Vous êtes sur la page 1sur 4

La science rend-elle la philosophie

inutile ?

Dans son œuvre, Le monde de Sophie, le philosophe moderne


Norvégien, Jostein Gaarder nous dit que ''On pourrait dire que les
philosophes firent les premiers pas vers un mode de pensée scientifique et
furent les précurseurs de qui allait devenir les sciences de la nature ''. En
disant cela, Jostein Gaarder établit un lien entre la philosophie et la
science, qui ont d'après lui un mode de pensée proche, avec une conception
rationnelle et le refus d'en rester aux conceptions mythiques, et
d'explication du monde dans lequel en vie. Jostein Gaarder en établissant
un lien entre philosophie et science rapproche ces deux disciplines, mais
les éloignes également en les mettant en concurrence l'une avec l'autre. On
peut venir à se demander : comment se fait-il que la science notamment
par ses applications techniques rendent la philosophie inutile (dans le sens
où elle n'est pas outil) alors que d'une certaine manière la science est liée à
la philosophie et en dépend comme le montre Jostein Gaarder ? Mais si on
prend la question d'une manière différente ne peut-on pas démontrer que la
mise en concurrence entre science et philosophie est impossible ? Nous
allons donc premièrement tâcher de montrer que la philosophie peut-être
vu comme inutile lorsqu'elle est comparée à la science avant de montrer les
points communs que ces deux disciplines entretiennent. Et nous
montrerons pour finir que le but de la science n'est pas toujours le même
que le but recherché par la philosophie et que la mise en concurrence n'est
donc pas toujours possible.

Tout d'abord la science peut à une certaine manière et à certains


niveaux rendre la philosophie inutile, inutile dans le sens où la philosophie
n'est pas utile. En effet lorsqu'on compare les résultats des applications de
la science, c'est à dire la technique et les résultats des applications
philosophiques, on remarque que la technique a amené un développement
technologique avec des objets ''utiles'' alors qu'au contraire la philosophie
n'a rien produit qu'on puisse qualifier d'utile. Par exemple on peut dire que
l'invention d'internet, ou les progrès de la médecine ont été plus utile dans
l'amélioration du quotidien que les applications d'une réflexion sur la
morale. D'autant plus que les conclusions d'une réflexion de ce type
peuvent être remises en cause, notamment par les sceptiques qui remettent
en cause toute sorte de dogmatisme et donc de vérités assurées.
De plus comme le montre Russell les choses ne sont pas
vraies ou fausses (elles sont réels ou non), en réalité ne peuvent être à
proprement parler vrais ou faux des jugements à propos de quelque chose.
La philosophie (comme la science) est une science empirique qui cherche
la justification a posteriori. En philosophie l'expérience se fait par
l'épreuve de nos cinq sens mais une même chose peut être perçue
différemment, même pour une même personne selon de nombreux
paramètres, tel que l'humeur... Un phénomène observé empiriquement peut
confirmer plusieurs théories contradictoires entre elles. Il existe plusieurs
interprétations possibles pour les mêmes perceptions, on peut donc
conduire une interprétation qui rend compte des phénomènes mais qui soit
fausse en même temps. On peut notamment donner comme exemple
Aristote qui avait une théorie comme quoi les quatre éléments (feu, eau,
vent, terre) cherchent à rejoindre leur lieu d'origine, cette théorie rend
compte de phénomènes mais elle n'est pas correct. On peut également
donner comme exemple Hilary Putman qui propose en 1981 une
expérience de pensée : il imagine que nos cerveaux sont placés dans des
cuves et qu'ils sont manipulés par des scientifiques contrôlant nos
perceptions. Rien ne peut prouver que nous ne sommes pas dans des cuves
et inversement car rien ne prouve avec certitude que nos perceptions
contrôlent à la réalité, pour pouvoir affirmer que nos cerveaux ne sont pas
dans des cuves il faudrait que nous ayons un accès à la réalité par un autre
biais que nos perceptions. On peut donc dire que la philosophie ne peut
aboutir à une vérité à propos de tout car pour la philosophie une vérité doit
être universel et résister au doute.
A l'inverse de façon empirique la science peut arriver à une vérité
universel et qui résiste au doute. C'est cette faculté de donner des réponses
tant à des besoins quotidiens qu'à des problèmes plus généraux ou a des
questions fondamentales, qui peut rendre à un certain niveau la philosophie
inutile car contrairement à la science elle n'apporte que des doctrines, des
conseils, des maximes, donc des solutions pour ''mieux'' penser, ''mieux''
vivre mais aucune réponse tranchée. Dire que la philosophie peut être
inutile à côté de la science ne veut pas dire qu'elle n'a rien fait d'utile et ne
peut rien apporter à la science. Et dire que la science peut rendre la
philosophie inutile ne veut pas dire que la science peut se passer de la
philosophie et que la réflexion philosophique n'a rien apporté
d'intéressant.
Ensuite on peut venir à se demander quelles sont les limites entre
sciences et philosophie. Pendant longtemps la philosophie était la science
en général et on remarque que dès qu'une science arrive à avoir des
résultats elle se distingue de la philosophie. Leurs histoires sont liés, tant
par les personnages marquants que se partagent ces deux disciplines que
par la méthode de réflexion souvent similaire. En effet dès le VI siècle
avant Jésus-Christ en Grèce, on peut noter que les philosophes marquants
sont également les scientifiques marquants de cette période, avec
notamment Thalès ou Pythagore pour ne citer que les plus célèbres. Ce lien
fort entre philosophes et scientifiques perdure encore aujourd'hui, même si
depuis la révolution industrielle, avec le progrès technique et la
complexification des sciences, et la spécialisation, les grands philosophes
ne sont plus les grands scientifiques. Mais jusqu'au XIXe siècle on
retrouve grand nombre de philosophes ayant fait des études dans un
domaine scientifiques, ou qui ont travaillé aux développement scientifique.
On peut notamment citer pour le XVIIe siècle les philosophes Blaise
Pascal (également mathématicien et physicien), Descartes (notamment
avec le projet cartésien qui souhaitait une science universelle). Pour le
Xxème siècle on peut parler de Michel Serres (il cherchait l'effacement de
la frontière entre l'activité scientifique et la création artistique). Tous ces
grands philosophes ont donc été utile pour la science.
En effet il existe donc un lien fort entre science et philosophie, il
existe même une interdépendance entre les deux dans le sens où la
philosophie amène une certaine morale, et éthique à la science. André
Compte-Sponville nous dit d'ailleurs que ''La science – toute science – est
sans conscience ni limites''. C'est la philosophie qui va apporter cette
conscience et fixer des limites à la science. Rabelais va dans le même sens
lorsqu'il nous dit que la '' Science sans conscience n'est que ruine de
l'âme''. Donc sans philosophie, la science deviendrait dénué de conscience
et d'éthique ce qui pourrait alors devenir dangereux. Si on prend l'exemple
de la médecine et par exemple l'eugénisme qui est désormais possible
grâce aux avancées scientifiques mais qui est interdit par l'éthique, car
potentiellement dangereux et qui créerait une société, du type de celle que
l'écrivain Anglais Abdous Huxley crée dans son livre Le meilleurs des
mondes . Cette relation de dépendance entre philosophie et science n'est
cependant pas à sens unique, en effet la science à également œuvré pour la
philosophie, elle a apporté des réponses à de nombreuses questions
existentielles posés par les philosophes.
De plus ce lien entre philosophie et science, est également du au
fait que ces deux disciplines ont pour base le refus de rester aux
explications mythiques et religieuses et la recherche de la vérité, grâce à
une conception rationnelle. Russel, nous dit que la philosophie, nous fait
évader des convictions irréfléchies et du dogmatisme arrogant, en
pratiquant le doute à la manière des scientifiques qui pratiquent
l'expérience. Le domaine scientifique, se rapprochant le plus de la
philosophie sont les mathématiques, notamment par une discipline qu'ils
ont en commun : la logique. Mais également par la méthode, en effet la
méthode cartésienne est d'appliquer à la pensée la fécondité de la méthode
mathématique. Notamment avec la règle de l'évidence de Descartes qui
nous dit que ''il s'agit de ne rien compter comme certain sans l'avoir
examiné et n'accepter comme vrai que ce qui résiste au doute.'' Ce qui
équivaut à la méthode expérimentale pratiqué par les scientifiques. Malgré
tous ces points communs, il existe également nombres de différences, on
peut se demander si on peut toujours mettre en lien science et philosophie.
On pourrait donc se dire que si la science est en quelque sorte dépendante
de la philosophie et au vu des liens si forts qu'ils entretiennent, la science
ne rend pas inutile la philosophie mais au contraire utile, car si c'est grâce
à la philosophie que la science a tant évolué, c'est grâce à la philosophie
que les applications techniques qui sont aujourd'hui indispensables au
fonctionnement du monde moderne. Mais est-ce toujours le cas ?

Car pour terminer, on vient à se demander si, malgré tous ces points
communs, on vient à se poser la question suivante : Peut-on mettre en
concurrence science et philosophie ? Car lorsqu'on se demande si la
science rend la philosophie inutile on cherche à démontrer que l'un est
supérieur à l'autre, ou qu'ils ont besoins de l'autre. Mais peut-être, qu'au
fond la philosophie et la science n'ont pas les mêmes buts. En effet toutes
deux se posent des questions parfois similaires, mais un des buts premier
de la philosophie est bien la recherche de la sagesse, et la recherche de la
meilleur vie possible. La recherche de la sagesse est dissociable du progrès
scientifique, il est en effet possible de vivre ''juste'' et d'être en harmonie
avec soi même dans une société ou la science n'est pas développé à la
manière de Caton l'ancien (IIIème siècle avant Jésus Christ).
Et on peut même aller plus loin en se demandent si la science ne
rend elle pas inutile la philosophie en la pervertissant du moins dans nos
sociétés modernes, où les préoccupations premières sont le progrès
technique et économique et non plus la sagesse, et la recherche du
bonheur. Le progrès technique recherche bien l'amélioration des conditions
de vie, mais amène également stress, fatigue, frustration et jalousie. Les
applications techniques de la science sont donc aujourd'hui bien loin de ces
aspirations au bonheur. Il n'est donc pas certain que l'on puisse toujours
mettre sur le même plan la science et la philosophie malgré leurs points
communs du moins, sur le versant pratique de la philosophie qui recherche
le bonheur. Car comme disait Platon '' l'essentiel n'est pas de vivre mais de
bien vivre ''.

Pour beaucoup de monde, la science rend donc par ses applications


techniques inutile la philosophie. Mais lorsqu'on vient à complexifier la
situation, on peut conclure que comme le dit Albert Thibaudet ''La
philosophie peut se définir non comme la science de tout mais comme la
science du tout.''. C'est à dire que la philosophie, n'est pas une science
expliquant tout, mais est une science expliquant le tout. Elle sera donc la
conscience de la science. Sur un autre niveau on conclut que la science ne
rend pas inutile la philosophie car la science et la philosophie n'ont pas les
mêmes buts, elles ne peuvent donc pas être mis en concurrence et l'une ne
peut donc pas être inutile par rapport à l'autre. On peut donc conclure que
ce n'est pas la science qui rend la philosophie inutile, car de la même façon
que l'art la philosophie est inutile, mais la science va rendre utile la
philosophie en se servant d'elle pour progresser.

Vous aimerez peut-être aussi