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INTRODUCTION

Saisir la formation et l’expression du Droit mais le sens, la portée et l’évolution des règles
juridiques dans la longue période et pour des espaces divers est utile au juriste contemporain.

Le Droit ne se limite pas à la seule règle.1 Dans une nécessité d’interdisciplinarité, éclairer
le Droit par l’Histoire permet de mieux comprendre au sein des sociétés, notamment en Europe
et en Afrique, la place et le rôle des acteurs juridiques et judiciaires, de la diversité des normes
ainsi que leur évolution en lien avec leur contexte.2 Dévoiler les enjeux sociaux « palpitant »
sous la norme, saisir le Droit dans l’« épaisseur » de ses développements et, par-là, ouvrir les
savoirs et composer avec l’incertitude. Cet univers d’interdisciplinarité déroutera sans doute les
juristes positivistes de stricte observance. Mais cette « posture de recherche mal assurée de ses
résultats » s’avère des plus fécondes pour approcher au plus près les sinuosités du réel. 3

A. PREREQUIS

En plus de l’intérêt à porter aux cours de l’Introduction Générale à l’Etude de Droit, au


Droit constitutionnel, au Droit économique et au Droit civil : Les personnes, l'étudiant est
encouragé à élargir ses connaissances générales en Histoire politique de la RDC, de l’Afrique
et de l’Europe.

B. OBJECTIFS DU COURS
Il est fait mention ici des objectifs généraux et spécifiques.

1. OBJECTIFS GENERAUX

Le Cours de l’Historique du Droit vise à mettre en perspective le Droit positif, de décrire


les racines historiques du Droit, de l’Antiquité jusqu’à la période contemporaine, les sources

1
COMMAILLE Jacques et OST François, A quoi (nous) sert le Droit ? Conférence tenue à l’Université Louvain-
La-Neuve, 16 mars 2017.
2
CARTIER Emmanuel, Histoire et Droit : rivalité ou complémentarité ? Presses Universitaires de France, « Revue
française de Droit constitutionnel », Paris, 2006/3 n° 67, pp. 509 à 534.
3
LE BRIS Catherine, Le Droit comme « langage de la société », Éditions juridiques associées, « Droit et société
» 2014/3 n° 88, pages 747 à 758.
2

créatrices du Droit que sont la coutume, la jurisprudence, les principes généraux du Droit, la
doctrine, et la loi.

Sans suivre une période définie, l’enseignement, tout en décrivant les processus d’élaboration
de la règle de Droit ainsi que le mode de diffusion de cette dernière, notamment par les
Universités, illustrera le propos à partir de quelques institutions juridiques tels que le mariage
et la filiation, les contrats, la propriété, le pouvoir, le sénat, etc.

2. OBJECTIFS SPECIFIQUES

Le Cours d'Histoire du Droit a inévitablement un caractère introductif. Il sert à initier


l'étudiant aux multiples facettes du Droit par la voie de son développement envisagé sur une
longue durée. L'objectif principal est que le futur juriste puisse prendre conscience du fait que
le Droit et ses institutions sont des phénomènes contingents, résultat non d'une élaboration
arbitraire, mais de l'action de multiples facteurs extra-juridiques (politiques, économiques,
sociaux, religieux, etc.). La comparaison dans le temps et dans l'espace doit favoriser une
approche critique : saisir la spécificité de la méthode juridique et ses limites ; elle vise à mieux
faire appréhender les institutions et le Droit actuels, non seulement en RDC, mais aussi en
Europe occidentale, en retraçant la genèse de ces systèmes.

L'Histoire du Droit a pour tâche de démontrer les grandes métamorphoses du Droit,


d’expliquer aux juristes que le Droit sert l’usage essentiel, en jouant la fonction sociale
appropriée sans qu’il soit détourné de sa finalité.

C. COMPETENCES

A l’issue de ce cours, l'apprenant consciencieux sera capable :

 D’analyser le concept Droit (en se focalisant sur ses sources) à partir du développement qu’a
dégagé son passé dans la société en général ;
 De démontrer l'importance de l’Histoire du Droit pour le juriste ;
 De rappeler certaines grandes périodes de l'Histoire du Droit ;
 De maîtriser le langage juridico-historique, afin d’intérioriser les matières et notions
apprises ;
 D’établir le rapport entre l'Histoire et le Droit ;
 D’expliquer l'importance de l'Histoire pour le Droit et le Droit pour l’Histoire ;
3

 De donner son point de vue juridique par rapport à chaque étape de développement du Droit
à travers l’Histoire du Droit ;
 De recadrer, à travers les matières traitées, les origines du Droit ;
 D’analyser le rapport nécessaire entre le Droit, le pouvoir et la politique.

D. CONTENU DU COURS

Le Cours est conçu en quatre chapitres. Le premier correspond davantage à l’approche


méthodologique et conceptuelle ; le deuxième à la naissance des concepts ; le troisième aux
origines pluralistes du Droit ; et le quatrième à la naissance des sources formelles du Droit :
coutume, jurisprudence, doctrine, principes généraux et loi.

E. MODE D’EVALUATION

Le Cours de l’Histoire du Droit encourage pour l’évaluation des connaissances acquises


par les étudiants que ces derniers soient soumis à certains exercices sous la forme des travaux
dirigés, des travaux pratiques sous l’encadrement des Chefs de travaux et/ou Assistants. En
plus, des interrogations et examens oraux ou écrits sont attendus comme épreuves à recenser
pour la cotation.

F. METHODOLOGIE ET TECHNIQUE DE COMMUNICATION

Le Cours est dispensé sous forme d'enseignement magistral, prolongé par des monitorats.
Il peut être, le cas échéant, complété selon les besoins de l'enseignement par d'autres méthodes
pédagogiques. Le syllabus doit être fourni au début du semestre d'enseignement. Monitorat :
Renforcement des apprentissages des cours magistraux par la lecture de quelques grands textes
de l'Histoire du Droit. Grâce à une confrontation aussi directe que possible avec des sources
primaires, l'étudiant pourra concrètement se rendre compte des formes diverses que le Droit a
adoptées au cours de son évolution et de ses transformations.
4

CHAPITRE 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE ET


CONCEPTUELLE

L'Histoire du Droit est une discipline scientifique ayant pour objet l'étude du Droit et de
son évolution dans le temps.

Les rapports entre l’Histoire et le Droit ont souvent été placés sous le signe de l’ambiguïté,
mélange de fascination et de méfiance malgré la séparation qui préside à leur objet et à leurs
méthodes respectifs. L’Histoire et le Droit appartiennent en effet aux sciences dites « sociales
», nées au XIX e siècle et qui, comme telles, sont amenées à se rencontrer, de manière
contingente ou nécessaire. Leur confrontation méthodique et critique permet de tracer quelques
pistes de réflexion qui sont autant de jalons pour un débat riche et ouvert sur les usages sociaux
du passé.4

SECTION 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE

Il convient avant toute chose de distinguer ces deux sciences de leurs productions
respectives, à savoir, pour l’Histoire, la combinaison intelligible de faits ou d’événements
appuyant une démonstration au service de la connaissance et pour le Droit, un ensemble
systématisé de normes en vertu desquelles peuvent être imputés certains faits, au service de
l’ordre et de ce qu’on nomme communément la « paix sociale », par opposition à l’anarchie et
au désordre en général. Chacune est à l’origine d’un discours propre à son objet et à ses
contraintes de production internes et externes.

A la différence de l’Histoire dont le discours est indirect car nécessairement médiatisé à la


fois par les sources documentaires, simples « traces » du passé et par l’historien, qui les recueille
et les analyse, le discours « du Droit », qu’il faut distinguer du discours « sur le Droit », est
direct et procède des normes telles qu’elles apparaissent empiriquement dans le Droit positif.
Du point de vue de leur objet comme de leur structure, ces deux sciences ne se confondent pas.5

4
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p. 509.
5
Idem
5

§1. Histoire classique, méthode et approche historique

Il existe une différence entre l’Histoire classique, la méthode et l’approche historique.

A. Histoire classique

L’Histoire en tant que science permettant de reconstituer et de mettre dynamiquement en


relation les événements du passé, selon une démarche impliquant une mise à distance, s’appuie
sur les relations de causalité qu’entretiennent les faits entre eux, sans préjudice des choix opérés
par l’historien quant aux faits retenus et aux sources documentaires attestant de leur existence.6

B. Méthode historique

La méthode en histoire peut donc s’entendre de plusieurs manières : il peut s’agir de la


déontologie du chercheur, du cheminement spécifique à chaque recherche et des techniques de
recherche, ou encore d’une démarche très générale et dialectique faite d’allers et retours de
l’archive à l’interprétation.7

C. Approche historique

L’argumentation historique repose ainsi à la fois sur la preuve de l’existence de tel ou tel
fait appuyée sur une documentation plus ou moins fournie et cohérente, dont l’origine et les
supports peuvent être très divers, et sur la corrélation logique entre ces faits et les conclusions
qu’en tire l’historien.8 La contestation du discours historique peut par conséquent porter soit
sur l’existence matérielle de ces faits, en démontrant la fausseté du document qui en atteste ou
en apportant par une autre documentation la preuve d’éléments contraires, soit sur les
conclusions logiques et explications tirées de la corrélation entre ces éléments. Les propositions
du discours historique peuvent donc être vraies ou fausses et leurs conclusions logiques ou non,
selon un degré de plausibilité proportionnel au degré de précision, d’authenticité et
d’exhaustivité de la documentation utilisée.9

6
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.511.
7
Idem
8
Ibidem
9
Ibidem
6

§2. Droit, méthode et approche historique en Droit

Le concept Droit n’a pas connu la même acception juridique dans l’évolution du temps.

A. Droit

Droit (ius) vient de justice. C’est l’art du bon et de l’équitable. Droit, désigne actuellement,
en son sens de Droit objectif, un ensemble de règles visant à organiser la conduite de l’homme
en société et dont le respect est assuré par la puissance publique. Le Droit objectif reconnait et
sanctionne lui-même des droits subjectifs, prérogatives attribuées dans leurs intérêts à des
individus, qui leur permettent de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une
protection.10

B. Méthode en Droit

En plus de la dogmatique juridique,11 la méthode exégétique est l’art de comprendre et


interpréter : exprimer et expliquer. Elle est l’analyse des textes juridiques. L’école de l’exégèse
veut son principe à l’attachement au texte.12
L’argumentation du discours juridique repose par conséquent sur la détermination de ces
liens idéels ainsi que sur leur articulation au sein d’un système de normes hiérarchisé selon un
degré décroissant de généralité jusqu’à l’édiction de normes de sanction qui traduisent le plus
fort degré de concrétisation. Une proposition normative n’est donc ni vraie ni fausse mais valide
ou non valide. De même, tel ou tel fait est imputable ou non à telle ou telle norme dont la
validité, c’est-à-dire l’existence en tant que norme du système juridique en vigueur, aura été
préalablement démontrée.

C. Approche historique en Droit

Il est indispensable de faire le lien entre passé et présent pour mieux comprendre les racines,
les enjeux et les solutions retenues par les juristes, au sens large, et les forces créatrices du Droit
au cours du temps.13

10
GUICHARD Serge et DEBARD Thiery, Lexique des termes juridiques, 22 ème Ed. Dalloz, Paris, 2015, p.365.
11
Elle consiste uniquement à exposer les règles du Droit, sans tenir compte des influences de la vie réelle ; elle se
renferme dans l'abstraction. La jurisprudence moderne a emprunté cette méthode aux juristes romains.
12
GUICHARD Serge et DEBARD Thiery, Op. Cit., p.445.
13
GARNIER Florent, Introduction historique au Droit, Université Numérique Juridique Francophone, Cours lu en
ligne le 29 octobre 2020.
7

§3. Histoire et Droit : Acteurs et interdisciplinarité

A priori, le Droit et l’Histoire sont caractérisés par une séparation épistémologique


majeure qui implique de distinguer les deux discours et l’argumentation qu’ils véhiculent.14

Elles sont néanmoins amenées à se rencontrer, soit lorsque l’une investit l’autre comme objet
d’étude, ainsi qu’il en est de l’Histoire pour le Droit, factuellement appréhendable, soit en
encadrant la discipline en tant qu’exercice d’une liberté fondamentale, juridiquement
appréhendable, ainsi qu’il en est du Droit pour la recherche historique (A). Or, dans les
deux cas, le Droit comme l’Histoire ne sortent pas de leurs fonctions et domaine respectifs. Il
n’en va pas de même lorsque le Droit substitue à la démarche scientifique de l’historien ses
propres conclusions, ou lorsqu’il s’appuie sur l’Histoire, ou sur une certaine vision de l’Histoire
qu’on qualifiera ici d’ « officielle » – par opposition à l’histoire « authentique » fruit de la
recherche historique – pour fonder la légitimité des autorités investies de la compétence
normative, et par conséquent de l’ordre juridique dont il tire sa propre validité, souvent au prix
d’une requalification du passé pouvant aller jusqu’à sa négation. Le Droit apparaît dès lors
comme un instrument téléologique de perturbation du champ historique dont les risques dans
une société de type démocratique doivent être soulignés (B).

A. Rencontre nécessaire

L’Histoire classique comme l’Histoire du Droit entretiennent chacune à leur façon des
rapports complémentaires avec le Droit. La première offre une lampe contextuelle du Droit, la
seconde a pour ambition d’en révéler la substance, au-delà des formes et des époques, en
retraçant la généalogie de ses composantes conceptuelles et normatives (1). Le Droit entretient
quant à lui de simples rapports de régulation avec l’Histoire, encadrant la recherche historique
en tant qu’exercice d’une liberté fondamentale (2).

1. L’Histoire comme lampe contextuelle ou substantielle du Droit

a. Une lampe complémentaire

14
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.512.
8

Michel de Certeau notait que « la relation que l’Histoire entretient avec les diverses
sciences lui permet d’exercer par rapport à chacune d’elles une fonction critique nécessaire, et
lui suggère aussi le propos d’articuler ensemble les limites ainsi mises en évidence ». 15

Le Droit peut en effet être directement ou indirectement l’objet de l’Histoire. Ainsi,


l’Histoire classique appréhende-t-elle indirectement le Droit en tant que phénomène social,
qu’activité humaine dont l’objet est de régir les rapports des individus dans la société et dont le
but est la paix sociale. L’historien identifie alors les liens de causalités entre ces phénomènes
dans leur dimension factuelle, indépendamment de leur dimension normative. Tout en visant
l’objectif général de développement de la connaissance des sociétés anciennes, l’Histoire
alimente indirectement la science du Droit en rendant factuellement intelligible le contexte de
production et d’application de son objet.

Il en est différemment de l’Histoire du Droit. Celle-ci vise en effet à développer des


connaissances sur le développement des normes actuellement en vigueur afin de faciliter leur
compréhension et leur portée. En effet, l’historien du Droit, qui est traditionnellement un juriste
c’est-à-dire un acteur du système étudié et non un spectateur comme l’historien,
s’attache à décrire tel ou tel système, norme ou concept juridiques caractérisant une époque et
une société ancienne donnée en partant de l’identification de leurs descendances dans le Droit
contemporain. Il en est ainsi pour le Droit privé de l’étude de l’adoption, de la tutelle ou du
contrat et pour le Droit public de l’analyse d’institutions comme la dictature, le Principat ou la
Monarchie.16

L’Histoire du Droit a pour ambition non seulement de rendre intelligibles les systèmes
juridiques passés mais également le système juridique présent, en révélant les rapports parfois
très étroits qu’entretiennent la structure et les composantes de ce dernier avec les systèmes
passés, notamment romain et canon. Elle en postule la compréhension et en constitue par
conséquent une interprétation dont la spécificité est de se placer d’un point de vue extérieur à
son objet.17

15
Cité par CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.512.
16
Idem
17
Ibidem
9

L’Histoire du Droit se présente ainsi à la fois comme une branche de la discipline


historique et comme une méthode globale de compréhension du Droit contemporain qui, au
demeurant, possède la vertu de « former l’esprit au raisonnement juridique, à l’exégèse des
textes, à une rigoureuse et sobre rédaction des arrêts et des lois ». L’Histoire classique et
l’Histoire du Droit contribuent par conséquent chacune à la prise de recul nécessaire à une
analyse critique dynamique des systèmes juridiques contemporains.

Dans le cadre de l’édiction des normes de concrétisation par le juge et plus généralement
par les organes chargés de l’application des normes générales, la méthode historique permet
aussi la détermination de l’enchaînement causal des faits imputables à la norme, dès lors que
ceux-ci ont une certaine ancienneté propice à la mise à distance et nécessitant une analyse
explicative de leur contexte d’apparition. Il en est ainsi des faits relatifs à la réouverture de
dossiers de justice en réhabilitation ou en révision mais surtout des procès dits « historiques »
relatifs aux faits commis par exemple par les agents de l’État français sous le régime de Vichy
tels Maurice Papon et Paul Touvier.18

La méthode historique permet au juge de se faire une opinion éclairée sur les faits
susceptibles d’être imputés sous la qualification de « crime contre l’humanité » ou de «
complicité de crime contre l’humanité ».19 L’Histoire est au demeurant nécessaire à l’étude des
phénomènes de changements révolutionnaires de constitutions ou de ceux de succession
d’État, instigateurs de périodes de fondation, là où le Droit est incapable de saisir une
quelconque normativité juridique.20Il en est de même pour la compréhension de la pratique
institutionnelle, essentielle à l’analyse de certains systèmes constitutionnels où la matière
juridique – les lois constitutionnelles– se révèle insuffisante pour l’appréhension du Droit
constitutionnel.

La notion de « coutume constitutionnelle » à laquelle une grande partie de la doctrine a eu


recours pour saisir le fait historique apparaît dès lors comme une explication dont les bases
juridiques demeurent bien fragiles.21

18
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.512.
19
Idem
20
Ibidem
21
DUGUIT Léon, Histoire du Droit constitutionnel, Cours de la Faculté de Droit de Bordeaux (1897-1898).
10

b. Une méthodologie en partie commune

Cette complémentarité de l’Histoire à l’égard du Droit s’illustre enfin et surtout par la


technique de recherche du juriste qui, comme l’historien, interroge des documents
principalement écrits, parfois formellement identiques, tout en adoptant une démarche distincte
quant à la sélection des documents étudiés, aux outils mentaux permettant leur
analyse et aux conclusions qu’il en tire.22

Du point de vue historique, la loi constitue en effet l’un des meilleurs témoignages que
les peuples peuvent laisser d’eux-mêmes à une époque donnée, ainsi, Montesquieu
déclare-t-il dans L’Esprit des lois : « Il faut éclairer l’Histoire par les lois et les lois par l’Histoire
».23Il en est de même des procès dont la consignation fait depuis longtemps l’objet d’études en
tant que reflets authentiques d’une société donnée.

Pourtant, à la différence du document historique qui n’est qu’une « trace » permettant


d’accéder à la connaissance du passé et de révéler ou de confirmer l’existence de tel ou tel
événement afin d’en déduire, après confrontation avec les autres, une signification historique,
le document écrit, support de la norme, en particulier dans les systèmes de type
romano-germaniques, constitue non pas un témoignage médiatisé, par définition contingent et
incomplet, de son objet d’étude, mais son objet d’étude même, dans toute sa singularité et sa
globalité.

Le document écrit n’est qu’un moyen pour l’historien, la trace de faits soustraits à
l’observation empirique par le temps ou l’espace, alors qu’il constitue une fin pour le juriste en
tant que support de la norme, qu’il s’agisse de la jurisprudence ou de la loi.

A la différence du Droit, l’Histoire ne peut en effet prétendre qu’à une connaissance indirecte
de son objet. Cette complémentarité fonctionne aussi dans le sens inverse à propos du Droit qui,
selon son propre mode de fonctionnement, régule l’activité de recherche historique et son
discours dont l’expression publique, bien que manifestation de la liberté d’expression, est
susceptible de porter atteinte aux autres droits et libertés.24

22
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.513.
23
Idem
24
Ibidem
11

2. Le Droit comme complément nécessaire de la libre recherche historique

La liberté d’expression à laquelle participe la libre recherche scientifique est consacrée


au niveau constitutionnel comme international. L’article 11 de la Déclaration des droits de 1789
(DDHC) la qualifie ainsi de « l’un des droits les plus précieux de l’homme ». L’article 10 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH) la consacre tandis que
l’article 9 garantit les libertés de pensée, de conscience et de religion. De même, les articles 11
et 13 de la Charte européenne des droits fondamentaux garantissent les libertés d’expression,
d’information ainsi que la liberté des arts et des sciences.

Néanmoins ces libertés ne sont pas conçues comme absolues, soulignant la nécessité d’en
restreindre l’exercice en amont, par un encadrement mesuré et en aval, par l’affirmation de
devoirs et de responsabilités. Le Droit, et en particulier la loi, conformément à l’article 4 de la
DDHC, encadre ainsi en France l’activité du chercheur dans un souci de conciliation avec les
autres droits et libertés, à la fois dans l’accès aux sources et dans leurs méthodes d’exploitation,
sans toutefois prendre partie, directement du moins, quant aux conclusions scientifiques de
l’historien. Si la détermination du cadre dans lequel s’exerce la recherche historique revient au
législateur, la sanction de ses abus appartient au juge qui, le cas échéant doit prendre garde à ne
pas se substituer à l’historien tout en participant, souvent malgré lui, à la détermination d’une
vérité dite « judiciaire », concurrente, bien que distincte, de la « vérité historique ». 25

Le procès, notamment pénal, a en effet comme objectif non pas la recherche de la vérité
mais de la paix sociale, ce qui passe par l’identification et la qualification juridique des faits
relatifs au litige.26 Pourtant, les progrès techniques, spécialement en matière criminelle, et
l’intervention de plus en plus fréquente d’experts dans le prétoire tendent à rapprocher cette
vérité « judiciaire » de la vérité scientifique, au risque de confondre autorité de la chose jugée
avec vérité absolue.27

a. L’encadrement nécessaire de l’accès aux sources

L’État organise et sanctionne au travers de la collecte et de la réglementation des


archives le droit de savoir de l’historien. Il détermine ainsi la première phase de l’opération

25
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.514.
26
Idem
27
Ibidem
12

historiographique. L’établissement des sources par leur collecte et leur organisation en « unités
de savoir » requiert un geste fondateur, signifié par la combinaison d’un lieu, d’un « appareil »
et de techniques » que reproduira lui-même l’historien en sélectionnant et en
redistribuant ces sources de façon hiérarchisée.28

L’accès aux sources officielles est considéré depuis la Révolution française comme une
garantie du fonctionnement de la démocratie représentative. Le rapport rendu en 1996 au
Premier ministre par Guy Braibant sur la situation des archives en France soulignait qu’« il
n’est pas d’histoire, pas d’administration, pas de République sans archives ». La loi du 7
Messidor an II proclamait ainsi que « tout citoyen peut demander communication des
documents qui sont conservés dans les dépôts des archives ».

La portée du texte fut néanmoins très vite réduite par une série de décrets jusqu’à son
abrogation par la loi du 3 janvier 1979 sur les Archives, qui prévoit des délais de communication
selon la nature de l’information que contiennent les documents et de l’importance attachée au
secret par le Droit, sans préjudice de dérogations pouvant être accordées par l’Administration
des archives. La loi du 12 avril 2000 qui modifie celle du 17 juillet 1978 sur
l’accès aux documents administratifs élargit les compétences de la Commission d’accès aux
documents administratifs aux demandes de communications d’archives publiques, de manière
à renforcer le droit d’accès à toute information publique.29

b. L’encadrement nécessaire mais délicat de l’exploitation des sources

Le Droit intervient de manière tout aussi légitime mais plus délicate pour encadrer
l’exploitation des sources tant en ce qui concerne la détermination de celles pouvant être
utilisées et rendues publiques qu’en ce qui concerne la démarche scientifique de l’historien qui
préside à leur utilisation et aux conclusions qu’il en tire.

Les principales limites posées par le Droit aux sources pouvant faire l’objet d’une exploitation
scientifique publique reposent sur la nécessité de garantir la protection des droits individuels.
Les lois sur la protection de la propriété littéraire et artistique des 11 mars 1957 et 3 juillet 1985,
intégrées dans le Code de la propriété intellectuelle, auxquelles doivent être ajoutés différents
textes communautaires, constituent une limite à l’utilisation abusive des sources documentaires

28
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.514.
29
Idem
13

pouvant être qualifiées d’ « œuvre de l’esprit ». La violation des droits incorporels rattachés à
ces œuvres est sanctionnée pénalement par le délit de contrefaçon. De même, la loi pénale du
29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne dans un souci de protection des individus
les « atteintes à l’honneur ou à la considération de la personne » ainsi que « toute expression
outrageante » sous l’incrimination « d’injure » ou de « diffamation ».30

La même logique préside à la protection de la vie privée des individus


garantie par les articles 9 du Code civil et 2 de la DDHC. A la différence des droits de la
propriété intellectuelle dont la protection persiste au profit des ayant-droit pendant l’année
civile en cours et les soixante-dix ans qui suivent la mort de l’auteur, les droits de la personnalité
s’éteignent avec leurs titulaires. Aussi, en la matière, la liberté de recherche de l’historien est-
elle proportionnelle à l’ancienneté de son domaine de recherche, l’atteinte à la mémoire des
héritiers se révélant difficilement constituée. Certaines prescriptions interdisent purement et
simplement de dévoiler certaines sources. Il en est ainsi du Code de procédure pénale qui
prescrit le secret de la délibération du jury de manière à assurer à la fois son impartialité et la
liberté d’expression de chacun de ses membres en dehors de toute pression : un juré de la Haute
Cour au procès du maréchal Pétain ne pouvait donc pas faire bénéficier l’historien de son
témoignage malgré les mobiles objectivement compréhensibles de celui-ci.31

B. Le Droit comme instrument téléologique de perturbation du champ historique

Le Droit se présente ici dans sa fonction régulatrice au sens aristotélicien du terme, c’est-à-
dire une régulation ordonnée à une fin. Les dérives du discours juridique empruntent
principalement deux voies. La première, que l’on qualifiera d’historiciste consiste à se fonder
expressément sur l’histoire comme source formelle dans une démarche de légitimation
du pouvoir politique propre aux périodes de fondation, notamment après un processus
révolutionnaire impliquant une rupture avec le passé. On assiste alors à la mise en scène
mythique, voire magique d’un commencement absolu, tel les Révolutions américaine et
française ou la fondation de l’État d’Israël. La seconde, que l’on qualifiera d’historiciste,
consiste pour le discours juridique à se parer des habits de l’histoire pour requalifier le fait
historique afin d’en tirer des conséquences déterminées pour l’avenir, parfois à l’encontre de
l’histoire authentique à laquelle une histoire officielle se substitue selon un mode impératif.

30
CARTIER Emmanuel, Op.cit., p.515.
31
Idem
14

SECTION 2 : DEVELOPPEMENT DU DROIT SELON LES PERIODES DE


L’HISTOIRE

Les périodes classiques de l’Histoire démontrent une existence progressive de la science


juridique.

§1. Périodes classiques de l'Histoire et Droit de la Préhistoire

Nous présentons ici la ligne du temps (A) et la préhistoire (B).

A. Les périodes classiques de l'Histoire

Invention de Chute de Chute Révolution


l’écriture l’Empire de Française
Romain l’Empire
d’Occident Romain
d’Orient

- 3500 476 1453 1789

L’Antiquité Le Moyen Age T.M E.C

B. Droit de la Préhistoire

Par définition, faute de sources écrites, le Droit de la Préhistoire est inaccessible aux
historiens du Droit. Il relève de l'anthropologie juridique.

§.2 : Droit renseigné dans les périodes classiques

Avec l’apparition de l’écriture (A), l’Histoire du Droit entre dans les analyses objectives du
Moyen-Age (B) et peut traverser la ligne du temps jusqu’au droit des Lumières (C).
15

A. Droit de l'Antiquité

La civilisation des Indous est la source de la civilisation antique. L'Orient qui lui succède
dans l'échelle des développements historiques, est la représentation extérieure et matérielle de
l'idée élémentaire de cause, de substance d'absolu, d'infini, expressions différentes d'une même
notion, qui repose primitive et nécessaire dans l'esprit de l'homme. Faible à sa naissance,
accablé sous le poids de la notion dominante de substance, l'esprit humain tremble devant la
nature, devant ses proportions presque infinies, image extérieure et traduction visible de la
cause substantielle. Aussi la première religion est une religion de terreur, la religion de l'Orient
est la religion de la nature, aussi la première forme du gouvernement est la théocratie.
L'homme n'aura pas conscience de lui-même, de sa liberté ; il n'aura que le sentiment de sa
faiblesse personnelle en présence des phénomènes de la nature et le génie théocratique, ami de
l'immobilité, inventera les castes ou se perpétueront sans mélange les races dominantes des
dieux et des héros. L'esprit de l’époque orientale sera le besoin de l’immensité dans les choses,
l'ignorance ou le dédain de la personnalité humaine ; l’immobilité dans les institutions.32
L'Orient comprend quatre peuples historiques : les Chaldéens, les Perses, les Égyptiens,
les Hébreux, ils représentent le même principe, le premier élément de l'humanité, mais sous des
faces diverses. L'humanité, en descendant vers les régions occidentales, est entrée dans la
carrière du mouvement, du progrès, de la liberté. L'homme se pose là comme une force libre,
qui a conscience d'elle-même. Quand les prêtres d'Egypte disaient à Solon : < Athéniens, vous
n'êtes que des enfants" Ils avaient raison en un sens : les Athéniens étaient récemment nés à la
vie mobile, active et libre ; ils représentaient l'enfance de l'humanité appelée à une époque
nouvelle ; ils s'échappaient d’un monde soumis à la fatalité sacerdotale. Mais la Grèce
représente la personnalité humaine, dans la sphère des sentiments et des idées, par ses beaux-
arts, et sa philosophie : Rome la représente, dans la sphère < monde extérieur, par sa puissance
matérielle et universelle sur les peuples connus. Athènes devait dominer le monde intellectuel
par les beaux-arts' et les doctrines qui réfléchissent surtout la forme sensible, le côté physique
de la nature humaine ; Rome devait dominer le monde extérieur par les armes, par la puissance
visible de l'homme. Ainsi elles concouraient à accomplir, dans une vaste unité, la représentation
du principe qu'elles étaient destinées manifester sur le théâtre et dans l'histoire de l'humanité.
Elles ont fait et elles devaient faire entre elles l'échange de leur domination ; les Grecs ont subi
le joug des Romains, > et ceux-ci ont reçu les arts, les idées, les doctrines de la Grèce.

32
LAFERRIERE Firmin, Histoire du Droit français, Tome premier, JOUBERT, Paris, 1838.
16

Cette manifestation étant comme épuisée, un autre principe s'est levé sur l'univers ; le
Christianisme est apparu le spiritualisme est venu lutter contre l'empire du principe matériel ;
le Verbe s’est fait chair. Quelle est la place qu'occupe le Droit dans ces deux mondes ? que
devons-nous y rechercher dans l'intérêt de l'époque où nous vivons ?
Le Droit proprement dit, c’est l’association laborieuse de la liberté humaine et de la vie civile
avec la justice et la raison. Le Droit ne peut donc se développer où l'homme n'est rien, où sa
nature, domptée par une puissance supérieure, s’enchaine à l’immobilité des castes, s'anéantit
devant les hauteurs infinies et mystérieuses de la théocratie. Aussi le Droit n'a pas d'histoire
dans l'Inde et dans l'Orient. C'est dans la Grèce, c'est dans Rome, que commence l'enchaînement
de ses époques. L'homme devient la une puissance libre et personnelle, une individualité qui
s'appartient, qui dès-lors a des droits et dans l'enivrement de sa récente émancipation, l'homme
va même jusqu'à diviniser l'image de sa personnalité. Le Droit, en Grèce, a son progrès, il a
donc son histoire possible. Mais considéré dans ses rapports avec celui qui fait le fond des
sociétés actuelles, il est à peu près stérile pour nous au contraire, le Droit français est fils du
Droit romain.33

B. Droit du Moyen Age

La redécouverte du Droit romain, à partir du XIIe siècle, fonde la formation rapide du jus
commune, un fonds juridique commun à l'ensemble de l'Europe occidentale.
La langue employée pour le Droit est un élément très important. Le latin est resté pendant très
longtemps la langue du Droit.34 L'apparition de formes nationales de Droit en Europe est liée à
l'unification politique et culturelle des pays.
Les efforts de codification des lois s'accompagnent souvent de commentaires explicatifs
ou pédagogiques. C'est ce que l'on appelle aujourd'hui la doctrine. Dans certaines circonstances,
le commentaire des textes prend une importance considérable, au point de se substituer
aux codes eux-mêmes pour la pratique du Droit. Ainsi, l'ordonnance de 1673 sur le commerce
de terre (France, Louis XIV), qui fonde le code du commerce, est-elle accompagnée d'un
ouvrage qui l'explique, l'interprète, voire la complète (Jacques Savary, Le parfait négociant).

33
LAFERRIERE Firmin, Op. cit., p. IX.
34
Idem
17

Vers la même époque, le développement des échanges maritimes et l'expansion économique


des États du nord de l'Europe poussèrent à l'élaboration des premières formes de Droit
international, avec Hugo Grotius.35

C. Droit moderne et Droit des lumières

1. Droit moderne

Ce n'est que tardivement que s'opère une distinction claire entre doctrine et jurisprudence,
de sorte que les ouvrages de commentaires sont souvent aussi des recueils de décisions jugées
spécialement intéressantes. Ces documents constituent une première manière d'approcher la
pratique effective du Droit.
L'apparition du Droit positif au XXe siècle sous l'influence du positivisme de Comte, avec
la théorie du normativisme de Hans Kelsen introduisant la notion de hiérarchie des normes, est
aussi une étape dans l'évolution du Droit qui jette une déconsidération supplémentaire sur la
jurisprudence.36
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la multiplication des lois, l'intrication en
Europe entre le droit communautaire et les droits nationaux engendrent des problèmes
de sécurité juridique (notion de sûreté en droit naturel), qui ont fait l'objet de deux rapports
du Conseil d'État.

2. Droit des Lumières

Le siècle des Lumières vit une réflexion importante s'opérer sur le droit naturel et la
notion de citoyenneté.
Les premiers tâtonnements en Europe sur les questions de constitution apparurent
avec Sieyès. Ce dernier avait en effet pour ambition, avec la constitution de l'an III (1795) de
mettre en place une jurie constitutionnaire, ce qui fut le premier projet d'un contrôle étendu de
la constitutionnalité des actes des organes de l'État.

35
VON JHERING R., traduite de l'allemand par O. DE MEULENAERE, Histoire du développement du Droit
romain, œuvre posthume, LIBRAIRIE A. MARESCQ, Paris, 1900.
36
LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., p. 88.
18

Toujours en France, l'unification du Droit français, déjà amorcée par Louis XIV avec l'Edit de
Saint-Germain-en-Laye (1679) se poursuivit avec le Droit civil et le Droit pénal (Code pénal
de 1791 et Code des délits et des peines de 1795, inspirés des principes de Cesare Beccaria).
Le code Napoléon37, en réalité entièrement préparé par Cambacérès, est l'illustration de l'effort
de codification déjà entamé par Louis XIV. La spécificité du Code civil français a été
sa procédure de validation.
Les pères de l'indépendance américaine fondèrent les États-Unis sur des questions de
taxation, et développèrent un Droit très sophistiqué sur les brevets et la propriété
intellectuelle (Thomas Jefferson)38, qui reste une composante très forte de
la culture économique aux États-Unis. C'est aux États-Unis que l'on trouve les réflexions les
plus poussées sur le droit de la propriété intellectuelle et le droit des affaires, notamment en
matière de secret des affaires. Une grande part des négociations actuelles à l'OMC repose sur
ces enjeux.39

37
XAVIER MARTIN, Le code napoléon : questions sur la genèse d’un mythe, Clio Thémis, Revue de l’Histoire
du Droit - n°9, 2015.
38
ROULAND NORBERT, Introduction historique au Droit, Presses Universitaires de France, 1998, pp.35-36.
39
Idem
19

CHAPITRE 2 : GENESE DES CONCEPTS


Cette genèse ne privilégie ni l’approche thématique ni celle dite chronologique. Elle se
limite à revenir sur l’essentiel de la synthèse évolutive du Droit.

SECTION 1. NAISSANCE DE LA NOTION DU DROIT

Le plus ancien texte de Droit que l'on connaisse est le code d'Ur-Nammu (§1) rédigé vers
2 100 av. J.-C mais il ne nous est parvenu que de manière parcellaire. Le Code de
Hammurabi (2000 avant JC) qui est considéré (à tort) comme le plus ancien texte de loi qui
nous soit parvenu, est en réalité le premier texte juridique quasiment complet qui nous soit
parvenu (§2).

§1. Code d’Ur-Nammu

Le Code d'Ur-Namma est la plus ancienne tablette contenant un code juridique qui nous
soit parvenue. Elle fut rédigée en sumérien vers 2100-2050 av. J.-C., à l'époque de la troisième
dynastie d'Ur. Bien que le préambule attribue directement les lois au souverain Ur-Namma de
la cité d'Ur (2112-2095 av. J.-C.), certains historiens estiment qu’il pourrait s'agir de l'œuvre de
son fils Shulgi.
Le premier exemplaire du code fut découvert en deux fragments à Nippur, puis fut traduit
par Samuel Kramer en 1952. L'état partiellement détruit de l'exemplaire ne permit de lire que
le prologue ainsi que seulement cinq lois. Des tablettes furent ensuite trouvées à Ur puis
traduites en 1965 permettant la reconstitution de près de 40 des 57 lois que comprend le texte2.
Un autre exemplaire découvert à Sippar contient de légères variantes.

Les lois sont exprimées sous la forme casuistique : si (un crime est commis), alors (un châtiment
est appliqué). Il s'agit là d'un modèle qui sera par la suite imité dans les codes suivants. Pour
l'un des plus anciens codes juridiques connus, l'avancée est remarquable. Il institue, par
exemple, une forme de compensation financière en cas d'atteinte physique, que l'on peut
opposer à la loi du Talion (« œil pour œil, dent pour dent ») principe de base du
droit babylonien. Les actes de meurtre, vol, adultère et viol restent cependant punis de la peine
capitale.
20

Le code révèle ainsi un aperçu de l'ordre social en place au cours de la « Renaissance


sumérienne ». En dehors du lu-gal ("le grand homme" ou le roi), les membres de la société
étaient divisés en deux grandes catégories sociales : les "lu" ou hommes libres, et les esclaves
(arad au masculin, geme au féminin). Le fils d'un lu était appelé dumu-nita jusqu'à son mariage
où il devenait un "jeune homme" (gurus). Une femme (munus) passait du statut de fille (dumu-
mi) à celui d'épouse (dam). Si elle venait à perdre son mari, une veuve (nu-ma-su) pouvait se
remarier.

A. Contenu

Le préambule, typique des codes juridiques mésopotamiens, invoque les divinités pour le
royaume de Ur-Namma et décrète « l'équité dans le pays ».
Si un homme commet un meurtre, cet homme doit être tué.
Si un homme commet un vol, il sera tué.
Si un homme commet un enlèvement, il est emprisonné et doit payer 15 shekels d'argent. 1
talent = 60 mines. 1 mine = 60 shekel (1 shekel = 11 grammes d'argent) (tiré du texte en anglais)
Si un esclave épouse une esclave et que ce dernier est libéré, il ne quitte pas la maisonnée.
Si un esclave épouse une personne de souche (c'est-à-dire libre), il devra laisser son premier fils
né à son maître.
Si un homme viole le droit d'un autre et dépucelle la femme vierge d'un jeune homme, on peut
tuer cet homme.
Si la femme d'un homme fréquente un autre homme et celui-ci couche avec elle, on peut tuer
cette femme mais cet homme peut être libéré.
Si un homme utilise la force et dépucelle l'esclave vierge d'un autre homme, celui-ci devra payer
cinq shekels d'argent.
Si un homme divorce de sa première épouse, il doit lui payer une mina d'argent.
S'il s'agit d'une (ancienne) veuve, il doit lui payer la moitié d'une mina d'argent.
Si un homme est accusé de sorcellerie, il doit se plier à l'épreuve de l'eau froide ; si son
innocence est prouvée, son accusateur doit payer 3 shekels.
21

B. Loi du talion

La loi du talion, une des lois les plus anciennes, consiste en la réciprocité du crime et de la
peine. Cette loi est souvent symbolisée par l’expression « Œil pour œil, dent pour dent ».

Elle caractérise un état intermédiaire de la justice pénale entre le système de la vendetta et le


recours à un juge comme tiers impartial et désintéressé. Le mot talion a pour origine talis, ce
qui en latin signifie « tel », « pareil », mais aussi « semblable ».

§2. Le Code de Hammurabi

Le Code de Hammurabi est un système répondant aux préoccupations de la vie courante


(mariage, vol, contrat, statut des esclaves...) avec une prédominance à la loi du
talion en matière pénale. Il est d'inspiration divine mais pas religieux.

Le Code de Hammurabi est un texte juridique babylonien daté d'environ 1750 av. J.-C., à ce
jour le plus complet des codes de lois connus de la Mésopotamie antique. Il s'agit en fait d'une
longue inscription royale, comportant un prologue et un épilogue glorifiant le
souverain Hammurabi, qui a régné sur Babylone d'environ 1792 à 1750 av. J.-C., dont la
majeure partie est constituée de décisions de justice.40

Depuis sa découverte en 1901-1902 sur une stèle mise au jour lors des fouilles
de Suse dirigées par Jacques de Morgan, cet ensemble de décisions est désigné comme un
« code » et chaque décision comme autant de « lois » ou « articles » relatifs à différents aspects
de la vie de la société babylonienne de la période. La nature exacte du texte est l'objet de débats :
bien qu'il soit souvent présenté comme un code de lois dont les dispositions sont destinées à
être appliquées dans le royaume de Hammurabi, les assyriologues qui l'ont étudié plus
précisément insistent sur sa fonction politique de glorification du roi et y voient plutôt une sorte
de traité juridique visant à conserver le souvenir du sens de la justice et de l'équité de
Hammurabi.

Nonobstant, il y apparaît des informations essentielles pour la connaissance de différents


aspects de la société babylonienne du XVIIIe siècle av. J.-C. : organisation et pratiques

40
HALPERIN Jean-Louis, La détermination du champ juridique à la lumière de travaux récents d'Histoire du Droit
Éd. Juridiques associées, « Droit et société », 2012/2 n° 81 | pp. 403 à 423.
22

judiciaires, droit de la famille et de la propriété, statuts sociaux, activités économiques, entre


autres. Il convient souvent de compléter ces informations par celles fournies par les nombreuses
tablettes cunéiformes de la même époque exhumées sur les sites du royaume de Babylone pour
mieux comprendre le contenu du texte.

A. Contexte rédactionnel

Le Code de Hammurabi est rédigé durant la période dite « paléo-babylonienne »


(babylonienne ancienne), sous la première dynastie de Babylone, plus précisément vers la fin
du règne du roi Hammurabi qui l'a commandité et sans doute formulé en grande partie. Celui-
ci aurait régné de 1792 à 1750 av. J.-C. selon la « chronologie moyenne » qui est la plus usitée,
mais il est possible qu'il faille le situer à une date plus récente (1728 – 1686 av. J.-C. selon les
tenants de la « chronologie basse »), la datation absolue étant imprécise pour une période aussi
reculée.

Du point de vue de la littérature juridique, le royaume babylonien dispose de structures


judiciaires typiques de la tradition mésopotamienne : le roi est le juge suprême, les membres de
l'administration (notamment les gouverneurs) ont souvent des attributions judiciaires de même
que les autorités locales (conseils d'Anciens et conseils de quartiers des villes), mais il existe
également des juges professionnels (dayyānum).41 Ces autorités rendent souvent justice de
façon collégiale, après une procédure d'instruction reposant sur la recherche de preuves,
notamment des témoignages et des documents écrits comme des contrats.

Cela explique la quantité de documents juridiques connus pour cette période. Depuis au
moins la période d'Ur III et le règne d'Ur-Nammu (2112 – 2094 av. J.-C.), les rois
mésopotamiens ont pris l'habitude de compiler des recueils de sentences juridiques, et c'est cette
tradition que reprend Hammurabi en écrivant son Code au moment où il procède à l'organisation
de l'administration de ses conquêtes et où il cherche à faire passer son œuvre à la postérité.42

Le Code de Hammurabi est essentiellement connu par une stèle dont les deux fragments
principaux ont été exhumés par Gustave Jéquier et Louis-Charles Watelin en décembre 1901 et
en janvier 1902 à Suse, ancienne capitale de l'Élam, de nos jours située dans le Sud-Ouest de

41
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
42
Idem
23

l'Iran (province du Khuzistan), lors de fouilles conduites par une mission française dirigée
par Jacques de Morgan.43

B. Organisation et nature du texte

Le texte du Code de Hammurabi est divisé en trois parties :

 Un prologue historique en langue littéraire commémorant les accomplissements de


Hammurabi en sa fin de règne ;
 Les « lois » ou décisions de justice rendues par le roi ;
 Un épilogue formulant la volonté que le texte transporte la parole du roi à travers
les âges et ne soit pas altéré sous peine de malédictions.

Cette structure est partagée avec les deux autres « codes » de la Mésopotamie ancienne qui
sont connus, le Code d'Ur-Nammu roi d'Ur, rédigé autour de 2100 av. J.-C., et le Code de Lipit-
Ishtar roi d'Isin, rédigé vers 1930 av. J.-C.44 En tant que texte législatif, le Code de Hammurabi
partage des points communs avec d'autres textes de recueils de lois qui eux ne sont pas encadrés
par un prologue et un épilogue et ne sont donc pas appelés « codes » : les lois d'Eshnunna qui
datent à peu près de la même période (et étaient peut-être un « Code », mais le prologue et
l'épilogue ne sont pas connus), deux fragments de recueils de lois provenant du site
de Hazor (en Israël), également datable de la même période, les lois assyriennes compilées
autour de 1100 av. J.-C., des recueils de lois babyloniennes du VIe siècle av. J.-C., et, hors de
Mésopotamie, les lois hittites compilées et remaniées à plusieurs reprises entre 1600 et 1400 av.
J.-C.

La présence d'un prologue et d'un épilogue caractéristiques des inscriptions royales


commémoratives à la gloire des monarques mésopotamiens, notamment celles vantant leur sens
de la justice et de l'équité et visant à le rapporter aux générations futures, qui trouvent leurs
racines dans les inscriptions relatives aux « réformes » d'Urukagina de Lagash (vers 2350 av.
J.-C.) a fait que des assyriologues ont interprété le Code de Hammurabi comme un document
avant tout politique. Ils relativisent ainsi les interprétations traditionnelles sur la portée des

43
Idem
44
Ibidem
24

« lois », qui n'avaient pas la portée législative de celles contenues dans les Codes modernes
mais plutôt une fonction de modèle. Certains replacent les compilations de décisions de justice
dans la tradition des listes à but pédagogique et technique comme il en existait pour d'autres
disciplines, en faisant donc une sorte de manuel juridique.

Quoi qu'il en soit, les interprétations juridique, politique et technique du Code de Hammurabi
ne s'excluent pas forcément, ce texte étant issu d'une tradition longue et combinant plusieurs
objectifs.

Le court épilogue du Code reprend de façon conclusive la glorification de Hammurabi initiée


dans le prologue et exprime la volonté que le texte soit pris en exemple dans l'avenir, permettant
au nom du souverain de perdurer. Il est suivi par plusieurs malédictions dans lesquelles sont
invoqués les grands dieux babyloniens pour maudire ceux qui altéreraient le texte, ce qui est
courant dans les inscriptions royales, notamment celles destinées à commémorer les
constructions de temples.

L'épilogue est particulièrement intéressant pour l'analyse de la nature du texte parce qu'il
s'intéresse aux objectifs que le souverain lui assigne et à l'usage qu'il souhaite que les gens en
fasse à l'avenir :

« Pour que le fort n’opprime pas le faible, pour faire justice à l'orphelin et à la veuve, à
Babylone, la ville dont Anu et Enlil ont élevé le faîte, dans l'Esagil, le temple dont les
fondements sont aussi stables que les cieux et la terre, pour porter les jugements concernant le
pays, pour prendre les décisions concernant le pays, pour faire justice à l'opprimé, j'ai écrit mes
paroles précieuses sur ma stèle et je l'ai dressée devant ma statue de « Roi de justice ». »45

Cette phrase qui reprend l'image du souverain idéal que Hammurabi veut faire passer à
la postérité, celle d'un roi juste respectant l'idéal de justice des anciens Mésopotamiens. On y
apprend également que la stèle devait être disposée devant une statue, sans doute dans un
temple. C'est là qu'il doit se trouver pour ceux qui souhaitent s'imprégner du sens de la justice
et de l'équité de Hammurabi.

Ceci est encore une fois compréhensible dans le cadre des inscriptions commémoratives
des rois mésopotamiens : il s'agit de glorifier le souverain et de préserver son œuvre pour
l'avenir. Au lieu de mettre l'accent sur les exploits guerriers du souverain ou sur les

45
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
25

constructions pieuses qu'il a patronnées, le texte insiste sur son sens de la justice qui doit lui
survivre comme doivent lui survivre ses conquêtes militaires et les bâtiments qu'il a fait ériger.

C. Organisation et formation des lois

Les « lois » du Code de Hammurabi constituent la partie la plus longue du texte et celle
qui est la plus importante aux yeux des commentateurs modernes. Leur premier traducteur, J.-
V. Scheil, les a découpées en 282 articles (découpage qui n’est pas explicite dans le texte
ancien), en considérant que la lacune du bas de la face de la stèle va du § 65 au § 99, ce qui est
peut-être trop.46 Pour désigner ces sentences, l'épilogue du Code met surtout l'accent sur le fait
qu'elles ont été prononcées par Hammurabi en tant que roi de justice dans un but de
glorification. Il emploie surtout le terme awātum qui peut être traduit par « parole » ou « cas
(juridique) », parfois plus précisément awāt mišarim, « paroles de justice » ou awātiya
šūqurātim, « mes paroles précieuses », et parfois dīnum, « procès », « cas », notamment sous la
forme dīnāt mišarim, « sentences de justice ».

Ces lois sont formulées de façon casuistique : elles prennent pour point de départ un
cas dont elles proposent la solution. C'est la façon typique de raisonner des anciens
Mésopotamiens, qui n'énoncent jamais de principes de portée générale, et que l'on retrouve dans
les traités scientifiques de l'époque (notamment de médecine et de divination). Les propositions
fonctionnent autour d'une première partie, la protase, introduite par la conjonction « si »
(šumma) qui ouvre une proposition conditionnelle dans laquelle est exposé le problème, à
l'aspect accompli qui est généralement traduit par un présent ou un passé de l'indicatif dans les
langues modernes. La seconde partie est l'apodose, qui propose la sentence à rendre, énoncée à
l'aspect inaccompli, généralement traduit par un futur.47

D. Charpin a identifié trois sources à l'origine de la mise en forme de ces « lois ». La


première est l'exemple des recueils juridiques plus anciens, dont certains articles ont pu servir
de modèles pour ceux du nouveau recueil. Une autre source est l'activité judiciaire du roi et des
autres juges babyloniens. On a ainsi pu relier des comptes-rendus de jugements rapportés par
des tablettes du temps de Hammurabi à des articles du Code, les premiers ayant manifestement
inspiré les seconds. Enfin, un processus de systématisation à partir de cas existants a pu

46
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
47
Idem
26

entraîner la création d'articles qui ne sont alors que la variation d'un cas avéré. Ainsi, les § 17 à
20 envisagent différents cas pour une personne ayant capturé un esclave fugitif : s'il choisit de
le restituer, il le rapporte à son maître si l'esclave donne son nom, ou bien au palais si l'esclave
ne donne pas le nom, il peut aussi le garder pour lui auquel cas il est passible de la peine de
mort, ou encore voir l'esclave fugitif lui échapper à son tour. Pour J. Bottéro la formulation
casuistique indique que c'est une sorte de manuel de science juridique à l'image des manuels de
divination, de médecine, d'exorcisme ou autres qui avaient le même type de formules et avaient
vraisemblablement été constitués suivant la même démarche mêlant empirisme et
systématisation.

D. La question de l'utilisation du Code

La question de savoir dans quelle mesure le Code de Hammurabi était employé dans la pratique
juridique fait donc l'objet de plusieurs discussions, même s'il est admis que ce n'était pas un
code juridique au sens moderne du texte. L'épilogue à la gloire du roi fournit des éléments
d'explication :

« Que l'homme injustement traité, qui est mêlé à une affaire, vienne devant ma statue de « Roi
de justice », se fasse lire ma stèle inscrite, qu'il écoute mes paroles précieuses, que ma stèle lui
dévoile l'affaire, qu'il voie son cas et qu’il laisse respirer son cœur en ces termes : « Hammurabi,
le seigneur qui est comme un père charnel pour les gens, s'est affairé à la parole de Marduk son
seigneur et a atteint ce que souhaitait Marduk au nord et au sud ; il a contenté le cœur de Marduk
son seigneur, a destiné pour toujours le bien-être aux gens et fait justice au pays. » […]

À l'avenir, que le roi qui, à un moment donné, apparaîtra dans le pays observe les paroles de
justice que j'ai écrites sur ma stèle ; qu'il ne change pas les jugements que j'ai portés pour le
pays, les décisions que j'ai prises pour le pays, qu'il n'enlève pas ce que j'ai gravé. […] Si cet
homme a été attentif à mes paroles que j'ai écrites sur ma stèle et n'a pas écarté ce que j'ai jugé,
n'a pas modifié mes paroles, n'a pas changé ce que j'ai gravé, cet homme sera un homme de
justice comme moi ; que Shamash allonge son sceptre, qu'il fasse paître ses gens devant la
justice. »

S'il reste ancré dans la glorification du roi et la volonté de faire perdurer son message, ce passage
souligne l'aspect pratique du texte : c'est aussi un moyen de dispenser la justice en différents
lieux du royaume où le monarque ne peut être au moment présent. Il y a une véritable volonté
27

de rendre le texte accessible, même s'il faut admettre que la nature de la stèle ne facilite pas
vraiment sa lecture.

E. Contenu des « lois » : aspects du Droit et de la société babyloniens au temps de


Hammurabi

Le contenu des « lois » du Code de Hammurabi offre un aperçu appréciable pour la


connaissance du droit et plus largement de la société babylonienne du début
du IIe millénaire av. J.-C., sur lesquels ils sont encore une source majeure en dépit de la grande
quantité de documentation de la pratique judiciaire (contrats de vente, de prêt, de mariage, etc.)
qui a été exhumée puis publiée pour cette période. Sans évoquer tous les aspects de la société,
qui relevaient du droit coutumier qui pouvait prendre des variantes locales, le Code aborde
plusieurs points importants : modalités de l'exercice de la justice, droits sur les propriétés,
activités agricoles, commerciales et autres, affaires familiales, situation des esclaves. Comme
cela a été évoqué plus haut, on débat sur la question de l'application de ces « lois » et donc sur
leur valeur en tant que sources d'informations sur ce qui se passait réellement dans le royaume
de Babylone. À plusieurs reprises les autres sources juridiques et administratives ont confirmé
le fait qu'elles reflétaient des situations réelles et ont souvent permis de les compléter et de
mieux les comprendre. Ce n'est guère étonnant si on considère le fait que ces dispositions ont
été rédigées à la suite d'affaires ayant réellement eu lieu (mais dont il peut être difficile d'établir
si elles étaient courantes ou non). Il reste tout de même plusieurs passages obscurs. En tout état
de cause, les différents passages de ce texte reflètent la mentalité des législateurs de cette
période, les autorités du palais royal (et en premier lieu le monarque) dont elles révèlent les
préoccupations.

F. Pratiques judiciaires

Les articles du Code de Hammurabi révèlent divers aspects des pratiques judiciaires
du royaume de Babylone au temps de Hammurabi. Les premiers articles s'intéressent
précisément à des aspects de procédure :

« § 1 : Si quelqu'un a accusé quelqu'un (d'autre) et lui a imputé un meurtre mais ne l'a pas
confondu, son accusateur sera mis à mort. § 2 Si quelqu'un a imputé des sortilèges à quelqu'un
28

(d'autre) mais ne l'a pas confondu, celui à qui des sortilèges ont été imputés ira au dieu-fleuve ;
il plongera dans le dieu-fleuve et si le dieu-fleuve s'en empare, son accusateur prendra pour lui
sa maison. Si le dieu-fleuve innocente cet homme, il s'en réchappe, celui qui avait imputé des
sortilèges sera mis à mort ; celui qui a plongé dans le dieu-fleuve prendra pour lui sa maison. §
3 : Si quelqu'un s'est présenté dans un procès pour un faux témoignage et n'a pas pu confirmer
ce qu'il avait dit, si ce procès est un procès de vie cet homme sera mis à mort. § 4 : S'il est
présenté pour un témoignage (quand il y a pénalité) en orge ou en argent, il subira la pénalité
(qui s'ensuivra) de ce procès. »

Ces articles insistent donc sur le fait que les procès doivent reposer sur l'étude de
témoignages confirmant les accusations. Les cas de fausses accusations et de faux témoignages
sont susceptibles de lourdes peines pour assurer le bon fonctionnement de ce système. Pour
aider les juges, plusieurs articles prescrivent que des accords donnent lieu à la rédaction de
tablettes (scellées), les preuves écrites étant souvent déterminantes lors des procès :

« § 122 : Si quelqu'un veut donner en garde de l'argent, de l'or ou quoi que ce soit à quelqu'un
(d'autre), il montrera à des témoins tout ce qu'il veut donner, il fera un contrat et (alors
seulement) il pourra donner en garde.

§ 128 : Si quelqu'un a pris une épouse mais ne lui a pas établi de contrat, cette femme n'est pas
épouse. »

Ces contrats impliquent des témoins qui peuvent être appelés lors des procès. Certains articles
prescrivent le fait qu'une personne doive prêter serment par les dieux pour donner plus de poids
à sa parole, puisqu'on pensait que s'il mentait les dieux allaient le punir. Au cas où les preuves
matérielles et les témoignages ne sont pas présents ou ne suffisent pas, certains articles comme
le § 2 cité précédemment prescrivent la pratique de l'ordalie : il s'agissait d'une épreuve ayant
lieu dans un fleuve, au cours de laquelle une personne devait prouver son innocence en
survivant, ce qui prouvait que le dieu du fleuve l'avait blanchie. Les raisons du recours à cette
épreuve sont variées et ses modalités exactes sont difficiles à déterminer, les témoignages sur
l'ordalie venant surtout des sources de Mari et présentant encore des zones d'ombre.

Le Code de Hammurabi donne également des indications sur les autorités judiciaires à
mobiliser dans certaines affaires. Ainsi, le « quartier » (babtum) est doté d'une personnalité
juridique et était constitué d'un personnel mal connu, et peut intervenir dans des affaires comme
le cas de couples dont la femme exigeait la rupture et trancher en sa faveur ou en la faveur de
l'époux, auquel cas la femme était noyée (§ 142-143). À l'opposé, le roi intervenait dans certains
29

cas graves : dans le cas d'un adultère, si le mari choisit d'épargner son épouse, c'est au roi seul
qu'il revient de gracier l'homme avec qui elle a fauté (§ 129).

Plusieurs articles mettent en avant le rôle des juges royaux (dayyānum), qui siègent de façon
collégiale et sont un maillon essentiel de l'administration de la justice. Leur droiture doit être
contrôlée : si un juge n'a pas fait exécuter une décision qu'il a rendue et couchée par écrit, il
devra payer une lourde amende et sera démis de ses fonctions (§ 5). Dans certains cas, c'est au
juge qu'il revient de vérifier si les liens familiaux sont respectés : il doit examiner si la décision
d'un père voulant déshériter son fils est juste (§ 168) et si les droits d'une veuve ne sont pas
bafoués par ses fils (§ 172). Les autorités judiciaires doivent donc assurer la protection des plus
démunis suivant l'idéal d'équité présenté dans le prologue et l'épilogue du Code.

SECTION 2. CREATION DE LA NOTION DE DROIT

Si la philosophie appartient aux Grecs, le Droit est l'œuvre de Rome. Non pas qu'elle ait
été seule à s'en soucier : bien avant elle, les puissants, les sages et peut-être les dieux s'en
préoccupent. Mais Rome est la première à vraiment le construire. Les premiers juristes romains
donnent au droit romain le caractère pratique et concret qui lui restera toujours attaché : leur
rôle n'est pas de théoriser, mais de rédiger des actes et de conseiller les parties dans les
formalités complexes du procès. De plus, ils n'avaient pas été formés dans des écoles de droit,
mais dans le cadre familial ou par des personnages impliqués dans la vie des affaires et de la
politique, qui les avaient admis dans le cercle de leurs intimes.48

La civilisation romaine est la première à avoir constitué un système juridique (littéralement


fondé sur le ius, les iura) qui nous soit parvenu. Le Droit romain, peut donc être considéré
comme le premier système juridique reconnu.

Le Droit romain définit clairement des termes et catégories juridiques (voir par exemple : ius
civile, appliqué aux citoyens Romains, ius gentium, appliqué au genre humain, et ius
naturale appliqué à tout ce qui est animé dans la nature). Là est le droit humain (ius), qui évolue
aux côtés du Droit divin (fas).49 La vie politique (publique, des citoyens poupulus est universi
cives) est organisée par le droit (civil, littéralement des citoyens). Cependant, « Rome ne s'est

48
JJD SIMON, Histoire du Droit, suivi en ligne le 25 février 2021.
49
LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., pp. 44-47.
30

pas construite en un jour » et il est difficile de dater précisément le début de la pensée juridique
romaine. Le ius Romain sera une source inépuisable grâce à laquelle les médiévistes créeront
le droit.50

Le Droit romain ne fait pas seulement référence au système juridique de la Rome antique,
mais aussi aux lois qui sont appliquées un peu partout dans l'Europe occidentale jusqu'à la fin
du XVIIIe siècle.

Dans certains pays, tel l'Allemagne, l'application pratique du « Droit romain », tel que ré-
interprété par la scolastique médiévale puis les Modernes, a duré plus longtemps encore, au
moins jusqu'à Bismarck. Pour ces raisons, nombre de codes civils modernes en Europe
continentale et ailleurs sont énormément influencés par le Droit romain. C'est particulièrement
vrai dans le domaine du droit privé.

Même la common law anglo-saxonne a connu une influence du droit romain, bien que
celui-ci ait eu, en apparence du moins, une moindre action sur le système juridique anglais que
sur les systèmes juridiques du continent. L'influence du Droit romain s'y ressent par la richesse
de la terminologie juridique, comme la règle du précédent, la culpa in contrahendo ou encore
la règle pacta sunt servanda. Pourtant, il y a lieu de lire une différence dans la conception de la
notion de la naissance du Droit.

§1. Conceptions allemande et grecque de la naissance du Droit

Il est fait ici une synthèse de l’école allemande (A) et de la loi dans la pensée de la Grèce
antique (B).

A. Selon l’école allemande

Cette école est de l’Université de Berlin, fondée par Karl Friedrich Von Savigny (1779-
1861), Recteur, Ministre de législation du royaume de Prusse, savant et brillant universitaire.
Critiquant toute forme de codification du Droit, à la française et en particulier le code civil
napoléonien parce que le français est révolutionnaire, il considère que ce Droit ne nait pas de
l’arbitraire du législateur. C’est-à-dire que l’Etat ne créant pas le Droit ne peut que le constater
et le déclarer.

50
LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., pp. 44-47.
31

De ce fait, le Droit, comme la langue ou les mœurs en général, est l’expression d’une culture
populaire en perpétuelle adaptation. Vouloir légiférer ne peut que figer cette évolution et la
conscience commune ou l’esprit d’un peuple doit être respecté. Reste que cet esprit du peuple
a besoin d’un vecteur pour pouvoir s’exprimer. Son affirmation passe par le recours à des
spécialistes.
Et à partir d’un certain stade, le Droit se développe alors dans la langue même du peuple, il
prend une dimension scientifique, et de la même manière qu’il vivait précédemment dans la
conscience de tout un peuple, il élit domicile maintenant dans la conscience des juristes par
lesquels le peuple est désormais représenté.
A partir de là l’existence du Droit est plus artificielle et plus complexe en ce qu’il mène une
double vie : d’abord partie de la vie d’un peuple, ce qu’il ne cesse pas d’être, ensuite comme
science spéciale entre les mains des juristes.
Pour jouer ce rôle d’interprète qualifié, le juriste doit éclairer les circonstances historiques qui
ont déterminé la genèse d’une règle donnée. Il doit donc recevoir une vraie formation historique
lui permettant de poursuivre chaque règle juridique jusqu’à ses racines ; ainsi découvrira-t-il
« un principe organique » pour lequel il serait possible de distinguer le passé vivant, qui est
encore important pour le temps présent, du passé mort qui n’a plus d’intérêt pour le juriste
moderne.

B. Loi dans la pensée grecque

Bien des siècles après la Mésopotamie, en Grèce antique, les cités grecques sont gérées en
royaume, il y a l’aristocratie ; ce sont des régimes autoritaires qui sont renseignés.
Les sources exclusives sont les philosophes et leurs ouvrages. Ce sont deux poèmes épiques qui
constituent deux témoignages d’une réflexion sur l’ordre du monde, la justice et le Droit :
l’Iliade et l’Odyssée composée au 8ème siècle avant notre ère.
La notion de THEMIS correspond à ce qui est licite à la loi proclamée par le roi. La loi est
soumise à la DIKE= justice droite, l’équité. Elle représente l’idéal supérieur de justice parfaite
et équitable à laquelle la sentence royale doit se référer.
Malgré ça, le Droit n’est pas toujours équitable, et pour cela nécessite qu’elle soit empruntée
de DIKE.
32

1. Apport des nobles athéniens

Au 7ème AV J.C, Athènes a un certain nombre de législateurs qui ont continué à soustraire
la loi, de l’influence des grandes familles nobles athéniennes.
En 700 une crise sociale atteint la Grèce. Athènes répond avec la démocratie alors Sparte répond
par un régime autoritaire :

- Au 6ème Siècle AV J.C, un homme Clisthène va donner à Athènes entre 507 et 501 AV
J.C, l’une des réformes des plus originales que l’Histoire ait connue. Il va remettre l’Etat entre
les mains du peuple (PLETHOS).
A partir de ce moment-là, la loi est fondement et émanation de la démocratie, elle va devenir
une loi politique qui va prendre le nom de Nomos. On passe d’une loi non écrite à une loi
populaire écrite émanant des citoyens.
Le Nomos (la loi) a vocation à répartir les droits et les devoirs de chacun. C’est le système
égalitaire appelé isonomie.
Au Ve siècle av. J.-C., les dix archontes élisent les héliastes par tirage au sort. Pour Aristote au
début de la vie d'Athènes, les premiers archontes étaient le roi et le polémarque, puis l'archonte
éponyme :
 L'archonte éponyme, littéralement « l'archonte », sans autre précision : il était chargé de
l'administration civile et de la juridiction publique. Il était le tuteur des veuves et des
orphelins et surveillait les litiges familiaux. Il s'occupait aussi du théâtre en nommant les
mécènes et les vainqueurs de tétralogies. Il donnait son nom à l'année de son archontat.
 L'archonte-roi : il était chargé des affaires d'homicide et des crimes d'impiété. Il lançait les
interdits religieux et devait être obligatoirement marié. Il préside les cérémonies religieuses.
 Le polémarque: il était chargé des affaires militaires. Avec l'importance croissante des
stratèges, l'archonte polémarque perdit peu à peu de son importance.
L'archonte-Roi est la magistrature héritière de la royauté et était donc initialement une fonction
à vie. Elle sera par suite réduite à 10 ans, puis à un an. Les deux autres magistratures étaient
quant à elles d'un an. À une date inconnue4, les trois archontes se voient secondés par six
thesmothètes, qui sont les gardiens de la législation, ce qui porte le nombre d'archontes à
neuf. Enfin, Clisthène ajouta un secrétaire, chargé de rédiger les avis des neuf autres
archontes. Dès lors, leur nombre est de dix, comme pour les autres magistratures
athéniennes. Avec ce système, seules les catégories les plus aisées étaient représentées.
33

 Au sens technique, un archonte est un gouverneur, un administrateur. Les listes de


préséances et les sceaux font connaître des archontes provinciaux (de Crète, Chypre,
Dalmatie) au IXe siècle, et des archontes de villes.
- Solon, considéré comme le père de la démocratie.
La réforme que mène Solon est fondamentale dans l'histoire de la pensée politique pour saisir
la prudence avec laquelle le réformateur athénien s'y prend, d'une manière moins radicale que
Lycurgue, pour corriger les vices des inégalités en allégeant la dette des pauvres sans pour
autant susciter la révolte des riches. Mais l'esprit de conciliation de Solon a ses inconvénients
que ne manqueront pas de remarquer les théoriciens politiques. Cette réforme s'accompagne de
la fondation d'un nouveau gouvernement mixte à prépondérance démocratique, pour concilier
les intérêts, sans pour autant éteindre dans les mœurs comme à Sparte les causes des inégalités
funestes aux Républiques : l'avarice.
Division entre les riches et les pauvres Car les Montagnards tenaient pour le Gouvernement
populaire ; ceux de la plaine voulaient un État Oligarchique ; et ceux de la côte maritime,
demandant un gouvernement mêlé des deux premiers, empêchaient l'un et l'autre des deux partis
opposez d'avoir l'avantage. D'ailleurs la division, qui naît51ordinairement entre les pauvres et
les riches à cause de leur inégalité, était alors plus enflammée que jamais, de manière que toute
la ville se trouvait dans un très-pressant danger, et semblait n'avoir d'autre moyen de se garantir
du naufrage, que de se soumettre au pouvoir d'un seul. Les pauvres, se trouvant obligés envers
les riches pour des dettes qu'ils ne pouvaient payer, étaient réduits ou à leur donner tous les ans
le sixième des fruits de leurs terres, c'est pourquoi on les appelait Sixenaires et Mercenaires 52,
ou à engager leurs propres personnes, ce qui les réduisait au pouvoir de leurs créanciers, qui se
les faisaient adjuger, et qui les retenaient pour leurs esclaves, ou les envoyaient vendre dans les

51
Car les Montagnards tenaient pour le gouvernement populaire. Ce passage est remarquable, en ce qu'il marque
l'esprit des Peuples, qui aiment un Gouvernement différent, selon les lieux qu'ils habitent. Ceux qui habitent les
montagnes, sont ordinairement plus amateurs de la liberté, c'est pourquoi ils veulent un Gouvernement populaire.
Ceux de la plaine, communément plus riches et plus polis, et par conséquent plus ambitieux, penchent vers
l'oligarchie, parce qu'ils espèrent d'être du nombre de ceux qui gouverneront. Et ceux de la côte, participant des
inclinations des uns et des autres, veulent un Gouvernement qui tienne de la démocratie et de l'oligarchie, c'est-à-
dire, c'est-à-dire que le peuple ait la liberté des suffrages, et le petit nombre le pouvoir de juger et de décider.
52
Ou à engager leurs propres personnes. C'est ce que les Romains imitèrent pendant longtemps ; car par une des
Lois des XII Tables, le débiteur, qui ne payait point, était adjugé à ses créanciers qui le gardaient chez eux en
prison, ou le vendraient. La Loi même leur permettait de le mettre en pièces, et de partager entre eux son corps ;
mais personne n’usa jamais d'un droit si atroce, et si contraire à l'humanité.
34

pays étrangers ; la plupart même étaient forcés de vendre leurs propres enfants ; car il n'y avait
point de Loi qui l'empêchât, ou bien ils étaient contraints d'abandonner leur patrie, pour se
soustraire à la cruauté de ces usuriers impitoyables.
Enfin le plus grand nombre de ces malheureux, et ceux qui se trouvèrent les plus forts et les
plus résolus, s'étant assemblés, s'encouragèrent à ne plus souffrir cette barbarie, et à élire pour
chef un homme de confiance, avec lequel ils iraient délivrer ceux qui n'avaient pas pu payer à
temps, obtiendraient un nouveau partage des terres, et changeraient entièrement le
gouvernement de l’État. Dans cette extrémité, les plus sages des Athéniens, voyant que Solon
était le seul qui ne fut point suspect à aucun des deux partis, car il n'avait trempé ni dans
l'injustice des riches, ni dans la révolte des pauvres, se mirent à le prier de s'entremettre des
affaires et d'apaiser tous ces différents.
- Périclès va renforcer l’essor de la démocratie comme aujourd’hui, il l’ostracisme était un
vote par lequel l’Ecclésia (l'assemblée des citoyens) prononçait le bannissement de l'un de
ses citoyens, dont le nom était inscrit sur un tesson de céramique désigné par le terme
ostrakon, signifiant coquille d'huître. Durant la période de bannissement, l’Ecclésia
conservait ces tessons, ostraca, où figuraient les noms des exilés. Athènes et quelques autres
cités, au Ve siècle av. J.-C., ont instauré une institution qui permettait de bannir pendant dix
ans un citoyen, sans que celui-ci perdît ses biens. C'était une mesure d'éloignement politique,
un simple vote de défiance à l'égard d'un citoyen influent soupçonné d'aspirer au pouvoir
personnel : ce n'était pas une peine judiciaire, cette sanction n'étant pas une condamnation
pénale : elle ne s'accompagnait pas de peine pécuniaire, et les droits civiques étaient
conservés. Cette importante institution apparaît donc marquée d'un esprit d'humanité tant
dans la procédure suivie que dans la peine prononcée.

2. Concept démocratie en Grèce antique

La démocratie a été mise en œuvre, pour la première fois dans l’histoire, à Athènes
à l’époque classique (Ve – Ive siècles avant J.-C.).
La Grèce antique était alors divisée en cités-États (poleis en grec ; singulier : polis), qui
avaient chacune leurs propres institutions et leur propre système politique.
La démocratie athénienne s’est construite progressivement :
35

• La réforme de Solon (594 avant J.-C.) pose les bases avec l’abolition de l’esclavage
pour dettes ;

• Les réformes de Clisthène (508 avant J.-C.) assurent une meilleure répartition des

citoyens sur le territoire en redécoupant l’espace ;

• Clisthène impose également une égalité entre les citoyens en se fondant sur la loi (on
parle d’isonomie).
Le mot démocratie a un sens différent dans l’Antiquité : « la démocratie grecque était le
pouvoir pour chacun des citoyens de débattre, de décider, de juger. C’était une liberté
politique, une liberté d’intervenir au niveau de la cité. Mais aucun État ancien n’a eu
l’idée que les individus eussent des droits » (Paul Veyne).
La démocratie athénienne a marqué l’histoire car elle nous a transmis nombre de traits.
L’égalité entre tous les citoyens, quel que soit leur degré de richesses ou leur origine
sociale, est l’un des plus importants héritages.
■ La démocratie athénienne n’est toutefois pas accessible à tous.
De larges parts de la société athénienne sont exclues de la vie civique :

• Les esclaves n’ont pas accès à la vie politique de la cité du fait de leur privation de

liberté ;

• Les Grecs originaires d’autres cités qui viennent s’installer à Athènes ne peuvent non
plus prendre part aux séances de l’Ecclesia (on les appelle les métèques).
La démocratie évolue aussi avec le temps. La réforme de Périclès en 451-450 avant J.C.
impose de nouvelles conditions : chaque Athénien doit être issu d’un mariage légitime,
avec un père et une mère fille de citoyen.

§2. Origine romaine du Droit

Paradoxalement les pays de l'Europe de l'Est, longtemps sous l'influence de l'Empire byzantin,
d'où provient le Corpus juris civilis, ne sont pas significativement sous l'influence du Droit
romain, le Droit byzantin s'en étant éloigné.
36

A. Rome antique – 753/476

Adapter la démocratie grecque, indirecte, Rome est une royauté dirigée par Rex (Romulus, fils
du dieu mars comme retrace l’Histoire et la mythologie).
La loi des douze tables (Lex duodecim tabularum) fut rédigée entre 451 et 449 av. J.-C. Il s'agit
de l'acte fondateur du ius scriptum (droit écrit) depuis la fondation de Rome.53 Après des années
de tensions entre les plébéiens et les patriciens, les tribuns de la plèbe proposèrent un
compromis avec la création d'une commission mixte chargée de rédiger des lois communes aux
plébéiens et aux patriciens. Le Sénat envoya à Athènes une délégation de trois représentants,
afin qu’ils étudient les lois de Solon et celles des autres cités grecques. Après leur retour, les
consuls et les tribuns de la plèbe se mirent d'accord pour laisser l'administration de la cité à un
collège de dix anciens consuls pour un an : ce sont les décemvirs, rédacteurs de la loi des douze
tables. Jusqu’alors, le droit romain était oral et appliqué de façon religieuse par les pontifes,
issus des grandes familles patriciennes. Désormais, avec la loi des douze tables, les Romains
disposaient d'une première loi écrite : elle contenait des règles diverses de droit privé, criminel
et religieux, qui définissaient la constitution de la République romaine.54

B. Droit romain à l'Est

1. Apport de Constantin 1er

Quand le centre de l'Empire est déplacé dans l'Est grec au IVe siècle, nombre de concepts
juridiques d'origine grecque apparaissent dans la législation romaine officielle. L'influence est
même visible dans le droit des personnes ou de la famille, qui est traditionnellement la partie
du droit qui change le moins. Par exemple, Constantin Ier commence à mettre des restrictions
au concept romain ancien de la patria potestas, en admettant que les personnes sub
potestate peuvent avoir des droits de propriétaire. Il fait apparemment des concessions au
concept beaucoup plus strict de l'autorité paternelle conformément au droit grec-hellénistique.
Le Codex Theodosianus (438) est une codification des lois constantiniennes. Les derniers
empereurs sont même allés plus loin, jusqu'à ce que Justinien n'ait finalement ordonné qu'un

53
www.roma-latina.com
54
Idem
37

enfant sub potestate devienne propriétaire de tout ce qu'il acquiert, excepté quand il obtient
quelque chose de son père.55

2. Code de Justinien

Le Code de Justinien (en latin : Codex Justinianus ou Codex Justiniani), parfois appelé
le Code Justinien, forme une partie du Corpus juris civilis. Publié le 7 avril 529, le Code de
Justinien fut rédigé sous l'empereur byzantin Justinien par une commission de fonctionnaires
impériaux et de professeurs des écoles de Droit, présidée par le juriste Tribonien56 ; il s'agit d'un
recueil de constitutions impériales (leges) publiées depuis Hadrien57. Il ne s'agit au fond que
d'une mise à jour du Code de Théodose de 438.58

a. Contexte historique de l’élaboration du Code

Dès la seconde année de son avènement au trône, c'est-à-dire en 528, Justinien voulut
qu'on fît un nouveau recueil officiel des constitutions de ses prédécesseurs. Justinien confia à
dix jurisconsultes, parmi lesquels figurait déjà Tribonien, la mission de trier les constitutions
impériales et de les codifier suivant un certain ordre de matières qui paraît avoir été celui
de l'Edictum perpetuum.59 Leur travail fut confirmé par Justinien et publié le 7 avril 529, sous
le nom de Codex Justinianeus.60

55
LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., pp. 43-47.
56
Idem
57
Ibidem
58
Ibidem
59
Ibidem
60
Ibidem
38

b. Structure

L'activité législative étant demeurée intense pendant la rédaction du Digeste, une seconde
édition fut promulguée en 534 sous les noms Codex juris civilis ou Novus Iustinianius.61 Le
Code de Justinien s'articule autour d'un plan cohérent : livre I : droit ecclésiastique ; livre II :
procédure judiciaire ; livres III à VIII : Droit privé ; livre IX : Droit pénal ; livre X : Droit
fiscal ; livres XI et XII : Droit administratif : ces dispositions renforcent la puissance de l'État
et son organisation hiérarchique.

Par rapport aux règles précédentes, le Code de Justinien se caractérise par le fait que l'empereur
devient la source unique du droit : l'empereur est seul investi du droit d'imposer les règles du
droit comme des injonctions ou des commandements, ce droit étant retiré aux magistrats.

c. Innovation

La principale innovation concerne l'affirmation des droits dont les hommes doivent
bénéficier et qui constituent une forme embryonnaire de « droits de l'homme » : la distinction
romaine entre le Droit civil des citoyens et le Droit des gens est abolie au profit du Droit des
gens. On voit, chez Hugo Grotius, que le droit des gens, « plus étendu que le Droit civil » est
celui qui « a reçu sa force obligatoire de la volonté de toutes les nations, ou d'un grand
nombre » et il affirme qu'on a coutume d'appeler le Droit naturel, Droit des gens.62 Cette
innovation se marquera par une protection accrue du droit des faibles : simplification des
procédures d'affranchissement des esclaves, qui deviennent alors immédiatement citoyens,
égalité entre tous les citoyens et suppression de la distinction entre les dediticii, les latins
juniens et les autres citoyens romains.63

En Droit familial, Justinien diminue la puissance paternelle en faisant interdire la noxæ


datio, qui permettait au père de famille de livrer son enfant en réparation des dommages qu'il
avait commis et en supprimant la règle par laquelle le père conservait la propriété des biens de
ses enfants : cette propriété est limitée à un simple usufruit.64 Les procédures d'émancipation

61
LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., pp. 43-45.
62
Idem
63
Ibidem
64
Ibidem
39

des enfants sont également simplifiées. Justinien diminue aussi la puissance maritale en
sanctionnant les divorces sans raison légitime, les remariages. Il allège la sanction de l'adultère
de la femme, et reconnaît aux femmes pauvres mariées sans dot un droit dans la succession de
leur époux ; les femmes se mariant avec dot conservent la propriété de celle-ci.

En Droit pénal, Justinien réduit la rigueur des mutilations, interdisant ainsi de faire couper
les deux mains et les deux pieds aux criminels et en interdisant la mutilation pour les voleurs.

Les pandectes ou récapitulation de codes réalisés sous Justinien, particulièrement


le Digeste (529-534), compilation du droit de l'ère classique, continuent à être la base du
système juridique dans l'Empire tout le long de ce qu'on appelle l'histoire byzantine. Léon III
l'Isaurien publie un nouveau code, l’Écloga, durant la première moitié du VIIIe siècle. À la fin
du IXe siècle, les empereurs Basile Ier le Macédonien et Léon VI le Sage s'attachent à la révision
et à la recodification du droit romain. Les lois sont regroupées matière par matière dans des
volumes spécifiques puis traduites en grec, seule langue alors comprise par le peuple et les
fonctionnaires. Ce code est devenu connu sous le nom de Basilica.

Le Droit romain est préservé dans les codes de Justinien et dans le Basilica et reste la base
de la procédure juridique en Grèce et dans les tribunaux de l'Église orthodoxe même après la
chute de l'Empire byzantin et sa conquête par les Turcs, et forme aussi la base de la plus grande
partie du Fetha Negest, qui tient encore en Éthiopie jusqu'en 1931.65

C. Droit romain à l'Ouest

À l'ouest, l'autorité de Justinien n'est pas allée plus loin que certaines régions des péninsules
italiennes et hispaniques. Les codes juridiques sont édictés par les rois germaniques, cependant,
l'influence des premiers codes byzantins est tout à fait visible sur certains d'entre eux. Dans
nombre de cas, les descendants des citoyens romains continuent à être gouvernés par les lois
romaines pendant assez longtemps, même alors que les membres de diverses tribus
germaniques sont régies par leurs propres règles.66

65
LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., pp. 43-45.
66
CASTALDO André et LEVY Jean-Philippe, Histoire du Droit civil, 2ème Edition Dalloz, Paris, 2010.
40

C'est le système de la personnalité des lois, que les Romains avaient eux-mêmes appliqué à
l'égard des peuples conquis. Le Code et l’Institutes sont eux-mêmes connus dans l'Europe de
l'Ouest et servent de modèle à l'élaboration pour quelques codes germaniques, mais
le Digeste est largement ignoré pendant des siècles. Autour de 1070, un manuscrit du Digeste
est redécouvert en Italie. Cela est fait principalement grâce aux travaux des glossateurs, qui
écrivent des commentaires entre les lignes (glossa interlinearis), ou en marge (glossa
marginalis). À partir de ce moment-là, les savants commencent à étudier les textes juridiques
de la Rome antique et enseignent à d'autres ce qu'ils ont appris. Le centre de ces études se situe
à Bologne. L'école de droit s'est développée progressivement en une des
premières universités d'Europe.67

Les étudiants, à qui on enseigne le Droit romain à Bologne (et plus tard dans nombre
d'autres endroits) constatent que beaucoup de règles de Droit romain conviennent mieux pour
réguler les transactions économiques complexes que les règles coutumières, qui sont
applicables partout en Europe. Pour cette raison, le Droit romain, ou au moins quelques
dispositions empruntées de ce dernier, commence à être réintroduit dans la procédure juridique,
des siècles après la fin de l'Empire romain d'Occident.68

Ce processus est activement soutenu par de nombreux rois et princes qui engagent des
juristes formés par l'université comme conseillers et employés de tribunaux et cherchent à
profiter des règles comme la célèbre Princeps legibus solutus est (« le souverain n'est pas tenu
par les lois », une phrase initialement forgée par Ulpien, un juriste romain).

Il y a plusieurs raisons qui expliquent le fait que le droit romain se propage durant le Moyen
Âge : la protection juridique de la propriété, l'égalité des sujets juridiques et de leurs volontés,
et aussi la possibilité que les sujets juridiques puissent disposer de leur propriété par testament.

Au milieu du XVIe siècle, le Droit romain redécouvert domine dans la procédure juridique
de la plupart des pays européens. Un système juridique, dans lequel le Droit romain est mélangé
avec des éléments du droit canonique et coutumes germaniques, spécialement la loi féodale, a
émergé. Ce système juridique, qui est répandu dans toute l'Europe continentale (ainsi que
l'Écosse) est connu sous le nom de ius commune et les systèmes juridiques basés sur celui-ci
sont dits romano-germaniques, ou droit civil dans les pays anglophones.

67
CASTALDO André et LEVY Jean-Philippe, Op.cit.
68
Idem
41

Seule l'Angleterre est très peu influencée par le Droit romain. Une raison de cela est que
le système juridique anglais est plus développé que ces homologues continentaux où le droit
romain se répand. Par conséquent, les avantages pratiques du Droit romain sont moins évidents
aux praticiens anglais qu'aux juristes continentaux. Une autre raison est que, éloignée de Rome,
l'Angleterre a été moins influencée par la culture juridique romaine et les barbares qui s'y sont
installés ont rapidement fait disparaître l'héritage, ne conservant même pas la langue romaine
conservée administrativement au moins sur le continent.

Ainsi, le système anglais de Common law se développe parallèlement au droit civil basé
sur un droit romain vulgaire. Des éléments du Droit romano-canonique sont présents
en Angleterre dans les tribunaux ecclésiastiques, et moins directement, dans le développement
du système d'équité.69

En plus, quelques concepts du Droit romain sont introduits dans le droit commun. Surtout
au début du XIXe siècle, les avocats anglais et les juges sont disposés à emprunter des règles et
des idées aux juristes continentaux et directement au Droit romain.

L'application pratique du droit romain et de l'ère du ius commune européen prend fin
quand les codifications nationales sont faites. En 1804, le code civil napoléonien français entre
en vigueur. Au cours du XIXe siècle, nombre d'états européens adoptent le modèle français ou
rédigent leurs propres codes. En Allemagne, la situation politique rend impossible la création
d'un code de lois national.

Depuis le Droit romain du XVIIe siècle, en Allemagne, a été grandement influencé du droit
(coutumier) domestique que l'on a appelé usus modernus Pandectarum. Dans quelques régions
d'Allemagne, le Droit romain continue à être appliqué jusqu'à en 1900.

D. Droit romain dans l’Histoire contemporaine

Aujourd'hui, le Droit romain n'est plus appliqué dans la procédure juridique, même si les
systèmes juridiques de quelques états comme l'Afrique du Sud ou Saint-Marin sont encore
basés sur le ius commune. Cependant, même là où le droit est basé sur un code, nombre de
règles dérivent de l'application du droit romain : aucun code n'a complètement rompu avec la
tradition romaine. Plutôt, les dispositions du droit romain sont inscrites dans un système plus

69
XAVIER MARTIN, Op. Cit.
42

cohérent et exprimées dans la langue nationale. Pour cette raison, la connaissance du Droit
romain est utile pour comprendre les systèmes juridiques d'aujourd'hui.

Alors que l'on entreprend l'unification du droit privé parmi les membres de l'Union
européenne, le vieux ius commune, qui est partout la base de la pratique juridique, mais qui peut
tenir compte des coutumes diverses locales, est vu par beaucoup comme un modèle. 70

1. Ius civile

Le ius civile (du latin, littéralement « droit des citoyens », originellement ius civile
Quiritum) est le cœur et le fondement du droit romain (ius), tant et si bien que le
terme ius désigne presque toujours le ius civile.

Il désigne le corps des règles qui s'appliquent à tous les citoyens romains et aux préteurs
urbains, les magistrats ayant la juridiction sur les cas impliquant les citoyens. Il se distingue
ainsi du jus gentium, qui concerne les litiges entre citoyens et pérégrins (étrangers), mais aussi
du ius honorarium, qui caractérise les règles édictées par les préteurs (ou leur
« jurisprudence »).

2. Droit des gens

« Droit des gens » est une traduction du latin jus gentium (gens, gentis, signifiant
« nation », « peuple ») qui désigne soit les droits minimums accordés aux membres des
peuples étrangers pris individuellement, y compris ennemis (devenus les droits de l’homme),
soit le droit des nations étrangères prises collectivement.71

Le Droit des gens, appelé aussi dans la tradition protestante Droit naturel public, est à
l'origine du droit de la guerre et du Droit international.

3. Le jus gentium à Rome

Jusqu'à l'édit de Caracalla de 212, qui accorde la citoyenneté romaine à tous les hommes
libres, le droit romain distinguait les citoyens romains des pérégrins, qui étaient des hommes

70
DUVERGER Maurice, Op. Cit., p. 27.
71
DUGUIT Léon, Op. Cit.
43

libres non citoyens. Le jus gentium fut ainsi développé par les préteurs pérégrins, créés en 242
av. J.-C., afin de régler les litiges opposant citoyens et étrangers, notamment dans le cadre
commercial : c'était ainsi un véritable droit commercial qui se développa aux côtés du ius civile,
applicable aux litiges entre citoyens.72

Un type de préteur spécifique, le « préteur pérégrin », fut créé par une loi afin de trancher
ces litiges commerciaux. Peu à peu, néanmoins, les juristes intégrèrent le ius gentium au ius
civile, ce qui favorisa un assouplissement des règles strictement ritualisées de ce dernier.

E. Ius naturale

Le ius naturale (du latin, littéralement « Droit naturel ») est un concept que les juristes ont
développé pour expliquer pourquoi tous les gens semblent obéir à quelques lois. Leur réponse
est que le « droit naturel » inculqué à tous est un sens commun.73

Les juristes romains se sont demandé pourquoi le ius gentium (les lois qui s'appliquent
aux citoyens romains et aux pérégrins) est généralement accepté par tous ceux qui vivent dans
l'Empire romain. Leur conclusion est que ce droit a un sens pour une personne raisonnable et
ainsi est suivi. On a donc appelé tout droit qui aurait un sens à une personne normale le ius
naturale.

L'esclavage par exemple fait partie du ius gentium de l'Empire car l'esclavage est connu
et accepté comme un fait dans toutes les parties du monde connu, néanmoins il n'a pas de sens
pour une personne raisonnable. Forcer les gens à travailler pour d'autres n'est pas naturel. Donc
l'esclavage fait partie du ius gentium, et non pas du ius naturale. Il est important de noter,
cependant, que le ius naturale des juristes romains n'est pas le même que celui qu'implique
le Droit naturel moderne.

1. Origine du ius

Le ius naturale a un rôle primordial dans la Rome antique. Il appartient au domaine de


ius, qui signifie droit. Il est donc rattaché au terme de ius civile et ius gentium :

72
GAURIER Dominique, Introduction à l’Histoire du Droit International Public, Presses Universitaires de Rennes,
2014.
73
Idem
44

ius : L'ius, le droit romain antique. Il y a ici référence à l'élévation vers les divinités.

ius civile : le ius civile (terme latin, qui signifie « droit des citoyens », originellement ius civile
Quiritum) est le cœur et le fondement du droit romain, de manière plus générale, le terme
« ius » défini généralement celui de « ius civile » ;

ius gentium : C’est le droit des gens, qui désigne soit les droits minimums accordés aux
membres des peuples étrangers pris individuellement, y compris ennemis, soit le droit des
nations étrangères prises collectivement ; Cicéron (avocat et auteur italien) émet le terme de la
res publica.

C’est la traduction latine de la « chose publique ». Cela désigne un Etat gouverné selon le
bien du peuple. La res populi signifie le peuple. Il faut soulever qu’un peuple n’est pas un
regroupement d’homme assimilés au hasard, formée de quelque manière que ce soit mais plutôt
une société cimentée par le iuris consensus. Sans consensus, il est impossible de voir l’action
politique couronnée de succès.74

Cette assimilation a une « utilitas communionis », c’est-à-dire, une participation bénéfique.


Les notions abordées semblent donc toute reliées par le « iuris consensus ». Ce dernier
comprend le ius civile, ius gentium et ius naturale. Ce sont les composants de ius dans la pensée
Romaine. « Omnes populi, qui legibus et moribus reguntur, partim suo proprio, partim
communi omnium hominum iure utuntur. Nam quod quisque populus ipse sibi ius constituit, id
ipsius proprium civitatis est vocaturque ius civile, quasi ius proprium ipsius civitatis: quod vero
naturalis ratio inter omnes homines constituit, id apud omnes peraeque custoditur vocaturque
ius gentium quasi quo iure omnes gentes utuntur ». Toutes les lois et les coutumes sont en partie
propres, elles sont communes et peuvent être usés par tout homme. Les habitants de la
communauté les appliquent eux-mêmes, que leur ville, est considéré « civile », en tant que droit
de l’état particulier : le système naturel correspond aux décrets placés entre les hommes,
définissant les bonnes personnes et utilisés dans toutes les nations.75

2. Définition du "ius naturale"

Le ius naturale, appelé « loi naturelle » ou « loi de la nature » comprend des principes
juridiques, supposant révéler un raisonnement abstrait, ou être enseignés à toutes les nations et

74
GAURIER Dominique, Op. Cit. p. 16. Lire aussi LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., p. 15.
75
Idem
45

à tous les hommes d’un point de vue naturel. Cette loi est censée régir les hommes et les peuples
dans un état considérée naturel ou en lien avec les natures. Cette notion apparaît avant
l’apparition des gouvernements organisés ou celle des lois promulguées. Cette idée / notion
provint des juristes philosophiques de Rome et s’élargit progressivement et devint peu à peu un
fondement, une base à tous les systèmes de droit positif. On la retrouve donc par conséquent
plus ou moins dans les lois communes à tous.

Cependant le « ius naturale » comprend lui aussi des sources primaires. L’expression
contient en effet un double sens : d’un côté, on retrouve les références dans lesquelles « ius
naturale » est utilisé d’une manière explicative ou illustrative. D’un autre côté, il y a des sources,
dans lesquelles ius naturale est défini.

De manière définie, la loi naturelle est ce que la nature a enseigné à tous les animaux. Cette
loi n'avait pas le genre, propriété humaine de la nature, mais de toutes les créatures vivantes,
que ce soit dans le ciel, les choses sur la terre ou dans la mer.76

La manière comme Ulpien aborde le problème nous communique que ius naturale est le
droit que la nature a appris à tous les animaux qui vivent sur la terre et dans les eaux, et qui
appartient également aux oiseaux.

3. Caractéristiques du Droit naturel dans les sociétés antiques

C’est pendant l’antiquité, par la civilisation grecque que le concept du Droit naturel reçoit
une formulation explicite. Les lois naturelles se trouvent, selon les précurseurs de cette période
historique, dans la nature des choses, ou encore dans l’ordre du monde. Des auteurs célèbres
illustrent cette représentation de « droit ou loi naturel(le) ».

Le premier texte est le passage célèbre d’Antigone de Sophocle où le personnage invoque


une loi éternelle face à la loi positive édictée par le tyran Kréon. L’héroïne impose aux décrets
humains une limite venant d’en haut (des dieux).

Il y eut ensuite les Sophistes qui émettaient une distinction entre nature et loi, puis Socrate,
qui établissait un lien entre le « ius naturale » et la religion. Selon le christianisme, l’homme

76
GAURIER Dominique, Op. Cit. p. 16. Lire aussi LAFERRIERE Firmin, Op. Cit., p. 15.
46

garde un pied dans la cité, mais son esprit s’élève au-dessus d’elle. Le Droit naturel est donc
une aspiration à la justice, à la liberté, au bien-être, et Dieu incarne toute cette perfection.77

Enfin, Aristote affirmait l’existence de lois naturelles, universelles et immuables, qui ne


peuvent pas changer à travers les siècles. Il introduit donc une idée de temporalité en mettant
en avant la pérennité de ce « ius naturale ».

Les romains, influencés par la pensée grecque, se donnent à chercher et à comprendre cette
loi de nature. Cicéron la décrit dans De Republica : « Une seule et même loi éternelle et
immuable qui régit toutes les nations en même temps ».

Par conséquent, l’idée d’un « ius naturale » ne consiste pas à dissocier de l’autre, mais au
contraire, il sert à la construction. L’homme qui suit le courant du Droit naturel est animé par
un esprit de vérité. Dans les sociétés antiques, le concept de ius naturale était un concept
philosophique abstrait, qui varier d’un précurseur à un autre. Son rôle était de dépasser le seul
cadre politique. Il incarnait l’aspiration au bien. Dans la cité, l’homme doit respecter les
engagements qu’il souscris, réparer les préjudices qu’il créé…78

77
GAURIER Dominique, Op. Cit. pp. 15-17.
78
Idem
47

CHAPITRE 3 : ORIGINE PLURALISTE DU DROIT

Dès avant les Invasions, le Droit romain était en train de dégénérer. Il ne faut d’ailleurs
jamais oublier que la compilation de Justinien n’avait pas été promulguée en Gaule, qui
échappait à l’époque à l’Empire romain d’Orient.79 En vertu du principe de la personnalité des
lois, les Gallo-Romains continuèrent, après les Invasions, à pratiquer ce Droit romain. L’Eglise
fit de même. Les actes écrits en latin par des clercs ont longtemps conservé les apparences, au
moins extérieures, du Droit romain. Mais, en fait, ce droit était très abâtardi, contaminé par les
influences germaniques, défiguré par la procédure ou les preuves barbares. Un jour, il tomba
dans l’oubli.

SECTION 1. DANS LA RELIGION

Le Droit est certes donné par Dieu, mais celui-ci ne dirige pas directement les hommes par
un représentant mais, comme le développera Jésus, par la repentance, autrement dit
l'assimilation personnelle d'un Droit divin puisé autant dans sa conscience et que la loi, et qui
reste divin dans la mesure précisément où il est autant personnel qu'universel et où personne ne
peut s'en réclamer pour gouverner autrui. Le judaïsme, fondement du christianisme et de l'islam,
a toujours séparé le temporel du spirituel à l'exception de la période mosaïque, période
largement mythique où s'exprime néanmoins le conflit entre les aspirations du peuple et les
commandements de Dieu.

§1. Dans le judaïsme et l’Islam

Les Dix commandements sont des tables brisées par Moïse, dans sa colère de voir le peuple
préférer le culte du veau d'or à la parole de Dieu, et toute l'histoire juive selon la Bible n'est
qu'une suite de conflits entre les rois et les prophètes. Le judaïsme n'a pas donné lieu à une
théorie des droits de l'homme face au pouvoir royal, car ce dernier n'y est pas plus porteur de la
parole de Dieu que la conscience humaine.

79
CASTALDO André et LEVY Jean-Philippe, Op. Cit., p.5.
48

A. Ancien Testament

— Genèse IX:6

Mais contrairement aux codes légaux en vigueur à cette époque au Proche-Orient, dont le Code
d’Hammourabi, la Torah indique clairement que :

« Les pères ne seront pas mis à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les
pères : chacun sera mis à mort pour son propre péché. »

Dans la Torah

La formule « œil pour œil, dent pour dent » revient trois fois dans le Pentateuque :

« Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main,
pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. »

— Exode 21,23-25

« Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu’il soit, il sera mis à mort. S’il frappe à
mort un animal, il le remplacera — vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un
compatriote, on lui fera ce qu’il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; on
provoquera chez lui la même infirmité qu’il a provoquée chez l’autre. Qui frappe un animal doit
rembourser ; qui frappe un homme est mis à mort. Vous aurez une seule législation : la même
pour l’émigré et pour l’indigène. »

— Lévitique, 24,17-22

« Ton œil sera sans pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour
pied. »

— Deutéronome, 19,21

À quoi s'ajoute :

« Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé. »

— Deutéronome, 24,16
49

Divers passages de la Bible prônent par ailleurs, une morale de dépassement quand la
réconciliation est possible :

« Tu ne te vengeras pas, ni ne garderas rancune aux enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton
prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel. »

— Lévitique, 19,18

« Ne dis pas : Comme il m’a traité, je le traiterai, je rends à chacun selon ses œuvres. »

— Proverbes, 24,29

Plusieurs thèmes de Droit sont soulevés dans la Bible, entre autres :

Justice, Nation, Gouverneur, Roi, Esclave, Liberté, Enfant, science, Juge, Avocat, Gloire,
Adoration, Compassion, Crainte, Loi- Grâce, Chemin, Vérité, Vie, etc.

B. Dans l'Islam

Le Coran s’exprime ainsi :

« Ô les croyants ! On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme libre pour homme libre,
esclave pour esclave, femme pour femme. Mais celui à qui son frère aura pardonné en quelque
façon doit faire face à une requête convenable et doit payer des dommages de bonne grâce. Ceci
est un allègement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. Donc, quiconque après cela
transgresse, aura un châtiment douloureux. »80

— Sourate II, verset 178

« C'est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ô vous doués d’intelligence, ainsi
atteindrez-vous la piété. »

— Sourate V, verset 45

Le droit musulman — le fiqh — établit quatre conditions pour que la peine de mort pour le
meurtrier soit applicable :

Que la peine de mort soit réclamée par les familles des victimes : Les juristes musulmans se
basent sur une tradition prophétique (hadith) du Prophète Mahomet : « Celui dont (un proche)

80
WIKIPEDIA.Org.
50

a été tué, ou celui qui a été blessé, a le choix entre trois possibilités : soit il demande la loi du
talion, soit il pardonne, soit il prend le dédommagement financier ».81

Qu'il y ait des preuves irréfutables de la culpabilité : En effet, une simple présomption est
rejetée par les juristes ou la présence d'indices réels mais insuffisants. Les juristes musulmans
établissent la règle suivante : « Les peines et le talion sont caducs dès qu'un doute est présent ».

Qu'il soit prouvé qu'il y avait intention de tuer : l'homicide involontaire ou les coups et blessures
ayant entrainé la mort sans intention de la donner ne sont pas sujet à la peine capitale en Islam.

Qu'il n'y ait pas présence de circonstances atténuantes : Le droit musulman rend caduque
l'application de la peine capitale s'il y a présence de circonstances atténuantes malgré la
présence des trois conditions précédentes. Ainsi en est-il du cas de légitime défense.

§2. Dans le christianisme

Les disciples de Jésus-Christ, se déclarant témoins de l’évangile, mettent en évidence un


lien entre la nouvelle et l’ancienne alliance selon la parole du Maître en inaugurant une nouvelle
logique de justice.

Jésus dans le Nouveau Testament déclare, selon Matthieu :

« Vous avez appris qu’il a été dit : « œil pour œil et dent pour dent ». Et moi, je vous dis de ne
pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi
l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si
quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à
qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. »

— Matthieu 5,38-42

Ce verset a suscité deux grandes écoles d'interprétation. La première école est celle des
pacifistes radicaux (par exemple, Érasme), qui interprètent la parole de Jésus comme une
opposition à la loi du talion. La deuxième école est celle des contextualistes (par exemple saint
Augustin et saint Thomas d'Aquin) qui prennent en compte le contexte du discours et
affirment que Jésus n'est pas venu abolir la loi de Moïse, mais l'accomplir (Mt 5, 17), et que sa
parole n'est pas à comprendre en opposition à la loi du talion, mais en approfondissement par

81
WIKIPEDIA.Org.
51

rapport à celle-ci. Selon cette deuxième école, tendre l'autre joue ne signifie pas ne pas réagir,
mais se mettre, au moment de réagir, dans une disposition de cœur qui consiste à ne pas agir
pour son propre intérêt.

§3. Selon les courants idéologiques

Il est à signaler ici quelques courants de pensée : le capitalisme, le communisme, le nazisme,


l’écologisme, le nationalisme, le marxisme, le matérialisme, l’idéalisme, etc.

SECTION 2. QUEL DEVELOPPEMENT DANS L’HISTOIRE PLUS


PROCHE ?

Le Droit moderne n’applique plus la Loi du talion en matière criminelle. L'article 2 de la


Convention européenne des droits de l'homme ne permet le recours à la force, que lorsqu'elle
est absolument nécessaire. Elle est considérée comme relevant plus de la vengeance privée que
de la justice.

Fondamentalement, les peines prononcées aujourd’hui servent à punir le coupable, mais elles
sont doublées d’une volonté de préparer le condamné à sa réinsertion dans la société après une
période de réadaptation. Parallèlement, en matière civile, le concept de dommages-
intérêts constitue la réparation financière, à laquelle peut prétendre la personne ayant subi un
préjudice moral et/ou une atteinte dans son patrimoine (préjudice matériel).

Par contre, on peut la rencontrer dans certains États appliquant le Droit islamique, comme
au Nigeria, où la restauration dans les États du nord de la charia a vu l'introduction d'une loi du
talion en matière de blessures ou d'homicide, avec faculté pour la victime ou ses héritiers d'y
renoncer, au profit d'une indemnité financière.

§1. Droit divin et Droit naturel

A. Rapprochement possible

Le Droit divin, en tant que fondement des régimes théocratiques, et en tant que justification
de certaines monarchies d'Ancien Régime, a été historiquement opposé au courant du Droit
52

naturel et des droits de l'homme. Cependant, au-delà de cette opposition, le Droit naturel et les
droits de l'Homme contemporains, tout comme le Droit divin avant eux, reprennent une thèse
dont le principe essentiel remonte à l'Antiquité, à savoir l'existence de règles universelles,
intemporelles et imprescriptibles, supérieures à la volonté des pouvoirs politiques, et assurant
à tous les êtres humains des droits fondamentaux identiques.82

À cet égard, en s'opposant à la Déclaration des droits de l'homme, l'Église catholique,


en 1791, condamnait essentiellement la justification naturelle, et non divine, des droits, plutôt
que leur existence.

1. Différence définitionnelle

Tandis que le Droit divin attribue l'origine des règles universelles à une autorité surnaturelle
nommément désignée, le Droit naturel les attribue à la nature elle-même. Le Droit naturel n'a
donc pas besoin de référence religieuse pour exister, ce qui, dans un monde marqué par la
diversité (et parfois l'affrontement) des religions, lui donne la portée générale à laquelle aucune
religion ou idéologie politique ne peut prétendre.

2. Comparaison et rapports du Droit naturel avec le Droit positif

Il sied de noter que ces notions sont largement opposées en raison de leur contenu, ce qui
fait l’objet de plusieurs critiques juridico-philosophiques.

En ce qui est de leur contenu il est opportun de rappeler avec force, que pour les partisans du
positivisme juridique, le Droit positif est un ensemble de phénomènes qui prennent place dans
le temps et dans l’espace, à la différence du Droit naturel, qui s’apparente davantage à la
métaphysique, à des valeurs.

D’autre part, les courants positivistes estiment vaine toute activité de l’esprit prétendant
dépasser l’observation des phénomènes et de leurs relations mutuelles tandis que le Droit
naturel peut être défini comme des principes immuables découverts par la raison.

De plus, selon la philosophie kantienne, il y a une distinction entre les noumènes et les
phénomènes. Le Droit positif s’apparente donc à un phénomène tandis que le Droit naturel tente
d’être un noumène.

82
GAURIER Dominique, Op. Cit. pp. 15-19.
53

Se référant à la pensée allemande du XIXe siècle, les codifications particulières et l’exemple


de la France ont provoqué une réaction. Ainsi, le Droit, considéré comme l’œuvre de la "raison
raisonnante" par "l’école du Droit de la nature et des gens" aux XVII et XVIIIe siècles, est alors
perçu comme le produit spontané et plus ou moins inconscient de l’esprit populaire, ce qui
s’apparente au Droit positif. Il est à rappeler que le Droit naturel :

1. Recherche le juste par une analyse rationnelle et concrète des réalités sociales, orientée
par la considération de la finalité de l’homme et de l’univers.
2. Ce sont des principes, immuables et éternels parce qu’inhérents à la nature humaine,
découverts par la raison, permettant d’éprouver la valeur des règles de conduite positive
admises par le Droit objectif.83

Il est à ajouter qu’à la différence du Droit naturel, qui est valable pour tous les temps et
tous les lieux, le Droit positif connaît des variations et des divergences selon le temps et
l’espace. Enfin, tandis que le Droit naturel a une valeur universelle, par contre le Droit positif
doit être étudié par l’observation de la vie sociale selon le positivisme sociologique. Étant donné
que cette observation montre que les sociétés sont différenciées, le Droit positif varie donc selon
la société dans laquelle il est en vigueur.

En ce qui est de critiques, nées de cette distinction, il faut le rappeler avec la doctrine du
positivisme juridique, qu’il se borne à l’étude des systèmes existants. Pourtant, les adeptes de
la doctrine du Droit naturel critiquent cette attitude parce qu’elle ne dispose pas d’une
philosophie du Droit et de sa science si on a le souci de la justifier. Le Droit naturel permettrait
donc une spiritualisation et une universalisation du Droit positif qui lui ferait défaut.

Nonobstant, la distinction existante entre le jus naturale et le Droit positif, il est d’une
importance capitale que ces deux formes de Droit entretiennent de rapports de force.

De premier abord, une certaine partie de doctrine à rappeler avec force que le Droit positif est
la copie exacte du Droit naturel ayant fait l’objet d’une codification c’est-à-dire que le Droit
positif s’est inspiré du Droit naturel. Plusieurs règles de Droit, peuvent être citées à titre
d’exemple il en est ainsi du viol qui est à la base une règle de Droit naturel, du meurtre qui
s’inscrit dans le même sillage.

83
GUICHARD Serge et DEBARD Thiery, Lexique des termes juridiques, 22 ème Ed. Dalloz, Paris, 2015, p. 388.
54

La législation française n’a pas eu froid aux yeux en codifiant ces règles du Droit naturel. En
ce qu’est du meurtre par exemple, il est à rappeler que suivant la doctrine de l’Église catholique,
que Caïn considéré comme étant le premier criminel, avait fait preuve de remords après avoir
donné la mort à son frère ; or, à cette époque le Droit positif n’existait pas encore.84 Le fait de
donner la mort à quelqu’un était considéré comme un comportement déviant à la société cela
en raison du Droit naturel.

Il est à comprendre donc, qu’il n’est possible de parler du Droit positif sans répartir aux origines,
sans parler du jus naturale puis que même pour la doctrine positivisme, le Droit positif remonte
à une époque récente. Grosso-modo, le Droit naturel, est pour le Droit positif ce qu’est le parfum
pour la rose: cf Henry David Thoreau.

84
CASTALDO André et LEVY Jean-Philippe, Op. Cit., pp.479 et S.
55

CHAPITRE 4 : GENESE DES SOURCES DU DROIT

De manière commune, on classe les sources du droit en plusieurs catégories comme par
exemple en sources formelles et sources matérielles, sources écrites et sources non écrites ou
bien encore sources nationales et sources internationales. La notion de source peut renvoyer à
la mise en forme d'une règle existante. Elle peut aussi correspondre à la création d'une
prescription juridique.

De manière générale, trois sources du droit sont présentées en droit français (loi, coutume
et jurisprudence) auxquelles la doctrine s'ajoute comme autorité. Cette conception n'est pas
pleinement partagée par d'autres systèmes juridiques notamment en common law (avec les
précédents et l'équité).

SECTION 1 : COUTUME

La coutume, source des plus anciennes, a été essentielle à la formation de règles juridiques
au sein d'un groupe social vivant sur un territoire donné et ayant une force obligatoire en lien
avec le sentiment collectif attaché à cet usage consacré par le temps. Elle a été longtemps orale
posant alors la question de sa preuve en justice. Elle a aussi fait l'objet d'une mise par écrit, la
figeant alors, à l'initiative d'autorités diverses (ville, seigneur, prince...).

§1. Coutume et tradition

Il existe une différence entre coutume(A) et tradition (B). La tradition est universelle et se
présente souvent sous différentes formes selon les pays, mais une tradition n'est pas toujours à
l'échelle nationale, elle peut être familiale. La coutume est une histoire de localité, de région.
Les traditions illustrent l'histoire des peuples.

A. Coutume

Une coutume est une pratique qui s’applique à travers les générations afin de reproduire et
de conserver les mêmes habitudes et les mêmes agissements anciens d’un peuple, d’un pays ou
d’une famille. La coutume et la tradition sont intimement liées et sont souvent associées mais
56

la tradition peut être définie comme la pensée qui entoure la mise en application concrète de
coutume dans les faits.

B. Tradition

La tradition désigne la transmission continue d'un contenu culturel à travers


l'histoire depuis un événement fondateur ou un passé immémorial (du latin traditio, tradere,
de trans « à travers » et dare « donner », « faire passer à un autre, remettre »).
Cet héritage immatériel peut constituer le vecteur d'identité d'une communauté humaine,
élément pouvant contribuer à son ethnogenèse. Dans son sens absolu, la tradition est
une mémoire et un projet, en un mot une conscience collective : le souvenir de ce qui a été, avec
le devoir de le transmettre et de l'enrichir. Avec l'article indéfini, une tradition peut désigner un
mouvement religieux par ce qui l'anime, ou plus couramment, une pratique symbolique
particulière, comme les traditions populaires.

La tradition est une transmission culturelle qui dure à travers le temps et concerne des
doctrines qui peuvent être religieuses, morales, politiques, etc. Les traditions se transmettent de
génération en génération et il s’agit plus d’une pensée et d’un état d’esprit qui entoure des faits
et des habitudes.85

Dans le langage courant, le mot tradition est parfois employé pour désigner un usage, voire
une habitude, consacré par une pratique prolongée au sein d'un groupe social même restreint
(par exemple une tradition familiale). Le concept de tradition revêt un sens différent dans le
mot traditionalisme, qui représente une volonté de retour à des valeurs traditionnelles, et non
de transmission d'un héritage à travers l'évolution historique.86 Le traditionalisme est l'opposé
du progressisme. Il ne s'agit donc pas d'une notion directement liée à la définition première de
la tradition.

85
CASTALDO André et LEVY Jean-Philippe, Op. Cit., pp.479 et S.
86
Idem
57

C. Dans la religion

Selon le sociologue Maurice Halbwachs, « la religion entière se résume dans le processus


de traditionalisation ».

En Judaïsme on peut citer la tradition des prophètes. Dans le catholicisme, la Tradition (avec
une majuscule) est la deuxième source de la Révélation avec la Sainte Écriture. Elle la précède
dans le temps (la Révélation étant d'abord orale) et la dépasse en contenu : c'est en effet la
Tradition qui définit quels sont les livres appartenant à la Sainte Écriture, comment les
interpréter, etc. On la définit couramment comme « la parole de Dieu non écrite dans la Bible,
mais transmise par l'enseignement des Apôtres et parvenue comme de main et main jusqu'à
nous », ou plus simplement comme ce qui a toujours été cru, partout et par tous.

§2. Coutume en Droit

Une tradition est, en sociologie, une coutume ou une habitude qui est mémorisée
et transmise de génération en génération, à l'origine sans besoin d'un système écrit. Des
histoires sont bâties pour une ritualisation de la pensée autour d'une manière de faire et de ses
accessoires, désormais fortement relayées par la publicité et les lois.

La coutume est une pratique, un usage, une habitude qui, avec le temps, et grâce au
consentement et à l’adhésion populaire, devient une règle de Droit, bien qu’elle ne soit pas
édictée en forme de commandement par les pouvoirs publics. Elle est issue d’un usage général
et prolongé (repetitio) et de la croyance en l’existence d’une sanction à l’observation de cet
usage (opinio necessitatis).87

De traditions anciennes et orales peuvent naître peu à peu des traditions modernes et écrites, à
une autre époque, dans un autre contexte. Dans les matières juridiques, la tradition est la remise
de la chose objet d'un contrat. Le terme est issu du latin Traditio, entendu comme la remise de
la chose nécessaire pour former un contrat de vente ou un contrat de prêt en Droit romain.

87
GUICHARD Serge et DEBARD Thiery, Op.cit., p. 297.
58

SECTION 2 : JURISPRUDENCE ET DOCTRINE

A la suite de Portalis, il est à reconnaître que l’histoire est « la physique expérimentale de


la jurisprudence […] un vaste champ d’expériences (les seules expériences pratiquement
concevables en matière sociale), et que nous devons consulter, bien moins comme une
révélation de la vérité en soi (qui peut fort bien avoir été méconnue dans les faits), que comme
une pierre de touche, éprouvant le mérite des systèmes, dont elle nous retrace et l’origine et les
destinées ».88

§1. La jurisprudence

La jurisprudence est un « ensemble de règles de droit nées de l'activité judiciaire ». Elle


pose la question du « droit né de l'interprétation » (P. Deumier) en relation avec le rôle que le
juge a joué au cours du temps comme force créatrice du Droit.

Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la


loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.
Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les
causes qui leur sont soumises.

§2. La doctrine juridique

La science du Droit s’est élaborée à petits pas sous la République avant de s’épanouir
sous l’Empire. Cela est surtout vrai du Droit privé (A). La science du Droit public, par
comparaison, s’est peu développée (B).

A. L’épanouissement de la science du Droit privé

La science du Droit trouve sa source dans les XII Tables. La loi était difficile à
comprendre en raison de son extrême concision et de sa langue archaïque. Des éclaircissements
étaient nécessaires. D’abord, monopole des pontifes, la science du droit a commencé par être

88
NADER HAKIM, Droit naturel et histoire chez François Gény, Clio Thémis -Revue de l’histoire du Droit, n°9,
2015.
59

orale. Puis, elle fit l’objet d’une littérature spécialisée dont le développement a suivi une
progression méthodique. Elle a connu des débuts modestes, sous la forme d’exploitation de
textes (1), avant qu’éclose une véritable doctrine (2).

1. Des débuts modestes : l’explication de textes

Après la divulgation des principes du droit et celle des formules judiciaires, l’exégèse
orale fait place à une exégèse écrite. Apparaît une littérature spécialisée qui fait la somme des
interprétations auparavant orales, d’abord sur le code décemviral (la loi des XII Tables élaborée
par les décemvirs), puis, sur les formules. A ses débuts, cette littérature n’est rien d’autre qu’un
simple mot à mot. Ce n’est encore qu’une interprétation littérale qui traduit les textes dans un
langage plus accessible. Ce travail tient de la définition et de l’explication de textes. Il colle aux
textes qui sont suivis pas à pas. Au début du IIème siècle avant J.-C., Sextus Aelius Paetus livre,
dans ses Tripertita, une première synthèse de l’interprétation des XII Tables. Quelque temps
après, Caton fournit, dans ses Commentarii iuris civilis, le premier guide pratique sur le
formulaire de Flavies. Ces initiateurs feront école et les deux genres de littérature poursuivront
des carrières séparées. Le commentaire de la loi des XII Tables se poursuivra jusqu’au IIème
siècle de notre ère (Libri ad duodecim tabulas, dont les grands noms ont été Acilius, Labéon,
Gaius). Mais face à une loi de plus en plus vieille, ce fut le commentaire du formulaire qui
engendra le genre prépondérant, les Libri iuris civilis.

2. L’éclosion de la doctrine

Au milieu du IIème siècle avant J.-C., trois juristes passent pour avoir « fondé le Droit
civil » : Manlius Manilius, Marux Junius Brutus et Publius Mucius Scaevola. Ils constituent de
meilleurs formulaires et surtout, ils passent de l’interprétation littérale à l’exposé continu. Le
fils de Publius Mucius, Quintus Mucius Scaevola, est le premier, dit-on, à « organiser le droit
civil ». Non seulement il introduit dans son œuvre une classification (par « genres » et par
« espèces »), mais il jouit à l’exposé des propositions doctrinales sous forme de regulae, des
règles. Il s’agit de brèves maximes qui ne sont pas présentées comme des nouveautés, mais
comme des préceptes jusqu’alors implicites que le juriste n’a fait que découvrir. La voie est
ouverte à la généralisation. On progressera ensuite dans le sens de l’abstraction et de l’énoncé
de règles générales, permettant de simplifier les traités. Un exemple suffira : les Libri iuris
civilis de Q. Mucius Scaevola comprenaient 18 livres ; un siècle plus tard, Masurius Sabintus
60

fournit un ouvrage sur le même thème, mais son traité ne comprend plus que 3 livres. Le mince
traité de Sabinus deviendra la base de grands commentaires (Libri ad Sabinum) des plus grands
juristes (Pomponius, Ulpien et Paul notamment). On mesure le chemin parcouru : à partir d’un
simple formulaire s’est élaboré un corps de doctrine. Et ce qui est vrai pour le commentaire des
formules le sera également pour les autres types de littérature doctrinale apparus plus tard. Ce
sera le cas, notamment, des commentaires sur l’édit du prêteur qui reçoivent leurs lettres de
noblesse avec Labéon au début du Principat. Ce genre sera ensuite cultivé par les plus grands,
par exemple, Pomponius, puis Paul et Ulpien. La littérature jurisprudentielle comprend aussi
des recueils de responsa (consultations réelles), des quaestiones (cas d’école) ainsi des digesta,
c’est-à-dire, juxtaposant droit civil et droit prétoriens.
A la fin de l’époque classique, la doctrine a submergé sous ses vastes commentaires
toutes les anciennes sources du Droit (lois, édits, sénatus-consultes). Elle est devenue
dépositaire du « vieux Droit ». Devant elle, ne subsistent plus que les constitutions impériales,
génératrices d’un « Droit nouveau ».

B. L’inachèvement de la science du Droit public

Par rapport à la science du Droit privé, celle du Droit public fait un peu figure de parent
pauvre. La supériorité du Droit privé romain vient de ce qu’il a été construit par les
jurisconsultes. Ils en ont dégagé les notions générales, puis les ont exposées en dehors de leurs
applications particulières. Le Droit public romain ne s’est pas construit de la même manière. Il
est largement resté l’œuvre des pouvoirs publics. La littérature de Droit public (du moins celle
qui nous est parvenue) se compose d’ouvrages réunissant des instructions pour l’exercice de
magistratures. Elle poursuit un but éminemment pratique ; il s’agit de fournir à leurs titulaires
les renseignements nécessaires à l’exercice de leurs charges. La science du Droit n’a jamais
atteint dans ces matières la perfection qu’elle a connue en Droit privé. Nous ne connaissons pas
à Rome de grands traités de Droit public comparables à ceux du Droit privé.
Les juristes ne sont pourtant pas restés étrangers à la notion d’un Droit public désigné
du nom de ius publicum (quoique l’expression soit à Rome quelque peu ambigüe). Ulpien le
distingue nettement du Droit privé en lui assignant un objet propre : « le ius publicum est ce qui
regarde l’état de la chose romaine – et donc l’organisation de l’Etat – le ius privatum ce qui
concerne l’utilité des particuliers ». Le critère de la distinction est tiré des intérêts que le Droit
prend en considération : utilité publique ou utilité des particuliers. Quant au contenu du « Droit
61

public », Ulpien se borne ensuite à énumérer brièvement les institutions de l’Etat romain. Ni de
lui, ni d’aucun autre jurisconsulte, nous ne possédons d’exposé synthétique sur les notions, les
catégories de pensée juridique qui se réalisent dans les institutions. A ce point que l’on a pu
dire que le premier auteur qui a écrit un traité de Droit public romain, est un savant allemand
du XIXème siècle. Théodore Mommsen ! Les juristes romains s’en sont tenus à une approche
plus institutionnelle que juridique. Pour une raison majeure : c’est qu’ils abondaient le Droit à
partir de la procédure. En Droit public, ils se sont heurtés à une impossibilité technique, celle
de soumettre cette branche du Droit dans sa totalité à un contrôle ressemblant à la juridiction
du Droit privé. Les données du Droit public romain sont alors demeurées, pour l’essentiel,
éparses.
De cette dispersion, le Droit constitutionnel surtout a souffert. Les vicissitudes du
pouvoir politique n’y sont pas étrangères. Cette branche du Droit a d’abord pâti de la longue
crise de la République, puis de la réticence du pouvoir sous le Principat. L’empereur ne tenait
guère à ce que le Droit constitutionnel fût exposé à la discussion et à l’analyse scientifique. Et
plus le régime évolua vers l’absolutisme, plus il fut impossible politiquement d’enfermer dans
un cadre normatif une structure étatique qui tendait vers la soumission de tout et de tous à la
volonté incontrôlable de l’empereur. Mais, si les juristes romains n’ont pas construit
scientifiquement le Droit public dans son ensemble, leur activité s’est cristallisée sur certaines
branches qui donnaient lieu à des jugements : Droit pénal, Droit fiscal, Droit militaire, Droit
des fonctions publiques. Leur apport le plus fécond pour l’avenir fut d’avoir dégagé un Droit
propre à l’exercice de la puissance publique.

§3. L’enseignement du Droit

Les Romains ont été le premier peuple à organiser un enseignement du Droit (A). Les
manuels par lesquels les jeunes gens se familiarisaient avec la matière occupent une place à part
dans la littérature juridique : ce sont les seuls ouvrages où, pour des raisons pédagogiques, se
manifeste un souci de systématiser le Droit (B).

A. De l’initiation à l’enseignement

Durant des siècles, la connaissance du droit ne fit pas l’objet d’un enseignement au sens
strict, mais plutôt d’une sorte d’initiation. On faisait son apprentissage en assistant aux
62

consultations des juristes. Dans le cercle familial d’abord – on connaît des dynasties de juristes
qui se transmettaient leur savoir de bouche à oreille, puis, dans les cours privés inaugurés par
Tiberius Coruncanius, cours auxquels les juristes admettaient des jeunes gens qu’on leur avait
préalablement présentés. C’est ainsi que Cicéron fut introduit par son père auprès d’un des plus
grands juristes de son époque, Q. Mucius Scaevola. Le droit faisait partie du bagage
indispensable à un homme de la bonne société.

B. Les manuels d’enseignement

Le point faible de la littérature juridique romaine tenait à la présentation de sa substance.


Pour autant que l’on puisse en juger, car notre information reste incomplète, les différents
thèmes étaient énumérés dans un ordre utile où le juriste se retrouvait facilement, mais qui n’a
rien de commun avec l’ordre systématique auquel nous sommes habitués aujourd’hui.
Langage, concepts, catégories, méthode, principes, divisions,… Voilà l’apport
impérissable du droit romain. Cet outillage s’est révélé beaucoup moins sujet à changement que
le contenu matériel des normes juridiques.

SECTION 3 : LA LOI

Il est bon de faire ici un rappel sur lien notionnel avec le cours de l’Introduction Générale à
l’Etude de Droit. La loi telle qu’enseignée aujourd’hui n’avait pas la même compréhension aux
origines du Droit. Et la vie du Droit est aussi une résultante de la vie humaine.

§1. La vie du Droit

Tout d'abord la loi est conçue comme la source du Droit qui exprime la volonté du
législateur. Au fil du temps, le titulaire de la souveraineté (prince) puis ses représentants
(assemblées) ont contribué à renforcer la place de la norme législative au sein de l'ordre
juridique interne. Elle a pu être considérée, à certaines périodes, comme la source principale
voire exclusive de création du Droit (légicentrisme). Ainsi, nous pouvons citer des édits, des
Décrets, des Rescrits, et des Mandats.
63

Ici, il est opportun d’envisager le Droit dans sa formation et son évolution en lien avec le
pouvoir et la société qu’il a vocation à régir. La connaissance du contexte de formation de la
règle juridique et de son contenu est possible. Ceci ramène à signaler différentes sources utiles
à la connaissance du passé du Droit. De plus en plus d’entre elles sont désormais accessibles
sur internet quelle que soit leur époque.

Les sources historiques et juridiques éclairent les détenteurs du pouvoir d’élaborer et de dire
le Droit. Elles nous renseignent aussi sur le contenu de la règle et son évolution. Elles mettent
en lumière la vie du Droit qui répond du niveau d’alerte, de l’efficacité et de la qualité des
juristes ou des humains tout simplement.

§2. La vie du juriste

La vie du Droit n’existe pas sans la vie humaine. A travers tout le temps, la victoire de
l’Histoire de l’humanité, comme la victoire du Droit, s’est développée en retenant l’essentiel
tout en se débarrassant du périmé. S’il y a une chose qu’il faut retenir, c’est de savoir que le
hasard n’existe pas, il se provoque, par action ou par omission.
64

INDICATION BIBLIOGRAPHIQUE SOMAIRE

I. OUVRAGES

1. CASTALDO André et LEVY Jean-Philippe, Histoire du Droit civil, 2ème Edition Dalloz,
Paris, 2010.
2. DUVERGER Maurice, Histoire du Droit Privé, Presse Universitaire de France, Paris, 1971.
3. GARRISSON Francis, Histoire du Droit et des institutions, T. 1 (Le pouvoir des Temps
féodaux à la Révolution). Histoire du droit et des institutions. T. II (La société des Temps
féodaux à la Révolution), Ed. Montchrestien, Paris, 1983.
4. GAURIER Dominique, Introduction à l’Histoire du Droit International Public, Presses
Universitaires de Rennes, 2014.
5. GAZZANIGA J.-L., Introduction historique au droit des obligations, P.U.F.,
Coll. Droit Fondamental (dirigée par S. Rials), Paris, 1992.
6. GUICHARD Serge et DEBARD Thiery, Lexique des termes juridiques, 22ème Ed. Dalloz,
Paris, 2015.
7. LAFERRIERE Firmin, Histoire du Droit français, Tome premier, JOUBERT, Paris, 1838.
8. POUMAREDE Jacques, Histoire de l’Histoire du Droit, Actes des Journées internationales
de la Société d’Histoire du Droit Toulouse, 1-4 juin 2005.
9. ROULAND Norbert, Introduction historique au Droit, Presses Universitaires de France,
1998.
10. UNICEF, Histoire du Droit des enfants, UNICEF France, 2010.
11. VON JHERING R., traduite de l'allemand par O. DE MEULENAERE, Histoire du
développement du Droit romain, œuvre posthume, LIBRAIRIE A. MARESCQ, Paris, 1900.

II. ARTICLES ET AUTRES DOCUMENTS

12. CARTIER Emmanuel, « Histoire et Droit : rivalité ou complémentarité ? », Presses


Universitaires de France, Revue française de Droit constitutionnel, Paris, 2006/3 n° 67, pp.
509 à 534.
13. COMMAILLE Jacques et OST François, « A quoi (nous) sert le Droit ? », Conférence
tenue à l’Université Louvain-La-Neuve, 16 mars 2017.
65

14. FERRAND Jérôme, « Brèves intempestives sur le sens de la peine saisi dans une
perspective historique », Collège international de Philosophie, n°93, 2018, pp. 8 à 27.
15. GARNIER Florent, Introduction historique au Droit, Université Numérique Juridique
Francophone, Cours lu en ligne le 29 octobre 2020.
16. PAOLO ALVAZZI DEL FRATE, « Justice, individualisme et Droit naturel de la
procédure », Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2014, pp. 395-412, en ligne.
66

TABLE DES MATIERES


INTRODUCTION ................................................................................................................................. 1
A. PREREQUIS.............................................................................................................................. 1
B. OBJECTIFS DU COURS ..................................................................................................... 1
1. OBJECTIFS GENERAUX ................................................................................................... 1
2. OBJECTIFS SPECIFIQUES ................................................................................................... 2
C. COMPETENCES ...................................................................................................................... 2
D. CONTENU DU COURS ........................................................................................................... 3
E. MODE D’EVALUATION ........................................................................................................ 3
F. METHODOLOGIE ET TECHNIQUE DE COMMUNICATION................................... 3
CHAPITRE 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE ET CONCEPTUELLE.............................. 4
SECTION 1 : APPROCHE METHODOLOGIQUE ................................................................... 4
§1. Histoire classique, méthode et approche historique ............................................................. 5
§2. Droit, méthode et approche historique en Droit ................................................................... 6
§3. Histoire et Droit : Acteurs et interdisciplinarité ................................................................... 7
SECTION 2 : DEVELOPPEMENT DU DROIT SELON LES PERIODES DE L’HISTOIRE
........................................................................................................................................................... 14
§1. Périodes classiques de l'Histoire et Droit de la Préhistoire................................................ 14
§.2 : Droit renseigné dans les périodes classiques ..................................................................... 14
CHAPITRE 2 : GENESE DES CONCEPTS .................................................................................... 19
SECTION 1. NAISSANCE DE LA NOTION DU DROIT .......................................................... 19
§1. Code d’Ur-Nammu ................................................................................................................ 19
§2. Le Code de Hammurabi........................................................................................................ 21
§3. Code de Justinien................................................................................................................... 34
SECTION 2. CREATION DE LA NOTION DE DROIT ............................................................ 29
§1. Origine romaine du Droit ..................................................................................................... 35
§2. Ius naturale ............................................................................................................................ 43
CHAPITRE 3 : ORIGINE PLURALISTE DU DROIT................................................................... 47
SECTION 1. DANS LA RELIGION ............................................................................................. 47
§1. Dans le judaïsme et l’Islam ................................................................................................... 47
§2. Dans le christianisme............................................................................................................. 50
SECTION 2. QUEL DEVELOPPEMENT DANS L’HISTOIRE PLUS PROCHE ?............... 51
§1. Droit divin et Droit naturel ................................................................................................... 51
CHAPITRE 4 : GENESE DES SOURCES DU DROIT .................................................................. 55
SECTION 1 : COUTUME .............................................................................................................. 55
§1. Coutume et tradition ............................................................................................................. 55
67

§2. Coutume en Droit .................................................................................................................. 57


SECTION 2 : JURISPRUDENCE ET DOCTRINE .................................................................... 58
§1. La jurisprudence ................................................................................................................... 58
§2. La doctrine juridique ............................................................................................................ 58
§3. L’enseignement du Droit ...................................................................................................... 61
SECTION 3 : LA LOI ..................................................................................................................... 62
§1. La vie du Droit ....................................................................................................................... 62
§2. La vie du juriste ..................................................................................................................... 63
INDICATION BIBLIOGRAPHIQUE SOMAIRE .......................................................................... 64

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