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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU
CONGO
PHILOSOPHIE DU DROIT
G2 et G3 Philosophie
par
Dr Willy BONGO-PASI MOKE SANGOL
Professeur Ordinaire
PHILOSOPHIE DU DROIT
0. INTRODUCTION
1. Objectifs
2. Contenu
3. Bibliographie
1. Définition
2. Droit et philosophie
3. Philosophie du droit et théorie générale du droit
4. Philosophie du droit des philosophes et philosophie du droit des juristes
1) Définitions
2) Le concept « droit » :
1. Droit public
2. Droit privé
3. Droit international
3) Les sources du droit :
1. La loi
2. La coutume
3. L’intuition axiologique
4. La doctrine
5. La jurisprudence
4) Le sujet de Droit
1. Le positivisme juridique
2. L’herméneutique juridique
3. L’épistémologie juridique
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4. La logique juridique
IV. TEXTES
1. Hegel, Principes de la philosophie du droit (extrait)
2. Batiffol, Problèmes de base de philosophie du droit (extrait)
INTRODUCTION
2. Le contenu du cours
familiariser avec les questions relatives au droit : droit interne, droit international,
droit public, droit privé, sources du droit et la notion du sujet de droit.
4. Bibliographie
6) KELSEN (H.), Théorie pure du droit, (Être et Penser), Paris, Dalloz, 1962,
Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1973 (1ère éd.), 1988 (2 ème éd.).
7) MELKEVIK (B.), Horizons de la philosophie du droit, Ste-Foy, Laval, Les
Presses de l’Université Laval, Paris, l’Harmattan, 1998.
8) OPPETIT (Bruno), Philosophie du droit, Paris, Dalloz, collection « Précis
Dalloz », 1999.
9) PERELMAN (Chaim), Le raisonnable et le déraisonnable en droit. Au-delà du
positivisme juridique, (Bibliothèque de philosophie du droit), Paris, L.G.D.J.,
1984.
10) VILLEY (Michel), Philosophie du droit, Paris, Dalloz, 1986.
CHAPITRE 1ER :
QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE DU DROIT ?
1. Définition
Il n’existe pas d’accord ni sur une définition du droit, ni sur une définition de la
philosophie du droit, ni sur une liste des questions dont elle est une branche de la
philosophie ou une partie de la science juridique, ni sur une liste des questions dont
elle devrait s’occuper, ni sur ses fonctions, ni sur l’expression même de « philosophie
du droit », à laquelle certains préfèrent « théorie générale du droit », ou, en
anglais, general jurisprudence. Ces différences terminologiques reflètent en
partie d’autres oppositions d’ordre du droit des philosophies ou entre
jusnaturalisme et positivisme juridique. Il faut les analyser avant d’examiner l’état
actuel de la discipline.
On parle de philosophie du droit dans un sens très large pour désigner : une
réflexion systématique sur :
1. la définition du droit,
2. son rapport avec la justice,
3. la science du droit,
4. la structure du système et du raisonnement juridiques.
Elle peut être présentée de bien des manières et les ouvrages qui portent le titre de
« philosophie du droit » n’ont en commun que d’offrir un point de vue très général
sur le droit. Certains présentent les doctrines ; d’autres, les questions traitées. La
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2. Droit et philosophie
Depuis des siècles, des efforts sont accomplis pour tenter de mettre le droit à l’abri de
ce qui le menace. Imprévisible, à la merci de l’opinion ou de la réaction d’une
personne, d’un juge notamment,… il se dénaturerait. La philosophie est appelée à
l’aide pour lui éviter cette déchéance.
Dans la description des possibilités d’intervention, une distinction fort en usage passe
entre le matérialisme et l’idéalisme. Les termes mêmes qui sont employés sont
affectés d’une trop profonde ambiguïté pour pouvoir être conservés. Ni l’adoption de
l’une ou l’autre possibilité, ni l’ignorance des postulats que, dans leur opposition
même, elles impliquent ne peuvent mettre hors jeu la question philosophique.
La philosophie est constamment présente dans le droit. C’est une évidence que
nul positivisme étriqué ne saurait faire disparaître. La philosophie ne plane pas
seulement au dessus des grands principes et des notions fondamentales,
personne, contrat, propriété, responsabilité, cause, égalité, liberté ,… Elle est
porteuse des premiers fondements que les juristes s’attachent à oublier pour se
convaincre de la maturité de leur discipline.
La question à poser n’est donc pas exactement, quel besoin avons-nous d’une
définition philosophique du droit ? Elle est bien plutôt de mesurer à quel point
nous sommes tributaires de théories philosophiques. Non seulement, nous ne
pouvons éviter d’utiliser une définition philosophique du droit, mais nous ne pouvons
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éviter d’être tributaire d’une philosophie du droit dans la mise en œuvre quotidienne
des règles ou des solutions qui le composent.
La théorie générale du droit est avant tout une représentation, une description
globale du système juridique, visant à l'identification de ses éléments
permanents et de leur articulation. La théorie générale du droit est alors un travail
d'extraction des concepts et techniques observées dans un système juridique. On a
donc une opposition entre la théorie générale du droit qui part du droit pour
mieux cerner son fonctionnement, et la philosophie du droit partant avant tout
de la philosophie pour transcender le domaine juridique et en appréhender
l'essence.
Si on part de la définition d'une théorie comme étant l'expression de régularités,
l'arrière-plan de l'objet étudié, on peut entrevoir la distinction entre ces théories
générales du droit et l'épistémologie juridique. En effet, la théorie générale, une fois
déliée de la philosophie, a une visée descriptive, empirique, prenant le droit tel
qu'il est, s'opposant alors à l'épistémologie qui se veut critique vis-à-vis des
principes, postulats, méthodes et résultats de la connaissance.
Cette distinction est raisonnable, mais ne correspond pas à l’emploi effectif des
expressions « philosophie du droit » et « théorie générale du droit ». En pratique,
il est impossible d’établir une corrélation entre le titre d’un ouvrage et la liste des
questions qu’il aborde, le niveau d’abstraction auquel il se situe, la méthode qu’il
emploie ou le courant doctrinal auquel il appartient. Le plus souvent, « théorie
générale du droit » a une connotation positiviste, mais il peut arriver que tel
ouvrage avec cet intitulé soit principalement spéculatif et ait pour auteur un
jusnaturaliste, tandis qu’un autre, à l’inverse, porte le titre « philosophie du droit ».
Le bon sens commande donc de prendre ces expressions pour synonymes. Il n’en va
pas de même pour un autre couple de termes : « philosophie du droit des
philosophes » et « philosophie du droit des juristes ».
par ceux qui estiment que la philosophie du droit ne peut faire l’économie du
droit naturel et a pour tâche, «en raison de la crise de l’humanisme, de l’universel
[ …], de trouver un analogue à la vieille nature humaine pour enraciner l’universalité
requise par la notion de droits de l’homme» (Renaut et Sosoe, 1991).
Elle est en revanche vivement critiquée par les auteurs d’inspiration positiviste,
d’une part parce qu’elle repose sur l’idée que «les solutions aux problèmes
juridiques devraient être recherchées dans les œuvres des philosophes et non
dans l’expérience juridique» (Bobio, article «Philosophie du droit», in Arnaud,
1993), d’autre part parce que, du fait que les juristes n’y retrouvent aucun reflet
de leurs pratiques et de leurs raisonnements, ils se détournent de la réflexion
philosophique.
La philosophie du droit des juristes apparaît ainsi comme une description des
pratiques juridiques, qui ne se caractérise que par son niveau élevé
d’abstraction et de généralisation.
Si l’on oppose les jusnaturalistes et les positivistes, c’est précisément parce qu’on
estime que l’appartenance à l’un ou l’autre de ces courants explique les réponses
données à la plupart des questions théoriques et sous-tend même la manière
dont peut être décrit le droit en vigueur.
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CHAPITRE IIème :
QU’EST-CE QUE LE DROIT ?
1. Définition
la fonction et le sens du droit, nous nous rendons compte que, dans sa positivité,
l'ordre juridique est l'expression d'un mode d'être du social. De sorte que le droit
positif régule en dernière instance un ordre effectif.
Le terme de droit, comme celui de right, recht, dritto, derecho, etc. vient du latin
rectum. Ce mot se rapporte, par conséquent, à ce qui est droit et s'oppose à ce
qui diverge de cette ligne. Les romains désignent le terme de droit par le mot jus.
Ce qui renvoie aux termes de justus et de justitia. Nous avons d'ailleurs le même
rapport en allemand, puisque recht (droit) renvoie à gerecht (juste) et gerechtigkeit
(justice). De sorte que selon sa définition première, le droit est ce qui est juste.
Certains théoriciens font dériver le mot droit du latin directum, ce qui mène, par
conséquent, au concept de diriger, donc à ceux de regere (gouverner), regnum (le
règne) et rex (le roi). De sorte que selon cette définition le droit est la normativité
produite par le pouvoir. Cette conception du droit n'est pas entièrement fausse.
En effet, selon sa pratique immédiate la juridicité est produite par le pouvoir.
Mais le pouvoir produit seulement la légalité ou ce qui a une validité. Donc, en
dernière instance, ce qui tire son existence de la raison de la force.
De sorte que cette définition s'avère partielle ; car, la légalité n'est pas en elle-
même suffisante sans la légitimité. Par conséquent, le droit renvoie à une
dimension autre que celle du simple pouvoir. En d'autres termes, le pouvoir
produit la légalité, mais dans sa production normative il a besoin de la légitimité.
2. Le concept de droit
On peut, par conséquent, soutenir que la perception totalisante du droit inclut cette
autre dimension du phénomène juridique : son devoir-être. C'est le rapport de la
positivité à cette autre dimension qui est l'objet même de la philosophie du droit. Il ne
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s'agit pas ici d'un rapport arbitraire, mais d'une relation essentielle. Car, le devoir-être
du droit est en même temps sa raison d'être. Le règne de la légalité présuppose celui
de la légitimité.
1° Droit public
La première grande subdivision est celle qui établit la différence entre le droit public
et le droit privé. Cette distinction dans l'ordonnancement juridique, est la
manifestation de la différence essentielle de l'être du social : l'Etat et la société civile.
ses règles. C'est le droit constitutionnel qui établit cet ordre de la production, de
l'exécution et de l'application du droit.
Cela dit, les ramifications du droit administratif sont si vastes que certaines de ses
branches sont souvent considérées comme des unités plutôt distinctes. C'est
notamment le cas :
du droit fiscal,
du droit du travail et
du droit disciplinaire.
Le droit pénal est généralement inclus dans le droit public et fait partie, pour certains
théoriciens, du droit administratif. Dans la pratique, c'est en effet l'Etat qui poursuit
les criminels. C'est ainsi que le procureur est considéré comme le représentant de la
société et soutient l'accusation devant les tribunaux. De plus, les enquêtes sont faites
par les juges d'instruction.
D'ailleurs, la raison d'être du droit pénal, n'est pas la simple intimidation, ou bien
l'amendement du coupable, mais la réalisation de la justice. Ainsi lorsque la
dimension éthique disparaît des finalités d'un Etat, le droit pénal tend à se réduire à
une fonction strictement administrative. Seul alors compte le principe d'ordre au sein
de la hiérarchie sociale, le droit pénal, partie du droit commun, se rapproche du droit
pénal militaire. Donc de cette juridiction où priment l'ordre hiérarchique et la
discipline au sein même de cet ordre.
Pour ce qui est du droit pénal, il faut rappeler qu'il implique une procédure. Par
conséquent, des règles très strictes qui constituent des garanties pour l'inculpé. C'est
ainsi que les débats en cour d'assises sont soumis à un certain ordre et ne peuvent pas
être abandonnés à l'arbitre du Président. La partie strictement administrative de la
procédure, concerne l'instruction criminelle.
2° Droit privé
Le droit civil est la branche principale du droit privé qui se situe au sein même
du nomos. Il s'applique sans distinction à tous les membres de la communauté
sociale. Le droit civil règle :
1) les principaux faits et actes de la vie humaine : naissance, majorité, mariage, décès,
etc. ;
2) la situation juridique des sujets à l'égard de ses semblables (capacité civile, dettes
et créances, etc.) ;
3) le rapport juridique des sujets à l'égard des choses (propriété, usufruit, etc.).
Le droit commercial est cette partie du droit privé qui établit les règles particulières
aux commerçants et aux actes de commerce. Il règle, par conséquent, l'existence des
sociétés commerciales (sociétés anonymes, à responsabilité limitée, etc.). Le droit
commercial réglemente les effets de change (lettres et billets de change) et d'autres
papier-valeurs, comme les chèques, les titres aux porteurs, etc.
Nous n'allons pas rentrer ici dans cette polémique. Il est toutefois évident que
certaines manifestations du droit privé tendent à dépasser les déterminations de sa
division fondamentale, pour se projeter dans d'autres dimensions du droit. C'est ainsi
qu'une partie du droit maritime se rattache au droit commercial, lorsqu'il s'agit des
pratiques marchandes non concernées par le droit international privé. C'est le cas de
l'affrètement, de l'engagement d'équipage, etc. Une partie du droit maritime
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Le droit privé, au sens strict du terme, concerne les relations des particuliers entre
eux, lesquels se trouvent sur un pied d'égalité juridique, à l'abri de toute ingérence de
l'autorité publique. Pour cette raison, nous disons que les droits civils sont ceux que
reconnaît et protège le droit privé. C'est en vertu de ces droits qu'une personne est
sujet de droits et d'obligations. Les droits civils sont le fondement du principe
d'individuation. Dans la tradition romaine, seul l'homme libre est sujet de ces droits.
Comme nous le verrons plus loin, l'accomplissement de ce principe se manifeste
lorsque l'individualité est sujet des droits politiques. Par conséquent, sujet du pouvoir.
Dans cette dimension toutes les individualités se situent sur un pied d'égalité par
rapport au pouvoir.
3° Le droit international
Le droit international s'appuie sur ces sujets de droit public que sont les Etats. La
moralité objective qui se concrétise dans ces institutions ne reste pas au niveau de ces
particularités. Elle se projette nécessairement au niveau international. C'est
précisément cette dimension qui permet l'existence de la communauté internationale.
Donc d'une communauté réglée par des lois objectives, connue par chacun de ses
membres, lesquels sont conscients de la nécessité de ces règles, car elles permettent
d'assurer leur sécurité, tout en promouvant la justice au niveau international.
Il est important de tenir compte que les sujets du droit international sont les Etats
civilisés. Donc, ceux dont la réalité est conditionnée essentiellement par l'existence
de la civitas. L'extension de ce phénomène, a pu, par conséquent, permettre la
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Il est vrai que le droit international n'a pas la même efficacité que les droits positifs
internes. Mais, il joue un rôle qui ne saurait être sous estimé. Cela dit, le support
fondamental du droit, en tant que tel, est la conscience du fait que le droit doit être la
manifestation pratique de la justice et que la lutte pour la justice passe nécessairement
par la lutte pour le droit juste. Le devoir-être, est consubstantiel à l'ontologie de ce
savoir axiologique qu'est le droit. Le progrès dans la dimension axiologique du droit
est la condition même du progrès social de l'humain.
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Cela dit, le droit international se divise, tout comme le droit interne, en public et
privé. Le droit international public réglemente les devoirs et les droits des Etats, à
l'égard les uns des autres ; il détermine aussi les limites de leur souveraineté.
Le droit international public établit aussi les statuts des organes par lesquels les Etats
sont en relations mutuelles, comme les représentations consulaires et diplomatiques.
Ce droit envisage aussi les conflits entre les Etats, soit pour prévenir la guerre en
cherchant une solution arbitrale ou à l'amiable, soit en établissant des règles visant à
humaniser la guerre.
Pour ce qui est du droit international privé il concerne aussi, tout comme le droit
privé interne, le civil et le commercial. C'est ainsi que pour ce qui est de ce dernier,
un commerçant domicilié en France achète ses chaussures à un fabricant espagnol. En
cas de contestation, quel droit doit prévaloir, le français ou l'espagnol ? C'est au droit
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international privé qu'il incombe de donner une réponse. Il en est de même pour ce
qui est du droit civil. En effet on peut se trouver devant le cas suivant : un mexicain
peut mourir en France après avoir testé aux Etats Unis. Se pose dès lors la question de
savoir lequel des droits mexicain, américain, ou français doit s'appliquer à la validité
de son testament et de son exécution ?
Dans ce domaine il n'y a pas beaucoup de règles. Il est toutefois reconnu comme
principe général, au niveau du droit international privé que les immeubles sont régis
par la loi du pays où ils sont situés. Ainsi, l'existence de règles générales, a permis le
développement d'une jurisprudence significative dans ce domaine et, par conséquent
la convergence des pratiques juridiques entre les nations. Comme on peut aisément le
comprendre cette convergence est d'autant plus importante que les rapports et la
circulation entre les nations s'accélèrent. C'est notamment le cas pour la communauté
européenne.
Lorsque nous parlons de sources du droit, nous nous référons aux éléments
socioculturels qui conditionnent la reproduction du droit positif. Car le processus de
reproduction juridique est un mouvement qui fait appel aux sources. Donc, aux
dimensions qui permettent la production et la reproduction de la juridicité.
Dans la pratique de l'exécution juridique, nous trouvons cet appel aux sources. Car
tout n'est pas prévu par la loi. La reproduction, via l'exécution est ainsi un processus
de recréation. Le terme source créa une métaphore très significative. En effet, nous
disons qu'aller aux sources d'un fleuve, c'est chercher l'endroit où l'eau sort de terre.
Plus précisément, l'endroit où le cours d'eau prend naissance. De la même manière
chercher la source du droit, c'est rechercher les espaces de la vie et de la substance
socio-culturelle qui donnent naissance au droit positif.
Du point de vue formel, les sources sont à différencier du fondement du droit. D'un
côté, nous avons affaire à un phénomène de production immédiate, tandis que de
l'autre il s'agit d'une déterminante d'ordre structurel.
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Les faits sont réglés par les normes. Comment ces normes prennent-elles naissance,
dans l'acte de l'exécution juridique ? Voilà l'interrogation qui renvoie aux sources du
droit. La théorie du droit nous apprend, en effet, que la norme positive ne peut pas
prévoir tous les faits. La norme est le général, tandis que le fait est le particulier. Il
s'agit par conséquent d'adapter le général au particulier. Celui-ci est le rôle de l'équité.
Aristote nous dit à ce propos : "la nature propre de l'équité consiste à corriger la loi,
dans la mesure où celle-ci se montre insuffisante, en raison de son caractère général ".
Le célèbre article ler du Code civil suisse est à ce propos particulièrement significatif
parce qu'il nous dit que "la loi régit toutes les matières auxquelles se rapportent la
lettre et l'esprit de l'une de ses dispositions." De plus il est question dans les alinéas
suivants qu' "à défaut d'une disposition légale applicable", le juge se prononce selon
"la coutume" et à défaut de coutume, selon les règles qu'il établirait, s'il avait à "agir
comme le législateur", s'inspirant des théories consacrées par "la doctrine et la
jurisprudence".
De sorte que ce code établit, comme il est généralement admis, par les esprits
éclairés, les sources suivantes :
Premièrement, la loi ; laquelle ne doit pas être uniquement appliquée selon sa
lettre, mais aussi selon son esprit.
Deuxièmement, la coutume.
Troisièmement, l'intuition axiologique du juge.
Quatrièmement, la doctrine ; et
Cinquièmement, la jurisprudence.
Il faut remarquer que les théoriciens du droit, d'une manière générale, sont d'accord
pour reconnaître la qualité de sources à la loi et à la coutume. Certains dénient cette
qualité aux autres sources que nous venons de mentionner. Celle qui pose le plus de
problème étant d'ailleurs l'intuition axiologique du juge. Cette dimension est
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1°. La loi
La loi est la norme imposée directement par l'Etat. Au sens strict du terme, la loi est
le droit écrit, le jus scriptum. Ainsi, la loi se manifeste comme la normativité produite
par le pouvoir public compétent. Le droit constitutionnel de chaque Etat détermine les
formes auxquelles est subordonnée la validité de la loi : organe compétent et
procédure adéquate. Le principal organe de production normative est le pouvoir
législatif. Dans certaines conditions, le texte fondamental autorise la délégation de la
compétence législative, par le pouvoir législatif au pouvoir exécutif.
Dans la tradition du droit romain sont reconnus comme loi : les accords des
assemblées populaires (leges et plebiscita), les décisions du sénat (senatus consulta)
et les ordres émanant des empereurs (constitutiones principis).
A l'époque actuelle le terme de loi englobe notamment la constitution, les codes, les
traités internationaux, les arrêtés, les ordonnances et les règlements. Par conséquent
le terme de loi comprend toute règle juridique formulée par écrit en vue de l'avenir.
La loi dépasse ainsi la portée d'un acte administratif. Ceci veut dire qu’au sens strict
du terme la loi est une règle émise pour un nombre indéfini de cas futurs. Dans cette
conception ne sont pas considérées comme lois les décisions prises par le pouvoir
législatif en vue d'un cas particulier, comme le vote d'un budget, l'octroi d'un crédit et
une nomination. Cela dit, certains théoriciens contestent cette conception
traditionnelle. Pour eux, en effet, toutes les décisions prises par le pouvoir législatif
sont en principe des lois.
D'un point de vue strictement juridique la loi doit être dans sa positivité valide,
légitime et en dernière instance efficace.
La validité d'une loi est déterminée par le texte fondamental. Comme nous venons de
le signaler la validité dépend de l'organe compétent et de la procédure adéquate.
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2°. La coutume
L'ensemble des usages pratiqués par une communauté est ce que nous appelons la
coutume. Ces pratiques sont juridiquement valables lorsque la collectivité les
considère comme obligatoires. La coutume est ainsi le droit créé par les mœurs, le jus
moribus constitutum.
L'ancien droit français était, comme on le sait, essentiellement coutumier. Ceci était
aussi vrai pour les autres nations européennes, pour toutes les sociétés connaissant un
niveau significatif d'individuation. Le droit coutumier reposait alors sur trois critères
essentiels :
La coutume est source de droit non seulement dans le droit privé, mais aussi dans le
droit public. C'est ainsi qu'en France les "décrets-lois" ont vu le jour sous la troisième
République dans l'entre-deux guerres. La nécessité du moment a conditionné cette
pratique non prévue par les textes constitutionnels.
La coutume est aussi une source juridique très importante dans le droit international
public. On peut même dire qu'elle est la source dominante. C'est la raison pour
laquelle l'étude de l'histoire est si importante à l'intérieur de cette discipline. La seule
branche du droit où la coutume n'est pas source de création juridique c'est le droit
pénal, et ceci à l'époque moderne. La raison de ce phénomène est le principe qui
domine le droit pénal. En effet, le principe nulla poena sine lege, donne le monopole
à la loi. De sorte qu'aucun acte ne peut être considéré comme un délit, s'il n'est pas
condamné par une disposition légale. Toute peine est prononcée en vertu d'une règle
légalement établie.
Ce principe permet ainsi de protéger l'individu contre l'arbitraire. De sorte que le juge
ne peut invoquer aucune règle traditionnelle qui ne soit préalablement intégrée dans
la législation. Certains théoriciens, inspirés principalement par l'école historique
allemande, considèrent que la coutume est plus authentique et plus près de l'idéal de
justice que la loi. La coutume est perçue comme le produit du Volksgeist, de l'esprit
du peuple. Or, cette thèse ne tient pas compte du fait que le peuple n'est pas une
réalité neutre, mais plutôt un ensemble organisé. De sorte que ce qu'exprime son
esprit, est la logique de son mode d'être, de son ordre.
La tradition n'exprime pas uniquement des valeurs positives dans leur dimension
universalisante, comme le croit la belle âme romantique. C'est bien plutôt l'étroitesse
du particulier qui s'y manifeste. Donc, la négation de la dimension universalisante de
tout être humain. La loi du lynch, appliqué essentiellement aux noirs, dans le passé
des Etats Unis, ainsi que l'excision, la mutilation du sexe féminin, pratiquée dans
certains pays de l'Afrique, sont des usages, parmi tant d'autres horreurs, qui nous
montrent jusqu'à quel point la coutume peut véhiculer la perversion humaine. Il ne
s'agit pas, par conséquent, d'hypostasier une source du droit par rapport aux autres. Il
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est important de comprendre qu'il n'y a pas, comme nous le souligne Gurvitch, un
foyer unique de création du droit, mais plusieurs foyers. La substance éthique de
l'humain tend à s'objectiver essentiellement à travers l'Etat, les mœurs et la sagesse
juridique transmise depuis l'aube de la civilisation.
La pratique juridique est une action qui se rapporte aux cadres référentiels qui
permettent, précisément, de faire la différence entre le juste et l'injuste. Les
universaux sont au centre même de cette pratique. De sorte que pour l'homme ou la
femme de loi, ces valeurs ne sont pas, à proprement parler, étrangères à leur
conscience. Ceci, indépendamment du fait que le sujet de la connaissance juridique
tend à prendre le droit positif pour l'expression même de la justice en tant que telle.
En d'autres termes, on ne peut pas soutenir, malgré la perversion positiviste, que la
réflexion sur la différence entre le juste et l'injuste soit étrangère au sujet de la
pratique juridique. En effet, selon son concept et son effectivité, l'intuition
axiologique est une dimension essentielle dans la conscience du praticien du droit.
Remarquons que cette intuition est propre à tout être humain et à plus forte raison à
celui qui fait de la justice le centre même de son intérêt. Car, " lorsque quelque
différend se produit entre les hommes, ils ont recours au juge. Aller trouver celui-ci,
c'est aller devant la justice, car le juge entend être, pour ainsi dire, la justice incarnée.
Dans la personne du juge on cherche un tiers impartial et quelques-uns appellent les
juges des arbitres ou des médiateurs, voulant signifier par-là que, quand on aura
trouvé l'homme du juste milieu, on parviendra à obtenir justice. La justice est donc un
juste milieu, si du moins le juge en est un. Le juge maintient la balance égale entre les
deux parties. Prenons une comparaison : une ligne ayant été coupée en deux parties
inégales, le juge prend ce qui, dans la partie la plus grande, dépasse la moitié, et ce
qui est repris ainsi est ajouté à la partie la plus petite. Quand le tout est partagé
également, chacun reconnaît avoir ce qui lui revient; des deux côtés, les parties sont
égales. Or, ce qui est égal est intermédiaire entre le plus et le moins, selon la
proportion arithmétique. Aussi le grec se sert-il du mot dikaion, parce que le partage
se fait en deux parties égales dika, c'est comme si l'on disait : partagé en deux :
dikaion, et le mot juge : dikastes est synonyme de dikastes (qui partage en deux). "
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Que le juge soit censé incarner la justice, voilà ce qui est de l'ordre même du concept
de cette fonction. De là que l'intuition axiologique, ne peut pas être étrangère à la
conscience du juge. Par conséquent, c'est par le biais de cette intuition, ou de la raison
axiologique, que la justice dans sa dimension universalisante est source de droit.
L'universalité du juste se manifeste ainsi d'une manière immédiate dans et par la
conscience de celui qui est censé être la justice incarnée.
Cela dit, l'intuition axiologique n'est pas reconnue par certains ordonnancements
juridiques comme source de droit. C'est notamment le cas de l'ordre juridique
français. Nous savons, en effet, que dans la tradition du droit napoléonien le juge est
censé être le simple porte-parole du droit écrit. Ceci, au nom de la garantie juridique
et pour éviter toute forme d'arbitraire. Nous nous trouvons ici devant un problème
doctrinal de premier ordre. Mais, avant de poser cette problématique il est nécessaire
de comprendre que ce phénomène est intimement lié à l'historicité française. Il ne
faut pas oublier, en effet, que dans l'Ancien Régime le juge était propriétaire de sa
charge. Le système des offices, de la vénalité des fonctions publiques, faisait, par
conséquent, que pour le juge cette fonction était son entreprise. De sorte qu'il avait
tout intérêt à en tirer le maximum de profit.
Dans la tradition juridique française, en effet, il ne s'agit pas de réfléchir par delà la
positivité des textes. La seule approche possible est celle du commentaire de la lettre
de ces textes. Ce n'est donc pas un hasard si la philosophie du droit est pour ainsi dire
inexistante dans la production théorique française.
4°. La doctrine
La "loi des citations", comme il est convenu d'appeler cette pratique qui fait référence
à la doctrine, avait par conséquent un rôle très important dans la juridique romaine. A
présent cette pratique est moins importante, quoi que les arguments "d'autorité"
continuent à avoir une importance qui ne peut pas être négligée. Dans ces conditions
il est question de "doctrine dominante" ou "pratiquement unanime". Cela dit, la
doctrine est parvenue à se concentrer dans des formules particulièrement frappantes.
Cette sagesse doctrinale, produite essentiellement de l'esprit juridique romain, se
manifeste sous forme d'adages et de maximes, donc comme des proverbes juridiques.
Nous pouvons, par conséquent, dire que le droit se dévoile immédiatement non
seulement dans l'intuition du juste, mais aussi dans les maximes juridiques, lesquelles
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5°. La jurisprudence
La jurisprudentia était chez les Romains synonyme de science de droit. Ceci pour
plusieurs raisons : premièrement, parce que les jurisconsultes étaient appelés
jurisprudents, ou simplement prudents. Deuxièmement, parce que la pratique du
juriste consiste essentiellement dans l'interprétation de la norme, donc de la
jurisprudence au sens général du terme, et troisièmement, parce que dans le processus
d'application de la norme, l'équité est indispensable.
C'est cette troisième raison qui nous semble la plus importante, car le maniement de
la loi dans l'acte d'application exige une prudence extrême. Cette prudence et donc
cette équité sont d'autant plus importantes que les lois restent en vigueur pendant une
période plus ou moins longue. Ceci, est particulièrement vrai pour les plus
importantes qui tendent à se transmettre de génération en génération "comme une
maladie éternelle", pour reprendre la célèbre expression de Goethe. Il existe ainsi un
inévitable archaïsme dans une partie très importante des lois que les juges sont
amenés à appliquer.
Ce travail d'interprétation des normes est précisément ce qu'il est convenu d'appeler
la jurisprudence. Dans ce sens, par conséquent, la jurisprudence est le droit objectif
qui se dégage des arrêtés rendus par les tribunaux. Le droit connaît ainsi un processus
constant de réactualisation. A la base de cette pratique se trouve, comme nous venons
de le signaler, la prudence dans le maniement de la loi. En tout état de cause, cette
prudence fait partie du devoir être du droit, car le summum jus est summa injuria. De
sorte que les changements dans le social se manifestent au niveau du droit et que les
changements du droit se répercutent sur le social. La conscience produite par la
Révolution française semble avoir perçu cette interrelation. Le changement du droit
31
objectif lui semblait nécessaire. C'est ainsi que dans l'article 28 de la " Déclaration
des Droits de l'homme et du citoyen ", qui figure en tête de la Constitution du 24 juin
1793, il est dit : " un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa
Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures."
Comme chaque génération ne peut écrire ses propres lois, se présente la nécessité de
les adapter aux conditions des temps. La jurisprudence joue ainsi une fonction
créatrice. Cela dit, ce mouvement de transformation dû à la jurisprudence se
manifeste dans le droit continental suivant une logique particulière. Car en principe la
" chose jugée ", la res judicata, est sans effet envers tout autre que "les parties." Mais,
dans la pratique un tribunal se sent toujours plus ou moins obligé moralement, par ses
décisions précédentes. Un tribunal peut toujours modifier son point de vue, tout en
indiquant ses motifs. On assiste alors à un revirement de jurisprudence. Un tribunal
supérieur peut toujours modifier la jurisprudence d'une instance inférieure. Ceci, se
produit lorsque le jugement d'une instance inférieure est soumis, par voie de recours
en appel, réforme ou cassation, à un tribunal supérieur.
7. Le sujet de Droit
Du point de vue strictement juridique - donc, dans sa dimension positive -, les sujets
de droit sont les " personnes " que le droit considère comme telles. Par conséquent,
les " sujets " sont aptes à profiter des facultés conférées par les normes positives. Cela
veut dire, dès lors, que toute personne humaine n'est pas forcément un sujet de droit.
L'individualité surgit avec le droit et c'est l'ordonnancement juridique qui lui confère
32
la dimension de sujet, ou le lui dénie. Dans l'antiquité classique, par exemple, les
esclaves n'étaient pas considérés comme des sujets de droit ; ils étaient assimilés à
des choses. Ce phénomène s'est produit dans toutes les sociétés où l'esclavage a
existé. Parfois il y a des personnes physiques qui perdent la qualité de sujet de droit.
Il est dit alors que telle ou telle personne a subi la mort civile.
Aux sujets de droit s'opposent les "choses", lesquelles consistent en matière inanimée
ou en animaux. D'une manière générale les choses se divisent en deux catégories : les
biens immeubles, c'est-à-dire tout ce qui ne peut pas être déplacé comme le sol, les
bâtiments et les usines, et les biens meubles. Généralement parlant, nous avons
affaire à différents niveaux de sujets de droit. Nous faisons principalement la
différence entre sujet de droit privé et sujet de droit public. En droit privé, si la
jouissance des droits civils est reconnue à toute personne dans les sociétés modernes,
la capacité civile et plus précisément la faculté de contracter des engagements
juridiques, n'est accordée qu'aux personnes majeures capables de discernement. Dans
les sociétés traditionnelles - c'est-à-dire celles qui n'ont pas encore atteint un niveau
général d'individuation -, les femmes "majeures et capables de discernement" ne
possèdent pas la capacité juridique totale. Elles se trouvent plutôt dans un statut de
quasi mineur et sont, par conséquent, sous la tutelle des hommes : le père, le mari, ou
un des frères.
Au sens général du terme, les sujets du droit public sont ceux qui peuvent élire et être
élus. Les citoyens, disait Aristote, sont les sujets du pouvoir. La capacité politique
n'appartient, toutefois, qu'aux élites du pouvoir. Il y a, en effet, dans les démocraties
non accomplies dans leur dimension universalisante, des citoyens qui le sont plus que
d'autres. De sorte qu'en effet, il y a ceux qui n'ont que le droit de vote et aucune
possibilité d'être élu ou d'occuper une place dans la res-publica ; il y en a d'autres, par
contre, qui peuvent être à la fois électeurs et membres d'élite du pouvoir.
Mais, pour revenir à la problématique du sujet de droit au sens strict du terme, il faut
signaler que les personnes physiques ne sont pas les seules à pouvoir être sujets
juridiques et sujets des obligations. Cette faculté est aussi reconnue aux personnes
morales ou juridiques. Ces personnes sont des entités produites par l'objectivation du
droit. Les rapports de droit propres aux personnes juridiques sont généralement
d'ordre économique et administratif. C'est ainsi qu'une société anonyme ou une
33
Les personnes juridiques peuvent être de deux sortes : les institutions de droit privé et
les institutions de droit public. Dans un cas comme dans l'autre, la personnalité est le
résultat de la réalisation des conditions posées par le droit positif. Par conséquent, en
droit privé tout groupe de personnes physiques ne constitue pas une personne
juridique. Pour une société anonyme, par exemple, l'inscription au registre du
commerce est nécessaire. En tout état de cause la personne juridique est un sujet
différent des membres qui la composent. Ces actes, par exemple, n'engagent pas
personnellement ses membres. Son fonctionnement et son action dépendent d'un
organe directeur composé d'un ou plusieurs membres. De plus, c'est cet organe -
Conseil d'administration, direction générale, etc. - qui gère les affaires des sociétés.
Les institutions de droit public sont des entités juridiques comme les Etats et les
communes. Ces institutions ont des organes politiques et administratifs qui agissent
en leur nom. La compétence de ces organes est déterminée par le droit public. Au
niveau international il y a des institutions qui sont réglées par le droit international.
C'est principalement le cas de l'Organisation des Nations Unies.
Les institutions de droit privé comme de droit public sont des manifestations de
l'objectivation du droit. Par conséquent, l'existence, le fonctionnement et les pouvoirs
des personnes juridiques sont déterminés par le droit positif. Plus précisément, les
sujets du droit - les individualités, comme les personnes juridiques - sont la
concrétisation de la moralité objective. L'accomplissement de leur manifestation
universalisante est le résultat du degré d'objectivation de cette moralité, ou de ce qui
est la même chose : la raison.
Chapitre IIIème :
ELEMENTS DE PHILOSOPHIE DU DROIT
1. Le positivisme juridique
34
Le positivisme juridique fondé par Hans Kelsen est parfois réduit à un dogmatisme.
Précisons tout d’abord qu’il ne consiste pas à proposer des fondements théoriques au
travail du juge mais à constituer une science du droit. La théorie pure du droit repose,
dans un premier temps, sur une définition de la norme juridique comme formant
l’objet de la science du droit. Elle renvoie d’abord à un objet de connaissance : « Il
s’agit là d’une création épistémologique et non d’une création par le travail de
l’homme, au sens où l’on dit que le législateur crée une loi » (Kelsen, 1988, p. 53).
La science du droit n’a de dimension qu’heuristique et non axiologique.
En effet, les jugements de valeur, en matière de droit, sont exclus de la réflexion sur
la norme juridique. En revanche, ils interviennent dans l’évaluation d’une opposition
ou d’une conformité entre le fait et cette norme dans le cadre du tribunal. Pour la
théorie pure du droit, ou science du droit, une norme fondamentale, servant
d’hypothèse de base, indique la manière dont se crée un ordre juridique : la validité
d’une norme est déterminée par une autre norme (1988, p. 131). Pour Kelsen, la
validité de cet ordre repose sur son efficacité. C’est alors dans un deuxième temps,
celui de l’application de la norme, qu’intervient l’interprétation. Cette dernière est la
détermination du sens de la norme à appliquer et ses méthodes reposent sur un cadre
ouvert à plusieurs possibilités (1988, p. 152).
35
Ainsi, pour Hans Kelsen, si la science du droit relève d’un acte de connaissance, son
interprétation renvoie à un acte de volonté (1988, p. 153). On ne trahirait pas l’auteur,
qui inscrit sa démarche dans celle Kant, en ramenant cette distinction aux réponses à
deux questions de l’anthropologie kantienne : que puis-je savoir ? (La science du
droit) Que dois-je faire ? (L’interprétation du droit).
Pour elle n'est essentiel que le droit donné (positum), c'est-à-dire la juridicité produite
par le droit positif. L'école dogmatique est comme on le sait particulièrement
dominante dans les facultés de droit. C'est ainsi que dans les facultés de droit en
France - pour ne prendre que l'exemple qui nous concerne le plus immédiatement -,
toute étude non dogmatique est, lorsqu'elle existe, totalement marginalisée. C'est le
cas notamment de la philosophie du droit. Sont considérées, par conséquent, comme
études non dogmatiques :
l'histoire du droit (romain, canonique et traditionnel),
la sociologie du droit (empirique et des valeurs) et
la philosophie du droit (droit naturel, critique institutionnelle, déontologie,
éthique fondamentale).
36
Cela dit, il ne s'agit pas, du point de vue axiologique, de vouloir le changement pour
le changement en ce qui concerne le droit positif, voire sa dissolution, mais plutôt une
transformation devant se réaliser dans le sens de l'accomplissement de sa dimension
universalisante : la justice. Dans ces conditions la véritable connaissance de l'être-là
du droit, c'est sa perception en tant que simple moment de ce processus. La lutte pour
la justice est un éternel devenir. De plus la lutte pour l'égalité et la justice est une
dimension qui ne concerne pas les seigneurs, mais plutôt les faibles et les dominés.
Les seigneurs tendent plutôt à pervertir, dans leur discours et dans leur pratique le
sens de ce processus.
La science juridique consiste essentiellement dans l'étude d'un droit positif déterminé,
en vue de connaître son système et de pénétrer son esprit. De ce point de vue là, qui
est celui de la dogmatique juridique, la science du droit comporte deux moments
essentiels :
la technique juridique qui se réfère principalement à la localisation des normes
légales nécessaires pour le traitement d'un cas concret ;
la science juridique proprement dite et en dernière instance l'application du
droit.
2. L’épistémologie juridique
39
que l’épistémologie est elle-même constitutive, c'est-à-dire que c’est elle qui va
déterminer ce qui est un savoir, une épistémologie juridique supposerait l’existence
préalable d’un savoir juridique.
Dans la Critique de la raison pure, Kant, pour théoriser les conditions de possibilité
de la connaissance, part d’un fait : « l’existence des sciences ». S’agissant du droit se
pose la question de savoir quel fait suffisamment fixe et invariant peut être pris
comme objet d’étude ? Certains prétendent que « le droit constitue une réalité sociale
empirique complexe comprenant des entités linguistiques et extra-linguistiques, y
compris des phénomènes psychiques et des phénomènes de comportement ». Il est
bien un phénomène juridique variable selon les perceptions de la foule de juristes, de
théoriciens, de philosophes, etc., et qui par conséquent ne peut prétendre être un
savoir juridique.
Certains auteurs perçoivent le savoir juridique comme un objet totalement autonome
pouvant être théorisé. Si l’épistémologie est l’étude critique d’un ensemble de
connaissances produites par une collectivité savante, il existe bel et bien un savoir sur
le droit et un savoir dans le droit. Le savoir dans le droit, qui est la connaissance
nécessaire à l’application du droit, peut être vraie ou fausse ; il recoupe les faits, mais
aussi l’identification des normes applicables. Quant au savoir sur le droit, il porte sur
le droit à faire, et il constitue un savoir parce qu’il est la connaissance des
conséquences de la norme que l’on va poser.
Ainsi, l’épistémologie peut prendre soit le droit pour objet, dans ce cas-là, elle est
donc « l’étude des modalités selon lesquelles les assertions du droit sont fondées et
produites »; ou encore, elle peut prendre pour objet la connaissance du droit, et dans
ce cas-là, l’épistémologie devient « l’étude des modalités selon lesquelles les
assertions portant sur le droit sont fondées et produites ». La science du droit se
présente alors comme « la construction d’un système de propositions, comme un
langage rigoureux et cohérent », autrement dit comme un métalangage. C’est selon
lui, à cette seule condition qu’il est permis de parler de science du droit, et par la
même d’épistémologie juridique.
Il est incontestable que le droit s’inspire de diverses disciplines, pour y puiser
notamment des notions et des concepts. Mais, une fois que le droit a pris possession
de ces éléments, il se les approprie, ces derniers perdent alors leur identité originelle,
ils sont assimilés par le droit. Exemple : la bonne foi, « bona fides » en droit romain.
La fides est à l’origine une valeur religieuse, morale. Le droit a pris possession de
41
cette notion mais ce faisant, elle ne va pas pour autant conserver son sens originel.
De manière plus générale, le droit emprunte au langage courant (ex : répétition,
rescision), au langage économique (ex : concurrence, clientèle), au langage
axiologique (ex : bon père de famille, bonne foi, équité). On ne peut alors
appréhender le sens de ces mots en les analysant étymologiquement ou
philologiquement. Au contraire, il faut les replacer dans leur contexte juridique. La
lecture ’’juridique’’ d’un énoncé juridique ne peut se faire qu’à l’aide des règles
propres au métalangage du droit. Car ce dernier possède des caractères structurels qui
sont à l’origine de l’écart entre la langue du droit et la langue commune.
La pénétration du droit par des termes issus de disciplines qui lui sont extérieures ne
signifie alors en aucune manière une intrusion de ces matières dans le droit, mais
constitue simplement la reprise par ce dernier d’une terminologie préexistante qui
devient le support de sens juridiques nouveaux. Le produit de ces opérations
appartiendra bel et bien au domaine juridique, où il acquerra sa propre réalité. Le
droit est une langue autonome à laquelle correspond un code linguistique propre : des
règles d’interprétation, de transformation, des concepts utilisé dans la recherche du
sens. Peu importe alors l’origine des concepts, des notions, des mots… Ils entrent
tout entier, déjà construits dans le droit pour se mettre à son service, perdant de facto
leur essence originelle.
L’épistémologie juridique suppose-t-elle des validations de type expérimental ou
empirique ? L’adjectif empirique signifie « qui se rapporte à l’expérience sensible »,
tandis que l’adjectif expérimental veut dire « qui est fondé sur l’expérience
scientifique ; qui peut servir d’expérience scientifique ». S’agissant des sciences
naturelles, ces dernières démontrent par expérimentation, d’où la nécessité de mettre
en place des protocoles d’expérimentation afin de tirer par induction des lois
générales. Or s’agissant sciences humaines la notion d’expérience ne saurait être
conçue strictement de la même manière que dans les sciences de la nature.
La science juridique repose sur les convictions des théoriciens. Si le juriste peut dans
un certain cadre observer les faits, le chercheur adopte une « démarche de militant,
d’historien, de pédagogue ». Par conséquent, le résultat des sciences juridiques
relèverait principalement des « thèses soutenues pas (les) chercheurs» et irait donc
au-delà d’une simple observation.
Pour les sciences juridiques, la loi n’est pas une « catégorie de vérité », mais juste un
42
énoncé présenté sous forme obligatoire, une norme. Le résultat des sciences
juridiques ne repose pas sur l’observation de ce qui est, car les normes appartiennent
au devoir être et d’autre part qu’il n’y a pas toujours une adéquation avec les faits.
La seule démarche scientifique envisageable en droit est une démarche de type
anthropologique qui se rapproche de la sociologie juridique et qui relève par
conséquent des sciences de l’homme, autrement dit, d’une science qui porterait sur
des régularités factuelles qui peuvent induire des règles pratiques de conduite. Ainsi,
la dogmatique juridique est rangée dans des démarches de type technologique, qui
procèdent d’une description et se situent en dehors du concept de causalité. Ces
démarches ne peuvent faire l’objet d’une vérification expérimentale et ne relèvent
donc pas de l’ordre de la vérité. Il s’agit d’un discours orienté vers un savoir-faire.
Afin de cerner la spécificité de l'épistémologie, il convient de la distinguer de la
philosophie du droit. Comme le soulignent certains auteurs, il semble que
l'expression de philosophie du droit ne se soit imposée qu'au cours du 19ème siècle
avec l'apport d’Hegel. Ce dernier, reprenant les interrogations des philosophes de
l'Antiquité, affirmait la spécificité de la philosophie juridique en tant que mode
spéculatif de connaissance visant à découvrir des vérités et des concepts exacts. La
philosophie est donc une activité de création de concept. Or le droit manipulant des
concepts, il serait alors lui-même philosophique.
Ces réflexions philosophiques engendrent une confusion entre l'être et la
connaissance, entre le droit et le savoir juridique, confusion qui nuit à l'affirmation
d'une épistémologie spécifique. En effet, la philosophie du droit tente de dégager une
connaissance de son objet d'étude à travers une réflexion sur l'essence de celui-ci. Il
serait donc nécessaire de séparer l'étude de l'être, de l'essence, relevant de la
philosophie théorique et spéculative et l'étude des modalités du savoir, de la
connaissance, relevant de l'épistémologie. Les interrogations philosophiques ne
devraient pas être utilisées dans le cadre d'une recherche au péril de nuire à sa
justification. On aurait donc des interrogations en philosophie du droit distinctes de
celles de l'épistémologie, car la philosophie porterait plutôt sur l'essence, les valeurs,
les origines et finalités du droit. L'épistémologie se focaliserait sur les modes de
connaissance du droit.
Si la philosophie du droit peut être distinguée de l'épistémologie, reste en suspens la
question de la pénétration de réflexions purement philosophiques dans le champ de
l'épistémologie. Si l'épistémologie est distincte de la philosophie de par son objet, il
43
Au-delà des divergences de point de vue, les auteurs s’accordent à penser que
l’herméneutique parachève le droit ; elle le complète de manière productrice. Sa
fonction est de produire sa réalisation concrète. En portant sur des cas concrets,
44
L’interprétation effectuée par un acteur social, comme ceux que nous étudions, c’est-
à-dire par exemple le membre d’une association abritée par un site, ne fait bien sûr
pas jurisprudence. En revanche, la contribution de celui-ci au développement du droit
est le fruit d’un jugement. Un acteur social n’effectue pas par là un acte de
connaissance et sa démarche se distingue donc de l’herméneutique que nous venons
de décrire. Il répond à une logique sociale et par là œuvre à la fixation de règles du
jeu. Quelle lecture de l’herméneutique de l’acteur social, c’est-à-dire de l’opération
de compréhension d’un signe générant une réaction en conformité avec
l’interprétation, peut-on alors envisager ? Nous voudrions, pour ce faire, partir de ce
que nous appellerons une approche grammairienne des justifications. Lorsque le
praticien du droit se trouve devant un ensemble de normes positives, concernant un
cas donné, qu'il doit interpréter, il prend généralement ces normes comme des réalités
données. C'est ce que lui a appris la dogmatique juridique. En d'autres termes, il ne
voit pas ces normes comme le résultat d'un cheminement qui a son point de départ
immédiat dans la création. Ce qui impliquerait le fait de tenir compte que le texte est
produit d'un contexte et que le non-contexte du texte peut donner lieu à une lecture
différente. En d'autres termes, le texte qui est appréhendé à partir de son contexte
n'est pas la même chose que le texte qui est perçu à partir de son non-contexte.
A vrai dire le praticien ne se pose pas ce genre de problème, notre personnage est
pressé. En effet, ces questions intéressent le théoricien, et non le praticien. C'est donc
à lui que l'herméneutique traditionnelle a pensé en premier lieu. Donc, selon la
méthode traditionnelle le juriste se trouve devant la possibilité :
1) soit de faire une interprétation littérale ou grammaticale,
2) soit de tenir compte de l'intention du législateur, et
3) soit de faire une interprétation logique.
45
Pour ce qui est de l'interprétation littérale ou grammaticale, il est nécessaire, nous dit
la doctrine, d'étudier la lettre du texte légal. Cette méthode consiste à tirer des mots
eux-mêmes, de la syntaxe des phrases et de la ponctuation, le sens exact du texte en
question. Cette forme d'interprétation part de la thèse selon laquelle le texte exprime
exactement la pensée du législateur. Donc, qu'il a employé la forme la plus adéquate
à son expression.
Ce n'est qu'une fois que le juriste a réalisé cette analyse textuelle qu'il peut se poser la
question de l'intention du législateur. Comme on le sait "l'intention du législateur" est
une fiction juridique, car le législateur n'est pas une personne unique. C'est
généralement une assemblée composée de nombreuses têtes, avec des intentions
souvent très différentes. Ceci, lorsqu'il ne s'agit pas d'un groupe de juristes et des
technocrates appartenant à un ministère donné. Cela dit, la non existence d'un
législateur unique n'exclut pas l'unicité et la cohérence de l'ordonnancement
juridique. Cette unité n'est pas un simple postulat logique comme le pensent certains
théoriciens, mais un fait sociologique de premier ordre.
De telle sorte que l'appel à l'intention du législateur est une fiction qui renvoie à la
logique juridique de l'ordre dont il est question. Cet ordre, comme nous le verrons
plus loin, d'une manière plus précisée, n'est pas seulement formel ; il est avant tout
institutionnel. La logique interne d'un ordonnancement positif donné est pour ainsi
dire intériorisée dans la conscience du praticien. Ses études juridiques, ainsi que le
rapport professionnel avec l'ordonnancement positif du monde où il est inscrit, lui
permettent précisément d'intuitionner la logique de l'ordre dont il est question.
C'est la raison pour laquelle la doctrine nous dit à propos de cette fiction que toute
règle de droit participe de l'unité logique du corpus auquel elle appartient. En d'autres
termes, c'est le postulat logique de l'unité de l'ordonnancement juridique. Si bien que
toute règle de droit est éclairée par et fait corps avec toutes les autres règles juridiques
en vigueur. L'interprétation logique quant à elle, est celle qui renvoie à l'économie
générale de la loi, c'est-à-dire à son plan. La place qu'occupe un article dans un
document législatif, peut permettre d'éclaircir la logique du texte en question. Pour
cette technique d'interprétation, les parties d'un document législatif, comme le titre et
le sous-titre sous lequel est rangé un article donné, peuvent être importants, voire
déterminants, pour l'appréciation de sa signification.
46
L'interprétation systématique est, par contre, plus l’œuvre des théoriciens eux-mêmes.
L'interprétation historique est le résultat d'une recherche aux sources mêmes de la
production du texte juridique dont il s'agit. Cette recherche met ainsi en rapport le
texte avec le contexte qui a conditionné sa naissance. Pour ce faire, on exhume les
projets qui ont précédé la naissance de la loi en question. On compare ainsi ces
projets au texte définitif, pour saisir dans quel sens le pouvoir législatif entendait
légiférer. Les procès-verbaux et les rapports des commissions d'experts sont aussi
importants pour éclaircir le sens du texte.
La connaissance des débats pléniers qui ont précédé l'adoption de la loi, sont aussi
très importants pour atteindre ce but. Au sens strict du terme, l'interprétation
historique des textes de loi, rentre encore dans l'horizon de la science juridique. Par
contre, l'interprétation systématique se situe, pour une grande partie, en dehors. En
d'autres termes, l'interprétation historique renvoie aux sources de la production
positive immédiate, tandis que l'interprétation systématique fait appel à des domaines
extérieurs aux sciences juridiques, comme la philologie et l'analyse du langage.
L'argument a pari ou a pari ratione, s'applique aux cas analogues. C'est ainsi
que si dans une législation donnée la loi stipule que les ouvriers doivent être protégés
contre les risques du travail, cette loi s'applique aussi a pari ratione aux employés de
bureaux.
Lorsque nous parlons de l'application du droit, nous devons tenir compte qu'à
l'intérieur de ce processus il y a deux organes qui interviennent.
Premièrement, les organes qui se chargent de déterminer quelles sont les
normes qui sont applicables à des cas particuliers et d'ordonner les exécutions ;
deuxièmement, l'organe chargé de l'application physique des peines.
Nous avons, par conséquent, en premier lieu les juges et les tribunaux et en deuxième
instance la police et les autorités pénitentiaires. Les juges doivent interpréter la loi
pour l'appliquer. De ce point de vue, le pouvoir judiciaire est le moyen terme entre les
organes de production et les organes d'exécution. Par conséquent, par delà la
dimension de l'interprétation, se pose le phénomène de l'application du droit. Pour la
dogmatique juridique ce processus ne présente pas, pour ainsi dire, de problème.
En tout état de cause, la pratique du commentaire des textes juridiques lui donne
accès au sens premier de la loi. La dogmatique juridique lui a permis, en plus, de
connaître la théorie de la subsomption. Selon cette théorie, en effet, l'application du
droit est le résultat d'un syllogisme. La prémisse majeure étant constituée par la
norme juridique applicable au cas soumis au jugement ; la prémisse mineure étant
constituée par les faits du cas dont il s'agit. De sorte que la conclusion s'obtient par la
subsomption de la prémisse mineure à la prémisse majeure : le fait concret à la
norme.
50
Dans ces conditions le juge n'était plus considéré comme l'incarnation du privilège de
la justice, mais comme l'instrument de la communauté sociale : de son être et de son
projet. De telle sorte que dans l'application des normes positives le juge devait tenir
51
IV. TEXTES
Dans ses Principes de la philosophie du droit, après avoir insisté sur le progrès
que constitue la codification par rapport à la coutume, Hegel conclut au
caractère rationnel de l’entreprise même si, comme il le reconnaît, l’œuvre n’est
jamais parfaite. Le philosophe allemand le plus important de son époque,
titulaire de la chaire de Philosophie du droit à Berlin, s’est, à ce titre,
enthousiasmé pour l’œuvre législative de Napoléon.
§ 211
Ce qui est le droit en soi est posé dans son existence objective, c’est-à-dire est
déterminé par la pensée pour la conscience et connu comme ce qui est le droit et
a validité, à savoir la loi ; et le droit est en somme droit positif grâce à cette
détermination.
sont les seuls qui ont pour loi l’habitude, contiennent comme élément le fait d’être
des pensées et d’être connus comme pensées.
Leur différence par rapport aux lois consiste seulement dans le fait qu’ils sont connus
d’une façon contingente et subjective, qu’ils sont donc plus indéterminés en eux-
mêmes, et que l’universalité de la pensée y est plus opaque, en dehors même du fait
que la connaissance du droit, aussi bien en général que de telle ou telle façon, est la
propriété d’une minorité.
Le fait que grâce à leur forme, qui consiste à être des habitudes, ils devraient avoir
l’avantage d’être passés dans la vie -au reste on parle aujourd’hui le plus de vie et de
passer dans la vie précisément là où on verse dans la matière et les pensées les plus
mortes - est une illusion, puisque les lois en vigueur d’une nation ne cessent pas
d’être des habitudes du fait qu’elles sont écrites et rassemblées.
Quand les droits coutumiers en viennent à être rassemblés et composés, ce qui doit
bientôt arriver chez un peuple soumis à une certaine éducation, cette collection est
ensuite le code des lois, qui, certes, se distinguera parce qu’il est une simple
collection, par son caractère informe, indéterminé et lacunaire. Il se séparera surtout
d’un code à proprement parler par le fait que ce dernier exprime et conçoit les
principes juridiques en les pensant dans leur universalité et donc dans leur
déterminité.
[…]
§ 216
Pour le code de lois public, d’un côté, il faut exiger des déterminations simples et
universelles ; de l’autre côté, la nature de la matière finie pousse à la
redétermination sans fin. D’un côté, le domaine des lois doit être un tout fermé
et bien défini ; d’un autre côté, il est le besoin continuel de nouvelles
déterminations légales. Mais puisque cette antinomie tombe dans la
spécialisation des principes universels qui restent fixes, pour cette raison, le droit
a un code bien défini, de même qu’au fait que ces principes simples et universels
pour soi soient concevables et exposables, séparés de leur spécialisation.
Mais il est essentiel d’envisager que la nature de la matière finie elle-même porte
avec elle le fait qu’en elle l’application des déterminations universelles en soi et
rationnelles en et pour soi conduit au progrès à l’infini. -Exiger d’un code de lois
l’achèvement, autrement dit qu’il doive être un code absolument bien défini,
incapable de redétermination ultérieure, -exigence qui est par excellence une maladie
allemande, - et pour la raison qu’il ne peut pas être ainsi achevé, ne pas le faire venir
à quelque chose qu’on prétend imparfait, c’est-à-dire ne pas le faire venir à la réalité
effective, ces deux attitudes reposent sur la méconnaissance de la nature des objets
finis tels que le droit privé, dans lesquels la prétendue perfection est la pérennisation
de l’approximation, et sur la méconnaissance de la différence entre l’universel-de-la-
raison et l’universel-de-l’intellect, et de son application à la matière de la finitude et
de la singularité, matière qui va à l’infini.
« Le plus grand ennemi du bien, c’est le meilleur », c’est l’expression du véritable
bon sens de l’intellect humain opposé à l’intellect inutile qui ratiocine et réfléchit.
[…]
Même dans les pays de codification, la jurisprudence prend une place de plus en plus
large avec le vieillissement des codes, et il existe un mode de solutions qui naissent
spontanément en dehors de l’action législative : usages corporatifs ou locaux, contrats
types, conventions collectives, sentences arbitrales, règlent effectivement la vie
juridique. La positivité d’esprit doit constater l’effectivité : elle déborde de toutes
parts le commandement de l’autorité étatique. Et comment comprendre le droit
international, où il n’existe aucune autorité constituée, sans faire appel au droit
spontané, c’est-à-dire à la coutume ? Son rôle est évident pour beaucoup de règles de
droit constitutionnel.
Il apparaît bien que l’effectivité d’une solution est, en dépit des apparences, une
notion équivoque, car elle peut être fragile. La valeur d’une solution ne signifie pas
immédiatement une référence à des fins ou à un idéal, elle revêt le sens étymologique
de valere, recueilli dans « valide », c’est-à-dire de vigueur. Or la solution solide est
celle dont on peut assurer que les tribunaux l’imposeraient en cas de conflit : alors
elle a une valeur pour l’avenir ; elle guide légitimement et sûrement l’action. À ce
prix, on peut parler de droit positif, si l’assurance s’impose.
Le grief de paradoxe adressé aux auteurs qui mettent en doute la valeur de la coutume
dans un système organisé s’appuie sur ce que les tribunaux ont maintes fois -peut-être
le plus souvent -consacré à la coutume existante : elle est dans cette mesure du droit
positif en puissance ou au moins probable. C’est une valeur. Mais elle reste relative
tant que la décision n’est pas acquise. Et finalement, tous les auteurs reconnaissent
que le problème crucial est de savoir si les tribunaux peuvent consacrer une coutume
contraire à une loi en vigueur. Or, sur ce point, la réponse pratiquement unanime est
négative, et la position des tribunaux non équivoque. Ou il ne serait plus besoin de
parler de loi, et de positivité du droit […]
[…]
[…] les solutions soient d’abord données sur des cas concrets, et que l’élaboration
des règles générales soit postérieure paraît bien le mode de formation ordinaire du
droit. Mais en conclure que le droit dit spontané est l’authentique, et la coutume le
phénomène juridique typique, revient à ne considérer que l’informe dans l’ignorance
du formé. On examinera ultérieurement les erreurs et l’artificiel dans l’organisation,
mais la constance de l’effort est, elle aussi, un phénomène dont le sens sociologique
mérite l’attention ; et nier qu’il constitue une valeur supérieure à celle du droit
coutumier contredit l’expérience de ceux qui ont pu comparer effectivement l’un et
l’autre.
Mais la positivité des règles ainsi formées ne pourra être affirmée qu’après
l’intervention, sous quelque forme qu’elle se produise, d’une autorité qui à ce jour
n’est détenue que par l’État : et chacun sait que son intervention ne s’est pas
constamment manifestée, tant s’en faut, pour entériner ce que les initiatives privées
avaient imaginé.