et don (Polanyi).

En somme, la sociologie économique peut être définie comme « l’ensemble des


théories qui s’efforcent d’expliquer les phénomènes économiques à partir d’éléments
sociologiques » (Swedberg, 1994) ou comme discipline capable de « penser
sociologiquement les faits économiques » (Gislain et Steiner, 1995).

Pour rendre compte du développement de la sociologie économique, les analystes


identifient au moins trois grandes périodes dont les dates et les évaluations varient selon
que le regard porte sur l’Europe ou sur les États-Unis. La période 1890-1920 est

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reconnue comme cruciale, en raison de la contribution des fondateurs de la sociologie.
Pour certains analystes dont Swedberg (1994), les années 1920-1960 représentent une
seconde période peu intéressante. La sociologie économique se contente alors de
« simplement reprendre des idées anciennes », enclenchant ainsi un déclin à partir de la
fin des années 1930 jusqu’au début des années 1960. Au cours de cette période, elle
devient de plus en plus fragmentée en sous-spécialisations : sociologie du travail, du
développement, de l’entreprise, des organisations, etc. Une institutionnalisation tardive
par rapport à celle de la science économique et de la science politique expliquerait que
la sociologie soit entrée dans les universités états-uniennes comme « science des
restes ».

Même si son institutionnalisation en Europe fut plus tardive, la sociologie économique y


serait demeurée intéressante en restant inscrite dans une sociologie générale et en
entretenant des rapports plus étroits avec les économistes hétérodoxes. Relevons ainsi
les travaux de l’école française de sociologie, notamment ceux de Mauss sur l’échange
et le don (1923-1924), d’Halbwachs sur les classes sociales et la consommation (1933),
de Simiand (1932-1934) sur l’évolution des salaires, la monnaie et les mentalités
économiques. De même, la contribution sociologique de l’économiste autrichien Joseph
Schumpeter (1883-1950) s’impose, notamment sur le capitalisme, l’entrepreneur et les
innovations, dans le prolongement de l’oeuvre de Weber. Émigré aux États-Unis en
1932, l’économiste autrichien deviendra, dans les années 1980, une source d’inspiration
pour les néo-schumpeteriens et les évolutionnistes (Nelson et Winter, Freeman, Perez,
Dosi, Lundwall), notamment sur la question des systèmes d’innovation (Lévesque,
Bourque et Forgues, 2001). Fortement inspiré par l’anthropologie, Polanyi (1886-1964),
qui quitte l’Autriche en 1934, puis l’Angleterre en 1943 pour les États-Unis, apporte un
ensemble de notions dans la foulée des fondateurs, notamment celles d’encastrement
social de l’économie et de principes économiques pluriels. La grande transformation de
Polanyi (1944) représente ainsi une source d’inspiration importante pour la nouvelle
sociologie économique et l’autre économie (Laville, 1994). Enfin, Economy and Society
(1956), écrit par Parsons et Smelser, resitue l’analyse de l’économie dans le cadre d’une
théorie générale de la société reposant sur quatre systèmes (système économique,

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système politique, système culturel, système d’intégration sociale) interreliés par des
relations d’échange qui réalisent une sorte d’équilibre général. Outre une certaine
contamination économique, cette sociologie structuralo-fonctionnaliste demeure trop
abstraite pour alimenter une véritable programmation de recherche. En dépit de ces
contributions majeures et de l’influence du marxisme, la sociologie économique de
l’après-seconde-guerre mondiale ne parvient pas « à trouver place dans le champ
économique » que se partageront la micro-économie néoclassique avec ses modèles
mathématiques appliqués au marché et la macroéconomie d’inspiration keynésienne
pour l’étude des politiques économiques (Cusin et Benamouzig, 2004 :442).

Deux « secousses sismiques », la première à la fin des années 1960 et la seconde dans
les années 1980, favoriseront la naissance d’une nouvelle sociologie économique. La
première est provoquée par l’émergence de nouveaux mouvements sociaux (étudiants,
femmes, mouvements écologiques) qui mettent de l’avant des demandes d’autogestion,
de qualité de vie, de créativité et de réalisation de soi. Ces revendications, dont la
satisfaction dépasse le seul partage des gains de productivité, contribuent à l’éclatement
du compromis fordiste, tout en invalidant partiellement les approches keynésiennes et
de la reproduction, fonctionnaliste et marxiste. La seconde est provoquée par les
politiques néo-libérales, qui ciblent l’intervention étatique comme cause principale de la
crise économique. Si la crise des États providences et la montée du chômage
représentent autant de menaces pour les acquis, elles invitent non seulement à la
résistance mais aussi à la recherche d’alternatives comme en témoignent
l’altermondialisation et l’alteréconomie (Laville, 1994). Dans ce contexte de « grande
transformation », la sociologie économique renoue avec la tradition classique et apporte
un éclairage nouveau sur la diversité des configurations « État, marché et société
civile ».

Naissance et définition de l'économie politique

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Avant de parler de l'économie proprement dit, il convient de dire quelques mots de ce
qu'on appelle économie de subsistance dont le passage et la transformation des autres
formes d'économie va donner naissance à un système de pensée qui va voir naître la
science économique ou économie politique.

On caractérise une économie de subsistance par une économie autarcique, c'est-à-dire


qui vit repliée sur elle-même, ou encore appelée économie fermée. Elle est qualifiée
parfois d'économie d'autoconsommation ou d'économie d'autoproduction. L'économie
de subsistance est une forme d'économie propre aux sociétés traditionnelles restreintes
où la production vise essentiellement les besoins de celui ou du groupe qui produit.
L'unité sociale de production est généralement la famille, et de façon générale, unité de
production, unité de consommation et unité de thésaurisation ou d'épargne se
confondent. Il s'agit d'un type de production communautaire. L'économie de subsistance
va subir dans certaines sociétés une première transformation qui va donner naissance à
l'économie de type féodale. La terre devient la principale source de richesse et de
pouvoir.

Mais, cette économie déjà basée sur le profit était assez limitée dans sa production et
dans son extension géographique. Au 16ème et au 17ème siècle va naître le
mercantilisme. Se dégageant de tout l'ensemble du corps social et devenant de plus en
plus complexe, l'économie méritait déjà à cette époque qu'on lui applique une réflexion
particulière. Cette économie mercantile sera ainsi marquée par la conservation de l'or en
Espagne, et au Portugal, par le développement de l'industrie en France, le
développement du commerce et de la navigation en Angleterre.

La révolution industrielle et l'avènement d'une économie internationale vont consacrer


la naissance d'une économie politique qui va réfléchir sur la complexité et la difficile
compréhension de cette économie due à l'apparition de plusieurs systèmes politiques et
socio-économiques :

 L'évolution du capitalisme qui se caractérise par une intervention croissante de


l'Etat, une planification impliquant la recherche d'une prévision et la nécessité
d'un appareil statistique suffisant.

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 L'apparition dans l'ex-URSS d'un système économique nouveau qui constitue un
défi de l'économie capitaliste.
 L'accession à l'indépendance de pays sous-développés et problèmes liés à leur
développement économique et social.

La science économique va être dans son contenu la science qui va étudier les
phénomènes par lesquels les hommes cherchent à satisfaire les besoins illimités aux
moyens de ressources limitées.

Analyse sociologique de l’économie

De façon traditionnelle, l'on définit l'économie comme l'ensemble des opérations de


production, de distribution et de consommation des biens et des services. Le marché se
définit comme l'espace où se rencontrent une offre de biens et de services d'une part et
la demande solvable par règlement d'autre part. C'est Adam Smith, le fondateur de
l'économie politique, qui a théorisé le marché au 17ème siècle. Dans ses « recherches
sur la nature et les causes de la richesse des nations », il expose la manière dont le jeu de
l'offre et de la demande sur un marché libre fixe le prix des marchandises et détermine
le volume de la production. En effet, si la demande augmente et que l'offre ne suit pas
immédiatement, les prix montent. Il en résulte que les producteurs font des bénéfices et
tendent à augmenter la production tant et si bien que, s'ils dépassent le seuil de
saturation de la demande, les prix chutent.

Mais la critique marxiste de l'économie politique ouvre la voie à une autre approche des
faits économiques en privilégiant l'organisation de la production plutôt que la
distribution comme principe structurant l'ensemble de l'économie préconisé par Adam
Smith. En effet, à l'opposé des économistes, Marx estimait que le principe organisateur
de l'économie ne devrait pas être cherché dans la distribution industrielle ; il s'opère
ainsi une polarisation sociale entre d'une part ceux qui possèdent le capital et d'autre
part les individus qui ne disposent de rien d'autre que leur force de travail pour assurer
leur survie. Ce constat amène Marx à émettre une critique de l'économie politique
conçue par Adam Smith qui pose le marché comme organisateur de l'économie. D'après
Marx, Smith cache les vrais rapports qu'entretiennent les agents économiques dans la
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production. C'est pourquoi Marx propose comme véritable étalon social nécessaire à la
production d'un bien quelconque l'analyse des rapports de production. Sur cette valeur
réelle devrait s'aligner la valeur d'échange. Le travail est donc considéré comme la
véritable mesure de toute valeur.

Ainsi historiquement, les tentatives accomplies pour théoriser les activités économiques
se sont regroupées sous deux bannières : celle de la distribution et celle de la
production.

Ces deux camps se sont opposés d'une manière idéologique. Mais où se situe la
sociologie dans ce confit idéologique ? Pour le sociologue, il serait erroné de considérer
l'économie comme un domaine à part, ayant sa propre logique indépendante du contexte
social tel un fait de nature. Etant socialement organisée, l'activité économique intéresse
donc le sociologue.

De très nombreuses pratiques distributives touchent à tous les aspects de la vie en


société. Témoin des compétitions que les indiens appellent Potlach, Marcel Mauss
qualifie de « prestation totale de type agonistique », c'est-à-dire que les partenaires sont
engagés dans une rivalité. Au lieu de se battre à coups de flèches, ils se battent à coups
de cadeaux. Ainsi, les ressources de l'amitié ont aussi des symboles du pouvoir, de la
consommation, de la richesse, du prestige, de moyens de survivre. Mauss fut en effet
frappé par la fréquence et l'universalité des témoignages relatifs à l'obligation de donner
des cadeaux, de les recevoir et de rendre don au don. La contre-prestation peut être
immédiate ou différée dans le temps. Elle peut être de même nature que la prestation ou
encore de nature différente. Elle peut être de valeur inférieure, égale ou supérieure à la
prestation, auquel cas, elle hiérarchise les partenaires dans l'échange, le supérieur
pouvant donner plus que son inférieur, au moins selon le cas.

Pour mieux comprendre l’analyse en sociologie économique, étudions la controverse ou


le débat entre économiste formaliste et économiste substantiviste.

Controverse entre substantivistes et formalistes

- Le formalisme

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Au cœur de l'économie formelle, on trouve le postulat de la rationalité économique ou
économie des moyens. Comment économiser les moyens ? Toute la réflexion appliquée
à l'économie politique est née de cette question. Selon ce postulat, le fait que les moyens
soient limités par rapport aux fins crée une situation dans laquelle il faut prendre des
décisions délibérées sur la manière d'attribuer au mieux ces moyens à des fins
alternatives illimitées. Ainsi, le problème économique est définit comme un problème
d'allocation et la voie qui tend à éclaircir ce problème consiste avant toute chose à un
ensemble de propositions formelles (lois) sur la logique du choix. Les institutions non
économiques sont considérées comme des épiphénomènes (secondaires).

Par ailleurs, l'économie politique considérant que les habitudes étant les mêmes partout,
cette conception sert d'outil fondamental à l'économie pour généraliser ces résultats.
C'est ainsi qu'elle pourra confirmer sa clause « Ceterus paribus (toutes choses étant
égales par ailleurs) » pour signifier que ses résultats sont valides et que les individus
(agents économiques) ont les mêmes habitudes, les mêmes tendances et sont rationnels.

- Le substantivisme

L'origine du concept substantif provient de l'économie empirique. On peut brièvement


le définir comme un procès institutionnalisé des interactions entre l'homme et son
environnement naturel et socio-culturel, cette interaction fournissant à l'homme les
moyens matériels de satisfaire ses besoins. L'institutionnalisation du procès économique
centre l'intérêt sur les valeurs, les motivations, la culture. L'économie humaine est donc
enchâssée, encastrée dans les institutions économiques et non économiques. Il est donc
primordial de ne pas oublier les aspects non économiques dans l'analyse économique.

L'étude de la place changeante de l'économie dans les sociétés n'est que l'étude de la
manière dont le procès économique est institutionnalisée en divers temps et lieux. Ce
qui fonde cette thèse de l'anthropologie économique, c'est que les spécialistes s'occupent
toujours et en même temps de l'anthropologie générale. Dans l'anthropologie générale,
un rapport d'interdépendance, un lien est établit entre les divers aspects ou domaines de
la réalité sociale qui est perçue comme une totalité. Dans cette perspective de
l'anthropologie générale, les anthropologues économistes s'intéressent aux rapports
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existants entre les systèmes économiques et les autres sous-systèmes appartenant à
l'ensemble du système socio-culturel.

S'il y a une différence entre économistes et anthropologues-économistes-substantivistes,


elle réside dans le fait que les économistes sont prêts à supposer que les variables non
économiques sont sans intérêt pour l'analyse économique tandis que les anthropologues-
économistes sont prêts à supposer que tout est en rapport et que pratiquement toute
chose à de l'importance dans l'analyse économique. Les anthropologues-substantivistes
vont également partir du postulat de la variabilité des activités humaines, en particulier
l'organisation sociale, pour soutenir leur thèse. On sait par exemple que dans les
sociétés, les systèmes successoraux ne sont pas les mêmes, il y a d'un côté les sociétés
matrilinéaires et les sociétés patrilinéaires de l'autre. Les formes de mariage qui en
découlent différent d'une société à l'autre et tout ceci va marquer l'économie
différemment.

Du point de vue de la société, le système économique n'est pas un système matériel


mais fait partie d'un ensemble socio-culturel. Les substantivistes diront que l'économie
est une science, non une science à la manière de la physique, mais une science à la
manière de l'histoire. Par conséquent, si l'on veut connaître le système économique
d'une société, il faut utiliser la même méthode que celle qui a court dans l'histoire. Ce
postulat va fonder dans l'optique substantiviste l'anthropologie économique.

1. La sociologie urbaine
La sociologie urbaine ou la sociologie du développement urbain est une branche de la
sociologie qui a pour objet d’étude la ville. La ville est une unité urbaine, un
établissement humain (pour l’ONU) étendue et fortement peuplée par opposition au
village, dans lequel se concentre la plupart des activités humaines : habitat, commerce,
industrie, éducation, politique et culture etc.

Ainsi, la ville est à la fois territoire et unité de vie collective, milieu et enjeu, cadre
physique et nœud de relations entre les êtres sociaux.

L’étude de la vie urbaine est saisie dans les tensions qui la traverse et qui la constitue :

- tensions entre la distance et la proximité ;

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- tensions entre l’hétérogénéité et l’intégration ;
- tensions entre les hommes de forces qui commandent le devenir des villes et la
gestion collectives des enjeux de la cité.

La sociologie urbaine ou la sociologie du développement urbain tend donc à


comprendre les rapports d’interactions et de transformations qui existent entre les
formes d’organisations de la société et les formes d’aménagements des villes. L’étude
de la première de ses formes,- celle qu’une société prend dans l’espace est appelée
morphologie sociale. L’étude de la seconde,- celle des formes de la ville avec son
habitat, ses monuments, ses décors et en général tous ses aménagements s’appelle
morphologie urbaine.

La connaissance de la réalité des interactions entre une morphologie sociale et une


morphologie urbaine permet, d’une part de favoriser la vie sociale dans les villes
existantes, d’autre part de mieux concevoir les nouveaux ensembles urbains ou
architecturaux (programmations).

De telles recherches sont à la fois descriptives, compréhensives et programmatiques.

Par ailleurs on appelle aussi sociologie urbaine des enquêtes sociales empiriques qui
portent sur les populations établies sur des territoires urbanisées et qui les abordent par
les problèmes qu’elles posent pour l’administration, ceci afin d’éviter les conséquences
de leurs mécontentements, ses études sont le plus souvent simplement descriptives et
revendicatives. La différence entre ces deux sortes de sociologie urbaine n’est pas une
question de méthode (toutes deux procèdent par comparaison à partir des statistiques ou
de monographie), mais une question de visé pratique de leur destiné : les une permettent
d’intervenir par l’aménagement architectural et urbain à toutes les échelles (rénovations,
transformations, constructions, décorations etc.) ; les autres visent à entretenir par des
mesures administratives individuelles (subventions, assistantes, informations,
éducations etc.) ou collectives (lois et règlements).

Dans ce double aspect humain et physique, social et spatial, il en ressort que le champ
d’étude de la sociologie urbaine, quelle que soit sa visée, est un carrefour
pluridisciplinaire dont l’urbanisme, l’architecture, le génie civil et l’art sous leur

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multiple formes matérielles couvrent l’aspect physique ; et les relations sociales
qu’implique la vie communautaire, l’aspect humain.

La sociologie urbaine étudie donc l’homme dans son espace aménagé qu’est la ville.
C’est une discipline qui a vu le jour grâce aux enquêtes sociales réalisées en Angleterre
au XIXème siècle. Ces premières enquêtes ont été réalisées vers 1850, sur la demande
des responsables politiques, et constituent alors les premiers regards sur la ville tournés
vers les quartiers pauvres.

Cependant, on attribue souvent la création de la sociologie urbaine aux sociologues de


Chicago. En effet, alors que les auteurs classiques ne retiendront que la ville que
certains aspects : distribution spatiale des populations et des activités chez Durkheim,
concentration du commerce chez Max Weber, exploitation sociale et concentration du
capital chez Marx, l’école de Chicago, au début du 20ème siècle, produira au contraire
une véritable théorie de la ville.

En définitive, le cadre urbain, à partir de la réalité qu’il constitue (hétérogénéité de


l’origine des membres, différenciation des catégories socioprofessionnelles,
particularités socioculturelles, etc.) suscite dans l’espace et dans le temps un ensemble
de faits sociaux de type nouveau vers lesquels s’est orientée une spécialité de la
sociologie du développement : la sociologie urbaine ou la sociologie du développement
urbain.

2. La sociologie rurale ou la sociologie du développement rural


Le développement a toujours été conçu par les hommes politiques africains en termes de
retard à combler pour atteindre le niveau de vie des pays développés. En se situant dans
cette perspective évolutionniste, on peut dire que le développement rural consiste à
faire passer les populations rurales de leurs modes de vie traditionnels aux modes de vie
et de consommation des « sociétés développées ». Il signifie le passage d’une
« civilisation négative » à « une civilisation positive », d’une « société primitive » à une
« société moderne, civilisée ». Les plans de développement insistent surtout sur les
activités de production qui sont présentées comme la clé de tous les problèmes africains.
En amenant les paysans à changer de mode production : passage d’une économie
d’autosubsistance à une économie de marché, passage de techniques rudimentaires,
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archaïques à des techniques plus élaborées, plus performantes, on espère passer ces
derniers à s’intégrer dans un système économique plus rationnel, plus apte à répondre
aux aspirations du monde moderne. Il n’est donc pas étonnant, lorsqu’on parle de
développement rural, qu’il s’agit, en fait, de créer les conditions qui peuvent permettre
d’accroitre le rendement des producteurs et la qualité de la production. Il n’est
également pas étonnant de constater que beaucoup d’ouvrages qui parlent de
développement rural en Afrique ne font la plupart du temps, qu’une analyse du système
e production et de ses résultats. Le développement rural s’intéresse donc qu’à la
participation des masses paysannes à la croissance de la richesse nationale. C’est cette
accumulation de la richesse au niveau national qui doit permettre de sortir
progressivement le pays de son état de sous-développement.

Le développement rural est défini par Uma Lele comme « l’amélioration des niveaux
de vie de la grande masse des populations à faible revenu résidant dans les zones rurales
et la possibilité pour elles de maintenir ce développement par leurs propres moyens »
(Lele, 1997 :14). Pour Edouard Dembélé, le développement rural peut être défini
« comme un processus qui englobe toute une série de mesures et d’actions entreprises
en vue d’améliorer le milieu rural, aussi bien en ce qui concerne l’aménagement
physique que le relèvement de niveau de vie et la sécurité de l’emploi des populations
rurales » (Dembélé, 1971 :1). Le développement rural, tel qui vient d’être défini par ces
deux auteurs, apparait comme un phénomène global qui implique des actions dans les
différents domaines d’existence de l’homme rural. Si, aujourd’hui, on parle de plus en
plus de développement rural intégré ou intégral, cela signifie qu’à un moment donné le
développement rural a été réduit à quelques éléments seulement. Développer le milieu
rural, ce n’est pas seulement lui donner les moyens d’accroitre sa production agricole,
d’améliorer ses conditions générales d’existence, mais c’est aussi lui donner les
moyens de s’assumer en tant qu’agent responsable de son propre développement. Le
développement rural, c’est la promotion du monde rural aux plans économique,
politique et culturel.

Conclusion
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C'est dans la première moitié du 20ème siècle que la sociologie du développement a
connu un développement véritable. Après la deuxième guerre mondiale, la
préoccupation des pays dits développés et du tiers monde était le développement
économique. Cette préoccupation qui s'était érigée en idéologie a, à son tour, été sous-
tendue par une importante littérature scientifique. Mais que retenir de ce cours de
sociologie du développement pour les économistes ?

 La sociologie du développement revêt un intérêt épistémologique :


 Celui d'avoir reconnu et établi que le développement est un processus
historique et spécifique.
 Celui de la remise en cause de l'approche de l'économie politique dans la
connaissance du développement dans les sociétés. A l'approche économiciste
du développement, il faut substituer une approche totalisante de la sociologie.
 Le développement est un phénomène social total car il est lié et influencé par
les autres aspects de la société.
 La sociologie du développement élargit les champs de la connaissance
scientifique par l'application d'un raisonnement rationnel sur des phénomènes
économiques considérés comme des faits sociaux.
 La sociologie du développement revêt un intérêt pratique pour le développement.
En tant que science de la créativité, de la différence ou de l'altérité, elle nous
révèle les enjeux pratiques du développement : la créativité dans la diversité étant
le moteur du développement, on peut dire qu’il n'y a pas de développement en
l’absence de la créativité et du refus de la différence. C'est dans ce sens que la
sociologie nous enseigne comme le dit le professeur Barthélemy Comoé-Krou
que « le développement est la transformation historique d'une société
historiquement bâtie qui contient en son sein les facteurs de sa propre
transformation historique ».

Bibliographie
De Sardan, J.P.O. (1995). Anthropologie et développement. Essai en socio-
anthropologie du changement social. Paris : Karthala.
Mauss, M. et Fauconnet P. (1901). La sociologie, objet et méthode. Grande
Encyclopédie. Vol. 30, Paris : Société anonyme de la Grande Encyclopédie.
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Laville, J.-L. (1997). Le renouveau de la sociologie économique. Cahiers
internationaux de sociologie. Vol. CIII, Sociologies économiques. Paris : PUF, pp. 229-
235.
Perroux, F ; (1966). Les obstacles de la croissance et du développement. La croissance,
le développement, les progrès, le progrès (définitions). Tiers Monde, n° 26, Paris : PUF.
Sigal, S. (1982). Sociologie du développement et sociologie des sociétés périphériques.
Tiers Monde, n° 90, Paris : PUF.
Touraine, A., (1972). Mouvements sociaux et idéologies dans les sociétés
dépendantes ».Tiers Monde, n° 57, Paris, PUF.
Ela, J.-M. (1998). Innovations sociales et renaissance de l’Afrique noire. Les défis du
« monde d’en-bas ». Paris : Harmattan.

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