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Les fondements historiques du droit

CHAPITRE 3 : LE DROIT DE LA PERSONNE ET DE LA FAMILLE SOUS L’EMPIRE


ROMAIN

Aujourd’hui, comme hier, le droit reconnaît la personnalité juridique à des groupements,


comme des sociétés ou des universités pour reprendre la terminologie médiévale, qui sont
qualifiés de personnes morales. Nous n'aborderons pas, dans ce cours, l'étude de ces personnes
morales et nous contenterons d'évoquer les personnes physiques.

Si aujourd'hui, au regard du droit, tous les êtres humains sont des personnes, des individus,
c'est-à-dire des personnes individualisées, identifiées au sein de la société et titulaires de droits
subjectifs, il n'en a pas toujours été ainsi dans notre ancien droit.
S'il faut, dans une dimension historique, distinguer l'être humain et la personne, il faut d'emblée
noter que dans nos sociétés anciennes, l'individu, même doté de la personnalité juridique, est
rarement isolé. Il se trouve inséré dans plusieurs réseaux qui sont autant de protections, même
s'ils représentent également souvent une contrainte : l'individu appartient à une communauté
villageoise, un diocèse, un métier, et, avant tout, à une famille.
Section : L’existence et l’identification de la personne

Après avoir aperçu l’évolution de la notion même de personne, nous verrons comment naît et
prend fin la personnalité juridique. Nous verrons que certaines personnes fragiles méritent une
attention particulière. Nous étudierons la protection des incapables, mineurs et majeurs.

Nous étudierons ensuite les éléments qui permettent l’identification de la personne : le nom, le
domicile et l’état des personnes.

Paragraphe 1 : L’existence juridique de la personne

La summa divisio, la grande division du droit, qui oppose les personnes aux choses existe
depuis longtemps. Elle apparaît au IIème siècle après Jésus-Christ dans les Institutes de Gaïus.

Plus près de nous, les rédacteurs du Code civil ont réparti le droit civil en trois livres : « des
personnes », livre I ; « des biens et des différentes modifications de la propriété », livre II ; «
des différentes manières dont on acquiert la propriété », livre III.

Pour autant, le concept même de personne a évolué au cours des siècles.

A- L’évolution de la notion de personne


Si Rome et l’ancien droit français distinguent l’homme et la personne, la période contemporaine
connaît un bouleversement qui conduit à la confusion des deux notions.

1- La notion de personne à Rome

A Rome, la notion de « personne » ne se confond pas avec celle d’être humain, d’« homme ».
L’homme se distingue de l’animal en ce que, selon Cicéron, il connaît le plaisir et est pourvu
d’un esprit qui lui donne sa supériorité.

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Tous les hommes, à ce titre, selon les stoïciens, jouissent d’une certaine dignité. Mais tous les
hommes ne sont pas des « personnes ».

La notion de « personne » est une création qui permet aux juristes de situer l’homme dans le
cadre des relations juridiques. Elle permet de déterminer les rapports de l’homme avec la société
ou au sein de sa famille par exemple. La personne est une appréhension juridique de l’individu,
c’est-à-dire qu’il aura des droits et des devoirs.

Ainsi, en fonction des circonstances et en fonction du rôle social joué, l’individu est considéré
ou non comme une personne. Rome opère une distinction entre l’homme (l’individu) et la
personne.

2- La notion de personne dans l’ancien droit français

Dans l’ancien droit français, on retrouve souvent ce raisonnement. La notion de personne est
liée à celle de capacité. Or, dans l’ancien droit, tous les individus n’ont pas la même capacité
de jouissance, la même capacité de jouir de tel ou tel droit.

Les auteurs distinguent l’« homme » qui par nature est libre (la liberté relève du droit naturel)
et la « personne » qui exerce des droits précis et a donc une place précise dans le système
juridique mis en place par la société. La société, pour les besoin de son organisation, permettra
à tel ou tel individu d’exercer tel ou tel droit.

Si à l’état de nature, les hommes sont égaux, l’organisation de la société impose de leur donner
une personnalité juridique différente, en fonction de leur place au sein de la société et des
rapports juridiques. C’est ce qui explique la division de la société en trois ordres : ceux qui
prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent (cf. Adalbéron).

L’état des personnes varie d’une personne à l’autre en fonction de sa position et de son rôle
dans la société. Il correspond aux qualités que le droit civil attribue à chaque individu. L’état
des personnes est donc lié à leur capacité juridique, souvent en lien avec un patrimoine (capacité
de contracter, d’hériter). Cette capacité juridique, dans l’ancien droit, n’est pas liée à l’individu
lui-même, mais elle dépend du rôle que le droit lui permet de jouer au sein de la société.

3- L’évolution de la notion de personne à l’époque contemporaine

Les premiers commentateurs du Code civil maintiennent l’interprétation ancienne : l’« homme
», c’est l’être humain, de façon générale, alors que la « personne » est l’acception juridique de
l’individu. La « personne », c’est l’homme dans sa dimension juridique, l’homme quant au rôle
qu’il joue au sein de la société et aux droits qu’il y exerce, l’homme quant à sa capacité
juridique.

A partir de 1830, on note une évolution. La majorité des juristes considère alors que l’homme,
par principe, a la capacité de jouissance et qu’il est, par principe, sujet de droit. Parce que l’être
humain est sujet de droit, il est une personne. Les deux notions se confondent.

Désormais, l’individu est au centre des raisonnements juridiques. La personnalité juridique est
une conséquence de la nature humaine. Peu importe que la capacité juridique soit modifiée, la
personnalité demeure. Personnalité juridique et personnalité humaine se rejoignent.

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Désormais, tout être humain est une « personne » qui possède des droits et des obligations. Tout
être humain est sujet de droit.

Les juristes du Moyen Âge vont donner au terme « personne » un sens plus technique et
permettront d’employer le terme « personne » à un groupement : c’est la naissance de la
personne morale. Dans le cadre de ce cours, seule la personne physique retiendra notre
attention.

B- Naissance et fin de la personnalité

L’existence physique d’un individu est bornée par sa naissance et par sa mort. Ces bornes ne
sont pas toujours celles de l’existence juridique de l’individu.
1- Naissance de la personnalité juridique

Pour les auteurs antiques, la vie est l’union du corps et de l’âme. Mais ces auteurs ne font pas
tous commencer la vie à la naissance de l’individu.

Un premier courant, minoritaire, représenté par Aristote, considère que la vie commence avant
la naissance, dès que l’âme s’unit au corps du fœtus, soit entre 40 et 90 jours après la conception.
Le second courant, majoritaire, représenté par les stoïciens, considère que la vie ne commence
qu’à la naissance. C’est au moment où le nouveau-né inspire qu’il permet au souffle, à l’âme,
de rejoindre le corps.

Les juristes romains adoptent ce dernier point de vue. Pour Ulpien, avant sa naissance, l’enfant
n’est qu’une partie des viscères de sa mère. Pour les juristes romains, le point de départ de la
personnalité juridique est donc la naissance. L’enfant qui n’est pas né n'a pas de personnalité
juridique. Ainsi il n’est pas possible de protéger la « personne » de l’enfant à naître. Toutefois,
les biens qui doivent lui revenir pourront être administrés par un curateur au ventre qui devra
rendre compte de son administration à la naissance de l’enfant.

Les Romains auront recours à la fiction pour accorder des droits successoraux à un enfant
posthume, c’est-à-dire, né après l’ouverture de la succession sur laquelle il peut prétendre des
droits.

L’enfant mort-né n’aura pas de droit et sera considéré comme n’ayant jamais existé.
Pour les Chrétiens, comme pour les juristes romains, c’est la naissance qui ouvre la personnalité
juridique. Pour autant, le fœtus est protégé en qualité de personne humaine. Le christianisme
condamne l’avortement.
Pour les Germains, c’est la vitalité de l’enfant qui lui permet d’avoir une personnalité juridique.
Parfois, celle-ci est conditionnée par l’attribution d’un nom qui permet de rattacher l’enfant à
une famille.

Certaines coutumes exigent, pour accorder la personnalité juridique, que l’enfant soit né non
seulement vivant (il doit avoir poussé un cri) mais aussi viable, c’est-à-dire apte à vivre.
Certains droits ne sont accordés aux parents que si l’enfant est né viable.

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Ce sera encore la solution du Code civil (art. 725 et 906).

Enfin, il faut dire que l’enfant simplement conçu est réputé né, chaque fois qu’il en va de son
intérêt.

2- La fin de la personnalité juridique

La personnalité juridique prend fin avec la mort naturelle de l’individu, mais aussi avec sa mort
civile.

Avant la mise en place des registres paroissiaux, la mort naturelle est prouvée par témoin. On
admet parfois la preuve par commune renommée lorsque l’individu est mort au combat par
exemple la personnalité juridique prend fin également avec la mort civile.

L’être civil, qui bénéficie de droits civils, est indépendant de l’individu. Un individu peut être
privé de ses droits civils et ainsi perdre sa personnalité juridique.

Ainsi dans deux cas :

Dans le premier cas, la mort civile est involontaire. Il s’agit de celle infligée par la justice à
l’occasion d’une peine perpétuelle prononcée. Les biens du condamné sont confisqués au profit
du fisc. La mort civile est également la conséquence de l’exclusion des indésirables, celle des
lépreux par exemple.

Dans le deuxième cas, la mort civile est volontaire. Il s’agit de celle de l’individu qui choisit de
se retirer du monde pour rejoindre un ordre religieux. Dans un premier temps, ses biens
bénéficient à son ordre. Certaines coutumes ouvrent alors la succession de celui qui a prononcé
ses vœux.

Le mort civil pourrait recouvrer ses droits, si le condamné est gracié ou si le religieux rompt
ses vœux.

C- Capacité juridique et protection des incapables

Aujourd’hui, nous connaissons deux types de capacité : la capacité de jouissance qui permet
d’être titulaire de droits et d’obligations, la capacité d’exercice qui permet de mettre en œuvre
les droits dont on est titulaire.

Certaines personnes ne peuvent bénéficier de cette capacité, elles sont incapables. Le droit
protège ces incapables.
Corrélativement à la capacité le droit connaît deux formes d’incapacité : l’incapacité de
jouissance et l’incapacité exercice.
L’incapacité de jouissance est l’impossibilité juridique d’être titulaire d’un droit ou d’une
obligation. Cette incapacité ne peut pas être générale car cela reviendrait à faire disparaître la
personnalité juridique de la personne concernée. La capacité de jouissance ne peut être que
spéciale : c’est l’incapacité d’être titulaire de tel ou tel droit, par exemple, l’impossibilité pour
un médecin de recevoir une donation de la personne qu’il a soignée et qui est décédée, ou de
bénéficier de son testament.

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L’incapacité d’exercice est l’impossibilité juridique de mettre en œuvre personnellement un


droit dont on est titulaire. Pour mettre en œuvre ce droit, il faut nécessairement l’intervention
d’un représentant qui exerce le droit au nom de l’incapable. L’incapacité d’exercice peut être
générale et concerner l’ensemble des droits de la personne ; elle peut être spéciale et ne
concerner que certains droits.

Dans l’ancien droit, la distinction n’est pas aussi nette.

Deux types d’incapables sont protégés : les mineurs d’une part et les majeurs incapables d’autre
part

1- La protection des mineurs


Lorsqu’un enfant vient à perdre l’un de ses parents -et la situation n’est pas rare, au regard de
la dureté de la vie et de la mortalité précoce-il convient de protéger tant sa personne que ses
biens. L’enfant hérite de son parent décédé et bien souvent une rivalité oppose la branche
paternelle à la branche maternelle.

Lorsque la mère meurt, la situation de l’enfant reste presque inchangée : le père continue
d’exercer sa puissance paternelle et a l’administration des biens hérités de la mère. La situation
est souvent plus compliquée lorsque c’est le père qui meurt.

Différents systèmes ont été élaborés au cours de notre ancien droit. Le droit franc connaissait
certainement une tutelle coutumière qui ne pouvait être attribuée à la mère survivante, elle-
même placée sous la tutelle d’un proche parent de son mari défunt. Si, dès le Moyen Âge, un
système a été mis en place par les hautes classes, abandonnant le sort de l’enfant roturier à sa
famille, peu à peu, un régime de protection générale a été étendu à l’ensemble des mineurs.

2- La protection des majeurs incapables

A Rome, c’est surtout le patrimoine familial que l’on entend protéger. La protection des majeurs
vulnérables ne concerne que les individus qui ne sont plus sous la tutelle perpétuelle de leur
pater. Rome distingue deux catégories de majeurs incapables : les aliénés et les prodigues qui
dilapident le patrimoine. Le préteur, magistrat romain, est saisi par les membres de la famille
pour qu’il désigne parmi eux un curateur. Ce curateur exerce sa puissance sur la personne et les
biens du majeur vulnérable. À la fin de la république, la curatelle devient dative : le magistrat
nomme comme curateur une personne qu’il choisit lui-même. Cette personne peut être désignée
par le père dans son testament, mais même dans ce cas c’est le magistrat qui nomme le curateur
À la fin du XIIIème siècle on assiste à la renaissance de l’idée romaine de curatelle. Le
patrimoine familial sera protégé par l’intermédiaire de l’interdiction du prodigue. L’interdiction
est parfois étendue au fou. À partir de la deuxième moitié du XIVème siècle, l’interdiction est
prononcée par le juge à la demande des amis charnels. Un curateur est nommé qui ne peut faire
aucun acte important sans l’avis des parents et amis. Une publicité de l’interdiction est faite par
« cri ». L’interdiction peut être levée à la demande de l’intéressé ou de ses amis. Au XVème
siècle, pour les cas les moins graves, se met en place la procédure du conseil qui permet une
simple limitation de la capacité : le conseil judiciaire interviendra seulement pour certains actes.

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Sous l’Ancien Régime on note deux évolutions : une réglementation de plus en plus précise et
le développement de l’internement.

Les majeurs incapables sont alors divisés en trois catégories : les déments, les furieux et les
prodigues. Ces trois catégories de majeurs sont dépourvues de volonté libre. Peu à peu, c’est la
personne vulnérable qui sera protégée, l’intérêt de la famille devenant secondaire. La personne
vulnérable est frappée d’interdiction par un jugement qui la prive de l’administration de tout ou
partie de ses biens.

« Aliéné n’aliène » : le majeur protégé, sous curatelle, ne peut faire acte d’aliénation sans être
assisté.

L’interdiction ne peut être prononcée sans motif valable. Elle l’est suivant l’avis des parents.
Une enquête sera alors menée. L’interdiction peut cesser sous le contrôle du juge. La curatelle
est confiée à un curateur à l’interdit que l’on appelle également le curateur aux causes. Il peut
s’agir d’un parent mais il peut également s’agir d’un tiers comme par exemple l’administrateur
de l’hôpital où le dément est placé. La femme pourra être la curatrice de son mari. Le curateur
prête serment devant le juge de fidèlement exercer sa mission.
On connaît toujours la responsabilité de la famille pour mauvaise garde. Jusqu’au XVIème
siècle, l’internement reste exceptionnel. Il devient la règle au XVIIème siècle. À la demande de
Saint-Vincent-de-Paul, un quartier des hôpitaux généraux est réservé aux déments, considérés
comme des vagabonds plus que comme des malades.

On procède alors à un enfermement pour des raisons de police et de sécurité, on passe de raisons
privées- la protection du patrimoine-, à des raisons publiques, le respect de l’ordre public.
L’internement est prononcé à la suite d’une procédure d’interdiction ou en cas d’urgence, par
voie d’autorité, par le président du Parlement ou le procureur du roi ou encore par lettre de
cachet. Le roi tente d’uniformiser les procédures en les confiant à l’intentant, c’est-à-dire à
l’administration.

Paragraphe 2 : Identification de la personne

Le nom et le domicile ont très vite été des instruments d’identification juridique mais
également, en ce qui concerne le nom, une identification sociale. Cette identification de la
personne doit parfois être prouvée.

A- Le nom
Le nom est, par excellence, un instrument d’identification sociale et de rattachement à une
communauté telle la famille, la cité où la noblesse.

À Rome, les trois noms : praenomen, nomen, cognomen sont les attributs du citoyen romain.

Dans l’ancien droit français, la réglementation du nom a longtemps été laissée à l’usage. Le
nom est un signe d’appartenance. L’attribution du nom est souvent entourée d’une certaine
solennité. Un changement de nom peut signifier un changement d’état social.

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À l’époque franque, l’usage est celui d’un nom unique. Il marque l’appartenance à un groupe
de familles. Il est attribué au cours d’une cérémonie familiale qui marque l’intégration de
l’enfant à la famille. À partir du VIème siècle, sous l’influence du christianisme, le nom sera
attribué lors de la cérémonie du baptême. Ce nom de baptême, complété par le nom de famille,
deviendra, à partir de la loi de 1792, le prénom.

Le nom de famille est généralement issu du surnom qui se développe dans la deuxième moitié
du XIème siècle, pour désigner un individu. On éprouve alors la nécessité de désigner avec plus
de précision les hommes. Le surnom est généralement un sobriquet, un nom de lieux ou un nom
de métiers. Il sera étendu aux femmes à partir de la fin du XIIIème siècle. La transmission
héréditaire de ce surnom le transforme en nom de famille. Pourtant, si le fils change de métier,
il ne conserve pas nécessairement le surnom de son père. Changer de nom permet alors de se
repositionner dans la société.

Au nom de famille peut s’ajouter le nom d’une terre, d’une seigneurie, signe des droits que l’on
peut exercer sur cette terre, comme les droits de justice. Le nom de la terre est généralement
introduit par la particule « de », « de la », « du ».
Dans les trois derniers siècles de l’Ancien Régime, le nom va permettre d’individualiser la
personne. Avec la mise en place d’un État moderne, le nom devient une institution de police.

Des règles apparaissent : celle de la transmission du nom par filiation. Le nom devient alors le
signe et la conséquence de cette filiation. À la fin du XVIIème siècle, porter le nom du père
deviendra une preuve de la filiation, un des éléments de la possession d’état. C’est un droit pour
les enfants de porter le nom du père ce n’est pas encore une obligation. Celle-ci viendra avec la
Révolution.

À défaut de père connu, l’enfant porte le nom de sa mère, ou encore son nom de baptême. Les
enfants trouvés ne portent que ce nom de baptême. Parfois, le curé qui l’enregistre, lui donne
pour nom un signe distinctif qui permettra de le retrouver.

Une autre règle est celle de l’usage pour la femme mariée de porter le nom de son mari. C’est
un droit mais non une obligation.

L’usage fait également naître un droit sur le nom. Droit de le porter, droit de le protéger contre
l’usurpation des tiers. Le nom peut également être donné à condition que le titulaire n’ait pas
de descendants directs mâles et que les membres de la famille qui le portent acceptent la
disposition.

Le changement de nom est possible, sans fraude et sans porter préjudice aux tiers. Face aux
fraudes fiscales, le roi imposera des lettres de commutation de nom qui se multiplient dans la
seconde moitié du XVIème siècle.

La Révolution accentuera encore cette tendance à l’institution policière puisque le nom sera
alors réglementé par la loi. Les lois posées par la Constituante puis par l’Empire poursuivent
deux buts : le législateur élimine le nom noble en vertu du principe d’égalité et confirme
l’institution de police. Désormais, « aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autre

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que ceux exprimés dans son acte de naissance ». Le changement de nom passe sous le contrôle
de l’État.

La rigidité de la loi devra pourtant admettre encore l’intervention de l’usage. À côté du nom
patronymique, le nom d’usage est admis.

Au XIXème siècle, la jurisprudence admettra à nouveau l’utilisation du nom de terre. La


jurisprudence du XIXème siècle appliquera au nom le droit de propriété. La doctrine, elle, y
voit un droit de la personnalité.

B- Le domicile

Le domicile, formé à partir du terme latin domus, désigne un lieu résidentiel stable par
opposition aux habitations éphémères. C’est un élément de rattachement à une communauté
territoriale. Il joue un rôle en droit public, essentiellement en matière fiscale, mais aussi en droit
privé.

À Rome, celui qui établit son domicile dans une cité dont il n’est pas originaire participe aux
charges de la cité contrairement à celui qui n’a qu’une simple résidence.
Selon la définition de l’empereur Hadrien, le domicile est le lieu où la personne a établi ses
dieux domestiques, son activité principale et ses biens.

À l’élément matériel s’ajoute l’intention. Le domicile s’acquiert par la durée : ce n’est qu’au
bout d’un certain laps de temps que le résident sera considéré comme ayant acquis un domicile
dans la cité.

Si le domicile est important sur le plan fiscal, il l’est également sur le plan procédural puisque
le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur.

Avec les invasions barbares, cette conception romaine du domicile disparaît. Elle laisse la place
à la notion d’habitation. Cette habitation constitue l’élément essentiel de rattachement à la
seigneurie.

On est « levant et couchant » dans la seigneurie. Elle entraîne la soumission au seigneur tant
d’un point de vue fiscal que d’un point de vue judiciaire.

Avec le renouveau économique et le développement des villes, apparaît la notion de « principal


établissement », distinct de la simple résidence, que les juristes, sous l’influence du droit romain
redécouvert, qualifieront de domicile.

Le droit savant retrouve l’élément de fait et l’intention. Certains juristes distinguent le domicile
réel et le domicile d’origine, celui du lieu de naissance. En droit français, le domicile d’origine
ne sera utilisé que pour la nationalité. C’est encore ce domicile d’origine qui sera applicable à
l’état et à la capacité des personnes dans le domaine des conflits de coutume.

On peut également distinguer le véritable domicile, « naturel et principal », du « domicile de


dignité » attribué à ceux, titulaires d’un office, qui sont tenus à résidence.

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Le Code civil reprendra cette idée. Il reprend également les éléments de fait et l’intention. Il
prévoit aussi l’élection de domicile que connaissait déjà l’Ancien Régime.

C- Le sexe

Le registre des naissances porte mention du sexe de l’enfant déclaré. Dans notre ancien droit,
comme à Rome, s’est posée la question du sexe indéterminé d’êtres qualifiés d’hermaphrodites.

Les Romains répartissent les êtres humains en hommes et femmes. Il n’est pas question de
reconnaître un troisième genre, mixte ou neutre. Rome connait toutefois l’hermaphrodite qui
présente à la fois des caractéristiques masculines et féminines. Exclu de la société, monstre
témoignant de la colère des dieux, il sera peu à peu pris en compte par le droit romain et accepté
par la société romaine.

Au début de l’histoire romaine, le nouveau-né ayant un sexe indéterminé est considéré comme
un monstre. Denys d’Halicarnasse rapporte une loi de Romulus autorisant le père d’un tel
monstre à l’exposer, c’est-à-dire le vouer à la mort, après avoir reçu l’approbation de cinq
voisins.
La loi des XII tables se montre plus sévère puisqu’elle oblige le père à éliminer cet enfant
monstrueux. Pour autant, elle ne prévoit pas de sanction contre le père qui ne respecterait pas
la loi. Pour éviter que le monstre ne contamine le sol romain, il ne peut être enterré. Il est
généralement voué à la mort par l’exposition en mer ou sur l’eau, enfermé vivant dans une
caisse jetée à la mer. Les textes rapportent plus rarement une mise à mort immédiate par le feu
(particulièrement lorsqu’il s’agit un enfant et non pas d’un nouveau-né). On a pu voir dans cette
mort par le feu le signe que le monstre n’est pas même considéré comme un être humain, mais
comme un animal.

A la fin de la République, l’hermaphrodite n’est plus systématiquement éliminé et est considéré


comme un être humain. Sous l’influence grecque, les Romains vont considérer l’hermaphrodite
comme un malade et Pline l’Ancien affirme qu’il devient source de plaisir.

Pour le droit romain classique, l’hermaphrodite doit nécessairement être rattaché à un genre,
celui de son sexe dominant. C’est ce qu’affirme Ulpien.

Ulpien : « On se demande à qui on peut assimiler l’hermaphrodite ? Je crois qu’il faut retenir
qu’il fait partie de ceux du même sexe que celui qui domine chez lui ».
Notre ancien droit retiendra cette solution.
D- La preuve de l’état des personnes

Cette preuve sera constituée par l’État civil.

Le témoignage a longtemps été le moyen de preuve essentiel. Ce témoignage pouvait être direct
ou il pouvait être établi à travers la possession d’état. Face à la possibilité de fraude, les autorités
ont imposé le recours à l’écrit.

À Rome, déjà, une déclaration devait être faite auprès de l’autorité publique. Elle ne concernait
que les naissances illégitimes.

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Section 1 : La famille et le mariage à Rome

La conquête, par Rome, d’un immense empire géographique qui deviendra un empire politique,
bouleverse la société romaine et par conséquent la perception de la famille. Le mariage, pilier
de cette société romaine évoluera au même rythme, comme évoluera la société conjugale, tant
dans les rapports personnels entre époux que dans leurs rapports patrimoniaux.

Paragraphe 1 : L’organisation de la famille romaine

Le droit romain connaît deux systèmes de parenté successifs (avec un glissement progressif de
l’un à l’autre) : l’agnation et la cognation.

L’agnation est la parenté par les mâles, fondée sur la puissance paternelle (une croyance
ancienne veut que la femme ne soit que le réceptacle de la semence de l’homme ; que les enfants
ne reçoivent que le sang de leur père ; ainsi, seul se crée un lien avec le père). La cognation est
la parenté par le sang, la consanguinité : elle comprend tous les agnats plus tous les descendants
par les femmes.

A l’origine, seule l’agnation est prise en considération dans l’organisation de la famille, mais
peu à peu une évolution apparaît : on constate une dégradation de la puissance paternelle et sous
Justinien la cognation a remplacé l’agnation.

A- La famille primitive, agnatique et patriarcale

On parle à l’origine de la famille patriarcale (pater = père, arché = pouvoir). La famille


comprend tous les agnats, c’est-à-dire qu’elle est composée de tous ceux qui seraient soumis à
la même puissance d’un ancêtre commun si celui-ci vivait encore.

La gens, groupement de personnes qui structure l’organisation sociale de Rome, est formée de
ceux qui portent le même nom, pratiquent le même culte et croient descendre d’un même
ancêtre commun. A l’origine (753 av. J.-C.), Rome aurait compté 300 grandes familles (gentes).

La gens est un groupe social qui possède les terres. Chaque gens vit en autarcie. La puissance
de la gens est renforcée par le clientélisme très important à Rome. Le chef de la gens, le pater
gentilis, est le patron (patronus) des clients. Un lien de confiance les unit, c’est un véritable lien
juridique : le patron doit protéger ses clients, les clients lui doivent le respect et l’obéissance,
mais aussi un travail et parfois un service armé. Le manquement à ces obligations réciproques
est lourdement sanctionné, puisque le client infidèle est puni de mort et que le patron perfide
est déclaré sacer, c’est-à-dire en quelque sorte maudit, son âme est vouée aux dieux et à ce titre
chacun peut le mettre à mort !

La gens a un rôle militaire (elle doit équiper des cavaliers) ; elle a aussi un rôle politique puisque
seuls ceux qui appartiennent à une gens (les gentiles ou patriciens = nobles) participent, à
l’origine, aux assemblées politiques.

Dès avant la loi des XII tables, les différentes familles composant la gens ont acquis leur
autonomie. Le groupement fondamental devient alors la famille, la maison, la domus, composée
de ceux qui vivent ensemble sous l’autorité du pater familias, seul à pouvoir disposer du
patrimoine familial.

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La domus remplit plusieurs fonctions :

Une fonction religieuse : la domus a son propre culte, celui des lares, des mânes (les ancêtres).
Il faut célébrer les ancêtres. Il est indispensable d’assurer ce culte des ancêtres pour qu’ils
trouvent le repos dans l’au-delà (d’où les politiques natalistes). On célèbre également les
divinités du foyer, les pénates.

La domus a également une fonction judiciaire ; le père tient une sorte de tribunal de famille
(droit de vie ou de mort sur les membres de la famille).

Enfin la domus a une fonction patrimoniale : le pater détient le patrimoine de la famille.

Le pater familias est sui juris, c’est-à-dire qu’il est maître de ses droits, qu’il ne dépend de
personne. Il devient paterfamilias dès qu’il n’est plus sous la puissance d’un ascendant en ligne
paternelle.

La femme peut elle aussi être sui juris dès qu’elle n’est plus soumise à la puissance d’un
ascendant, mais elle ne peut pas exercer la patria potestas sur son entourage. Elle forme une
famille à elle seule.
Lorsque le pater meurt, tous les garçons qui étaient sous sa puissance deviennent sui juris et
chefs de famille, même s’ils n’ont pas d’enfants et même s’ils sont impubères.

Le pater a tous les droits vis-à-vis de ses alieni juris. Il peut les réclamer à l’aide de l’action en
revendication ; il peut abandonner les nouveaux nés ; il peut aliéner ses descendants comme
esclaves.

Le parterfamilias a le droit de vie ou de mort sur tous les membres de la famille, mais l’usage
assouplit la règle car rapidement toute mesure grave est prise après avis du conseil de famille.

C’est le paterfamilias qui marie ses descendants.

Le pater est donc tout puissant vis-à-vis de ses alieni juris, personnes en puissance.

Les personnes en puissance sont la femme mariée cum manu qui est la materfamilias (même si
en pratique il est probable que la femme avait un rôle important au sein de la maison).

Les enfants et les épouses des fils mariés cum manu ; les enfants adoptés.
Les personnes en puissance ne peuvent ester en justice, se plaindre contre la puissance du père
ou invoquer un droit personnel.

B- La famille moderne, cognatique

La famille telle qu’elle était conçue primitivement va s’affaiblir. En raison de l’évolution


politique tout d’abord. La Cité grandit. L’économie fermée des grandes familles qui vivent en
autarcie autour du pater ne convient plus à ce qui devient un Empire géographique puis
politique ! L’économie commerciale et maritime se substitue à l’économie rurale. La Plèbe
(population qui n’appartient pas à une gens) revendique des droits civils (la propriété et le
mariage) et un rôle politique. La Plèbe après de nombreux épisodes dramatiques obtient son
intégration à la cité.

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Les fondements historiques du droit

La notion de citoyen apparaît, indépendante de la notion de famille, de l’appartenance à celle-


ci. La citoyenneté devient un attribut individuel. L’Etat qui se met en place va peu à peu
contrôler la famille et le père de famille voit ses prérogatives non seulement encadrées, mais
aussi amputées.

A la fin de la République, écartant les coutumes et le droit civil, le préteur va adapter le droit
de la famille aux nouvelles conditions de la vie économique et sociale. Les personnes en
puissance pourront engager le pater par leurs actes s’il a consenti expressément ou tacitement.
Le préteur établit un droit de succession entre cognats à défaut d’agnats.

Avec le haut Empire, les empereurs commencent à légiférer en droit privé ; peu à peu la gens
disparaît. On constate une décadence du mariage cum manu et un progrès du mariage sine manu.
En droit civil, jusqu’à cette époque la femme mariée sine manu était considérée comme une
étrangère vis-à-vis de son mari et de ses enfants. Le haut Empire va créer des liens juridiques
entre eux. Dans la famille naturelle, il existe désormais des droits réciproques à des aliments
entre la mère et ses enfants.
Les personnes en puissance peuvent demander la protection du magistrat contre la puissance du
pater. Le droit de vie et de mort est strictement réglementé sous peine d’amende. Au IIIème
siècle, le pater ne peut infliger lui-même que des corrections légères. Pour les cas les plus
graves, il devra s’adresser au magistrat. La vente des enfants a disparu (elle renaîtra au bas
Empire, période de misère).

Le pater ne peut plus marier ses enfants malgré eux. Il ne peut non plus s’opposer sans motifs
au mariage de sa fille (cela répond aux politiques natalistes). Il a désormais des obligations :
doter sa fille, entretenir sa famille. Il ne peut plus imposer le divorce à son gré.

Avec le bas Empire et le droit de Justinien, le droit de la famille évolue encore. Le triomphe du
christianisme voit l’arrivée au pouvoir des dignitaires de l’Eglise, ce qui influence les
institutions et le droit de la famille qui doit être en accord avec les principes chrétiens. La
puissance paternelle est réglementée par l’Etat.

Avec le droit de Justinien, c’est le triomphe de la cognation ; Justinien abolit l’agnation.

Le père n’a plus de droit de vie ou de mort sur les alieni juris ; il n’a plus qu’un droit de
correction ; encore ne peut-il infliger lui-même les corrections corporelles les plus graves.

La société se montre désormais plutôt hostile à l’exposition des nouveaux nés. Ceux qui les
recueillent ne peuvent plus les maintenir en servitude.

Si l’autorité paternelle est encadrée, elle ne disparaîtra pourtant jamais. Jamais elle ne sera
attaquée dans son principe. Elle est seulement tempérée par l’Etat qui se présente comme un
autre père.

Si la famille romaine évolue entre les premiers temps de la République et la fin de l’Empire, il
en est de même pour le mariage.

Paragraphe 2 : Le mariage à Rome

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Les fondements historiques du droit

Il y aura toujours un lien étroit entre le mariage et la Cité. La qualité de citoyen seule permet de
contracter de « justes noces ». De cette façon le contrôle qu’exerce la cité à l’accès au mariage
permet du même coup de contrôler l’accès à la citoyenneté des enfants qui en naîtront.

A Rome comme dans beaucoup de civilisations, le mariage est le fondement de la famille, elle-
même fondement de l’Etat.

A- Les fiançailles

Contrairement à de nombreuses civilisations antiques, Rome ne connaît pas le mariage par


étapes. Si le droit romain connaît des fiançailles, celles-ci n’ont pas d’effets juridiques
obligatoires. Seul l’échange de consentement crée le lien matrimonial.
A l’origine, pendant la période archaïque, c’est un contrat verbal qui est passé entre les deux
pères de famille ou entre le père de la jeune fille et le fiancé. Il s’agit d’un échange de
promesses : le père promet de donner sa fille en mariage et le fiancé promet de l’épouser ; il
peut remettre à cette occasion un anneau de fer à la jeune fille.

C’est plus qu’une simple promesse ; ce contrat a une pleine valeur juridique et en cas
d’inexécution, la partie lésée pourrait agir et obtenir une indemnité pécuniaire. On ne considère
pourtant pas qu’il s’agisse d’une première étape du mariage.

Dès la fin de la République, une évolution s’est opérée et ces fiançailles concluent par simples
promesses verbales ou par convention ne créent plus de lien juridique. Si une clause pénale est
prévue, elle est sans effet. Le principe de la liberté absolue du mariage triomphe.

Sous Constantin, et sous l’influence du christianisme, le lien juridique réapparaît. Ainsi,


l’infidélité de la fiancée est considérée comme un adultère. Les fiançailles entraînent
empêchements à mariage.

Les fiançailles peuvent être rompues par la volonté d’un seul ou d’un commun accord. Les
fiançailles sont généralement suivies du mariage.

B- Le lien matrimonial

Il s’établit à Rome de plusieurs façons mais quelque soit le type de mariage envisagé, certaines
conditions de fonds communes sont requises.
1- Les conditions de fond requises pour tout type de mariage

Elles sont au nombre de trois.

a- Le consentement
L’une des caractéristiques du mariage romain est d’être purement consensuel.

A l’origine la décision appartient aux deux pères de famille qui peuvent contraindre les époux
mais sous l’Empire c’est le consentement des époux eux-mêmes qui est recherché. Le respect
de la puissance paternelle oblige le fils de famille à recueillir le consentement du père (sauf s’il
est sui juris ; la fille, elle, devra toujours obtenir l’assentiment du pater). Mais, en cas de refus

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Les fondements historiques du droit

du pater familias sans raison valable la loi Julia (début de l’Empire) autorise la fille à recourir
au magistrat. Sous Justinien le fils de famille comme la fille peut avoir recours au magistrat.

b- L’âge requis pour le mariage

Il ne faut pas perdre de vue que le but du mariage est la procréation. Pour se marier le jeune
homme doit être pubère et la jeune fille nubile. Pendant la période archaïque, il n’y a pas d’âge
fixé ; c’est le pater qui décide si l’enfant est apte ou non au mariage. Puis peu à peu un âge se
fixe pour la fille : 12 ans ; le père décide toujours si son fils est apte à porter la toge virile et à
se marier. Sous Justinien un âge sera requis pour les garçons : 14 ans.

c- Le conubium
C’est le droit pour chacun des futurs époux de contracter un mariage romain et c’est le droit de
contracter ce mariage entre eux, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’empêchement à ce mariage.

Seuls les citoyens romains et les anciens Latins bénéficient du conubium, mais il peut être
concédé aux Latins des nouvelles colonies et aux pérégrins. L’esclave n’aura jamais le
conubium, ni le barbare, ni certains condamnés.
Pour se prévaloir du conubium il ne faut pas qu’il y ait d’empêchements, liés à la parenté par
exemple : la prohibition du mariage est absolue entre ascendants et descendants et jusqu’au 7 ème
degrés entre collatéraux.

Autre type d’empêchement, celui lié à l’alliance : si la République ne connaît pas ce type
d’empêchement, la prohibition sera de plus en plus ferme sous l’Empire. Autre empêchement
important à Rome, celui lié à la condition sociale : à l’origine le mariage est interdit entre
patricien et plébéiens (prohibition supprimée en 445 av. J.C.), mais demeure la prohibition du
mariage entre ingénu et affranchi.

Le tuteur ne peut épouser sa pupille qu’après la reddition de ses comptes. Le soldat romain ne
peut se marier à l’origine, puis cela sera toléré, puis admis. Un gouverneur ne peut épouser une
femme de sa province. Le mariage est interdit entre juifs et chrétiens. Enfin l’adultère ne peut
se remarier (avec qui que ce soit, dans un premier temps, puis seulement avec son complice).

Autre empêchement, temporaire celui-là, lié au délai de viduité : de 10 mois il a ensuite été
porté à un an. Il s’agit surtout de faire un deuil religieux. Puis est venu l’idée d’éviter par ce
délai un doute quant à la paternité ; le délai peut donc être raccourci si la femme accouche
pendant le délai.
La sanction de l’inobservation de ces empêchements est la nullité du mariage, nullité absolue
(sauf pour non respect du délai de viduité). Par ailleurs la violation des empêchements entraîne
des condamnations pénales.

Nous l’avons dit, ces conditions de fonds sont les mêmes pour les différents mariages romains.
Ceux-ci peuvent recouvrir différentes formes.

2- Les différentes formes du mariage romain (justes noces)

Le mariage romain connaît une évolution.

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Les fondements historiques du droit

a- Le mariage cum manu

C’est la seule forme de mariage qui, à l’origine, produit des effets juridiques à l’égard des
femmes. La femme par sa soumission à la manus, à la main, de son mari entre dans la famille
de celui-ci.

• La convention de manus.

En plus des cérémonies religieuses communes à tous les mariages, le mariage cum manu
suppose des formalités pour que la femme tombe « in manu ».

Trois procédés sont possibles :

✓ Un procédé comparable à l’usucapion en matière de biens. Après un an d’union, la


femme entrait dans la famille de son mari comme si elle était la fille de celui-ci. La
femme peut cependant ne pas tomber sous la puissance du mari ; elle doit pour cela
interrompre l’usus, la prescription, en quittant le domicile conjugal trois nuits par an
(Loi des XII tables, VI, 5).
✓ Le deuxième procédé se passe devant dix témoins. Il consiste à offrir un pain d’épeautre
à Jupiter en prononçant des paroles solennelles ; les époux joignent ensuite leur main
droite, ce qui concrétise l’union. Ce procédé est réservé aux patriciens.
✓ Le troisième procédé, le plus usuel sous la République et au début de l’Empire c’est la
mancipation. Elle ne peut être accomplie que de l’autorité du paterfamilias ou du tuteur
de la femme. Le mari prononce des paroles qui expliquent le but poursuivi : ce qui
distingue cette mancipation en vue du mariage d’un abandon noxal : remise de l’autorité
sur une personne à un créancier qui fera travailler la personne pour payer sa dette.
• Les effets de la manus.

La femme entre dans la famille du mari, elle se trouve soumise à son autorité ou à celle du chef
de famille. La femme bénéficie alors d’une grande considération sociale ; elle devient la mater
familias. Mais du point de vue juridique elle n’est considérée que comme une fille vis-à-vis de
son mari et comme une sœur vis-à-vis de ses enfants. Elle concourt avec eux à la succession de
son mari dont elle est héritière.

Par ce mariage cum manu, la femme cesse d’être sous la puissance de son père et passe sous
celle de son mari. Tous ses biens tombent dans le patrimoine du nouveau chef de famille.

• La dissolution du mariage cum manu.

Le mariage cum manu est dissout par la mort naturelle ou civile d’un époux.

La dissolution volontaire, très rare, n’est à l’origine admise qu’en cas de faute grave de la
femme ; la décision n’appartenait qu’au mari ou à son paterfamilias.

Si le mariage a été célébré suivant la cérémonie de l’offrande du pain, il faut une nouvelle
cérémonie officielle pour rompre l’union. Dans les deux autres cas (usus et mancipation) la
femme est à nouveau émancipée à un tiers qui l’affranchit. Peu à peu, face à la facilité de
dissoudre le mariage sine manu, les règles concernant la dissolution du mariage cum manu vont
s’assouplir.

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Les fondements historiques du droit

Progressivement, le mariage cum manu va disparaître au cours de la République.

b- Le mariage sine manu

S’il existe dès une haute antiquité, ce mariage devient peu à peu le plus courant à l’époque
classique et presque le seul sous l’Empire. L’origine de ce mariage se trouverait dans le premier
procédé du mariage cum manu dont nous avons parlé. La Femme pouvait échapper à la manus
en interrompant l’usucapion en quittant le domicile trois nuits par an. Dans le mariage sine
manu, la femme n’entre pas dans la famille de son mari.

• La formation du lien.

Elle répond à une simple situation de fait : la volonté commune des époux de vivre ensemble.
Il n’y a pas de forme solennelle, pas de représentants religieux ni de représentants de l’autorité
publique.

La seule condition de forme pour qu’il y ait mariage c’est la volonté de vivre ensemble, de
procréer et d’élever ses enfants.
Des cérémonies religieuses peuvent manifester cette intention et ainsi la prouver, mais elles ne
sont pas obligatoires pour qu’ils y aient « justes noces » ; s’il y a vie en commun avec une
femme honorable, cela suffit à présumer le mariage (et non concubinat).

Avant le bas Empire, la formation du mariage exige l’établissement d’un domicile commun : la
maison du mari ; la femme doit être conduite à la maison du mari.

Au bas Empire, ce transfert n’est plus nécessaire ; l’accord des époux suffit à former le mariage.

.En pratique, il existe des rites nuptiaux servant essentiellement de preuve : il s’agit par exemple
de prendre les auspices, de faire un sacrifice dans la maison de la fiancée, de faire un écrit
constatant la volonté d’avoir des enfants ou encore un écrit réglant les rapports pécuniaires entre
époux (cet écrit sera sous Justinien exigé pour valider le mariage). La femme franchit le seuil
de la maison dans les bras de son mari. Les chrétiens remplaceront ces rites païens par la
bénédiction nuptiale.

• La dissolution du mariage sine manu.

Avant que le christianisme n’exerce une réelle influence, le mariage sine manu se dissout
facilement. Il existe deux types de dissolution : l’un involontaire, l’autre volontaire.
✓ Dissolution involontaire

La mort de l’un des époux entraîne la dissolution.

La perte de la liberté ou du droit de cité entraîne aussi à l’origine la dissolution car il ne peut y
avoir de justes noces qu’entre citoyens. Au retour de captivité, un nouveau mariage peut
éventuellement être célébré. Mais Justinien, sous l’influence du christianisme, décide que la
captivité n’est plus une cause de dissolution du lien.

✓ Dissolution volontaire

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Les fondements historiques du droit

Pour que le mariage soit valable, il faut un consentement continu. L’interruption du


consentement dissout le mariage. Lorsque le consentement des deux époux se rencontre pour
rompre le lien matrimonial, on parle de divorce ; lorsqu’un seul des époux a cette intention, on
parle de répudiation.

Gaius, juriste du IIème siècle, exige un élément intentionnel : la volonté de dissoudre et un


élément matériel : la cessation de la vie commune (si l’époux revient peu après au domicile
conjugal, le mariage n’est pas dissout).

Le divorce doit obéir à certaines conditions : la première est la prononciation de formules


rituelles ; la loi des XII tables évoque des paroles et des gestes à accomplir.

Sous le haut Empire, en principe, le conjoint doit proposer à son époux de quitter le domicile
conjugal en emmenant ses affaires et c’est le départ effectif de l’époux qui vaut rupture. Une
déclaration officielle n’est pas exigée.

A partir du bas Empire, cette déclaration devient obligatoire : c’est la déclaration de répudiation.
Si elle est sincère elle suffit pour consommer le divorce. Justinien exigera qu’elle soit faite
devant 7 témoins, mais la pratique ne suivra pas.

Il y a eu une évolution au cours de l’histoire romaine. A la fin de la République divorcer était


très facile et toute clause restreignant la faculté de divorcer était nulle. Mais peu à peu on
observe une réaction contre cette trop grande facilité de divorcer. Dès la fin de la République,
le censeur inscrit dans ses nota le divorce sans raison. Sous Auguste on constate un grand effort
de moralisation ; L’époux fautif (qui répudiait sans juste cause) ne pouvait se remarier. Si la
faute inco bait à la femme, le mari pouvait garder une partie de sa dot. Si la faute incombait au
mari, il devait restituer la dot immédiatement.

Les empereurs chrétiens entameront une véritable lutte contre le divorce. Dans un premier
temps, ils s’attaquent à la répudiation unilatérale ; le divorce par consentement mutuel reste
licite.

Pour répudier son conjoint il faut un motif légal prédéterminé par l’empereur : à défaut d’avoir
une « juste cause » pour répudier, la répudiation est soumise à pénalités.

Sous Constantin, au début du IVème siècle, les justes causes ne sont accordées qu’au mari : le
mari a une juste cause pour répudier sa femme si elle est adultère, empoisonneuse ou
entremetteuse ou si elle viole les tombeaux. Si le mari répudie sa femme en dehors de ces
causes, il perd la dot et ne peut se remarier. La femme quant à elle, si elle répudie son mari,
perd sa dot et les donations qui ont pu lui être faite en faveur du mariage et est déportée sur une
île. Dès la seconde moitié du IVème siècle, l’empereur Julien rétablira la liberté de répudiation
en admettant de nombreuses « justes causes » et en infligeant des peines plus légères.

A l’époque de Justinien, on adme trois types de divorce :

Le divorce par consentement mutuel (un moment interdit puis rétabli).

La répudiation pour justes motifs qui équivaut à un divorce pour faute qui entraîne des peines
pour l’époux fautif. Les justes motifs de divorce sont les suivant : l’adultère de la femme,

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Les fondements historiques du droit

l’entretien d’une concubine au domicile conjugal, l’attentat à la vie du conjoint, l’abandon du


domicile conjugal, ou encore l’exercice de certaines profession par la femme sans l’autorisation
de son mari (cabaretière par exemple).

Le divorce sans faute, limité à certaines causes : les vœux de chasteté suivis de l’entrée en
religion, la folie de l’un des époux, la croyance d’une mort en captivité, l’impuissance définitive
du mari.

En cas de divorce, les enfants restent généralement avec le père, sauf mauvaise conduite de
celui-ci.

c- L’apparition du mariage chrétien


Le christianisme se développe au sein de l’Empire romain. Sous l’influence de cette nouvelle
religion, le mariage va évoluer.

Le mariage est sacré : il est voulu par Dieu dès la Genèse et c’est au cours d’un mariage, les
noces de Cana, que le Christ accomplit son premier miracle.

Le but du mariage est de procréer, comme pour le droit romain, sauf que pour les chrétiens,
l’enfant est un don de Dieu qui peut ne pas l’accorder. L’époux chrétien ne peut exiger de sa
femme qu’elle lui donne un enfant ; c’est Dieu qui décide. Il ne peut donc y avoir répudiation
pour stérilité.

Don de Dieu, l’enfant doit être accueilli et non rejeté, abandonné ou exposé. Il est inconcevable
par ailleurs d’empêcher une grossesse ou d’éviter qu’elle aille à son terme.

Le mariage est également conçu comme un remède à la luxure. L’adultère est condamné autant
chez l’homme que chez la femme. Les époux sont ici à égalité. Mais lorsqu’il y a adultère, il y
a pour les chrétiens pardon possible, ce que n’envisageaient pas les Romains de l’âge classique.
Le concubinat de l’homme marié est condamné mais l’Eglise tolère le concubinat « forcé »,
lorsque les justes noces ne sont pas autorisées aux concubins.

A côté des justes noces, Rome connaît des unions inférieures.

3- Les unions inférieures

A côté des justes noces, Rome connaît des unions inférieures.

a- Le concubinat
Le christianisme se développe au sein de l’Empire romain. Sous l’influence de cette nouvelle
religion, le mariage va évoluer.
Le mariage est sacré : il est voulu par Dieu dès la Genèse et c’est au cours d’un mariage, les
noces de Cana, que le Christ accomplit son premier miracle.

Le but du mariage est de procréer, comme pour le droit romain, sauf que pour les chrétiens,
l’enfant est un don de Dieu qui peut ne pas l’accorder. L’époux chrétien ne peut exiger de sa
femme qu’elle lui donne un enfant ; c’est Dieu qui décide. Il ne peut donc y avoir répudiation
pour stérilité.

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Les fondements historiques du droit

Don de Dieu, l’enfant doit être accueilli et non rejeté, abandonné ou exposé. Il est inconcevable
par ailleurs d’empêcher une grossesse ou d’éviter qu’elle aille à son terme.

Le mariage est également conçu comme un remède à la luxure. L’adultère est condamné autant
chez l’homme que chez la femme. Les époux sont ici à égalité. Mais lorsqu’il y a adultère, il y
a pour les chrétiens pardon possible, ce que n’envisageaient pas les Romains de l’âge classique.
Le concubinat de l’homme marié est condamné mais l’Eglise tolère le concubinat « forcé »,
lorsque les justes noces ne sont pas autorisées aux concubins.

b- Le mariage pérégrin

Les pérégrins d’une même cité peuvent se marier entre eux ; le mariage sera alors régi par le
droit pérégrin de la cité.

c- Le mariage selon le ius gentium

Le mariage du droit des gens permet aux pérégrins de cités différentes de contracter mariage.
Sous Justinien il n’est pas rare que les citoyens cumulent les justes noces et ce mariage du droit
des gens ; ainsi si un époux est condamné à la déportation, les justes noces sont rompues, mais
le mariage du droit des gens subsiste.

C- La société conjugale
La société conjugale mise en place au moment du mariage voit s’exercer la puissance maritale
tant sur la personne de la femme que sur les biens des époux.
1- La puissance maritale et tutelle
Le droit romain ne connaît pas une incapacité particulière à la femme mariée mais connaît plus
généralement la tutelle de la femme pubère à cause de sa faiblesse, l’imbecilitas sexus. Pourtant,
d’un rang social égal à celui de son mari, celui-ci lui doit le respect. La femme mariée selon de
justes noces est seule considérée comme la materfamilias ou matrone.
Pendant longtemps toute femme pubère restera soumise à une tutelle perpétuelle (sauf la Vestale).
La femme sui juris reste propriétaire de ses biens sauf de ceux remis au mari à titre de dot. Elle
pouvait accomplir seule des actes extra patrimoniaux comme se marier ou administrer ses biens
mais elle devait avoir l’autorisation de son tuteur pour les actes importants pouvant nuire à ses
intérêts. Le tuteur de la femme mariée était rarement son mari. Puis, dès le début de l’Empire, la
tutelle ne se justifie plus par les mœurs.
La tutelle de la femme pubère a dû disparaître peu après 350 ap. J.-C. ; elle n’existe plus chez
Justinien.
a- Les rapports patrimoniaux entre époux
On ne peut parler de régime matrimonial qu’avec le mariage sine manu. En effet, dans le mariage
cum manu, les biens de la femme se trouvent absorbés dans le patrimoine du mari ou dans celui de
son paterfamilias. Le mariage sine manu au contraire verra se développer le régime dotal.
• Le régime dotal

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Le régime dotal est un régime séparatiste, les patrimoines des époux restent distincts. Les charges
du mariage incombent au mari chef du ménage, mais la femme y contribue en apportant une dot. A
l’époque où le mariage sine manu progresse et où parallèlement le divorce devient facile, la dot
devra être protégée. Elle le sera de deux façons : d’une part, la dot devra, à la dissolution du mariage,
être restituée à la femme ou à sa famille par convention au moment du mariage ou par une action en
justice, d’autre part, l’inaliénabilité dotale sera mise en place.
• Les donations avant ou en vue du mariage
Les donations entre époux pendant le mariage sont prohibées car il y a de nombreux divorces or les
donations sont irrévocables.
Inconnues en droit classiques, les donations ante (avant) ou propter (en vue) nuptias (du mariage),
apparaissent au bas Empire. Ce sont les donations faites par le mari à sa femme.
Ces donations sont faites pour pourvoir aux besoins de la femme, puis dans l’intérêt des enfants. La
mère doit conserver et protéger cette propriété pour ses enfants. Au Vème siècle, cette donation
servira à subvenir aux charges du mariage et on la rapprochera de la dot au point qu’en 458 une
constitution prescrit l’égalité arithmétique de cette donation avant mariage et de la dot.

HISTOIRE DU DROIT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE


LE MARIAGE À ROME
VIRGINIE LEMONNIER-LESAGE

La conquête, par Rome, d’un immense empire géographique qui deviendra un empire politique,
bouleverse la société romaine et par conséquent la perception de la famille. Le mariage, pilier de
cette société romaine évoluera au même rythme, comme évoluera la société conjugale, tant dans les
rapports personnels entre époux que dans leurs rapports

Chargé du cours : M. Harden NGOULOUBI 20

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