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L’innovation sociale, l’histoire d’un paradigme naissant


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L’INNOVATION SOCIALE,
L’HISTOIRE D’UN
PARADIGME NAISSANT
Comment peut-on considérer l’innovation sociale comme un paradigme naissant ?
MESET 2019--2020

REALISE PAR : IDRISSI Imane, JANATI Najoua, JANATI Driss, SQUALLI Mohamed, OSMANE
Oualid, BENSLIMANE Abdekfattah
ENCADRE PAR : MME EDDILANI OUMHANI
PRESENTE LE : 17/12/2019

L’innovation sociale, l’histoire d’un paradigme naissant


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INTRODUCTION

Le contexte dans lequel évoluent les pays, de nos jours, se révèle


être de plus en plus complexe de par la multiplication de défis à
caractère multidimensionnel auxquels ils sont confrontés et qui
nécessitent une recherche constante de solutions innovantes et une
implication de tous les acteurs concernés, en l’occurrence les acteurs
politiques, économiques et associatifs, appelés de ce fait à œuvrer en
concert pour faire face à ces challenges.
L’innovation sociale continue de faire appel à des définitions
plurielles. Une majorité s’accorde à dire qu’elle élabore des réponses
nouvelles à des besoins sociaux mal ou peu satisfaits dans tous les
secteurs : alimentation, mobilité, énergie, habitat, environnement,
santé… Portée par différents acteurs, l’innovation sociale apporte
des solutions efficaces à des enjeux complexes auxquels ni l’Etat, ni
le marché ne peuvent répondre seuls.
L’innovation sociale désigne une rupture dans la façon de faire les
choses, un élément novateur dans un contexte donné. Elle
représente une discontinuité par rapport aux solutions généralement
apportées et apporte une réponse créative à des problèmes d’ordre
économique et social non satisfaits par le marché ou par l’Etat. Elle
contribue ainsi aux mieux être des individus et des collectivités.
Si l’expression « innovation sociale » existe depuis plus de deux
siècles, elle connaît depuis vingt-cinq ans une montée remarquable.
Malgré son usage de plus en plus répandu dans les milieux
scientifiques et politiques, son sens reste encore souvent flou.

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La question à laquelle nous espérons apporter quelques éléments de


réponses est la suivante :
Comment peut-on considérer l’innovation sociale comme un
paradigme naissant ?

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PLAN

Introduction

Chapitre1 : Innovation Sociale : Essais de Définition


1. Difficulté de Définition de l’Innovation Sociale
2. Paradigmes de Définition de l’Innovation Sociale
3. Définitions Sélectives de l’Innovation Sociale
4. Relation de l’Innovation Sociale avec les Autres Concepts qui lui sont
Proches

Chapitre2 : Innovation Sociale : Evolution chronologique, Spécificités et


Effets
1. Evolution chronologique
2. Spécificités de l’Innovation Sociale
3. Effets de l’Innovation Sociale : Développement Territorial, Transformations
Sociales et Changement Social

Conclusion

Bibliographie

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CHAPITRE 1 : Innovation Sociale : Essais de


Définition

1. Difficulté de Définition de l’Innovation Sociale :


L’IS est un concept qui attire de plus en plus l’attention des
académiciens, politiciens, économistes, organisations
internationales…Pourtant, sa définition ne fait pas l’unanimité au
sein de ces acteurs. Par exemple, pour certains, c’est un outil de
modernisation des politiques sociales publiques, pour d’autres, il
s’agit de réconcilier l’économique et le social et les combiner pour
une mission sociale définie (PHILLIPS et al. 2015). Pour RICHEZ-
BATTESTI (2011), l’innovation technologique reste dominante,
l’innovation organisationnelle gagne en notoriété, mais l’IS est
toujours floue.
Ce conflit de définitions de l’IS résulte du fait qu’elle est un concept
relativement nouveau, vague et non encore stabilisé en langue. Ainsi,
il est le plus souvent confondu avec d’autres concepts qui lui sont
proches, principalement : l’économie sociale, le tiers secteur,
l’économie sociale et solidaire, l’entrepreneuriat social, les
entreprises sociales, le Social Business et les organisations du BoP
(Bottom of the Pyramid) (MONTGOMERY, 2016).
La difficulté de définir l’IS découle également de la diversité des
définitions que nous pouvons donner au terme ‘’Social’’ dans
l’expression Innovation Sociale. Selon RICHEZBATTESTI et al. (2012),
ce terme peut signifier :
1. Le social en sens d’intervention sociale : dans des conditions de
crise, l’IS est utile pour lutter contre la pauvreté, prendre en charge
les parties marginalisées… grâce notamment à des partenariats entre
le public et le privé. Ainsi, les Social Business qui visent l’amélioration

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des conditions des citoyens pauvres, en se substituant au rôle de


l’Etat et des collectivités territoriales, peuvent être abordés ici.
2. Le social au sens sociétal : le sociétal englobe d’autres
considérations, notamment les questions de l’environnement. De ce
fait, l’IS serait amenée à traiter des sujets sociétaux, ou qui
concernent toute la société avec toutes ses parties prenantes
(défavorisées et autres).
3. Le social au sens organisationnel : évolutions sociales grâce à l’IS
qui permet d’améliorer l’efficacité des organisations (émergence de
nouvelles formes d’organisations telles que les coopératives,
ajustement des prix…).
Plus profondément cette fois-ci, définir l’IS est une tâche ardue car
cette innovation n’est jamais neutre mais politiquement et
socialement construite (NICHOLLS et MURDOCK, 2012). Il s’agit de
savoir comment cette innovation peut être socialement et
politiquement construite pour défendre ou contester l’hégémonie
néolibérale, accepter ou refuser la gouvernance technocratique de
cette hégémonie et comment elle peut libérer ou limiter les
capacités sociales et politiques des citoyens (MONTGOMERY, 2016).

2. Paradigmes de Définition de l’Innovation Sociale :


La non neutralité de l’IS fait donc ressortir 2 paradigmes (ou écoles)
en conflit autour de sa définition : le paradigme technocratique et le
paradigme démocratique (MONTGOMERY, 2016). Pour bien
comprendre le paradigme technocratique de l’IS, il faut comprendre
sa relation avec le néolibéralisme :
1. En période de crise économique, quand le projet libéral est dans
des conditions difficiles, l’IS intervient pour résoudre plusieurs
problèmes en mobilisant plusieurs parties prenantes de la société,
notamment la société civile (BRENNER et THEODORE, 2002).

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2. Les limites entre l’Etat et le marché : le paradigme technocratique


de l’IS offre au néolibéralisme un cadre d’action pour agir
efficacement sans rien détruire et en maîtrisant les limites entre le
marché et l’Etat. Ce support doit donc réinventer l’Etat
(MONTGOMERY, 2016).
Même si dans le cadre de l’IS technocratique nous ne parlons que
des objectifs sociaux, il y a un certain aspect économique abordé à la
fois explicitement et implicitement (fonctionnement économique
des entreprises sociales…) ce qui consiste en une ambiguïté de ce
paradigme. Dans ce même contexte, l’école technocratique aborde
les entrepreneurs sociaux et l’entrepreneuriat social, ainsi que
l’innovation schumpetérienne qui correspond au changement et à la
destruction pour créer l’impact dans un objectif économique.
Pour l’école démocratique, L’IS c’est « contrecarrer ou surmonter les
forces conservatrices qui souhaitent renforcer ou préserver les
situations d'exclusion sociale » (MOULAERT et al. 2013). Selon cette
école, l’IS doit, pour atteindre ses objectifs, mettre à la disposition
des populations défavorisées tous les moyens nécessaires à leur
développement (MONTGOMERY, 2016).
D’autres paradigmes de définition de l’IS existent. Nous en citons 3
selon les travaux de RICHEZ-BATTESTI et al. (2012) :
1. L’IS comme outil de modernisation des politiques publiques,
2. IS et entrepreneuriat social : une innovation portée par des
entrepreneurs sociaux, et
3. L’IS comme système d’innovation territorialisé, inclusif et
participatif.
Ainsi, nous pouvons encore en rajouter 2, non contradictoires, mais
plutôt complémentaires, et que nous avons structurés selon notre
propre réflexion : le paradigme liant l’IS à des activités marchandes
pour répondre aux besoins sociaux (nous pouvons parler ici de

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l’économie sociale et solidaire, mais pas seulement cela) et le


paradigme purement social de l’IS (ici nous pouvons inclure les
activités novatrices de représentation sociale telles que la défense
des droits des minorités…).

3.Definition selective de l’innovation sociale :


L’IS a été définie par des acteurs de différentes catégories : des
chercheurs certes, mais aussi des organisations (exemples : le Conseil
Supérieur de l’Economie Sociale et Solidaire CESS de France, la
Commission Européenne à travers le Bureau des Conseillers de la
Politique Européenne BEPA…) et des politiques et programmes.
Pour une plus grande maîtrise académique du concept, nous avons
choisi de sélectionner quelques exemples de définitions qui lui ont
été données par des auteurs chercheurs. Nous exposerons ces trois
définitions selon les trois niveaux d’analyse de l’IS de CLOUTIER
(2003), à savoir : l’individu, le milieu, et l’entreprise.
La 1ère définition, centrée sur l’individu, est donnée par TAYLOR
(1970). Il définit l’IS comme étant une réponse nouvelle à des
besoins sociaux chez des personnes défavorisées grâce à la
collaboration entre plusieurs acteurs sociaux, dont les bénéficiaires
eux-mêmes.
Pour le niveau d’analyse relatif au milieu, GUERON (1984) considère
que l’IS fait référence à la création de nouvelles institutions et au
changement du rôle de celles qui existent en vue de créer une
meilleure qualité de vie pour les individus.
Finalement, au sein des entreprises, l’IS pour DEBRESSON (1993)
désigne le développement du savoir, de l’apprentissage et des
connaissances chez les salariés.

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4.Relation de l’innovation sociale avec les autres concepts qui


lui sont proches :
Selon AMBLARD et al. (1996), L’IS est l’un des éléments autour
desquels s’articule la logique entrepreneuriale dans l’économie
sociale et solidaire. Ainsi, selon BESANÇON et CHOCHOY (2015),
l’économie sociale et solidaire peut être considérée comme une
matrice de l’IS avec des acteurs très innovants grâce à ses différentes
caractéristiques.
L’IS est donc mise en relation avec l’économie sociale et solidaire. De
plus, les deux sont souvent traitées ensemble alors qu’elles
désignent deux choses différentes, et ce, car elles ont beaucoup
d’éléments en commun.
Depuis le milieu des années 1990, nous assistons à l’émergence et la
montée en puissance de trois notions liées entre elles :
entrepreneuriat social, entrepreneur social et entreprise sociale. Ces
trois notions trouvent leurs origines dans les approches développées
depuis les années 1970 pour reconnaître l’existence d’un 3ème
secteur en plus du secteur privé et le secteur public, ce tiers secteur
où nous trouvons nos trois notions en relation notamment avec
l’économie sociale et solidaire (DEFOURNY et NYSSENS, 2011), donc
en relation avec l’IS aussi, ce qui met cette dernière encore en lien
avec d’autres concepts qui lui sont proches et avec lesquels elle peut
être confondue.
En tentant de délimiter les contours de l’IS dans ses relations avec
tous ces concepts qui lui sont proches , nous sommes arrivés à la
conclusion suivante : l’entrepreneuriat social (considéré dans le sens
large : englober les activités marchandes à finalité sociale et les
activités purement sociales où il n’est pas obligatoire d’exercer des
opérations économiques) est la matérialisation de l’IS sous formes
officielles et non officielles, formelles et non formelles, de projets,
d’économies (marchande, non marchande, non monétaire) et

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d’organisations (entreprises sociales, coopératives…) qui ont des


objectifs sociaux (avec la possibilité d’avoir des objectifs
économiques aussi) qu’ils essayent d’atteindre avec un
fonctionnement diffèrent et novateur.

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CHAPITRE 2 : Innovation Sociale : Genèse,


Spécificités et Effets

1.Evolution chronologique :
Si l’innovation n’est pas réductible à la recherche, elle en est en
grande partie tributaire et demeure aujourd’hui, incontournable
dans la façon de concevoir les retombées de la science. Et elle le sera
de plus en plus à mesure que s’édifie la société du savoir. Les
politiques scientifiques qui se sont succédées depuis l’après-guerre
en Occident, de même que les différents modèles de mesure des
impacts de la science et de la technologie développés depuis les
années soixante, ont fait de plus en plus de place au concept de
l’innovation. Depuis près d’une vingtaine d’années, les politiques de
la science et de la technologie des pays développés se transforment
progressivement, l’innovation devenant leur objet même, et la
propriété commune, leur objectif avoué. L’innovation est devenue le
maître-mot des politiques scientifiques. Dès lors, c’est à un système
dit de recherche et d’innovation auquel on fait référence, porté par
une dynamique entre producteurs et utilisateurs de connaissances.
Certains observateurs voient ainsi émerger un nouveau mode de
production des connaissances, où la recherche s’inscrit non
seulement dans une logique économique — qui renvoie aux besoins
du marché — mais également dans une logique sociale, qui s’articule
autour des préoccupations de la société.
Même si l’innovation sociale, sous toutes ses formes, a résolument
imprégné l’Histoire, sa conceptualisation n’a pas encore cette
profondeur historique. Dans une perspective chronologique, on peut
postuler trois phases dans l’évolution du concept d’innovation : la
limitation, la généralisation et la spéciation.

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 La limitation :
Au cours de la phase de limitation, la notion d’innovation se
développe à l’intérieur de l’univers de la technologie et s’inscrit dans
une logique marchande où l’entreprise constitue le terreau par
excellence. L’étroite proximité qui existe entre « innovation » et «
technologie » est telle que l’on précise rarement nommément qu’il
s’agit d’innovation technologique. Cette conception « technologiste »
est encore très ancrée dans la représentation que l’on se fait de
l’innovation, extension du concept d’invention.
C’est dans les années quatre-vingt-dix que l’on perçoit une volonté
affirmée de définir l’innovation pour mieux en quantifier la portée.
Les principaux ouvrages de la mesure de la science de cette
décennie, tels le Manuel d’Oslo et le Manuel de Frascati; mettent
essentiellement l’accent sur l’innovation technologique en
entreprise. Dans la conjoncture économique du début des années
quatre-vingt-dix, le lien entre innovation et développement s’établit
naturellement en termes de technologie, de nouveaux marchés et de
création d’emplois.
Dans la seconde édition du Manuel d’Oslo (1997), les innovations
technologiques couvrent les produits et procédés
technologiquement nouveaux ainsi que les améliorations
importantes de produits et de procédés qui ont été accomplis.
L’innovation de procédé sous-entend quelque peu l’innovation
sociale, puisqu’elle s’incarne dans les façons de faire ainsi que dans
l’organisation du travail. On s’écarte ainsi de la définition stricte de
l’innovation technologique.
Au cours de la même période, la Commission européenne lance son
Livre vert sur l’innovation avec l’ambition, selon ses termes, de «
réveiller une Europe scientifiquement talentueuse mais
industriellement timide ». La Commission met l’accent sur la

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difficulté de transformer les résultats de la recherche en innovations


et avantages compétitifs.
Le Livre vert reconnaît les insuffisances du Manuel d’Oslo à l’égard
de l’innovation sociale. On convient que l’innovation n’est pas
seulement un mécanisme économique ou un processus technique.
Elle est avant tout un phénomène social. La Commission souligne la
dimension sociale dans la mise en forme de l’innovation
technologique.
L’intérêt pour le concept d’innovation s’inscrit alors dans un contexte
d’idées alimenté notamment par deux ouvrages d’importance qui
redéfinissent le rôle de la recherche dans la société. L’ouvrage
collectif The new production of knowledge expose un nouveau
modèle de la recherche qui renvoie entres autres à un contexte
transdisciplinaire et à une visée d’application des résultats de la
recherche. Une perspective qui associe étroitement innovation et
recherche. Avec La Société, ultime frontière, la Commission
européenne va dans le même sens, plaçant l’innovation par la
recherche comme instrument privilégié de réponse à des
préoccupations économiques et sociétales.

 La généralisation :
À la fin des années quatre-vingt-dix, la phase de limitation fait
progressivement place à la phase de généralisation avec l’émergence
du concept d’innovation sociale proprement dit. Plusieurs auteurs
l’ont défini bien avant en terme d’objet, de processus, d’objectif et
de finalité — je pense ici notamment à Taylor, Chombart de Lauwe,
Auclair et Lampron, Reverzy, Chambon et ses collaborateurs — mais
c’est véritablement dans les années quatre-vingt-dix que le concept
d’innovation sociale apparaît de façon, disons, plus macroscopique
dans les orientations en matière de recherche et de développement
social et économique. Au moins deux ouvrages d’envergure de

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l’OCDE, l’un traitant du système national d’innovation et l’autre de


l’innovation par les sciences sociales et humaines, marquent cette
phase.
Sans nommer explicitement l’innovation sociale, le premier ouvrage,
Dynamiser les systèmes nationaux d’innovation, aborde les
innovations dites « non technologiques », telles que les nouvelles
formes de modèles d’organisation, de pratiques managériales et de
méthodes de travail préalables à l’utilisation efficace de la
technologie. Le second ouvrage, Social Sciences and Innovation,
porte en toutes lettres sur l’innovation sociale. Dans un cas comme
dans l’autre, force est de constater que l’innovation sociale demeure
une notion difficile à définir en raison de l’aspect moins tangible de
son produit et de ses extrants.
Au cours de cette phase, soulignons deux initiatives québécoises qui
figurent parmi les premiers travaux de conceptualisation de
l’innovation sociale : le rapport du Groupe de travail sur l’innovation
sociale (1999), mis sur pied par l’ancien Conseil québécois de la
recherche sociale, et un document de réflexion du Conseil de la
science et de la technologie (2000). Tous deux portent explicitement
sur l’apport de la recherche en sciences humaines et sociales à
l’innovation. Les travaux de ces deux organismes viendront alimenter
la Politique québécoise de la science et de l’innovation qui reconnaît
avec force — peut-être pour la première fois dans une politique
occidentale de la recherche — l’apport incontournable des sciences
sociales et humaines et, par conséquent, de l’innovation sociale dans
le développement de la société et le mieux-être de la population.
Depuis, une définition de l’innovation sociale fait consensus au
Québec. Elle y est définie comme : « toute nouvelle approche,
pratique, ou intervention, ou encore, tout nouveau produit mis au
point pour améliorer une situation ou résoudre un problème social
et ayant trouvé preneur au niveau des institutions, des organisations,
des communautés ».

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En lien avec cette définition, on reconnaît deux fonctions à la


recherche dans le processus de l’innovation sociale. Une fonction de
création de l’innovation proprement dite et une fonction de
reconnaissance de l’innovation. Le milieu de la recherche est en effet
lui-même lieu d’innovation par l’expérimentation ou le
développement de nouveaux programmes et outils, de nouvelles
pratiques et stratégies. Par sa fonction de reconnaissance, la
recherche est un « révélateur » en ce sens qu’en amont, elle nomme
une situation nécessitant une innovation sociale ou, en aval, fait de
l’innovation un objet de recherche : elle en vérifie la validité, en
augmente la capacité d’application à des contextes variés et identifie
les conditions optimales pour une implantation réussie.

 La spéciation :
Une troisième phase, dite de spéciation, s’installe depuis peu avec la
fragmentation du concept générique d’innovation sociale en divers
champs d’intervention ou de recherche.
On parle notamment d’innovations organisationnelles,
pédagogiques, médiatiques, linguistiques, urbaines, etc. en fonction
de la nature des applications. Doit-on craindre que cette
fragmentation ne vienne fragiliser le concept d’innovation sociale ?
Ou au contraire, peut-on espérer qu’elle contribuera à l’enrichir et
en définir les contours et la portée ? Est-il possible qu’à partir d’une
source commune, de nouveaux types d’innovations prennent place
et viennent « opérationnaliser » davantage la notion d’innovation
sociale et du même coup, en préciser le champ d’intervention ? Voilà
quelques-unes des interrogations qui demeurent.
Ce survol chronologique permet de constater que la
conceptualisation de l’innovation sociale et, de surcroît, sa mesure
est encore loin d’être achevée.

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2. Spécificités de l’Innovation Sociale :

Pour identifier et appréhender les caractéristiques et les spécificités


de l’IS, nous pouvons tout d’abord la comparer avec l’innovation
technologique. Ce qui définit la nature de l’innovation
(technologique ou sociale) est un ensemble de facteurs. Nous
abordons non exhaustivement 4 facteurs selon l’analyse de
BESANÇON et CHOCHOY (2013) :
 La pression du marché et de la concurrence : concerne
beaucoup plus l’innovation technologique, alors que l’IS serait
plus concernée par les questions de l’intégration du politique
dans l’économie,
 Le regard de chaque type d’innovation : l’innovation
technologique a un regard centré sur l’entreprise, tandis que le
regard de l’IS est surtout orienté société civile,
 Le caractère tangible ou intangible des outputs de chacune des
deux innovations : dans l’innovation technologique, les deux
outputs (tangibles et intangibles) sont présents. Toutefois, les
outputs sont souvent intangibles pour l’IS. Dans ce sens, l’IS est
souvent une innovation de services (DJELLAL et GALLOUJ,
2012),
 La diffusion de l’innovation : dans l’innovation technologique, il
s’agit de diffuser un produit novateur via le marché. En IS, les
idées, les pratiques et tous les outputs de l’innovation se
diffusent selon le principe de la traduction, et ce, car les
individus ou groupes d’individus qui vont en profiter, vont se
les approprier et les adapter à leurs besoins et conditions.

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La comparaison de l’IS avec l’innovation technologique fait ressortir


une autre caractéristique importante de l’IS : sa continuité.
Contrairement à l’innovation technologique radicale, qui se produit
en grappes et qui fait une rupture avec le passé, l’IS est une
innovation continue, incrémentale, liée à son territoire et qui œuvre
pour améliorer l’existant. Selon BOUCHARD (2011), « le nouveau
modèle de développement caractérisant la société et l’économie
actuelles reposerait donc sur l’innovation continue. Cette hypothèse
est renforcée par la nécessité conjoncturelle ; l’innovation est perçue
comme un remède face à la crise systémique – à la fois économique,
sociale, environnementale et culturelle – à laquelle sont confrontées
les sociétés occidentales ».
Ensuite, nous ne pouvons pas aborder l’IS sans parler de ses
caractéristiques les plus importantes, qui la distinguent très
largement de l’innovation technologique, sans même procéder à des
comparaisons entre les deux, à savoir : la participation, l’inclusion, la
territorialité et l’intérêt pour la communauté. L’IS est participative.
Elle offre la possibilité de faire participer tout le monde dans des
espaces publics de délibérations ouverts (DACHEUX et LAVILLE,
2003 ; LAVILLE et SAINSAULIEU, 1997). Elle est également inclusive.
Les facteurs politico-économiques qui soulignent l’innovation
inclusive contiennent les Etats, les marchés et la société. La notion de
l’innovation inclusive a émergé comme réponse à l’exclusion de
certaines personnes et parties prenantes défavorisées des processus
et chaînes de création de valeurs qui constituaient auparavant la
définition simpliste de l’innovation (SAHA, 2016). Dans la
territorialité de l’IS, les écrits traitant de la relation entre IS et
Développement territorial ne sont pas nombreux (AYDALOT, 2006,
1986). Toutefois, cette relation existe, et est très étroite. Ainsi, les
territoires privilégiés des actions de solidarité (IS) sont le niveau local
et départemental pour créer une relation directe de proximité
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(COLLETTE et PIGE, 2008). Dans son territoire, l’IS essaye de créer un


développement socioéconomique matérialisé par des
transformations sociales (organisationnelles, institutionnelles, des
rapports sociaux…) dont l’objectif ultime est de mener un
changement social global et radical. Dans cette dynamique, un grand
intérêt est accordé à la notion de communauté (ASSOGBA, 2007).
En outre, nous reconnaissons d’autres caractéristiques (secondaires)
à l’IS :
 La nouveauté est relative : comme cité précédemment, l’IS ne
veut pas forcément dire quelque chose de nouveau. L’essentiel
est de porter un changement, une intégration sociale, grâce
notamment à un cadre institutionnel qui les favorise. L’IS peut
même être le retour à quelque chose d’ancien (réintroduction
de l’enseignement musical par exemple) (DE MURO et al.
2007).
 Multiplicité des acteurs : l’entreprise sociale est reconnue pour
être un acteur central dans l’IS selon l’Union Européenne
(2011) et BOUCHARD (2011). Les associations, les fédérations,
les pouvoirs publics…sont aussi des acteurs de l’IS (UNIPSO,
2014). Dans ce contexte, l’IS serait une innovation inclusive,
participative et qui fait intervenir les acteurs du marché, de
l’Etat et de la société civile (HEEKS et al. 2014).
 Logique d’entreprendre : l’IS a une logique d’entreprendre
(projets sociaux, actions et entreprises sociales…) et de risque
et peut intégrer une rigueur économique (UNIPSO, 2014). Son
financement est hybride : diversité des sources de financement
(dons Etatiques, produit de cession des biens et services sur un
marché…) (UNIPSO, 2014).
 Multi dimensionnalité : l’IS touche à beaucoup de disciplines :
sciences de gestion, sciences économiques, développement
social, développement territorial, domaine organisationnel
(organisation d’une entreprise par exemple), domaine

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structurel (exemple : comment une société est-elle


structurée ?)… (HILLIER et al. 2004).

3.Effets de l’Innovation Sociale : Développement Territorial,


Transformations Sociales et Changement Social :

Comme mentionné dans un paragraphe précédent, l’IS est un outil


au service de la réalisation d’un changement dans la société en
passant par plusieurs transformations sociales,
Plus opérationnelles et que nous pouvons assimiler à la dynamique
du développement territorial impulsée par l’IS sur tous les niveaux :
social, économique…au profit des individus et groupes d’individus
cibles dans un territoire donné. Le White Paper on Gouvernance de
la Commission Européenne (2001), parle de l’évolution de
l’innovation qui comprend désormais l’IS qui transforme les rapports
sociaux et de gouvernance, et ce, dans le monde économique
marchand dans un premier temps, mais de plus en plus dans
l’organisationnel, le politique et le social.
Les changements portés par l’IS peuvent être appréhendés de 2
angles : ses impacts directs à l’issue de ses projets innovants et ses
effets sur le changement institutionnel. Ce changement donc
concerne les individus, les organisations, les territoires et plus
largement le système général (CLOUTIER, 2003).
Plus ‘’basiquement’’, c’est le développement d’un territoire grâce à
l’IS qui permet la réponse aux besoins sociaux non encore satisfaits
chez les populations défavorisées, tout en développant leurs
capacités pour profiter des ressources mises à leur disposition. Tout
cela, dans un cadre de prise en compte des rapports sociaux grâce
aux politiques institutionnelles et de gouvernance et aussi les
expériences et compétences développées au fur et à mesure.

L’innovation sociale, l’histoire d’un paradigme naissant


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Il s’agit d’une sorte de développement territorial intégré qui


comprend aussi de l’économique, ou ce que nous appelons
l’économie de la diversité, qui vise l’amélioration de la situation
économique des individus défavorisés, en leur permettant d’exercer
des activités non marchandes, mais qui forment toute une économie
(HILLER et al. 2004).

L’innovation sociale, l’histoire d’un paradigme naissant


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CONCLUSION

En guise de conclusion, L’innovation sociale ne concerne pas


uniquement une catégorie de personnes relativement à une autre,
mais elle caractérise le fait de mobiliser des ressources hétérogènes,
dans des organisations participatives qui privilégient les coopérations
et les apprentissages collectifs en interne et en externe.
L’objectif de l’IS, est de créer une dynamique de développement
socioéconomique inclusif et équitable accompagnée de
transformations organisationnelles et institutionnelles, et ce, dans
l’espoir de réaliser un changement social global et durable.
L'innovation sociale ne doit pas être considérée comme une fin en
soi mais comme un moyen d'atteindre davantage de qualité et de
productivité. C'est donc une démarche vectrice de gain économique,
qui a pour objectif de répondre à des carences de la part des
politiques sociales et du marché.

L’innovation sociale, l’histoire d’un paradigme naissant


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BIBLIOGRAPHIE

-Cahier de crises, JULIE CLOUTIER professionnelle de recherche, Université de


Québec a Montréal (UQAM), Collection Etudes Théoriques n ETO314,
novembre 2003, PDF.
- Réflexion autour du concept d’innovation sociale, approche historique et
comparative, LOUISE DANDURANT , Pages 377-382, Article- revue française
d’administration publique, disponible sur : https://www.cairn.info/revue-
francaise-d-administration-publique-2005-3.htm

L’innovation sociale, l’histoire d’un paradigme naissant


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Table des matières

INTRODUCTION

Chapitre1 : Innovation Sociale : Essais de Définition........................6


1. Difficulté de Définition de l’Innovation Sociale.............................6
2. Paradigmes de Définition de l’Innovation Sociale.........................7
3. Définitions Sélectives de l’Innovation Sociale...............................9
4. Relation de l’Innovation Sociale avec les Autres Concepts qui lui
sont Proches....................................................................................10

Chapitre2 : Innovation Sociale : Genèse, Spécificités et Effets........12


1. Genèse et Développement de l’Innovation Sociale....................12
2. Spécificités de l’Innovation Sociale..............................................17
3. Effets de l’Innovation Sociale : Développement Territorial,
Transformations Sociales et Changement Social.............................20

CONCLUSION …………………………………………………………………………… 21
BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………. 22

L’innovation sociale, l’histoire d’un paradigme naissant

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