Vous êtes sur la page 1sur 81

1

INTRODUCTION

Saisir la formation et l’expression du Droit mais le sens, la portée et l’évolution des


règles juridiques dans la longue période et pour des espaces divers est utile au juriste
contemporain. Le Droit ne se limite pas à la seule règle. 1 Dans une nécessité
d’interdisciplinarité, éclairer le Droit par l’Histoire permet de mieux comprendre au sein des
sociétés, notamment en Europe et en Afrique, la place et le rôle des acteurs juridiques et
judiciaires, de la diversité des normes ainsi que leur évolution en lien avec leur contexte. 2
Dévoiler les enjeux sociaux « palpitant » sous la norme, saisir le Droit dans l’« épaisseur » de
ses développements et, par-là, ouvrir les savoirs et composer avec l’incertitude.

Cet univers d’interdisciplinarité déroutera sans doute les juristes positivistes de


stricte observance. Mais cette « posture de recherche mal assurée de ses résultats » s’avère des
plus fécondes pour approcher au plus près les sinuosités du réel.3

C’est entre autres le pouvoir politique et le Droit : du grec « polis », la forme


institutionnelle au sein de laquelle est apparue la démocratie que l’on applique actuellement. 4
Le fait que le temps ait produit plusieurs manières d’envisager la rencontre entre la politique
et le Droit. Max Weber voit la politique comme un rapport de force : certains ont le pouvoir,
d’autres y sont soumis, et la logique d’affrontement domine. A l’inverse, Hannah Arendt
explique que la politique est « l’espace qui se trouve entre les hommes » : c’est alors une
logique de rencontre, de recherche d’harmonie.5

Les approches du Droit sont multiples, ses domaines sont nombreux : on parle
aujourd’hui du Droit de ceci, ou de cela. Il n’y a pas un seul domaine ou secteur de l’activité
humaine qui n’ait, au niveau de l’évolution planétaire, « son » droit spécial.

1
COMMAILLE, J. et OST, F., A quoi (nous) sert le Droit ? Conférence tenue à l’Université Louvain-La-Neuve,
16 mars 2017.
2
CARTIER, E., « Histoire et Droit : rivalité ou complémentarité ? » Presses Universitaires de France, Revue
française de Droit constitutionnel, Paris, 2006/3 n° 67, pp. 509 à 534.
3
LE BRIS, C., « Le Droit comme langage de la société », Éditions juridiques associées, Droit et société, 2014/3
n° 88, pages 747 à 758.
4
GALERAN, B. et HENOCQ, K., Histoire des idées politiques, en poche 2ème Ed. Gualino, Paris, 2022, p.4.
5
Idem
2

Pourtant, le Droit comme tel, dans son « essence », n’est pas facile à cerner. Ce qui est
certain, c’est que l’Homme n’a pu aborder la vie en communauté sans se poser les questions
essentielles traitées en histoire des idées politiques 6 et juridiques. Qui doit gouverner ? D’où
doit venir la légitimité du gouvernant ? Quelle place donner à la justice et à la paix ?
Comment maintenir l’ordre et la sécurité des peuples ? A quoi le Droit sert, mais jusque-là il a
servi à quoi selon les époques ? Comment est-il né ? Comment a-t-il évolution dans le temps ?

A. PREREQUIS

En plus de l’intérêt à porter aux cours de l’Introduction Générale à l’Etude de Droit, au


Droit constitutionnel, au Droit économique et au Droit civil : Les personnes, l'étudiant est
encouragé à élargir ses connaissances générales en Histoire politique de la RDC, de l’Afrique
et de l’Europe.

B. OBJECTIFS DU COURS

Il est fait mention ici des objectifs généraux et spécifiques.

1. OBJECTIFS GENERAUX

Le Cours de l’Historique du Droit vise à mettre en perspective le Droit positif, de décrire


les racines historiques du Droit, de l’Antiquité jusqu’à la période contemporaine, les sources
créatrices du Droit que sont la coutume, la jurisprudence, les principes généraux du Droit, la
doctrine, et la loi. Sans suivre une période définie, l’enseignement, tout en décrivant les
processus d’élaboration de la règle de Droit ainsi que le mode de diffusion de cette dernière,
notamment par les Universités, illustrera le propos à partir de quelques institutions juridiques
tels que le mariage et la filiation, les contrats, la propriété, le pouvoir, les privilèges, la
magistrature, le sénat, etc.

2. OBJECTIFS SPECIFIQUES

Le Cours d'Histoire du Droit a inévitablement un caractère introductif. Il sert à initier


l'étudiant aux multiples facettes du Droit par la voie de son développement envisagé sur une
longue durée. L'objectif principal est que le futur juriste puisse prendre conscience du fait que
le Droit et ses institutions sont des phénomènes contingents, résultat non d'une élaboration

6
GALERAN, B. et HENOCQ, K., Op. Cit, p.4.
3

arbitraire, mais de l'action de multiples facteurs extra-juridiques (politiques, économiques,


sociaux, religieux, etc.).

La comparaison dans le temps et dans l'espace doit favoriser une approche critique : saisir la
spécificité de la méthode juridique et ses limites ; elle vise à mieux faire appréhender les
institutions et le Droit actuels, non seulement en RDC, mais aussi en Europe occidentale, en
retraçant la genèse de ces systèmes. L'Histoire du Droit a pour tâche de démontrer les grandes
métamorphoses du Droit, d’expliquer aux juristes que le Droit sert l’usage essentiel, en jouant
la fonction sociale appropriée sans qu’il soit détourné de sa finalité.

C. COMPETENCES

A l’issue de ce cours, l'apprenant consciencieux sera capable :

 D’analyser le concept Droit (en se focalisant sur ses sources) à partir du


développement qu’a dégagé son passé dans la société en général ;
 De démontrer l'importance de l’Histoire du Droit pour le juriste ;
 De rappeler certaines grandes périodes de l'Histoire du Droit ;
 De maîtriser le langage juridico-historique, afin d’intérioriser les matières et notions
apprises ;
 D’établir le rapport entre l'Histoire et le Droit ;
 D’expliquer l'importance de l'Histoire pour le Droit et le Droit pour l’Histoire ;
 De donner son point de vue juridique par rapport à chaque étape de développement du
Droit à travers l’Histoire du Droit ;
 De recadrer, à travers les matières traitées, les origines du Droit ;
 D’analyser le rapport nécessaire entre le Droit, le pouvoir et la politique ;
 De rédiger d’une façon sobre et d’expliquer les différentes parties d’une loi au sens
général.

D. CONTENU DU COURS

Le Cours est conçu en quatre chapitres. Le premier correspond davantage à l’approche


méthodologique et conceptuelle ; le deuxième à la naissance des concepts ; le troisième aux
origines pluralistes du Droit ; et le quatrième à la naissance des sources formelles du Droit :
coutume, jurisprudence, doctrine, principes généraux et loi.
4

E. MODE D’EVALUATION

Le Cours de l’Histoire du Droit encourage pour l’évaluation des connaissances acquises


par les étudiants que ces derniers soient soumis à certains exercices sous la forme des travaux
dirigés, des travaux pratiques sous l’encadrement des Chefs de travaux et/ou Assistants. En
plus, des interrogations et examens oraux ou écrits sont attendus comme épreuves à recenser
pour la cotation.

F. METHODOLOGIE ET TECHNIQUE DE COMMUNICATION

Le Cours est dispensé sous forme d'enseignement magistral, prolongé par des monitorats.
Il peut être, le cas échéant, complété selon les besoins de l'enseignement par d'autres
méthodes pédagogiques. Monitorat : Renforcement des apprentissages des cours magistraux
par la lecture de quelques grands textes de l'Histoire du Droit. Grâce à une confrontation aussi
directe que possible avec des sources primaires, l'étudiant pourra concrètement se rendre
compte des formes diverses que le Droit a adoptées au cours de son évolution et de ses
transformations.
5

CHAPITRE 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE ET


CONCEPTUELLE

L'Histoire du Droit est une discipline scientifique ayant pour objet l'étude du Droit et
de son évolution dans le temps. Les rapports entre l’Histoire et le Droit ont souvent été placés
sous le signe de l’ambiguïté, mélange de fascination et de méfiance malgré la séparation qui
préside à leur objet et à leurs méthodes respectifs.

L’Histoire et le Droit appartiennent en effet aux sciences dites « sociales », nées au XIX e
siècle et qui, comme telles, sont amenées à se rencontrer, de manière contingente ou
nécessaire. Leur confrontation méthodique et critique permet de tracer quelques pistes de
réflexion qui sont autant de jalons pour un débat riche et ouvert sur les usages sociaux du
passé.7

SECTION 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE

Il convient avant toute chose de distinguer ces deux sciences de leurs productions
respectives, à savoir, pour l’Histoire, la combinaison intelligible de faits ou d’événements
appuyant une démonstration au service de la connaissance et pour le Droit, un ensemble
systématisé de normes en vertu desquelles peuvent être imputés certains faits, au service de
l’ordre, de ce qu’on nomme communément la « paix sociale », par opposition à l’anarchie et
au désordre en général et de la justice. Chacune est à l’origine d’un discours propre à son
objet et à ses contraintes de production internes et externes.

A la différence de l’Histoire dont le discours est indirect car nécessairement médiatisé à


la fois par les sources documentaires, simples « traces » du passé et par l’historien, qui les
recueille et les analyse, le discours « du Droit », qu’il faut distinguer du discours « sur le Droit
», est direct et procède des normes telles qu’elles apparaissent empiriquement dans le Droit
positif. Du point de vue de leur objet comme de leur structure, ces deux sciences ne se
confondent pas.8

§1. Droit, méthode et approche historique en Droit

Le concept Droit n’a pas connu la même acception juridique dans l’évolution du temps.
7
CARTIER, E., Op.cit., p. 509.
8
Idem
6

A. Droit

Droit (ius) vient de justice. C’est l’art du bon et de l’équitable. Aujourd’hui, plutôt qu’un
art, le Droit est considéré comme une science : on parle des « sciences juridiques » (au
pluriel).9 Pourtant, le Droit n’est pas une science exacte : les mêmes causes n’y produisent pas
toujours les mêmes effets. Un art, donc, mais lequel ? Celui du législateur qui porte la loi ?
Celui du juge qui dit le Droit ? Celui des professionnels qui le pratiquent ? Celui de la
doctrine qui le commente ?10

Droit, désigne actuellement, en son sens de Droit objectif, un ensemble de règles visant à
organiser la conduite de l’homme en société et dont le respect est assuré par la puissance
publique. Le Droit objectif reconnait et sanctionne lui-même des droits subjectifs,
prérogatives attribuées dans leurs intérêts à des individus, qui leur permettent de jouir d’une
chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une protection.11

B. Méthode en Droit

En plus de la dogmatique juridique, 12 la méthode exégétique est l’art de comprendre et


interpréter : exprimer et expliquer. Elle est l’analyse des textes juridiques. L’école de
l’exégèse veut son principe à l’attachement au texte.13

L’argumentation du discours juridique repose par conséquent sur la détermination de ces


liens idéels ainsi que sur leur articulation au sein d’un système de normes hiérarchisé selon un
degré décroissant de généralité jusqu’à l’édiction de normes de sanction qui traduisent le plus
fort degré de concrétisation. Une proposition normative n’est donc ni vraie ni fausse mais
valide ou non valide. De même, tel ou tel fait est imputable ou non à telle ou telle norme dont
la validité, c’est-à-dire l’existence en tant que norme du système juridique en vigueur, aura été
préalablement démontrée.

9
CARBASSE, J.-M., Histoire du Droit, 5ème Ed. Que sais-je ? Paris, 2021, p. 3.
10
Idem
11
GUICHARD, S. et DEBARD, T., Lexique des termes juridiques, 22ème Ed. Dalloz, Paris, 2015, p.365.
12
Elle consiste uniquement à exposer les règles du Droit, sans tenir compte des influences de la vie réelle ; elle se
renferme dans l'abstraction. La jurisprudence moderne a emprunté cette méthode aux juristes romains.
13
GUICHARD, S. et DEBARD, T., Op. cit., p.445.
7

C. Approche historique en Droit

Il est indispensable de faire le lien entre passé et présent pour mieux comprendre les
racines, les enjeux et les solutions retenues par les juristes, au sens large, et les forces
créatrices du Droit au cours du temps.14

§2. Histoire classique, méthode et approche historique

Il existe une différence entre l’Histoire classique, la méthode et l’approche historique.

A. Histoire classique

L’Histoire, du grec istoria : « recherche » ou « enquête », volonté de savoir.


Lorsqu’Hérodote, au milieu du Vè Siècle AV. J.-C., donne à ses récits de voyage, pour la
première fois, le titre d’Histoire, il n’entend pas s’enfermer dans le passé, dans un propos de
pure curiosité pour des temps révolus : il veut expliquer à ses lecteurs grecs le monde tel qu’il
est au moment où il parle, tout en éclairant ce présent, chaque fois que c’est utile, par une «
recherche » du passé.15

Le Droit, comme tous les autres « arts », est essentiellement historique. Quelle que soit
l’institution ou la règle considérée, elle s’explique au moins en partie par le passé qu’elle le
prolonge, qu’elle l’influence ou qu’elle cherche à en briser le cours. Les mots du Droit, ses
concepts, ses mécanismes et ses règles ne sont pas nés d’hier, de la volonté arbitraire d’un
législateur. Le Droit congolais, les autres Droits sont les héritiers d’une évolution longue et
complexe.16

L’Histoire en tant que science permettant de reconstituer et de mettre dynamiquement en


relation les événements du passé, selon une démarche impliquant une mise à distance,
s’appuie sur les relations de causalité qu’entretiennent les faits entre eux, sans préjudice des
choix opérés par l’historien quant aux faits retenus et aux sources documentaires attestant de
leur existence.17

14
GARNIER, F., Introduction historique au Droit, Université Numérique Juridique Francophone, Cours lu en
ligne le 29 octobre 2020.
15
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 4.
16
Idem
17
Ibidem., p.511.
8

B. Méthode historique

La méthode en histoire peut donc s’entendre de plusieurs manières : il peut s’agir de


la déontologie du chercheur, du cheminement spécifique à chaque recherche et des techniques
de recherche, ou encore d’une démarche très générale et dialectique faite d’allers et retours de
l’archive à l’interprétation.18

C. Approche historique

L’argumentation historique repose ainsi à la fois sur la preuve de l’existence de tel ou


tel fait appuyée sur une documentation plus ou moins fournie et cohérente, dont l’origine et
les supports peuvent être très divers, et sur la corrélation logique entre ces faits et les
conclusions qu’en tire l’historien.19La contestation du discours historique peut par conséquent
porter soit sur l’existence matérielle de ces faits, en démontrant la fausseté du document qui
en atteste ou en apportant par une autre documentation la preuve d’éléments contraires, soit
sur les conclusions logiques et explications tirées de la corrélation entre ces éléments.

Les propositions du discours historique peuvent donc être vraies ou fausses et leurs
conclusions logiques ou non, selon un degré de plausibilité proportionnel au degré de
précision, d’authenticité et d’exhaustivité de la documentation utilisée. 20

§3. Histoire et Droit : Acteurs et interdisciplinarité

A priori, le Droit et l’Histoire sont caractérisés par une séparation épistémologique


majeure qui implique de distinguer les deux discours et l’argumentation qu’ils
véhiculent.21Elles sont néanmoins amenées à se rencontrer, soit lorsque l’une investit l’autre
comme objet d’étude, ainsi qu’il en est de l’Histoire pour le Droit, factuellement
appréhendable, soit en encadrant la discipline en tant qu’exercice d’une liberté fondamentale,
juridiquement appréhendable, ainsi qu’il en est du Droit pour la recherche historique (A). Or,
dans les deux cas, le Droit comme l’Histoire ne sortent pas de leurs fonctions et domaine
respectifs. Il n’en va pas de même lorsque le Droit substitue à la démarche scientifique de
l’historien ses propres conclusions, ou lorsqu’il s’appuie sur l’Histoire, ou sur une certaine
vision de l’Histoire qu’on qualifiera ici d’« officielle » – par opposition à l’histoire «

18
CARTIER, E., Op.cit., p.511.
19
Idem
20
Ibidem
21
Ibidem, p.512.
9

authentique » fruit de la recherche historique – pour fonder la légitimité des autorités investies
de la compétence normative, et par conséquent de l’ordre juridique dont il tire sa propre
validité, souvent au prix d’une requalification du passé pouvant aller jusqu’à sa négation.

Le Droit apparaît dès lors comme un instrument téléologique de perturbation du champ


historique dont les risques dans une société de type démocratique doivent être soulignés (B).

A. Rencontre nécessaire

L’Histoire classique comme l’Histoire du Droit entretiennent chacune à leur façon des
rapports complémentaires avec le Droit. La première offre une lampe contextuelle du Droit,
la seconde a pour ambition d’en révéler la substance, au-delà des formes et des époques, en
retraçant la généalogie de ses composantes conceptuelles et normatives (1).

Le Droit entretient quant à lui de simples rapports de régulation avec l’Histoire, encadrant la
recherche historique en tant qu’exercice d’une liberté fondamentale (2).

1. Histoire comme lampe contextuelle ou substantielle du Droit

a. Lampe complémentaire

Michel de Certeau notait que « la relation que l’Histoire entretient avec les diverses
sciences lui permet d’exercer par rapport à chacune d’elles une fonction critique nécessaire,
et lui suggère aussi le propos d’articuler ensemble les limites ainsi mises en évidence ». 22

Le Droit peut en effet être directement ou indirectement l’objet de l’Histoire. Ainsi, l’Histoire
classique appréhende-t-elle indirectement le Droit en tant que phénomène social, qu’activité
humaine dont l’objet est de régir les rapports des individus dans la société et dont le but est la
paix sociale. L’historien identifie alors les liens de causalités entre ces phénomènes dans leur
dimension factuelle, indépendamment de leur dimension normative.

Tout en visant l’objectif général de développement de la connaissance des sociétés


anciennes, l’Histoire alimente indirectement la science du Droit en rendant factuellement
intelligible le contexte de production et d’application de son objet. Il en est différemment de
l’Histoire du Droit.

Celle-ci vise en effet à développer des connaissances sur le développement des


normes actuellement en vigueur afin de faciliter leur compréhension et leur portée.

22
Cité par CARTIER, E., Op.cit., p.512.
10

En effet, l’historien du Droit, qui est traditionnellement un juriste c’est-à-dire un acteur du


système étudié et non un spectateur comme l’historien, s’attache à décrire tel ou tel système,
norme ou concept juridiques caractérisant une époque et une société ancienne donnée en
partant de l’identification de leurs descendances dans le Droit contemporain. Il en est ainsi
pour le Droit privé de l’étude de l’adoption, de la tutelle ou du contrat et pour le Droit public
de l’analyse d’institutions comme la dictature, le Principat ou la Monarchie. 23

L’Histoire du Droit a pour ambition non seulement de rendre intelligibles les systèmes
juridiques passés mais également le système juridique présent, en révélant les rapports parfois
très étroits qu’entretiennent la structure et les composantes de ce dernier avec les systèmes
passés, notamment romain et canon. Elle en postule la compréhension et en constitue par
conséquent une interprétation dont la spécificité est de se placer d’un point de vue extérieur à
son objet.24

L’Histoire du Droit se présente ainsi à la fois comme une branche de la discipline


historique et comme une méthode globale de compréhension du Droit contemporain qui, au
demeurant, possède la vertu de « former l’esprit au raisonnement juridique, à l’exégèse des
textes, à une rigoureuse et sobre rédaction des arrêts et des lois ». L’Histoire classique et
l’Histoire du Droit contribuent par conséquent chacune à la prise de recul nécessaire à une
analyse critique dynamique des systèmes juridiques contemporains.

Dans le cadre de l’édiction des normes de concrétisation par le juge et plus


généralement par les organes chargés de l’application des normes générales, la méthode
historique permet aussi la détermination de l’enchaînement causal des faits imputables à la
norme, dès lors que ceux-ci ont une certaine ancienneté propice à la mise à distance et
nécessitant une analyse explicative de leur contexte d’apparition. Il en est ainsi des faits
relatifs à la réouverture de dossiers de justice en réhabilitation ou en révision mais surtout des
procès dits « historiques » relatifs aux faits commis par exemple par les agents de l’État
français sous le régime de Vichy tels Maurice Papon et Paul Touvier.25

La méthode historique permet au juge de se faire une opinion éclairée sur les faits
susceptibles d’être imputés sous la qualification de « crime contre l’humanité » ou de «

23
CARTIER, E., Op.cit., p.512.
24
Idem
25
Ibidem
11

complicité de crime contre l’humanité ». 26 L’Histoire est au demeurant nécessaire à l’étude


des phénomènes de changements révolutionnaires de constitutions ou de ceux de succession
d’État, instigateurs de périodes de fondation, là où le Droit est incapable de saisir une
quelconque normativité juridique.27

Il en est de même pour la compréhension de la pratique institutionnelle, essentielle à


l’analyse de certains systèmes constitutionnels où la matière juridique – les lois
constitutionnelles– se révèle insuffisante pour l’appréhension du Droit constitutionnel.

La notion de « coutume constitutionnelle » à laquelle une grande partie de la doctrine a eu


recours pour saisir le fait historique apparaît dès lors comme une explication dont les bases
juridiques demeurent bien fragiles.28

b. Méthodologie en partie commune

Cette complémentarité de l’Histoire à l’égard du Droit s’illustre enfin et surtout par la


technique de recherche du juriste qui, comme l’historien, interroge des documents
principalement écrits, parfois formellement identiques, tout en adoptant une démarche
distincte quant à la sélection des documents étudiés, aux outils mentaux permettant leur
analyse et aux conclusions qu’il en tire.29 Du point de vue historique, la loi constitue en effet
l’un des meilleurs témoignages que les peuples peuvent laisser d’eux-mêmes à une époque
donnée, ainsi, Montesquieu déclare-t-il dans L’Esprit des lois : « Il faut éclairer l’Histoire par
les lois et les lois par l’Histoire ».30

Il en est de même des procès dont la consignation fait depuis longtemps l’objet d’études en
tant que reflets authentiques d’une société donnée. Pourtant, à la différence du document
historique qui n’est qu’une « trace » permettant d’accéder à la connaissance du passé et de
révéler ou de confirmer l’existence de tel ou tel événement afin d’en déduire, après
confrontation avec les autres, une signification historique, le document écrit, support de la
norme, en particulier dans les systèmes de type romano-germaniques, constitue non pas un
témoignage médiatisé, par définition contingent et incomplet, de son objet d’étude, mais son
objet d’étude même, dans toute sa singularité et sa globalité.
26
CARTIER, E., Op.cit., p.512.
27
Idem
28
DUGUIT, L., Histoire du Droit constitutionnel, Cours de la Faculté de Droit de Bordeaux (1897-1898).
29
CARTIER, E., Op.cit., p.513. 11 ».
30
MONTESQUIEU cité par CARTIER, E., Op.cit., p.513.
12

Le document écrit n’est qu’un moyen pour l’historien, la trace de faits soustraits à
l’observation empirique par le temps ou l’espace, alors qu’il constitue une fin pour le juriste
en tant que support de la norme, qu’il s’agisse de la jurisprudence ou de la loi.

A la différence du Droit, l’Histoire ne peut en effet prétendre qu’à une connaissance indirecte
de son objet. Cette complémentarité fonctionne aussi dans le sens inverse à propos du Droit
qui, selon son propre mode de fonctionnement, régule l’activité de recherche historique et son
discours dont l’expression publique, bien que manifestation de la liberté d’expression, est
susceptible de porter atteinte aux autres droits et libertés.31

2. Droit comme complément nécessaire de la libre recherche historique

La liberté d’expression à laquelle participe la libre recherche scientifique est consacrée


au niveau constitutionnel comme international. L’article 11 de la Déclaration des droits de
1789 (DDHC) la qualifie ainsi de « l’un des droits les plus précieux de l’homme ».

L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH) la


consacre tandis que l’article 9 garantit les libertés de pensée, de conscience et de religion.

De même, les articles 11 et 13 de la Charte européenne des droits fondamentaux garantissent


les libertés d’expression, d’information ainsi que la liberté des arts et des sciences. Néanmoins
ces libertés ne sont pas conçues comme absolues, soulignant la nécessité d’en restreindre
l’exercice en amont, par un encadrement mesuré et en aval, par l’affirmation de devoirs et de
responsabilités.

Le Droit, et en particulier la loi, conformément à l’article 4 de la DDHC, encadre ainsi


en France l’activité du chercheur dans un souci de conciliation avec les autres droits et
libertés, à la fois dans l’accès aux sources et dans leurs méthodes d’exploitation, sans
toutefois prendre partie, directement du moins, quant aux conclusions scientifiques de
l’historien.

Si la détermination du cadre dans lequel s’exerce la recherche historique revient au


législateur, la sanction de ses abus appartient au juge qui, le cas échéant doit prendre garde à
ne pas se substituer à l’historien tout en participant, souvent malgré lui, à la détermination
d’une vérité dite « judiciaire », concurrente, bien que distincte, de la « vérité historique ». 32

31
CARTIER, E., Op.cit., p.513.
32
CARTIER, E., Op.cit., p.514.
13

Le procès, notamment pénal, a en effet comme objectif non pas la recherche de la vérité mais
de la paix sociale, ce qui passe par l’identification et la qualification juridique des faits relatifs
au litige.33 Pourtant, les progrès techniques, spécialement en matière criminelle, et
l’intervention de plus en plus fréquente d’experts dans le prétoire tendent à rapprocher cette
vérité « judiciaire » de la vérité scientifique, au risque de confondre autorité de la chose jugée
avec vérité absolue.34

a. Encadrement nécessaire de l’accès aux sources

L’État organise et sanctionne au travers de la collecte et de la réglementation des


archives le droit de savoir de l’historien. Il détermine ainsi la première phase de l’opération
historiographique.

L’établissement des sources par leur collecte et leur organisation en « unités de savoir »
requiert un geste fondateur, signifié par la combinaison d’un lieu, d’un « appareil » et de
techniques » que reproduira lui-même l’historien en sélectionnant et en redistribuant ces
sources de façon hiérarchisée.35 L’accès aux sources officielles est considéré depuis la
Révolution française comme une garantie du fonctionnement de la démocratie représentative.

Le rapport rendu en 1996 au Premier ministre par Guy Braibant sur la situation des archives
en France soulignait qu’«il n’est pas d’Histoire, pas d’Administration, pas de République sans
archives ».36

b. Encadrement nécessaire mais délicat de l’exploitation des sources

Le Droit intervient de manière tout aussi légitime mais plus délicate pour encadrer
l’exploitation des sources tant en ce qui concerne la détermination de celles pouvant être
utilisées et rendues publiques qu’en ce qui concerne la démarche scientifique de l’historien
qui préside à leur utilisation et aux conclusions qu’il en tire.

Les principales limites posées par le Droit aux sources pouvant faire l’objet d’une
exploitation scientifique publique reposent sur la nécessité de garantir la protection des droits
individuels. Les lois sur la protection de la propriété littéraire et artistique des 11 mars 1957 et
3 juillet 1985 en France, intégrées dans le Code de la propriété intellectuelle, auxquelles
33
Idem
34
Ibidem
35
Ibidem
36
Ibidem, p.515.
14

doivent être ajoutés différents textes communautaires, constituent une limite à l’utilisation
abusive des sources documentaires pouvant être qualifiées d’« œuvre de l’esprit ».

La violation des droits incorporels rattachés à ces œuvres est sanctionnée pénalement
par le délit de contrefaçon. De même, la loi pénale du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
sanctionne dans un souci de protection des individus les « atteintes à l’honneur ou à la
considération de la personne » ainsi que « toute expression outrageante » sous l’incrimination
« d’injure » ou de « diffamation ».37

La même logique préside à la protection de la vie privée des individus garantie par les
articles 9 du Code civil et 2 de la DDHC. A la différence des droits de la propriété
intellectuelle dont la protection persiste au profit des ayant-droit pendant l’année 14 civile en
cours et les soixante-dix ans qui suivent la mort de l’auteur, les droits de la personnalité
s’éteignent avec leurs titulaires.

Aussi, en la matière, la liberté de recherche de l’historien estelle proportionnelle à


l’ancienneté de son domaine de recherche, l’atteinte à la mémoire des héritiers se révélant
difficilement constituée.

Certaines prescriptions interdisent purement et simplement de dévoiler certaines sources. Il en


est ainsi du Code de procédure pénale qui prescrit le secret de la délibération du jury de
manière à assurer à la fois son impartialité et la liberté d’expression de chacun de ses
membres en dehors de toute pression : un juré de la Haute Cour au procès du maréchal Pétain
ne pouvait donc pas faire bénéficier l’historien de son témoignage malgré les mobiles
objectivement compréhensibles de celui-ci.38

B. Droit comme instrument téléologique de perturbation du champ historique

Le Droit se présente ici dans sa fonction régulatrice au sens aristotélicien du terme,


c’est-à-dire une régulation ordonnée à une fin. Les dérives du discours juridique empruntent
principalement deux voies. La première, que l’on qualifiera d’historiciste consiste à se fonder
expressément sur l’histoire comme source formelle dans une démarche de légitimation du

37
CARTIER, E., Op.cit., p.514.
38
Idem, p.515.
15

pouvoir politique propre aux périodes de fondation, notamment après un processus


révolutionnaire impliquant une rupture avec le passé.

On assiste alors à la mise en scène mythique, voire magique d’un commencement


absolu, tel les Révolutions américaine et française ou la fondation de l’État d’Israël.

La seconde, que l’on qualifiera d’historiciste, consiste pour le discours juridique à se parer
des habits de l’histoire pour requalifier le fait historique afin d’en tirer des conséquences
déterminées pour l’avenir, parfois à l’encontre de l’histoire authentique à laquelle une histoire
officielle se substitue selon un mode impératif.

SECTION 2 : DEVELOPPEMENT DU DROIT SELON LES PERIODES DE


L’HISTOIRE

Les périodes classiques de l’Histoire démontrent une existence progressive des


sciences juridiques.

§1. Périodes classiques de l'Histoire et Droit de la Préhistoire

Il est présenté ici la ligne du temps (A) et la préhistoire (B).

A. Périodes classiques de l'Histoire

Invention Chute de l’Empire Chute de l’Empire Révolution


de l’écriture Romain d’Occident Romain d’Orient Française

-3500 476 1453 1789

Antiquité Moyen Age T. M E. C

B. Droit de la Préhistoire

Par définition, faute de sources écrites, le Droit de la Préhistoire est inaccessible aux
historiens du Droit. Il relève de l'anthropologie juridique.
16

§.2 : Droit renseigné dans les périodes classiques

Avec l’apparition de l’écriture (A), l’Histoire du Droit entre dans les analyses
objectives du Moyen-Age (B) et peut traverser la ligne du temps jusqu’au droit des Lumières
(C).

A. Droit de l'Antiquité

La civilisation des Indous est la source de la civilisation antique. L'Orient qui lui
succède dans l'échelle des développements historiques, est la représentation extérieure et
matérielle de l'idée élémentaire de cause, de substance d'absolu, d'infini, expressions
différentes d'une même notion, qui repose primitive et nécessaire dans l'esprit de l'homme.

Faible à sa naissance, accablé sous le poids de la notion dominante de substance, l'esprit


humain tremble devant la nature, devant ses proportions presque infinies, image extérieure et
traduction visible de la cause substantielle.

Au début, le Droit est dit/dicté par les dieux, ou par Dieu. 39 Aussi la première
religion est une religion de terreur, la religion de l'Orient est la religion de la nature, aussi la
première forme du gouvernement est la théocratie. 40 Le fas, c’est ce que les dieux ont dit, ou
ce qu’ils permettent ; nefas est ce qu’ils interdisent (d’où « faste » et « néfaste »). 41

L'homme n'aura pas conscience de lui-même, de sa liberté ; il n'aura que le sentiment


de sa faiblesse personnelle en présence des phénomènes de la nature et le génie théocratique,
ami de l'immobilité, inventera les castes ou se perpétueront sans mélange les races
dominantes des dieux et des héros. L'esprit de l’époque orientale sera le besoin de
l’immensité dans les choses, l'ignorance ou le dédain de la personnalité humaine ;
l’immobilité dans les institutions.42

En son temps, l'Orient comprend quatre peuples historiques : les Chaldéens, les
Perses, les Égyptiens, les Hébreux, ils représentent le même principe, le premier élément de
l'humanité, mais sous des faces diverses.

39
CARBASSE, J.-M., Op.cit., p. 5.
40
LAFERRIERE, F., Histoire du Droit français, Tome premier, JOUBERT, Paris, 1838.
41
CARBASSE, J.-M., Op.cit., p. 9.
42
LAFERRIERE, F., Op. cit., p.1838.
17

L'humanité, en descendant vers les régions occidentales, est entrée dans la carrière du
mouvement, du progrès, de la liberté. L'homme se pose là comme une force libre, qui a
conscience d'elle-même.

Lorsque les prêtres d'Egypte disaient à Solon : Athéniens, vous n'êtes que des
enfants" Ils avaient raison en un sens : les Athéniens étaient récemment nés à la vie mobile,
active et libre ; ils représentaient l'enfance de l'humanité appelée à une époque nouvelle ; ils
s'échappaient d’un monde soumis à la fatalité sacerdotale. Mais la Grèce représente la
personnalité humaine, dans la sphère des sentiments et des idées, par ses beaux-arts, et sa
philosophie.

Dans sa conception, Rome représente l’humanité, dans la sphère monde extérieur, par
sa puissance matérielle et universelle sur les peuples connus. Athènes devait dominer le
monde intellectuel par les beaux-arts' et les doctrines qui réfléchissent surtout la forme
sensible, le côté physique de la nature humaine ; Rome devait dominer le monde extérieur par
les armes, par la puissance visible de l'homme.

De la sorte, elles concouraient à accomplir, dans une vaste unité, la représentation du


principe qu'elles étaient destinées manifester sur le théâtre et dans l'histoire de l'humanité.
Elles ont fait et elles devaient faire entre elles l'échange de leur domination ; les Grecs ont
subi le joug des Romains, et ceux-ci ont reçu les arts, les idées, les doctrines de la Grèce.

Cette manifestation étant comme épuisée, un autre principe s'est levé sur l'univers ;
le Christianisme est apparu le spiritualisme est venu lutter contre l'empire du principe
matériel ; le Verbe s’est fait chair. Quelle est la place qu'occupe le Droit dans ces deux
mondes ? Que devons-nous y rechercher dans l'intérêt de l'époque où nous vivons ?

Le Droit proprement dit, c’est l’association laborieuse de la liberté humaine et de la


vie civile avec la justice et la raison. Le Droit ne peut donc se développer où l'homme n'est
rien, où sa nature, domptée par une puissance supérieure, s’enchaine à l’immobilité des
castes, s'anéantit devant les hauteurs infinies et mystérieuses de la théocratie. Aussi le Droit
n'a pas d'histoire dans l'Inde et dans l'Orient. C'est dans la Grèce, c'est dans Rome, que
commence l'enchaînement de ses époques.

L'homme devient là une puissance libre et personnelle, une individualité qui


s'appartient, qui dès-lors a des droits et dans l'enivrement de sa récente émancipation,
l'homme va même jusqu'à diviniser l'image de sa personnalité. Le Droit, en Grèce, a son
18

progrès, il a donc son histoire possible. Mais considéré dans ses rapports avec celui qui fait le
fond des sociétés actuelles, il est à peu près stérile pour nous au contraire, le Droit français est
fils du Droit romain.43

B. Droit du Moyen Age

La redécouverte du Droit romain, à partir du XIIe siècle, fonde la formation rapide


du jus commune, un fonds juridique commun à l'ensemble de l'Europe occidentale.

La langue employée pour le Droit est un élément très important. Le latin est resté
pendant très longtemps la langue du Droit.44

L'apparition de formes nationales de Droit en Europe est liée à l'unification politique et


culturelle des pays. Les efforts de codification des lois s'accompagnent souvent de
commentaires explicatifs ou pédagogiques. C'est ce que l'on appelle aujourd'hui la doctrine.
Dans certaines circonstances, le commentaire des textes prend une importance considérable,
au point de se substituer aux codes eux-mêmes pour la pratique du Droit. Ainsi, l'ordonnance
de 1673 sur le commerce de terre (France, Louis XIV), qui fonde le code du commerce, est-
elle accompagnée d'un ouvrage qui l'explique, l'interprète, voire la complète (Jacques Savary,
Le parfait négociant).

Vers la même époque, le développement des échanges maritimes et l'expansion


économique des États du nord de l'Europe poussèrent à l'élaboration des premières formes de
Droit international, avec Hugo Grotius.45

C. Droit moderne et Droit des lumières

1. Droit moderne

Ce n'est que tardivement que s'opère une distinction claire entre doctrine et
jurisprudence, de sorte que les ouvrages de commentaires sont souvent aussi des recueils de
décisions jugées spécialement intéressantes. Ces documents constituent une première manière
d'approcher la pratique effective du Droit.

43
LAFERRIERE, F., Op. cit., p. IX.
44
Idem
45
VON JHERING R., traduite de l'allemand par O. DE MEULENAERE, Histoire du développement du Droit
romain, œuvre posthume, LIBRAIRIE A. MARESCQ, Paris, 1900.
19

L'apparition du Droit positif au XXe siècle sous l'influence du positivisme de Comte,


avec la théorie du normativisme de Hans Kelsen introduisant la notion de hiérarchie des
normes, est aussi une étape dans l'évolution du Droit qui jette une déconsidération
supplémentaire sur la jurisprudence.46Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la
multiplication des lois, l'intrication en Europe entre le Droit communautaire et les Droits
nationaux engendrent des problèmes de sécurité juridique (notion de sûreté en Droit naturel),
qui ont fait l'objet de deux rapports du Conseil d'État.

2. Droit des Lumières

Le siècle des Lumières vit une réflexion importante s'opérer sur le Droit naturel et
la notion de citoyenneté. Les premiers tâtonnements en Europe sur les questions de
constitution apparurent avec Sieyès. Ce dernier avait en effet pour ambition, avec la
constitution de l'an III (1795) de mettre en place une curie constitutionnelle, ce qui fut le
premier projet d'un contrôle étendu de la constitutionnalité des actes des organes de l'État.

Toujours en France, l'unification du Droit français, déjà amorcée par Louis XIV avec
l'Edit de Saint-Germain-en-Laye (1679) se poursuivit avec le Droit civil et le Droit pénal
(Code pénal de 1791 et Code des délits et des peines de 1795, inspirés des principes de
Cesare Beccaria). Le code Napoléon47, en réalité entièrement préparé par Cambacérès, est
l'illustration de l'effort de codification déjà entamé par Louis XIV.

La spécificité du Code civil français a été sa procédure de validation. Les pères de


l'indépendance américaine fondèrent les États-Unis sur des questions de taxation, et
développèrent un Droit très sophistiqué sur les brevets et la propriété intellectuelle (Thomas
Jefferson)48, qui reste une composante très forte de la culture économique aux États-Unis.
C'est aux États-Unis que l'on trouve les réflexions les plus poussées sur le droit de la
propriété intellectuelle et le droit des affaires, notamment en matière de secret des affaires.
Une grande part des négociations actuelles à l'OMC repose sur ces enjeux.49

46
LAFERRIERE, F., Op. Cit., p. 88.
47
XAVIER MARTIN, Le code napoléon : questions sur la genèse d’un mythe, Clio Thémis, Revue de l’Histoire
du Droit - n°9, 2015.
48
ROULAND, N., Introduction historique au Droit, Presses Universitaires de France, 1998, pp.35-36.
49
ROULAND, N., Op. Cit., pp.35-36.
20

CHAPITRE 2 : GENESE DES CONCEPTS

Cette genèse ne privilégie ni l’approche thématique ni celle dite chronologique. Elle


se limite à revenir sur l’essentiel de la synthèse évolutive du Droit.

SECTION 1. NAISSANCE DE LA NOTION DU DROIT

Le plus ancien texte de Droit que l'on connaisse est le code d'Ur-Nammu (§1) rédigé
vers 2 100 av. J.-C mais il ne nous est parvenu que de manière parcellaire. Le Code de
21

Hammurabi (2000 avant JC) qui est considéré (à tort) comme le plus ancien texte de loi qui
nous soit parvenu, est en réalité le premier texte juridique quasiment complet qui nous soit
parvenu (§2).

§1. Code d’Ur-Nammu

Le Code d'Ur-Namma est la plus ancienne tablette contenant un code juridique qui
nous soit parvenue. Elle fut rédigée en sumérien vers 2100-2050 av. J.-C., à l'époque de la
troisième dynastie d' Ur. Bien que le préambule attribue directement les lois au souverain Ur-
Namma de la cité d'Ur (2112-2095 av. J.-C.), certains historiens estiment qu’il pourrait s'agir
de l'œuvre de son fils Shulgi.

Le premier exemplaire du code fut découvert en deux fragments à Nippur, puis fut
traduit par Samuel Kramer en 1952. L'état partiellement détruit de l'exemplaire ne permit de
lire que le prologue ainsi que seulement cinq lois.

Des tablettes furent ensuite trouvées à Ur puis traduites en 1965 permettant la


reconstitution de près de 40 des 57 lois que comprend le texte 2. Un autre exemplaire
découvert à Sippar contient de légères variantes. Les lois sont exprimées sous la forme
casuistique : si (un crime est commis), alors (un châtiment est appliqué). Il s'agit là d'un
modèle qui sera par la suite imité dans les codes suivants.

Pour l'un des plus anciens codes juridiques connus, l'avancée est remarquable. Il
institue, par exemple, une forme de compensation financière en cas d'atteinte physique, que
l'on peut opposer à la loi du Talion (« œil pour œil, dent pour dent ») principe de base du droit
babylonien. Les actes de meurtre, vol, adultère et viol restent cependant punis de la peine
capitale.

Le code révèle ainsi un aperçu de l'ordre social en place au cours de la « Renaissance


sumérienne ». En dehors du lu-gal ("le grand homme" ou le roi), les membres de la société
étaient divisés en deux grandes catégories sociales : les "lu" ou hommes libres, et les esclaves
(arad au masculin, geme au féminin).

Le fils d'un lu était appelé dumu-nita jusqu'à son mariage où il devenait un "jeune homme"
(gurus). Une femme (munus) passait du statut de fille (dumumi) à celui d'épouse (dam). Si
elle venait à perdre son mari, une veuve (nu-ma-su) pouvait se remarier.
22

A. Contenu

Le préambule, typique des codes juridiques mésopotamiens, invoque les divinités pour
le royaume de Ur-Namma et décrète « l'équité dans le pays ». Si un homme commet un
meurtre, cet homme doit être tué. Si un homme commet un vol, il sera tué. Si un homme
commet un enlèvement, il est emprisonné et doit payer 15 shekels d'argent. 1 talent = 60
mines. 1 mine = 60 shekel (1 shekel = 11 grammes d'argent) (tiré du texte en anglais).

Si un esclave épouse une esclave et que ce dernier est libéré, il ne quitte pas la maisonnée. Si
un esclave épouse une personne de souche (c'est-à-dire libre), il devra laisser son premier fils
né à son maître. Si un homme viole le droit d'un autre et dépucelle la femme vierge d'un jeune
homme, on peut tuer cet homme.

Si la femme d'un homme fréquente un autre homme et celui-ci couche avec elle, on peut tuer
cette femme mais cet homme peut être libéré.

Si un homme utilise la force et dépucelle l'esclave vierge d'un autre homme, celui-ci devra
payer cinq shekels d'argent. Si un homme divorce de sa première épouse, il doit lui payer une
mina d'argent. S'il s'agit d'une (ancienne) veuve, il doit lui payer la moitié d'une mina
d'argent. Si un homme est accusé de sorcellerie, il doit se plier à l'épreuve de l'eau froide ; si
son innocence est prouvée, son accusateur doit payer 3 shekels.

B. Loi du talion

La loi du talion, une des lois les plus anciennes, consiste en la réciprocité du crime et
de la peine. Cette loi est souvent symbolisée par l’expression « Œil pour œil, dent pour dent
». Elle caractérise un état intermédiaire de la justice pénale entre le système de la vendetta et
le recours à un juge comme tiers impartial et désintéressé. Le mot talion a pour origine talis,
ce qui en latin signifie « tel », « pareil », mais aussi « semblable ».

§2. Le Code d’Hammurabi

Le Code d’Hammurabi est un système répondant aux préoccupations de la vie courante


(mariage, vol, contrat, statut des esclaves...) avec une prédominance à la loi du talion en
matière pénale. Il est d'inspiration divine mais pas religieux. Le Code d’Hammurabi est un
texte juridique babylonien daté d'environ 1750 av. J.-C., à ce jour le plus complet des codes
de lois connus de la Mésopotamie antique.
23

Il s'agit en fait d'une longue inscription royale, comportant un prologue et un épilogue


glorifiant le souverain Hammurabi, qui a régné sur Babylone d'environ 1792 à 1750 av. J.-C.,
dont la majeure partie est constituée de décisions de justice. 50 Depuis sa découverte en 1901-
1902 sur une stèle mise au jour lors des fouilles de Suse dirigées par Jacques de Morgan, cet
ensemble de décisions est désigné comme un « code » et chaque décision comme autant de «
lois » ou « articles » relatifs à différents aspects de la vie de la société babylonienne de la
période.

La nature exacte du texte est l'objet de débats : bien qu'il soit souvent présenté comme
un code de lois dont les dispositions sont destinées à être appliquées dans le royaume de
Hammurabi, les assyriologues qui l'ont étudié plus précisément insistent sur sa fonction
politique de glorification du roi et y voient plutôt une sorte de traité juridique visant à
conserver le souvenir du sens de la justice et de l'équité d’Hammurabi. Nonobstant, il y
apparaît des informations essentielles pour la connaissance de différents aspects de la société
babylonienne du XVIIIe siècle av. J.-C. : organisation et pratiques judiciaires, droit de la
famille et de la propriété, statuts sociaux, activités économiques, entre autres.

Il convient souvent de compléter ces informations par celles fournies par les
nombreuses tablettes cunéiformes de la même époque exhumées sur les sites du royaume de
Babylone pour mieux comprendre le contenu du texte.

A. Contexte rédactionnel

Le Code d’Hammurabi est rédigé durant la période dite « paléo-babylonienne »


(babylonienne ancienne), sous la première dynastie de Babylone, plus précisément vers la fin
du règne du roi Hammurabi qui l'a commandité et sans doute formulé en grande partie.

Celui-ci aurait régné de 1792 à 1750 av. J.-C. selon la « chronologie moyenne » qui est la
plus usitée, mais il est possible qu'il faille le situer à une date plus récente (1728 – 1686 av. J.-
C. selon les tenants de la « chronologie basse »), la datation absolue étant imprécise pour une
période aussi reculée.

Du point de vue de la littérature juridique, le royaume babylonien dispose de structures


judiciaires typiques de la tradition mésopotamienne : le roi est le juge suprême, les membres
de l'administration (notamment les gouverneurs) ont souvent des attributions judiciaires de

50
HALPERIN, J.-L., « La détermination du champ juridique à la lumière de travaux récents d'Histoire du Droit,
Éd. Juridiques associées », Revue Droit et société, 2012/2 n° 81 | pp. 403 à 423.
24

même que les autorités locales (conseils d'Anciens et conseils de quartiers des villes), mais il
existe également des juges professionnels (dayyānum).51

Ces autorités rendent souvent justice de façon collégiale, après une procédure
d'instruction reposant sur la recherche de preuves, notamment des témoignages et des
documents écrits comme des contrats. Cela explique la quantité de documents juridiques
connus pour cette période.

Depuis au moins la période d'Ur III et le règne d'Ur-Nammu (2112 – 2094 av. J.-C.),
les rois mésopotamiens ont pris l'habitude de compiler des recueils de sentences juridiques, et
c'est cette tradition que reprend Hammurabi en écrivant son Code au moment où il procède à
l'organisation de l'administration de ses conquêtes et où il cherche à faire passer son œuvre à
la postérité.52 Le Code d’Hammurabi est essentiellement connu par une stèle dont les deux
fragments principaux ont été exhumés par Gustave Jéquier et Louis-Charles Watelin en
décembre 1901 et en janvier 1902 à Suse, ancienne capitale de l'Élam, de nos jours située
dans le Sud-Ouest de l'Iran (province du Khuzistan), lors de fouilles conduites par une
mission française dirigée par Jacques de Morgan.53

B. Organisation et nature du texte

Le texte du Code d’Hammurabi est divisé en trois parties : • Un prologue historique


en langue littéraire commémorant les accomplissements d’Hammurabi en sa fin de règne ; •
Les « lois » ou décisions de justice rendues par le roi ; • Un épilogue formulant la volonté que
le texte transporte la parole du roi à travers les âges et ne soit pas altéré sous peine de
malédictions. Cette structure est partagée avec les deux autres « codes » de la Mésopotamie
ancienne qui sont connus, le Code d'Ur-Nammu roi d'Ur, rédigé autour de 2100 av. J.-C., et le
Code de Lipit Ishtar roi d'Isin, rédigé vers 1930 av. J.-C.54

En tant que texte législatif, le Code d’Hammurabi partage des poi nts communs avec
d'autres textes de recueils de lois qui eux ne sont pas encadrés par un prologue et un épilogue
et ne sont donc pas appelés « codes » : les lois d'Eshnunna qui datent à peu près de la même
période (et étaient peut-être un « Code », mais le prologue et l'épilogue ne sont pas connus),
deux fragments de recueils de lois provenant du site de Hazor (en Israël), également datable
51
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
52
Idem
53
Ibidem
54
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
25

de la même période, les lois assyriennes compilées autour de 1100 av. J.-C., des recueils de
lois babyloniennes du VIe siècle av. J.-C., et, hors de Mésopotamie, les lois hittites compilées
et remaniées à plusieurs reprises entre 1600 et 1400 av. J.-C.

La présence d'un prologue et d'un épilogue caractéristiques des inscriptions royales


commémoratives à la gloire des monarques mésopotamiens, notamment celles vantant leur
sens de la justice et de l'équité et visant à le rapporter aux générations futures, qui trouvent
leurs racines dans les inscriptions relatives aux « réformes » d'Urukagina de Lagash (vers
2350 av. J.-C.) a fait que des assyriologues ont interprété le Code de Hammurabi comme un
document avant tout politique. Ils relativisent ainsi les interprétations traditionnelles sur la
portée des 25 « lois », qui n'avaient pas la portée législative de celles contenues dans les
Codes modernes mais plutôt une fonction de modèle.

Certains replacent les compilations de décisions de justice dans la tradition des listes à
but pédagogique et technique comme il en existait pour d'autres disciplines, en faisant donc
une sorte de manuel juridique.

Quoi qu'il en soit, les interprétations juridique, politique et technique du Code


d’Hammurabi ne s'excluent pas forcément, ce texte étant issu d'une tradition longue et
combinant plusieurs objectifs. Le court épilogue du Code reprend de façon conclusive la
glorification d’Hammurabi initiée dans le prologue et exprime la volonté que le texte soit pris
en exemple dans l'avenir, permettant au nom du souverain de perdurer.

Il est suivi par plusieurs malédictions dans lesquelles sont invoqués les grands dieux
babyloniens pour maudire ceux qui altéreraient le texte, ce qui est courant dans les
inscriptions royales, notamment celles destinées à commémorer les constructions de temples.

L'épilogue est particulièrement intéressant pour l'analyse de la nature du texte parce


qu'il s'intéresse aux objectifs que le souverain lui assigne et à l'usage qu'il souhaite que les
gens en fasse à l'avenir : « Pour que le fort n’opprime pas le faible, pour faire justice à
l'orphelin et à la veuve, à Babylone, la ville dont Anu et Enlil ont élevé le faîte, dans l'Esagil,
le temple dont les fondements sont aussi stables que les cieux et la terre, pour porter les
jugements concernant le pays, pour prendre les décisions concernant le pays, pour faire
justice à l'opprimé, j'ai écrit mes paroles précieuses sur ma stèle et je l'ai dressée devant ma
statue de « Roi de justice ». »55

55
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
26

Cette phrase qui reprend l'image du souverain idéal qu’Hammurabi veut faire passer
à la postérité, celle d'un roi juste respectant l'idéal de justice des anciens Mésopotamiens. On
y apprend également que la stèle devait être disposée devant une statue, sans doute dans un
temple. C'est là qu'il doit se trouver pour ceux qui souhaitent s'imprégner du sens de la justice
et de l'équité d’Hammurabi.

Ceci est encore une fois compréhensible dans le cadre des inscriptions
commémoratives des rois mésopotamiens : il s'agit de glorifier le souverain et de préserver
son œuvre pour l'avenir. Au lieu de mettre l'accent sur les exploits guerriers du souverain ou
sur les constructions pieuses qu'il a patronnées, le texte insiste sur son sens de la justice qui
doit lui survivre comme doivent lui survivre ses conquêtes militaires et les bâtiments qu'il a
fait ériger.

C. Organisation et formation des lois

Les « lois » du Code d’Hammurabi constituent la partie la plus longue du texte et


celle qui est la plus importante aux yeux des commentateurs modernes. Leur premier
traducteur, J.- V. Scheil, les a découpées en 282 articles (découpage qui n’est pas explicite
dans le texte ancien), en considérant que la lacune du bas de la face de la stèle va du § 65 au §
99, ce qui est peut-être trop. 56 Pour désigner ces sentences, l'épilogue du Code met surtout
l'accent sur le fait qu'elles ont été prononcées par Hammurabi en tant que roi de justice dans
un but de glorification. Il emploie surtout le terme awātum qui peut être traduit par « parole »
ou « cas (juridique) », parfois plus précisément awāt mišarim, « paroles de justice » ou
awātiya šūqurātim, « mes paroles précieuses », et parfois dīnum, « procès », « cas »,
notamment sous la forme dīnāt mišarim, « sentences de justice ».

Ces lois sont formulées de façon casuistique : elles prennent pour point de départ un
cas dont elles proposent la solution. C'est la façon typique de raisonner des anciens
Mésopotamiens, qui n'énoncent jamais de principes de portée générale, et que l'on retrouve
dans les traités scientifiques de l'époque (notamment de médecine et de divination).

Les propositions fonctionnent autour d'une première partie, la protase, introduite par
la conjonction « si » (šumma) qui ouvre une proposition conditionnelle dans laquelle est
exposé le problème, à l'aspect accompli qui est généralement traduit par un présent ou un

56
Idem
27

passé de l'indicatif dans les langues modernes. La seconde partie est l'apodose, qui propose la
sentence à rendre, énoncée à l'aspect inaccompli, généralement traduit par un futur.57

D. Charpin a identifié trois sources à l'origine de la mise en forme de ces « lois ».


La première est l'exemple des recueils juridiques plus anciens, dont certains articles ont pu
servir de modèles pour ceux du nouveau recueil. Une autre source est l'activité judiciaire du
roi et des autres juges babyloniens.

On a ainsi pu relier des comptes-rendus de jugements rapportés par des tablettes du


temps d’Hammurabi à des articles du Code, les premiers ayant manifestement inspiré les
seconds. Enfin, un processus de systématisation à partir de cas existants a pu 27 entraîner la
création d'articles qui ne sont alors que la variation d'un cas avéré.

Ainsi, les § 17 à 20 envisagent différents cas pour une personne ayant capturé un
esclave fugitif : s'il choisit de le restituer, il le rapporte à son maître si l'esclave donne son
nom, ou bien au palais si l'esclave ne donne pas le nom, il peut aussi le garder pour lui auquel
cas il est passible de la peine de mort, ou encore voir l'esclave fugitif lui échapper à son tour.
Pour J. Bottéro la formulation casuistique indique que c'est une sorte de manuel de science
juridique à l'image des manuels de divination, de médecine, d'exorcisme ou autres qui avaient
le même type de formules et avaient vraisemblablement été constitués suivant la même
démarche mêlant empirisme et systématisation.

D. Question de l'utilisation du Code

La question de savoir dans quelle mesure le Code d’Hammurabi était employé dans la
pratique juridique fait donc l'objet de plusieurs discussions, même s'il est admis que ce n'était
pas un code juridique au sens moderne du texte. L'épilogue à la gloire du roi fournit des
éléments d'explication : « Que l'homme injustement traité, qui est mêlé à une affaire, vienne
devant ma statue de « Roi de justice », se fasse lire ma stèle inscrite, qu'il écoute mes paroles
précieuses, que ma stèle lui dévoile l'affaire, qu'il voie son cas et qu’il laisse respirer son cœur
en ces termes : « Hammurabi, le seigneur qui est comme un père charnel pour les gens, s'est
affairé à la parole de Marduk son seigneur et a atteint ce que souhaitait Marduk au nord et au
sud ; il a contenté le cœur de Marduk son seigneur, a destiné pour toujours le bien-être aux
gens et fait justice au pays. » […]

57
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
28

À l'avenir, que le roi qui, à un moment donné, apparaîtra dans le pays observe les
paroles de justice que j'ai écrites sur ma stèle ; qu'il ne change pas les jugements que j'ai
portés pour le pays, les décisions que j'ai prises pour le pays, qu'il n'enlève pas ce que j'ai
gravé. […]

Si cet homme a été attentif à mes paroles que j'ai écrites sur ma stèle et n'a pas écarté ce que
j'ai jugé, n'a pas modifié mes paroles, n'a pas changé ce que j'ai gravé, cet homme sera un
homme de justice comme moi ; que Shamash allonge son sceptre, qu'il fasse paître ses gens
devant la justice. »

S'il reste ancré dans la glorification du roi et la volonté de faire perdurer son message, ce
passage souligne l'aspect pratique du texte : c'est aussi un moyen de dispenser la justice en
différents lieux du royaume où le monarque ne peut être au moment présent. Il y a une
véritable volonté de rendre le texte accessible, même s'il faut admettre que la nature de la
stèle ne facilite pas vraiment sa lecture.

E. Contenu des « lois » : aspects du Droit et de la société babyloniens au temps de


Hammurabi

Le contenu des « lois » du Code d’Hammurabi offre un aperçu appréciable pour la


connaissance du droit et plus largement de la société babylonienne du début du IIe millénaire
av. J.-C., sur lesquels ils sont encore une source majeure en dépit de la grande quantité de
documentation de la pratique judiciaire (contrats de vente, de prêt, de mariage, etc.) qui a été
exhumée puis publiée pour cette période.

Sans évoquer tous les aspects de la société, qui relevaient du droit coutumier qui pouvait
prendre des variantes locales, le Code aborde plusieurs points importants : modalités de
l'exercice de la justice, droits sur les propriétés, activités agricoles, commerciales et autres,
affaires familiales, situation des esclaves.

Comme cela a été évoqué plus haut, on débat sur la question de l'application de ces «
lois » et donc sur leur valeur en tant que sources d'informations sur ce qui se passait
réellement dans le royaume de Babylone.

À plusieurs reprises les autres sources juridiques et administratives ont confirmé le fait
qu'elles reflétaient des situations réelles et ont souvent permis de les compléter et de mieux
les comprendre. Ce n'est guère étonnant si on considère le fait que ces dispositions ont été
29

rédigées à la suite d'affaires ayant réellement eu lieu (mais dont il peut être difficile d'établir
si elles étaient courantes ou non).

Il reste tout de même plusieurs passages obscurs. En tout état de cause, les différents
passages de ce texte reflètent la mentalité des législateurs de cette période, les autorités du
palais royal (et en premier lieu le monarque) dont elles révèlent les préoccupations.

F. Pratiques judiciaires

Les articles du Code d’Hammurabi révèlent divers aspects des pratiques judiciaires du
royaume de Babylone au temps d’Hammurabi.

Les premiers articles s'intéressent précisément à des aspects de procédure : « § 1 : Si


quelqu'un a accusé quelqu'un (d'autre) et lui a imputé un meurtre mais ne l'a pas confondu,
son accusateur sera mis à mort. § 2 Si quelqu'un a imputé des sortilèges à quelqu'un (d'autre)
mais ne l'a pas confondu, celui à qui des sortilèges ont été imputés ira au dieu-fleuve ; il
plongera dans le dieu-fleuve et si le dieu-fleuve s'en empare, son accusateur prendra pour lui
sa maison.

Si le dieu-fleuve innocente cet homme, il s'en réchappe, celui qui avait imputé des sortilèges
sera mis à mort ; celui qui a plongé dans le dieu-fleuve prendra pour lui sa maison. § 3 : Si
quelqu'un s'est présenté dans un procès pour un faux témoignage et n'a pas pu confirmer ce
qu'il avait dit, si ce procès est un procès de vie cet homme sera mis à mort. § 4 : S'il est
présenté pour un témoignage (quand il y a pénalité) en orge ou en argent, il subira la pénalité
(qui s'ensuivra) de ce procès. »

Ces articles insistent donc sur le fait que les procès doivent reposer sur l'étude de
témoignages confirmant les accusations. Les cas de fausses accusations et de faux
témoignages sont susceptibles de lourdes peines pour assurer le bon fonctionnement de ce
système. Pour aider les juges, plusieurs articles prescrivent que des accords donnent lieu à la
rédaction de tablettes (scellées), les preuves écrites étant souvent déterminantes lors des
procès : « § 122 : Si quelqu'un veut donner en garde de l'argent, de l'or ou quoi que ce soit à
quelqu'un (d'autre), il montrera à des témoins tout ce qu'il veut donner, il fera un contrat et
(alors seulement) il pourra donner en garde. § 128 : Si quelqu'un a pris une épouse mais ne lui
a pas établi de contrat, cette femme n'est pas épouse. » Ces contrats impliquent des témoins
qui peuvent être appelés lors des procès.
30

Certains articles prescrivent le fait qu'une personne doive prêter serment par les dieux
pour donner plus de poids à sa parole, puisqu'on pensait que s'il mentait les dieux allaient le
punir. Au cas où les preuves matérielles et les témoignages ne sont pas présents ou ne
suffisent pas, certains articles comme le § 2 cité précédemment prescrivent la pratique de
l'ordalie : il s'agissait d'une épreuve ayant lieu dans un fleuve, au cours de laquelle une
personne devait prouver son innocence en survivant, ce qui prouvait que le dieu du fleuve
l'avait blanchie.

Les raisons du recours à cette épreuve sont variées et ses modalités exactes sont
difficiles à déterminer, les témoignages sur l'ordalie venant surtout des sources de Mari et
présentant encore des zones d'ombre. Le Code d’Hammurabi donne également des
indications sur les autorités judiciaires à mobiliser dans certaines affaires.

Ainsi, le « quartier » (babtum) est doté d'une personnalité juridique et était constitué
d'un personnel mal connu, et peut intervenir dans des affaires comme le cas de couples dont
la femme exigeait la rupture et trancher en sa faveur ou en la faveur de l'époux, auquel cas la
femme était noyée (§ 142-143).

À l'opposé, le roi intervenait dans certains cas graves : dans le cas d'un adultère, si le mari
choisit d'épargner son épouse, c'est au roi seul qu'il revient de gracier l'homme avec qui elle a
fauté (§ 129). Plusieurs articles mettent en avant le rôle des juges royaux (dayyānum), qui
siègent de façon collégiale et sont un maillon essentiel de l'administration de la justice.

Leur droiture doit être contrôlée : si un juge n'a pas fait exécuter une décision qu'il a
rendue et couchée par écrit, il devra payer une lourde amende et sera démis de ses fonctions
(§ 5). Dans certains cas, c'est au juge qu'il revient de vérifier si les liens familiaux sont
respectés : il doit examiner si la décision d'un père voulant déshériter son fils est juste (§ 168)
et si les droits d'une veuve ne sont pas bafoués par ses fils (§ 172). Les autorités judiciaires
doivent donc assurer la protection des plus démunis suivant l'idéal d'équité présenté dans le
prologue et l'épilogue du Code.

SECTION 2. CREATION DU CONCEPT DROIT

Si la philosophie appartient aux Grecs, le Droit est l'œuvre de Rome. Non pas qu'elle
ait été seule à s'en soucier : bien avant elle, les puissants, les sages et peut-être les dieux s'en
préoccupent. Mais Rome est la première à vraiment le construire. Les premiers juristes
romains donnent au droit romain le caractère pratique et concret qui lui restera toujours
31

attaché : leur rôle n'est pas de théoriser, mais de rédiger des actes et de conseiller les parties
dans les formalités complexes du procès. De plus, ils n'avaient pas été formés dans des écoles
de droit, mais dans le cadre familial ou par des personnages impliqués dans la vie des affaires
et de la politique, qui les avaient admis dans le cercle de leurs intimes.58

La civilisation romaine est la première à avoir constitué un système juridique


(littéralement fondé sur le ius, les iura) qui nous soit parvenu. Le Droit romain, peut donc être
considéré comme le premier système juridique reconnu.

Le Droit romain définit clairement des termes et catégories juridiques (voir par
exemple : ius civile, appliqué aux citoyens Romains, ius gentium, appliqué au genre humain,
et ius naturale appliqué à tout ce qui est animé dans la nature). Là est le droit humain (ius),
qui évolue aux côtés du Droit divin (fas).59 La vie politique (publique, des citoyens poupulus
est universi cives) est organisée par le droit (civil, littéralement des citoyens).

Cependant, « Rome ne s'est pas construite en un jour » et il est difficile de dater


précisément le début de la pensée juridique romaine. Le ius Romain sera une source
inépuisable grâce à laquelle les médiévistes créeront le droit.60

Le Droit romain ne fait pas seulement référence au système juridique de la Rome


antique, mais aussi aux lois qui sont appliquées un peu partout dans l'Europe occidentale
jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Dans certains pays, tel l'Allemagne, l'application pratique du «
Droit romain », tel que réinterprété par la scolastique médiévale puis les Modernes, a duré
plus longtemps encore, au moins jusqu'à Bismarck.

Pour ces raisons, nombre de codes civils modernes en Europe continentale et ailleurs
sont énormément influencés par le Droit romain. C'est particulièrement vrai dans le domaine
du droit privé. Même la common law anglo-saxonne a connu une influence du droit romain,
bien que celui-ci ait eu, en apparence du moins, une moindre action sur le système juridique
anglais que sur les systèmes juridiques du continent.

L'influence du Droit romain s'y ressent par la richesse de la terminologie juridique,


comme la règle du précédent, la culpa in contrahendo ou encore la règle pacta sunt servanda.

58
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
59
LAFERRIERE, F., Op. Cit., pp. 44-47.
60
Idem
32

Pourtant, il y a lieu de lire une différence dans la conception de la notion de la naissance du


Droit.

§1. Conceptions allemande et grecque de la naissance du Droit

Il est fait ici une synthèse de l’école allemande (A) et de la loi dans la pensée de la
Grèce antique (B).

A. Selon l’école allemande

Cette école est de l’Université de Berlin, fondée par Karl Friedrich Von Savigny
(1779- 1861), Recteur, Ministre de législation du royaume de Prusse, savant et brillant
universitaire. Critiquant toute forme de codification du Droit, à la française et en particulier le
code civil napoléonien parce que le français est révolutionnaire, il considère que ce Droit ne
nait pas de l’arbitraire du législateur.

C’est-à-dire que l’Etat ne créant pas le Droit ne peut que le constater et le déclarer. De
ce fait, le Droit, comme la langue ou les mœurs en général, est l’expression d’une culture
populaire en perpétuelle adaptation. Vouloir légiférer ne peut que figer cette évolution et la
conscience commune ou l’esprit d’un peuple doit être respecté. Reste que cet esprit du peuple
a besoin d’un vecteur pour pouvoir s’exprimer. Son affirmation passe par le recours à des
spécialistes.

A partir d’un certain stade, le Droit se développe alors dans la langue même du
peuple, il prend une dimension scientifique, et de la même manière qu’il vivait
précédemment dans la conscience de tout un peuple, il élit domicile maintenant dans la
conscience des juristes par lesquels le peuple est désormais représenté. De là l’existence du
Droit est plus artificielle et plus complexe en ce qu’il mène une double vie : d’abord partie de
la vie d’un peuple, ce qu’il ne cesse pas d’être, ensuite comme science spéciale entre les
mains des juristes.

Pour jouer ce rôle d’interprète qualifié, le juriste doit éclairer les circonstances
historiques qui ont déterminé la genèse d’une règle donnée. Il doit donc recevoir une vraie
formation historique lui permettant de poursuivre chaque règle juridique jusqu’à ses racines ;
ainsi découvrira-t-il « un principe organique » pour lequel il serait possible de distinguer le
passé vivant, qui est encore important pour le temps présent, du passé mort qui n’a plus
d’intérêt pour le juriste moderne.
33

B. Loi dans la pensée grecque

Bien des siècles après la Mésopotamie, en Grèce antique, les cités grecques sont
gérées en royaume, il y a l’aristocratie ; ce sont des régimes autoritaires qui sont renseignés.

Les sources exclusives sont les philosophes et leurs ouvrages. Ce sont deux poèmes épiques
qui constituent deux témoignages d’une réflexion sur l’ordre du monde, la justice et le Droit :
l’Iliade et l’Odyssée composée au 8ème siècle avant notre ère.

La notion de THEMIS correspond à ce qui est licite à la loi proclamée par le roi. La
loi est soumise à la DIKE= justice droite, l’équité. Elle représente l’idéal supérieur de justice
parfaite et équitable à laquelle la sentence royale doit se référer.

Malgré ça, le Droit n’est pas toujours équitable, et pour cela nécessite qu’elle soit
empruntée de DIKE.

1. Apport des nobles athéniens

Au 7ème AV J.C, Athènes a un certain nombre de législateurs qui ont continué à


soustraire la loi, de l’influence des grandes familles nobles athéniennes. 61 En 700 une crise
sociale atteint la Grèce. Athènes répond avec la démocratie alors Sparte répond par un
régime autoritaire : - Au 6ème Siècle AV J.C, un homme Clisthène va donner à Athènes entre
507 et 501 AV J.C, l’une des réformes des plus originales que l’Histoire ait connue. Il va
remettre l’Etat entre les mains du peuple (PLETHOS).

A partir de ce moment-là, la loi est fondement et émanation de la démocratie, elle va


devenir une loi politique qui va prendre le nom de Nomos. On passe d’une loi non écrite à
une loi populaire écrite émanant des citoyens.

Le Nomos (la loi) a vocation à répartir les droits et les devoirs de chacun. C’est le
système égalitaire appelé isonomie. Au V e siècle av. J.-C., les dix archontes élisent les
héliastes par tirage au sort.

Pour Aristote au début de la vie d'Athènes, les premiers archontes étaient le roi et le
polémarque, puis l'archonte éponyme : • L'archonte éponyme, littéralement « l'archonte »,
sans autre précision : il était chargé de l'administration civile et de la juridiction publique.

61
Lire GALERAN, B. et HENOCQ, K., Histoire des idées politiques, 2ème Ed. Gualino, Paris, 2022.
34

Il était le tuteur des veuves et des orphelins et surveillait les litiges familiaux.
Il s'occupait aussi du théâtre en nommant les mécènes et les vainqueurs de tétralogies.

Il donnait son nom à l'année de son archontat. • L'archonte-roi : il était chargé des affaires
d'homicide et des crimes d'impiété. Il lançait les interdits religieux et devait être
obligatoirement marié.

Il préside les cérémonies religieuses. • Le polémarque : il était chargé des affaires militaires.
Avec l'importance croissante des stratèges, l'archonte polémarque perdit peu à peu de son
importance.

L'archonte-Roi est la magistrature héritière de la royauté et était donc initialement une


fonction à vie. Elle sera par suite réduite à 10 ans, puis à un an. Les deux autres
magistratures étaient quant à elles d'un an. À une date inconnue, les trois archontes se voient
secondés par six thesmothètes, qui sont les gardiens de la législation, ce qui porte le nombre
d'archontes à neuf.

Enfin, Clisthène ajouta un secrétaire, chargé de rédiger les avis des neuf autres
archontes. Dès lors, leur nombre est de dix, comme pour les autres magistratures
athéniennes. Avec ce système, seules les catégories les plus aisées étaient représentées. • Au
sens technique, un archonte est un gouverneur, un administrateur.

Les listes de préséances et les sceaux font connaître des archontes provinciaux (de
Crète, Chypre, Dalmatie) au IXe siècle, et des archontes de villes.

Solon, considéré comme le père de la démocratie. La réforme que mène Solon est
fondamentale dans l'histoire de la pensée politique pour saisir la prudence avec laquelle le
réformateur athénien s'y prend, d'une manière moins radicale que Lycurgue, pour corriger les
vices des inégalités en allégeant la dette des pauvres sans pour autant susciter la révolte des
riches.

Mais l'esprit de conciliation de Solon a ses inconvénients que ne manqueront pas de


remarquer les théoriciens politiques. Cette réforme s'accompagne de la fondation d'un
nouveau gouvernement mixte à prépondérance démocratique, pour concilier les intérêts, sans
pour autant éteindre dans les mœurs comme à Sparte les causes des inégalités funestes aux
Républiques : l'avarice.
35

Division entre les riches et les pauvres, car les Montagnards tenaient pour le Gouvernement
populaire ; ceux de la plaine voulaient un État Oligarchique ; et ceux de la côte maritime,
demandant un gouvernement mêlé des deux premiers, empêchaient l'un et l'autre des deux
partis opposez d'avoir l'avantage.

D'ailleurs la division, qui naît ordinairement entre les pauvres et les riches à cause de
leur inégalité, était alors plus enflammée que jamais, de manière que toute la ville se trouvait
dans un très-pressant danger, et semblait n'avoir d'autre moyen de se garantir du naufrage,
que de se soumettre au pouvoir d'un seul. Les pauvres, se trouvant obligés envers les riches
pour des dettes qu'ils ne pouvaient payer, étaient réduits ou à leur donner tous les ans le
sixième des fruits de leurs terres, c'est pourquoi on les appelait Sixenaires et Mercenaires.

Car les Montagnards tenaient pour le gouvernement populaire. Ce passage est


remarquable, en ce qu'il marque l'esprit des Peuples, qui aiment un Gouvernement différent,
selon les lieux qu'ils habitent.

Ceux qui habitent les montagnes, sont ordinairement plus amateurs de la liberté, c'est
pourquoi ils veulent un Gouvernement populaire.

Ceux de la plaine, communément plus riches et plus polis, et par conséquent plus ambitieux,
penchent vers l'oligarchie, parce qu'ils espèrent d'être du nombre de ceux qui gouverneront.
Et ceux de la côte, participant des inclinations des uns et des autres, veulent un
Gouvernement qui tienne de la démocratie et de l'oligarchie, c'est-à-dire que le peuple ait la
liberté des suffrages, et le petit nombre le pouvoir de juger et de décider.

C'est ce que les Romains imitèrent pendant longtemps ; car par une des Lois des XII
Tables, le débiteur, qui ne payait point, était adjugé à ses créanciers qui le gardaient chez eux
en prison, ou le vendraient.62 La Loi même leur permettait de le mettre en pièces, et de
partager entre eux son corps ; mais personne n’usa jamais d'un droit si atroce, et si contraire
à l'humanité.

Enfin le plus grand nombre de ces malheureux, et ceux qui se trouvèrent les plus forts
et les plus résolus, s'étant assemblés, s'encouragèrent à ne plus souffrir cette barbarie, et à

62
Ce qui les réduisait au pouvoir de leurs créanciers, qui se les faisaient adjuger, et qui les retenaient pour leurs
esclaves, ou les envoyaient vendre dans les pays étrangers ; la plupart même étaient forcés de vendre leurs
propres enfants ; car il n'y avait point de Loi qui l'empêchât, ou bien ils étaient contraints d'abandonner leur
patrie, pour se soustraire à la cruauté de ces usuriers impitoyables.
36

élire pour chef un homme de confiance, avec lequel ils iraient délivrer ceux qui n'avaient pas
pu payer à temps, obtiendraient un nouveau partage des terres, et changeraient entièrement le
gouvernement de l’État. Dans cette extrémité, les plus sages des Athéniens, voyant que
Solon était le seul qui ne fut point suspect à aucun des deux partis, car il n'avait trempé ni
dans l'injustice des riches, ni dans la révolte des pauvres, se mirent à le prier de s'entremettre
des affaires et d'apaiser tous ces différents.

Périclès va renforcer l’essor de la démocratie comme aujourd’hui, l’ostracisme était un


vote par lequel l’Ecclésia (l'assemblée des citoyens) prononçait le bannissement de l'un de
ses citoyens, dont le nom était inscrit sur un tesson de céramique désigné par le terme
ostrakon, signifiant coquille d'huître. Durant la période de bannissement, l’Ecclésia
conservait ces tessons, ostraca, où figuraient les noms des exilés.

Athènes et quelques autres cités, au V e siècle av. J.-C., ont instauré une institution qui
permettait de bannir pendant dix ans un citoyen, sans que celui-ci perdît ses biens. C'était une
mesure d'éloignement politique, un simple vote de défiance à l'égard d'un citoyen influent
soupçonné d'aspirer au pouvoir personnel : ce n'était pas une peine judiciaire, cette sanction
n'étant pas une condamnation pénale : elle ne s'accompagnait pas de peine pécuniaire, et les
droits civiques étaient conservés.

Cette importante institution apparaît donc marquée d'un esprit d'humanité tant dans la
procédure suivie que dans la peine prononcée.

2. Concept démocratie en Grèce antique

La démocratie a été mise en œuvre, pour la première fois dans l’histoire, à Athènes à
l’époque classique (Ve – Ive siècles avant J.-C.). La Grèce antique était alors divisée en cités-
États (poleis en grec ; singulier : polis), qui avaient chacune leurs propres institutions et leur
propre système politique. La démocratie athénienne s’est construite progressivement : • La
réforme de Solon (594 avant J.-C.) pose les bases avec l’abolition de l’esclavage pour dettes ;
• Les réformes de Clisthène (508 avant J.-C.) assurent une meilleure répartition des citoyens
sur le territoire en redécoupant l’espace ; • Clisthène impose également une égalité entre les
citoyens en se fondant sur la loi (on parle d’isonomie).
37

Le mot démocratie a un sens différent dans l’Antiquité : « la démocratie grecque était


le pouvoir pour chacun des citoyens de débattre, de décider, de juger. C’était une liberté
politique, une liberté d’intervenir au niveau de la cité. Mais aucun État ancien n’a eu l’idée
que les individus eussent des droits » (Paul Veyne).

La démocratie athénienne a marqué l’histoire car elle nous a transmis nombre de traits.
L’égalité entre tous les citoyens, quel que soit leur degré de richesses ou leur origine sociale,
est l’un des plus importants héritages.

■ La démocratie athénienne n’est toutefois pas accessible à tous. De larges parts de la société
athénienne sont exclues de la vie civique : • Les esclaves n’ont pas accès à la vie politique de
la cité du fait de leur privation de liberté ; • Les Grecs originaires d’autres cités qui viennent
s’installer à Athènes ne peuvent non plus prendre part aux séances de l’Ecclesia (on les
appelle les métèques). La démocratie évolue aussi avec le temps.

La réforme de Périclès en 451-450 avant J.C. impose de nouvelles conditions : chaque


Athénien doit être issu d’un mariage légitime, avec un père et une mère fille de citoyen. §2.
Origine romaine du Droit Paradoxalement les pays de l'Europe de l'Est, longtemps sous
l'influence de l'Empire byzantin, d'où provient le Corpus juris civilis, ne sont pas
significativement sous l'influence du Droit romain, le Droit byzantin s'en étant éloigné.

§2. Rome antique – 753/476

Adapter la démocratie grecque, indirecte, Rome est une royauté dirigée par Rex
(Romulus, fils du dieu mars comme retrace l’Histoire et la mythologie). La loi des douze
tables (Lex duodecim tabularum) fut rédigée entre 451 et 449 av. J.-C.

Il s'agit de l'acte fondateur du ius scriptum (droit écrit) depuis la fondation de Rome.61 Après
des années de tensions entre les plébéiens et les patriciens, les tribuns de la plèbe proposèrent
un compromis avec la création d'une commission mixte chargée de rédiger des lois communes
aux plébéiens et aux patriciens.

Le Sénat envoya à Athènes une délégation de trois représentants, afin qu’ils étudient
les lois de Solon et celles des autres cités grecques. Après leur retour, les consuls et les tribuns
de la plèbe se mirent d'accord pour laisser l'administration de la cité à un collège de dix
anciens consuls pour un an : ce sont les décemvirs, rédacteurs de la loi des douze tables.
38

Jusqu’alors, le droit romain était oral et appliqué de façon religieuse par les pontifes,
issus des grandes familles patriciennes. Désormais, avec la loi des douze tables, les Romains
disposaient d'une première loi écrite : elle contenait des règles diverses de droit privé,
criminel et religieux, qui définissaient la constitution de la République romaine. 63

A. Apport de Constantin 1er et Droit de l’Eglise

Quand le centre de l'Empire est déplacé dans l'Est grec au IVe siècle, nombre de
concepts juridiques d'origine grecque apparaissent dans la législation romaine officielle.
L'influence est même visible dans le droit des personnes ou de la famille, qui est
traditionnellement la partie du droit qui change le moins.

L’Eglise chrétienne Fondée en Palestine par Jésus (crucifié vers l’an 30), l’Eglise
chrétienne s’organise peu à peu, puis s’étend dans tout le monde romain au fur et à mesure
des conversions. Mal vu dès le début par l’Etat romain, le christianisme est ensuite combattu
et les chrétiens sont persécutés de plus en plus durement, surtout au IIIè siècle. Tout change
avec Constantin, qui décide d’abord de tolérer le Christianisme (« Edit » de Milan, 313) puis,
devenu chrétien lui-même, de le favoriser.64

Partant, le Christianisme ne tarde pas à devenir religion dominante. Et en 380, par l’édit
de Thessalonique, Théodose 1er en fait la religion officielle de l’Etat. Désormais ce sont les
anciens cultes qui sont combattus : leurs temples sont fermés, leurs biens transférés à l’Eglise,
leurs prêtres pourchassés.65

1. L’Eglise et son influence : spiritualisation du Droit

Le rapprochement rapide entre l’Eglise chrétienne et l’Etat romain ne pouvait rester sans
conséquences. Tout en restant distinctes, les deux institutions s’influencent mutuellement :
alors que l’Etat se christianise, l’Eglise se romanise. Elle s’organise comme institution, puis
se dote d’un Droit propre.

Le Droit canonique. 66 Le Droit de l’Eglise prendra au Moyen Age une importance


considérable puisqu’il constituera, à côté du Droit romain, un « Droit commun » européen. A
l’époque romaine ce Droit est encore embryonnaire, pour deux raisons.
63
www.roma-latina.com
64
Idem
65
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 28.
66
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 29.
39

D’une part, aux trois premiers siècles, l’Eglise est contrainte à une vie discrète ; des usages
simples suffisent donc à régler sa vie. D’autre part, à partir de Constantin, elle se développe
dans l’ombre d’un Etat autoritaire et gros producteur de droit, de sorte que l’Eglise préfère
influencer le Droit étatique que développer systématiquement un droit propre.67

Par exemple, Constantin I er commence à mettre des restrictions au concept romain ancien de
la patria potestas, en admettant que les personnes sub potestate peuvent avoir des droits de
propriétaire. Il fait apparemment des concessions au concept beaucoup plus strict de l'autorité
paternelle conformément au droit grec-hellénistique.

Le Codex Theodosianus (438) est une codification des lois constantiniennes. Les
derniers empereurs sont même allés plus loin, jusqu'à ce que Justinien n'ait finalement
ordonné qu'un enfant sub potestate devienne propriétaire de tout ce qu'il acquiert, excepté
quand il obtient quelque chose de son père.68

2. Droit propre à l’Eglise

Dans la mesure où l’institution ecclésiastique est distincte de l’Etat, il faut bien qu’elle
se dote de règles de fonctionnement particulières. Naturellement, pour les Chrétiens, la
première source normative est constituée la Bible.

Dès les débuts de l’Eglise, les Apôtres avaient décidé que les prescriptions proprement
juridiques de l’Ancien Testament et en particulier les « codes » contenus dans les premiers
livres de la Bible, à la seule exception du Décalogue, ne les concernaient plus.

A plusieurs reprises en effet le Christ avait condamné certaines de ces règles- Loi du
talion, lapidation de la femme adultère-, et le principe même d’une observation littérale de la
loi : « la lettre tue, l’esprit fait vivre. » 69Ce qui fait entrer l’élément intentionnel dans le fait
considéré dans sa matérialité comme antisocial.

Comme l’Evangile ne contient à peu près aucune prescription proprement juridique, il


revenait à l’Eglise elle-même d’élaborer son Droit propre à partir des grands principes de la
Foi. L’édiction d’une « législation » proprement dite est d’abord le fait des Conciles.

67
Idem, p. 29.
68
Ibidem, p. 31.
69
LAFERRIERE, F., Op. Cit., pp. 43-47.
40

Leurs décisions sont appelées « Canons » (d’où l’expression « Droit canonique » qui
s’imposera plus tard).70 Après avoir été ignorée ou persécutée par l’Etat romain durant trois
siècles, l’Eglise est devenue elle-même romaine.

Au début du Moyen Age, du moins en occident, elle apparait ainsi comme l’héritière de
l’Empire disparu. Héritage de ses structures, de sa langue, parfois de ses ambitions, en face
d’Etats nouveaux qui, eux aussi, se voudront les héritiers de Rome.71

B. Droit romain à l'Est

1. Code de Justinien

Le Code de Justinien (en latin : Codex Justinianus ou Codex Justiniani), parfois appelé
le Code Justinien, forme une partie du Corpus juris civilis. Publié le 7 avril 529, le Code de
Justinien fut rédigé sous l'empereur byzantin Justinien par une commission de fonctionnaires
impériaux et de professeurs des écoles de Droit, présidée par le juriste Tribonien 72 ; il s'agit
d'un recueil de constitutions impériales (leges) publiées depuis Hadrien 73. Il ne s'agit au fond
que d'une mise à jour du Code de Théodose de 438.

a. Contexte historique de l’élaboration du Code

Dès la seconde année de son avènement au trône, c'est-à-dire en 528, Justinien voulut
qu'on fît un nouveau recueil officiel des constitutions de ses prédécesseurs. Justinien confia à
dix jurisconsultes, parmi lesquels figurait déjà Tribonien, la mission de trier les constitutions
impériales et de les codifier suivant un certain ordre de matières qui paraît avoir été celui de
l'Edictum perpetuum.74 Leur travail fut confirmé par Justinien et publié le 7 avril 529, sous le
nom de Codex Justinianeus.75

b. Structure

70
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 31.
71
Idem, p. 32.
72
Ibidem
73
LAFERRIERE, F., Op. Cit., pp. 43-47.
74
LAFERRIERE, F., Op. Cit., pp. 43-47.
75
Idem
41

L'activité législative étant demeurée intense pendant la rédaction du Digeste, une


seconde édition fut promulguée en 534 sous les noms Codex juris civilis ou Novus
Iustinianius.76

Le Code de Justinien s'articule autour d'un plan cohérent : livre I : droit ecclésiastique ; livre
II : procédure judiciaire ; livres III à VIII : Droit privé ; livre IX : Droit pénal ; livre X : Droit
fiscal ; livres XI et XII : Droit administratif : ces dispositions renforcent la puissance de l'État
et son organisation hiérarchique.

Par rapport aux règles précédentes, le Code de Justinien se caractérise par le fait que
l'empereur devient la source unique du droit : l'empereur est seul investi du droit d'imposer les
règles du droit comme des injonctions ou des commandements, ce droit étant retiré aux
magistrats.

c. Innovation

La principale innovation concerne l'affirmation des droits dont les hommes doivent
bénéficier et qui constituent une forme embryonnaire de « droits de l'homme » : la distinction
romaine entre le Droit civil des citoyens et le Droit des gens est abolie au profit du Droit des
gens.

On voit, chez Hugo Grotius, que le droit des gens, « plus étendu que le Droit civil » est celui
qui « a reçu sa force obligatoire de la volonté de toutes les nations, ou d'un grand nombre » et
il affirme qu'on a coutume d'appeler le Droit naturel, Droit des gens. 77 Cette innovation se
marquera par une protection accrue du droit des faibles : simplification des procédures
d'affranchissement des esclaves, qui deviennent alors immédiatement citoyens, égalité entre
tous les citoyens et suppression de la distinction entre les dediticii, les latins juniens et les
autres citoyens romains.

En Droit familial, Justinien diminue la puissance paternelle en faisant interdire la


noxæ datio, qui permettait au père de famille de livrer son enfant en réparation des dommages
qu'il avait commis et en supprimant la règle par laquelle le père conservait la propriété des
biens de ses enfants : cette propriété est limitée à un simple usufruit.

Les procédures d'émancipation des enfants sont également simplifiées. Justinien


diminue aussi la puissance maritale en sanctionnant les divorces sans raison légitime, les
76
Ibidem
77
Ibidem
42

remariages. Il allège la sanction de l'adultère de la femme, et reconnaît aux femmes pauvres


mariées sans dot un droit dans la succession de leur époux ; les femmes se mariant avec dot
conservent la propriété de celle-ci.

En Droit pénal, Justinien réduit la rigueur des mutilations, interdisant ainsi de faire
couper les deux mains et les deux pieds aux criminels et en interdisant la mutilation pour les
voleurs. Les pandectes ou récapitulation de codes réalisés sous Justinien, particulièrement le
Digeste (529-534), compilation du droit de l'ère classique, continuent à être la base du
système juridique dans l'Empire tout le long de ce qu'on appelle l'histoire byzantine.

Léon III l'Isaurien publie un nouveau code, l’Écloga, durant la première moitié du
VIIIe siècle. À la fin du IXe siècle, les empereurs Basile I er le Macédonien et Léon VI le
Sage s'attachent à la révision et à la recodification du droit romain. Les lois sont regroupées
matière par matière dans des volumes spécifiques puis traduites en grec, seule langue alors
comprise par le peuple et les fonctionnaires.

Ce code est devenu connu sous le nom de Basilica. Le Droit romain est préservé dans
les codes de Justinien et dans le Basilica et reste la base de la procédure juridique en Grèce et
dans les tribunaux de l'Église orthodoxe même après la chute de l'Empire byzantin et sa
conquête par les Turcs, et forme aussi la base de la plus grande partie du Fetha Negest, qui
tient encore en Éthiopie jusqu'en 1931.78

C. Droit romain à l'Ouest

Il est important de nous arrêter sur quelques concepts : personnalité des lois,
territorialité du Droit, privilèges, codification et décodification.

1. Principe de personnalité des lois

En occident, l’Empire romain s’effondre au cours du Vè siècle. L’installation de divers


peuples germaniques conduit à de nouvelles structures politiques, les royaumes dits «
barbares ». Ce qui caractérise ces royaumes, c’est la juxtaposition de deux sortes de
populations : les autochtones, largement majoritaires, que les textes qualifient désormais de «
romains » ; et les nouveaux venus, les « barbares ».79

78
LAFERRIERE, F., Op. Cit., pp. 43-45.
79
CARBASSE, J.-M., Op.cit., p. 33.
43

C’est dire qu’à l'ouest, l'autorité de Justinien n'est pas allée plus loin que certaines
régions des péninsules italiennes et hispaniques. Les codes juridiques sont édictés par les rois
germaniques, cependant, l'influence des premiers codes byzantins est tout à fait visible sur
certains d'entre eux.

Dans nombre de cas, les descendants des citoyens romains continuent à être gouvernés
par les lois romaines pendant assez longtemps, même alors que les membres de diverses
tribus germaniques sont régis par leurs propres règles. 80 Dans une première phase, chacun de
ces « peuples » a appliqué son propre droit.

Les lois (au sens très large de système juridique) ont en principe un caractère ethnique :
chacun suit le droit du peuple auquel il appartient.

2. Territorialité du Droit

Après quelques siècles cependant, surtout au IX siècle, les distinctions liées à l’origine
s’estompent, les peuples se mélangent, l’attache territoriale finit par l’emporter sur
l’appartenance ethnique : on passe de la personnalité des lois à la territorialité du Droit. 81

C'est le système de la personnalité des lois, que les Romains avaient eux-mêmes appliqué à
l'égard des peuples conquis.

Le Code et l’Institutes sont eux-mêmes connus dans l'Europe de l'Ouest et servent de


modèle à l'élaboration pour quelques codes germaniques, mais le Digeste est largement
ignoré pendant des siècles. Autour de 1070, un manuscrit du Digeste est redécouvert en Italie.
Cela est fait principalement grâce aux travaux des glossateurs, qui écrivent des commentaires
entre les lignes (glossa interlinearis), ou en marge (glossa marginalis).

À partir de ce moment-là, les savants commencent à étudier les textes juridiques de la


Rome antique et enseignent à d'autres ce qu'ils ont appris. Le centre de ces études se situe à
Bologne. L'école de Droit s'est développée progressivement en une des premières universités
d'Europe.82

Les étudiants, à qui on enseigne le Droit romain à Bologne (et plus tard dans nombre
d'autres endroits) constatent que beaucoup de règles de Droit romain conviennent mieux pour

80
CASTALDO, A. et LEVY, J.-P., Histoire du Droit civil, 2ème Edition Dalloz, Paris, 2010.
81
CARBASSE, J.-M., Op.cit., p. 33.
82
CASTALDO, A. et LEVY, J.-P., Op.cit.
44

réguler les transactions économiques complexes que les règles coutumières, qui sont
applicables partout en Europe. Pour cette raison, le Droit romain, ou au moins quelques
dispositions empruntées de ce dernier, commence à être réintroduit dans la procédure
juridique, des siècles après la fin de l'Empire romain d'Occident.83

Ce processus est activement soutenu par de nombreux rois et princes qui engagent des
juristes formés par l'université comme conseillers et employés de tribunaux et cherchent à
profiter des règles comme la célèbre Princeps legibus solutus est (« le souverain n'est pas tenu
par les lois », une phrase initialement forgée par Ulpien, un juriste romain).

Il y a plusieurs raisons qui expliquent le fait que le droit romain se propage durant le
Moyen Âge : la protection juridique de la propriété, l'égalité des sujets juridiques et de leurs
volontés, et aussi la possibilité que les sujets juridiques puissent disposer de leur propriété par
testament. Au milieu du XVIe siècle, le Droit romain redécouvert domine dans la procédure
juridique de la plupart des pays européens. Un système juridique, dans lequel le Droit romain
est mélangé avec des éléments du droit canonique et coutumes germaniques, spécialement la
loi féodale, a émergé.

Ce système juridique, qui est répandu dans toute l'Europe continentale (ainsi que
l'Écosse) est connu sous le nom de ius commune et les systèmes juridiques basés sur celui-ci
sont dits romano-germaniques, ou droit civil dans les pays anglophones. Seule l'Angleterre
est très peu influencée par le Droit romain.

Une raison de cela est que le système juridique anglais est plus développé que ces
homologues continentaux où le droit romain se répand. Par conséquent, les avantages
pratiques du Droit romain sont moins évidents aux praticiens anglais qu'aux juristes
continentaux. Une autre raison est que, éloignée de Rome, l'Angleterre a été moins influencée
par la culture juridique romaine et les barbares qui s'y sont installés ont rapidement fait
disparaître l'héritage, ne conservant même pas la langue romaine conservée
administrativement au moins sur le continent.

Ainsi, le système anglais de Common law se développe parallèlement au droit civil


basé sur un droit romain vulgaire. Des éléments du Droit romano-canonique sont présents en
Angleterre dans les tribunaux ecclésiastiques, et moins directement, dans le développement

83
Idem
45

du système d'équité.84 En plus, quelques concepts du Droit romain sont introduits dans le
droit commun. Surtout au début du XIXe siècle, les avocats anglais et les juges sont disposés
à emprunter des règles et des idées aux juristes continentaux et directement au Droit romain.

3. Privilèges

L’étymologie nous renseigne que « privilège » vient du latin privata lex (pl. privata
leges), c’est-à-dire « loi privée ».85 C’est donc le statut particulier d’un groupe que définit soit
la fonction propre qui est la sienne dans l’ensemble de la société (on parle de privilèges
fonctionnels), soit son implantation territoriale (privilèges territoriaux). Des trois ordres du
royaume, les deux premiers jouissent de privilèges collectifs, liés à leurs fonctions
respectives.

a. Eglise

L’Eglise dispose ainsi d’un Droit propre, le Droit canonique et d’une juridiction
particulière, distincte des « justices » séculières (celle du roi, des seigneurs, des villes).

b. Nobles

Les nobles aussi ont des privilèges : le droit de porter les armes, celui d’être jugés par
d’autres nobles (jugement par les pairs) ; à la fin du Moyen Age, lorsque l’impôt direct se
généralise, les nobles en sont normalement exemptés-payant « l’impôt du sang », ils
considèrent qu’ils n’ont pas à payer en plus l’impôt en argent.

c. Tiers état

Les privilèges sont faits de droits et de devoirs. Mais Clercs et Nobles ne sont pas les
seuls à bénéficier de privilèges. Au sein même du Tiers état, de nombreux corps jouissent de
droits particuliers.86 C’est le cas par exemple des communautés de métiers qui, tout en
profitant d’un monopole de production, sont en même temps soumises à des règles de
fabrication très strictes afin d’assurer la qualité des produits et ce qu’on n’appelait pas encore
la protection des consommateurs.87

84
XAVIER MARTIN, Op. Cit.
85
CARBASSE, J.-M., Op. Cit., p. 51.
86
CARBASSE, J.-M., Op.cit., p. 51.
87
Idem
46

CHAPITRE 3 : ORIGINE PLURALISTE DU DROIT

Ici c’est plus répondre à la question de savoir les causes premières, l’origine causale,
le principe, la provenance, le milieu duquel la loi est issue. C’est en quelque sorte les sources
matérielles du Droit. Là où le Droit tire son existence. Du latin origo, « la source ».

Montesquieu, dans l’Esprit des lois, constate qu’il existe des lois naturelles, que l’homme ne
peut pas créer et des lois conçues par l’homme. Ce qui renvoie au Droit divin, plus tard Droit
naturel.
47

SECTION 1. DANS LA RELIGION

Le Droit est certes donné par Dieu, mais celui-ci ne dirige pas directement les hommes
par un représentant mais, comme le développera Jésus, par la repentance, autrement dit
l'assimilation personnelle d'un Droit divin puisé autant dans sa conscience et que la loi, et qui
reste divin dans la mesure précisément où il est autant personnel qu'universel et où personne
ne peut s'en réclamer pour gouverner autrui.

Le judaïsme, fondement du christianisme et de l'islam, a toujours séparé le temporel du


spirituel à l'exception de la période mosaïque, période largement mythique où s'exprime
néanmoins le conflit entre les aspirations du peuple et les commandements de Dieu.

§1. Dans le judaïsme et l’Islam

Les Dix commandements sont des tables brisées par Moïse, dans sa colère de voir le
peuple préférer le culte du veau d'or à la parole de Dieu, et toute l'histoire juive selon la Bible
n'est qu'une suite de conflits entre les rois et les prophètes.

Le judaïsme n'a pas donné lieu à une théorie des droits de l'homme face au pouvoir royal, car
ce dernier n'y est pas plus porteur de la parole de Dieu que la conscience humaine.

A. Ancien Testament

— Genèse IX: 6

Mais contrairement aux codes légaux en vigueur à cette époque au Proche-Orient,


dont le Code d’Hammourabi, la Torah indique clairement que : « Les pères ne seront pas mis
à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères : chacun sera mis à mort
pour son propre péché. »

Dans la Torah La formule « œil pour œil, dent pour dent » revient trois fois dans le
Pentateuque : « Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent,
main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure
pour meurtrissure. »

— Exode 21,23-25

« Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu’il soit, il sera mis à mort. S’il frappe à
mort un animal, il le remplacera — vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un
48

compatriote, on lui fera ce qu’il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; on
provoquera chez lui la même infirmité qu’il a provoquée chez l’autre.

Qui frappe un animal doit rembourser ; qui frappe un homme est mis à mort. Vous aurez une
seule législation : la même pour l’émigré et pour l’indigène. »

— Lévitique, 24,17-22

« Ton œil sera sans pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied
pour pied. »

— Deutéronome, 19,21

À quoi s'ajoute : « Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé. »

— Deutéronome, 24,16

Divers passages de la Bible prônent par ailleurs, une morale de dépassement quand la
réconciliation est possible : « Tu ne te vengeras pas, ni ne garderas rancune aux enfants de ton
peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel. »

— Lévitique, 19,18

« Ne dis pas : Comme il m’a traité, je le traiterai, je rends à chacun selon ses œuvres. »

— Proverbes, 24,29

Plusieurs thèmes de Droit sont soulevés dans la Bible, entre autres : Justice, Nation,
Gouverneur, Roi, Esclave, Liberté, Enfant, science, Juge, Avocat, Gloire, Adoration,
Compassion, Crainte, Loi- Grâce, Chemin, Vérité, Vie, etc.

B. Dans l'Islam

Le Coran s’exprime ainsi : « Ô les croyants ! On vous a prescrit le talion au sujet des tués
: homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme. Mais celui à qui
son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit
payer des dommages de bonne grâce.

Ceci est un allègement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. Donc, quiconque après
cela transgresse, aura un châtiment douloureux. »88

88
WIKIPEDIA.Org.
49

— Sourate II, verset 178

« C'est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ô vous doués d’intelligence,
ainsi atteindrez-vous la piété. »

— Sourate V, verset 45

Le droit musulman — le fiqh — établit quatre conditions pour que la peine de mort pour le
meurtrier soit applicable : Que la peine de mort soit réclamée par les familles des victimes.

Les juristes musulmans se basent sur une tradition prophétique (hadith) du Prophète Mahomet
: « Celui dont (un proche) a été tué, ou celui qui a été blessé, a le choix entre trois
possibilités : soit il demande la loi du talion, soit il pardonne, soit il prend le dédommagement
financier ».89

Qu'il y ait des preuves irréfutables de la culpabilité :

En effet, une simple présomption est rejetée par les juristes ou la présence d'indices réels mais
insuffisants.

Les juristes musulmans établissent la règle suivante : « Les peines et le talion sont caducs dès
qu'un doute est présent ».

Qu'il soit prouvé qu'il y avait intention de tuer : l'homicide involontaire ou les coups et
blessures ayant entrainé la mort sans intention de la donner ne sont pas sujet à la peine
capitale en Islam.

Qu'il n'y ait pas présence de circonstances atténuantes : Le Droit musulman rend caduque
l'application de la peine capitale s'il y a présence de circonstances atténuantes malgré la
présence des trois conditions précédentes. Ainsi en est-il du cas de légitime défense.

§2. Dans le christianisme

Les disciples de Jésus-Christ, se déclarant témoins de l’évangile, mettent en évidence


un lien entre la nouvelle et l’ancienne alliance selon la parole du Maître en inaugurant une
nouvelle logique de justice.

Jésus dans le Nouveau Testament déclare, selon Matthieu : « Vous avez appris qu’il a été dit :
« œil pour œil et dent pour dent ». Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant.
89
Idem
50

Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te
mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à
faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter,
ne tourne pas le dos. » — Matthieu 5,38-42

Ce verset a suscité deux grandes écoles d'interprétation. La première école est celle
des pacifistes radicaux (par exemple, Érasme), qui interprètent la parole de Jésus comme une
opposition à la loi du talion. La deuxième école est celle des contextualistes (par exemple
saint Augustin et saint Thomas d'Aquin) qui prennent en compte le contexte du discours et
affirment que Jésus n'est pas venu abolir la loi de Moïse, mais l'accomplir (Mt 5, 17), et que
sa parole n'est pas à comprendre en opposition à la loi du talion, mais en approfondissement
par rapport à celle-ci.

Selon cette deuxième école, tendre l'autre joue ne signifie pas ne pas réagir, mais se
mettre, au moment de réagir, dans une disposition de cœur qui consiste à ne pas agir pour son
propre intérêt.

§3. Selon les courants idéologiques

Il n’y a du Droit digne de ce nom que là où l’homme est libre. Pourtant, l’échec
idéologique emporte le triomphe du libéralisme, bien que chaque fois qu’il y a usage du isme,
cela ne va pas sans poser problème.

Il est à signaler ici quelques courants de pensée : le capitalisme, le communisme, le nazisme,


l’écologisme, le nationalisme, le marxisme, le matérialisme, l’idéalisme, etc.

Dans cette conception, pour Platon, seul le monde des idées est réel et la réalité du
monde sensible n’existe que par sa participation au monde intelligible.

Dans le politique, Platon indique que seul le Philosophe est apte à faire de la politique. Sa
connaissance et les vertus qui sont les siennes font de lui le personnage adéquat pour diriger la
cité. Selon Platon, ces hommes de Bien adopteront les meilleures lois pour assumer la
cohésion et le fonctionnement de la polis. Aristote lui propose le régime mixte et la notion du
Bien Commun.
51

SECTION 2. QUEL DEVELOPPEMENT DANS L’HISTOIRE PLUS


PROCHE ?

Le Droit moderne n’applique plus la Loi du talion en matière criminelle. L'article 2 de


la Convention européenne des droits de l'homme ne permet le recours à la force, que
lorsqu'elle est absolument nécessaire. Elle est considérée comme relevant plus de la
vengeance privée que de la justice.

Fondamentalement, les peines prononcées aujourd’hui servent à punir le coupable, mais


elles sont doublées d’une volonté de préparer le condamné à sa réinsertion dans la société
après une période de réadaptation.

Parallèlement, en matière civile, le concept de dommages-intérêts constitue la réparation


financière, à laquelle peut prétendre la personne ayant subi un préjudice moral et/ou une
atteinte dans son patrimoine (préjudice matériel).

Par contre, on peut la rencontrer dans certains États appliquant le Droit islamique, comme au
Nigeria, où la restauration dans les États du nord de la charia a vu l'introduction d'une loi du
talion en matière de blessures ou d'homicide, avec faculté pour la victime ou ses héritiers d'y
renoncer, au profit d'une indemnité financière.

§1. Droit divin et Droit naturel

A. Rapprochement possible

Le Droit divin, en tant que fondement des régimes théocratiques, et en tant que
justification de certaines monarchies d'Ancien Régime, a été historiquement opposé au
courant du Droit naturel et des droits de l'homme.

Cependant, au-delà de cette opposition, le Droit naturel et les droits de l'Homme


contemporains, tout comme le Droit divin avant eux, reprennent une thèse dont le principe
essentiel remonte à l'Antiquité, à savoir l'existence de règles universelles, intemporelles et
imprescriptibles, supérieures à la volonté des pouvoirs politiques, et assurant à tous les êtres
humains des droits fondamentaux identiques.90

90
GAURIER, D., Op. cit., pp. 15-19.
52

À cet égard, en s'opposant à la Déclaration des droits de l'homme, l'Église catholique, en


1791, condamnait essentiellement la justification naturelle, et non divine, des droits, plutôt
que leur existence.

B. Différence définitionnelle

Tandis que le Droit divin attribue l'origine des règles universelles à une autorité
surnaturelle nommément désignée, le Droit naturel les attribue à la nature elle-même. Le Droit
naturel n'a donc pas besoin de référence religieuse pour exister, ce qui, dans un monde marqué
par la diversité (et parfois l'affrontement) des religions, lui donne la portée générale à laquelle
aucune religion ou idéologie politique ne peut prétendre.

C. Comparaison et rapports du Droit naturel avec le Droit positif

Il sied de noter que ces notions sont largement opposées en raison de leur contenu, ce
qui fait l’objet de plusieurs critiques juridico-philosophiques. En ce qui est de leur contenu, il
est opportun de rappeler avec force, que pour les partisans du positivisme juridique, le Droit
positif est un ensemble de phénomènes qui prennent place dans le temps et dans l’espace, à la
différence du Droit naturel, qui s’apparente davantage à la métaphysique, à des valeurs.

D’autre part, les courants positivistes estiment vaine toute activité de l’esprit prétendant
dépasser l’observation des phénomènes et de leurs relations mutuelles.

Tandis que le Droit naturel peut être défini comme des principes immuables découverts
par la raison. De plus, selon la philosophie kantienne, il y a une distinction entre les noumènes
et les phénomènes. Le Droit positif s’apparente donc à un phénomène tandis que le Droit
naturel tente d’être un noumène.

Se référant à la pensée allemande du XIXe siècle, les codifications particulières et


l’exemple de la France ont provoqué une réaction. Ainsi, le Droit, considéré comme l’œuvre
de la "raison raisonnante" par "l’école du Droit de la nature et des gens" aux XVII et XVIIIe
siècles, est alors perçu comme le produit spontané et plus ou moins inconscient de l’esprit
populaire, ce qui s’apparente au Droit positif.

Il est à rappeler que le Droit naturel :

1. Recherche le juste par une analyse rationnelle et concrète des réalités sociales, orientée par
la considération de la finalité de l’homme et de l’univers.
53

2. Ce sont des principes, immuables et éternels parce qu’inhérents à la nature humaine,


découverts par la raison, permettant d’éprouver la valeur des règles de conduite positive
admises par le Droit objectif.91

Il est à ajouter qu’à la différence du Droit naturel, qui est valable pour tous les temps
et tous les lieux, le Droit positif connaît des variations et des divergences selon le temps et
l’espace.

Enfin, tandis que le Droit naturel a une valeur universelle, par contre le Droit positif doit être
étudié par l’observation de la vie sociale selon le positivisme sociologique. Étant donné que
cette observation montre que les sociétés sont différenciées, le Droit positif varie donc selon
la société dans laquelle il est en vigueur.

En ce qui est de critiques, nées de cette distinction, il faut le rappeler avec la doctrine du
positivisme juridique, qu’il se borne à l’étude des systèmes existants.

Pourtant, les adeptes de la doctrine du Droit naturel critiquent cette attitude parce qu’elle ne
dispose pas d’une philosophie du Droit et de sa science si on a le souci de la justifier.

Le Droit naturel permettrait donc une spiritualisation et une universalisation du Droit


positif qui lui ferait défaut. Nonobstant, la distinction existante entre le jus naturale et le Droit
positif, il est d’une importance capitale que ces deux formes de Droit entretiennent de rapports
de force.

De premier abord, une certaine partie de doctrine à rappeler avec force que le Droit
positif est la copie exacte du Droit naturel ayant fait l’objet d’une codification c’est-à-dire que
le Droit positif s’est inspiré du Droit naturel.

Plusieurs règles de Droit, peuvent être citées à titre d’exemple il en est ainsi du viol qui est à
la base une règle de Droit naturel, du meurtre qui s’inscrit dans le même sillage.

La législation française n’a pas eu froid aux yeux en codifiant ces règles du Droit
naturel. En ce qu’est du meurtre par exemple, il est à rappeler que suivant la doctrine de
l’Église catholique, que Caïn considéré comme étant le premier criminel, avait fait preuve de
remords après avoir donné la mort à son frère ; or, à cette époque le Droit positif n’existait pas

91
GUICHARD, S. et DEBARD, T., Lexique des termes juridiques, 22ème Ed. Dalloz, Paris, 2015, p. 388.
54

encore.92Le fait de donner la mort à quelqu’un était considéré comme un comportement


déviant à la société cela en raison du Droit naturel.

Il est à comprendre donc, qu’il n’est possible de parler du Droit positif sans répartir
aux origines, sans parler du jus naturale puis que même pour la doctrine positivisme, le Droit
positif remonte à une époque récente. Grosso-modo, le Droit naturel, est pour le Droit positif
ce qu’est le parfum pour la rose : cf Henry David Thoreau.

§2. Droit romain dans l’Histoire contemporaine

Aujourd'hui, le Droit romain n'est plus appliqué dans la procédure juridique, même si
les systèmes juridiques de quelques Etats comme l'Afrique du Sud ou Saint-Marin sont
encore basés sur le ius commune. Cependant, même là où le Droit est basé sur un code,
nombre de règles dérivent de l'application du Droit romain : aucun code n'a complètement
rompu avec la tradition romaine.

Plutôt, les dispositions du droit romain sont inscrites dans un système plus cohérent et
exprimées dans la langue nationale. Pour cette raison, la connaissance du Droit romain est
utile pour comprendre les systèmes juridiques d'aujourd'hui.

Alors que l'on entreprend l'unification du droit privé parmi les membres de l'Union
européenne, le vieux ius commune, qui est partout la base de la pratique juridique, mais qui
peut tenir compte des coutumes diverses locales, est vu par beaucoup comme un modèle.93

A. Ius civile

Le ius civile (du latin, littéralement « droit des citoyens », originellement ius civile
Quiritum) est le cœur et le fondement du droit romain (ius), tant et si bien que le terme ius
désigne presque toujours le ius civile.

Il désigne le corps des règles qui s'appliquent à tous les citoyens romains et aux préteurs
urbains, les magistrats ayant la juridiction sur les cas impliquant les citoyens.

Il se distingue ainsi du jus gentium, qui concerne les litiges entre citoyens et pérégrins
(étrangers), mais aussi du ius honorarium, qui caractérise les règles édictées par les préteurs
(ou leur « jurisprudence »).

92
CASTALDO André et LEVY Jean-Philippe, Op. Cit., pp.479 et S.
93
DUVERGER, M., Op. Cit., p. 27.
55

1. Droit des gens

« Droit des gens » est une traduction du latin jus gentium (gens, gentis, signifiant «
nation », « peuple ») qui désigne soit les droits minimums accordés aux membres des peuples
étrangers pris individuellement, y compris ennemis (devenus les droits de l’homme), soit le
droit des nations étrangères prises collectivement.94

Le Droit des gens, appelé aussi dans la tradition protestante Droit naturel public, est à
l'origine du droit de la guerre et du Droit international.

2. Jus gentium à Rome

Jusqu'à l'édit de Caracalla de 212, qui accorde la citoyenneté romaine à tous les
hommes libres, le droit romain distinguait les citoyens romains des pérégrins, qui étaient des
hommes libres non citoyens.

Le jus gentium fut ainsi développé par les préteurs pérégrins, créés en 242 av. J.-C., afin de
régler les litiges opposant citoyens et étrangers, notamment dans le cadre commercial : c'était
ainsi un véritable droit commercial qui se développa aux côtés du ius civile, applicable aux
litiges entre citoyens.95

Un type de préteur spécifique, le « préteur pérégrin », fut créé par une loi afin de
trancher ces litiges commerciaux. Peu à peu, néanmoins, les juristes intégrèrent le ius
gentium au ius civile, ce qui favorisa un assouplissement des règles strictement ritualisées de
ce dernier.

B. Ius naturale

Le ius naturale (du latin, littéralement « Droit naturel ») est un concept que les juristes
ont développé pour expliquer pourquoi tous les gens semblent obéir à quelques lois. Leur
réponse est que le « droit naturel » inculqué à tous est un sens commun.96

Les juristes romains se sont demandé pourquoi le ius gentium (les lois qui s'appliquent
aux citoyens romains et aux pérégrins) est généralement accepté par tous ceux qui vivent
dans l'Empire romain. Leur conclusion est que ce droit a un sens pour une personne
raisonnable et ainsi est suivi.
94
DUVERGER, M., Op. Cit., p. 27.
95
DUGUIT, L., Op. Cit.
96
GAURIER, D., Introduction à l’Histoire du Droit International Public, Presses Universitaires de Rennes, 2014.
56

On a donc appelé tout droit qui aurait un sens à une personne normale le ius
naturale. L'esclavage par exemple fait partie du ius gentium de l'Empire car l'esclavage est
connu et accepté comme un fait dans toutes les parties du monde connu, néanmoins il n'a pas
de sens pour une personne raisonnable.

Forcer les gens à travailler pour d'autres n'est pas naturel. Donc l'esclavage fait partie
du ius gentium, et non pas du ius naturale. Il est important de noter, cependant, que le ius
naturale des juristes romains n'est pas le même que celui qu'implique le Droit naturel
moderne.

1. Origine du ius

Le ius naturale a un rôle primordial dans la Rome antique. Il appartient au domaine


de ius, qui signifie droit. Il est donc rattaché au terme de ius civile et ius gentium : ius : L'ius,
le droit romain antique. Il y a ici référence à l'élévation vers les divinités.

Ius civile : le ius civile (terme latin, qui signifie « droit des citoyens », originellement ius
civile Quiritum) est le cœur et le fondement du droit romain, de manière plus générale, le
terme « ius » défini généralement celui de « ius civile » ; ius gentium : C’est le droit des
gens, qui désigne soit les droits minimums accordés aux membres des peuples étrangers pris
individuellement, y compris ennemis, soit le droit des nations étrangères prises
collectivement ; Cicéron (avocat et auteur italien) émet le terme de la res publica.

C’est la traduction latine de la « chose publique ». Cela désigne un Etat gouverné


selon le bien du peuple. La res populi signifie le peuple. Il faut soulever qu’un peuple n’est
pas un regroupement d’homme assimilés au hasard, formée de quelque manière que ce soit
mais plutôt une société cimentée par le iuris consensus. Sans consensus, il est impossible de
voir l’action politique couronnée de succès.97

Cette assimilation a une « utilitas communionis », c’est-à-dire, une participation


bénéfique. Les notions abordées semblent donc toute reliées par le « iuris consensus ».

Ce dernier comprend le ius civile, ius gentium et ius naturale. Ce sont les composants de ius
dans la pensée Romaine.

« Omnes populi, qui legibus et moribus reguntur, partim suo proprio, partim communi
omnium hominum iure utuntur. Nam quod quisque populus ipse sibi ius constituit, id ipsius
97
GAURIER, D., Op. Cit.
57

proprium civitatis est vocaturque ius civile, quasi ius proprium ipsius civitatis: quod vero
naturalis ratio inter omnes homines constituit, id apud omnes peraeque custoditur vocaturque
ius gentium quasi quo iure omnes gentes utuntur ».

Toutes les lois et les coutumes sont en partie propres, elles sont communes et peuvent être
usés par tout homme. Les habitants de la communauté les appliquent eux-mêmes, que leur
ville, est considéré « civile », en tant que droit de l’état particulier : le système naturel
correspond aux décrets placés entre les hommes, définissant les bonnes personnes et utilisés
dans toutes les nations.98

2. Définition du "ius naturale"

Le ius naturale, appelé « loi naturelle » ou « loi de la nature » comprend des principes
juridiques, supposant révéler un raisonnement abstrait, ou être enseignés à toutes les nations et
à tous les hommes d’un point de vue naturel. Cette loi est censée régir les hommes et les
peuples dans un état considérée naturel ou en lien avec les natures.

Cette notion apparaît avant l’apparition des gouvernements organisés ou celle des lois
promulguées. Cette idée / notion provint des juristes philosophiques de Rome et s’élargit
progressivement et devint peu à peu un fondement, une base à tous les systèmes de droit
positif. On la retrouve donc par conséquent plus ou moins dans les lois communes à tous.

Cependant le « ius naturale » comprend lui aussi des sources primaires. L’expression
contient en effet un double sens : d’un côté, on retrouve les références dans lesquelles « ius
naturale » est utilisé d’une manière explicative ou illustrative. D’un autre côté, il y a des
sources, dans lesquelles ius naturale est défini.

De manière définie, la loi naturelle est ce que la nature a enseigné à tous les animaux.
Cette loi n'avait pas le genre, propriété humaine de la nature, mais de toutes les créatures
vivantes, que ce soit dans le ciel, les choses sur la terre ou dans la mer.99

La manière comme Ulpien aborde le problème nous communique que ius naturale est le droit
que la nature a appris à tous les animaux qui vivent sur la terre et dans les eaux, et qui
appartient également aux oiseaux.

3. Caractéristiques du Droit naturel dans les sociétés antiques

98
GAURIER, D., Op. Cit. p. 16. Lire aussi LAFERRIERE, F., Op. Cit., p. 15.
99
GAURIER, D., Op. Cit. p. 16.
58

C’est pendant l’antiquité, par la civilisation grecque que le concept du Droit naturel
reçoit une formulation explicite. Les lois naturelles se trouvent, selon les précurseurs de cette
période historique, dans la nature des choses, ou encore dans l’ordre du monde. Des auteurs
célèbres illustrent cette représentation de « droit ou loi naturel(le) ».

Le premier texte est le passage célèbre d’Antigone de Sophocle où le personnage


invoque une loi éternelle face à la loi positive édictée par le tyran Kréon. L’héroïne impose
aux décrets humains une limite venant d’en haut (des dieux).

Il y eut ensuite les Sophistes qui émettaient une distinction entre nature et loi, puis
Socrate, qui établissait un lien entre le « ius naturale » et la religion. Selon le christianisme,
l’homme garde un pied dans la cité, mais son esprit s’élève au-dessus d’elle. Le Droit naturel
est donc une aspiration à la justice, à la liberté, au bien-être, et Dieu incarne toute cette
perfection.100

Enfin, Aristote affirmait l’existence de lois naturelles, universelles et immuables, qui


ne peuvent pas changer à travers les siècles. Il introduit donc une idée de temporalité en
mettant en avant la pérennité de ce « ius naturale ».

Les romains, influencés par la pensée grecque, se donnent à chercher et à comprendre


cette loi de nature. Cicéron la décrit dans De Republica : « Une seule et même loi éternelle et
immuable qui régit toutes les nations en même temps ».

Par conséquent, l’idée d’un « ius naturale » ne consiste pas à dissocier de l’autre, mais
au contraire, il sert à la construction. L’homme qui suit le courant du Droit naturel est animé
par un esprit de vérité. Dans les sociétés antiques, le concept de ius naturale était un concept
philosophique abstrait, qui varier d’un précurseur à un autre. Son rôle était de dépasser le seul
cadre politique. Il incarnait l’aspiration au bien. Dans la cité, l’homme doit respecter les
engagements qu’il souscris, réparer les préjudices qu’il créé…101

100
Idem, pp. 15-17.
101
GAURIER, D., Op. Cit., pp. 15-17.
59

CHAPITRE 4 : SYNTHESE SUR L’APPARUTION DES


SOURCES DU DROIT

De manière commune, on classe les sources du droit en plusieurs catégories comme


par exemple en sources formelles et sources matérielles, sources écrites et sources non écrites
ou bien encore sources nationales et sources internationales.

La notion de source peut renvoyer à la mise en forme d'une règle existante. Elle peut aussi
correspondre à la création d'une prescription juridique. De manière générale, trois sources du
droit sont présentées en droit français (loi, coutume et jurisprudence) auxquelles la doctrine
s'ajoute comme autorité. Cette conception n'est pas pleinement partagée par d'autres systèmes
juridiques notamment en common law (avec les précédents et l'équité).

SECTION 1 : SOURCES FORMELLES DU DROIT

La coutume, source des plus anciennes, a été essentielle à la formation de règles


juridiques au sein d'un groupe social vivant sur un territoire donné et ayant une force
obligatoire en lien avec le sentiment collectif attaché à cet usage consacré par le temps.
60

Elle a été longtemps orale posant alors la question de sa preuve en justice. Elle a aussi fait
l'objet d'une mise par écrit, la figeant alors, à l'initiative d'autorités diverses (ville, seigneur,
prince...).

§1. Coutume et tradition

Il existe une différence entre coutume(A) et tradition (B). La tradition est universelle et
se présente souvent sous différentes formes selon les pays, mais une tradition n'est pas
toujours à l'échelle nationale, elle peut être familiale. La coutume est une histoire de localité,
de région. Les traditions illustrent l'histoire des peuples.

A. Coutume

Une coutume est une pratique qui s’applique à travers les générations afin de reproduire
et de conserver les mêmes habitudes et les mêmes agissements anciens d’un peuple, d’un pays
ou d’une famille. La coutume et la tradition sont intimement liées et sont souvent associées
mais la tradition peut être définie comme la pensée qui entoure la mise en application concrète
de coutume dans les faits.

B. Tradition

La tradition désigne la transmission continue d'un contenu culturel à travers l'histoire


depuis un événement fondateur ou un passé immémorial (du latin traditio, tradere, de trans « à
travers » et dare « donner », « faire passer à un autre, remettre »).

Cet héritage immatériel peut constituer le vecteur d'identité d'une communauté humaine,
élément pouvant contribuer à son ethnogenèse. Dans son sens absolu, la tradition est une
mémoire et un projet, en un mot une conscience collective : le souvenir de ce qui a été, avec le
devoir de le transmettre et de l'enrichir.

Avec l'article indéfini, une tradition peut désigner un mouvement religieux par ce qui
l'anime, ou plus couramment, une pratique symbolique particulière, comme les traditions
populaires. La tradition est une transmission culturelle qui dure à travers le temps et concerne
des doctrines qui peuvent être religieuses, morales, politiques, etc.

Les traditions se transmettent de génération en génération et il s’agit plus d’une pensée


et d’un état d’esprit qui entoure des faits et des habitudes. 102 Dans le langage courant, le mot

102
CASTALDO, A. et LEVY, J.-P., Op. cit., pp.479 et S.
61

tradition est parfois employé pour désigner un usage, voire une habitude, consacré par une
pratique prolongée au sein d'un groupe social même restreint (par exemple une tradition
familiale).

Le concept de tradition revêt un sens différent dans le mot traditionalisme, qui


représente une volonté de retour à des valeurs traditionnelles, et non de transmission d'un
héritage à travers l'évolution historique. 103 Le traditionalisme est l'opposé du progressisme. Il
ne s'agit donc pas d'une notion directement liée à la définition première de la tradition.

C. Dans la religion

Selon le sociologue Maurice Halbwachs, « la religion entière se résume dans le


processus de traditionalisation ». En Judaïsme on peut citer la tradition des prophètes.

Dans le catholicisme, la Tradition (avec une majuscule) est la deuxième source de la


Révélation avec la Sainte Écriture. Elle la précède dans le temps (la Révélation étant d'abord
orale) et la dépasse en contenu : c'est en effet la Tradition qui définit quels sont les livres
appartenant à la Sainte Écriture, comment les interpréter, etc.

On la définit couramment comme « la parole de Dieu non écrite dans la Bible, mais
transmise par l'enseignement des Apôtres et parvenue comme de main et main jusqu'à nous »,
ou plus simplement comme ce qui a toujours été cru, partout et par tous.

D. Coutume en Droit

Une tradition est, en sociologie, une coutume ou une habitude qui est mémorisée et
transmise de génération en génération, à l'origine sans besoin d'un système écrit.

Des histoires sont bâties pour une ritualisation de la pensée autour d'une manière de faire et de
ses accessoires, désormais fortement relayées par la publicité et les lois.

La coutume est une pratique, un usage, une habitude qui, avec le temps, et grâce au
consentement et à l’adhésion populaire, devient une règle de Droit, bien qu’elle ne soit pas
édictée en forme de commandement par les pouvoirs publics.

Elle est issue d’un usage général et prolongé (repetitio) et de la croyance en l’existence d’une
sanction à l’observation de cet usage (opinio necessitatis).104

103
Idem
104
GUICHARD, S. et DEBARD, T., Op.cit., p. 297.
62

De traditions anciennes et orales peuvent naître peu à peu des traditions modernes et
écrites, à une autre époque, dans un autre contexte. Dans les matières juridiques, la tradition
est la remise de la chose objet d'un contrat. Le terme est issu du latin Traditio, entendu comme
la remise de la chose nécessaire pour former un contrat de vente ou un contrat de prêt en Droit
romain.

§2. Jurisprudence

A la suite de Portalis, il est à reconnaître que l’histoire est « la physique expérimentale


de la jurisprudence […] un vaste champ d’expériences (les seules expériences pratiquement
concevables en matière sociale), et que nous devons consulter, bien moins comme une
révélation de la vérité en soi (qui peut fort bien avoir été méconnue dans les faits), que comme
une pierre de touche, éprouvant le mérite des systèmes, dont elle nous retrace et l’origine et
les destinées ».105

A. La jurisprudence aujourd’hui

La jurisprudence est un « ensemble de règles de droit nées de l'activité judiciaire ».


Elle pose la question du « droit né de l'interprétation » (P. Deumier) en relation avec le rôle
que le juge a joué au cours du temps comme force créatrice du Droit. Telles les compilations
des codes mésopotamiens.

Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance


de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. Il est défendu aux juges de
prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont
soumises.

B. Historique du début de la jurisprudence

La jurisprudence, c’est d’abord, au sens étymologique, la connaissance du Droit :


juris/prudentia. Une connaissance avisée, réfléchie, sage : toutes nuances qui sont contenues
dans le mot prudentia. Elle est développée à la fin de la République par des « sages en Droit »
que l’on désigne à la fois comme jurisprudents et jurisconsultes : car tout en menant une
réflexion prudente sur le Droit, ce sont aussi des spécialistes que les particuliers peuvent venir
consulter sur des questions pratiques.106
105
NADER HAKIM, « Droit naturel et histoire chez François Gény », Clio Thémis -Revue de l’histoire du Droit,
n°9, 2015.
106
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 17.
63

Pourtant, c’est depuis la découverte du code de Hammurabi que doit remonter la


notion de jurisprudence comme on l’entend aujourd’hui, cet ensemble de décisions désigné
comme un « code » et chaque décision comme autant de « lois » ou « articles » relatifs à
différents aspects de la vie de la société babylonienne de la période. Et ce qu’on signale
comme jurisprudence dans la genèse du concept jurisprudence n’est rien d’autre que la
Doctrine d’aujourd’hui.

§3 : La loi, la doctrine et les principes généraux

Il est bon de faire ici un rappel sur lien notionnel avec le Cours de l’Introduction
Générale à l’Etude de Droit. La loi telle qu’enseignée aujourd’hui n’avait pas la même
compréhension aux origines du Droit. Et la vie du Droit est aussi une résultante de la vie
humaine.

A. La Loi

Tout d'abord la loi est conçue comme la source du Droit qui exprime la volonté du
législateur. La loi au sens législatif commence avec la Loi des XII tables. Au fil du temps, le
titulaire de la souveraineté (prince) puis ses représentants (assemblées) ont contribué à
renforcer la place de la norme législative au sein de l'ordre juridique interne. Elle a pu être
considérée, à certaines périodes, comme la source principale voire exclusive de création du
Droit (légicentrisme).

Ainsi, nous pouvons citer des édits, des Décrets, des Rescrits, et des Mandats. Ici, il
est opportun d’envisager le Droit dans sa formation et son évolution en lien avec le pouvoir et
la société qu’il a vocation à régir.

La connaissance du contexte de formation de la règle juridique et de son contenu est possible.


Ceci ramène à signaler différentes sources utiles à la connaissance du passé du Droit. De plus
en plus d’entre elles sont désormais accessibles sur internet quelle que soit leur époque.

Les sources historiques et juridiques éclairent les détenteurs du pouvoir d’élaborer et de dire
le Droit. Elles nous renseignent aussi sur le contenu de la règle et son évolution.

Elles mettent en lumière la vie du Droit qui répond du niveau d’alerte, de l’efficacité
et de la qualité des juristes ou des humains tout simplement.
64

B. Les principes généraux du Droit

La vie du Droit n’existe pas sans la vie humaine. A travers tout le temps, la victoire de
l’Histoire de l’humanité, comme la victoire du Droit, s’est développée en retenant l’essentiel
tout en se débarrassant du périmé.

S’il y a une chose qu’il faut retenir, c’est de savoir que le hasard n’existe pas, il se
provoque, par action ou par omission. A partir du milieu du XII è siècle, le Droit romain et le
Droit canonique s’ouvrent l’une à l’autre pour former en fin un Droit commun de l’Europe.

1. Historiquement

Si les canonistes se mettent au Droit romain, les civilistes ne peuvent ignorer la loi de
l’Eglise. Mais ce qui rapproche le plus surement les deux familles de juristes, c’est l’identité
de leurs méthodes : glose, commentaire, discussion savante.107

On désigne alors l’ensemble formé par les deux droits savants par l’expression Utrumque jus,
« l’un et l’autre droits ». A la fois distincts et complémentaires, Droit civil et Droit canonique
finissent par constituer un double jus commune : le Droit commun de l’Europe.

Dès avant les Invasions, le Droit romain était en train de dégénérer. Il ne faut d’ailleurs jamais
oublier que la compilation de Justinien n’avait pas été promulguée en Gaule, qui échappait à
l’époque à l’Empire romain d’Orient.108

En vertu du principe de la personnalité des lois, les Gallo-Romains continuèrent, après


les Invasions, à pratiquer ce Droit romain. L’Eglise fit de même. Les actes écrits en latin par
des clercs ont longtemps conservé les apparences, au moins extérieures, du Droit romain.
Mais, en fait, ce Droit était très abâtardi, contaminé par les influences germaniques, défiguré
par la procédure ou les preuves barbares. Un jour, il tomba dans l’oubli.

2. Sens des principes généraux

Dans le dernier siècle du Moyen Age, lorsque les civilistes parlent de Droit commun,
ils désignent l’ensemble des règles que la doctrine a tirées des compilations justiniennes et
qu’elle a autant dans cette interprétation que dans la règle initiale.109

107
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 67.
108
CASTALDO, A. et LEVY, J.-P., Op. Cit., p.5.
109
Idem
65

La distinction, systématisée par Bartole, oppose « Droit commun » et « droit propre »


c’est-à-dire particulier (jus proprium).110Le Droit commun ne fixe que les grands principes ;
au-dessous, les droits particuliers, consacrant une grande variété de situation, expriment le
pluralisme institutionnel de l’ancienne Europe.

Les droits propres ont vocation à s’appliquer d’abord ; à défaut, c’est le Droit commun
qui est appelé, en vertu d’une sorte de principe de subsidiarité, à combler les lacunes des
droits propres. Considéré dans son ensemble, l’ancienne Europe possède un Droit commun,
composé de Droit romain et de principes canoniques, œuvre avec une assez grande liberté par
les tribunaux.

Mais, le Droit commun n’est pas un Droit unique : il est dans son principe de laisser
subsister de nombreux droits particuliers (droits propres) applicables localement. 111Par contre
dans le Droit commun des français, remarquons le glissement de sens que subit ici
l’expression Droit commun.

Ce n’est plus seulement, comme dans l’Ancien Régime, un corps de principes généraux
laissant subsister des droits particuliers (ou propres), c’est bel et bien un Droit unique qui se
substitue entièrement aux droits particuliers abolis.112

C. Doctrine juridique et la vie du juriste

La science du Droit s’est élaborée à petits pas sous la République avant de s’épanouir
sous l’Empire. Cela est surtout vrai du Droit privé (A). La science du Droit public, qui est
largement restée l’œuvre des pouvoirs publics (B) par comparaison, s’est peu développée (C).

1. Epanouissement de la science du Droit privé

La science du Droit trouve sa source dans les XII Tables. La loi était difficile à
comprendre en raison de son extrême concision et de sa langue archaïque.

Des éclaircissements étaient nécessaires. D’abord, monopole des pontifes, la science du droit
a commencé par être orale. Puis, elle fit l’objet d’une littérature spécialisée dont le
développement a suivi une progression méthodique. Elle a connu des débuts modestes, sous la
forme d’exploitation de textes (1), avant qu’éclose une véritable doctrine (2).

110
Ibidem, p. 69.
111
CASTALDO, A. et LEVY, J.-P., Op. Cit., p. 97.
112
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 109.
66

a. Des débuts modestes : l’explication de textes

Pour y revenir, ce qu’on appelle à Rome jurisprudence correspond exactement à ce


qu’est aujourd’hui la doctrine. C’est la réflexion fonda mentale sur le Droit, justifiant à
l’occasion une activité de consultation.113Ces consultations étaient appelées des « réponses »,
responsa. Au début de la République seuls les pontifes, premiers spécialistes du Droit,
pouvaient donner des consultations.

A la fin du IIIè siècle av. J.-C., le collège pontif perd son monopole juridique et
l’on voit apparaitre, après l’an 200, les premiers jurisconsultes laiiques. Ce sont, au début, des
purs praticiens, des hommes qui pratiquent le Droit en répondant à des questions posées par
leurs clients.114 Après la divulgation des principes du Droit et celle des formules judiciaires,
l’exégèse orale fait place à une exégèse écrite.

Apparaît une littérature spécialisée qui fait la somme des interprétations auparavant
orales, d’abord sur le code décemviral (la loi des XII Tables élaborée par les décemvirs), puis,
sur les formules. A ses débuts, cette littérature n’est rien d’autre qu’un simple mot à mot.

Ce n’est encore qu’une interprétation littérale qui traduit les textes dans un langage
plus accessible. Ce travail tient de la définition et de l’explication de textes. Il colle aux textes
qui sont suivis pas à pas. Peu à peu cependant, au cours du IIè siècle, après la conquête de la
Grèce par les Romains, la culture grecque pénètre en Italie.

Les jurisconsultes se mettent à lire Platon, Aristote et les Stoïciens. Et ils deviennent
alors, au sens plein du mot, « jurisprudents ». Appliquant au Droit les catégories générales de
la Philosophie, ils dépassent l’approche casuistique (le cas par cas) pour découvrir des notions
abstraites. Ils passent ainsi au niveau de la simple pratique à celui de la théorie du Droit. 115

Au début du IIème siècle avant J.-C., Sextus Aelius Paetus livre, dans ses Tripertita,
une première synthèse de l’interprétation des XII Tables.

Quelque temps après, Caton fournit, dans ses Commentarii iuris civilis, le premier guide
pratique sur le formulaire de Flavies. Ces initiateurs feront école et les deux genres de
littérature poursuivront des carrières séparées.

113
Idem, p. 17.
114
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 18.
115
Idem
67

Le commentaire de la loi des XII Tables se poursuivra jusqu’au IIème siècle de notre
ère (Libri ad duodecim tabulas, dont les grands noms ont été Acilius, Labéon, Gaius). Mais
face à une loi de plus en plus vieille, ce fut le commentaire du formulaire qui engendra le
genre prépondérant, les Libri iuris civilis.

b. L’éclosion de la doctrine : vie du juriste et vie du Droit

Les « jurisprudents » romains prennent une part active à la vie juridique en donnant des
consultations, en rédigeant des actes juridiques, en dirigeant des procès pour le compte d’un
particulier. Ils publient non seulement leurs consultations, mais aussi des commentaires sur le
Droit en vigueur, civil et prétorien.

Ce sont eux qui conseillent les préteurs successifs et qui leur inspirent, selon les besoins
du moment, ces nouvelles formules juridiques qui ont fait si profondément évoluer le Droit.
Au milieu du IIème siècle avant J.-C., trois juristes passent pour avoir « fondé le Droit civil
» : Manlius Manilius, Marux Junius Brutus et Publius Mucius Scaevola.

Ils constituent de meilleurs formulaires et surtout, ils passent de l’interprétation littérale


à l’exposé continu. Le fils de Publius Mucius, Quintus Mucius Scaevola, est le premier, dit-
on, à « organiser le droit civil ».

Non seulement il introduit dans son œuvre une classification (par « genres » et par «
espèces »), mais il jouit à l’exposé des propositions doctrinales sous forme de regulae, des
règles. Il s’agit de brèves maximes qui ne sont pas présentées comme des nouveautés, mais
comme des préceptes jusqu’alors implicites que le juriste n’a fait que découvrir.

La voie est ouverte à la généralisation. On progressera ensuite dans le sens de


l’abstraction et de l’énoncé de règles générales, permettant de simplifier les traités. Un
exemple suffira : les Libri iuris civilis de Q. Mucius Scaevola comprenaient 18 livres ; un
siècle plus tard, Masurius Sabintus fournit un ouvrage sur le même thème, mais son traité ne
comprend plus que 3 livres.
68

Le mince traité de Sabinus deviendra la base de grands commentaires (Libri ad


Sabinum) des plus grands juristes (Pomponius, Ulpien et Paul notamment). On mesure le
chemin parcouru : à partir d’un simple formulaire s’est élaboré un corps de doctrine.

Et ce qui est vrai pour le commentaire des formules le sera également pour les autres
types de littérature doctrinale apparus plus tard. Ce sera le cas, notamment, des commentaires
sur l’édit du prêteur qui reçoivent leurs lettres de noblesse avec Labéon au début du Principat.

Ce genre sera ensuite cultivé par les plus grands, par exemple, Pomponius, puis Paul et
Ulpien. La littérature jurisprudentielle comprend aussi des recueils de responsa (consultations
réelles), des quaestiones (cas d’école) ainsi des digesta, c’est-à-dire, juxtaposant droit civil et
droit prétoriens.

A la fin de l’époque classique, la doctrine a submergé sous ses vastes commentaires


toutes les anciennes sources du Droit (lois, édits, sénatus-consultes). Elle est devenue
dépositaire du « vieux Droit ». Devant elle, ne subsistent plus que les constitutions impériales,
génératrices d’un « Droit nouveau ».

Pourtant, il est à noter que le régime politique impacte sur le développement du Droit.
De ce fait, la transformation de la République en un régime où l’empereur, premier magistrat,
s’impose désormais à tous les autres, ne pouvait aller sans conséquences juridiques.

La jurisprudence va connaitre son apogée, la loi votée par les Comices et l’édit du
préteur 68 connaissent un rapide déclin. 116 Une autre source créatrice de Droit prend place,
c’est l’empereur.

2. Empereur, source du Droit

En l’an 27 Auguste Octave est considéré avoir amené la Pax Romana. La population lui
confère en échange le titre de Princept à vie. Ainsi disparait la République, c’est le Principat
romain, le régime impérial, le retour à l’empire.

La loi change de source et même d’appellation. Il est mis en place des constitutions
impériales. On a rapidement considéré qu’une réponse de l’empereur concernant un cas
particulier avait vocation à régler toutes les affaires du même type : ainsi les décisions de
l’empereur se rapprochent peu à peu de la loi. 117 De fait, dès le milieu du IIè siècle, on lui

116
CARBASSE, J.-M., Op. Cit., p. 18.
117
Idem, p.119.
69

reconnait une autorité comparable à celle de l’ancienne loi votée par le peuple : pour Gaius, la
constitution impériale « a valeur de loi ».

Pour Ulpien, l’un des derniers grands jurisconsultes, au début du III è siècle : « ce qui
a paru convenable au prince a force de loi ». Ce que veut le prince, et qu’il exprime par un
acte public, doit être désormais considéré comme une loi.

Gaius et Ulpien justifient leur position par un argument qui prendra par la suite une
importance considérable : si le prince peut « faire la loi », c’est parc que le peuple romain,
autrefois titulaire du pouvoir législatif, le lui a expressément délégué ; et cette délégation a été
opérée par la loi d’investiture de l’empereur.118

On distingue quatre sortes de constitutions :

- Les édits, comme tout magistrat, le prince a le droit de promulguer des édits, a le jus
edicendi. Les édits sont des prescriptions d’ordre général, des textes à caractère
général ;
- Les Décrets sont des jugements personnels du roi. C’est-à-dire qu’à côté des
prescriptions générales, l’empereur prend aussi des décisions particulières. Les unes
sont de nature judiciaire (Décrets), les jugements rendus par le prince dans le cadre de
son conseil ;
- D’autres sont les mandats, ce sont des réponses de l’empereur ;
- Enfin l’empereur peut dire le Droit par rescrit. Il s’agit d’une réponse faite par le
prince à une question d’ordre juridique ou administratif qui lui a été posée, en général
par un fonctionnaire.

SECTION 2 : CODIFICATION, DECODIFICATION ET REVOLUTION DU


DROIT

La fin du IIIè siècle ouvre une nouvelle époque, marquée par l’alourdissement du
pouvoir impérial. L’empereur est désormais la source unique du Droit. Au IVè siècle on dit
qu’il est la « loi vivante ».

Les lois impériales se multiplient tout au long des IVè et Vè siècles, aussi bien en
Occident qu’en Orient. Dans un contexte de crise l’Etat régit par la multiplication des

118
CARBASSE, J.-M., Op. Cit., p.120.
70

règles,119qui nécessite une codification (§1). Cet attrait à la codification avait eu comme
conséquence la sacralisation de la loi sous les impulsions des lumières(§2). C’est avec le
mouvement de décodification et l’apparition des droits de l’homme que le Droit pouvait être
considéré à nouveau comme ne pouvant pas être une science exacte (§3).

§1. Codification

L'application pratique du droit romain et de l'ère du ius commune européen prend fin
quand les codifications nationales sont faites. En 1804, le code civil napoléonien français
entre en vigueur.

Au cours du XIXe siècle, nombre d'états européens adoptent le modèle français ou


rédigent leurs propres codes. En Allemagne, la situation politique rend impossible la création
d'un code de lois national.

Depuis le Droit romain du XVIIe siècle, en Allemagne, a été grandement influencé


du droit (coutumier) domestique que l'on a appelé usus modernus Pandectarum. Dans
quelques régions d'Allemagne, le Droit romain continue à être appliqué jusqu'à en 1900.

L’apparition du concept code est facilitée par le fondement très pratique (A) même si à
Mésopotamie il est fait déjà usage de la compilation des décisions de justice sans oublier que
le terme code est une qualification postérieure des spécialistes (B).

A. Fondement de la codification

Les prolifèrent, formant une masse de plus en plus difficile à manier. C’est pour tenter
de mettre de l’ordre dans ce chaos législatif qu’apparaissent, à la fin du IIIè S, les premières
compilations.120 On appelle ainsi des recueils de décisions classées dans un certain ordre, ce
classement permettant de les retrouver plus aisément. Vers 292, sont publiés deux codes,
œuvres privées des juristes Grégoire et Hermogène.121

119
Idem, p. 123.
120
CARBASSE, J.-M., Op. Cit., p. 23.
121
Idem, p.72.
71

B. Apparition du concept

Le mot « code », qui fait son apparition à ce moment-là dans le vocabulaire juridique,
n’est pas propre au Droit. Il désigne en général une nouvelle manière de présenter les textes
écrits : celle qui nous est aujourd’hui la plus familière, celle du livre.122

Jusqu’au IIèS en effet, la forme la plus fréquente était celle du rouleau (volumen, le «
volume ») ; pour lire, il fallait dérouler le texte d’un côté et l’enrouler de l’autre. Au IIIè S, se
répand la nouvelle technique du codex : une série de feuilles distinctes, rectangulaires,
superposées et reliées ensemble par un côté.

Ce fut une véritable révolution, d’abord parce que les anciens volumes, désormais
démodés, durent être massivement retranscrits sur des codes ; mais aussi parce que cette
nouvelle présentation rendait plus facile la consultation d’un texte abondant. C’est pour cette
raison de commodité que le mode du codex a été rapidement adopté par les juristes, au point
que le mot « code » est devenu par excellence (mais non exclusivement) un terme de Droit.

§2. Courants des lumières

Dans la Philosophie traditionnelle, celle, pour simplifier, de Thomas d’Aquin, la raison


humaine est considérée comme un don de Dieu : C’est le créateur qui a doté l’être humain
d’une compréhension du monde. Mais l’homme n’est qu’une créature imparfaite et sa raison
reste limitée, voire infirme.123

A. Les lumières

Au XVIII è siècle, la conception traditionnelle est remise en cause. Pour les lumières,
rien n’est impossible à la raison humaine qui est proclamée souveraine.

Les progrès des sciences exactes, surtout ceux de la physique à partir de Newton, conduisent
les philosophes des lumières à considérer l’Univers comme une vaste machine, organisée
selon des lois mathématiques et donc, à terme, parfaitement connaissables.124

En réalité, il s’agit de l’antichristianisme qui est ainsi un ressort majeur des lumières ;
Voltaire, Diderot, Helvétius, D’Holbach s’en feront les champions. Cependant, la religion

122
Ibidem, p. 23.
123
CARBASSE, J.-M., Op. Cit., p. 99.
124
Idem
72

n’est pas la seule cible des partisans du progrès ; toutes les institutions traditionnelles sont
soumises à la même critique, et rejetées comme des « vieilleries ».125

B. Influences juridiques

➢ Au nom de la rationalité juridique les ordres privilégiés sont condamnés. Il n’est pas
logique, estiment les senseurs des coutumes, que des règles différentes s’appliquent en même
temps dans les diverses Provinces d’un même Etat. Qu’il n’y ait qu’un poids, qu’une
coutume, qu’une mesure, telle est la conclusion de Voltaire.

➢ Le siècle des lumières a eu le culte de la loi, l’amour de la loi : nomophilie. Une fois la
société créée de toutes pièces par le contrat social, la loi intervient d’abord pour organiser
politiquement cette société et régler le jeu des pouvoirs : c’est la loi fondatrice, « constitutive
» de l’Etat, la constitution.

Mais il faut aussi des lois pour assurer le fonctionnement ultérieur de la société, sa vie
paisible- ce sont les lois « ordinaires ».126

➢ Le principe d’une légalité stricte par réaction contre le principe traditionnel de


l’arbitraire des juges », on demande des lois très précises, afin que le juge n’ait même pas à en
« chercher l’esprit ». Tel un automate, il devra s’en tenir à l’application littérale et mécanique
du texte sacré. La société n’est plus conçue comme un organisme naturel, mais comme une
vaste machine construite de toutes pièces par les législateurs.

C. Révolution du Droit et apparition des droits de l’homme

Homme machine, société machine : nous sommes à l’origine de ce que l’on appellera
plus tard l’« ingénierie sociale » idée maitresse de toutes les technocraties. Comment concilier
cette conception avec l’idéal démocratique ? La révolution va tenter d’apporter une réponse.

1. Révolution du Droit

La Nation souveraine. Si l’ancienne France était une patrie (comme dans la conception
romaine, la terre des pères, patres, placée sous l’autorité « paternelle » du roi), la France
nouvelle se veut d’abord une Nation.

125
Ibidem, p.100.
126
CARBASSE, J.-M., Op. Cit., p. 100.
73

La Nation est souveraine, elle est représentée. Et les théoriciens les plus hardis n’hésitant pas
à opposer les « droits de la Nation » à ceux du monarque. Là-dessous vient se greffer,
souvenir de Montesquieu, l’idée de séparation des pouvoirs.127

2. Droits de l’homme et la loi

C’est dans la ligne des Déclarations américaines, adoptées au début de la guerre


d’Indépendance par la Virginie (juin 1776), la Pennsylvanie (septembre 1776), le Delaware
(septembre 1776), le Maryland (novembre 1776), la Caroline du Nord (décembre 1776), le
Massachusetts (mars 1780), et qui s’inscrivent elles-mêmes dans la tradition du Bill of Right
anglais de 1689, celle de Locke.128

La Déclaration de 1789 semble donc s’y rattacher aussi. On part d’un point de vue
libéral, celui qui remonte à Locke et à Montesquieu : il s’agit non pas d’instituer, mais
simplement de déclarer les « droits naturels, inaliénables et sacrés » de l’homme.

Que ces droits préexistent au pacte social (droits de l’homme stricto sensu) ou qu’ils
en résultent (droits du citoyen), ils constituent en tout état de cause des barrières que l’Etat ne
saurait franchir ; toute tentative de cette sorte serait oppressive et légitimerait la résistance des
citoyens.129Cette conception libérale dicte l’article 2 de la Déclaration : « Le but de tout
association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme.
Ces droits sont : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».

§3. Décodification

Il est constaté un assouplissement de la légalité (A). Le Code civil d’alors se présente


comme un texte qui était un véritable fourre-tout (B).

A. Assouplissement de la légalité

Ce qui marque le mieux le caractère transactionnel du Code, c’est l’assouplissement


du principe de légalité. Le Code pénal de 1791, mettant en œuvre le strict légalisme des
lumières, ne comptait que des peines fixes, ce qui ne laissait aux juges aucune marge
d’appréciation. Cette fixité absolue des sanctions pénales avait beaucoup gêné les

127
Idem, p. 103.
128
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 103.
129
Idem, p. 106.
74

tribunaux.130 Comme le remarquait Target, la variabilité infinie des actions humaines


condamne la fixité des peines.

C’est pourquoi le Code pénal de 1810 établit pour certaines infractions un maximum et
un minimum de peine, les juges pouvant « arbitrer » entre ces deux limites en fonction des
circonstances de chaque espèce. Comme en matière civile, c’est la conception du juge
automate qui recule, c’est un meilleur équilibre qui s’instaure entre le juge et la loi. 131

B. Spécialisation progressive de la loi

De manière générale, le fait que le Droit privé se développe de plus en plus en dehors
du Code, par une série de lois spéciales, était un signe inquiétant de désaffection à l’égard de
celui-ci : on a parlé de « décodification ». Dans la suite, on le voit bien, l’évolution de
l’économie mondialisée est tellement rapide que le Droit est le plus souvent à la traine. C’est
plus les lois de la concurrence. Dans tous les cas, l’évolution du Droit dans le temps montre
que le hasard n’existe pas, on le provoque.

SECTION 3 : ENSEIGNEMENT DU DROIT

Les Romains ont été le premier peuple à organiser un enseignement du Droit (§1). Les
manuels par lesquels les jeunes gens se familiarisaient avec la matière occupent une place à
part dans la littérature juridique : ce sont les seuls ouvrages où, pour des raisons
pédagogiques, se manifeste un souci de systématiser le Droit (§2). Malgré tout, la branche du
Droit public apparait comme étant moins avancée (§3).

§1. De l’initiation à l’enseignement

Durant des siècles, la connaissance du droit ne fit pas l’objet d’un enseignement au sens
strict, mais plutôt d’une sorte d’initiation. On faisait son apprentissage en assistant aux
consultations des juristes.

Dans le cercle familial d’abord – on connaît des dynasties de juristes qui se


transmettaient leur savoir de bouche à oreille, puis, dans les cours privés inaugurés par
Tiberius Coruncanius, cours auxquels les juristes admettaient des jeunes gens qu’on leur avait
préalablement présentés. C’est ainsi que Cicéron fut introduit par son père auprès d’un des

130
Ibidem, p. 120.
131
CARBASSE, J.-M., Op. cit., p. 120.
75

plus grands juristes de son époque, Q. Mucius Scaevola. Le droit faisait partie du bagage
indispensable à un homme de la bonne société.

Par rapport à l’Histoire du Droit comme méthode, en remontant à l'époque des doctores
tholosanum, puis en suivant le fil des siècles, jusqu'à l'âge d'or de l'humanisme juridique, on
s’aperçoit déjà que l’Histoire a souvent été présente dans l'argumentation des jurisconsultes. 132
Puis au XVIIe siècle, ce sont les méthodes érudites des historiens mauristes qui ont « inventé
» les bases d’une Histoire du Droit moderne, en mettant à la disposition des savants un vaste
corpus de sources juridiques. Parmi les précurseurs français, une attention particulière a été
portée à deux auteurs de l'époque de Louis XIV : Eusèbe de Laurière et l’abbé Fleury, l’un et
l'autre partisans du droit français.133

La « passion » pour l'histoire et le goût pour une recherche érudite du ius proprium n'a
pas été moins forte dans l'Italie du XVIIIe siècle, comme le montre aussi une étude sur le
jurisconsulte lombard, Gabriel Verri. Enfin, l’Histoire est présente même dans les
préoccupations de ceux qui passent d'ordinaire pour des praticiens peu préoccupés de
spéculations théoriques. C’est le cas, par exemple, des Ferrière, père et fils ; une dernière
contribution réhabilite de ce point de vue au moins Claude-Joseph de Ferrière, auteur comme
son père de nombreux ouvrages de pratique, mais qui fut aussi professeur de Droit civil et qui
a composé pour ses étudiants une Histoire du droit romain, écrite en français : une véritable
audace pour l’époque.134

§2. Les manuels d’enseignement

Le point faible de la littérature juridique romaine tenait à la présentation de sa substance.


Pour autant que l’on puisse en juger, car notre information reste incomplète, les différents
thèmes étaient énumérés dans un ordre utile où le juriste se retrouvait facilement, mais qui n’a
rien de commun avec l’ordre systématique auquel nous sommes habitués aujourd’hui.
Langage, concepts, catégories, méthode, principes, divisions, …

Voilà l’apport impérissable du Droit romain. Cet outillage s’est révélé beaucoup moins
sujet à changement que le contenu matériel des normes juridiques.
132
POUMAREDE, J., Histoire de l’Histoire du Droit, Actes des Journées internationales de la Société d’Histoire
du Droit Toulouse, 1-4 juin 2005, Ed. Centre Toulousain d’Histoire du Droit et des Idées politiques, Toulouse,
2006, p. 13.
133
Idem
134
Ibidem
76

Parlant des précurseurs, il n’en est pas moins vrai que c’est le XIXe siècle, « le siècle de
l’Histoire», qui a vu la Fondation d'une discipline. Huit contributions apportent ici des
éclairages divers sur le processus assez complexe qui a fait d’un genre littéraire une matière
enseignée dans des cursus universitaires et lui a octroyé une reconnaissance académique par la
création de chaires. Le nom d’Henri Klimrath ne pouvait apparaître qu'en première ligne de
cette deuxième partie, tant la figure romantique du jeune juriste strasbourgeois reste attachée
au combat mené contre l’Exégèse, au nom de l’historicisme. 135 L’étude qui lui est consacrée
montre que son œuvre, pourtant inachevée, est plus riche que les quelques idées dans
lesquelles on l’enferme souvent et qu’elle ne se résume pas, sur le plan de la méthode, à la
seule géographie coutumière. Charles Guillaume Hello, l’érudit magistrat qui fait l’objet de la
deuxième contribution est, sans doute, moins connu mais sa manière de participer à
l'édification de l’histoire du droit méritait d’être révélée pour son originalité : inculquer le
respect du droit par la rédaction d'une biographie édifiante des grands jurisconsultes, voilà
bien l’idée d'un notable libéral de la monarchie de Juillet ! Les trois contributions qui suivent
présentent les circonstances dans lesquelles ont été créés les premiers cours d’histoire du droit
et les professeurs qui en ont été chargés, dans plusieurs facultés de province : respectivement
Toulouse, Bordeaux et Rennes.136

§3. Inachèvement de la science du Droit public

Par rapport à la science du Droit privé, celle du Droit public fait un peu figure de parent
pauvre. La supériorité du Droit privé romain vient de ce qu’il a été construit par les
jurisconsultes. Ils en ont dégagé les notions générales, puis les ont exposées en dehors de leurs
applications particulières.

Le Droit public romain ne s’est pas construit de la même manière. Il est largement resté
l’œuvre des pouvoirs publics. La littérature de Droit public (du moins celle qui nous est
parvenue) se compose d’ouvrages réunissant des instructions pour l’exercice de magistratures.

Elle poursuit un but éminemment pratique ; il s’agit de fournir à leurs titulaires les
renseignements nécessaires à l’exercice de leurs charges. La science du Droit n’a jamais
atteint dans ces matières la perfection qu’elle a connue en Droit privé.

135
POUMAREDE, J., Op. cit., p. 14.
136
Idem
77

Nous ne connaissons pas à Rome de grands traités de Droit public comparables à ceux du
Droit privé. Les juristes ne sont pourtant pas restés étrangers à la notion d’un Droit public
désigné du nom de ius publicum (quoique l’expression soit à Rome quelque peu ambigüe).

Ulpien le distingue nettement du Droit privé en lui assignant un objet propre : « le ius
publicum est ce qui regarde l’état de la chose romaine – et donc l’organisation de l’Etat – le
ius privatum ce qui concerne l’utilité des particuliers ».

Le critère de la distinction est tiré des intérêts que le Droit prend en considération : utilité
publique ou utilité des particuliers. Quant au contenu du « Droit public », Ulpien se borne
ensuite à énumérer brièvement les institutions de l’Etat romain. Ni de lui, ni d’aucun autre
jurisconsulte, nous ne possédons d’exposé synthétique sur les notions, les catégories de
pensée juridique qui se réalisent dans les institutions. A ce point que l’on a pu dire que le
premier auteur qui a écrit un traité de Droit public romain, est un savant allemand du XIXème
siècle, Théodore Mommsen !

Les juristes romains s’en sont tenus à une approche plus institutionnelle que juridique.
Pour une raison majeure : c’est qu’ils abondaient le Droit à partir de la procédure. En Droit
public, ils se sont heurtés à une impossibilité technique, celle de soumettre cette branche du
Droit dans sa totalité à un contrôle ressemblant à la juridiction du Droit privé.

Les données du Droit public romain sont alors demeurées, pour l’essentiel, éparses. De
cette dispersion, le Droit constitutionnel surtout a souffert. Les vicissitudes du pouvoir
politique n’y sont pas étrangères.

Cette branche du Droit a d’abord pâti de la longue crise de la République, puis de la


réticence du pouvoir sous le Principat. L’empereur ne tenait guère à ce que le Droit
constitutionnel fût exposé à la discussion et à l’analyse scientifique. Et plus le régime évolua
vers l’absolutisme, plus il fut impossible politiquement d’enfermer dans un cadre normatif
une structure étatique qui tendait vers la soumission de tout et de tous à la volonté
incontrôlable de l’empereur.

Mais, si les juristes romains n’ont pas construit scientifiquement le Droit public dans
son ensemble, leur activité s’est cristallisée sur certaines branches qui donnaient lieu à des
jugements : Droit pénal, Droit fiscal, Droit militaire, Droit des fonctions publiques. Leur
apport le plus fécond pour l’avenir fut d’avoir dégagé un Droit propre à l’exercice de la
puissance publique.
78

INDICATION BIBLIOGRAPHIQUE

I. OUVRAGES

1. CARBASSE, J.-M., Histoire du Droit, 14ème Ed. Que sais-je ?, Paris, 2021.

2. CASTALDO, A. et LEVY J.-P., Histoire du Droit civil, 2ème Edition Dalloz, Paris,
2010.

3. DUVERGER, M., Histoire du Droit Privé, Presse Universitaire de France, Paris,


1971.

4. FERREIRA, O., Histoire de la construction de l’Etat, Ed. Ellipses, Paris, 2022.

5. HILAIRE, J., Histoire du Droit, 14ème Ed. Dalloz, Paris, 2017.

6. GALERAN, B. et HENOCQ, K., Histoire des idées politiques, 2ème Ed. Gualino,
Paris, 2022.

7. GARRISSON, F., Histoire du Droit et des institutions, T. 1 (Le pouvoir des Temps
féodaux à la Révolution). Histoire du droit et des institutions. T. II (La société des Temps
féodaux à la Révolution), Ed. Montchrestien, Paris, 1983.

8. GAURIER, D., Introduction à l’Histoire du Droit International Public, Presses


Universitaires de Rennes, 2014.

9. GAZZANIGA, J.-L., Introduction historique au droit des obligations, P.U.F., Coll.


Droit Fondamental (dirigée par S. Rials), Paris, 1992.

10. GUICHARD, S. et DEBARD, T., Lexique des termes juridiques, 22ème Ed. Dalloz,
Paris, 2015.

11. LAFERRIERE, F., Histoire du Droit français, Tome premier, JOUBERT, Paris, 1838.
12. POUMAREDE, J., Histoire de l’Histoire du Droit, Actes des Journées
internationales de la Société d’Histoire du Droit Toulouse, 1-4 juin 2005, Ed. Centre
Toulousain d’Histoire du Droit et des Idées politiques, Toulouse, 2006.
79

13. ROULAND, N., Introduction historique au Droit, Presses Universitaires de France,


1998.

14. UNICEF, Histoire du Droit des enfants, UNICEF France, 2010.

15. VON JHERING, R., traduite de l'allemand par O. DE MEULENAERE, Histoire du


développement du Droit romain, œuvre posthume, LIBRAIRIE A. MARESCQ, Paris,
1900.

II. ARTICLES ET AUTRES DOCUMENTS

16. CARTIER, E., « Histoire et Droit : rivalité ou complémentarité ? », Presses


Universitaires de France, Revue française de Droit constitutionnel, Paris, 2006/3 n° 67,
pp. 509 à 534.

17. COMMAILLE, J. et OST, F., « A quoi (nous) sert le Droit ? », Conférence tenue à
l’Université Louvain-La-Neuve, 16 mars 2017.

18. FERRAND, J., « Brèves intempestives sur le sens de la peine saisi dans une
perspective historique », Collège international de Philosophie, n°93, 2018, pp. 8 à 27.
19. GARNIER, F., Introduction historique au Droit, Université Numérique Juridique
Francophone, Cours lu en ligne le 29 octobre 2020.

20. PAOLO ALVAZZI DEL FRATE, « Justice, individualisme et Droit naturel de la


procédure », Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2014, pp. 395-412, en ligne.
80

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION................................................................................................................................1
A. PREREQUIS.............................................................................................................................2
B. OBJECTIFS DU COURS........................................................................................................2
1. OBJECTIFS GENERAUX..................................................................................................2
2. OBJECTIFS SPECIFIQUES...............................................................................................2
C. COMPETENCES.....................................................................................................................3
D. CONTENU DU COURS...........................................................................................................3
E. MODE D’EVALUATION........................................................................................................4
F. METHODOLOGIE ET TECHNIQUE DE COMMUNICATION.......................................4
CHAPITRE 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE ET CONCEPTUELLE..............................5
SECTION 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE.....................................................................5
§1. Droit, méthode et approche historique en Droit...................................................................6
§2. Histoire classique, méthode et approche historique.............................................................7
§3. Histoire et Droit : Acteurs et interdisciplinarité...................................................................8
SECTION 2 : DEVELOPPEMENT DU DROIT SELON LES PERIODES DE L’HISTOIRE
.........................................................................................................................................................15
§1. Périodes classiques de l'Histoire et Droit de la Préhistoire................................................15
§.2 : Droit renseigné dans les périodes classiques.....................................................................16
CHAPITRE 2 : GENESE DES CONCEPTS...................................................................................21
SECTION 1. NAISSANCE DE LA NOTION DU DROIT..........................................................21
§1. Code d’Ur-Nammu...............................................................................................................21
§2. Le Code d’Hammurabi........................................................................................................23
SECTION 2. CREATION DU CONCEPT DROIT.....................................................................31
§1. Conceptions allemande et grecque de la naissance du Droit.............................................32
§2. Rome antique – 753/476.......................................................................................................37
CHAPITRE 3 : ORIGINE PLURALISTE DU DROIT..................................................................47
SECTION 1. DANS LA RELIGION.............................................................................................47
§1. Dans le judaïsme et l’Islam..................................................................................................47
§2. Dans le christianisme............................................................................................................50
§3. Selon les courants idéologiques............................................................................................50
SECTION 2. QUEL DEVELOPPEMENT DANS L’HISTOIRE PLUS PROCHE ?...............51
§1. Droit divin et Droit naturel..................................................................................................51
81

§2. Droit romain dans l’Histoire contemporaine......................................................................54


CHAPITRE 4 : SYNTHESE SUR L’APPARUTION DES SOURCES DU DROIT.....................60
SECTION 1 : SOURCES FORMELLES DU DROIT.................................................................60
§1. Coutume et tradition............................................................................................................60
§2. Jurisprudence.......................................................................................................................62
§3 : La loi, la doctrine et les principes généraux......................................................................64
SECTION 2 : CODIFICATION, DECODIFICATION ET REVOLUTION DU DROIT........70
§1. Codification...........................................................................................................................71
§2. Courants des lumières..........................................................................................................72
§3. Décodification.......................................................................................................................74
SECTION 3 : ENSEIGNEMENT DU DROIT.............................................................................75
§1. De l’initiation à l’enseignement...........................................................................................75
§2. Les manuels d’enseignement................................................................................................76
§3. Inachèvement de la science du Droit public........................................................................77
INDICATION BIBLIOGRAPHIQUE..............................................................................................79
I. OUVRAGES................................................................................................................................79
II. ARTICLES ET AUTRES DOCUMENTS...............................................................................80

Vous aimerez peut-être aussi