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INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT

DEVENIR JURISTE

Pour devenir juriste, il faut acquérir des connaissances en droit. La façon de


mettre ces connaissances en œuvre est particulière ; le juriste est celui qui a le
sens du droit. On le nomme en latin iurisperitus (celui qui est habile en droit),
ou iuris prudent (celui qui est compétent en droit, communément
appelé « prudent »), ou encore iurisconsultus (« jurisconsulte », terme qui met
l’accent sur son activité de consultant. Pour pouvoir se présenter comme
juriste, il faut savoir donner une réponse juridique à une question ; il faut
maîtriser la langue juridique, le jargon juridique en un mot.

Le mot « DROIT » est employé, dans la langue commune et dans la langue


juridique, avec des sens multiples. Il désigne l’ensemble des règles qui
ordonnent la vie de groupes humains, le droit s’exprime le plus souvent dans
des injonctions, ou des interdictions, émanent d’une autorité reconnue par ce
groupe, ou qui s’est imposée à lui et qu’il doit supporter. Ce sont ces
injonctions que l’on désigne d’une façon globale par le terme de « Loi ».
D’autres règles, nées de pratiques, s’imposent simplement par l’usage qui en
est fait. Ce sont des coutumes, elles aussi sources de droit. Il désigne un
ensemble—le droit béninois, le droit togolais, le droit sénégalais, le droit
français, le droit anglo-saxon, le droit africain—mais aussi des sous-ensembles
—le droit privé, le droit publique, le droit civil, le droit traditionnel, le droit de
la preuve…—et encore des règles—les règles de droit différentes des règles de
politesse et des règles morales—, des hommes qui composent le monde du
droit—juges, avocats, notaires, huissiers, juristes d’entreprises, greffiers,
diplomates, professeurs de droit—, des méthodes…

Pour être plus simple et concret, on entend par droit : la faculté qu’on a
d’user d’une chose ; droit : c’est aussi l’ensemble des interdictions ; droit : ce
sont les rapports qui naissent entre des personnes dans une société/
personnes-personnes, groupe-personne, groupe-groupe, Etat-Etat ; droit :
c’est la possibilité d’obtenir des personnes l’exécution de certaines
prestations ; droit : c’est aussi la faculté des sciences juridiques…

Dans l’introduction de leur manuel d’histoire des institutions, Yves Sassier et


François Saint-Bonnet rappellent que, avant de désigner le cadre juridique de
l’action des gouvernants, le mot INSTITUTIO s’est appliqué « d’une part à l’acte
de disposer, d’instituer ou de créer, d’autre part et surtout à l’acte d’instruire,
d’enseigner, de poser des principes, une doctrine ou une méthode ».

En latin, on entend par INSTUTUERE créer quelque chose avec l’intention que
cette chose dure pendant longtemps. Le terme d’institution, relativement
récent dans le langage juridique, désigne des ensembles, regroupant le plus
souvent des personnes et des biens, qu’unissent des liens de nature diverses,
affectifs (la famille), rapports sociaux (corporations, métiers), intellectuels
(écoles, universités), charitables (hospices et hôpitaux) ou d’organisations
politico-sociales (tribunaux, municipalités, assemblées politiques). Donc
comme exemple d’INSTITUTIONS nous avons: le chef de village, le maire,
l’université, le pays ou l’Etat, ou les démembrements de l’Etat. Ceux sont des
personnes morales, immatérielles ; des personnes qu’on ne voit pas. Elles
durent plus longtemps que les personnes physiques, capables d’avoir des
biens, des droits. Ces Institutions deviennent des acteurs de droit.

IL est tout simplement demandé à un étudiant en première année de faculté de


droit d’apprendre et de retenir le sens parfois inattendu de certains mots,
d’apprendre des définitions, d’apprendre des règles, des décisions, des
classifications… sans jamais connaître leur origine.

ET DU COUP, HISTOIRE POURQUOI ? HISTOIRE COMMENT ? HISTOIRE DU


DROIT, HISTOIRE DES INSTITUTIONS ? TOUT CECI SERVIRA A QUOI EN
PREMIERE ANNEE ? Y A-T-IL UN BESOIN REEL D’HISTOIRE POUR
COMPRENDRE LE DROIT ET LES INSTITUTIONS ACTUELLES ? QU’ENTEND-ON
PAR INTRODUCTION HISTORIQUE ? QU’ELLE EST SON UTILITE ?

A-t-on réfléchi à ce que serait l’homme s’il n’avait pas l’histoire ? On l’a défini
un « animal politique ; » il est, surtout, un « animal historique. »

Voltaire dit très simplement et très justement : « Les premiers fondements de


toute l’histoire sont les récits des pères aux enfants, transmis d’une
génération à une autre. » L’histoire, en effet, est le sentiment de la continuité
dans le corps social, de même que la vie est le sentiment de la continuité dans
l’organisme individuel.
Relisons cette page de Blaise Pascal : « L’homme est dans l’ignorance au
premier âge de sa vie ; mais il s’instruit sans cesse dans son progrès ; car il tire
avantage non seulement de sa propre expérience, mais de celle de ses
prédécesseurs, parce qu’il garde toujours dans sa mémoire les connaissances
qu’il s’est une fois acquises et que celles des anciens lui sont toujours
présentes dans les livres qu’ils lui ont laissés. Et, comme il conserve ces
connaissances, il peut aussi les augmenter facilement ; de sorte que les
hommes sont aujourd’hui dans le même état où se trouveraient ces anciens
philosophes s’ils pouvaient avoir vieilli jusqu’à présent en ajoutant aux
connaissances qu’ils avaient celles que leurs études auraient pu leur faire
acquérir à la faveur de tant de siècles. De là vient que, par une prérogative
particulière, non seulement chacun des hommes s’avance de jour en jour
dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel
progrès à mesure que l’univers vieillit, parce que la même chose arrive dans
la succession des hommes que dans les âges différents d’un particulier. De
sorte que toute la suite des hommes doit être considérée comme un même
homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement. » Dans une
image extraordinairement raccourcie, Pascal représente l’humanité comme
une seule et même personne vivante ; en fait, elle est composée de la série
multiple et diverse des races et des générations, et ces races et ces
générations, échelonnées et dispersées dans l’espace et dans le temps, ne sont
jamais, entre elles, en une communication complète. La mémoire de
l’humanité est constamment altérée, effacée, entrecoupée par la distance,
par la mort, par les mille causes qui empêchent les rapports et brisent les
liens.

Parlant de l’histoire du futur dans son monumental ouvrage intitulé (LE


FUTUR, Six logiciels pour changer le monde), l’ancien vice-président des Etats
Unis M. AL GORE écrit : « Les déceptions qui font si souvent partie de la
condition humaine nous ont souvent menés à des crises de confiance dans
l’avenir, et à privilégier les doutes plutôt que l’optimisme. Pour apprendre à
nous comporter dans le présent, nous devons savoir nous appuyer sur notre
propre expérience et sur celle que nos aînés ont su nous transmettre ; la
connaissance du passé est la meilleure façon de construire un meilleur
futur ». L’histoire parait donc indispensable pour la bonne compréhension de
notre vie actuelle et future car elle saura mieux nous guider.
L’histoire, c’est le souvenir, c’est l’expérience, c’est la réflexion. Les hommes
périraient sans lendemain, comme les mouches d’automne, si les générations
n’étaient enchaînées les unes aux autres par l’histoire.

Chercher le bien, fuir le mal, honorer ses parents, aimer son prochain, se
dévouer pour sa patrie, faire aux autres ce que l’on voudrait qui vous fût fait à
vous-même, ces préceptes sont nécessaires à l’existence de la société et à sa
durée. Elle périrait s’ils n’étaient pas appliqués par la grande majorité de ses
membres. Mais qui est-ce qui le dit et qui est-ce qui le prouve, si ce n’est
l’Histoire ? C’est elle qui fonde le pacte social sur le sacrifice. L’histoire est
une morale ; elle est la maîtresse des princes et des peuples, elle travaille
sans cesse à la distinction du bien et du mal ; elle passe au crible les actes des
hommes et sépare l’ivraie du bon grain. Elle juge. Elle est le tribunal où siège
la conscience des générations.

Fort de ces avertissements, on comprend pourquoi l’histoire du droit et des


institutions trouve naturellement sa place dans le programme des
enseignements de la première année des études de droit, pour présenter aux
étudiants, une vision synthétique de la naissance de nos règles de droit
modernes, des organes de gouvernement de l’Etat, à travers l’étude de leur
formation, de leurs rapports et de leur évolution au cours de la très longue
histoire du monde. Faire saisir les tendances de nos institutions publiques
depuis des siècles : tel est notre but et ainsi s’explique les développements de
l’enseignement de la matière.

C’est à Leibnitz (grand mathématicien, grand philosophe et grand jurisconsulte)


qu’il est revenu d’écrire que « l’histoire du droit se divise en histoire interne et
en histoire externe. La première, ajoute Leibnitz, pénètre dans la substance
même du droit, la seconde n’est qu’un auxiliaire et une condition requise de
son étude ».

Dans l’histoire interne du droit, on trouve les règles elles-mêmes du droit, par
exemple les règles du droit de la famille, de la propriété, des successions, des
obligations. On les trouve dans leur enchaînement chronologique.

L’histoire externe au contraire, dit Leibnitz, ne touche pas au fond du droit, elle
se borne à ce qui l’entoure. Rivier, pour rendre cette idée sensible, comparait le
droit romain par exemple à un immense édifice, élevé grâce au labeur des
siècles. L’histoire interne ne pénètre pas à l’intérieur de cet édifice : elle se
contente de rechercher 1) comment l’édifice a été construit, avec quels
matériaux, à l’aide de quels architectes, c’est l’étude des sources du droit et de
la vie des jurisconsultes. 2) comment cet édifice a été appliqué ? 3) étant donné
que cet édifice est en ruines, c’est l’étude de tout ce qui nous reste de l’ancien
droit, l’ancien monument.

Qu’entend-on par histoire du droit ?

L’idée qu’il faudrait avoir toujours présente à l’esprit, dans toutes vos études
juridiques, c’est que le droit a un but pratique. Il n’est pas fait pour être
enseigné à l’université, pour les académies, le droit est fait pour la vie. C’est un
moyen pratique, imaginé en vue d’un but pratique. Si l’homme vivait seul, il
pouvait tout ce qu’il veut. Peut-être que la morale allait l’aider. Ainsi pas de
droit. La vie en société oblige alors afin de prévenir les conflits qui tendent à
faire naître les guerres entre les hommes. Pour que tous les hommes puissent
vivre ensemble, comme des civilisés, il faut agir d’une certaine manière, façon,
qu’ils observent telles règles de conduite. Ce sont ces mille manières d’agir,
nécessaires à l’accomplissement, aux fins de la vie, ce sont les buts du droit.

Comment le droit atteint ces buts ?

En recourant à la force collective de la communauté. Lorsqu’une personne


n’observe pas ces « manières particulières d’agir », elle y est contrainte par la
force publique. Voilà l’idée fondamentale du droit. La force publique est
tellement disproportionnée que l’issue du conflit est certaine. La simple
menace suffit pour ranger tout le monde. « Si vis pacem, para bellum ». Si
vous voulez la paix, faites des préparatifs de guerre. Le droit c’est la paix
armée organisée sur une vaste échelle.

De quoi dépend le droit ? Déterminer les forces qui agissent sur lui et le
transforment ?

LES CIRCONSTANCES EXTERIEURES, LES CIRCONSTANCES ECONOMIQUES


EXERCENT UNE GRANDE INFLUENCE PREPONDERANCE SUR LE DEVELOPEMENT
DU DROIT

IL Y AUSSI LES IDEES C’EST-A-DIRE LES CONVICTIONS DE TOUTE NATURE :


RELIGIEUSES, MORALES, SOCIALES
Il n’est pas toujours convenable de se substituer aux spécialistes : il appartient
à l’historien du droit de donner une vue historique du droit présent et non de
traiter à fond de nos institutions actuelles.

Comme tout ne se ramène pas au droit seul dans le monde, les savoirs
historiques permettent de développer l’intelligence et le sens critique. Grâce à
l’histoire, il y a toujours le double contexte de temps et de lieu qu’il faut
envisager en droit. C’est cette méthodologie dite historique qui nous servira
de fil d’Ariane dans la bonne progression de cet enseignement.

L’objet du cours d’histoire du droit et des institutions se resserre donc sur une
étude des institutions politiques et juridiques des sociétés antiques ou
anciennes. Il sera question de savoir comment ces sociétés ont élaboré leurs
systèmes politiques et juridiques ainsi que comment ces institutions ont
parcouru l’espace et le temps pour nous parvenir. Comment avons-nous hérité
de ces institutions juridiques et politiques…

Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en désole, l’ordre juridique se transforme. Si


nul ne peut dire avec certitude ce qu’il adviendra de ces mutations, du moins
les questionnements font-ils rebondir l’intérêt d’une perspective historique.

La première vertu de l’histoire du droit, elle révèle la relativité des


phénomènes juridiques.

La deuxième vertu de l’histoire du droit, elle révèle l’héritage dont notre droit
est porteur. Comme un organisme vivant, chaque droit a des marqueurs
génétiques qui le rendent à nul autre pareil. Tous les droits modernes, même
ceux dont les tendances paraissent révolutionnaires, sont nés de la
transformation des systèmes juridiques qui les ont précédés. Notre droit et nos
institutions portent l’empreint des siècles du droit et des institutions français.
Et, c’est une culture qui se transmet. Prendre la mesure de cette culture, dans
toute son épaisseur historique, prépare le juriste à affronter l’innovation avec
les armes solides. Aujourd’hui, plus que jamais, le juriste doit être prêt à
accompagner le changement.

L’utilité du cours d’introduction historique c’est en un mot : d’aider l’étudiant à


s’élever et à accéder à la connaissance historique du droit. Le cours
d’introduction historique, doit, autant qu’il est possible dans les limites
restreintes, éveiller en chaque étudiant le sens de l’histoire du droit. Si l’on
réussit dans la tâche difficile de cette étude historique, on aura compris le
« phénomène juridique » dans son entière réalité.

Importance de l’histoire du droit

L’histoire n’intéresse le juriste que dans la mesure où elle a laissé des traces
dans les règles juridiques contemporaines, contribuant par-là, aux systèmes
d’organisation juridique modernes.

C’est pourquoi l’on considère que toute analyse qui ne prend pas en compte
l’évolution historique n’est pas scientifique. L’histoire incarne en elle-même le
changement. Elle renvoie à une série d’évolutions complexes, qui ne peuvent
être analysées qu’au sein de quelques grandes périodes appelées à leur servir de
cadre.

1) Objet du cours

Le cours d’histoire des institutions publiques nous amène à distinguer forcément


les institutions publiques des institutions privées. Toutefois, cette distinction doit
être relativisée en tenant compte des influences réciproques entre les règles
ayant un caractère public et celles relevant du domaine privé. Il faudra
notamment intégrer l’impact des institutions privées dans l’organisation et le
fonctionnement des institutions publiques.

2) Plan du cours

Les institutions publiques visent essentiellement l’organisation et la conception


du pouvoir politique, les structures politiques, administratives et judiciaires.
Traditionnellement, l’enseignement d’histoire des institutions commence par la
période antique avec principalement deux sociétés antiques: l’Egypte antique
(chapitre I) et la Rome antique (chapitre II).
La période antique

Parmi les civilisations de l’antiquité qui ont impressionné en termes


d’organisation politique et institutionnelle, nous nous intéresserons à l’Egypte
pharaonique et à la Rome antique fortement influencée par la civilisation
grecque.

CHAPITRE I : L’EGYPTE PHARAONIQUE

L'Égypte antique ou Egypte pharaonique est une ancienne civilisation d'Afrique


du Nord concentrée le long de la vallée du Nil. L’histoire de l’Égypte antique se
caractérise par la longévité des institutions mises en place dès son
commencement et qui, bien que n’étant pas restées totalement figées, ont résisté
aux périodes les plus sombres.

La civilisation de l'Égypte antique prend forme autour de -3150 avec


l'unification politique de la Haute et de la Basse-Égypte sous le règne du premier
roi (Narmer Ménès) et se développe sur plus de trois millénaires. Son histoire
est parsemée par des périodes de stabilité politique, entrecoupées de
périodes de troubles appelées périodes intermédiaires.

Pour parcourir l’histoire de l’Egypte antique, nous insisterons sur sa longévité


grâce à son renouvellement cyclique (section I) avant de voir son organisation
politique et administrative (section II).

Section I : Naissance et renaissance du royaume égyptien

Le succès de la civilisation égyptienne antique découle essentiellement de sa


capacité à s'adapter aux conditions de la vallée du Nil.

Du rassemblement des tribus primitives qui crée le premier royaume


pharaonique jusqu'à sa disparition peu avant notre ère, l'Égypte antique est le
théâtre d'évènements majeurs qui, sur le plan juridique, influencent assurément
l’organisation politique et institutionnelle des Etats qui lui ont succédé.
Paragraphe I : Naissance du royaume égyptien

I/ La période prédynastique

La période prédynastique n’est pas suffisamment connue et peu de


renseignements fiables sont fournis. Les populations qui habitaient cette région
étaient organisées en tribus. (Les activités principales étaient la chasse et plus
tard l’élevage, l’agriculture et le commerce)

Ces quelques petites communautés regroupées vont devenir une puissante


civilisation où les dirigeants ont un contrôle total sur la population et les
ressources de la vallée du Nil. Le centre du pouvoir s'établit en premier lieu à
Hiérakonpolis, puis plus tard à Abydos.

II/ La période thinite

On appelle période thinite de l'Égypte (ou époque archaïque), la période


couverte par les deux premières dynasties. Elle est ainsi désignée parce que leur
origine est Thinis, qui était d’ailleurs la capitale.

Il faut préciser que la création de la monarchie égyptienne n’est pas le fruit du


hasard. En effet, le milieu physique y a joué un rôle fondamental puisqu’il fallait
organiser l’activité économique, lutter contre les inondations, mettre les
populations et leurs biens à l’abri des incendies et des pillages ; mais encore
dans l’urgence déterminer les surfaces cultivables, affecter et redistribuer les
terres. Et pour atteindre tous ces objectifs, il fallait dans l’immédiat articuler un
pouvoir central très fort, un régime totalitaire.

C’est la politique mise en place par un prince venu du sud Narmer ou Ménès,
considéré comme le premier roi humain de la 1ère dynastie qui a réussi à unifier
la Haute et la Basse-Égypte. Ce territoire étant à l’origine divisée en deux
entités politiques, le nord ou la haute Egypte comprenait 22 principautés et avait
une couronne blanche, le sud ou basse Egypte composée de 20 principautés et
avait une couronne rouge. Donc Narmer Ménés fut le premier pharaon
originaire du sud à avoir porté les deux couronnes blanche et rouge, symboles de
la monarchie unifiée, il fut appelé souverains des deux terres.

Plusieurs rois se sont succédé, mais le mode de dévolution du pouvoir semble ne


pas être stable. Des reines auraient même régné (Merneith, Cléopatre).

On assiste à des réajustements politiques sous le règne d’Adjib. Ce sont


probablement ces réajustements qui ont provoqué l’émergence d’une nouvelle
dynastie (la IIe dynastie). D'après quelques spécialistes, le changement s’est fait
dans la violence puisque les tombes des rois de la 1ère dynastie sont pillées.

Sous la deuxième dynastie, les systèmes d'administration égyptiens sont en


place. Progressivement, s’organise une administration royale à l’échelle
nationale. Le pays est divisé en provinces dirigées par un fonctionnaire royal.
Une nouvelle capitale est fondée à Memphis. Le roi prend le titre d’Horus, en
conformité avec la légende d’Osiris, qui légitime leur pouvoir.

Paragraphe II : Le renouvellement cyclique de l’empire

I/ L’ancien empire (3000 à 2180 avant J.C environ ; 3e à la 6e dynastie)

a) Caractéristiques de l’ancien empire

L’ancien empire est marqué par une unification politique et religieuse qui se
matérialise par un pouvoir central très fort et une divinité du pharaon
incontestable, ce qui lui donne un pouvoir absolu sur toute l’étendue du
territoire.

En effet, Narmer en tant que souverain de l’ancien empire a fondé une capitale
politique, Memphis, et une capitale religieuse, Héliopolis avec un clergé et une
divinité nationale sous les auspices du dieu Osiris, père d’Horus ancêtre de tous
les pharaons.
Avec la montée en puissance de l'administration centrale émerge une nouvelle
classe composée de scribes instruits et de fonctionnaires à qui le pharaon
accorde des propriétés en guise de paiement pour leurs services. A côté du
pouvoir central existait une administration locale avec à sa tête un nomarque
pour diriger les nomes.

Pendant cette période, les rois qui se sont succédés entreprirent d’importantes
conquêtes dans la région (Nubie, Libye, Sinai). De grands édifices furent
également construits. Les pyramides construites par Djéser, Khéops et leurs
descendants sont les symboles les plus mémorables de la civilisation égyptienne
et du pouvoir que détiennent les pharaons.

À la fin de l'Ancien Empire, des pratiques féodales ont lentement érodé le


pouvoir économique du pharaon qui ne peut plus se permettre de soutenir une
vaste administration centralisée. Au fur et à mesure que le pouvoir du pharaon
décroit, les nomarques et certains gouverneurs de province véreux commencent
à défier la suprématie du pharaon. Cette situation, combinée avec des
sécheresses sévères cause finalement l'entrée du pays dans des troubles
politiques : c’est la première période intermédiaire.

b) La première période intermédiaire (2180 à 2040 avant J.C environ)

Cette période est caractérisée par l’effacement du roi de la scène politique au


profit des nomarques, chefs de provinces (nomes), à l'origine désignés par le
souverain, et dont le titre est devenu héréditaire avec le temps. Ce gain de
pouvoir des élites locales se serait surtout fait sous le long règne du roi Pépi II,
qui aurait duré 94 ans, et que son grand âge empêchait de contrôler le pays
adéquatement. Vint ensuite le règne de la reine Nitokris (elle a remplacé son
époux Mérenrê II, fils de Pépi II dont le règne ne dura à peine qu’un an). Le
règne d’une femme porta sûrement un coup fatal à la crédibilité du divin roi,
permettant aux souverains locaux solidement implantés dans leurs nomes de
s'émanciper de l'autorité royale. L’instabilité politique est illustrée par Manéthon
qui donne l’exemple de la VIIe dynastie, qui connut soixante-dix rois en
soixante-dix jours.

Libérés de leur loyauté envers le pharaon, les dirigeants locaux commencent à


rivaliser pour le contrôle du territoire et du pouvoir. En -2160, les dirigeants
d'Hérakléopolis contrôlent la Basse-Égypte, tandis qu'un clan rival basé à
Thèbes, la famille Antef, prend le contrôle de la Haute-Égypte. À mesure que la
puissance des Antef grandit, leur contrôle s'étend de plus en plus vers le nord,
jusqu'à ce qu'un affrontement entre les deux dynasties rivales devienne
inévitable. Autour de -2040, les forces thébaines sous le règne de
NebhepetrêMontouhotep II défont finalement les dirigeants hérakléopolitains,
réunissant à nouveau les deux royaumes et inaugurant ainsi une période de
renaissance économique et culturelle appelée le Moyen Empire.

II/ Le moyen empire (2040 à 1780 avant J.C environ ; 11e à la 14e dynastie)

a) Caractéristiques du moyen empire

Les pharaons du Moyen Empire restaurent la prospérité et la stabilité du pays.


Avec la stabilisation du pouvoir politique et militaire et l'abondance générée par
l'exploitation des terres agricoles et des mines, l’Egypte retrouve sa
souveraineté. Mieux encore, le pays reconquiert la région et élargie ses
frontières. Contrairement au comportement élitiste de l'Ancien Empire envers
les dieux, le Moyen Empire connait une recrudescence de la piété (que l'on
pourrait qualifier aujourd'hui de démocratisation) pour l'au-delà, dans lequel
l'âme de tout homme est accueillie après la mort parmi les dieux.

Le dernier grand souverain du Moyen Empire, Amenemhat III, permet aux


colons asiatiques de s'installer dans la région du delta pour fournir de la main
d'œuvre suffisante pour ses campagnes particulièrement ambitieuses. Ses
campagnes d'extraction minière et de construction, combinées avec les crues du
Nil plus tard dans son règne, mettent à rude épreuve l'économie et précipitent le
pays dans un lent déclin. Au cours de ce déclin correspondant aux 13 e et 14e
dynasties, les colons asiatiques prennent peu à peu le contrôle de la région du
delta pour finalement monter sur le trône d'Égypte, sous le nom d'Hyksôs.

b) La 2e période intermédiaire (1780 à 1560 avant J.C environ)

Dès les derniers pharaons de la 13 e dynastie, l'Egypte entre en décadence :


anarchie, guerres civiles et continuelles compétitions pour le trône. Au fur et à
mesure que le pouvoir des pharaons du Moyen Empire s'affaiblit, les immigrants
asiatiques vivant dans la ville d'Avaris prennent le contrôle de la région et
contraignent le gouvernement central à se retirer à Thèbes, où le pharaon est
traité comme un vassal qui doit rendre hommage. Les Hyksôs (littéralement, les
« souverains étrangers ») imitent le modèle de gouvernement égyptien et se
désignent eux-mêmes comme des pharaons, intégrant ainsi les éléments
égyptiens dans leur culture.

Après leur repli, les rois de Thèbes se retrouvent pris au piège entre les Hyksôs
au nord et leurs alliés nubiens, les Koushites, au sud. Cette domination étrangère
suscite une réaction thébaine et un sentiment d'identité chez les Egyptiens. Les
pharaons Séqénenrê Taâ II et Kamosé contestent le pouvoir des Hyksôs et
réussissent finalement à vaincre les Nubiens. Le successeur de Kamosé,
Ahmôsis Ier, écrasent les hyksos (à la bataille de Tanis vers 1560) et libère
définitivement l'Égypte. Le pays est réunifié.

III/ Le nouvel empire (1560 à 1070 avant J.C avant J.C environ ; 15e à la 20e
dynastie)

a) Caractéristiques du nouvel empire


C'est par l'expulsion des Hyksôs hors d'Égypte et par l'unification de la Haute et
Basse-Égypte par Ahmôsis Ier que commence le Nouvel Empire. Au début du
Nouvel Empire, on note surtout de grandes expansions, notamment vers l'Asie
(Syrie) et la Nubie.

Les pharaons du Nouvel Empire instaurent une période de prospérité sans


précédent en sécurisant leurs frontières et en renforçant les liens diplomatiques
avec leurs voisins. Ils commencent une campagne de grande envergure pour
promouvoir le dieu Amon dont le culte est basé à Karnak. Ils construisent
également des monuments à la gloire de leurs propres réalisations. La pharaonne
Hatchepsout utilise ce type de propagande pour légitimer ses prétentions au
trône. Son règne a été marqué par le succès de ses expéditions commerciales
vers Pount (un temple mortuaire élégant, une paire d'obélisques colossales et une
chapelle à Karnak). (Cependant, malgré ses réalisations, le neveu et beau-fils
d'Hatchepsout, Thoutmôsis III cherche à effacer son héritage vers la fin de son
règne, peut-être en guise de représailles pour avoir usurpé son trône).

Vers -1350, la stabilité du Nouvel Empire est menacée quand Amenhotep IV


monte sur le trône et impulse une série de réformes radicales et chaotiques. Il
promeut le précédemment obscur dieu soleil, Aton, comme divinité suprême et
supprime le culte des autres divinités. Vers -1279, Ramsès II monte sur le trône
et continue à construire plus de temples, à ériger de nouvelles statues et
obélisques. En chef militaire audacieux, Ramsès II conduit son armée contre les
Hittites à la bataille de Qadesh et, après que les combats atteignent l'impasse,
accepte finalement le premier traité de paix enregistré vers -1258. La richesse de
l'Égypte en fait cependant une cible de choix pour l'invasion. Au début, l'armée
réussit à repousser ces invasions, mais l'Égypte perd finalement le contrôle de la
Syrie et de la Palestine. L'impact des menaces extérieures est par ailleurs
aggravé par des problèmes internes tels que la corruption, le vol des tombes et
les troubles civils. Vers - 1070, sous le règne de Ramsès XI, le clergé d'Amon,
devenu une véritable dynastie, prend le pouvoir en Haute Egypte. C'est la fin du
Nouvel Empire.

b) La 3e période intermédiaire (1070 à 713 avant J.C environ)

Après la mort de Ramsès XI en -1078, l’unité de l’Egypte est menacée :


Smendès prend le contrôle de la partie nord de l'Égypte, à partir de la ville de
Tanis ; le sud est contrôlé par les grands prêtres d'Amon à Thèbes ; les Libyens
s'installent dans le delta ;le roi Koushite, Piânkhy envahit le nord de l'Égypte et
prend le contrôle de Thèbes, les nubiens seront vaincus plus tard par les
assyriens qui occupent la ville de Memphis et saccagent les temples de Thèbes.

L’Egypte ne se relèvera plus et ne se sera plus jamais libéré entièrement de la


domination étrangère. Ainsi se sont succédés les assyriens, les perses, les
Ptolémées (grecs) et les romains.

Section II : L’organisation politique et administrative

Il faut préciser avant tout qu’il existait en Egypte un appareil judiciaire mais
nous avons décidé de traiter uniquement de l’organisation politique et
administrative pour des raisons d’opportunité. En effet, l’organisation judiciaire
de l’Egypte est à l’image de son organisation politique et administrative. On
retrouve un juge suprême, qui en théorie est le seul investi du pouvoir de juger,
s’appuyant sur d’autres juges qui rendent la justice en son nom.

Par ailleurs, la séparation organique et fonctionnelle du pouvoir n’est pas de


mise en Egypte. Tous les pouvoirs sont détenus par le pharaon. Ce qui justifie
encore plus notre démarche de mettre l’accent sur les pouvoirs essentiels du
pharaon qui sont principalement d’ordre politique et administratif.

Paragraphe I/ La nature du pouvoir politique égyptien

L’Egypte est une monocratie de droit divin. C’est un royaume dirigé


théoriquement par un seul homme, tenant son pouvoir des dieux. Le roi
égyptien, le pharaon incarne à lui seul tout le royaume. Le pouvoir a donc un
fondement divin, fortement incarné par le pharaon.

I/ Le caractère divin du pouvoir égyptien

a) Légitimité du pharaon

L'Égypte antique est une monarchie théocratique. Le pharaon tire directement


son pouvoir des dieux. Il est à la fois leur descendant et premier serviteur. Des
théories de légitimation de la filiation divine du pharaon ont été soutenues : la
filiation osirienne, la filiation solaire et l’inceste royale qui garantit la pureté du
sang royal par le mariage du roi avec l’une de ses sœurs consanguines.

Cette divinité du pharaon a toujours marqué le pouvoir égyptien. En fonction


des époques, le pharaon est considéré comme un dieu, un descendant des dieux
ou un représentant des dieux.

L’institution pharaonique est surtout le symbole de l’unité nationale et une


condition essentielle de la stabilité du pays. La cérémonie de couronnement du
pharaon rappelle, à travers un ensemble de rituels, la divinité et le caractère
fédérateur du pharaon : le pschent, double couronne symbolisant l’union de la
haute et de la basse Egypte, le tour du mur blanc symbolisant la prise de
possession du royaume, l’onction d’huile.

Toutes ces cérémonies rituelles visant à démontrer la nécessité et la sacralité du


pouvoir pharaonique permettent au pharaon de s’approprier un pouvoir absolu
sur ses sujets et sur toute l’étendue du territoire.

b) Missions du pharaon

« L’Etat c'est moi », phrase attribuée à Louis XIV (13 avril 1655) ; en Egypte
également, le Pharaon est le pays à lui tout seul. II voit tout, entend tout, dirige
tout. En tant qu’incarnation de la divinité, il avait des pouvoirs très étendus dans
tous les domaines. Bien plus qu'un roi, le pharaon est à la fois l'administrateur
principal, le chef des armées, le premier magistrat et le prêtre suprême de
l'Égypte. La bonne gouvernance du royaume reposait exclusivement sur sa
personne. Le pharaon avait deux missions principales :

- Mettre en œuvre la règle de Maât (ordre, justice et vérité) sur terre : Le


pharaon doit assurer à travers le principe de Maât l'harmonie entre les hommes
et le ciel, être garant de la morale de son peuple, contribuant ainsi à assurer son
éternité. En tant qu’intermédiaire entre les hommes et les dieux, le pharaon doit
accomplir la volonté des dieux sur terres. Il a donc des obligations à l’égard des
dieux (missions célestes). En tant qu’intercesseur des hommes auprès des dieux,
il a également des obligations à l’égard de ceux-ci (missions terrestres), celles-ci
tournant autour du respect du principe de Maât, cela renvoie simplement à la
bonne gouvernance.

- Mission d’abondance : Le pharaon est garant de la prospérité du royaume,


notamment l’abondance en vivres. C’est lui qui gère l’exploitation des terres,
principale source du royaume (distribution et redistribution), il est garant des
bonnes récoltes et subvient aux besoins du peuple en cas de mauvaises récoltes
ou de famine. C’est dire que l’Egypte était un Etat providence.

c) Destinée du pharaon

Les égyptiens ont cru à l’existence d’une autre vie après la mort. C’est pourquoi
ils établissent la distinction entre le ka et le ba.

Le pharaon qui avait reçu ordre des dieux de gouverner l’Egypte conformément
au principe de Maât. Il devait rendre compte de sa gouvernance. Ainsi, le
tribunal osirien, juge exclusif du pharaon et de sa gestion s’avère être l’instance
de la reddition des comptes. Il fonde les seules limites à l’absolutisme du
pouvoir pharaonique. Le tribunal osirien est composé de 42 juges. Ces derniers
ont pour missions d’interroger le pharaon sur sa gestion. Si le pharaon a bien
gouverné l’Egypte, son âme (le ba) est alors acceptée par les dieux et il
connaîtra une autre vie. Il rejoindra ses pairs et veillera à son tour sur le
royaume. Par contre, si le pharaon est coupable d’une mal gouvernance, il était
puni par l’exclusion de l’au-delà, ce qui empêchera son ba de se transformer en
divinité.

II/ La centralisation du pouvoir pharaonique

a) Le clergé

Omnipotent, le pharaon l'est en théorie. Il préside à tout.

Ainsi dans les temples, nous ne voyons que le roi réaliser les rites, intercéder
auprès des dieux. Mais au quotidien les prêtres remplacent le roi dans les
temples. Ce dernier n’est physiquement présent que pour les grandes cérémonies
(les jubiles, fêtes sed).

b) Les collaborateurs dans l’administration

Pour exercer son contrôle sur les terres et les ressources, le pharaon s'appuie sur
une administration composée de fonctionnaires et de scribes qui gère ses affaires
au quotidien. Cette administration est dirigée par son homme de confiance, le
vizir, qui agit comme représentant du roi et coordonne l'arpentage des terres, le
trésor, les projets de construction, le système juridique et les archives.

Paragraphe II/ Le pouvoir égyptien au niveau local

I/ Le découpage administratif du royaume : les nomes

Le territoire égyptien est découpé en 42 régions administratives (20 au nord et


22 au sud) appelées nomes, qui sont chacune régies par un nomarque,
responsable devant le vizir de sa compétence. Les temples constituent l'épine
dorsale de l'économie égyptienne. Ainsi, les temples sont non seulement des
lieux de culte mais ils sont également responsables de la collecte et du stockage
des richesses de la nation dans un système administré de greniers et de
trésoreries qui redistribuent les céréales et les biens. En fonction des époques,
l’administration locale se composait également de vice-roi, de gouverneurs, de
maires entre autres.

II/ La relation pouvoir central-pouvoir local

Initialement, le pharaon avait un pouvoir de tutelle sur les nomarques. Ainsi,


c’est le pharaon qui les nommait…

Mais très vite, la dépendance des nomarques va s’estomper notamment. A la fin


de l’ancien empire, les nomes se sont émancipés de la tutelle pharaonique,
devenant ainsi indépendants et autonomes. La réunification du royaume ne
pourra plus jamais rétablir cette tutelle pharaonique. On passait alors de la
tutelle à un simple pouvoir de contrôle exerçait par le pharaon sur les
nomarques.
CHAPITRE II : ROME ET L’EMPIRE
ROMAIN
Les sociétés humaines n’ont presque jamais eu sur leur territoire la totalité de ce
qu’il leur fallait de moyens pour s’épanouir à vase clos. C’est pourquoi elles ont
toujours été en contact avec d’autres, elles ont toujours entretenu des échanges
les unes avec les autres. En conséquence de cela, il a toujours été nécessaire
dans la bonne compréhension de la culture des peuples, de leur outillage
institutionnel ou juridique de recourir à l’histoire pour voir ce qui est original, et
ce qui est fruit d’un emprunt et qui est à l’origine du métissage physique,
intellectuel, culturel. C’est dans ce cadre que nous découvrons les adages latins
qui foisonnent dans la science juridique appliquée au Benin. C’est également
ainsi que l’on découvre le français comme langue officielle, c'est-à-dire langue
des institutions et en définitive langue d’enseignement en sciences juridiques et
politiques. Il se trouve justement que l’essentiel des mots français a une origine
latine quand elle n’est pas grecque. Et de fil à aiguille nous découvrons que
l’ancien droit romain fut un élément d’inspiration important pour Napoléon
Bonapart lors de l’élaboration du Code Civil encore appelé Code Napoléon en
1804.

Au Benin, au Togo, au Sénégal, au Mali etc., à partir des indépendances


en 1960, l’idée la mieux partagée fut qu’il fallait bâtir un droit moderne qui
permettrait d’atteindre trois objectifs: le développement économique, l’éclosion
d’une Nation, le renforcement de l’Etat national. Dans l’exécution de ces vastes
chantiers les gouvernants béninois de l’indépendance on fait l’option du modèle
d’Etat français et du modèle du droit français. C’est ce qui explique l’option de
s’organiser en République que les romains inventèrent en l’an 509 avant Jésus-
Christ pour gouverner la ville de Rome.

Notre attention ici sera focalisée sur deux points : d’une part les
institutions politiques et d’autre part, le droit romain.

Section I : les Institutions politiques de la Rome antique

Paragraphe I : Les magistrats ; Notion.


La confusion de l’autorité politique et du sacerdoce dans le même personnage
n’a pas cessé avec la royauté. La révolution, qui a établi le régime républicain,
n’a pas séparé des fonctions dont le mélange paraissait fort naturel et était alors
la loi fondamentale de la société humaine. Le magistrat qui remplaça le roi fut
comme lui un prêtre en même temps qu’un chef politique.

Quelque fois ce magistrat annuel garda le titre sacré de roi d’après le


grand historien Tite-Live. Ailleurs, le nom de Prytane, qui lui fut conservé,
indiqua sa principale fonction. Dans d’autres villes le titre d’Archonte prévalut.
A Thèbes, par exemple, le premier magistrat fut appelé de ce nom.

Quand on examine avec un peu d’attention le caractère du magistrat chez


les anciens, on voit combien il ressemble peu aux chefs d’Etat des sociétés
modernes. Sacerdoce, justice et commandement se confondent en sa personne. Il
représente la cité, qui est une association religieuse au moins autant que
politique. Il a dans ses mains les auspices, les rites, la prière, la protection des
dieux. Il n’y avait pas de magistrat qui n’eût à accomplir quelque acte sacré ; car
dans la pensée des anciens toute autorité devait être religieuse par quelque côté.
C’est pourquoi on voyait le Censeur, une couronne sur la tête, offrir un sacrifice
au nom de la cité et frapper de sa main la victime. Les Préteurs, les Ediles
curules présidaient à des fêtes religieuses. Les Tribuns de la plèbe étaient les
seuls qui n’eussent à accomplir aucun sacrifice ; aussi ne les comptait-on pas
parmi les vrais magistrats.

Le caractère sacerdotal qui s’attachait au magistrat se montre surtout dans


la manière dont il était élu. Aux yeux des anciens, il ne semblait pas que les
suffrages des hommes fussent suffisants pour établir le chef de la cité. Tant que
dura la royauté primitive, il parut naturel que ce chef fût désigné par la naissance
en vertu de la loi religieuse qui prescrivait que le fils succédât au père dans tout
sacerdoce ; la naissance semblait révéler assez la volonté des dieux. Lorsque les
révolutions eurent supprimé partout cette royauté, les hommes paraissent avoir
cherché, pour suppléer à la naissance, un mode d’élections que les dieux
n’eussent pas à désavouer.

A Rome, et pendant la République on élisait chaque année 28 magistrats


dit permanents ; il s’agit des 2 Consuls, des 4 Préteurs, des 4 Ediles, des 8
Questeurs et des 10 Tribuns du peuple. A ces 28 magistrats, venait s’ajouter tous
les 5 ans 2 Censeurs chargés de mettre à jour la liste des citoyens, la liste des
sénateurs ainsi que l’inventaire des fortunes. Enfin, il faut souligner qu’en cas de
péril extérieur grave, les romains avaient un magistrat appelé Dictateur qui était
désigné pour 6 mois et dont la mission était de rétablir le fonctionnement normal
des institutions.

Les magistratures romaines qui étaient regroupées en deux catégories à


savoir les magistrats supérieurs et les magistrats inferieurs soulèvent deux
questions : d’une part, quel était le rôle ou la fonction principale de chaque
magistrature ; d’autre part, de quels pouvoirs disposaient ces magistrats. La
constitution encadrait-elle l’exercice de ce pouvoir ou prérogatives ?

Il nous faut ainsi exposer les différentes magistratures ainsi que les
prérogatives respectives dont elles disposaient.

A : Les attributions des différentes magistratures Romaines

Lorsque vers l’an 500 les rois étrusques furent chassés de Rome, les nobles ou
patriciens qui avaient été les instruments de leur chute se virent d’un jour à
l’autre maître du gouvernement. Mais aucun d’entre eux ne songea, ou ne réussit
à s’élever à la royauté. Peut-être est-ce à la suite d’une sorte de compromis entre
eux et le peuple qu’il fut décidé que deux d’entre eux, choisis par élection,
prendrait tour à tour le pouvoir. Ces deux magistrats, ce deux souverains qui
reçurent le nom de Conseillers, « Consuls » n’étaient élus que pour un an et
avaient des pouvoirs communs.

C’est très important de rappeler que c’était la première magistrature de Rome et


de l’univers, que celui qui l’obtenait allait représenter et résumer en lui le plus
grand et le plus glorieux de tous les peuples, qu’il commandait ses armées, qu’il
dirigeait sa population, sa politique, qu’il faisait les affaires de tout le monde
civilisé. A la vérité, ce pouvoir était temporaire et comme dit plus haut, ne
durait qu’un an ; mais il laissait sur l’homme qui en avait été revêtu comme un
rayon d’immortel éclat. Tant qu’il vivait, le consulaire semblait porter avec lui le
souvenir de cette immense autorité qu’il avait une fois exercée ; il était plus
respecté au forum, plus écouté au Sénat, et, après sa mort, cet éclat se perpétuait
sur sa race. Enfin, dans ce pays où les traditions avaient tant de force, le consulat
du père créait une sorte de droit pour ses fils d’obtenir la même dignité. C’est ce
qui suffit à expliquer le désir passionné qu’on avait d’être Consul et tout ce
qu’on faisait pour y parvenir.

Il était procédé à leur élection au cours d’une assemblée des citoyens en état de
porter les armes, dans laquelle les patriciens avaient une forte majorité. Et
comme ils étaient seuls éligibles leur pouvoir était singulièrement autoritaire et
oppressif. La plèbe, celle des campagnes surtout et des tribus latines,
s’accommodaient mal d’un tel gouvernement. D’autre part, les patriciens ne
pouvaient songer à se maintenir au pouvoir sans le concours des paysans appelés
à devenir leurs soldats à l’occasion des guerres fréquentes qu’ils avaient à faire
ou à subir. Ils furent ainsi amenés à céder au peuple une part dans le
gouvernement en lui permettant d’élire en assemblée ses propres représentants
qu’on appela les tribuns. Ces « tribuns du peuple» avaient le droit de veto sur
tout acte du gouvernement, émanant-il des consuls. Tout citoyen pouvait en
appeler au tribun quand il se croyait injustement lésé par une décision consulaire
et en obtenir l’annulation, sauvé sa vie même s’il s’agissait d’une sentence de
mort. Ce pouvoir d’empêcher par leur veto la promulgation d’une loi qu’ils
jugeaient abusive ou injuste conféra aux tribuns une influence d’autant plus
grande que leur nombre fut augmenté à 10 à mesure que s’élargissait les
attributions des consuls.

Il manquait aux plébéiens un des droits publics les plus importants : la capacité
d’aspirer aux dignités de la République. Ils demandèrent l’accès au consulat. Ce
ne fut point sans résistance qu’ils l’obtinrent ; mais déjà eux et leurs tribuns
étaient redoutables : on craignait leurs séditions, on céda. Ici, qu’on remarque
une politique adroite des sénateurs : puis qu’il faut partager la puissance
consulaire, ils cherchent à l’affaiblir. Au lieu de deux magistrats, ils veulent
qu’on en choisisse trois ; au lieu de leur laisser le nom de consuls, ils les
nomment tribuns militaires. Il semble que le consulat n’est point sorti des rangs
patriciens : plutôt que de l’abandonner, on l’a éteint, ou, pour mieux dire, on l’a
assoupi.

Au début toutefois il semble bien que tout le poids des affaires publiques reposa
sur ces derniers. Ils commandaient l’armée en temps de guerre, ils
administraient seuls les fonds du trésor public et ils jugeaient en dernier ressort
en toute affaire litigieuse. Ce cumul rendait fort compliqué l’exercice de leur
charge. Quand ils s’absentaient de Rome pour se mettre à la tête de l’armée au
cours de guerres fréquentes et souvent longues, l’exercice de leur fonction
judiciaire était suspendu de facto ; et bien d’autres choses encore, à ne
mentionner que l’administration du trésor, requérait beaucoup plus de temps
qu’il ne pouvait leur en accorder : venir à bout de tout est au-dessus des forces
humaines.

Cette situation conduisit très rapidement à la division du travail par la création


de nouveaux fonctionnaires. La trésorerie fut confiée aux Questeurs. Les
questeurs avaient aussi pour rôle de faire les enquêtes judiciaires. Le cens,
l’assiette des impôts et des taxes, l’établissement des listes électorales et la
surveillance de l’ordre public incombèrent aux Censeurs. Ils étaient au nombre
de deux Censeurs et ne pouvaient être pris que parmi les membres du Sénat ; ils
étaient élus par les comices centuriates. Le même sénateur ne pouvait occuper
deux fois cette magistrature, dont la durée primitive fut de cinq ans, espace
compris d’un recensement à l’autre : c’est le lustre. Plus tard, cette durée fut
réduite à un an et demi (18 mois), le restant du lustre s’écoulant sans que Rome
eût de censeurs. Toute la puissance morale qui peut exister dans un Etat leur fut
remise : gardien des mœurs publiques et des mœurs privées, ils pouvaient flétrir
de leurs notes infamantes le plébéien, le sénateur, le consul, le peuple lui-même.
Le Préteur fut nommé pour assister le consul dans l’exercice de ses pouvoirs
judiciaires. Il était plutôt semblable au consul. En effet, à l’an 387, le Sénat
détacha des attributions des consuls tout ce qui concernait la juridiction, avec les
pouvoirs qui en dépendaient, et en investit un magistrat patricien spécial sous le
titre, désormais particulier, de Préteur, qualifié de PROETOR URBANUS,
parce que ses fonctions étaient limitées à la ville de Rome. La préture devint la
seconde dignité de la République. Il était élu par les comices des centuries. Le
magistrat qui en était revêtu marchait précédé de licteurs ; il était le collègue des
consuls, quelquefois même les écrivains lui en donnent le titre, en ce sens que
pendant l’absence des consuls, et tandis que ceux-ci conduisaient les armées, le
préteur les suppléait à Rome. Les préteurs étaient des consuls inférieurs, et leur
charge annuelle n’était en effet qu’un des échelons qui conduisaient au consulat.
Alors c’était lui qui convoquait le sénat et le présidait, qui assemblait les
comices et présentait les projets de loi. Signalons à toutes fins utiles qu’on se
ferait une idée très fausse des préteurs, si on les représentait comme de simples
juges uniquement chargés de fonctions judiciaires. Ils étaient des chefs militaires
et des administrateurs ; leur titre même signifiait général d’armée, et il avait été
porté à l’origine par les consuls.

Les Ediles se chargeaient sous l’inspection des tribus, de veiller à l’entretien des
routes et des ponts, à la conservation des temples et des amphithéâtres, de la
tranquillité et de la sûreté publique de la surveillance des marchés, notamment
de la fixation des prix et la qualité des denrées. L’édile avait pour ces affaires
relatives à ces objets, un tribunal et une juridiction. Il assurait
l’approvisionnaient la ville de Rome en blé. Mais ce qui devint le privilège le
plus recherché et la partie essentielle de leur magistrature, ce fut l’organisation
et la direction des jeux publics (les cirques, les pugilats, les luttes, les courses
de chevaux…). Les édiles que nous venons de décrire s’appelaient les édiles
plébéiens. A la même époque, deux magistrats patriciens furent créés, portant le
même nom, ayant des fonctions analogues, quoique supérieurs ; on les nomma
édiles majeurs, édiles curules.
Enfin, en temps de grave crise externe ou de danger public, l’exercice du
pouvoir suprême était remis entre les mains d’un citoyen connu pour ses hautes
vertus et qui recevaient le titre de Dictateur (le titre officiel du dictateur était
magister populi). Ce pouvoir suprême avait en principe, un caractère
temporaire, une durée limitée à six mois et à des circonstances données.

A Rome, on dressa de bonne heure une sorte de hiérarchie des fonctions


publiques, et il fut établi qu’on devait avoir parcouru la série des magistratures
inférieures, dans un certain ordre, avec de certains intervalles, avant d’aspirer à
la plus élevée. Cette succession avait été réglée d’une manière rigoureuse par
des lois appelées Lois annales, qui sont à un moment donné oubliées parce
qu’elles ont été souvent violées et que la fréquence de l’exception nous empêche
de bien déterminer la règle. On les respectait pourtant à l’ordinaire, et l’on peut
dire d’une façon générale qu’on ne pouvait être consul qu’après avoir
traversé la questure, l’édilité et la préture. L’âge auquel il était permis
d’occuper ces diverses fonctions avait été aussi déterminée par la loi. A moins
de circonstances extraordinaires, on ne pouvait être tribun qu’à vingt-sept
ans, questeur à trente ans, édile à trente-sept ans, préteur à quarante,
consul à quarante-trois, Censeur et dictateur à quarante-quatre ans.

Le magistrat (magister, magistratus) signifiait chef et maître absolu. Il


s’appliquait aux hommes que la cité avait revêtus de l’autorité publique
avec les titres divers de consul, de dictateur, de préteur, etc. Or c’étaient ces
chefs de l’état qui rendaient la justice. Ils étaient en même temps
administrateurs de la cité, commandants des armées, juges des procès et des
crimes

Une question se pose par rapport à cette magistrature romaine que nous
venons d’exposer ; de quels pouvoirs disposaient les magistrats ? Comment
la constitution romaine encadra-t-elle l’exercice de ces prérogatives ?
A- L’IMPERIUM

L’imperium ou la potestas signifie la puissance publique de l’Etat romain. Le


terme imperium désigne la puissance publique la plus élevée, juridictionnelle ou
militaire, par opposition d’une part, au pouvoir exclusif de défendre tel que l’ont
les tribuns du peuple, et d’autre part, un pouvoir subalterne d’ordonner qui
appartient aux magistrats inférieurs et aux délégués des magistrats supérieurs.
C’est un pouvoir de commandement absolu délivré en même temps que
l’auspicium par une loi spéciale des comices curiates et étroitement lié au
pouvoir de prendre les auspices, c’est-à-dire de consulter les Dieux. L’imperium
comprend le pouvoir de commandement et de discipline aux armées, ainsi que la
juridiction civile et criminelle dans les provinces : il s’agit alors de l’imperium
militae exercé exclusivement à l’extérieur de l’enceinte sacré (pomerium) de
Rome. Il comprend aussi, seules autorisées à l’intérieur de Rome, des activités
civiles et politiques telles que la convocation des assemblées du peuple (comices
tributes), les propositions de lois, la réunion du Sénat, ou encore l’activité
judiciaire, ainsi qu’un pouvoir punitif, que peut suspendre le droit de recours au
peuple (provocotio ad populum).

Ce pouvoir illimité d’ordonner est, dans la Rome royale sans distinction de


catégorie d’ordre, concentré dans les mains d’un seul (le roi), et dans la Rome
républicaine, appartient aux consuls, aux collègues des consuls, et également à
tous ceux qui sont investis de la puissance consulaire. Le terme potestas signifie
initialement l’imperium, mais par la suite, dans le langage courant il désigne le
pouvoir appartenant plutôt aux magistrats inférieurs. Seul le consul et ses
semblables tels que les préteurs, le dictateur ou les tribuns militaires
exceptionnels, bref ce qu’on appelle magistrats supérieurs est cum imperium,
les autres magistrats dits inférieurs sont quant à eux cum potestas.

Le droit public romain distingue l’imperium domi et l’imperium miltae. Il


s’agit là d’une distinction à base territoriale. L’imperium domi s’exerce à
l’intérieur de la ville de Rome tandis que l’imperium militaire s’exerce à
l’extérieur. La limite de l’intérieur et de l’extérieur de la ville de Rome s’appelle
le pomerium. Un magistrat, après avoir pris les auspices au Capitole (une
formalité essentielle qui conditionne la validité même d’une opération militaire)
et endossé son costume militaire, dès qu’il franchit le pomerium deviendra le
général de guerre. La différence essentielle entre les deux types d’imperium
réside dans le fait que l’imperium domi est soumis au régime de provocation
(droit pour le peuple d’intervenir pour statuer souverainement sur des
accusations capitales) et d’intercession (droit de veto d’un magistrat à l’encontre
de l’acte prit par un de ses collègues), tandis que l’imperium militae y est
soustrait. Cette distinction entre l’imperium domi et l’imperium militae est à
l’origine de la distinction entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire dans les
Etats de nos jours.

C- Les Auspices.

Si l’imperium s’occupe de la res humanae, les auspices quant à eux s’occupent


des choses divines ou la res divinae. La distinction entre l’auspicium et
l’imperium est une des bases de l’organisation politique de l’Etat romain. Dans
la mentalité des romains, l’homme ne peut ni ne doit connaître les choses de
l’avenir. Pour s’assurer le succès d’un projet d’action, il faut compter sur
l’approbation des dieux dont notamment Jupiter (Pater Jovis), laquelle se
manisfeste à travers des signes : le vol ou le cri d’oiseau, le mouvement des
quadrupèdes et reptiles, le tonnerre et l’éclair, le poulet (on fait manger les
poulets, si l’un d’eux laisse tomber un grain de son bec, on considèrera qu’il y a
là un signe favorable des dieux), l’avertissement des dieux (un corbeau qui vole
à l’encontre de quelqu’un, une attaque de l’épilepsie au cours de l’auspication).
Un signe favorable de dieux est absolument nécessaire pour les actions
publiques romaines tant militaires que civiles. La prise des auspices est par
ailleurs l’une des attributions fondamentales des magistrats à côté de l’imperium
proprement dit. Dans un certain sens, l’imperium des magistrats résulte de
l’auspicium ou de la volonté des dieux. Il n’est pas non plus abusif d’affirmer
que c’est l’auspicium qui confère, au sens propre du terme, l’autorité à la
décision prise le magistrat investi de l’imperium.

Principes et mécanismes de l’imperium

Il faut commencer par dire que le magistrat romain, à la différence de son


homologue moderne était l’homme politique, l’homme d’Etat. Il était appelé
magistrat de fait de ses pouvoirs et compétences constitutionnelles. C’est
pourquoi l’exercice de ses pouvoirs était lié à l’imperium qui était d’ailleurs
strictement encadré par la constitution de 509. Ainsi, les magistratures romaines
se caractérisaient par les principes que sont : la pluralité de leurs titulaires, la
hiérarchisation, l’annalité, la collégialité, la responsabilité, l’élection. En plus de
la gratuité d’abord, les magistratures étaient collégiales c’est-à-dire dans la
fonction de magistrat l’on exerçait toujours à deux, trois, dix c’est- à dire ou
plusieurs. Les magistratures fonctionnaient en collèges autours desquels les
fonctionnaires avaient des pouvoirs égaux. Ce qui semble à priori contraire au
principe de l’unité de l’imperium. Cette égalité des collègues était sensée
empêcher l’arbitraire en cas de conflit car il fallait trouver un système de
prééminence parmi les collègues. Trois solutions existent en fait : roulement
périodique, tirage au sort ou accomplissement d’un acte en commun. Ici, l’idée
est que toute initiative d’un magistrat pouvait être neutralisée par l’opposition
d’un collègue au moment de la prise de décision comme au moment de sa mise
en œuvre. Le deuxième principe voulait que toutes les magistratures soient
annuelles ce qui voulaient dire que le romain a voulu imposer la rotation rapide
de l’imperium qui était u pouvoir redoutable. L’idée était donc, par le principe
de l’annalité d’éviter qu’un homme perpétue pendant longtemps l’exercice
d’une fonction avec le risque de finir par regarder celle-ci comme lui
appartenant. C’était une manière d’empêcher l’arbitraire. Toutefois, il y a une
exception à ce principe d’annalité des magistrats. C’est ainsi que les fonctions
de dictateurs duraient six mois. Ce caractère réduit la durée du pouvoir du
dictateur tenait au caractère écrasant de celui-ci. Enfin les deux censeurs
désignés tous les cinq ans restaient en fonction pendant dix-huit mois. Le
troisième principe régissant les magistratures imposait qu’elles fussent toutes
électives c’est-à-dire pour être magistrat, il fallait passer par le suffrage des
citoyens romains. De ce point de vue, l’on pouvait dire que la souveraineté à
Rome n’était pas dans l’imperium mais dans le suffrage. Toutefois une des
magistratures n’étaient pas élective ; c’était la dictature. Le titulaire était désigné
par le consul en étroite collaboration avec le sénat.

Les magistratures romaines n’étaient pas rémunérées. Elles étaient non-


seulement gratuites, mais fort coûteuses. Il fallait forcément être riche avant de
s’aventurer dans la vie politique romaine « La classe riche, écrit Fustel de
Coulanges, avait d’ailleurs introduit dans Rome de telles habitudes et de telles
mœurs électorales que, pour être élu magistrat, il fallait nécessairement acheter
les suffrages du peuple romain. On n’était donc magistrat qu’à condition d’être
riche, et l’on n’était guère sénateur qu’à la condition d’avoir été magistrat.
Toutes les fonctions étaient gratuites, elles coûtaient fort cher à obtenir, elles
coûtaient ensuite fort cher à exercer, et ce n’était qu’après avoir pu sacrifier une
grande fortune comme candidat et comme consul que l’on pouvait ensuite
refaire cette fortune comme proconsul dans l’administration lucrative d’une
province. Tous les membres du gouvernement, à tous les degrés, étaient donc
nécessairement des hommes riches. Les tribuns du peuple eux-mêmes, dans
cette période qui s’étend de l’an 300 à l’an 150, appartenaient aux riches
familles, et la plupart du temps le tribunat n’était pour eux qu’un marche-pied
pour s’élever aux charges curules ». A propos de la plèbe, Fustel de Coulanges
lance cet avertissement : « Il faut écarter plusieurs idées fausses que l’on se fait
ordinairement sur la république romaine, sur la plèbe, sur les tribuns du peuple.
On juge la plèbe des premiers siècles de la république d’après ce qu’elle était
dans les derniers, et on se la représente comme une classe de prolétaires. Il n’en
est rien. La plèbe des premiers siècles, celle du moins que nous voyons agir et
jouer un rôle dans l’état, celle qui dirigea la retraite au Mont-Sacré, qui créa le
tribunat, qui demanda la confection d’un code, qui réclama la droit de mariage
avec les familles patriciennes, qui ensuite conquit peu à peu les magistratures et
les sacerdoces, était une classe riche. Elle se composait surtout de commerçants,
d’industriels, de banquiers et de spéculateurs. La plèbe dont parle l’histoire de ce
temps-là était à peu près ce qu’on appela plus tard l’ordre équestre ». Le seul
avantage qu’on y tirait c’était le respect et la considération de ses concitoyens.
C’est pourquoi la carrière des magistrats s’appelait la carrière des honneurs ou
CURSUS HONORUM.

Les Assemblées Romaines

Logiquement désireux de savoir d’abord où ils en étaient, les plébéiens


demandèrent la mise par écrit du code de lois en vigueur et obtinrent au bout
d’une cinquantaine d’année que les premières lois, les lois fondamentales de la
république, fussent gravées sur des tables de bronze au nombre de XII. Le
peuple demanda dès lors à participer à la confection des lois nouvelles en se
constituant en assemblée législative. Cette participation, le peuple la possédait
déjà dans une certaine mesure au temps des rois. Il pouvait exprimer son opinion
dans une assemblée appelée comices, composée de groupes ou de toutes familles
entières ou fratries, chacun formant une curie, d’où le nom de Comitia curiata
(comices curiates) donné à cette assemblée. Chaque fratrie s’assemblait et votait
séparément ; la décision était prise à la majorité.

Au premier temps de la république, à une époque où la fréquence des combats


tenait le peuple assemblé dans les camps par groupe de cent combattants
appelés centuries, le vote par centurie se substitua au vote par fratrie et
l’assemblée prit de ce fait le nom de comitia centuriata (comices centuriates).
Mais alors il arriva ceci : comme les armes et les équipements coûtaient cher
l’influence des riches l’emporta à l’intérieur des centuries sur celle des classes
moins fortunées ; l’élément aristocratique prit de nouveau le dessus dans ces
sortes de comices militaires et ne tarda pas à se voir réserver entre autre
l’élection des consuls et finalement à dépouiller de tout pouvoir effectif les
vieilles comices curiates. Cet état de choses conduisit à l’apparition d’une
nouvelle assemblée d’où les patriciens, par une réaction naturelle, étaient
d’abord exclus. Elle s’appelait le concile et avait pour élément constitutif la
tribu. Tout citoyen romain appartenait, soit individuellement, soit par droit de
naissance à une tribu, ce qui n’impliquait d’ailleurs aucune distinction de famille
ou de race : les tribus n’étaient plus en effet qu’une division géographique utile
pour le cens, les levées de troupes et le recouvrement des taxes de guerre. Le
romain avait toujours, au vote individuel, préféré le vote de groupe et la tribu
formait un groupe tout désigné dans ce cas. Le conseil formé par leur réunion,
appelé concilium plebis tributum, semble avoir été graduellement absorbé par
un autre corps de tribu formé par les patriciens et devint les comitia tributa
populi.

Lorsqu’elles eurent secoué l’hégémonie du Sénat les deux comices par centurie
et par tribu devinrent les véritables corps législatifs de l’Etat romain. En dernière
analyse des droits de vote égaux à ceux des patriciens furent attribués aux
plébéiens dans l’assemblée centuriate. La plèbe s’empressa alors de faire passer
une loi accordant aux assemblées les pleins pouvoirs législatifs et s’assura ainsi
une participation plus équitable aux divers privilèges conférés par l’Etat, en
particulier à la répartition des terres. L’accession de la plèbe aux charges
publiques couronnant l’édifice démocratique, et l’on vit élire des plébéiens non
seulement à la censure et à la questure, mais à la magistrature et au consulat ; on
en vit même siéger parmi les sénateurs. Cette accession de la plèbe au pouvoir
ne pouvait aller sans d’importants changements sociaux. Le citoyen romain
nourrissait un profond respect pour le gouvernement et ses agents : le consul ne
paraissait en public que précédé de XII licteurs portant la hach et les faisceaux,
insignes de sa charge, la hache symbolisant son droit de vie et de mort, les
verges réunies en faisceaux (d’où l’italien fascio) ses pouvoirs judiciaires.
D’autres groupes de licteurs accompagnaient les fonctionnaires de rang
inférieur. Au consul et aux hauts fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction
était réservée la toge blanche bordée de pourpre. Il gardait le droit de la porter à
certains jours fastes après l’expiration de leur charge et ce droit fut tenu à grand
honneur dans certaines familles plébéiennes dont un ou plusieurs membres
s’étaient distingués au service de l’Etat. Lors des élections, le vote des électeurs
se portait de préférence sur les descendants des familles qui s’étaient illustrées
de cette manière. Une nouvelle noblesse se forma ainsi à côté des vielles
familles patriciennes.

De façon résumée, Le peuple romain existe essentiellement sous forme de


comices. Il existe trois types de comices selon des critères différents : comices
curiates (l’origine) ; comices centuriates (le cens et l’âge) ; enfin, comices
tributes (le lieu).

Les comices curiates dataient de l’époque royale et subsistaient sous la


république. Cette assemblée est celle des Curies, qui ne renferme que les vrais
citoyens, c’est-à-dire les descendants de ceux qui ont fondé Rome. Ainsi donc,
l’assemblée des Curies ne comprenait que des patriciens. A côté d’eux viennent
tous les jours s’établir des habitants nouveaux, qui arrivent des pays vaincus, ou
qu’attire la réputation de la jeune ville de Rome. A ceux-là on ne veut d’abord
accorder aucun droit ; ils forment la plèbe, qui n’a pas de place dans l’assemblée
des curies, parce qu’en réalité elle ne fait pas partie de la cité véritable. Mais
étant donné sa fonction politique peu importante, le peuple s’y abstient souvent
et se fait remplacer par 30 licteurs. Par la lex curiate de imperio, les comices
curiates confèrent l’imperium aux magistrats supérieurs élus par les comices
centuriates. Mais cette fonction n’est qu’une simple formalité dans la réalité.

Les Comices Centuriates furent la plus importante assemblée du peuple.


A l’origine ils étaient essentiellement des assemblées militaires. En effet,
l’armée, qui sentait sa force, eut tout de suite ses exigences, et il fallut dès le
premier jour lui faire des concessions. On commença dès lors à la convoquer,
non plus pour la conduire à la guerre, mais pour la consulter. On la réunit au
Champ de Mars, et ce fut l’origine des Comices Centuriates. Cette assemblée
n’était pas autre chose que l’armée elle-même. Cela est si vrai qu’elle était
convoquée par la trompette militaire ; elle se rassemblait au lieu ordinaire des
exercices, hors de la ville, parce qu’aucune troupe armée ne pouvait se réunir
dans l’enceinte de Rome. Chacun s’y rendait en armes, comme s’il se fût agi
d’une expédition. Peu à peu ils sont devenus des organes de nature politique,
une assemblée politique. Les sexagénaires ne figuraient pas plus dans ces
comices qu’ils ne figuraient dans l’armée. L’assemblée centuriate est divisée en
5 classes en fonction du cens. Elle a des attributions électorales législatives et
judiciaires. Dans l’assemblée des centuries, tout le monde, patriciens et
plébéiens votent ensembles ; mais elles furent à la discrétion des nobles.
L’assemblée élit (creatio non electo) les magistrats supérieurs titulaires de
l’imperium : consuls, préteurs, tribuns militaires à pourvoir consulaire. Elle vote
des lois, sous le contrôle rigoureux des magistrats, mais n’a ni l’initiative ni le
droit d’amendement. Enfin, elle a une fonction de juridiction en matière pénale
notamment (au cas de parricidium et de perduelio) et ce, surtout par le biais de la
provocatio ad populum. La provocatio était possible contre toute condamnation
capitale prononcée par un magistrat ainsi que contre de fortes amendes. Elle
était portée devant les centuries pour les causes capitales et devant les tribuspour
les amendes. C’est donc un recours contre la sentence du magistrat et non point
une juridiction de première instance.
L’organisation des comices tributes (comitia tributa) est à base
territoriale. Il s’agissait des assemblées nouvelles dans lesquelles le peuple
n’était plus réuni et groupé d’après la naissance et la fortune, comme dans les
anciens comices, mais où chacun votait selon le quartier qu’il habitait. C’est le
principe qui a fini de nos jours par prévaloir dans tous les Etats modernes et
libres. A cet effet, la ville et le territoire de Rome furent divisés en un certain
nombre d’arrondissements territoriaux qu’on appelle des Tribus. Le nombre des
tribus avait varié, mais vers la fin de la république, en 241, ce nombre fut fixé
définitivement à trente-cinq : quatre pour la ville, qu’on appelait les tribus
urbaines, et trente et une tribus rustiques, ou de la campagne. Tous Les citoyens
étaient répartis parmi ces tribus sans distinction de fortune ou de rang et votaient
avec la tribu dans laquelle ils étaient inscrits. Les attributions des comices
tributes étaient les mêmes que celles des comices centuriates mais d’un degré
inferieur : élection des magistrats inferieurs, des tribuns et des édiles de la plèbe,
prononciation sur la provocatio contre les sentences pénales infligeant une forte
amende , mais non la mort , etc. Ces assemblées démocratiques, qui, comme on
le pense bien, étaient du goût de la plèbe, ne tardèrent pas à prendre une grande
importance. Elles attirèrent à elles une partie de la puissance législative, et
finirent par rendre leurs décisions obligatoires pour l’état tout entier, ce qui était
le plus grand de tous les triomphes.

Il convient de remarquer que l’organisation et le fonctionnement des comices


étaient loin d’être parfaitement démocratiques. Seuls les citoyens avaient le droit
de participer aux comices, les étrangers, les esclaves ayant été écartés. Mais
même parmi les citoyens, tous ne participaient pas à l’assemblée, soit par
abstention, volontaire ou involontaire (ceux qui étaient éloignés de Rome), soit
parce qu’ils n’étaient pas inscrits sur les listes des centuries et des tribus par les
censeurs. Dans la pratique, l’assemblée populaire était dominée par quelques
grandes familles (qui disposent des clients).
Il y avait donc à Rome, à la fin de la république, trois assemblées politiques
fonctionnant ensemble. D’abord la plus ancienne, celle des curies, qui remontait
aux premiers jours de la cité. Quoiqu’elle n’eût plus aucune espèce
d’importance, on l’avait religieusement conservée : -- c’était l’habitude des
Romains de ne jamais rien détruire. – Les nobles, pour lesquels elle avait été
faite, n’y venaient plus : ce n’était qu’une sorte de formalité, vénérable par son
âge, mais à laquelle on ne faisait plus aucune attention, et où trente licteurs
représentaient les trente curies absentes. Les deux assemblées vraiment
souveraines, entre lesquelles se partageait l’autorité, étaient celle des centuries et
celle des tribus, l’une plus favorable à l’aristocratie, l’autre plus populaire.
L’assemblée des tribus était devenue avec le temps très puissante : pour me
borner à sa compétence électorale, elle élisait les tribuns du peuple, les édiles
plébéiens et curules, les questeurs, le grand-pontife et les prêtres ; mais
l’élection des consuls était restée à l’assemblée des centuries, et c’était l’affaire
la plus grave dans la vie politique de la cité.

Le Sénat Romain

Le Sénat dont le terme dérive de senex, signifiant vieillard, est un conseil formé
des chefs des grandes familles, les patres, et des anciens hauts magistrats.

Le sénat romain incarne quant à lui l’élément aristocratique ou oligarchique de


la constitution romaine (voir Mommsen, « droit public romain », tome VI et
VII).Durant toute la période de la république, le nombre de sénateurs était
de300, mais il fut porté à 600 par Sylla. Le sénat était d’abord une réunion de
patres (les chefs de famille romaines, prétendument descendants des
compagnons de Romulus), mais devint ensuite un organe constitutionnel
juridiquement reconnu.

Ils étaient désignés d’abord par les consuls ensuite par les censeurs. Dans le fait
sénat était composé de la plupart des anciens magistrats curules (consuls,
préteurs, édiles) et plus tard des édiles de la plèbe, des tribuns et des questeurs.
Le sénat était convoqué et présidé par un magistrat, consul, préteur ou tribun.
Parmi les attributions du sénat, il faut distinguer les monopoles des sénateurs
patriciens et les autres attributions générales. En effet, seuls les sénateurs
patriciens pouvaient exercer l’interregnum (en cas de vacance de magistrat
suprême) et disposaient de l’auctoritas patrum (un droit de ratification et de veto
sur certains actes politiques, en faisant valoir la volonté des dieux). Signalons
que le terme auctoritas a la même racine (aug-) que le verbe augere (accroître,
renforcer) ou que les substantifs augur, augurium (augure, interprétation des
signes, présage). Quant aux autres attributions importantes du sénat, on doit
mentionner son rôle en tant que gardien du culte de la cité , son pouvoir
d’autoriser les dépenses (pour la guerre et pour les travaux publics) son droit
d’administrer l’ager publicus (assignation de la terre conquise) et fixer les
tributum, le droit de décider des opérations militaires, la représentation de la cité
vis- à- vis des étrangers, son pouvoir de contrôler les magistrats (qui lui rendent
compte durant leur fonction et qui les jugent après), enfin son pouvoir de donner
des conseils qui deviendra au fil du temps un véritable pouvoir législatif sous
forme de senatus-consulte. C’est le Sénat, avec le peuple, mais avant lui
(senatus populusque Romanus) qui incarne la cité romaine la maiestas senatus
n’est pas moindre que celle du peuple.
SECTION II : LES SOURCES DU DROIT A ROME.

Paragraphe I : Les sources ordinaires du droit à Rome

C’est aux romains que l’on doit la jolie métaphore de «sources » pour désigner
les modes de création des règles de droit. La source de la règle juridique est
toujours individualisée dans une activité humaine. Au II e siècle de notre ère, le
juriste Gaius en dresse l’inventaire : « les sources du droit, pour le peuple
romain, sont les lois, les plébiscites, les sénatus-consultes, les constitutions des
empereurs, les édits de ceux qui ont le droit d’émettre des édits, les réponses des
prudents ». Toutes ces sources ne sont pas apparues en même temps et
l’énumération de Gaius n’obéit pas à l’ordre chronologique dans lequel nous les
aborderons : lois (et plébiscites) (A), jurisprudence (B), édit du président (C),
sénatus consultes (D), constitutions impériales (E), A cet inventaire, nous
rajouterons la coutume dont Gaius ne parle pas (F).

A. La loi

La lex publica est votée par les citoyens assemblés en «comices», sur
proposition d’un magistrat dont elle portera ensuite le nom : c’est la lex rogata.
Mais lorsqu’un gouverneur de province prend une décision unilatérale qui a
valeur de loi, cette loi est appelée la lex data.

De la loi, il faut rapprocher le plébiscite, voté par l’assemblée propre à la plèbe,


ou « concile de la plèbe », sur proposition d’un tribun de la plèbe qui, lui aussi, y
attachera son nom. En 286 avant J.-C., le plébiscite est assimilé à la loi et, dès
lors, la législation adoptera souvint cette voir, plus facile à mettre en œuvre. Le
peuple du droit n’a pas été un peuple législateur (F.schulz). Si la loi a joué à
Rome un grand rôle en droit public, elle occupe une place modeste en droit
privé. Au cours des sept siècles pendant lesquels cette source a été utilisée, on
compte environ 800 lois et, sur celles-ci à peine une trentaine concerne le droit
privé. C’est que le droit privé est une discipline d’initiés ; son élaboration reste
hors de portés du peuple. Le style des lois diffère d’ailleurs profondément de
celui des juristes professionnels. Si le législateur parle à l’impératif, il se signale
aussi par sa verbosité

B. La « jurisprudence »

Dans son sens romain, la iuris prudentia ou jurisprudence ne désigne pas les
décisions des tribunaux, mais la science du droit. C’est par l’interprétation
qu’elle contribue à la création du droit. Nous reviendrons plus longuement sur la
place essentielle tenue par l’activité des juristes qui écrivent des commentaires
et délivrent des consultations. Ces consultations portent le nom de responsa.
Leur autorité dépend de la notoriété de leur auteur, et lorsque le responsum
provient d’un jurisconsulte réputé, il est régulièrement suivi. D’autant plus que
la gratuité de la consultation est le gage de son impartialité.

A l’avènement de l’Empire, certains prudents ne cachent pas leur antipathie à


l’égard du nouveau régime. L’hostilité de Labéon est la plus fameuse, mais
d’autres juristes font preuve de la même attitude, comme Aulus
Cascellius : « Deux choses, disait ce fervent républicain, me donnent de
l’audace ; je suis vieux et je n’ai pas d’enfant ». L’Empereur Auguste est donc
averti : il ne pourra compter sur leur complaisance. Il essaiera de se ménager les
bonnes grâces des grands maîtres, n’hésitant pas à leur demander conseil. Mais
cela ne suffit pas. La liberté jurisprudentielle assurait aux jurisconsultes les plus
réputés une influence décisive sur l’administration de la justice. Elle ne peut
subsister intacte. Auguste divisera pour mieux régner.

A la fin de la République, le nombre des jurisconsultes a proliféré et des voix


s’élèvent pour dénoncer la qualité médiocre de certains d’entre eux. On pouvait
s’improviser jurisconsulte en trois jours, clame Cicéron ! L’occasion est trop
belle et Auguste s’en saisit : il sera le restaurateur de la jurisprudence et la
restauration passe par l’épuration. C’est ainsi qu’il crée le ius respondendi ( ex
auctoritate principis) c’est-à-dire un brevet officiel de juriste-consultant. Seuls
les titulaires de ce brevet, délivré par l’empereur, peuvent donner des
consultations et donc prendre le titre de jurisconsultes. Les juristes non brevetés
restent libres d’enseigner et de composer des ouvrages de doctrine (l’exemple le
plus célèbre est Gaius). Mais l’activité de consultation est soumise à un régime
d’autorisation préalable. Voilà donc les juristes divisés en consultants et non
consultants. Sollicité comme une faveur, le brevet attire les prudents dans
l’orbite impériale. Certains empereurs du 1 er siècle en font carrément un
instrument d’oppression : des règnes de Caligula, Claude et Néron, la
jurisprudence sort exsangue. D’une façon plus générale, les empereurs ne
dispenseront cette faveur qu’avec parcimonie jusqu’au règne d’Hadrien (117-
138). C’est sous son règne et celui des autres empereurs Antonins que la
jurisprudence retrouve sa vitalité. Le ius publice respondendi est accordé plus
largement. Hadrien n’avait plus rien à craindre d’eux : non seulement les juristes
entrent à son service, mais l’empereur partage désormais avec eux
l’interprétation du droit grâce au Rescrit. C’est précisément un rescrit d’Hadrien
qui formule la règle de l’unanimité : si, sur un même point de droit, les
jurisconsultes sont d’accord, leur opinion s’impose au juge. En revanche, si la
question reste controversée, le juge reste libre de décider comme il veut.

C. L’édit du péteur

A partir du IIe siècle avant J-C., l’édit du préteur est la source principale du droit
privé. Le préteur est à Rome le magistrat judiciaire, élu pour un an. A son entrée
en fonction, il publie un édit qui constitue en quelque sorte son programme
d’activité pour l’année à venir. Cet édit énumère les cas dans lesquels le
magistrat délivrera des moyens de procédure, c’est-à-dire des actions. Comme
en droit moderne, le droit romain distingue le droit de l’action. Mais en droit
moderne, le droit, défini par la loi, précède l’action qui n’est là que pour le faire
respecter. Il en va différemment du droit prétorien : le préteur peut délivrer des
actions dans un domaine où la loi ne s’est par prononcée. En ce cas, l’action
précède le droit parce que le préteur a décidé de prendre en compte une
situation. Le préteur ne promulgue pas des règles de fond, mais il délivre des
moyens de procédure : en fait, cela revient à créer du droit et cela permet de le
faire évoluer en sanctionnant des situations nouvelles. Il en va de même de nos
jours lorsque le juge administratif apprécie la recevabilité d’un recours (donc le
bien-fondé d’une procédure) dans un domaine où le requérant invoque son
intérêt à agir alors même qu’il n’existe aucun droit subjectif aisément
identifiable. Le juge administratif élabore la règle en même temps qu’il
l’applique au litige et, éventuellement, en sanctionne la violation. Ce n’est pas
un hasard si on dit du droit administratif moderne qu’il est un droit prétorien. A
Rome, le préteur annonce à l’avance quelles situations il protègera. Son édit est
un catalogue de toutes les actions qu’il propose. L’édit d’entrée en charge est
qualifié d’ « edictum perpetuum » (édit perpétuel) car il reste valable pendant
toute l’année (par opposition aux edicta repentina, édits motivés par des
circonstances imprévues). D’une année sur l’autre, même si un préteur reprend
l’essentiel de son prédécesseur, l’édit est révisé, amélioré, enrichi. C’est donc
une source du droit extrêmement souple, en prise directe et rapide avec les
nécessités pratiques.

Depuis le IIe siècle avant J.-C., l’édit du préteur est la source du droit la plus
féconde, constamment enrichie et renouvelée en fonction des besoins. Mais ce
dynamisme engendre une concurrence redoutable pour le Prince. En principe,
rien n’empêche l’édit de continuer à faire boule de neige après l’avènement de
l’Empire. Le Prince ne peut exercer d’emprise directe sur le préteur car celui-ci
n’est pas son subordonné. C’est compter sans l’habileté d’Auguste. Il s’ingénie à
tenir le préteur à l’écart du courant réformateur. Son hostilité larvée est telle que
les préteurs n’osent plus prendre d’initiative. Peu à peu, l’édit cesse de
s’enrichir, il se dévitalise. Au début du IIe siècle, l’édit est stabilisé, son texte
n’évolue plus. Lorsque l’Empereur Hadrien (117-138) arrive au pouvoir, il juge
le moment venu de le fixer une fois pour toutes. L’entreprise de codification est
confiée au grand juriste Salvius Julianus (Julien). L’édit mérite encore
davantage sa qualification de perpétuel. Il n’évoluera plus et cessera donc de
faire partie des forces créatrices du droit.

D. Les sénatus-consultes

Portent le nom de sénatus-consultes les textes votés par le sénat où siègent ceux
qui ont géré une magistrature. Le sénat est une institution essentielle sous la
République. C’est une sorte de Grand Conseil, convoqué par un magistrat qui lui
présente la question à débattre. Techniquement, le Sénat ne rend que des avis,
sous une forme courtoise, et les magistrats ne sont pas tenus de les suivre. En
pratique, il leur est difficile de ne pas s’incliner. C’est le cas notamment lorsque
la haute assemblée donne son avis sur un projet de loi. Mais c’est aussi le cas
lorsque le sénat pose des principes dans des matières qui relèvent de sa
compétence et qu’il invite ensuite les magistrats à les sanctionner par exemple
en matière financière.

Avec le Principat, le sénatus-consulte acquiert une place grandissante et devient


une source directe du droit. Il va prendre le relais de la législation comitiale en
servant de prête-nom à des décisions impériales. Le Sénat ne se cantonne plus,
comme sous la République, aux matières politique et administrative. A
l’initiative de l’empereur, il intervient dans le droit privé. D’abord sous forme
d’interdiction : par exemple le sénatus-consulte Macédonien interdit de prêter de
l’argent aux fils de famille. Cependant au 1er siècle, l’interdiction formulée par le
Sénat ne s’impose pas de plein droit. Dans son principe, le sénatus-consulte
n’est encore qu’un avis et pas une source du droit. Il ne reçoit d’application que
dans la mesure où le préteur crée un moyen de droit pour le sanctionner. La
situation change au siècle suivant. Le sénatus-consulte cesse d’être tributaire du
préteur. On lui reconnait force de loi, il crée directement des règles de droit. A
ce stade, le sénatus-consulte a bel et bien remplacé la loi comitiale. Mais il est
aussi entièrement au service du Prince car il ne fait qu’entériner sa proposition
exprimée dans un discours (oratio principis)

L’emprise du Prince s’accroît toujours davantage sur cette assemblée qu’il


convoque, préside et dont il surveille la composition. Dès Marc-Aurèle (161-
180), les priorités sont renversées : le vote du Sénat s’efface devant la
proposition de l’empereur. Le rôle du Sénat se réduit à une simple formalité,
obtenue sans débat, à l’unanimité et par acclamation. La décision et le discours
du Prince se confondent. La pratique en tire les conséquences : le sénatus-
consulte perd son nom pour n’être plus désigné que du terme d’oratio principis.
Il est clair que désormais c’est la volonté impériale, et non plus celle du Sénat,
qui est source du droit. Enfin, lorsque le pouvoir législatif est reconnu
directement à l’empereur, l’oratio principis disparaît.

E. Les constitutions impériales.

36 A Rome, le mot « constitution » désigne nom pas, comme de nos jours, la loi
fondamentale de l’Etat, mais un texte normatif qui émane de l’empereur. Ce
type de source est donc naturellement propre à l’empire. Au Bas-Empire, ces
constitutions impériales sont appelées leges, lois. Il en existe quatre types.

Les édits (edicta) sont des textes ou des instructions obligatoires qui ont une
portée générale. Ils s’appliquent à toute une catégorie d’individus ou à tout un
territoire, voire à tout l’empire. Ils sont voisins de ce qu’on désigne aujourd’hui
comme des lois, sauf à préciser que ces lois sont l’œuvre monarque. A toutes
choses égales, on peut rapprocher ces édits des ordonnances présidentielles
prévues dans certains régimes républicains.

Les décrets (decreta) sont des jugements rendus par l’empereur en première
instance ou en appel dans des litiges civils ou pénaux. L’autorité de l’empereur-
juge leur confère une valeur dépassant l’espèce en cause et leur permet de servir
ensuite de précédents. Il est intéressant de remarquer que le droit d’aller en appel
d’un jugement est une invention du pouvoir impérial. C’était une façon de
s’approprier le pouvoir judiciaire jusque-là entre les mains du préteur mais du
peuple romain lui-même.

Les rescrits (re-scriptum : écrit en retour) sont des réponses écrites adressées
par l’empereur à une requête émanant d’un particulier, d’un fonctionnaire ou
d’un juge sur un point de droit souvent à l’occasion d’un procès. Le rescrit
assure donc, comme le responsum des prudents, une fonction de consultation
juridique. Mais à la différence du responsum, la réponse de l’empereur est
contraignante pour le juge. Dès lors, les particuliers avaient tout à gagner en
sollicitant un rescrit de la chancellerie impériale plutôt qu’en s’adressant à un
jurisconsulte.

Les mandats (madata) sont des instructions de caractère administratif adressées


aux magistrats ou aux fonctionnaires, en principe à titre individuel.

Enfin, une autre forme de constitution impériale annoncée par Gaius est
l’epistula. Il s’agit de la réponse donnée par l’empereur à un magistrat qui
l’interroge sur un point de droit.

F. La coutume

Si en droit public le rôle de la coutume est, à Rome, reconnu sans difficulté, il


n’en va pas de même du droit privé. La coutume est régulièrement absente des
catalogues de source du droit proposés par les juristes classiques. Cela peut
paraître d’autant plus surprenant que la loi occupe une place restreinte. C’est
tout simplement que l’adaptation du droit aux nécessités nouvelles n’a pas
besoin de la coutume. Le système juridique romain dispose en effet de sources
qui permettent d’absorber quasi instantanément les nouveautés de la pratique:
l’édit du préteur, l’interprétation jurisprudentielle sont si souples que la
coutume, fondée sur la répétition, n’a même par le temps de se former.
C’est par le biais des provinces que la coutume pénétrera dans l’ordre juridique,
romain. Les peuples conquis par Rome ont en effet conservé leur droit, toléré du
vainqueur à titre de coutumes locales pérégrines. Après l’édit de Caracalla qui,
en 212 après J.-C., accorde la citoyenneté- et donc l’accès au droit romain-à tous
les habitants de l’empire, ces traditions locales n’ont pas disparu. Tout au
contraire ces droits locaux ont été intégrés au droit officiel et élevés au rang de
coutumes provinciales. A la fin du III e siècle, le droit romain lui –même subit
les assauts de la coutume. Ni l’édit du préteur, ni le droit jurisprudentiel ne sont
plus en mesure de transformer les usages de la pratique en droit savant. Mais la
pratique n’en continue pas moins à secréter des solutions répondant aux besoins
de la vie quotidienne, notamment aux nécessités économiques. C’est ainsi
qu’émergera, de façon coutumière, un droit dit « vulgaire », un droit romain crée
ou adapté par les praticiens et caractérisé par son souci de simplification et droit
vulgaire importance historique incontestable : ces tendances annoncent, déjà, le
droit du haute moyen Age occidental. Mais la contribution essentielle de Rome à
notre droit provient de sa tradition classique, sauvegardée par l’empire d’Orient.
Et ce droit a été un droit savant, élaboré par les juristes.

H. La loi des XII Tables : la publication des règles de droit

A l’origine, les patriciens ont seuls vraiment la qualité de citoyens romains,


dotés de la plénitude des droits civils et des droits politiques : ils ont le droit de
suffrage, ils sont éligibles aux magistratures et le privilège de servir dans les
légions leur est réservé. La plèbe, ou les plébéiens, c’est-à-dire les nouveaux
habitants, les intrus, (le petit peuple, la basse classe) sont des sujets, qui font
partie de la cité sans être des citoyens complets : ils ne font pas partie des
comices et n’ont pas accès aux magistratures. Ils étaient exclus de la vie
politique et juridique. La situation va rapidement changer car l’on sait comment
elle parvint, à force de plaintes et de menaces, à emporter la création d’une
magistrature spéciale, le tribunat, chargé de protéger les intérêts populaires.
Le rôle économique que les plébéiens jouent dans la cité et surtout la place
qu’ils occupent à l’armée les incitent rapidement à demander l’égalité avec les
patriciens. Un de leur premier succès fut la rédaction de la loi des XII Tables,
précisant le droit civil applicable à tous. Ils n’hésitent pas à utiliser des moyens
révolutionnaires pour faire triompher leurs revendications : ils font, à plusieurs
reprises, sécession sur l’Aventin, c’est-à-dire qu’ils quittent la cité, la privant de
leur activité économique et de leur service militaire.

Le Patriciat finit par céder à la pression exercée par les chefs de la plèbe, les
tribuns. Un collège de 10 magistrats extraordinaires, les décemvirs, fut choisi
pour un an parmi les personnages les plus prestigieux de la cité et chargés de
codifier le droit. La tâche fut rondement menée et elle s’acheva sur la loi des XII
tables, en 450 avant J.C. La loi ne nous ai pas parvenue dans son intégralité ;
nous n’en connaissons que des fragments qui ont permis de la reconstituer. Ces
dispositions légitiment notamment les principaux actes juridiques, les droits
« absolus » (liberté, propriété, puissance paternelle), les crimes de droit commun
punis de mort ainsi que les procédures injustices. Sans abstraction, ni
systématisation, avec une concision remarquable, l’essentiel est dit. En fixant le
statut privé du citoyen romain, la loi consacre l’égalité juridique et met un terme
à l’arbitraire dans l’exercice de la justice ; le magistrat est désormais lié par la
loi. Une loi dont le contenu est connu de tous puisque les XII tables sur
lesquelles la loi fut gravée sont affichées au forum. Les romains la considérait
comme la base de leur droit et son prestige restera encore intact à la fin de la
république : Cicéron raconte qu’encore à son époque, au 1er siècle avant notre
ère, les enfants l’apprenait par cœur à l’école.

Paragraphe 2 : Les Compilations officielles du Bas Empire

A la fin du IIIè siècle, les textes juridiques forment une véritable jungle où les
juges, souvent ignorants ont bien du mal à se retrouver. Les besoins de la
pratique, ainsi que les nécessités de l’enseignement, conduisent les empereurs à
y mettre un peu d’ordre. Les moyens employés n’ont pas toujours été très
heureux. C’est le cas, notamment de la fameuse « loi des citations » rendue en
426 par Valentinien III, empereur d’occident. Elle instaure pour la jurisprudence
classique un système de sélection mécanique en donnant force de loi aux écrits
de cinq juristes : Gaius, Paul, Ulpien, Papinien et Modestin. Eux seuls peuvent
être invoqués en justice. L’opinion des autres prudents n’est prise en compte que
si elle est citée par un des cinq grands. Si les cinq auteurs sont d’accord, le juge
suivra leur avis. S’ils ne sont pas d’accord, la loi des citations fournit des règles
pour trancher mécaniquement les divergences : le juge doit retenir l’avis de la
majorité ; en cas de partage égal, le juge doit suivre l’opinion de Papinien (le
prince des juristes dira-t-on) ; si enfin Papinien ne s’est pas prononcé, le juge
retrouve la liberté d’adopter l’opinion qui lui semble la plus équitable.

A la même époque, le collègue oriental de Valentinien III, l’empereur Théodose


II médite une entreprise bien plus ambitieuse, une codification officielle du
droit. Elle aboutit au code Théodosien (A). Ce code sera ensuite supplanté en
orient par les compilations de Justinien (B).

A. Le Code Théodosien

Par une constitution de 429, Théodose II dévoile un projet de grande envergure.


L’empereur d’Orient se propose de faire réaliser deux compilations : d’une part,
un recueil officiel des legs (c’est-à-dire des constitutions impériales de portée
générale) à partir de celles de Constantin et d’autre part, un ouvrage de caractère
pratique renfermant tout le droit en vigueur et comprenant à la fois des legs, des
rescrits (puisés dans les codes grégoriens et hermogéniens). Ce projet n’aboutit
pas. En 435, une nouvelle constitution du même empereur reprend l’idée de
codification officielle sur d’autres bases : une commission de seize membres a
été chargée de compiler les constitutions impériales émises depuis Constantin en
les modifiant, au besoin, pour les mettre à jour. Cette fois-ci, la tâche est menée
à son terme ; elle débouche sur le code Théodosien promulgué en 438. Il se
compose de seize livres, subdivisés en titres à l’intérieur desquels les
constitutions sont rangées par ordre chronologique. A partir du premier janvier
439, le code Théodosien entre en vigueur dans tout l’empire dont l’unité est
ainsi réaffirmée. Quoi que rédigé en Orient, c’est en Occident que son destin
sera le plus durable. En Orient, il s’effacera au VIè siècle devant l’œuvre de
Justinien.

B- Les Compilations de Justinien

En 527, Justinien devient empereur d’Orient. A la date de son avènement,


l’Empire d’Occident s’est effondré depuis plus d’un demi-siècle (476). Les
ambitions de Justinien sont immenses. Hanté par la grandeur passée de Rome, il
entend la restaurer dans tous les domaines. Il veut rétablir l’empire dans ses
anciennes frontières et donc reconquérir l’Occident, aux mains des rois barbares.
Mais Justinien sait qu’on ne gouverne pas simplement par la force militaire.
Aussi veut-il également rénover les structures de l’empire et, dans cette
perspective, le doter d’une base juridique solide et homogène. Ce grand
monarque sait s’entourer des meilleurs auxiliaires : les généraux Bélisaires et
Narcès, qui conduiront la reconquête (en Afrique, en Italie, en Espagne) ; le
préfet du prétoire Jean de Cappadoce qui, assumera la réorganisation de
l’administration ; le juriste Tribonien (haut fonctionnaire, maître des offices puis
questeur du palais), qui sera la cheville ouvrière de l’œuvre juridique. Justinien
fait entreprendre une œuvre juridique grandiose qui aboutit à quatre recueils : le
Code (1), le Digeste (2), les Institutes (3) et les Novelles (4). L’ensemble sera
baptisé au moyen-âge du nom de Corpus iuris civilis.

1. Le Code de Justinien

Le 13 février 528, Justinien ordonne la compilation des leges dans sa


constitution Haec Quae Necessario (on désigne les constitutions impériales à
l’aide de leurs premiers mots). Il nomme une commission de neuf membres (6
hauts fonctionnaires, 2 avocats et 1 professeur de droit), présidé par le
« magnifique » Tribonien et lui indique précisément la marche à suivre. On
puisera dans les Codes Grégoriens, Hermogéniens et Théodosiens, ainsi que
dans les constitutions postérieures pour ne retenir que les seuls textes en vigueur
et les réunir en un seul Code. L’empereur ordonne également d’intervenir sur les
textes retenus pour parvenir à un ensemble le plus concis et le plus clair
possible : c’est ainsi que les compilateurs sont invités à éliminer ce qui est
superflus (par exemple les préfaces des constitutions) et à remanier au besoin les
textes. La commission travaille très vite puisque le code est publié le 7 avril 529.
Cette première version ne nous est pas parvenue car elle a été refondue à la suite
des travaux du Digeste et de l’émission de nouvelles constitutions. Une
deuxième édition est publiée le 16 novembre 534.

Le Code se compose de 12 livres, en hommage à la loi des 12 tables, divisés en


titres portant un nom ; au sein des titres, les constitutions sont classées par ordre
chronologique. La plus ancienne est d’Adrien, la plus récente de Justinien (4
novembre 534). Chaque constitution indique, en tête, l’identité de son auteur et
celle de son destinateur (c’est l’adresse) et, à la fin, la date et le lieu de sa
publication (c’est la souscription). Mais quel que soit le destinataire initial, le
texte devient du fait de son insertion dans le Code une loi pour tous.

2. Le Digeste

Par la constitution Deo auctore du 15 décembre 530, le Justinien ordonne la


compilation du ius c’est-à-dire de la jurisprudence classique. La constitution est
adressée à Tribonien auquel l’empereur laisse le soin de choisir ses
collaborateurs. La nouvelle commission compte davantage de savants que celle
qui a élaboré le code (4 professeurs de droit, 11 avocats et 2 hauts
fonctionnaires). Cela s’explique par la complexité de l’entreprise dans laquelle
Théodose, avait échoué. Non seulement le matériel à dépouiller est immense (3
millions de lignes dispersées en près de 2000 volumes), mais les textes sont
anciens et souvent contradictoires (reflet des controverses). Il a fallu faire des
choix, mettre à jour, élaguer, ajouter, simplifier. On se demande encore
comment la commission a bien pu travailler car son oeuvre est achevée au bout
de 3 ans seulement. La Digeste (appelé en grec les pandectes) est publié le 16
décembre 533.

Il se présente comme une gigantesque mosaique. Les compilateurs ont retenu


150 000 lignes provenant de 38 jurisconsultes dont le plus ancien est Q. Mucius
Scaevola (2è siècle avant J.C.) et le plus récent Hermogénie (3è siècle après
J.C.). Les plus fréquemment cités sont les 5 juristes retenus par la loi des
citations et surtout Ulpien, suivi par Paul. Les extraits ont été classés en 50
livres, subdivisés en titre portant un nom. Chaque fragment est précédé de
l’indication de son auteur et de celle de l’ouvrage dont il est tiré. Tous ont reçu
une égale autorité « comme si, dit Justinien, ils avaient été élus par notre bouche
divine ». Et l’empereur interdit sévèrement tout commentaire de cette œuvre.
Finalement, après avoir longuement contrôlé la jurisprudence, l’empereur a
assuré sa conservation, mais en la sélectionnant, en la figeant et en se
l’appropriant. Ultime victoire, posthume, de l’empereur sur les jurisconsultes
classiques. C’est à ce prix qu’on a tenu compte des travaux d’auteurs jadis
condamnés par la loi des citations.

3. Les Institutes

Pour compléter son œuvre, Justinien fait rédiger un nouveau manuel d’Institutes
destiné à l’enseignement, mais qui aura en même temps force de loi. Ecrit par 3
professeurs de droit, il est publié le 21 novembre 533. Sa base a été empruntée
aux Institutes de Gaius, remaniées en raison, notamment du changement de
procédure. Les compilations s’accompagnent d’une réforme des études
juridiques. Justinien impose une cinquième année d’enseignement et revoit les
programmes. Le droit est désormais fixé et les professeurs sont sommés de s’en
tenir aux textes officiels. Pas question d’apprendre aux élèves une « fausse
doctrine », ordonne l’empereur qui interdit l’enseignement en dehors des écoles
officielles. Dans ces écoles, le bon ordre doit régner et l’empereur y défend
formellement les bizutages : « il faut, dit-il, que les étudiants en droit se fassent
d’abord des esprits sérieux, avant de se faire des langues érudites » !

4. Les Novelles

Après la publication de son Code, Justinien a encore régné 31 ans au cours


desquels, il promulgua de nombreuses constitutions. Elles sont désignées du
terme de Novelles. Ces Novelles ne firent pas l’objet d’un recueil officiel, mais
leur publication permit l’élaboration de recueils privés.

Avec l’œuvre de Justinien, l’Etat absolutiste dispose désormais d’un corps


complet de droit réglant l’ensemble de la vie privée et publique. Après avoir
reconquit l’Italie, Justinien y envoya une copie de ses compilations, marquant
ainsi le rétablissement de l’unité de l’empire romain.

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