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SJP2
Albin BEND
Année académique 2019-2020
Introduction
Mais faire une sociologie des organisations, c’est également tenir compte de
l’orientation théorique fondamentale.
P. BERNOUX définit trois grands types d’analyse sociologique :
- L’analyse du « déterminisme individuel » expliquant le comportement par
l’influence du milieu social (P. Bourdieu),
- L’analyse du « réalisme totalitaire » expliquant de façon comparable le
comportement individuel « comme produit des structures sociales caractérisant les
sociétés dans leur totalité (R.K. Merton),
- L’analyse de « l’interactionnisme » où « les comportements sont conçus comme
des actions entreprises en vue d’obtenir certaines fins »
Nous pouvons voir ainsi qu’il y aura, au cours du XXe siècle, une
évolution des théories qui ne sera pas indépendante de l’évolution
même de son objet. C’est ce que Gruere fait apparaître lorsque, se
référant aux travaux de Scott, il situe les différents modes
d’organisation du travail et les courants théoriques qui s’y
rattachent dans un espace découpé selon deux axes bipolaires
orthogonaux comme le montre le tableau suivant dans
ce que l’on pourrait appeler « un espace sociologique des théories
de la sociologie des organisations » cf diapositive n° 24
Sociologie d'entreprise A. BEND - Juillet 2020 49
Espace sociologique des théories de la
sociologie des organisations
L’étude d’Elton MAYO que l’on a présentée plus haut met pour la
première fois en relief l’influence des attitudes et des relations sur la
qualité du travail. De strictement technique auparavant , l’organisation se
teinte d’humain et de social. L’appât du gain est insuffisant pour motiver
celui qui travaille et plus on y réfléchit plus on s’aperçoit de la
complexité de ce que l’on va appeler les motivations. Paradoxalement,
les travaux de la psychologie sociale et de la dynamique des groupes
naissante montre que des performances nettes peuvent être obtenues
dans un contexte autre que celui du contrôle strict répressif.
-« les facteurs moteurs » :ce sont les facteurs de dynamique (et par
conséquent de « dynamisme ») de l’entreprise. Il s’agit des possibilités de
carrière, des responsabilités confiées, de l’appréciation exprimée des
performances et du sentiment de pouvoir se réaliser.
courant.
Mac Gregor est l'un des premiers à rejeter globalement les
techniques de management qui reposent sur la théorie classique
(qu'il appelle " théorie X ") et cela pour les raisons suivantes :
a) la théorie classique est bâtie sur des modèles (Armée, Eglise
...) qui ne sont plus du tout adaptés aux réalités de l'entreprise
moderne (surtout après la 2ème guerre mondiale)
« la Théorie Y » : 3 principes :
- Contre l’idée développée par le taylorisme, l’homme n’est pas
réfractaire au travail, il peut y trouver une satisfaction.
- La crainte de la sanction n’est pas le seul stimulus. Un objectif
clairement défini est aussi une forte incitation à l’action.
- Les principes d’organisation modernes ne permettent pas de tirer le
meilleur parti de la capacité de l’homme moyen.
Il faut faire en sorte que le contrôle, au lieu d’être exercé par la direction,
le soit par les travailleurs eux-mêmes. McGREGOR remarque que les
objectifs organisationnels ne sauraient être atteints si ceux des agents ne
sont pas en même temps, dans une certaine mesure, réalisés.
Pour la théorie Y, une organisation qui ne tient pas compte des buts et
motivations personnelles de ses agents est une mauvaise organisation.
JAQUES insiste sur l’importance de la clarification des rôles joués par chacun des
agents. Souvent, la confusion des rôles a une fonction précise, et inconsciemment
motivée : elle est une défense contre l’anxiété qui étreint les individus lorsqu’ils
saisissent les contradictions qui existent entre leur personnalité et le ou les rôles
qu’ils assument.
Il est l’un des premiers à proposer des modifications de l’organisation des tâches qui
permettent de résoudre ces tensions. C’est à partir de ses travaux qu’apparaîtront ensuite
les notions d’ « enrichissement des tâches » (Herzberg) ou celles d’ « équipes de travail
semi-autonomes
Aussi rapide que ce courant de pensée nord occidental et de toute évidence propulsé
par lui, le « courant de la contingence » ainsi que le formule GRUERE, bascule le regard sur
les organisations du côté de l’influence majeure de l’environnement, donc d’un système non
seulement « ouvert » aux éléments extérieurs mais plus encore mû, voire déterminés par
eux (On retrouvera cette même structure d’analyse de la réalité sociale dans la réutilisation
de l’analyse marxiste de la domination et de l’aliénation dans cette sociologie dite « du
déterminisme social » dont le chef de file fut Pierre BOURDIEU.)
Ensuite la rupture avec la rationalité des acteurs. C’est là que le modèle trouve ses limites.
En effet l’absence de préférences précises de certains acteurs ne signifie pas l’absence de
toute rationalité. Comme le dit URFALINO48, « parfois ils ne savent pas ce qu’ils veulent
mais le plus souvent ils savent ce qu’ils ne veulent pas. »
Enfin la question précise de la décision que semblait avoir réglé Simon est reposée lorsque
d’autres chercheurs comme BRUNSSON49, montrent que la rationalité de la décision, quelle
que soit sa forme, peut être incompatible avec l’action. Brunsson va jusqu’à affirmer : Les
décisions irrationnelles sont rationnelles pour l’action. En effet, même si le propos paraît
excessif dans son expression absolue, ce qui engage l’action c’est avant tout un faisceau
composé d’attentes positives, de motivations fortes, d’engagement coopératif des acteurs
dans le projet plus qu’une « procédure de décision rationnelle »
C’est l’exemple de ce qui devient un cas d’école, « l’affaire des missiles de Cuba
»50, lorsque du 16 octobre au 28 octobre 1962, les Etats-Unis et l’Union soviétique
sont dans une relation de crise qui menace le monde d’une guerre nucléaire
mondiale parce que des missiles nucléaires sont installés à Cuba dirigés vers les
Etats-Unis qui menacent eux-mêmes de débarquer sur l’île.
La décision telle qu’elle est prise de part et d’autre, dans un cadre de crise
politique, relève d’une rationalité limitée mais également d’un calcul de
probabilités (théorie des jeux) qui introduit zone d’incertitude, stratégie et
culture idéologique des acteurs.
Il s’agit dans ce chapitre non pas de faire état des « dernières théories qui
viennent de « sortir » » mais de souligner des orientations de recherche
qui ont des conséquences sur la manière dont on approche le phénomène
d’organisation. Certains travaux sont plus «anciens » qu’on ne le pense
mais leur lecture est actuelle soit par un intérêt renouvelé qui leur donne
une modernité, soit parce qu’ils sont toujours présents mais de façon
marginale par rapport aux « grandes théories » soit plus prosaïquement
par la traduction récente d’ouvrages étrangers.
Deming,…».
Joseph JURAN (1904-2008) et Shigeo SHINGO (1909-1990) sont à associer car ils
sont les fondateurs de la démarche qualité, le premier reprenant le modèle de
Deming, le second en faisant une application repérable sous trois techniques
principales :
- le « Poka Yoke » (« anti-erreur ») : zéro défaut, zéro contrôle.
- La flexibilité
- Le SMED (single minute exchange of die) changement d’outillage rapide en cas
de panne.
D’autres « concepts toyotistes » seront issus de cette démarche qui paraît néotaylorienne
(Taïchi Ohno prétendait n’avoir fait que mettre à jour la méthode de Ford) mais qui prend
très fortement en compte le modèle de Deming.
Par exemple :
- le « JAT » (« juste à temps ») qui a pour but de synchroniser exactement le flux de
pièces avec le rythme de l’atelier de montage