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Droit des personnes

du Sénégal

Abdoullah CISSE
Professeur
titulaire de droit prive

Université Gaston
Berger de Saint-Louis

2004-2005

Acisse (tous droits


dreserves).

PREMIERE
PARTIE
1
DROIT DES
PERSONNES
----------o----------

Les personnes, au sens juridique du terme, sont les


sujets de droit c'est-à-dire "Les êtres capables de jouir
de droits". Ce sont, en d'autres termes ceux à qui le
droit confère des prérogatives (ou droits subjectifs) vis-
à-vis de leurs semblables ou sur les choses (droits
personnels ou réels).

La personnalité juridique ou l'aptitude à être sujet


de droit est donc intimement liée à la capacité. La
capacité constitue une partie intégrante de la
personnalité et conditionne son étendue : à capacité
plénière personnalité plénière ; à capacité limitée,
personnalité diminuée.

2
C'est la raison pour laquelle, nous étudierons dans
cette première partie deux titres :

Titre I : La personnalité juridique.


Titre II : Les incapacités.

C'est seulement de cette manière que nous pouvons


avoir une vision intégrale du droit des personnes.

TITRE I - LA PERSONNALITE
JURIDIQUE

Le droit des personnes, c'est avons-nous dit, le droit


objectif des titulaires de droits subjectifs, pris dans leur
individualité. Il existe deux catégories de personnes
juridiques au regard du droit : les personnes physiques
(Chapitre I) et les personnes morales (Chapitre II). Vu
les différences de nature et de régime qui les séparent,
nous consacrerons des développements distincts à
chacune d'elles.

3
CHAPITRE I - LES PERSONNES
PHYSIQUES

La personne physique, c'est l'être humain, la


personne humaine, l'Homme, l'individu tel que le droit le
considère.

L'être humain appartient au monde de la réalité


(contrairement aux esprits : anges, djinns) et du
rationnel. Il nous faut donc, pour l'appréhender en tant
que sujet de droit, établir son existence. Il faut tout
simplement qu'il existe.

Mais on se rend compte très vite qu'une fois la


question de son existence résolue, la notion de personne
juridique est un terme générique qui regroupe toute
l'espèce humaine. L'individu appelle donc
l'individualisation, procédé sans lequel l'être humain ne
saurait être distingué de son semblable.

Par l'individualisation, la personnalité juridique se


concrétise, (devient palpable). Et c'est à la personne,

4
entité concrète que le droit confère certains droits ou
prérogatives qui forment ce que l'on appelle les attributs
de la personnalité.

D'où les trois sections de ce chapitre :

Section I - Existence de la personne physique


Section II - Individualisation de la personne
physique
Section III - Attributs de la personne physique.

SECTION I - EXISTENCE DE LA PERSONNE


PHYSIQUE

L'existence de la personnalité juridique correspond à


l'existence de la personne physique. L'individu qui existe
est "une personne humaine en vie".

Pour être en vie, la personne humaine doit avoir un


support. Ce support, c'est le corps humain. 'C'est avec
lui que la personne prend corps, se matérialise).

C'est d'ailleurs par référence à ce corps, que la vie


et partant la durée de la personnalité juridique
s'apprécient.

C'est également en fonction de ce corps (de ce


support) et précisément lorsqu'on ne le voit pas dans
certaines circonstances (les circonstances comptent
sinon ce serait grave et excessif) que l'incertitude plane
sur la personnalité juridique.

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D'où les trois paragraphes de cette première
section.

Parag. I - Le support de la personnalité juridique


Parag. II - La durée de la personnalité juridique
Parag. III - L'incertitude sur l'existence de la
personnalité juridique.

Parag. 1er : Le support de la personnalité juridique

Il s'agit rappelons-le du support de la personnalité


juridique chez la personne physique. Ce support, c'est
son corps. Le corps humain est le substratum de la
personne (Carbonnier p. 17). La volonté, contrairement
aux thèses de la philosophie spiritualiste et libérale
occidentale (19è S), ne constitue pas l'essence de la
personnalité (V/ le fou, l'enfant en bas âge). Le corps
humain a précédé la volonté puisqu'il constitue le
substrat de (Coran Sourate Al Ahzab dernier verset)
celle-ci. C'est donc le corps humain qui fait la personne
humaine. Aux termes de l'article 6 de la constitution
sénégalaise "la personne humaine est sacrée. L'Etat a
l'obligation de la respecter et de la protéger". Le
législateur emprunte ici les qualificatifs religieux. Dans le
Coran, il est dit que "Nous (Dieu) avons honoré les êtres
humains et les avons élevés au-dessus de nombre de
nos créatures".

6
La personnalité juridique est, de nos jours, érigée
en droit subjectif. Tous les êtres humains jouissent du
droit à la personnalité juridique sans distinction de race,
de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion
politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale
ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation.

"Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux


de sa personnalité juridique" (art. 6 decl. Univ. Des
droits de l'Homme, art. 16 PIDCP).

A ce droit à la reconnaissance de la personnalité, le


législateur sénégalais ajoute "le droit au libre
développement de la personnalité" (art. 6 al. 3
constitution).

La personnalité est inhérente à la nature humaine.


Raison pour laquelle il est impossible de la conférer à
d'autres êtres vivants comme les animaux.

Il peut paraître étonnant de voir le législateur


sénégalais ou la communauté internationale toute
entière affirmer un droit qui relève de la nature des
choses, des évidences et de s'obliger à en assurer le
respect et la protection. L'histoire nous a montré qu'on
ne peut plus avoir une vision absolument optimiste de
l'homme qui n'a pas cessé durant toute son évolution de
nier à son semblable ce qui fait son essence : sa
personnalité.

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Pour protéger la personnalité, il faut protéger le
corps humain. C'est la raison de la consécration des
principes de l'inviolabilité du corps humain et de
l'indisponibilité du corps humain, principes en vertu
desquels on protège l'être humain contre les atteintes
des tiers et contre son propre pouvoir de disposition. (V/
infra les attributs). Certaines atteintes pourraient
conduire à la réification du corps humain de manière
totale (esclavage par exp.) ou partielle (trafic d'organes,
tissus, sperme, ovules etc.) et partant à sa
patrimonialisation (exception : don de sang, don
d'organes).

Cela dit, faut-il le rappeler, c'est par référence à ce


corps que l'on va apprécier la vie de la personnalité
juridique.

BIBLIOGRAPHIE :

- "Le corps humain et le droit " T. Ass. Capitant (XXVI),


1975
- La bioéthique, Revue Pouvoirs
- Guilloux, "De la nature juridique du matériel génétique
ou la réification du corps humain et du vivant" Droit
…….. 89 (3), p. 521 s.
- Conventions internationales relatives aux droits de
l'Homme
- M. Delmas-Marty "Pour un droit commun" Seuil, 1998,
V/ La patrimonialisation du corps humain

Parag. 2 - La vie de la personnalité juridique

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La personnalité, c'est celle de la personne humaine
en vie. Par conséquent, elle dure tant que l'Homme est
en vie. La vie n'a pourtant pas été définie par le droit.
Mais dans un esprit positif (réel), le législateur s'est
contenté de la saisir, selon une logique linéaire, par ce
qu'il croit être ses deux extrêmes, à savoir la naissance
et le décès. Par la naissance de la personne, commence
sa personnalité (A) et par son décès, elle s'éteint (B).

A - La naissance

L'article 1er du code de la famille dispose : "la


personnalité commence à la naissance".

C'est par la naissance et la naissance que s'acquiert


la personnalité juridique. Avant la naissance, l'enfant n'a
pas de ……. Distincte : il est ………. Les Romains : pars
viscerum matris (un morceau des entrailles de sa mère).
La naissance n'est pourtant que l'aboutissement du
processus de la procréation ; c'est le point final de toute
une série de phénomènes biologiques. Mais puisqu'elle
est matériellement repérable par la section du cordon
ombilical, le législateur l'a retenue comme point de
départ de la personnalité juridique : on devient personne
en naissant.

Cependant, le droit s'est vite aperçu qu'il ne pouvait


rester indifférent vis-à-vis des étapes antérieures à la
naissance ni de la manière dont la naissance se réalisait.
D'où la remarque apportée à sa position, eu égard à ces
deux impératifs. D'une part, la naissance n'est pas
toujours la condition nécessaire de l'acquisition de la

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personnalité : "l'enfant peut acquérir des droits du jour
de sa conception" (art. 1 al. 2 C.F.). C'est la
consécration de l'adage "Infans conceptus pro nato
habetur" en vertu duquel "l'enfant conçu est tenu pour
naître toutes les fois qu'il y va de son intérêt". L'enfant
conçu bénéficie, du fait de cette présomption, d'une
personnalité par anticipation (succession, donation,
legs). Cette rétroactivité est une fiction. Parfois la loi va
au-delà d' l'adage. Exp. Assurance sur la vie au profit
d'un enfant à naître. Mais comment déterminer la date
de la conception ? Le législateur a fixé cette date
d'autorité en posant une présomption irréfragable : "la
date de la conception est fixée légalement et de façon
irréfragable entre le 180è et le 300è jour précédant la
naissance" (art 1er in fine C.F) (entre le 6è et le 10è mois
avant la naissance). En France, la date retenue est "trois
cents jours avant la naissance", solution plus conforme
et plus respectueuse des intérêts de l'enfant. (Exp.)
Cette règle est strictement posée dans l'intérêt de
l'enfant à naître : par cette personnalité, il peut acquérir
des droits sans jamais s'obliger.

Si l'enfant conçu jouit de la personnalité juridique,


cette règle suscite des enjeux et pose la question de la
protection de la personne en gestation. Que penser
précisément de l'interruption volontaire de grossesse ?
Tout est question de qualification juridique : avec la
conception sommes-nous en présence d'une personne -
fut-elle potentielle - ou d'un embryon ? Avec les progrès
de la biotechnologie, il est aujourd'hui possible de
déterminer avec exactitude, le début de la personnalité
c'est-à-dire le commencement de la personne avant sa

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naissance. Mais les enjeux sont tels que le législateur a
préféré retenir la qualification d'embryon et non de
personne. L'atteinte à la vie de l'enfant conçu s'analyse
non pas comme un avortement mais comme un
meurtre.

Cependant l'avortement reste pénalement incriminé


et réprimé (art 305 C. Pénal) sauf s'il s'agit d'un
avortement thérapeutique c'est-à-dire lorsque la survie
de la mère voire celle de l'enfant est menacée.

C'est une question qui soulève les rapports entre le


droit et l'éthique. Quelle place réserver à l'éthique dans
un système juridique sous-tendu par une conception
positiviste ?

Bibliographie :

- Bernard (Jean) : De la biologie à l'éthique, 1990


De l'éthique au droit. La documentation
française 1988
- Baudouin (J.C.) et Labrousse (C) : Produire l'Homme,
de quel droit, 1987
- Terré (F) : L'enfant de l'esclave, 1987.

D'autre part, la naissance n'est pas toujours la


condition suffisante de l'acquisition de la personnalité.
Pour acquérir la personnalité, il ne suffit pas que l'enfant
soit né ou présumé né, il faut qu'il soit né vivant.
L'enfant mort-né est considéré comme n'avoir jamais
existé. En droit musulman et en droit français, une
seconde condition est posée : il faut également que

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l'enfant soit né viable c'est-à-dire "physiologiquement
capable de survivre, ce qui exclut pratiquement les
enfants nés beaucoup trop avant terme et ceux qui sont
atteints de certaines monstruosités" (Carbonnier Les
personnes p. 27). La viabilité est attestée sur la base de
données biologiques et médicales, ce qui confère à la
médecine un véritable pouvoir d'appréciation en matière
de renaissance de la …….

Bibliographie :

V. Salvage : "La viabilité de l'enfant nouveau-né" R.T.


droit civil 1976, 7251.

A présent que le début de la personnalité est


élucidé, on peut s'interroger sur l'événement qui est
censé nous renseigner sur sa fin : le décès.

B - Le décès

Le décès constitue selon la loi l'événement par


lequel s'achève la personnalité. Aux termes de l'art. 1 er
du C.F, "la personnalité cesse au décès". C'est donc au
décès et par le décès que s'éteint la personnalité, qu'elle
se perd.

Le législateur n'a pas pour autant défini le décès.


C'est encore la science qui nous renseigne sur la mort
avec une définition sans émotion : "l'arrêt complet et
irréversible des fonctions vitales" (circulation,
respiration). Comme la naissance, le décès constitue un
aboutissement ; c'est le point final du processus

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d'évolution naturelle de l'être humain sur terre :
enfance, adolescence, adulte, vieillesse et au-delà : la
mort est aussi le début. Mais là n'est l'expression d'une
loi naturelle qui transcende la volonté humaine. Et en
tant que telle, elle souffre de certaines exceptions qui
également transcendent la volonté humaine en ce sens
que la mort peut intervenir (atout moment), à n'importe
quel moment du processus de la procréation et de
l'évolution de l'être humain.

Tout ce que nous savons avec certitude, c'est que la


mort est un phénomène inéluctable. L'être humain est
un être mortel. La personnalité s'éteint donc avec la
mort de l'homme. En tant que phénomène individuel, la
mort est le mal absolu non pas tant pour le mort (qui
peut savoir ?) mais pour ses proches. En tant que
phénomène collectif, la mort, devenue mortalité,
apparaît comme un bien parce qu'elle assure le progrès
de la société et le renouvellement de l'espèce humaine
(Cf. Carbonnier op. cit. p. 27). Le législateur appréhende
donc la mort sans émotion.

Dans la majorité des cas, la mort est un fait matériel


très reconnaissable. Mais en cas de difficulté
d'appréciation (de doute) il est fait appel à l'expertise
scientifique pour éviter d'enterrer des vivants supposés
morts.

Par rapport à la mort, trois questions peuvent être


soulevées : l'une a trait au moment de la mort, l'autre a


C'est un événement certain, de date incertaine" Carbonnier.

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trait à la manière dont elle peut intervenir et la dernière
à la période postérieure au décès.

1 - Le moment du décès

Puisque la personnalité s'éteint avec la mort, il est


important de fixer l'instant de la mort avec précision (V/
Raymondis, R.T. droit civil 1969 p. 29 Problème
juridique d'une définition de la mort). Mais dans la
médecine moderne, les notions nouvelles de coma
dépassé ou d'acharnement thérapeutique jettent le flou
pour une élite de cas (exp. Mao, Hiro Hito etc.) sur ce
qui n'est pour tout le monde qu'une vérité irréfutable.

Importance aussi dans l'hypothèse des co-mourants


en matière successorale (expliquer) art. 398 C.F..

Avec le droit à la vie, on ne doit pas agir de manière


volontaire sur le moment de la mort ; celle-ci doit être
naturelle. Par ce droit, on confirme que la mort relève
d'une force qui transcende la volonté humaine, d'où
l'importance de la seconde question.

2 - La manière dont intervient le décès

Deux problèmes seront étudiés : le suicide et


l'euthanasie. C'est la question du rôle de la volonté dans
la provocation de la mort. L'individu a-t-il le droit de
disposer de son corps ? C'est le conflit entre la sacralité
de la personne humaine (question d'ordre public mais
aussi moral et religieux) et la volonté de la personne.

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Le suicide déconcerte le droit puisqu'"il transforme
en fait volontaire ce qui était par excellence la force
majeure" (Carbonnier op. cit. p. 35). En droit pénal
français, l'acte suicidaire (ainsi que sa tentative) a été
décriminalisé. Mais même s'il est libre et licite, l'Etat a le
droit et le devoir de l'empêcher. Seule la provocation au
suicide est incriminée depuis 1987. (V. Borricard I.C. P.
1988.1.3359)

Au Sénégal, pas de texte spécifique.


Problème de qualification : la tentative est
punissable.
Est-ce une tentative de meurtre ?  on aide alors
celui qui voulait se suicider. Principe de légalité.
L'euthanasie, c'est un meurtre consenti par la
victime. Par comparaison, une personne accepte de
mettre un terme à la vie d'une autre qui y consent, pour
éviter que sa vie ne soit prolongée de manière artificielle
en cas de maladie incurable. Il y a un débat sur la dé
criminalisation de l'euthanasie réactualisé par des
maladies comme le cancer et le sida. Au Sénégal,
l'euthanasie demeure un meurtre puni par le code pénal.
Ailleurs, l'euthanasie est dépénalisée ou bien
…………………

3 - La période postérieure à la mort

La mort, disais-je, n'est qu'un moment (peut-être


l'ultime) de l'évolution de l'être mortel qu'est la personne
humaine. Seulement, on ne peut pas ne pas s'intéresser
au corps humain qui fut le support de la personnalité et

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qui aujourd'hui est sans vie (le cadavre) . De même, la
volonté exprimée durant la vie de la personne humaine
peut survivre après le décès de celle-ci et produire des
effets juridiques (testament, fondations). En outre, le
patrimoine du de cujus ne trouvant plus de support
après sa mort doit être liquidé (successions).

Enfin, avec les progrès de la biotechnologie, on


parvient de nos jours à conserver les fruits (sperme,
ovule, etc.) de la personne (de son corps) même après
sa mort. On peut par conséquent donner la vie grâce au
sperme conservé d'une personne morte ; c'est la
question de l'insémination artificielle post mortem.

Le corps humain peut dans certaines circonstances


se trouver dans des situations qui font douter de
l'existence de la personnalité juridique.

Parag. III - L'incertitude sur l'existence de la


personnalité juridique

L'existence de la personnalité juridique est basée


sur une certitude : l'exercice de la personne humaine en

Cadavre : - protection contre la profanation - caractère sacré de la personne humaine …
- Prélèvement d'organes sur le cadavre à des fins thérapeutiques ou scientifiques.
(V. Labbé, La condition juridique du cadavre, Thèse Lille 1981)
- Permis d'inhumer : contrôle de l'autorité publique.
Pouvoir de la volonté humaine au-delà de la mort :
- Testament - Fondation
Transmission en patrimoine  succession
 Insémination post-mortem : Aff. Corinne Hito, Tri Créteil 1984, 1er août 1984 JCP 1984.2.20321 n. S.
Coronne) - Faits d'espèce ….

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vie. Par l'apparition du corps humain, la certitude se
manifeste et se précise avec l'évolution du corps. La
mort est aussi une certitude constatée par la présence
du cadavre. Sans cette présence, il ne peut être
question de mort, en principe.

Cependant, dans deux situations juridiques


données, malgré la non représentation du corps, on va
douter de l'existence de la personne. C'est la cas de
l'absence (A) et de la disparition (B), deux situations de
doute qui conduisent le législateur à conclure à la mort
de l'absent et du disparu. Mais ce doute le pousse aussi
à prévoir leur retour (C).

A - L'absence

L'absence a une signification dans la langue du droit


différente de son sens usuel. Dans le langage courant,
l'absence est la situation de celui qu'on ne trouve pas à
son domicile ou sa résidence ou tout simplement celui
qui ne se présente pas au lieu où il aurait dû se trouver :
c'est la non présence.

Dans son sens technique spécialisé, l'absence est la


situation de "la personne dont le manque de nouvelles
rend l'existence incertaine" (art 16 al C.F.. Soulignons
que le manque de nouvelles ne présume pas
l'incertitude. Il faut que cette situation revête une
certaine gravité, dépasse un certain seuil  pour qu'on
puisse parler d'absence.

V.A. Diop : "Estimation de la queue d'une …. De répartition, approximatif dans le domaine extrémal et
application au calcul de probabilités extrémales" UFR Math Appliquées Th 3è cycle 5 janvier 1995 Saint-Louis

17
La réglementation de l'absence est sous-tendue par
ces considérations. Le doute se manifeste dans la
prudence du législateur qui a prévu une procédure qui
tienne compte de la gravité des décisions à prendre vis-
à-vis de l'absent. Cette procédure est progressive : de la
présomption d'absence (1) à la déclaration de décès (3)
en passant par la déclaration d'absence (2).

1 - La présomption d'absence

Deux éléments sont à distinguer à ce niveau : d'une


part la demande de déclaration de présomption
d'absence (a) et d'autre part la déclaration de
présomption d'absence proprement dite (b).

a) - La demande de déclaration de
présomption d'absence

La demande est formée un an moins après la


réception des dernières nouvelles par tout intéressé et le
ministère public par voie d'action. Il s'agit donc d'une
action en demande de déclaration de présomption
d'absence introduite par simple requête devant le
tribunal régional du dernier domicile connu du présumé
absent ou de sa dernière résidence. A la suite de quoi,
communication en est donnée au procureur qui fait
diligenter une enquête sur le sort du présumé absent et
prend toutes mesures utiles à la publication de la
demande quel qu'en soient le support et le lieu
(audiovisuel, presse écrite, à l'étranger).

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Le seul dépôt de la demande produit des effets
importants au double plan patrimonial et extra
patrimonial :

Au plan patrimonial, un administrateur provisoire


des biens est désigné par le tribunal qui seul peut le
révoquer ou le remplacer éventuellement. Cet
administrateur établit un inventaire des biens du
présumé absent et le dépose au greffe du tribunal
régional. Il a pouvoir de faire les actes conservatoire et
de pure administration et peur être autorisé en cas
d'urgence à faire des actes de dispositions (art 20).

Au plan extrapatrimonial, s'il y a des enfants


mineurs, le tribunal les déclare soumis au régime de
l'administration légale ou de la tutelle. (à voir dans "Les
incapacités").

b) - La déclaration de présomption
d'absence (art. 2)

La déclaration de présomption d'absence intervient


sous la forme d'une décision judiciaire. C'est un an après
le dépôt de la requête (2 ans donc après les dernières
nouvelles) que le tribunal pourra, suivant les résultats de
l'enquête, déclarer la présomption d'absence.

Le jugement pris à cet effet a une double


(signification) portée :
- il confirme les effets du dépôt de la requête ;

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- il prolonge ces effet jusqu'à la déclaration d'absence.

2 - La déclaration d'absence (Art. 22)

C'est l'acte par lequel une personne est


juridiquement considérée comme absente.

Cet acte obéit à une certaine procédure et produit


certains effets.

Procédure :
Deux ans après le jugement déclaratif de présomption
d'absence (soit 4 ans après les dernières nouvelles), le
tribunal pourra être saisi d'une demande en déclaration
d'absence et rendre le cas échéant en jugement
déclaratif d'absence.

Les effets de ce jugement :


Au plan extrapatrimonial, l'absence déclarée est
considérée par le législateur comme une des causes de
divorce. Le conjoint de l'absent est fondé à demander le
divorce pour cause d'absence déclarée (art 166 C.F.).

Au plan patrimonial, on note une extension des pouvoirs


de l'administrateur provisoire ; il peut à partir de ce
jugement accomplir des actes d'aliénation à titre
onéreux ou à titre gratuit sauf que pour cette seconde
catégorie d'acte, il devra faire expertiser le bien sur
ordonnance du président du tribunal (art. 22).

3 - La déclaration de décès de l'absent (art.


23)

20
Le législateur ne peut s'accommoder de l'incertitude
de manière durable. Lorsque le doute persiste quant à
l'existence de l'absent, le législateur prévoit la
déclaration de son décès c'est-à-dire sa mort au plan
juridique.

Procédure : Dix ans après les dernières nouvelles (soit 6


ans après la déclaration de l'absence), tout intéressé
pourra introduire devant le tribunal qui a déclaré
l'absence une demande en déclaration de décès (quand,
qui, où, quoi). A ce moment le parquet fait diligenter
une enquête complémentaire à l'issue de laquelle le
jugement déclaratif de décès pourra intervenir. Le
jugement déclare le décès au jour du prononcé et le
dispositif en est transcrit sur les registres de l'état civil
du dernier domicile de l'absent.

Effet : Le jugement déclaratif de décès produit les


mêmes effets que le décès. Ainsi, la succession de
l'absent déclaré décédé s'ouvre au lieu de son dernier
domicile etc.

B - La disparition

"Le disparu est la personne dont l'absence s'est


produite dans des circonstances mettant sa vie en
danger, sans que son corps ait pu être retrouvé". Art. 16
exp. (inondation, noyade en haute mer, séismes etc.).

21
La disparition suppose que la personne soit soumise
à un péril de mort rendant vraisemblable son décès
encore que l'on ne puisse démontrer que ce péril de
mort a causé effectivement la mort : d'où une plus
grande probabilité du décès, qui autorise une action
immédiate des ayants droit du disparu. La procédure
……… à l'absence, est plus courte et plus simple.

(Qui présente la requête ? La requête est présentée


d'office par le ministère public ou directement par tout
intéressé (question d'O.P.) soit à titre individuel soit
collectivement en cas de disparition de plusieurs
personnes dans les mêmes circonstances.

(Quand ?) Cette requête est introduite à tout


moment (pas de condition de délai) auprès du tribunal
du lieu de la disparition si celle-ci s'est produite sur le
territoire sénégalais, sinon au tribunal régional de Dakar.

(Quel disparu) La requête est une demande en


déclaration de décès de tout sénégalais disparu au
Sénégal ou hors du Sénégal ; de tout étranger ou
apatride disparu au Sénégal ou à bord d'un bâtiment ou
aéronef sénégalais ou même à l'étranger s'il avait son
domicile ou sa résidence au Sénégal.

(Quelle procédure) Si le tribunal estime que le décès


n'est pas suffisamment établi, il peut ordonner toute
mesure d'information complémentaire, notamment une
enquête administrative sur les circonstances de la
disparition.

22
La date du décès doit être déterminée : jour de la
disparition ou un autre jour en fonction des
présomptions triées des circonstances. Mention en est
faite sur les registres de l'état civil du disparu
(naissance, mariage).

Absence et disparition : Dans les deux cas, il y a


doute sur l'existence de la personne et donc de sa
personnalité mais le législateur a préféré déclarer
décédé l'absent et le disparu. Malgré la gravité de la
décision qu'il a prise, il continue à douter. C'est ainsi qu'il
a prévu le retour de l'absent et du disparu. Eh oui, en
droit, la résurrection existe, les morts reviennent, c'est
…..

C - Le retour de l'absent ou du disparu


entraîne des conséquences aux plans patrimonial et
extrapatrimonial :

1 - Patrimonial : distinction avant et après


jugement de décès

Avant jugement, les effets concernent


exclusivement l'absent
- il reprend la totalité de ses biens sur sa demande
- des comptes lui sont rendus par l'administrateur
provisoire
- mais les actes d'aliénation régulièrement conclu lui
sont opposables.

23
Après jugement, les effets concernent à la fois
absent et disparu :
- il reprend les biens dans l'état où il les trouve
- opposabilité des actes d'aliénation.

2 - Extrapatrimonial

Après jugement : absence :


Opposabilité du nouveau mariage du conjoint ou du
divorce éventuellement obtenu.

Avant ou après jugement : absent ou disparu :


Cessation du régime de l'administration légale ou de
la tutelle sur les enfants mineurs.

Avec cette résurrection, on achève l'étude de


l'existence de la personnalité juridique. … constate
l'existence de l'être humain s'apprenne d'un point de vue
biologique. "Il faut……..
Mais pour l'organisation efficace de la société, il faut
individualiser la personne juridique pour pouvoir la
distinguer de son semblable.

SECTION II - INDIVIDUALISATION DE LA
PERSONNE PHYSIQUE

Individualiser la personne humaine, c'est l'identifier


en la situant par rapport à quelque chose ou en la
classant dans une catégorie. Pour cela, il nous faut des
critères d'identification, des signes juridiques pour
distinguer l'être humain de son semblable.

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Comment identifier alors la personne humaine ?

Par son sexe, critère physionomique permettant de


la classer dans une catégorie de la dichotomie opérée
par la nature. Situation dans l'espèce humaine.

Par sa dénomination, en la désignant d'une manière


différente par rapport aux autres, la situer … aux
autres.

Par son domicile, en la situant dans l'espace.

Par les actes d'état-civil, en la situant dans le temps


et sur un arbre généalogique, en le rattachant en une
famille.

Parag. 1 - Le sexe
Parag. 2 - Le nom
Parag. 3 - Le domicile
Parag. 4 - L'état-civil
Parag. 1 - Le sexe

Le sexe ne se présente pas sous la forme d'une


institution mais le législateur le considère comme un
élément pertinent dans l'organisation de l'état des
personnes (mariage, état-civil etc.) et en tient compte
en droit de la famille et dans pratiquement toute
l'organisation de la cité.

Il s'agit d'un élément de la nature humaine qui nous


permet d'opérer un classement binaire dans les

25
populations : Adam et Eve, l'homme et la femme, le
masculin et le féminin. C'est le partage primordial qui se
traduit par des signes familiers rarement équivoques :
apparence corporelle, comportements vestimentaires
(mais travesti / modernité).

Le législateur reconnaît la différence des sexes :

- la mention du sexe est obligatoire dans l'acte d'état-


civil (art. 52 CF). Ce sont les cliniques maternités qui
font la déclaration. Il est repérable dès la naissance et
de nos jours avec l'écographie même avant la
naissance (yx) ;
- la différence de sexe est une condition de validité du
mariage (11 CF, 101 CF) (V. Solution contraire dans
les pays nordiques) ;
- la différence de sexe intervient à ….. dans le partage
………..

Problèmes :

- Hermaphrodites : 2 sexes, mythe-rédité


- Siamois : 2 enfants partageant le même organe
génital
- Homosexualité : masculin ou féminin / Peuple de ……

Le sexe est devenu plus complexe : composantes


physiologiques, psychologiques et sociales qui ne sont
pas fixées à la naissance.

Une personne peut éprouver le sentiment d'appartenir


à l'autre sexe.

26
- Transsexualisme : Recours à la clinique et à son
comportement personnel pour se donner l'allure du
sexe qu'il croit avoir.

Peut-on par la suite agir en rectification du sexe sur


l'état-civil ? Non : principe de l'immutabilité du sexe
constaté dans l'acte de naissance.

La différence de sexe pose la question de l'égalité


des sexes. Si le principe est affirmé. L'application laisse
parfois à désirer, voir réglementation droit de la famille,
droit du travail etc.

Parag. II : Le nom

En tant qu'institution, le nom est le clé de


l'individualisation. Qui recherche quelqu'un commence
par là (dictionnaires, tables, fichiers, etc.)

Le nom c'est une appellation, l'usage d'une suite de


mots permettant de désigner une personne et de la
distinguer des autres.

Le nom est constitué de certains éléments (A) et


soumis à un certain régime juridique (B).

A - Les éléments constitutifs du nom (Art. 2 CF)

Certains éléments constitutifs du nom sont des


composantes essentielles , obligatoires du nom (1)
d'autres par contre n'en sont que des accessoires
exceptionnels (2).

27
1 - Les composantes essentielles du nom

La personne s'identifie par son ou ses prénoms et


par son nom patronymique.

a) - Le nom patronymique

C'est le patronyme ou nom de famille. Il faudra


distinguer ici entre deux situations :
D'une part l'attribution du nom patronymique dans le
cadre familial et d'autre part l'attribution par voie
administrative.

 L'attribution dans le cadre familial :

 l'attribution du nom : (attribut de fond à titre


transmissible) Le nom est attribué à la naissance et
son attribution est fonction de la situation de l'enfant :
légitime, naturel, adopté.
. le nom du père est attribué à l'enfant légitime et à
l'enfant naturel reconnu par lui.
. le nom de la mère est attribué à l'enfant légitime et à
l'enfant désavoué et à l'enfant naturel, non reconnu.
. le nom de l'adoptant à l'enfant adopté, et en cas
d'adoption par les deux époux, le nom du mari. Rq. : les
enfants du mari adoptés par l'épouse de celui-ci
conservent le nom de leur père (adoption plénière).
. le nom de l'adoptant ajoute au nom de l'adopté en cas
d'adoption limitée. Except. : le nom de l'adoptant

28
uniquement sur décision du juge dans l'intérêt de
l'enfant.

 l'attribution de l'usage du nom (attribut de surface à


titre d'usage) : C'est la situation de la femme mariée.
Elle conserve son nom mais elle acquiert durant le
mariage et durant le temps qu'elle reste veuve le droit
d'user du nom de son mari (art 7 CF).

La femme séparée de corps conserve l'usage du nom


de son mari sauf décision contraire du juge.

L'usage du nom du mari se perd, cesse avec le


divorce.
Rq. Nom du père, du mari  égalité des sexes.

 L'attribut par voie administrative :

Deux situations sont à distinguer :

 Enfant de parents non dénommés : L'enfant dont la


filiation est inconnue porte le nom que lui attribue
l'officier de l'état-civil. Le choix de ce nom doit être
fait en sorte qu'il ne porte pas atteinte ni à la
considération de l'enfant, ni à celle d'une quelconque
personne (art. 5)
 Le changement de patronyme :Toute personne
justifiant d'un intérêt légitime peut être autorisée par
décret à changer de nom patronymique. Exp. : nom à
consonance ridicule, équivalences de nom. (Fall-
Coulibaly, Ndiaye-Diatta). La demande est publiée au
journal officiel et pendant le délai d'un an à compter

29
de cette publication, toute personne ne justifiant d'un
intérêt légitime pourra faire opposition au changement
de nom (V. arrêt Assa Makalou) - Jurisprudence
Sénégalaise.

b) - Le prénom

C'est un élément essentiel d'individualisation


complémentaire de la personne notamment pour
plusieurs personnes portant le même nom
patronymique. Deux questions : attribution et
changement.

L'attribution du prénom est soumise au principe de


la libre volonté des parents et plus particulièrement de
celui qui déclare la naissance, à la différence du nom qui
se transmet d'office. Ce choix exprime le 1 er acte de la
puissance paternelle de l'autorité parentale ou de
l'autorité familiale.

C'est également ce libre choix qui permet de


justifier la possibilité d'avoir plusieurs prénoms en
……….

Le changement de prénom est permis par la loi (art.


9 CF). Le prénom est modifié par jugement (décision
judiciaire et non administrative) en cas d'intérêt légitime
justifié. Exp. Jurisprudence Sénégalaise aff. Jérome
Mendy  Abdoulaye.

30
En cas d'adoption, le prénom peut être changé sur
la seule demande de l'adoptant.

2 - Les accessoires exceptionnels du nom

Il s'agit du surnom et du pseudonyme : ils ne font


pas partie du nom essentiellement mais permettent de
préciser l'identité de la personne (art 2 CF).

a) - Le surnom

L'initiative du surnom peut provenir de la famille ou


des tiers pour désigner l'individu quelquefois d'ailleurs
contre son gré. Lorsque le surnom est très répandu, il
devient de facto un élément du nom mentionné dans les
documents officiels pour plus de précision.

Si le surnom est intéressant, il peut légitimer la


possibilité de changer de prénom. En revanche s'il n'est
pas très flatteur  source de conflits ….

b) - Le pseudonyme

Le pseudonyme permet par le choix d'un nom de


fantaisie de dissimuler sa véritable identité. On se fait
donc désigner par un nom différemment de son véritable
nom qui donc n'est pas définitivement éliminé. Il est
également en matière artistique et littéraire (Eza Boto,
Mongo Beti). Son attribution est soumise au principe de
la liberté mais à condition qu'elle ne porte pas atteinte
aux intérêts d'autrui (confusion par exp.)

31
B - Le régime juridique du nom

Ce régime juridique apparaît à travers la


réglementation de l'usage du nom (1) et la protection du
nom.

1 - L'usage du nom

Deux principes régissent l'usage du nom :


obligatoriété et immutabilité.

a) - Le caractère obligatoire du nom

Le législateur n'aime pas voir des personnes non


dénommées. C'est ainsi qu'il a institutionnalisé le nom
comme moyen d'identification de la personne : institut
de police. Toute personne est tenue d'avoir un nom et
d'en faire usage en se désignant et en se faisant
désigner par lui. (Art. 8 CF). Il est également interdit à
tous fonctionnaires et officiers publics de désigner une
personne dans un acte autrement que par les prénoms
et nom exprimés dans l'acte de naissance.

Sinon usurpation de titres  délit pénal / l'usage de


………….. Exception : pseudonyme.

b) - L'immutabilité du nom

32
Le nom est définitivement attribué à la naissance.
Nul ne peut porter que le nom mentionné sur son acte
de naissance. On ne peut changer de nom sauf intérêt
légitime et suivant une procédure complexe et longue.

2 - La protection du nom

Le nom est un droit subjectif protégé


internationalement (V. conv. Internat. Relative aux
droits de l'enfant).

On ne peut pas être privé d'en avoir, on peut agir


en réclamation de son nom patronymique et lorsqu'on
l'a, on a le droit de s'opposer à son usurpation et à son
utilisation abusive par les tiers.

Caractères du droit au nom :


Droit extra patrimonial : indisponible, incessible,
inaliénable. (des dérogations quand même)
Imprescriptibilité : l'usage prolongé d'un nom ne permet
pas de l'acquérir (prescription acquisitive V. Assa
Makalou) et le nom usage prolongé ne le fait pas perdre
(prescription extinctive).
L'action en réclamation ou usurpation
. un préjudice moral suffit
. resp. en cas d'usage abusif
exp. Monde littéraire et cinéma.

Parag. III - Le domicile

Pour étudier le domicile, nous répondrons à trois


questions : quoi, comment et pourquoi ??? ce qui nous

33
pousse à envisager successivement la notion de domicile
(A), la détermination du domicile (B) et l'utilité du
domicile (C).

A - La notion de domicile

Il convient de préciser la signification juridique du


domicile et de la distinguer des notions voisines.

En droit, le domicile constitue le lieu où est censé


être une personne juridique au regard de la loi. C'est
l'élément juridique qui permet de situer la personne
dans l'espace, de la localiser géographiquement. Aux
termes de l'article 12 CF, "la personne est domiciliée au
lieu de son principal établissement" c'est-à-dire le lieu où
la personne a ses centres d'activités. Appréciations des
juges.

Le domicile est une institution et en tant que telle, il


est obligatoire en ce sens que tout individu doit pouvoir
être rattaché à un lieu donné. Autant il est obligatoire,
autant il constitue de nos jours un droit subjectif qui
apparaît comme un attribut de la personnalité du fait
que tout individu a droit au domicile.

En plus de son caractère obligatoire, le domicile se


caractérise par sa stabilité voire sa fixité condition sans

"Chacun vit de préférence en un lieu, où il habite - une habitude -, où le plus souvent même il cohabite avec sa
famille, ce qui renforce l'habitude, d'où, en fin, il ne s'éloigne, s'il s'en éloigne, qu'avec l'esprit de retour"
Carbonnier, les personnes p. 72.

34
laquelle le rattachement ne se ferait pas à un point
précis. Le sans domicile fixe (SDF) apparaît au regard de
la loi comme un déviant (vagabondage).

Le domicile se caractérise enfin par son unité : une


même personne ne peut avoir qu'un seul domicile pour
des considérations de logique (on ne peut être localisé à
plusieurs endroits à la fois) et d'organisation sociale
(difficultés de localiser une personne en cas de pluralité
de domicile). Le principe de l'unité du domicile peut
paraître très gênant pour la personne qui a plusieurs
centres d'intérêts et qui noue dans chacun d'eux des
relations avec les tiers. Pour cette raison le législateur a
prévu un tempérament en édictant la règle selon
laquelle "la personne peut avoir une ou plusieurs
résidences là où elle a d'autres centres d'intérêt" (art. 12
al. 2 CF). Ce qui nous pousse à distinguer la notion de
domicile des notions voisines :

D'abord, la notion de résidence : la résidence


constitue le lieu où la personne demeure effectivement,
pourvu que ce soit d'une manière assez stable et durable
(l'hôtel pour le voyageur n'est pas une résidence). A la
différence du domicile, la résidence est une notion moins
abstraite, plus réaliste. Elle peut coïncider avec le
domicile (propriété et possession). Comme elle peut en
être distincte (cas des résidences secondaires). Rien
n'empêche une personne d'avoir plusieurs résidences
c'est-à-dire des établissements en plus de son
établissement principal.

35
Ensuite la notion d'habitation : l'habitation apparaît
comme un diminutif, "un dégradé de la résidence ; c'est
le lieu où l'on habite à un moment donné, les critères de
stabilité et de fixité ne sont pas exigés. Elle peut
coïncider avec la résidence et a favori avec le domicile
ou bien en être distincte (habitation provisoire, hôtel de
passage etc.)

Le droit prend considération toutes ces notions pour


parvenir toujours à localiser la personne dans l'espace.
C'est ce qui ressort de dispositions de l'article 14 CF : "Si
le domicile ne peut être déterminé, la résidence actuelle
en produira les effets. A défaut de résidence, l'habitation
en tiendra lieu".

Une fois la notion précisée, on s'interroge sur la


détermination du domicile.

B - La détermination du domicile

Le domicile est tantôt déterminé par la volonté


privée tantôt par la loi.

1 - La détermination volontaire du domicile

"La personne est domiciliée au lieu de son principal


établissement" art 12 CF. La règle est posée d'autorité
mais le choix du principal établissement relève de la
volonté de la personne. C'est un aspect de la liberté
individuelle en ce sens que l'individu a le droit de choisir
un domicile et d'en changer. Manifestations :

36
- un individu ne peut cependant fixer son domicile en
un lieu où il n'aurait aucun établissement effectif. Son
intention n'est efficace lorsqu'elle se caractérise dans
une installation de fait. Il faut donc la réunion de deux
éléments : la matérialité (corpus) et l'intention
(animus). Question de fait : appréciation souveraine
des juges du fond (preuve de l'intention  recours à
des indices).
- Election de domicile : "pour une affaire ou activité
déterminée, les parties peuvent convenir d'un lieu qui
produira les effets du domicile ou seulement certains
d'entre eux" art. 15 ; on dit alors qu'elles ont élu
domicile en ce lieu. "C'est une combinaison qui porte
au maximum l'élément intentionnel, réduit au
minimum l'élément matériel" Carbonnier op. cit. p. 77.

2 - La détermination du domicile légal

C'est le domicile que la loi désigne d'office à


certaines personnes se trouvant dans une situation
déterminée. Deux situations sont à distinguer :

a) - Le domicile de dépendance : "la loi


fait dépendre du domicile d'une personne le
domicile d'une autre personne, parce celle-ci,
dans une certaine mesure dépend de celle-là"
(Carbonnier idem p. 78). Aux termes de l'art.
13 CF, "sont domiciliés :

1°) le mineur non émancipé chez la personne qui


exerce sur lui le droit de garde
2°) le majeur en tutelle chez son tuteur".

37
(Rq. La femme mariée au domicile du mari).

C - L'utilité du domicile

En droit privé, deux fonctions sont généralement


reconnues au domicile :

1 - Fonction de rattachement à une


compétence territoriale

Le domicile permet de rattacher la personne au


ressort géographique d'une autorité donnée.
Généralement, une autorité a une compétence limitée
dans l'espace et très souvent cette compétence se
trouve déterminée par le domicile de la personne. Exp.
Compétence territoriale : le tribunal du lieu du domicile
du défendeur, le dernier domicile connu du présumé
absent (demande de déclaration de présomption
d'absence) ou de sa dernière résidence. (V. aussi autres
cas absence et disposition) ; état-civil : les actes de
l'état-civil doivent être établis dans le ressort territorial
de l'une des parties (mariage par exp.).

2 - Fonction de présomption de présence


permanente

Le domicile permet de déterminer le lieu où une


personne est présumée se trouver de façon permanente.

Les actes de procédure faits par une partie doivent


être portés à la connaissance de la partie adverse.

38
Nécessité de lui signifier assignation (par exp) à son
domicile.

Une obligation doit être exécutée au domicile du


débiteur (sauf exception). Les dettes sont quérables et
non portables d'où l'utilité du domicile.

Vu son importance, le domicile fait l'objet d'une


protection dans la constitution même qui consacre le
principe de l'inviolabilité du domicile (perquisition, vol
avec effraction, escalade, sape etc.) saut dérogations
légales.

Parag. IV - L'état-civil

Par l'état-civil, il y a identification de la personne


dans le temps dans la famille et sur un arbre
généalogique.

L'état-civil, c'est la situation de famille telle qu'elle


résulte de la filiation et du mariage. Mais d'une manière
générale et plus vague, elle désigne la situation de la
personne en droit privé durant tout le processus
d'évolution de la personnalité juridique (de la naissance
à la mort ). On l'oppose à l'état politique qui concerne la
nationalité et les droits (ou l'absence de droits) du
citoyen.

L'état-civil constitue un champ de concurrence entre


les autorités étatiques laïques et les autorités religieuses.
Les différents évènements de la vie de famille sont
généralement célébrés religieusement. Mais de nos

39
jours, il y a une monopolisation de ces services par l'Etat
qui en a fait un service public parallèle et autonome vis-
à-vis des offices religieux auxquels la loi continue malgré
tout de conférer une légitimité et d'attacher des
conséquences juridiques.

Trois observations méritent d'être faites quant à


l'état-civil :

1-l'Etat-civil est un service public  le service public de


l'état-civil (A)
2-les évents de l'état-civil sont inscrits sur des actes 
les actes de l'état-civil (B)
3-les tribunaux peuvent intervenir dans des situations de
litige en matière d'état-civil et rendre des décisions 
les décisions juridiques en matière d'état-civil (C).

A - Le service public de l'état-civil

L'état-civil est un service public judiciaire : en tant


que tel il relève de l'autorité du ministère de la justice et
est placé sous la sauvegarde de l'autorité judiciaire. D'où
l'étude des deux questions suivantes : l'organisation du
service (1) et la surveillance de l'état-civil (2).

1 - L'organisation du service de l'état-civil

Le service de l'état-civil est assuré par un personnel


(a) qui tient un certain matériel (b).

40
a) - Le personnel de service

Le personnel de service est constitué par l'officier


d'état civil et par des particuliers appelés à collaborer au
service.

 l'officier de l'état-civil :

Les actes de l'état-civil sont reçus par les officiers de


l'état-civil dans les centres principaux et les centres
secondaires rattachés à un centre principal (art. 31 CF)

 Les centres principaux sont les communes et les sous


préfectures. Dans les communes, en principe, c'est le
maire qui assure les fonctions d'officier de l'état-civil.
Il peut déléguer ses pouvoirs à un adjoint, un
conseiller municipal ou un fonctionnaire spécialement
désigné. Mais lorsque la loi institue un régime
municipal spécial, ces fonctions sont assurées par les
autorités désignées par la loi. Dans les sous-
préfectures, ces fonctions sont remplies par le sous-
préfet ou à défaut par une personne sachant
couramment lire et écrire le français et désigné par
arrêté préfectoral.
 Dans les centres secondaires, les fonctions d'officier
de l'état civil sont remplies par une personne désignée
par arrêté du préfet laquelle exerce ses fonctions sous
le contrôle et la responsabilité de l'officier de l'état-
civil du centre principal auquel son centre est
rattaché. Le centre secondaire est créé par arrêté du
Ministre de l'intérieur. De ce centre, l'officier de l'état
civil reçoit les déclarations de naissance et de décès,

41
constate les mariages mais n'a pas qualité pour les
célébrer (art. 32 in fine).

 Les particuliers appelés à collaborer au service

Ils interviennent à un moment ou un autre de


l'établissement des actes de l'état-civil. Ce sont :

- Les parties : les personnes qui interviennent elles-


mêmes à un acte les concernant comme pour le
mariage ou bien par l'intermédiaire d'un mandataire
dûment autorisé - exp. : la reconnaissance de l'enfant
naturel par le père ou la mère ;
- Les déclarants : les personnes sur la déclaration
desquelles l'officier de l'état-civil établit l'acte exp.
Naissance, décès - puisque l'intéressé ne peut le faire
lui-même (art. 51 à 67 / art. 33 : les déclarants) ;
- Les témoins : les personnes qui certifient l'identité des
parties et l'exactitude de leurs dires et vérifient que
l'acte établi est conforme aux déclarations faites (exp.
Mariage coutumier ou civil).

b) - Le matériel de service

Deux catégories de matériel sans lesquelles le service de


l'état-civil ne peut fonctionner :

 les registres : (art. 38 - 39 - 40 CF)

Dans chaque centre de l'état-civil, il y a un registre


spécial pour chaque catégorie d'actes (naissance,
décès). L'acte de l'état-civil est directement inscrit sur le

42
registre déjà préconstitué ou bien sur une feuille
numérotée mobile, et l'ensemble sera ensuite relié. Le
principe de la reliure a priori où a posteriori a pour but
d'empêcher les fraudes par antidate. L'autre principe qui
concerne la tenue des registres consiste dans leur …. En
double original (inscription sur deux registres qu'ont tous
deux la même valeur juridique) : l'un est placé dans les
archives du centre de l'état-civil, l'autre est envoyé au
greffe du tribunal régional. Le registre peut être consulté
que par les intéressés (éviter les risques de falsification)
sauf s'il date de plus d'un siècle (intérêt historique).

L'article 47 prévoit la possibilité de délivrer des


copies des actes à certaines personnes et sous certaines
conditions dans le souci de garantir un minimum de
discrétion et une info suffisance aux tiers. Les copies
sont la représentation intégrale de l'acte.

Donc les registres restent entre les mains de


l'administration, seules des copies peuvent en être
délivrées différemment au livret de famille.

 le livret de famille (art. 80 CF)

C'est le document sous forme de livret remis aux


époux lors de leur mariage et contenant un extrait de
l'acte de mariage et des pages en blanc puis les
évènements qui surviendront (naissances, décès des
conjoints ou des enfants, adoption, divorce, séparation
de corps). Il est remis gratuitement à l'époux et copie
conforme est remise à l'épouse au court de
l'établissement de l'acte du mariage.

43
2 - Surveillance de l'état-civil

La surveillance de l'état-civil est doublement assurée


:
D'une part par le juge du tribunal départemental
D'autre part par le ministère public.

a) Le rôle du juge du tribunal


départemental (art. 35)

Le rôle du juge est un rôle de vérification, de contrôleur.


Le contrôle est obligatoire une fois par an et facultatif à
chaque fois qu'il le juge nécessaire. Il devra pour cela se
transporter dans les différents centres de son ressort
pour vérifier les registres de l'état-civil de l'année en
cours.

Cette visite de contrôle doit être mentionnée sur les


deux registres en cours de chaque catégorie d'acte. Et
cette mention doit comporter l'appréciation générale de
la tenue des registres.

Après la visite, le juge établit 1% qu'il adresse à


l'office de l'état-civil pour lui faire part de ses
observations et en donne copie au ministère public.

b) - Rôle du ministère public (art. 36)

Lors du dépôt de l'état-civil au greffe, le procureur


de la république doit en vérifier l'état.

44
Il dresse un rapport sur la tenue des registres et sur
l'inspection du juge du tribunal départemental et
l'adresse au Ministre de la justice. Il relève les
irrégularités et les infractions commises et en poursuit la
répression (exp. Acte en annulation).

B - Les actes de l'état civil

La réglementation des actes de l'état-civil fait


ressortir le formalisme qui ……. A leur élaboration. (1) de
ces actes dotés d'une grande force probante (2).

1 - Le formalisme des actes de l'état-civil

Les actes de l'état civil sont des actes solennels,


authentiques rédigés par des officiers de l'état civil.
Manifestations :

- l'inscription de l'acte sur les registres se fait selon une


technique de rédaction qui comporte des mentions
constantes exigées selon la nature de l'acte (V. CF) et
d'autres part la nature de l'acte : conditions générales
et particulières ;
- la présence de l'office de l'état civil, des parties (ou
déclarants) et éventuellement des témoins une
présence qui s'exprime par des signatures. Si l'un des
composants ne sait pas signer, mention en est faite
dans l'acte.

En cas d'inobservation de ces formes , la nullité peut


être prononcée quand la formalité violée est une

45
formalité substantielle exp. Fraude. Pour.
D'appréciation des juges du …..

- la publicité des actes : les actes sont des moyens de


preuve et des instruments de publicité de l'état des
personnes. Mais la publicité ne se fait que pour
délivrance de copies aux intéressés et aux autorités
administratives et juridiques selon la nature de l'acte
(mariage, décès).

2 - La force probante des actes de l'état civil

Deux principes :
1)- Les actes de l'état civil furent foie jusqu'à inscription
de l'officier de l'état civil dans les mêmes conditions
que les autres actes authentiques. (pour
développement) V. art. 81.
Distinction - énonciation se rapportant à des faits
constatés par l'officier de l'état civil - inscription ………
- relatés par les déclarants - jusqu'à preuve
contraire.
En cas de faute : sanction pénale et civile (absence de
déclaration) discipline.

Les copies ont la même valeur que l'acte original si elles


sont régulièrement délivrées. (art. 29).

2)- L'état des personnes ne peut être établi et prouvé


que par les actes de l'état civil (except. La possession
d'état peut faire preuve de filiation.

46
C - Les décisions judiciaires en matière d'état civil
(86-93 CF)

Deux situations à distinguer : les jugements


rectificatifs et les jugements d'autorisation d'inscription.

1 - Les jugements rectificatifs des actes de


l'état civil

Deux situations :

a) - La rectification d'office (art. 90)

Cas d'omission ou d'erreurs purement matérielles


(mauvaise écriture, faute d'orthographe) dans la
rédaction d'actes établis dans leur ressort, le MP ou le
juge départemental peuvent concurremment faire
procéder d'office à leur rectification. A cet effet, ils
donnent aux dépositaires des registres les instructions
utiles.

b) - La rectification contentieuse

Les autres cas d'omissions ou d'erreurs. Procédure :

La requête en rectification peut être présentée


d'office par toute personne intéressée ou par le
ministère public ou juge du tribunal départemental dans
le ressort duquel l'acte à rectifier a été dressé.

Le dispositif de la décision portant rectification est


transmis par le ministère public au dépositaire des

47
registres où se trouve inscrit l'acte rectifié. Mention en
est faite sur l'acte et copie de celui-ci ne peut être faite
qu'avec les rectifications ordonnées.

La rectification est faite sur l'acte et sur tous autres


actes qui comportent la mention rectifiée V. le lien où ils
ont été établis (art. 91).

2 - Les jugements d'autorisation d'inscription

Trois situations sont à distinguer :

1-inexistence d'acte ou demande d'établissement tardive


;
2-destination d'un acte ou d'in registre ;
3-inexistence de registre.

a) - Inexistence d'un acte ou demande


d'établissement tardive (art. 87)

Quand aucun acte n'aura été dressé (naissance,


mariage, décès) ou que la demande en aura été
introduite tardivement (après les délais), le juge du
tribunal départemental, dans le ressort duquel l'acte
aurait dû être reçu, pourra par jugement autoriser
l'inscription par l'officier de l'état civil (explication :
contrôle juridique - Possibilité de régularisation).

Procédure : Qui / Comment ?

- La requête est introduite par les personne devant


l'acte de l'état civil doit établir l'état, de leurs héritiers

48
et légataires, des personnes autorisées ou habilités à
procéder à la déclaration de l'acte ou du ministère
public.
- La requête n'est recevable s'il n'y est pas joint un
certificat de non inscription de l'acte, délivré par
l'ODEC qu'aurait dû le recevoir. (On peut ajouter à la
demande le certificat d'écoulement ou de décès).
Le juge examine toutes les pièces justificatives, à défaut
d'elles, il procède à une enquête.
- Le jugement énonce les mentions devant être portées
à l'acte et ordonne la transcription sur le registre de
l'état civil.

b) - Destruction d'acte ou de registre


(art. 89)

Distinction d'un exemplaire de l'acte ou des


registres, reconstitution à l'aide de l'exemplaire
subsistant, à la diligence du parquet, de l'acte ou du
registre détruit.

C - Inexistence des registres ou dispositions des


deux exemplaires du registre

Un décret pourra décider de leur constitution ou de


leur reconstitution en fixant la procédure à suivre.

SECTION III - LES ATTRIBUTS DE LA PERSONNE


PHYSIQUE

49
Par l'identification de la personne, sa personnalité
devient palpable, concrète. Le droit reconnaît à la
personne identifiée certaines prérogatives qui
constituent ses attributs. Ces attributs sont donc
inhérents à la personnalité juridique et se reflètent dans
le patrimoine particulièrement dans "les droits de
l'homme". Ces droits ont pour fondement la nécessité de
respecter la dignité de l'homme et de favoriser
l'épanouissement de sa personnalité. Cependant, on ne
s'intéresse aux droits de l'homme que dans le plan du
droit privé c'est-à-dire dans les rapports entre
particuliers c'est-à-dire des droits opposables aux autres
personnes humaines. (V. la charte universelle des droits
de l'homme).

Ces attributs sont nombreux et regroupent donc le


patrimoine (§1), les droits de la personnalité (§2) que
les libertés individuelles (§3).

Parag. I - Le patrimoine

Généralement, les droits sont envisagés isolément


(V. les §2 et 3). En revanche avec le patrimoine, les
droits sont envisagés globalement dans leur ensemble.
Le patrimoine est ……… fondamentalement inhérente à
la ……. D'où l'intérêt de connaître sa signification (A) et
ses caractères (B).

A - Signification

Le patrimoine, dans le langage courant, désigne la


fortune d'une personne. Dans le sens technique, il s'agit

50
d'un "ensemble de droits et de changes, actuels et
futurs, dans lequel les droits répondent des charges"
(……… n° 197). Autrement dit, le patrimoine est une
universalité de droits. C'est une universalité, en ce sens
qu'il regroupe une série de droits et de dettes dont le
dénominateur commun est leur valeur économique, leur
caractère pécuniaire. Le patrimoine est un contenant :
en dépit des modifications survenues dans sa
composition, il subsiste et conserve son individualité
(pendant …………….) C'est une universalité de droits : il
réunit à la fois des droits et des dettes : il comporte un
actif et un passif inséparable l'un de l'autre. Il se
distingue en cela des universalités de fait qui
correspondent à des ensembles de choses ou de droits
sans passif correspondant (bibliothèque, …… fonds de
commerce).

Le patrimoine constitue le gage général des


créanciers. Le créancier chirographaire n'a de droit que
contre un patrimoine ; il ne peut que se payer sur les
tiers qui restent dans le contenant le jour où il exerce sa
créance.

B - Caractères

Tous les juristes ont la conception spirituelle du


patrimoine. Selon Aubry et ……, le patrimoine est "une
émanation de la perte et l'expression de la puissance
juridique dont une personne se trouve investie à telle".

Deux caractères :

51
- ………………………………

Parag. II - Les droits de la personnalité

Droits de la personnalité ou droits primordiaux ?


L'expression désigne un ensemble de droits subjectifs
comme le droit à la vie, à l'intégrité physique (déjà
étudié avec le corps humain), le droit au nom, au
domicile (étudié avec l'identification) et d'autres droits
destinés à préserver l'intégrité morale. Nous les
présenterons d'abord (A) avant de mettre en relief leurs
caractères (B).

A - De certains droits relatifs à l'intégrité morale

C'est le complément indispensable de la protection


de l'individu dans son intégrité physique. Ces aspects
moraux concernant son image, son honneur et sa
réputation, sa vie privée, ses sentiments, etc.

1° - Le droit à l'image

C'est le droit à la propre image reconnu à toute


personne comme un droit exclusif. En vertu de ce droit,
toute personne peut s'opposer à la reproduction, la
publication dans la presse la description dans un écrit
destiné au public ou l'exposition à la vue du public de
son image par les tiers, à moins d'autorisation expresse
ou tacite de sa part. Il n'est pas besoin que le tiers ait
agi avec une intention malveillante, le mobile légitime
n'est pas un justificatif (exp information)

52
Le titulaire du droit peut réclamer des dommages et
intérêts pour le préjudice par lui subi et faire ordonner
toutes mesures utiles afin que cesse la publicité donnée
à son image.

2°) - Le droit à l'honneur

L'honneur est lié à la dignité humaine et est


fonction du sentiment que l'on a de sa propre dignité et
du sentiment que les autres ont de notre dignité
(Carbonnier, p. 118).

Au plan pénal, ce droit est protégé par le délit de


diffamation en cas d'atteinte à ce droit. En outre, et au
plan civil, la victime est fondée à réclamer des
dommages-intérêts, et en cas d'atteinte par voie de
presse, à user de son droit de réponse. En droit civil,
l'atteinte grave à l'honneur du défunt ou de sa famille,
peut être une cause d'indignité successorale (art. 401
CF).
3°) Le droit à la vie privée

Le respect de la vie privée se traduit par un devoir


d'abstention ; la valeur protégée est ici représentée par
la tranquillité : il faut laisser la personne tranquille afin
qu'elle puisse garder secrète son intimité. Manifestations
: ne pas être sollicité, suivi, questionné, ne pas voir
divulguée sa biographie ou sa généalogie, l'état de sa
fortune ou de ses dettes etc.

53
Mais pour certaines personnes, la question se pose
de savoir ce qui sépare leur vie privée de leur vie
publique (hô. Pol., vedettes, etc.)
(Sanction : dommages-intérêts - Prévention exp. Saisie)
Pr. : vie pr. Et droit et liberté d'info.

B - Les caractères des droits de la personnalité

Deux caractères importants : général et


extrapatrimonial.

1 - Le caractère général

C'est-à-dire toute personne en est dotée sans


discrimination aucune race, religion, condition familiale
etc. sauf tempérament.

2 - Le caractère extrapatrimonial

C'est-à-dire point de valeur pécuniaire en eux-


mêmes  ils ne sont ni cessibles, ni saisissables, ni
prescriptibles, ni susceptibles de renonciation.

Mais tempéraments :
- patrimonialisation : le "marché du corps" et des
"œuvres de l'esprit"
- incidences pécuniaires en cas d'atteinte  les
dommages-intérêts.

Parag. III - Les libertés individuelles

54
La liberté, c'est la possibilité reconnue à la personne
d'agir selon sa propre détermination (Car. Op. cit. 119)
(différence avec le droit subjectif : précision de l'objet).

Les libertés individuelles sont presque innombrables.


On peut en citer quelques unes :

A - La liberté d'aller et de venir

C'est la liberté de se mouvoir ou "liberté


locomotrice". Elle est garantie autant que la personne ne
commet pas une infraction l'exposant à une peine
privative de liberté ou à une sanction interdictive de
séjour. En droit civil, c'est elle qui justifie le droit de
passage, en matière de servitude, sur la propriété
d'autrui.

B - La liberté de faire ou de ne pas faire

C'est-à-dire la liberté d'inertie ou d'action.

En principe, elle ne peut être limitée que par une


détermination de la volonté de l'individu. exp. Contrat de
travail.
Protection : si le débiteur d'une obligation de faire
ou de na pas faire ne l'exécute pas de manière
spontanée, nul ne peut l'y contraindre directement, seuls
les dommages-intérêts peuvent être dus en cas de
préjudice. Seult. : contrainte par corps.

C - La liberté de s'enfermer chez soi

55
Oui, elle existe. La forteresse de l'individu, c'est sa
maison. Protection : principe de l'inviolabilité du domicile
(au sens large, englobe résidence et habitation) ; droit
de clôture, de fermeture même vis-à-vis du propriétaire.
Fondement : individualisme. (V. aussi liberté de
conscience, de religion, libertés professionnelles).

CHAPITRE II - LES PERSONNES


MORALES

La personnalité juridique ne se réduit pas à la


personnalité humaine. L'aptitude à être sujet de droit
n'est pas exclusivement le propre de l'Homme, de
l'individu. Cette qualité est reconnue par le droit à des
entités qui ont des buts et des intérêts collectifs ; il s'agit
de groupements de personnes ou de biens que la loi
considère, par anthropomorphisme, comme des
personnes juridiques.
Il n'est pas sans intérêt de rappeler la controverse
doctrinale suscitée par la nature juridique de la
personnalité morale (Sect. I) avant d'envisager le régime
juridique de la personnalité morale (Sect. II).

SECTION I - LA NATURE JURIDIQUE DE LA


PERSONNALITÉ MORALE

56
La nature de la personnalité morale a fait l'objet de
controverses doctrinales très vives pendant longtemps
(1 siècle) entre ceux qui affirment et ceux qui nient son
existence (existence et négation). Le débat est parti
avec la théorie de la fiction (existence) et a suscité des
thèses négatrices (négation). Mais aujourd'hui la
tendance est à la reconnaissance de la personnalité
morale comme réalité (existence).

Parag. I - La théorie de la fiction

Selon les tenants de cette théorie, la personnalité


véritable suppose une existence corporelle, biologique
qui ne se trouve que chez l'être humain et une faculté
de vouloir et d'agir liée au cerveau, aux nerfs, aux
muscles, bref aux sens.

Cependant, il appartient à la loi de modifier ce


principe et d'étendre la personnalité juridique à des
sujets créés par simple fiction pour servir de support à
un patrimoine. Mais pour vouloir et agir, il va falloir que
la personne morale (comme l'incapable) soit
représentée. C'est comme si il appartient à la loi, de
faire violence à la réalité des choses. Et c'est pour cette
raison que l'on trouve cette thèse défendue par l'école
exégétique du 19è siècle (positivisme - volontarisme) qui
professait le culte de la loi (fétichisme juridique). De
cette thèse, il découle d'un côté qu'il n'y a pas de
personne morale sans texte et de l'autre côté, les
fictions sont d'interprétation stricte c'est-à-dire qu'on ne
saurait étendre les effets de la personne morale au-delà
de ce que les textes ont prévu.

57
Parag. II - Les théories négatrices de la personne
morale

Certains auteurs prenant acte de la théorie de la


fiction ont estimé qu'il fallait débarrasser le droit des
fictions et ne reconnaître que la réalité des choses. Deux
thèses : cette réalité c'est la propriété collective ou le
patrimoine d'affectation.

1 - La théorie de la propriété collective

Selon Planiol, la personne morale ne fait que cacher


la persistance de la propriété collective. Dans la
personne morale, ce sont les membres du groupement
collectivement qui sont propriétaires et non le
groupement. La personne morale appartient par
conséquent au droit des biens. Cette thèse réduit le
débat à la notion de patrimoine.
2 - La théorie du patrimoine d'affectation
(Thèse allemande)

Selon cette théorie, la personne morale recouvre en


réalité un patrimoine sans sujet, impersonnel qui a pour
support l'affectation.
Critique : peut-on admettre l'existence de patrimoine
sans titulaire ?

Face à l'impertinence de ces théories (fiction et


négation), les juristes ont reconnu simplement que la
personne morale était une réalité.

58
Parag. III - Les théories de la réalité

1 - La réalité psycho-sociologique

La personne morale est une réalité vivante. C'est


un corps, un organisme (théorie organique). Pour
d'autres, de substrat de la personnalité, c'est la
volonté ; elle est individuelle chez la personne physique
et collective chez la personne morale (ou de la volonté
collective). Critique : confusion personne morale et
groupe social (indivision, famille). Enfin, certains ont vu
dans la personne morale une institution (Hauriou).
Toutes les institutions ne sont pas des personnes
morales mais la personne morale constitue l'institution la
plus élaborée. Critique : comment faire la différence ?

2 - La théorie de la réalité technique

Le droit ne reflète pas toujours la réalité ; il peut


aussi remodeler la nature (la personnalité de l'esclave,
mort …. De l'absent ou du disparu par exp.). Le substrat
de la personnalité, ce n'est pas le corps, ni la volonté,
c'est l'aptitude à être sujet de droits. Or droit subjectif =
intérêt socialement protégé  la personne est un
faisceau d'intérêts socialement protégés. Il existe deux
sortes d'intérêts individuels  personne physique
Collectif  personne
morale.

La personne morale va s'incarner et s'agoniser au


même titre que l'intérêt individuel incarné et organisé
dans la personne physique.

59
La personne morale est une réalité non pas du
monde sensible mais de la technique juridique.

SECTION II - LE REGIME JURIDIQUE DE LA


PERSONNALITE MORALE

Il ne sera pas question d'une étude exhaustive des


règles applicables aux personnes morales. Celles-ci sont
nombreuses et diversifiées et les règles qui les régissent
sont fonction de leur nature d'où la nécessité de les
classer (§1). Mais cela ne nous empêche pas de mettre
en relief les principaux attributs de la personne morale
en ce qu'ils nous renseignent sur leur régime juridique
(§2).

Parag. I - Classification des personnes morales

Les personnes morales ont été généralement


classées en fonction de la nature des règles juridiques
qui leur sont applicables. Et pour ce faire, la summa
divisio du droit (droit public - droit privé) a été
transposée ; d'où la distinction entre les personnes
morales de droit public et les personnes morales de droit
privé.

Les personnes morales de droit public sont les


personnes régies par le droit public. On range dans cette
rubrique l'Etat et ses démembrements (comme les
communies et les établissements publics) (services

60
publics érigés en entités autonomes) et les ordres
professionnels (médecins, experts agréés).

Mais avec l'interventionnisme de l'Etat dans la vie


économique, on assiste à l'émergence de personnes
morales publiques soumises aux règles du droit privé
(exp. Les E.P.I.C.).

Quant aux personnes morales de droit privé


auxquelles nous consacrons les développements
suivants, elles sont soit des groupements d'individus soit
des groupements de biens personnifiés.

A - Des groupements d'individus érigés en


personnes morales

C'est la catégorie la plus importante. Selon le critère


du but, on distingue les groupements à but lucratif (les
sociétés) et ceux à but non lucratif (les associations).

1 - Les sociétés

La société est un groupement de personnes érigé


en personne morale dont les membres ont convenu
d'affecter des biens ou leur industrie (leur travail) à une
activité commune, en vue de partager le bénéfice qui
pourra en résulter.

Les sociétés sont commerciales ou civiles.

La société est commerciale lorsqu'elle a pour objet


une activité commerciale (elle effectue des actes de

61
commerce) ou lorsqu'elle revêt une forme commerciale
(SARL, SA). Les sociétés commerciales peuvent être des
sociétés de personnes ou des sociétés de capitaux.

La société civile, en revanche poursuit une activité à


but lucratif mais n'a pas une forme commerciale ni un
objet commercial (exp. Sociétés immobilières, cabinets
d'avocats).

2 - Les groupements à but non lucratif

La catégorie la plus connue est composée par les


associations. Leur spécificité réside dans le caractère
désintéressé de leurs activités. Aux associations, on
ajoute les congrégations religieuses et les syndicats
professionnels qui tout en étant des variétés
d'associations, ont reçu une condition juridique
particulière.

Par ailleurs, on peut ranger dans cette catégorie les


groupements d'intérêt économique (GIE) régis par la loi
de 1984. Le groupement ne cherche pas les bénéfices à
la différence de ses membres.

B - Des groupements de biens érigés en


personnes morales : les fondations

La fondation est un acte juridique en vertu duquel


une masse de biens est affectée à perpétuité à une

62
œuvre d'intérêt général désintéressée. La fondation n'a
la personnalité morale que lorsqu'elle est reconnue par
décret d'utilité publique. Elle peut avoir un but
charitable, culturel ou intellectuel.

Parag. II - Les attributs de la personne morale

Ces attributs concernent essentiellement le


fonctionnement de la personne morale : la capacité, le
patrimoine et les attributs extrapatrimoniaux.

A - La capacité de la personne morale

En tant que sujet de droit, la personne morale peut


agir juridiquement acquérir des droits, les exercer. Elle
est capable. Mais sa capacité est définie par rapport à sa
nature particulièrement.

D'un côté, sa capacité de jouissance est limitée :


une limitation qui résulte de la nature des choses, de ce
que la personne morale ne peut être totalement
assimilée à une personne physique. Ainsi, elle ne jouit
pas de certains droits extrapatrimoniaux comme le droit
à l'intégrité physique, à la vie, en mariage. Mais il y a
également une limitation quant à son objet ou domaine
d'intervention en vertu du principe de la spécialité en ce
sens que la personne morale ne peut accomplir que des
actes qui correspondent à son objet et à son but tel qu'il
ressort de la loi ou de ses statuts.

D'un autre côté, elle n'a pas la capacité d'exercice ;


les actes juridiques qui l'engagent doivent être faits par

63
son représentant légal. Ainsi elle peut ester en justice
nonobstant la règle 'nul ne plaide par procureur (les
intérêts doivent être nommément désignés).

B - Le patrimoine de la personne morale

La personne morale a un patrimoine distinct des


patrimoines personnels de ses membres. C'est le
principe de l'autonomie du patrimoine de la personne
morale. Par conséquent, l'actif social est le gage exclusif
des créanciers sociaux c'est-à-dire un créancier
personnel n'a pas le droit de faire saisir des biens
sociaux de même qu'un créancier social n'a le droit de
faire saisir des biens personnels sauf lorsque la loi le
prévoit (voir les sociétés de personnes : resp. personne
indéfinie et solidaire).

C - Les attributs extrapatrimoniaux de la


personne morale

La personne morale est dotée de certains attributs


extrapatrimoniaux dans le but de l'identifier car toute
personne juridique doit être identifiée. Ainsi elle a :

- un nom librement choisi par ses fondateurs et protégé


de l'usurpation c'est la raison sociale (société) ou le
titre (association) ;
- un domicile avec tous les effets attachés à cette
notion quant à la compétence territoriale. Son
principal établissement, c'est son siège social c'est-à-
dire le lieu où fonctionnement les organes de direction

64
et d'administration (non pas le centre de l'exploitation
forcément);
- une nationalité avec les effets attachés à cette notion
quant au droit applicable en cas de litige présentant
un élément d'extranéité. En principe, la personne
morale a la nationalité du lien où se trouve son siège
social.

TITRE II - LES
INCAPACITES

La capacité constitue une partie intégrante de la


personnalité juridique et conditionne son étendue : à

65
capacité plénière personnalité plénière, à capacité
limitée personnalité diminuée.

Le code de la famille a consacré une partie distincte


aux incapacités (livre V). Le droit des incapacités touche
au droit de la famille parce que c'est dans le groupe
familial que la loi cherche le plus souvent les organismes
de protection de l'incapable (tuteur, conseil de famille)
et aussi parce que l'incapacité peut avoir pour l'objet de
prévenir des désordres à l'intérieur de la famille.

Mais il se rapproche davantage du droit des


personnes puisque dans l'incapacité, c'est la personne
qui est visée ; sa personnalité est diminuée.

Mais il ne faut pas occulter malgré cela les contacts


du droit des incapacités avec le droit des biens et le droit
des obligations puisqu'il y est question de protéger le
patrimoine de la personne incapable.

C'est dire l'importance de la matière.

Les incapacités, faut-il le rappeler, ont un caractère


exceptionnel, la capacité étant la règle. Elles frappent les
mineurs (Chap. I) et certains majeurs (Chap. II).

Mais avant d'étudier le régime qui leur est


applicable, des considérations générales sur les
incapacités sont nécessaires.

66
CHAPITRE PRELIMINAIRE :
CONSIDERATIONS GENERALES SUR LES
INCAPACITES

Art. 273 CF "St frappées d'incapacité d'exercice les


personnes auxquelles la loi enlève l'aptitude à participer
au commerce juridique pour les protéger contre leur
inexpérience ou la défaillance de leurs facultés
intellectuelles".

D'où on étudie les incapacités d'exercice de


protection  Notion (Sect. I). Mais cette interdiction
n'est pas absolue, certains actes sont permis aux
incapables (Sect. II). Mais puisqu'il s'agit de règles
protectrices, des sanctions sont posées pour assurer leur
efficacité (Sect. III).

SECTION I - NOTION DES INCAPACITES

Il s'agit d'incapacités d'exercice (§I) de protection


(§II).

Parag. I - Incapacités d'exercice

Différence avec incapacité de jouissance : inaptitude


à être sujet de droit et d'obligation. Elle contient
virtuellement l'incapacité d'exercice mais l'inverse n'est

67
pas vrai. Elle est irrémédiable. Elle est contraire à
l'affirmation de la personnalité juridique. Incapacité
d'exercice : inaptitude à faire valoir un droit (reconnu)
par soi-même dans la vie juridique. Elle est remédiable
par l'institution de la représentation.

Parag. II - Incapacités de protection

Critère de la formalité. - Différence avec incapacité


de suspicion (défiance) : interdiction légale des individus
condamnés à la réclusion ou à la détention criminelles.
Fondement … que le délinquant tourne la peine par
l'utilisation de ses biens. Incapacité de protection : pour
inexpérience ou défaillance des facultés intellectuelles
(mineurs et majeurs).

SECTION II - LES ACTES PERMIS AUX


INCAPABLES

La réponse à cette question nous permet de savoir :

- les actes qu'un incapable peut accomplir seul


- les actes qui nécessitent l'intervention d'un
représentant.

Mais ces actes concernent essentiellement ceux qui


sont liés à son patrimoine. Nécessité de distinguer les
actes conservatoires d'administration et de disposition
(§I) avant d'analyser la réglementation (§II).

68
Parag. I - Actes conservatoires, d'administration
et de disposition

1°) - L'acte conservatoire est un acte qui tend


simplement à empêcher un bien de sortir d'un
patrimoine. C'est un acte nécessaire et urgent.
Exp. Renouvellement d'une hypothèque arrivée à
expiration.

2°) - L'acte de disposition aliénation, transfert


d'un droit réel. Exp. Vente donation.

C'est un acte qui engage l'avenir et qui tend à


compromettre dans un patrimoine, l'existence et la
valeur d'un capital.

Ce sont des actes qui en portent appauvrissement,


abandon qui méritent plus d'attention. Exp. Emprunt =
acte de disposition malgré l'absence de transfert d'un
droit réel.

3°) L'acte d'administration c'est entre les deux,


il n'est ni conservatoire, ni de disposition.

C'est un acte de mère en valeur, d'exploitation


normale du patrimoine. Il n'entame pas le capital ni le
compromet.

Parag. II - Le régime des actes permis aux


incapables

69
Un incapable quel qu'il soit peut accomplir un acte
conservatoire seul. De même son représentant peut le
faire sans formalité. Art. 274 infini : "ils accomplissent
seuls les actes nécessaires à la conservatoire de leurs
biens et de leurs droits". De même, ils accomplissent
seuls les actes de la vie courante.

Par les actes de disposition, il leur est défendu de


les accomplir. Seul le représentant peut le faire et en
respectant certaines formes (exp. Autorisation préalable
du juge des tutelles).

De même obéissent à des conditions particulières :

- les actes relatifs à leur état, à l'adoption d'un régime


matrimonial ou aux libéralités. Exp. Le régime
matrimonial : le majeur en tutelle ou en curatelle ne
peut adopter un régime matrimonial autre que le
régime commun sans l'assistance de son tuteur ou de
son curateur (art. 370 CF).
- le choix d'une profession, l'adhésion à un groupement,
les actes par lesquels ils engagent leurs services v. la
réglementation propre à chaque matière.

SECTION III - SANCTION DES INCAPACITES

Protection : pour assurer l'efficacité  sanction 


nullité de protection donc nullité relative (§I) ; mais pour
le niveau rescision pour lésion (§II).

Parag. I - La nullité relative

70
Elle frappe les actes accomplis par le mineur en
violation de son incapacité et les actes accomplis par son
représentant sans l'observation des règles qui délimitent
ses pouvoirs.

Elle est relative parce que de protection : donc (V.


art. 86.92-25 COCC).

1°) Elle ne peut être invoquée que par l'incapable


(cessation de l'incapacité) ou (durant son incapacité) par
les personnes chargées de le représenter ou par ses
héritiers (après sa mort).

En revanche, le mineur incapable ne peut invoquer


l'incapacité pour demander la nullité de l'acte.

2°) La confirmation est possible : en cas de


cessation de l'incapacité, il pourra confirmer son acte ou
l'acte de son représentant annulé.

Parag. II - La rescision pour lésion

C'est une sanction spéciale qui protège le mineur


qui agit seul en violation de son incapacité.

La rescision pour lésion a la même portée que la


nullité relative anéantissement rétroactif de l'acte.

Art. 275 al 2 CF : "le mineur ne peut faire prononcer


une telle nullité que s'il est lésé" (subi un préjudice
pécuniaire) - A prouver. Mais la lésion n'est pas

71
nécessaire pour établir l'annulation des actes irréguliers
en la forme.

Le représentant légal du mineur ne peut invoquer la


lésion pour faire prononcer la nullité d'un acte
régulièrement passé dans l'exercice de ses fonctions
(art. 275 infinie).

72
CHAPITRE I - LES MINEURS

Art. 276 CF "Est mineur la personne de l'un ou de l'autre


sexe qui n'a pas encore l'âge de 21 ans accomplis".

Le législateur a recours à l'âge de la personne pour


poser une présomption d'inexpérience. Fondement de
cette incapacité :

 inexpérience  besoin de protection


 le vouloir vire de la communauté familiale.

L'ensemble des règles constitue la condition juridique


du mineur lesquelles doivent s'apprécier de nos jours à
l'aune de la convention relative aux droits de l'enfant
mais aussi et surtout de l'intérêt de l'enfant. Cet intérêt
est …… s'il n'est pas seulement l'intérêt du moment mais
son intérêt de personne dans l'avenir.

Et c'est d'ailleurs par rapport à cet intérêt qu'on apprécie


de manière critique les dispositions de cette convention.
En effet, la convention a conféré à l'enfant tellement le
droit que "s'il devrait les prendre au sérieux, on pourrait
s'attendre à un pullulement de conflits dissolvants à
l'intérieur de la famille" (Carbonnier op. cit. p. 154). V.
Liberté de conscience, l'expression, de pensée, de
religion. Peut-on reconnaître des droits comme un être
adulte, confirmé ?

Cela étant la réglementation répond à deux


impératifs :

73
1-Puisque le mineur est incapable du fait de son
inexpérience, il est pourvu au gouvernement de sa
personne (et comment ?) par la puissance paternelle
(Sect. I) ;
2-Du fait de cette inexpérience, la gestion de son
patrimoine ne saurait lui être confiée totalement ; elle
est assurée suivant les règles de l'administration
légale de la tutelle (Sect. II et III). Mais ne veut point
dire que ces deux techniques n'ont pas de relation
avec le gouvernement de la personne du mineur.

SECTION I - LA PUISSANCE PATERNELLE

Définition : La puissance paternelle c'est :

- un droit de puissance : c'est presque un droit absolu


sur la personne d'autrui avec un pouvoir de contrainte
;
- un droit essentiellement paternel : même si on
reconnaît qu'elle appartient au père et à la mère, elle
est exercée en principe par le père en qualité de chef
de famille. (et même quand elle est exercée par la
mère, elle est toujours appelée comme telle).

En conséquence, la notion a évolué pour laisser place à


l'autorité parentale un ensemble de pouvoirs
conditionnés par des devoirs en vue d'une certaine
finalité (l'intérêt de l'enfant) et confiés aux deux parents
qui l'exercent de concert, en principe sur un pied
d'égalité (dyarchie).

74
Problèmes : - Attribution (§1)
- Conséquence (§2).

Parag. I - Attribution de la puissance paternelle

Dans ce pourcentage entre parents et enfants, il


faut déterminer les sujets actifs et les sujets passifs : les
enfants soumis à la puissance paternelle (A) et les
personnes qui exercent ou peuvent exercer la puissance
paternelle (B).

A - Enfants soumis à la puissance paternelle

Ce sont les enfants mineurs (1) non émancipés (2).

1°) Enfants mineurs

La puissance est un état temporaire : elle est liée au


besoin de protection de l'enfant ; elle cesse donc dès
que l'enfant arrive à maturité (!). L'âge de la majorité
est fixé à 21 ans révolus - Au-delà, l'enfant est libre de
toute puissance paternelle, il devient indépendant. De
même, elle prend fin en cas d'émancipation. (V. infra).

La puissance paternelle concerne les enfants et tous


les enfants légitimes naturels ou adoptifs. Il est donc
nécessairement pourvu au gouvernement de la personne
(Nit bou né war na am bâye).

75
2°) Enfants non émancipés (Art. 335-339)

L'émancipation est ne cessation anticipé de la


puissance paternelle art. 335 "le mineur est émancipé de
plein droit par le mariage.

Il peut être émancipé volontairement par le père, la


mère ou le conseil de famille s'il a atteint l'âge de 18
ans.

a) - Formes

 L'émancipation légale ou émancipation de plein


droit

Elle résulte du mariage du mineur. Fondement : la


puissance paternelle est incompatible avec l'autonomie
du couple. Etendue : les effets de l'émancipation
subsistent en cas de dissolution du mariage avant la
majorité de l'épouse émancipé.
Fondement : question de logique : expérience par le
mariage pas de situation de retour. Mais est-ce que le
divorce n'est pas ici le fait de l'inexpérience ?
Concernant les garçons (20 ans) et les filles -16 ans) V.
âge mariage.

 L'émancipation volontaire

Elle découle de la volonté du père, de la mère ou du


conseil de famille mais elle est judiciaire et relative à
l'intervention du juge des tutelles.

76
Elle est reçue par le juge des tutelles quand elle
émane des parents ou sous sa présidence qu'il s'agit
d'une délibération du conseil de famille.

Ainsi, le juge ne peut prononcer d'office


l'émancipation, ni à la requête du mineur.
b) - Les effets (Art. 339)

 Principe : . Le mineur émancipé est capable


comme un majeur de tous les actes de la vie
civile ;
. il cesse d'être sous l'autorité de ses père et
mère ;
. ceux-ci ne sont plus responsable es qualité du
dommage causé postérieurement à son émancipation.

 Entendue : Il doit néanmoins observer les mêmes


règles que s'il n'était point émancipé
- pour se marier (se donner en mariage) - se donner en
adoption.

Fondement : gravité de l'acte - Malgré l'émancipation, le


législateur est sceptique pour le régime matrimonial, "le
mineur qui a obtenu le consentement requis pour son
mariage est habile à lever l'option prévue par l'article
368 CF" (art. 370 CF) (V. CST art. 109).

B - Personnes exerçant la puissance paternelle

Plusieurs critères sont pris en compte : nature de la


filiation de l'enfant, père et mère vivant (s) ou décédé

77
(s), unis par un lien matrimonial ou pas, en état
d'exercer leurs droits ou pas.

Plan : enfants légitimes, naturels ou adoptifs. Mais :


déséquilibre surtout que les deux dernières catégories
sont réglementées suivant le modèle de l'enfant
légitime. Réfléchissons donc à partir de cette hypothèse
et attirons au moment opportun l'attention sur les deux
autres situations : mariage - divorce ou séparation de
corps - décès.

1°) Les situations normales

a) - Durant le mariage

Cette situation concerne - les enfants légitimes


(277)
- l'enfant naturel dont la filiation
est établie à la naissance à l'égard
des deux parents (281)
- l'enfant adoptif en cas d'adoption
par deux époux (art. 282).

Dans cette situation, la puissance paternelle


appartient conjointement au père et à la mère. Mais elle
est exercée par le père en qualité de chef de famille.

Mais l'exercice peut revenir à la mère dans des


situations particulières : art 277.

- déchéance totale ou partielle du père des droits ou de


certains droits de la puissance paternelle

78
- quand le père perd la qualité de chef de famille
(incapacité, absence, éloignement etc.)
- condamnation du père pour abandon de famille
- délégation de la puissance paternelle à la mère
- en cas d'enfant naturel dont la filiation à la naissance
n'est établie qu'à l'égard de la mère. Il y a transfert au
père en cas de reconnaissance ultérieure, si l'intérêt
de l'enfant exige. Art. 281.
-
b) - En cas de divorce ou de séparation
de corps

- divorce ou séparation de corps prononcé ou constaté


judiciairement : le tri statue sur la garde dans le sens
de l'intérêt de l'enfant : elle peut être confiée au père,
à la mère ou à une tierce personne (278)
- en cas de séparation de fait : le juge peut dans
l'intérêt et sur requête de la mère ou du Ministère
public, confier à la mère l'exercice de la puissance
paternelle (art. 277 in fine).

C - En cas de décès

Deux situations à distinguer :

- décès de l'un des parents : le conjoint suivant est


investi de la puissance paternelle. La veuve en est
chargée sauf si elle demande d'en être déchargée.
(garde, entretien, éducation). En cas de remariage de
la veuve, tout parent intéressé peut demander que le
juge refixe les conditions d'exercice, dans l'intérêt de
l'enfant. Le décès de celui investi de la garde à la suite

79
d'un divorce ou d'une séparation entraîne le transfert
au parent suivant qui n'en a pas été déchu. Mais de
l'intérêt de l'enfant, le juge peut la confier à toute
autre personne.
- Décès des deux parents : La puissance paternelle est
exercée par le tuteur (garde, éducation, soin du
mineur) comme pour l'enfant naturel dont la filiation
n'est établie à l'égard d'aucun de ses parents.
Requête : en cas de décès, les décisions qui engagent
l'avenir du mineur sont soumises à la délibération du
conseil de famille.

2°) Les situations particulières

Il s'agit de situations exceptionnelles que le


législateur a regroupées pour les soumettre au régime
de l'assistance éducative (art. 293 à 295 CF) : l'enfant
en danger (a) l'enfant abandonné (b) l'enfant trouvé (c).

a) - L'enfant en danger (293 CF)

L'enfant est considéré comme étant en danger


lorsque sa santé, sa sécurité, sa moralité ou son
éducation sont compromises. La situation peut résulter
des fautes du mineur ou de celles de ses parents. Dans
ce cas, l'enfant peut faire l'objet de mesures d'assistance
éducative au titre de l'enfance en danger (V. art. 593 à
607 du C. Pr. Pen.). Il existe toute une série de mesures
qui peuvent aller jusqu'à l'internement dans un
établissement de rééducation. Cependant les frais
d'entretien de l'enfant incombent à celui qui exerce la
puissance paternelle et les allocations sont versées

80
directement à la personne ou au service auxquels
l'enfant a été confié.

b) - L'enfant abandonné (294 CF)

C'est l'enfant dont les parents se sont


manifestement désintéressés de lui depuis plus d'un an.
Il peut ainsi être déclaré abandonné par le tribunal
régional du lieu du domicile ou de la résidence de
l'enfant.

La demande peut être présentée par la personne ou


l'œuvre qui a recueilli l'enfant, par un service social ou
par le ministère public. Requête : la demande de
nouvelles n'est pas une marque d'intérêt suffisante pour
motiver de plein droit le rejet d'une demande en
déclaration d'abandon.

Le jugement déclaratif de l'abandon délègue la


puissance paternelle à toute personne susceptible de
s'intéresser à l'enfant, à un service public spécialisé ou à
une œuvre d'adoption agréée.

c)- L'enfant trouvé (295 CF)

C'est la situation de l'enfant nouveau-né trouvé. Le


juge du tribunal départemental, une fois avisé de la
découverte, saisit le Président du tribunal pour enfants
qui statue sur les mesures de garde et de protection
conformément aux dispositions concernant l'enfant en
danger. (V. supra). Les parents responsables de

81
l'abandon pourraient être déchus de la puissance
paternelle. V. infra déchéance.

Parag. II - Les conséquences attachées à la


puissance paternelle

De l'attribution de la puissance paternelle découle


un certain nombre d'attributs (A) sous forme de droits
…… et d'obligations exercés sous le contrôle de l'autorité
publique à moins de déchéance (B).

A - Attributs de la puissance paternelle

Ces attributs sont de deux ordres : certains


touchent à la personne du mineur (1) d'autres sont
relatifs à son patrimoine : la puissance légale (2).

1°) Attributs relatifs à la personne de l'enfant


(3 sortes d'attributs)

a) - Les droits et devoirs de parents (283


CF)

Le père ou celui qui exerce la puissance paternelle est


chargée de la direction de l'enfant.

- il ne peut faire usage des droits de la puissance


paternelle que dans l'intérêt du mineur
- il est tenu d'entretenir l'enfant, de pourvoir à ses
besoins
- il est chargé de l'éducation de l'enfant c'est-à-dire
diriger l'enfant dans le développement de sa

82
personnalité (problème de l'éducation religieuse et
droit à la liberté de religion de l'enfant).

b) - La garde (284 CF)

C'est à la fois un droit et un devoir. C'est d'un côté,


le droit de retenir l'enfant chez soi (de fixer chez lui sa
résidence), de régler ses relations, de surveiller ses
actes, (V. liberté de correspondance) même après sa
mort (régler sa sépulture et faire respecter sa mémoire.

c)- La correction (285)

C'est un aspect du droit d'éducation. Celui qui


exerce la puissance paternelle peut infliger à l'enfant
réprimandes et corrections dans la mesure compatible
avec son âge et l'amendement de sa conduite. C'est le
droit d'infliger à l'enfant, en cas d'infraction à la
discipline familiale, les sanctions qu'approuve la
coutume.

2 - La jouissance légale ou les attributs


relatifs au patrimoine du mineur (286)

La jouissance légale est une sorte d'usufruit qui


appartient à celui qui exerce la puissance paternelle sur
les biens personnels de l'enfant jusqu'à 18 ans
accomplis. C'est comme si la puissance paternelle était
un droit lucratif.

83
La jouissance légale s'exerce sur l'ensemble des
biens, du patrimoine de l'enfant, c'est un usufruit à titre
universel. Cependant deux questions s'imposent :

- les revenus de ces biens sont exclusivement consacrés


à l'entretien et à l'éducation de l'enfant
- la jouissance légale ne s'étend pas aux biens
provenant d'un travail séparé de l'enfant, ni à ceux qui
lui seront donnés ou légués sous la condition expresse
d'exclusion d'une telle jouissance, ni aux biens
provenant d'une succession dont le père ou la mère
ont été exclus comme indignes (art. 286 in fine).

B - Déchéance de la puissance paternelle

La déchéance est prononcée à la suite de fautes


très graves commises par les titulaires de la puissance
paternelle. Elle peut être obligatoire (1) ou facultative
(2).

1°) La déchéance obligatoire

La déchéance de la puissance paternelle est


obligatoirement prononcée en cas de fautes pénales qui
ont abouti à la condamnation des auteurs. Les
condamnations prises en compte sont limitativement
énumérées (art. 296 CF). Il s'agit de :

- condamnation pour excitation de ses propres enfants


à la débauche
- double condamnation pour excitation de mineurs à la
débauche (V. la différence de traitement)

84
- condamnation pour crime ou pour délit passible de
plus de 5 ans commis sur la personne de son enfant
ou comme co-auteur ou complice de ces infractions
commises par lui
- double condamnation pour délit commis sur la
personne de son enfant.

La déchéance de la puissance paternelle peut être


prononcée sur les enfants même ceux à naître et peut
concerner le droit alimentaire à l'égard des enfants.

La déchéance résultant d'une condamnation pénale ne


peut cesser en principe que si le condamné a obtenu sa
réhabilitation ou bien 3 ans après un jugement définitif
prononçant la déchéance pour les contres cas.

2°) La déchéance facultative (297 CF)

La déchéance est facultative en cas de fautes civiles


spécifiques se rapportant à l'exercice même de la
puissance paternelle. C'est le cas des père et mère ou
autre, condamné ou non, qui compromettent gravement
par de soins ou manque de direction, la santé, la
sécurité ou la moralité du ou des enfants remis à leur
garde.

En prononçant la déchéance, le tribunal peut la


limiter à certains attributs de la puissance paternelle ou
à certains enfants.

Qu'elle soit obligatoire ou facultative, tout individu


déchu de tout ou partie des attributs de la puissance

85
paternelle est incapable d'être tuteur, subrogé tuteur, ou
membres d'un conseil de famille. (la déchéance 
transfert V. supra).

Conclusion : puissance paternelle et droits de l'enfant.

L'Etat intervient de plus en plus pour contrôler la


puissance paternelle, l'orienter, en diriger l'exercice.
L'histoire révèle des alliances face à ce problème :

. alliance puissance paternelle et pouvoir contre les


enfants
. alliance pouvoir et enfants : il séduit les enfants pour
saper l'autorité parentale
. alliance parents et enfants pour résister aux pouvoir.

(V. Carbonnier, p. 177. Kalterbach "La famille contre les


pouvoirs" 1985)

Qu'en est-il maintenant de la gestion du patrimoine du


mineur ?

SECTION II - L'ADMINISTRATION LEGALE

L'administration légale est rattachée à la puissance


paternelle et s'exerce en parallèle avec elle. Art. 300 :
"La personne qui exerce la puissance paternelle est
administrateur légal des biens du mineur non
émancipé". Trois questions se posent et ont trait aux
modalités de l'administration légale :

86
- quand s'ouvre et prend fin l'administration légale ? (§
1)
- comment est-elle organisée ? (§2)
- comment fonctionne-t-elle ? (§3).

Parag. I - Ouverture et fin de l'administration


légale

A - Ouverture de l'administration légale

L'administration légale s'ouvre par la conjonction de


deux circonstances :

- que le mineur ait des biens personnels exigeant d'être


administrés (sinon, elle n'est qu'un simple virtualité)
- qu'il ait au moins l'un de ses auteurs, père ou mère,
vivant et en état d'exercer la puissance paternelle.

L'administration légale est applicable aussi bien à


l'enfant légitime qu'à l'enfant naturel. Pour ce dernier,
il faut une reconnaissance volontaire ou une
possession d'état. En cas d'action en recherche de
paternité, pas d'intérêt  tutelle.

B - Fin de l'administration légale

L'administration légale prend fin par la majorité ou


l'émancipation de l'enfant (art. 304).

87
L'administration légale peut également être
couverte en tutelle : deux hypothèses :

- soit d'office, soit à la requête des parents ou alliés ou


du ministère public lorsque cette mesure est rendue
nécessaire par le comportement de l'administrateur
légal (anomalie dans la gestion, manque d'expérience,
entente pour hasarder les biens de mineur V. aff. …)
- en cas de remariage de la mère ou mariage de la
mère naturelle exerçant la puissance paternelle, sur
décision du juge des tutelles.

En cas de conversion, l'administrateur légal a les


fonctions du tuteur et ne peut être dispensé ou
déchargé de la tutelle (art. 304).

Parag. II - Organisation de l'administration


légale

Les organes de l'administration légale se concentrent


dans le couple voire unilatéralement dans le père ou la
mère. En cas de surveillance, on préfère celle du juge
des tutelles à celle des parents ou alliés, même proches.

A - L'administrateur légal

Trois situations sont à distinguer :

1 - L'administrateur légal, organe actif

88
Il représente le mineur dans tous les actes de la vie
civile qu'il ne peut ou ne doit effectuer lui-même
conformité aux dispositions de l'art. 274 CF.

2 - L'administration ad hoc (art. 301 al 2)

C'est la personne qui est nommée par le juge des


tutelles pour administrer les biens du mineur lorsque ses
intérêts sont en opposition avec ceux de l'administrateur
légal. C'est un organe épisodique ; il n'est compétent
que pour l'opération envisagée. Exp. Partage dans lequel
l'administrateur légal et le mineur sont impliqués.

3 - Le tiers administrateur

Le tiers administrateur intervient non pas de


manière épisodique mais à propos de biens déterminés.
Si des biens ont été donnés ou légués à un mineur sous
la condition expresse qu'ils ne seraient pas administrés
par l'administrateur légal, le tiers administrateur doit se
conformer aux mêmes règles.

B - Le juge des tutelles

C'est un organe essentiel dans l'administration


légale. L'administration légale est placée sous l'autorité
du juge des tutelles. Celui-ci exerce un pouvoir de

89
surveillance (compétence très directe à exercer) et un
pouvoir de contrôle (autorisation).

Parag. III - Fonctionnement de l'administration


légale

Deux séries d'actes : permis - intérêts

A - Les actes permis à l'administrateur légal

Certains actes peuvent être faits par l'administrateur


légal seul (1) d'autres nécessitent l'autorisation préalable
du juge des tutelles (2).

1°) Les actes peuvent être accomplis par


l'administrateur légal sans autorisation

Ce sont les actes d'administration, "celles qu'un


tuteur peut accomplir seul sans autorisation (art.302). V.
328 CF : l'administrateur légal est de droit le
représentant de l'incapable : il passe les actes, soutient
les procès en son nom. Il administre les biens en bon
père de famille.

L'administrateur légal est également habilité à


accomplir seul les actes qu'un tuteur ne peut accomplir
sans autorisation du juge ou du conseil de famille V. 329
c'est-à-dire la renonciation ou l'acceptation d'une
succession, la transaction etc.

2°) Les actes soumis à l'administration (302


CF)

90
Certains actes soumis à l'administration du juge des
tutelles - liste limitative

- vendre de gré à gré


- apport en société d'un immeuble ou d'un fonds de
commerce
- emprunt au nom du mineur
- renonciation pour lui à un droit
- consentir à un partage amiable (c'est-à-dire des actes
de disposition).

B - Les actes interdits à l'administrateur légal


(art. 302)

Ce sont les mêmes que ceux interdits au tuteur V.


art 330. Exp. Acheter les biens du mineur - accepter la
cession d'un droit contre le mineur..

Requête : prendre à bail d'un bien du mineur : 


autorisation du juge des tutelles.

L'administrateur légal est responsable des fautes de


gestion commises par lui en cas de préjudice causé au
mineur.

SECTION III - LA TUTELLE

91
Considérations générales sur l'ouverture et la fin.

Ouverture de la tutelle : art. 305 CF

La tutelle s'ouvre :

1°) pour les enfants légitimes, si le père et la mère sont


tous deux décédés ou se trouvent dans l'un des cas
prévus par l'art. 277 al. 3.

En réalité, la deuxième situation ne concerne que


les cas où la mère exerce la puissance paternelle. Le
juge du tribunal départemental peut la lui enlever et
placer l'enfant en tutelle.

2°) pour les enfants naturels, si la filiation n'est établie à


l'égard d'aucun de leurs parents

3°) Pour tous les enfants si l'administration légale a été


convertie en tutelle.

Fin de la tutelle : causes :


Majorité - émancipation - décès du mineur.

Deux questions : organisation et fonctionnement

Parag. I - Organisation de la tutelle

Les charges tutélaires sont assurées par des


organes déterminés par la loi. Avant d'examiner ces
divers organes (B), il convient d'envisager les règles
communes aux charges tutélaires (A).

92
A - Règles communes aux charges tutélaires (319
/ 323 CF°

Ces règles sont au nombre de trois et concernent


les caractères (1), les interdictions d'exercice (2) et la
dispense (3) de la charge des fonctions tutélaires.

1°) Les caractères de la charge tutélaire

La charge tutélaire est publique, gratuite et


personnelle.

a) - Le caractère public

Il y a dans la tutelle des aspects de droit public.


D'un côté, la tutelle est une charge publique et les
fonctions tutélaires sont organisées par l'Etat en vue de
la protection de l'enfant. Ces fonctions peuvent être
imposées comme une réquisition des services personnels
dans un intérêt public. Et en défaut des personnes
pouvant exercer ces fonctions ; l'Etat a le devoir de les
exercer lui-même (V. art. 323 tutelle vacante). D'un
autre côté, on peut parler de nos jours d'un service
public de la tutelle, un service public judiciaire avec ses
organes et ses règles de fonctionnement (V. infra).

b) - Le caractère gratuit

La gratuité est une conséquence du caractère public


de la charge tutélaire. L'exercice de l'une ou l'autre de

93
ces fonctions tutélaires ne peut donner lieu à aucune
rémunération pour quelque motif que ce soit. Texte à
portée générale (art. 319 al. 2 CF).

c)- Le caractère personnel

Les différentes charges peuvent être exercées sans


discrimination par les personnes de l'un ou l'autre sexe.

Ces charges sont personnelles et ne se transmettent


pas aux héritiers. Cependant, les héritiers du tuteur sont
responsables de la gestion de leur auteur et s'ils sont
majeurs doivent la continuer jusqu'à nomination d'un
nouveau tuteur (art. 320 in fine).

Lorsque la charge tutélaire est assurée par un


conjoint, l'autre n'a pas le droit d'y participer. En cas
d'immixtion dans la gestion du patrimoine pupillaire, il
est responsable solidairement avec le tuteur, de la
gestion postérieure à son immixtion.

2°) Les interdictions d'exercice de fonctions


tutélaires

Certaines situations entraînent d'office l'inéligibilité


aux charges titulaires (a) d'autres peuvent entraîner
l'exclusion ou la destitution (b).

a) - Les interdictions d'exercice (art.


321)

Trois situations peuvent être distinguées :

94
- la première est prise du droit des incapacités : sont
ainsi interdits d'exercice de la tutelle les majeurs
incapables puisqu'ils sont soumis à la tutelle ou à la
curatelle ; de même que les mineurs à moins qu'ils ne
soient père ou mère.
- La seconde concerne les personnes déchues de la
puissance paternelle.
- La troisième est tirée du droit pénal : il s'agit des
personnes condamnées à des peines afflictives ou
infamante ou frappées d'une interdiction d'exercice
d'une charge tutélaire à titre de peine complémentaire
(art. 34 C. Pen.).

b) - L'exclusion ou la destitution d'une


charge tutélaire

L'exclusion ou la destitution sont prononcées contre


les personnes d'une inconduite ou en cas de
constatation de leur négligence, impossibilité ou
inaptitude. L'exclusion est facultative. Elle est prononcée
par le juge des tutelles lorsqu'elle concerne un membre
du conseil de famille et par le conseil de famille quand
elle concerne le tuteur.

3 - La dispense de la charge des fonctions


tutélaires

La dispense peut intervenir avant l'attribution ou au


cours de l'exercice des charges tutélaires. Dans le
second cas, il s'agit d'une décharge.

95
Les causes de dispense ou décharge sont les
suivantes : impossibilité d'exercer de manière
satisfaisante en raison de l'âge, de la maladie,
éloignement, occupation exceptionnellement
absorbante, tutelle antérieure déjà lourde (art 322 al.
1er).

La dispense et la décharge concernent toutes les


fonctions tutélaires. Pour le tuteur, la décision est prise
par le conseil de famille et pour les membres de celui-ci
par le juge des tutelles. Il faut cependant …… que
lorsque celui qui est désigné aux charges tutélaires n'est
ni parent ni allié du père ou de la mère du mineur, il ne
peut être forcé d'accepter la tutelle (art. 322 al 3 CF).

B - Les organes de la tutelle

Les organes sont de nature différente, certains sont


familiaux (1) tandis que les autres sont étatiques (2).

1°) Les organes familiaux

A la différence de l'administration légale qui repose


sur le couple, la tutelle fait appel à la famille étendue :
parents et alliés des côtés paternel et maternel. Les
organes peuvent intervenir à titre individuel (a) ou sous
une forme collégiale (b).

a) - Les organes-individus

96
Deux organes sont essentiels : le tuteur et le
subrogé tuteur, d'autres sont exceptionnels ; c'est la
pluralité de tuteurs.

 Le tuteur (art. 309 - 310)

D'une façon générale, deux formes de dévolution de


la charge tutélaire sont connues : la tutelle
testamentaire et la tutelle dative.

La tutelle testamentaire : C'est l'hypothèse dans laquelle


le tuteur est choisi par testament. Ce droit de choisir
appartient au dernier mourant des père et mère à la
condition qu'il ait conservé au jour de sa mort l'exercice
de l'administration légale. Le tuteur désigné peut être
parent ou non ; il n'est pas tenu d'accepter la tutelle.

La tutelle dative : C'est celle qui est donnée au mineur


par le conseil de famille en cas d'absence de tuteur
testamentaire, de refus de celui-ci ou de cessation de
ses fonctions. Il est désigné pour la durée de la tutelle
sauf décision contraire (V. supra)

 Le subrogé tuteur (art. 318)

Il est indispensable dans toute tutelle. Il joue un


rôle important. Le subrogé tuteur est toujours actif : il
est nommé par le conseil de famille, parmi ses
membres, de préférence dans une autre ligne que le
tuteur lui-même. Il joue un double rôle :

97
- il surveille le tuteur et est responsable de sa
surveillance. En cas de constatation de fautes dans la
gestion du tuteur, il en informe immédiatement le
juge des tutelles.
- Il supplée le tuteur lorsque ses intérêts sont en
opposition avec ceux du mineur.

Cependant, il ne remplace le tuteur en cas de décès,


d'incapacité ou d'abandon de la tutelle ; son rôle se
limite à provoquer la nomination d'un nouveau tuteur.

 Tuteurs pluraux

C'est une situation prévue comme exception au


principe de l'unité de la tutelle. En cas de consistance du
patrimoine à administrer ou de la dispersion des biens,
le conseil de famille peut désigner un tuteur principal et
un tuteur adjoint chargé de la gestion de certains biens.

Parfois, la tutelle peut être divisée entre un tuteur à la


personne qui se chargera de l'éducation du mineur
(tuteur honoraire) et un tuteur aux biens chargé de la
gestion du patrimoine (tuteur onéraire).

b) - L'organe collégial : le conseil de


famille (311 - 316)

Deux questions seront examinées : la composition


et les délibérations du conseil.

 La composition du conseil de famille

98
Le conseil de famille est composé de quatre
membres :

- le tuteur et le juge des tutelles ne sont pas comptés


parmi ces quatre membres mais le subrogé tuteur
l'est.
- les membres du conseil sont désignés par le juge.
- Le juge les choisit parmi les parents ou alliés du père
ou de la mère.

Il évite de laisser une des lignes sans représentation.


Et il tient compte de l'intérêt ces personnes à celui
pouvant s'intéresser à l'enfant (art. 311 CF). Les
membres du conseil sont désignés pour la durée de la
tutelle ; le conseil est un organe permanent. Le juge les
remplace si des changements surviennent dans leur
situation.

 Les délibérations du conseil de famille

Le conseil peut être convoqué par le juge des


tutelles, le tuteur, le subrogé tuteur, le mineur âgé de
18 ans révolus ou par deux de ses membres. Le conseil
est présidé par le juge des tutelles et ne délibère que si
la moitié des membres sont présents. Si le quorum n'est
pas atteint, la séance est ajournée ; en cas d'urgence, le
juge prend lui-même la décision. Le tuteur assiste à la
séance mais ne vote pas. En cas de suppléance, la règle
s'applique au subrogé tuteur (314).

Les séances du conseil ne sont pas publiques. Les


délibérations sont motivées et exécutoires par elles-

99
mêmes (316). Les délibérations peuvent être annulées
pour dol, fraude ou omission d'une formalité
substantielle (art. 315).

2°) Les organes étatiques

C'est le juge du tribunal départemental et en cas de


recours le tribunal régional. Les facteurs du juge des
tutelles sont exercées par le juge du tribunal
départemental du lieu du domicile du mineur. En cas de
changement de domicile, le dossier est transmis au juge
compétent par le 1er juge une fois informé par le tuteur.

Le juge des tutelles a un pouvoir de haute direction


et de surveillance générale sur les tutelles et les
administrations légales de son ressort. Il peut convoquer
les personnes en charge pour information,
éclaircissement et leur adresser des observations et des
injonctions et prononcer des sanctions (amende de 1000
à 5000) en cas d'inobservation des injonctions.

Les audiences du juge des tutelles ne sont pas


publiques. En cas de recours, le dossier est instruit au
greffe du tribunal départemental qui transmet au
tribunal régional. Celui-ci statue et renvoie le dossier au
tribunal départemental.

Parag. II - Fonctionnement de la tutelle

Dans le cadre du fonctionnement de la tutelle et par


souci de prévention et de sauvegarde des biens du
mineur, la loi impose un certain nombre d'opérations à

100
accomplir lors de l'ouverture de la tutelle (A) et fixe le
rôle respectif des organes de la gestion tutélaire (B).

A - Opération contemporaines de l'ouverture de la


tutelle (324 et s)

L'ensemble de ces opérations tourne autour de la


formalité de l'inventaire. En effet, il doit être procédé à
l'inventaire de tous les biens meubles et immeubles du
mineur et de l'intégralité de ses créances lors de
l'ouverture de la tutelle. Cet inventaire doit être fait par
les soins du tuteur dans les délais, le subrogé tuteur y
procède sur décision du juge des tutelles. Le tuteur se
doit, s'il est créancier du mineur, de le mentionner dans
l'inventaire. A défaut, il est déchu de ses droits.

L'inventaire est déposé par le tuteur et le subrogé


tuteur au greffe du tribunal départemental et copie leur
en est délivrée sans frais et sans délai.

En cas de violation de ces règles, deux sanctions


sont prévues : d'une part, la responsabilité solidaire du
tuteur et du subrogé tuteur est engagée pour toutes les
condamnations prononcées au profit du pupille. D'autre
part, le défaut d'inventaire dans les délais autorisé le
pupille à faire la preuve par tous moyens de la
consistance et de la valeur de ses biens, ou par
commune renommée.

Par ailleurs, au vue de l'inventaire, le juge de tutelle


fixe la somme dont il pourra être disposé annuellement
pour l'entretien et l'éducation du pupille, à l'exclusion de

101
toute rémunération pour ses peines et soins. Si la
somme prévue dépasse 100 000 F, elle est fixée par le
conseil de famille. Celui-ci fixe la somme à partir de
laquelle commence pour le tuteur l'obligation de faire
emploi des cas liquides du mineur ainsi que l'excédent
de ses revenus (V. 327 CF).

B - Rôle des organes de la


gestion titulaire

1°) Le régime des actes

a) - Les actes permis au tuteur

Différence entre les actes du tuteur agissant seul et


les actes soumis à autorisation.
- les actes du tuteur agissant seul (928)

- Les actes soumis à autorisation (329)

b) - Les actes interdits (370)

2°) Les comptes (332 et


s)

102
CHAPITRE II - LES MAJEURS
INCAPABLES

Art. 340 CF "à 21 ans accomplis, les personne de


l'un ou l'autre sexe sont majeures et capables de tous
les actes de la vie civile".

La capacité des majeurs est donc érigée en principe


par le législateur. Ce principe est basé sur une
présomption d'aptitude à participer au commerce
juridique des personnes majeures. Elles ont la clé de
tous les trésors juridiques.

C'est la consécration de la philosophie volontariste :


avec l'âge, ou présume que la personne est
expérimentée, saine d'esprit et donc à même d'exprimer
correctement sa volonté c'est-à-dire de manière libre et
éclairée.

Cependant, il ne s'agit que d'un principe. Certains


majeurs, à l'instar des mineurs, méritent protection,
parce qu'ils ne peuvent pas exprimer valablement leur
consentement du fait d'un trouble mental (art. 341) ou
de l'altération de leurs facultés mentales.

La loi organise plusieurs régimes de protection à


savoir la protection judiciaire (Sect. I) ; la tutelle (Sect.
II) ; La curatelle (Sect. III).

Mais nous allons envisager dans une section


préliminaire les règles générales concernant les majeurs
incapables.

103
SECTION PRELIMINAIRE : REGLES GENERALES

Ces règles concernent les causes de l'incapacité des


majeurs, la règle de l'indépendance respective de régime
de protection de la personne et des biens, les biens
soumis à un régime particulier.

Parag. I - Les causes de l'incapacité

Deux situations sont à distinguer :

A - La démence (ou la folie)

La démence est victime d'un trouble mental,


psychique, il n'est pas sain d'esprit. Juridiquement, il ne
peut exprimer un consentement viable ; on estime qu'il
n'a pas de consentement. D'où la nécessité de le
protéger.

Le régime de protection outre les règles qui seront


étudiées ultérieurement, présente une spécificité par
rapport à l'action en nullité d'un acte passé par un
dément. La situation diffère selon que l'action est
intentée de son vivant ou après sa mort :

- de son vivant : L'action ne peut être intentée que par


le dément ou par son tuteur ou curateur, s'il en a un
(Prescription 2 ans).
- Après sa mort : La démence est retenue d'office pour
les donations entre vif et testament et pour les autres

104
actes, elle ne peut être invoquée que dans trois cas :
art. 341

1-L'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble


mental ;
2-L'action a été fait dans un temps où la personne
était placée sous la protection de la justice, ou dans
le délai de trois années précédant ou suivant un tel
placement ;
3-Une action avait été introduite avant le décès aux
fins d'ouvrir la tutelle ou la curatelle.

B - L'altération des facultés mentales (342)

Deux cas sont à distinguer :

- L'altération directe (al.1) : C'est la situation quand les


facultés mentales sont durablement altérées du fait de
la maladie, d'une infinité, ou un affaiblissement dû à
l'âge.
- L'altération indirecte (al.2) : C'est en cas d'altération
des facultés corporelles susceptible de faire obstacle à
l'expression de la volonté.

Dans les deux cas, l'altération doit être constatée par


le juge après expertise médicale.

Parag. II - L'indépendance des régimes de


protection de la personne et des biens
(art. 343)

105
C'est un principe qui veut la protection de la
personne soit séparée de la protection des biens.
Logique - bon sens : intervention de spécialiste choix
entre l'hospitalisation et les soins à domicile - gestion du
patrimoine. Différence intérêts civiles et traitement
médical.

Cependant, pour organiser la protection des intérêts


civils, il faut généralement une expertise médicale. Mais
le régime applicable aux intérêts civils est indépendant
du traitement médical. Nous étudions la protection des
intérêts civils.

Parag. III - Biens soumis à un régime particulier


de protection

Il concerne le logement et les meubles meublants


de la personne protégée V. le régime applicable, il faut
les conserver à sa disposition (art. 344 al 1) sauf
nécessité (art. 344 al 2).

SECTION I - LE REGIME DE LA PROTECTION


JUDICIAIRE
(345 et s)

C'est un régime qui concerne les aliénés mentaux,


les déments. Ils sont placés pour l'administration de
leurs biens sous la protection de la justice.

Le seul fait de placer un majeur sous protection de


la justice fait présumer l'absence de consentement du

106
majeur dément agissant seul. Prescription simple. Il faut
cependant distinguer selon que le majeur est interné ou
soigné à domicile, dans certains cas, les règles de
protection sont différentes, dans d'autres elles sont les
mêmes.

Parag. I - Les règles spécifiques

Elles concernent les organes de protection.

A - Le curateur d'office (346)

C'est l'organe de protection en cas d'internement du


majeur. Le curateur d'office administre les biens
conformes aux dispositions du Code Procédure Civile.
C'est le receveur de l'enregistrement dans le ressort du
tribunal régional. Il doit faire usage de ses pouvoirs pour
adoucir le sort du malade et accéder sa guérison.

Il est informé par le directeur de l'Etablissement. Il


établit un inventaire des biens et informe le juge des
tutelles. Il rend compote de sa gestion : ses supérieurs
et son rapport est transmis au ministère public.

B - Le mandataire (347)

C'est l'organe de protection du malade soigné à


domicile . C'est un mandataire désigné par le juge des
tutelles et chargé d'administrer les biens de l'incapable.

107
Le juge fixe sa rémunération compte tenu des diligences
du mandataire et des biens de l'incapable.

Parag. II - Les règles communes

A - La gestion de fait (348)

- Responsabilité personnelle.
- Solidarité avec …

B - Fin du régime de protection (349)


- retour à la santé
- constat du juge
- expertise médicale
- ouverture tutelle ou curatelle.
-

SECTION II - MAJEURS EN TUTELLE

Parag. I - Ouverture de la tutelle (350)

A - Le titulaire de l'administration
- la demande
- l'avis + rôle du juge

B - La procédure : citer les étapes V. 352 in fine


Administration provisoire en qualité ……..

Parag. II - Organisation de la tutelle

A - Règles de la tutelle (353)

108
B - Règles de l'administration légale (354 - Rq.
Art. 355)

Parag. III - Fonctionnement de la tutelle

Les règles de fonctionnement de la tutelle sur les


majeurs incapables sont trait à l'utilisation qui doit être
faite de leurs revenus (A) et à la sanction de
l'inobservation des règles de protection (B).

A - Utilisation de revenus du majeur incapable


(356 et s)

La réglementation de l'utilisation que le tuteur doit


faire des revenus du majeur incapable est fondée sur le
critère de la finalité. En effet, le législateur a mis l'accent
sur la nécessité d'utiliser ses revenus à des fins
sanitaires. A défaut de pouvoir réglementer de manière
intégrale l'utilisation de ses revenus, la loi exige qu'ils
soient employés à titre principale à adoucir le sort du
malade et à accélérer sa guérison. La guérison et
l'amélioration du sort du malade n'étant pas du ressort
du tuteur, on peut dire que celui-ci est tenu à une
obligation de moyens : il doit faire de son mieux pour
améliorer l'état de santé du malade au plan matériel,
psychologique et ce en utilisant les biens de l'incapable.

B - Sanction de l'inobservation des règles de


protection

109
La sanction retenue en cas de violation des règles
de protection du majeur incapable est la nullité. Elle
sanctionne les actes posés par le majeur incapable et
varie en intensité selon le moment de leur conclusion
par rapport à la mesure adoptée par le juge. Ils sont
nuls de plein droit lorsqu'ils sont remplis
postérieurement à la décision du juge. Mais lorsqu'ils
sont accomplis antérieurement au jugement, ils ne sont
annulés que lorsque la cause qui a déterminé l'adoption
de la mesure existait notoirement à l'époque où ils ont
été faits (art. 357 al. 1 et 2).

Cette nullité est une nullité relative parce que de


protection. IL en résulte que l'acte peut faire l'obligation
d'une confirmation expresse de la part du malade après
sa guérison ou de ses ayants cause après son décès.
Quant à l'administration en nullité, elle peut être
intentée par le dément ou ses héritiers, son tuteur, on
administrateur légal ou son mandataire judiciaire.

SECTION III - MAJEURS EN CURATELLE

C'est un régime de conseil et de contrôle et non de


représentation.

Parag. I - Cas d'ouverture de la curatelle

A - Le cas d'altération des facultés mentales

1°) Altération directe et indirecte

110
Mais : sans être hors d'état d'agir lui-même ; il a
besoin d'être conseillé ou contrôlé dans les actes de la
vie civile.

2°) Prodigalité et oisiveté (365)

En raison de a prodigalité, l'intempérance ou de


l'oisiveté, risque de tomber dans le besoin ou
compromet l'exécution d'obligations familiales.

B - Renvoi aux règles de la tutelle

- La curatelle s'ouvre et prend fin de la même manière


que la tutelle des majeurs.
- Il n'y a qu'un seul organe, c'est le curateur. (unité
organique) .
- Application des règles de la tutelle concernant :
- Le caractère gratuit et public, et personnel
- Les interdictions d'exercice, dispense et décharge.

Parag. - II - Le régime de la curatelle

A - Les actes soumis à l'assistance du curateur

- L'assistance est nécessaire pour tous les actes prévus


à l'article 329 : V. la liste plus recevoir des cas ou en
faire emploi.
- En cas de refus du curateur, la personne en curatelle
peut demander une autorisation supplétive au juge
des tutelles.
- Le curateur perçoit le revenu des créances du majeur
incapable et les lui verse dans les trois mois ou plus

111
tard. A défaut, des intérêts moratoires. Il rend compte
au juge des tutelles (art. 361).

B - Régime de protection (deux sanctions)

1°) L'annulation est prévue en cas d'agissement


seul du majeure incapable l'annulation est demandée
par le majeur ou le curateur.

2°) Réduction en cas d'excès (art. 364)

- C'est pour les actes où l'assistance n'est pas prévue.


Possibilité de réduction en cas d'excès.
- Titulaire de l'action V. art. 351 : de son vivant / après
sa mort.
- Critères d'appréciation du tribunal :
- fortune de la personne protégée
- bonne ou mauvaise foi de ceux qui ont traité avec
elle
- utilité ou non de l'opération.

112
DEUXIEME
PARTIE

DROIT DE LA
FAMILLE
----------o----------

113
En étudiant l'état civil, nous avions dit dans son
sens précis, il signifiait "la situation de famille telle
qu'elle résulte du mariage et de la filiation". Vue sous cet
angle, la famille constitue un aspect de l'état des
personnes.

Qu'est-ce que la famille ? La famille est une


conception polysémique qui a intéressé et intéresse
toujours plusieurs disciplines.

Tantôt présentée par les démographes comme un


fait de population, tantôt par les sociologues comme un
phénomène de mœurs. Pour ces derniers, la famille est
un groupe élémentaire formé d'individus que relie entre
eux un fait d'ordre biologique : union des sexes,
procréation.

Juridiquement, c'est l'ensemble des personnes unies


par le mariage, ou par la filiation, ou par la parenté et
l'alliance elles-mêmes résultant du mariage et de la
filiation". Elle se présente par conséquence comme un
groupement de personnes mais elle n'est pas dotée dans
la personnalité juridique. Mais elle fonctionne à certains
égards comme si elle était une personne morale (elle est
dirigée par un chef de famille, elle a un nom porté par
les enfants, utilisé par l'épouse, régime matrimonial …..,
notion d'intérêt du ménage, représentant de la famille
en matière de fiançailles etc.) Mais le plan du mari, chef
de famille y est telle que la famille apparaît de facto
comme une émanation de sa gestion. (V. Carbonnier, p.
7 - T II. La famille - Les incapacités).

114
La famille a évolué avec le temps et a changé de
fonctions, la société et l'Etat particulièrement a tendance
à se changer de fonction qu'assurait jadis la famille :
l'éducation, l'enseignement, le secours dans la maladie
ou la vieillesse. Ce changement de fonctions est allé de
pair si il n'est pas tout simplement provoqué par le
changement de structure de la famille durant son
évolution. On parle du rétrécissement ou resserrement
de la famille durant son évolution. On parle du
rétrécissement ou resserrement de la famille, un
passage donc de la famille large (qu'englobe toutes les
personnes descendant d'un auteur commun, unies par
les liens de sang jusqu'aux limites reconnaissables à la
famille au sens étroit. En d'autres termes, on est passé
de la famille étendue et patriarcale (autoritaire) à la
famille nucléaire, conjugale, à deux têtes donc libérale et
égalitaire et aujourd'hui encore de la famille nucléaire à
la famille segmentaire, simple relation interindividuelle
entre la mère ou le père et l'enfant (divorce ou filiation
naturelle).

Dans les faits, on note d'un côté un code de toutes


ces figures familiales dans la société et de l'autre leur
prise en compte à des degrés divers par le droit plus de
la famille. Aujourd'hui, la politique de famille est
fortement influencée par la politique de population (DPP
1988 et droit international des droits de l'homme.

A chaque étape de son évolution, le législateur ne


peut pas ne pas ….. à la famille et élaborer une politique
de famille. Au Sénégal les grandes lignes sont posées

115
par la constitution (art. 14 : "le mariage et la famille
constituent la base naturelle et morale de la
communauté humaine. Ils sont placés sous la protection
de l'Etat. L'Etat et les collectivités publiques ont le devoir
social de veiller à la santé physique et morale de la
famille.

En tenant compte de la définition juridique de la


famille, de son évolution et des implications de la
politique de population en matière de santé générique,
on peut assurer que la famille apparaît "comme un cadre
de droit (mariage, filiation légitime, adoption) ou de fait
(filiation …..) d'exercice du droit à la ….. et de gestion
des conséquences de l'exercice de ce droit". En tant que
tel, elle est considérée comme un cadre pertinent de
l'action des pouvoirs publics (Etat, collectivités locales)
en vue de sa finalité qui est le bien être familial,
l'épanouissement de l'être humain, lequel va se traduire
au plan juridique par des besoins à satisfaire au double
plan matériel et moral.

Cette politique allait se concrétiser dans un code


unifié à la famille : le code de la famille de 1972 dont la
problématique de fond a été déjà présentée : recherche
d'équilibre entre - tradition et modernité
- religion et …..
- coutume et droit civil
- droit … et droit international etc.

C'est à la lumière de cette problématique et de la


politique de famille du Sénégal que nous envisageons

116
l'étude du mariage et de la filiation dans deux titres
successifs.

TITRE I - LE MARIAGE

Le mariage constitue l'un des coutumes les plus


vieilles de l'humanité. Il requiert à une nécessité
physique et morale, de l'espèce humaine c'est-à-dire à la
procréation et à l'éducation des enfants en vue de la

117
pérennisation de l'espèce humaine. C'est également une
manière de …… la nature de mortel chez l'individu qui
redresse une descendance. C'est de nécessairement un
fait durable, et sérieux qui ne saurait se limiter à une
conjonction sexuelle et à une génération épisodique ou
même durable comme c'est le cas du concubinage.

Après avoir été pendant longtemps une association


de plusieurs familles à finalité patrimoniale, le mariage
tend à devenir une union des sexes, des cœurs entre un
homme et une femme dans le cadre de la légalité. Il en
résulte une légalisation et une légitimation des rapports
sexuels et de tout ce qu'ils peuvent engendrer
"l'institutionnalisation de l'amour". …… Un fait d'une telle
importance pour les sociétés, ne peut être l'apanage des
simples particuliers ; l'Etat est nécessairement impliqué.
Par le mariage, il se crée un lien entre les mariés ; c'est
le lien matrimonial.

Il nous faut d'abord savoir comment s'établit ce lien


matrimonial (Chap I). Le lien matrimonial, une foi établi
met les personnes mariées dans un certain état et leur
impose une certaine organisation de leurs rapports tant
personnels que pécuniaires (Chap. II). Ce lien, même s'il
a été noué pour durer, peut être dissous dans certaines
situations et pour des causes que le législateur a
organisées. (Chap. III). Egalement, il peut connaître des
crises qui ne conduisent pas à sa dissolution mais tout
simplement à son relâchement (Chap. IV) (V. art. 100
CF).

118
Vu l'importance et la gravité du lien matrimonial, le
législateur prévoit la possibilité d'un apprentissage,
d'une période préparatoire au mariage les fiançailles
(Chap. préliminaire).

CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES FIANCAILLES

Comme le chapitre, les fiançailles constituent un


préliminaire au mariage. Mais deux principes gouvernent
cette phase préparatoire au mariage : d'une part, les
fiançailles ne sont pas obligatoires : il en découle qu'on
peut contracter valablement mariage sans célébrer au
préalable des fiançailles ; d'autre part, les fiançailles
n'obligent pas les fiancés à se marier.

C'est donc un apprentissage qui peut se révéler


concluant ou pas. Pour faire cet apprentissage, il faut
établir une convention, c'est la convention de fiançailles
(Sect. I). Et lorsque l'apprentissage ne s'avère pas
concluant, on peut rompre les fiançailles (Sect. II).

SECTION I - LA CONVENTION DE FIANCAILLES

Art. 101 CF : "Les fiançailles sont une convention


solennelle par laquelle un homme et une femme se

119
promettent mutuellement le mariage". Les fiançailles
sont donc analysées comme un contrat de promesse
synallagmatique de mariage. Il a cependant des aspects
institutionnels comme le mariage d'ailleurs en raison de
son importance au plan social, d'où l'organisation de
beaucoup de ses aspects par l'Etat. Deux questions :
conditions (§I) et effets de la convention (§II).

Parag. I - Les conditions de la convention de


fiançailles

A - Les conditions de fond

Trois séries de conditions peuvent être identifiées :

1°) Les conditions de fond du mariage

Comme dans la vie générale des obligations, les


contrats de promesse obéissent aux conditions de
validité des contrats projetés. Seulement ici, on ne peut
pas prendre en compte toutes les conditions à
l'aveuglette. On respecte cependant toutes les
conditions liées aux impératifs biologique (différence de
sexe), sociologiques (interdiction) psychologiques (le
consentement). C'est une exigence logique puisqu'on ne
peut promettre de conclure au contrat impossible ou
pour lequel on est incapable.

Deux précisions sont à apporter :

- pour le consentement, chaque fiancé doit donner


librement son consentement, indépendant du

120
consentement des parents nécessaire pour les
mineurs.
- L'âge requis pour les fiançailles est inférieur d'un an à
celui prévu pour pouvoir contracter mariage. Son
fondement découle de la deuxième condition.

2°) La durée des fiançailles

Elle ne peut excéder un an. Elle peut donc lui être


inférieure. Le législateur estime cette durée suffisante
pour se préparer au mariage. Au delà, cela risque
d'engendrer des problèmes (l'apprentissage cède la
place à l'expérience et au manque de sérieux).

3°) Le don manuel

C'est symboliquement une sorte de dot. Il est


facultatif. Il est versé par le fiancé à sa fiancée ou à la
famille de celle-ci conformément à l'usage. (et la
femme).

La loi a fixé le maximum de ce don à 5000 F V. loi


24 février 1967 sur la répression des dépenses
excessives comme l'occasion des cérémonies familiales.
En cas de violation, des sanctions pénales sont prévues :
amende de 20 000à 100 000 F et en cas de récidive,
prison à 6 mois. La sanction touche celui qui donne ou
celui qui sollicite ou accepte.

B - Conditions de forme

1°) Le caractère solennel des fiançailles

121
C'est une convention solennelle. On n'exige pas
l'écrit mais il faut une certaine solennité pour célébrer
les fiançailles. Art. 104. Il faut la présence :

- de deux témoins au moins pour chaque fiancé


- d'un représentant de chaque famille.

Ce n'est donc pas une affaire individuelle.

2°) La preuve des fiançailles

Les fiançailles sont certes une convention


solennelle. Mais puisque l'écrit n'est pas exigé pour sa
validité, la preuve est libre.

Le législateur a prévu expressément la preuve


testimoniale puisqu'elle est en la circonstance la plus
appropriée en cas de contestation. Mais la jurisprudence
sénégalaise avait même ordonné une enquête pour
apporter la preuve des fiançailles. (CA Dakar, 31 janvier
1969 et 7 juillet 1972, Aserj. 1973, n° 3, p. 71.)

Parag. II - Effets de la convention de fiançailles

A - Les effets extrapatrimoniaux

1°) Les effets entre les fiancés

C'est le droit de visite. Le législateur dispose que les


fiancés peuvent se rendre visite réciproquement
conformément aux usages. Que faut il entendre par là ?

122
C'est quoi les usages en matière de visite : les heures,
les jours etc. En tout état de cause, cela se limite à des
visites et rien qu'à des visites.

2°) Les effets à l'égard des tiers

C'est l'obligation de réserve. Ils doivent se conduire


de manière réservée à l'égard des tiers. Laissé à
l'appréciation des juges du fondement. Exp. Ne pas se
comporter comme si on n'avait pas promis de se marier
comment l'apprécier pour les hommes et les femmes ?
(Art. 324 (Pen. Sur l'adultère). Toutefois, pour les maris
polygames, les usages tolérés par la coutume ne
sauraient constituer en ……. L'adultère.

B - Effets patrimoniaux

Il n'y a eu pas. C'est une conséquence négative


cependant est prévue par la loi : pas d'obligation
alimentaire entre les fiancés, ou vis-à-vis de leurs
familles respectives (art. 106 CF).

SECTION II - LA RUPTURE DES FIANCAILLES

Le législateur a prévu la possibilité de rupture et a


en ce fait un droit réglementé (§ I) qui peut donc
conduire à des sanctions lorsque certaines conditions ne
sont pas respectées (§II).

Parag. I - Le droit de rupture

123
Le droit de rupture est un droit unilatéral (A) qui
doit s'exercer de manière légitime (B).

A - Un droit de rupture unilatérale

Différemment à la vie des obligations ou toute


rupture unilatérale est exclue en matière contractuelle
sauf avec le versement de dommages-intérêts, le
législateur prévoit le droit de rupture unilatérale des
fiançailles.

Requête : Lorsque un des fiancés est mineur, une


certaine solennité est exigée lors de la rupture : son
consentement à la rupture doit être exprimé en
présence des témoins et des représentants des deux
familles : parallèlement des formes. -Art. 107).

B - Un droit de rupture pour motifs légitimes

Des motifs sont considérés par le législateur comme


légitimes : art. 105 in fine

- lorsque la durée excède une année


- en cas de violation de l'obligation de réserve
- en cas de violation de l'exercice du droit de visite.

En dehors de ces cas, d'autres motifs peuvent être


invoqués et doivent être prouvés.

En cas de motifs illégitimes, la rupture est


sanctionnée.

124
Parag. II - Sanctions en cas de rupture pour
motifs illégitimes

Le législateur n'a pas prévu des motifs illégitimes


mais seulement les sanctions qui sont au nombre de
deux :

A - Les sanctions en ……

- La restitution du cadeau par la fiancée quand la


rupture lui est imputable. Dans le cas contraire pas de
restitution;
- Possibilité de faire opposition un mariage de
l'ancienne fiancée jusqu'à restitution du cadeau. Est-
ce intervenant pour 5000 F ?
- Rq. : Les dépenses occasionnées par les fiançailles ne
sont jamais remboursées ni indemnisées.

B - Les sanctions pécuniaires

Lorsqu'un préjudice matériel ou moral a été causé


du fait de la rupture, application des règles de la
responsabilité civile. Le législateur prévoit la
responsabilité solidaire au paiement des dommages-
intérêts de toutes personnes ayant favorisé ou participé
à la rupture des fiançailles.

125
126
CHAPITRE I - L'ETABLISSEMENT OU LA
FORMATION
DU LIEN MATRIMONIAL

Le mariage (par lequel se crée, se forme lien


matrimonial) est un acte de volonté qui consacre (un
événement) l'union solennelle de deux personnes
juridiquement aptes (capables) à fonder une famille
légitime socialement permise.

Cet acte, pour être valable, doit satisfaire à un


certain nombre de conditions dont l'inobservation est
sanctionnée par la nullité. De sa validité, découle celle
du lien matrimonial (Sect. I) et de sa nullité, celle du
même lien (Sect. II).

SECTION I - LA VALIDITE DU LIEN MATRIMONIAL

La validité du lien matrimonial est tributaire du


respect d'un certain nombre de conditions aussi bien de
fond (sous sect. I) que de forme (sous sect. II).

Sous Sect. I - Les conditions de fond

Pour comprendre les conditions exigées par la loi, il


faut rappeler un certain nombre de considérations :

1-le mariage est un acte de volonté. Certains en ont


conclu qu'il s'agissait d'un contrat. Mais un contrat

127
particulier, il crée une famille, l'état d'époux, la
légitimité des enfants. C'est la raison pour laquelle,
d'autres y voient une institution qui dépasse les
volontés individuelles. Mais il reste qu'en tant qu'acte
de volonté, le mariage demeure soumis à des
impératifs psychologiques (§I).
2-le mariage consacre l'union de deux personnes aptes
à fonder une famille. L'aptitude au mariage ne
s'apprécie pas comme on apprécie la capacité
juridique en général ; elle obéit à des impératifs
biologique (§II).
3-La famille créée par le mariage est une famille
socialement permise. La société exprime sa permission
de façon négative en posant un ensemble d'interdits
et soumet ainsi le mariage à des impératifs
sociologiques (§III).

Parag. I - Les impératifs psychologiques

En déterminant la place de la volonté dans le


mariage, le législateur sénégalais a consacré la
philosophie individualiste et spiritualiste du code civil
français. Il a presque supprimé l'intervention autoritaire
de la famille dans le mariage et a fait de la volonté des
futurs époux et de leur liberté, le centre de gravité du
mariage.

Seul le consentement fait le mariage d'où - validité


du mariage in extremis - validité du mariage posthumes
(loi 59) non l'œuvre de chair, ni la fondation effective
d'un foyer (A) ; même la dot qui avait (et qui a encore)

128
un soubassement familial est maintenant une affaire de
volonté (B).

A - Le consentement au mariage

Le consentement au mariage est la rencontre de


deux manifestations de volonté, celle des futurs époux.
Le consentement doit exister et être intègre (1 - 2).

1°) L'existence du consentement

Pour qu'il soit considéré comme un consentement


existant, il doit être personnel, conscient et sérieux (a -
b - c).

a) - Un consentement personnel

Art. 108 : "Chacun des futurs époux, même mineur,


doit consentir personnellement au mariage".

Cette exigence était sous-tendue par deux


considérations : d'une part l'émancipation de la femme
et partant la renonciation à certaines pratiques
coutumières qui ne reconnaissaient pas sa personnalité
pleine et entière. Ainsi en droit musulman selon le rite
malékite où la femme est toujours ….son âge et son
statut placée sous l'autorité d'un homme (père, mari
etc.) qui la donne en mariage ; d'autre par, l'abolition du
mariage forcé d'une manière générale des femmes et
des enfants. Le consentement du mineur au mariage est

129
exigé même si celui du titulaire de la puissance
paternelle est indispensable.

Cependant, il est permis de se marier par


procuration (art. 108 al 2) sous réserve du respect de
certaines formalités, lorsque la forme de mariage
adoptée ne comporte pas la comparution en personne
de l'un ou l'autre des futurs époux au moment de sa
conclusion. Néanmoins, dans cette hypothèse, ceux-ci
doivent se présenter personnellement à l'officier de l'état
civil, avant la célébration de leur union, lequel s'assure
de leur consentement. D'où la volonté du législateur
d'éviter les détournements de la règle.

b) - Un consentement conscient

Sans consentement, point de mariage. Ainsi les


mariages conclus par des déments ou un dément sont
nuls du fait de l'absence de consentement (art. 341).
Seulement, la démence habituelle n'empêche pas la
validité des actes accomplis dans un intervalle de
lucidité.

Rq. : Les incapables peuvent accomplir les actes


relatifs à leur état et à l'adoption d'un régime
matrimonial (art. 274 CF). Le majeur interne n'a pas de
consentement ; s'il est en tutelle ou en curatelle,
l'exigence du consentement familial s'ajoute à l'exigence
de la volonté personnelle.

Il se pose également la question du consentement


du mari …. Dans le mariage in extremis. En existence :

130
validité. Droit musulman : ou de la maladie de la mort :
nullité des actes accomplis en vue de favoriser une
personne dans la succession.

c) - Un consentement sérieux

Cette exigence commande deux solutions


pratiques :

- la nullité des mariages simulés ou fictifs : par fraude à


la loi, des personnes concluent mariage sans intention
d'union durable et effective mais l'unique but de
profiter d'avantages jur. Que le mariage procure
indirectement ; exp. Acquérir la nationalité de l'époux
(V. les émigrés).
- La nullité des mariages célébrés pour rire et plus
généralement au théâtre, cinéma etc.

2°) L'intégrité du consentement

C'est-à-dire le consentement ne doit pas être vicié.


Ici, on note une adaptation de la vie des vices du
consentement à l'acte de mariage. Seuls deux vices ont
été retenus par l'art. 138 CF à savoir l'erreur et la
violence. Le dol a été écarté (par prétérition) du fait de
la difficulté de distinguer les manœuvres, et artifices des
mariages qui ne sont qu'art de plaire. "En matière de

131
mariage, trompe qui peut". Le dol n'est perçu en matière
de mariage que comme "dolus bours". En matière
pénale par contre, l'exigence en mariage est réprimée
d'où la prise en considération du dol lorsque la promesse
de mariage constitue une manœuvre pour parvenir à
d'autres fins.

a) - La violence

La violence physique se présente très rarement


même si l'histoire corse en fournit des exemples
épiques. La violence morale, les pressions, sont plus
fréquentes mais plus difficiles à retenir par la
jurisprudence. Exp. Menaces de malédiction, de suicide,
etc.).

b) - L'erreur

L'art. 138 CF parle de l'erreur sans autre précision


et la jurisprudence n'est pas notamment riche pour
permettre une réflexion au delà de ce qui est connu en
droit des obligations.

En droit français, deux cas d'erreur sont distingués :

- l'erreur sur la personne inspirée du droit canonique,


qui visait de prime abord l'erreur sur l'identité
physique. Si elle apparaît comme une hypothèse de
roman dans certaines sociétés, elle peut conserver
toute son importance dans certains milieux ou du fait
de certaines pratiques (toilettes, chirurgie esthétique).

132
Cette erreur a été étendue par la suite à l'erreur sur
l'identité civile (âge, nationalité).
- L'erreur sur les qualités de la personne : (V. arrêt
Berton 1862 : défavorable). Depuis 1975, cette forme
d'erreur est admise.

Mais il se pose un problème d'appréciation : est-ce


qu'on va privilégier une interprétation subjective, in
concreto, en examinant dans chaque espèce, ce qu'a été
essentiel au regard des époux ou bien une interprétation
objective, in abstracto de l'essence du mariage. Pour le
Doyen Carbonnier, il existe un minimum physiologique
qui est détruit par l'impuissance sexuelle et non par la
stérilité, un minimum psychologique où il faut faire
entrer l'intégrité des facultés mentales mais non
l'altération. Mais on hésitera davantage à exiger un
minimum moral ou social, des conditions d'honnêteté et
d'honorabilité essentielles à tout mariage. (p. 45 Faux
Incap.)

B - La dot

La dot est une libéralité en faveur du mariage


consacrée par des coutumes très anciennes. Il s'agit
d'une donation faite par le futur mari à sa future épouse.
Elle procure un avantage purement gratuit puisqu'en
principe "elle est propriété exclusive de la femme qui en
a la libre disposition" (art. 132 al 2). Son montant est
fixé à un maximum de 3 000 F (loi 67 sur les cérémonies
familiales). Elle peut être payée intégralement lors de la
conclusion du mariage ou partiellement, le reliquat étant
versé ultérieurement.

133
Le fondement de la dot est toujours l'objet de
controverses renforcées de nos jours par son utilisation
et ses avatars dans la société. Elle constitue un supplice
pour les hommes en raison de son coût élevé, fait l'objet
de surenchères entre les familles, n'est jamais la
propriété exclusive de la mariée mais celle de sa famille.
Certains y ont vu tout simplement "le prix d'achat de la
femme" (solus) réduisant ainsi le mariage à un contrat
de vente. D'autres n'y ont vu que "la clef qu'ouvre
l'utérus" (coutume maghrébine) réduisant par là le
mariage à une banale conjonction des sexes en vue de
la reproduction de surcroît monnayée.

Devant le caractère insoutenable de ces


appréciations, certains ont vu dans la dot une
compensation pour la famille du départ de la jeune fille
et pour la mère qui l’a douloureusement engendrée (K.
Mbaye). Cependant, cette idée de compensation ne
correspond pas à l'esprit du législateur qui fait de la dot
la propriété de la femme et non celle de la famille.
D'autres croient tout simplement que la dot est un
témoignage d'amour. Mais que dire, lorsque ce
témoignage se transforme en charge, en supplice pour
le mari ?

Le législateur, non convaincu de tous ses arguments


a adopté une position de juste milieu : il n'est pas allé
jusqu'à abroger la dot mais il en a fait une affaire
personnelle relevant strictement de la volonté des futurs
époux, libre à eux d'en faire ou non une condition de
fond de leur mariage. Et suivant la volonté des futurs

134
époux, la dot pourra être écartée et le mariage
s'accomplir valablement sans elle. Si tel est le cas, la
violation de cette obligation peut être une cause de
nullité relative du mariage (138 CF) ou une cause de
divorce (art. 166-5).

Cependant, il est à se demander si une institution si


solidement ancrée dans les mentalités, dans les
traditions et les religions peut être balayée par la volonté
des futurs époux ? Les déformations de la dot sont-elles
suffisantes pour se débarrasser de l'institution ?
Faudrait-il pour cela s'intéresser à son fondement. Des
jurisconsultes musulmans [pers. Picaces] ont vu dans la
dot le témoignage de l'homme à la femme en
reconnaissance de l'acceptation pour celle-ci de l'autorité
de celui-là dans la direction de leur famille. Ce
témoignage prend la forme d'un don manuel qui ne
saurait avoir de maximum ou de minimum ou même
peut être purement symbolique (V. coran et Hadith).
[Mais elle demeure en droit musulman une condition de
validité du mariage].

Parag. II - Les impératifs biologiques

Ces impératifs conditionnent l'aptitude au mariage.


Cette capacité au mariage déroge aux conditions
générales de la capacité juridique. Deux critères
permettent de mesurer sa spécificité : l'un est tiré du
support de la personnalité juridique - le corps - et de la
classification binaire des populations qui résulte de la
nature humaine : la différence de sexe (A) ; l'autre est
lié au critère de base du droit des incapacités avec une

135
application propre au mariage : l'âge, qui présume ici
l'aptitude physiologique au mariage : la puberté (B).

A - La différence de sexes

En réalité, c'est la première condition dans l'ordre


naturel. Au Sénégal, le mariage ne se conçoit qu'entre
un homme et une femme, qui entre deux individus de
sexes opposés tel qu'il ressort dans des …de l'art 100
CF. Aujourd'hui dans certains pays nordiques, l'on
reconnaît le mariage entre individus du même sexe,
[c'est le mariage entre homosexuels] ce qu'on appelle
les contrats entre partenaires de même sexe.

La différence de sexe est en principe perceptible et


reconnaissable grâce à différents signes extérieurs chez
la personne. Seulement des difficultés peuvent se
présenter en cas de malformations comme le doute peut
s'installer lorsque les deux sexes sont reconnaissables
chez la même personne : l'hermaphrodite. Cette
question n'a pas été prévue pour le mariage mais l'a été
pour la succession de droit musulman. Art 597 :
Expertise pour connaître le sexe prédominant : A défaut,
il reçoit la moitié de la part d'un homme - d'une femme

Il faut remarquer que certains aspects du sexe


peuvent être pris ainsi, la performance des organes
génitaux chez l'homme : l'impuissance du mari peut être
une cause de nullité du mariage (et non d'opposition à
lui). De même, l'impossibilité de procréer ou la
performance des fonctions génitales chez la femme ou

136
chez l'homme : la stérilité définitive médicalement
établie peut être une cause de divorce (art. 166 CF).

B - La puberté

Elle concerne le minimum nécessaire pour établir


l'aptitude physiologique au mariage. Mais cette aptitude
est seulement présumée. Pour établir cette présomption,
le législateur se réfère à l'âge. ainsi "le mariage ne peut
être contracté qu'entre un homme âgé de plus de 20 ans
et une femme de plus de 16 ans" (art. 111 CF). A ces
âges respectifs, l'homme et la femme sont présumés
aptes au plan physiologique à se marier. La différence
de régime s'explique par la différence de sexe et non par
une discrimination purement arbitraire.

Seulement, il arrive que l'âge légal soit contredit


par l'âge réel : c'est lorsque par exp. Les futurs époux
n'ont pas atteint l'âge légal mais prouvent par leurs
œuvres leur aptitude physiologique au mariage. Dans
cette situation, la loi a prévu une solution réaliste : le
mariage pourra être conclu avec une dispense d'âge
accordée pour motif grave par le Président du tribunal
régional après enquête (loi 89-01 du 17-01-1989) plus
en cas de crainte.

La question qui se pose est celle de savoir si le seul


critère de l'âge est suffisant pour juger de l'aptitude
physiologique. La puberté est-elle la seule donnée à
prendre en considération ? Quels sont les autres critères
susceptibles d'être retenus ?

137
D'abord, il y a le physique. On a déjà envisagé la
question du sexe. Reste les autres parties du corps. Elles
sont prises en compte …. Peut-on se marier si on ne
dispose pas de l'intégralité de son corps, de ses
membres ou si l'on est handicapé. Un homme sans
main, sans bras peut-il se marier ? Le législateur n'a pas
voulu prendre le physique comme critère en raison de la
subjectivité qui peut résulter de son appréciation et des
difficultés de sa mise en ……

Ensuite, la question de la santé des futurs conjoints.


C'est le critère médical. : la santé du corps. Pour éviter
ou prévenir le mariage des personnes atteintes de
maladies contagieuses, il aurait été judicieux de faire de
la santé une condition d'aptitude physiologique au
mariage. Telle est la position de certaines législations
étrangères qui exigent le certificat médical prénuptial.
En Existence cependant, même si le certificat est exigé,
il ne précise pas l'état de santé des futurs époux et leur
laisse la liberté de se marier en connaissance de cause.
C'est la prélibérale et individualiste qui justifie une telle
règle qui va à l'encontre de la morale et de l'éthique.
Cependant, le code de la famille considère que le
mariage peut être annulé "pour maladie grave et
incurable rendant la cohabitation préjudiciable lorsque le
conjoint l'a sciemment dissimulée au moment du
mariage" (art. 138). De même que ce motif peut
constituer une cause de divorce qu'elle est découverte
pendant le mariage (art. 166 CF). Il résulte de la
……………. Règle que les futurs époux ne doivent pas
être atteints d'une maladie grave et incurable au
moment de leur mariage. Seul un certificat médical peut

138
établir un tel état de santé. Mais qu'est-ce qu'une
maladie grave et incurable ?

Enfin, le critère de l'expérience et de la lucidité. En


d'autres termes, l'aptitude au mariage est-elle seulement
physiologique ? La capacité juridique est-elle prise en
compte ? Du fait que l'âge du mariage n'est pas
nécessairement à l'âge de la majorité civile, le mariage
des mineurs est tout à fait possible. C'est-à-dire le
mariage de personnes à l'égard desquelles existe une
présomption d'inexpérience. Les concernant, le
législateur a voulu poursuivre deux objectifs : interdire
les mariages forcés et respecter la logique du droit des
incapacités. Ainsi, il a exigé le consentement du mineur
à titre personnel et le consentement de celui qui exerce
sur lui la puissance paternelle (art. 109 CF) (+ 142). On
peut avoir l'expérience pour se marier et non pas pour
accomplir les actes juridiques de la vie civile.

Concernant la lucidité, il se pose la question du


mariage des majeurs incapables. La loi admet qu'il faut
moins de ressources intellectuelles pour se marier que
pour vendre. Faut-il que le majeur conclue le mariage
devant ses moments de lucidité. Son consentement est
indispensable ainsi que celui de son tuteur ou de son
curateur suivant les cas.

Parag. III - Les impératifs sociologiques

Le mariage est une union socialement permise. La


société exprime sa permission de façon négative, par
des interdits. Ainsi elle limite les futurs époux dans le

139
choix du partenaire : c'est la prohibition de l'inceste (A).
Elle limite également leur volonté de mariage lorsqu'ils
sont déjà mariés : l'existence d'un lieu matrimonial
antérieur (B) et parfois cette interdiction est seulement
temporaire lorsque, concernant la femme, son mariage
est dissout : le délai de viduité (C).

A - La prohibition de l'inceste

La prohibition de l'inceste est l'un des tabous les


plus puissants et les plus profonds de l'humanité. Elle
exprime positivement le besoin d'échanger les femmes
c'est-à-dire l'exogamie. Elle se justifie pour plusieurs
considérations : l'instinct naturel, le sentiment du sacré,
une considération rationnelle d'eugénique (prévention
des tares physiologiques des enfants créés d'unions
consanguines), des considérations morales dans la
prohibition de l'endogamie (dans la perspective d'un
mariage possible, il ne faut pas susciter des passions
troubles entre personnes membres d'une même famille).

La prohibition de l'inceste se traduit par la


prohibition de l'endogamie mais cette prohibition n'est
pas absolue d'où la nécessité de connaître ses limites.

Au Sénégal, les limites sont posées par l'article 110


CF qui prohibe pour cause d'alliance et de parenté le
mariage de toute personne avec :

1 - ses ascendants ou ceux de son conjoint


2 - ses descendants ou ceux de son conjoint

140
3 - jusqu'au 3è degré, les descendants de ses
ascendants ou de ceux de son conjoint. Toutefois, il n'y
a plus prohibition pour cause d'alliance entre beau-frère
et belle-sœur lorsque l'union qui provoquait l'alliance a
été dissoute par le décès".

En outre, les prohibitions au mariage subsistent


entre l'adopté et sa famille d'origine. De même le
mariage est prohibé entre :

- l'adoptant, l'adopté et ses descendants ;


- l'adopté et le conjoint de l'adoptant et réciproquement
entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté ;
- les enfants adoptifs du même adoptant ;
- l'adopté et les enfants de l'adoptant (art. 248 CF).

B - L'existence d'un lien matrimonial antérieur

L'obstacle du lien matrimonial antérieur ne


s'apprécie pas de la même manière selon que l'on est en
présence d'une femme ou d'un homme.

Concernant la femme, l'appréciation est sous-


tendue par l'interdiction de la polyandrie (et de la
polygamie). Ainsi "la femme ne peut contracter un
nouveau mariage avant la mention sur le registre de
l'état civil de la dissolution du précédent (art. 113). Pour
contracter mariage, la femme doit impérativement être
célibataire, divorcée ou veuve.

Concernant l'homme, la situation s'apprécie en


fonction de la réglementation du mariage. Aux termes

141
de l'art. 113 al 2 "l'homme peut contracter un nouveau
mariage s'il a un nombre d'épouses supérieur à celui
autorisé par la loi, compte tenu des options de
monogamie ou de limitation de polygamie souscrites par
lui".

La loi sénégalaise admet par conséquent la


polygamie simultanée c'est-à-dire le fait d'avoir plusieurs
épouses à la fois et a fortiori la polygamie successive est
reconnue même si le mariage monogamique demeure le
principe [la monogamie est un principe romano chrétien
mais il n'est pas biblique : polygamie des patriarches
dans l'Ancien Testament].

Au Sénégal, la pluralité de liens est soumise à la


liberté de choix de l'homme qui peut opter en vertu de
l'art. 133 pour :

- le régime de la polygamie auquel cas l'homme ne peut


avoir simultanément plus de quatre épouses ;
- le régime de la limitation de polygamie : bigamie ou
polygamie au premier stade ;
- le régime de la monogamie.

La polygamie constitue le régime de droit commun


puisqu'à défaut d'option, c'est le régime de la
polygamie qui est retenu. Mais en réalité, il s'agit
d'une règle supplétive de volonté qui a sa logique en
ce sens qu'elle permet à l'homme qui n'a pas opté de
garder intacte sa liberté de choix.

142
Les options sont en principe définitives. Mais dans le
souci d'encourager les mariages monogamiques, la loi
permet la possibilité pour l'homme de restreindre par
une nouvelle option une limitation antérieure de
polygamie (4 - 3 - 2 - 1 et non l'inverse).

Les options engagent l'opérant pour toute la durée


de son existence même après dissolution de l'union à
l'occasion de laquelle elles avaient été souscrites art.
134. Cependant puisque l'option a été posée pour
l'homme, la femme n'est plus liée par l'option en cas
de dissolution du mariage, elle peut se remarier sous
un régime différent de celui souscrit pour son mariage
antérieur.

Mais en tout état de cause et compte tenu des


options, la bigamie et la polygamie non autorisées
constituent un délit pénal (333 C. Pen.) même lorsque
le mariage précédent n'a été ni célébré, ni constaté, ni
déclaré tardivement. (Moment et forme de l'option art.
135).

C - Le délai de viduité (art. 112)

Cet impératif ne concerne que la femme et est dicté


par le souci d'éviter les risques d'incertitudes sur la
paternité. C'est ainsi qu'un délai dit de viduité est
imposé à la femme dont l'union est dissoute, délai
avant l'expiration duquel il n'est pas permis à la
femme de se remarier.

143
Ce délai est de 300 jours au maximum après le
décès du premier conjoint ou le divorce. Le but est
d'éviter qu'un même enfant né à la suite du remariage
de la mère, ne soit susceptible d'être attribué aux
deux maris successifs. Cette règle est inspirée du droit
français qui prévoit d'ailleurs la possibilité d'abréger
les délais lorsque la confusion de paternités n'est pas
à craindre accouchement de la femme …. Production
d'un certificat médical attestant qu'elle n'est pas
enceinte. Au Sénégal, l'abréviation du délai est prévue
en application des règles du droit musulman : 3 mois
en cas de dissolution du mariage par divorce ou par
annulation ou à 4 mois 10 jours après dissolution du
mariage par décès (computa… : mois lunaires). C'est
la femme qui limite le délai. Si dans cette hypothèse
elle accouche de moins de 300 jours, l'enfant est
présumé de manière irrefragable ……

Cependant lorsque la femme est enceinte, le délai


de viduité prend fin par sa délivrance.

Sous-section II - Les conditions de forme

Le mariage consacre l'union solennelle de deux


personnes la solennité fait partie intégrante du
mariage et se traduit par l'exigence de certaines
conditions de forme. Celles-ci apparaissent comme
des rites : malgré la laïcisation du mariage, ses
aspects religieux ont survécu et le mariage civil lui-
même sacrifie au rituel. Ici, elles ont pour objet de
manifester la participation de la société à la fondation
du nouveau foyer. (Comment se marie-t-on ?)

144
Au Sénégal, la dualité des formes du mariage a été
retenue comme principe. Aux termes de l'art. 114 CF
"selon le choix des futurs époux, le mariage peut être
célébré pour l'officier de l'état civil ou constaté par lui
ou son délégué dans les conditions prévues par la loi.
Le mariage ne peut être constaté que lorsque les
futurs époux observent une coutume matrimoniale en
usage au Sénégal".

Si le mariage constaté par l'officier de l'état civil (et


célébré par la coutume) vaut au même titre que le
mariage célébré par l'officier de l'état civil, force est de
constater la primauté de celui-ci sur celui-là. Le
mariage célébré par l'officier de l'état civil se suffit à
lui-même tandis que le mariage célébré selon la
coutume doit nécessairement être constaté par
l'officier de l'état civil. Cela s'explique par la primauté
de la loi sur la coutume. Et pour se faire, le législateur
a dû qualifier de coutume des mariages qui sont par
essence des mariages religieux (islam, chrétien ou
animiste). La dualité des formes ne se traduit pas par
l'égalité des formes : le mariage civil est selon la loi, le
mariage de droit commun et a la prééminence sur le
mariage religieux dit mariage coutumier.

Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de


mariage et les formes sont pratiquement identiques,
même si on note un alignement du mariage coutumier
sur le régime du mariage civil (et pourtant l'intérêt se
fait dans l'autre sens). Ces formes apparaissent
d'abord dans la phase préparatoire à la formation du

145
mariage (§ I) et se prolongent lors de la célébration.
Avec la célébration, l'accent sera mis sur le mariage
civil à défaut d'étudier toutes les coutumes mais le
fond il faut que le ……. Reste le même (§ II). Après
quoi, on étudiera la constatation du mariage célébré
coutumièrement par l'officier de l'état civil (§ III).

Parag. I - Les formalités préparatoires à l'acte


de mariage

Ces formalités sont dictées par le souci de prévenir


l'Etat et le milieu social intéressé dans la formation
d'une nouvelle famille et, le cas échéant à provoquer
leurs réactions.

Trois formalités seront envisagées :

- l'avis préalable à l'officier de l'état civil (A)


- le dépôt des pièces et l'établissement du formulaire
(B)
- la publication du mariage ©

A - L'avis préalable à l'officier de l'état civil

Cette formalité est relative à l'information de


l'officier de l'état civil par les futurs conjoints lorsqu'ils
"choisissent de s'unir selon les formalités consacrant
traditionnellement le mariage" (art. 125 CF). Ils sont
tenus d'informer l'officier de l'état civil de leur projet un
mois à l'avance dans le cas où le mariage doit être
conclu dans une commune ou dans une localité où se
trouve un centre d'état civil. Cependant, l'avis de projet

146
de mariage est donné au chef de village ou à une
personne désignée dans le village par l'officier de l'état
civil, si le mariage doit être célébré en tout autre lieu.
L'information pour le mariage civil est inhérente à celui-
ci et n'a pas besoin de faire l'objet d'une mention
spéciale.

B - Le dépôt des pièces et l'établissement du


formulaire

A la suite de l'information, les futurs époux doivent


se présenter personnellement à l'officier de l'état civil de
leur domicile ou à l'autorité qui le représente en vue de
lui remettre les pièces énumérées à l'art. 115 CF.
Chacun doit remettre personnellement une copie de son
acte de naissance datant de moins de 3 mois et la copie
des actes accordant des dispenses dans les cas prévus
par la loi. Dans l'impossibilité de se procurer un acte de
naissance, le futur époux concerné se fera délivrer par le
juge du tribunal départemental un acte de notoriété.
Cependant, si la naissance n'a pas été déclarée à
l'origine, un jugement d'autorisation d'inscription sera
nécessaire (art. 115 - 87 CF).

A l'occasion de cette comparution personnelle qui


concerne aussi bien le mariage célébré par l'officier de
l'état civil que celui constaté par lui, l'officier de l'état
civil pose aux futurs époux deux séries de questions :

147
- d'une part, il doit s'enquérir de l'existence ou de
l'inexistence d'un empêchement à leur mariage en
s'intéressant à leur situation matrimoniale antérieure
(divorce, option pour le mari) et s'il s'agit d'un mineur,
il lui rappelle la nécessité de fournir la preuve du
consentement de la personne habilitée à le donner ou
de l'autorisation judiciaire en tenant lieu ;
- d'autre part, il les interroge sur la place qu'ils
comptent accorder à la dot dans leur mariage (…de
fondement, montant, modalités de paiement), les
interpelle sur les options de mariage et sur le régime
matrimonial qu'ils entendent choisir. Le cas échéant,
leur option ou choix sont recueillis.

L'ensemble de ces questions et réponses est consigné


sur un formulaire-type, établi en trois exemplaires dont
l'un est envoyé sans délai à l'officier de l'état civil du lieu
de conclusion du mariage accompagné des pièces
déposées par les époux (art. 127.3).

C - La publication du mariage

Cette publication est inspirée de la tradition


canonique des bans. Elle se fait, selon l'art. 117 CF, au
moyen d'une affiche pendant quinze jours continus à la
porte du centre d'état civil et au centre du lieu où
chacun des futurs époux a son domicile ou à défaut sa
résidence secondaire. (objet : nom, prénoms, filiation,
âge, profession, domicile, résidence, lieu et date du
mariage projeté). Le procureur de la République a le
pouvoir d'accorder une dispense, pour des causes
graves, de l'ensemble de la formalité (publication, délai).

148
C'est le cas lorsqu'il y a urgence à célébrer le mariage ou
lorsqu'il s'agit de régulariser une union de fait qui passait
pour légitime. Le défaut de publication préalable
constitue un empêchement prohibitif au mariage ;
l'officier de l'état civil est tenu de s'abstenir si la
formalité n'est pas respectée. Cependant, le mariage
célébré sans elle ne serait pas nul.

L'utilité de la publication est de donner l'occasion à


certaines personnes de s'opposer directement à un
mariage illicite qui porte atteinte à leurs intérêts au lieu
d'avoir à réagir a posteriori (action en nullité).
L'opposition est un acte formaliste qui n'est recevable
que de la part de certaines personnes et pour certaines
causes. En vertu de l'art. 118 CF, les causes de
l'opposition concernent la non restitution du cadeau sans
motif légitime au fiancé évincé, le défaut de
consentement des parents pour le mineur, le non
respect du délai de viduité, l'existence d'un lieu
matrimonial non dissout, l'identité de sexes. Lorsqu'un
empêchement est directement porté à sa connaissance,
le Procureur de la République agit en opposition (V.
procédure art. 118) (V. art. 139 les personnes ce sont
les mêmes).

Parag. II - La célébration du mariage par l'officier


de l'état civil

La célébration du mariage coutumier ne sera pas


étudiée dans ce cours en raison de l'impossibilité
matérielle d'étudier toutes les pratiques coutumières de
mariage au Sénégal. Seul le mariage civil retiendra notre

149
attention. Ce mariage civil est célébré avec solennité (A)
dans un lieu déterminé par la loi (B).

A - La solennité du mariage (ou le rituel)

Le "rituel de la cérémonie tient essentiellement de la


présence et du rôle du maire, ……qualifié de l'Etat, des
époux et des témoins.

La comparution personnelle des futurs époux est


fondamentale car le mariage ne saurait se réaliser sans
l'échange de leurs consentements. Ils doivent donc se
présenter personnellement devant l'officier de l'état civil
au jour choisi par eux et à l'heure déterminée par lui
assistés chacun d'un témoin majeur, parent ou non. Si
l'un des futurs époux est mineur, il doit justifier du
consentement des parents ou de l'autorisation judiciaire
le cas échéant (art. 122).

L'échange des consentements intervient à l'occasion


de manière solennelle, précédé et suivi d'un certain
cérémonial. Ainsi, l'officier de l'état civil complète
éventuellement le projet de mariage par l'indication de la
dot et de ses modalités de versement et donne lecture
dudit projet conformément à leurs déclarations. Il
interpelle le parent dont le consentement est requis si
l'un des époux est mineur et s'il n'est pas présent, il
donne lecture de l'acte par lequel ce consentement est
exprimé.

Après quoi, il demande à chaque partie l'une après


l'autre, si elles veulent se prendre pour mari et femme.

150
Après que chacune d'elles a répondu par "oui", il les
déclare au nom de la loi unies par les liens du mariage
et signe l'acte sur-le-champ avec les époux, les parents
consentant s'ils sont présents et les témoins. Par la
suite, il délivre à l'épouse un exemplaire de l'acte de
mariage et au mari un livret de famille.

B - Le lieu de célébration du mariage

Contrairement au mariage coutumier célébré dans


les lieux de culte ou les maisons, le mariage civil est
célébré au centre d'état civil, lieu public par excellence
de la cité. Cela s'explique par le fait que le mariage est
célébré publiquement.

L'officier de l'état civil compétent est celui du centre


du domicile ou de la résidence de l'un des futurs époux.
La résidence est établie par un mois au moins
d'habitation continue à la date de la célébration.

S'il existe de justes motifs, le mariage peut être


célébré dans un autre lieu. Ainsi en cas de péril
imminent de mort de l'un des futurs époux, l'officier de
l'état civil peut se transporter avant toute autorisation du
juge du tribunal départemental au domicile ou à la
résidence même si elle n'est pas établie par un mois
d'habitation continue, en vue d'y célébrer l'union (art.
121).

Parag. III - La constatation du mariage coutumier


par l'officier de l'état civil

151
Le mariage coutumier a la même valeur juridique
que le mariage célébré par l'officier de l'état civil lorsqu'il
est constaté par ce dernier (A). En revanche, il est
inopposable aux pouvoirs publics en cas de non
constatation (B).

A - La valeur du mariage constaté

La valeur du mariage constaté tient au respect de


certaines formalités. A la différence du mariage civil où
l'officier de l'état civil joue un rôle actif en célébrant le
mariage, l'officier de l'état civil, dans le mariage
coutumier assiste aux formalités du mariage en présence
de deux témoins majeurs pour chacun des deux époux,
parent ou non. Il complète comme pour la célébration,
le projet d'acte de mariage et remet un exemplaire du
formulaire-type au mari. Lorsque le formulaire type a été
complété par une personne autre que son délégué, un
exemplaire est adressé sans délai au centre d'état civil.
Dès réception, l'officier de l'état civil dresse l'acte de
mariage et fait parvenir par la voie administrative le
livret de famille à l'époux et un exemplaire de l'acte de
mariage à l'épouse (art. 131).

B - L'inopposabilité du mariage non constaté

Paradoxalement, le législateur consacre la validité


de principe du mariage non constaté. Il en résulte que la
coutume à elle seule fait le lieu matrimonial et que les
conditions liées à la constatation ne sont pas des
conditions de validité du mariage. Le législateur a tenu
compte de l'état psychologique des citoyens sénégalais,

152
des conséquences qui résulteraient de l'annulation du
mariage coutumier au plan social et religieux ainsi que
de la nécessité de laisser au temps la généralisation du
mariage civil.

Cependant à titre de sanction, il a prévu


l'inopposabilité du mariage non constaté à l'Etat, aux
collectivités publiques et aux établissements publics ou
privés notamment en ce qui concerne le bénéfice des
avantages familiaux. Mais pour qu'il retrouve toute sa
plénitude, le mariage non constaté pourra faire l'objet
d'une déclaration tardive ou d'un jugement
d'autorisation d'inscription (art. 147, 87 CF).

SECTION II - LA NULLITE DU LIEU MATRIMONIAL

La nullité intervient comme un contrôle a posteriori


du mariage par les pouvoirs publics. En effet, lorsque
tous les moyens de prévention (conditions diverses,
oppositions) n'ont pas pu empêcher la conclusion d'un
mariage qui ne devait pas être conclu, la nullité est
prévue à titre de sanctions.

La nullité en consentement de mariage obéit à un


régime particulier dont les principaux aspects concernent
les causes, l'action, et les effets (parag. 1 - 2 - 3)

Parag. I - Les causes de la nullité

Il faut préciser d'emblée que la nullité n'a pas


toujours la même portée ; elle peut être absolue ou

153
relative selon l'importance et la gravité de la règle violée
et de l'intérêt protégé. C'est la raison pour laquelle il est
indispensable de distinguer les causes de la nullité
absolue des causes de la nullité relative du mariage (A -
B).

A - Les causes de la nullité absolue du mariage

Ces causes concernent les irrégularités les plus graves


qui portent atteintes à l'ordre public. Quelle que soit la
forme du mariage, sa nullité doit être prononcée (art.
141) en cas de non respect des impératifs
physiologiques (existence de sexe, impuberté et absence
de dispense), psychologiques (absence de consentement
de l'un des époux) ou sociologiques (inceste, lien
matrimonial antérieur non dissout) ou bien encore en
cas d'incompétence de l'officier de l'état civil qui a
célébré le mariage. (+137 in fine CF).

B - Les causes de nullité relative du mariage

La nullité relative est une nullité de protection qui


sanctionne les atteintes à des intérêts privés. V. la forme
du mariage, la nullité sera prononcée en cas de non
respect des mêmes impératifs mais à un degré moindre.
Ainsi pour les impératifs psychologiques, le mariage peut
être annulé pour vice de consentement (erreur,
violence), ou pour non paiement de la dot lorsqu'elle est
une condition de fond ou pour défaut d'autorisation
familiale ; et pour les impératifs physiologiques pour
impuissance du mari ou pour maladie grave et incurable
à condition qu'elle rend la cohabitation préjudiciable

154
lorsque le conjoint l'a sciemment dissimulée au moment
du mariage (art. 138).

Parag. II - L'action en nullité

Deux questions seront envisagées : l'ouverture de


l'action (A) et les fins de non recevoir (B).

A - L'ouverture de l'action en nullité

L'action en nullité s'ouvre lorsqu'elle est exercée par


son titulaire. Celui-ci varie selon qu'il s'agit de nullité
absolue ou de nullité relative. L'action en nullité absolue
peut être exercée par les époux eux-mêmes, par le
ministère public de leur vivant et par toute personne qui
y a intérêt. Elle est imprescriptible (142). Par rapport à
la nullité, elle appartient (art. 139)

- à celui des époux dont le consentement a été vicié


- à celui dont le consentement était requis ou à l'époux
qui avait besoin de ce consentement en cas de défaut
d'autorisation familiale
- à la femme en cas de non paiement de la portion
exigible de la dot ou en cas d'impuissance du mari
- au conjoint de l'époux atteint de maladie grave et
incurable.

B - Fins de non recevoir

Dans certaines circonstances, le titulaire peut se voir


opposer une fin de non recevoir de son action en nullité.

155
Ainsi concernant la nullité absolue, la nullité ne peut
être invoquée lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge
requis, après qu'il ait atteint cet âge ou lorsque la
femme a conçu, à moins que l'action soit intentée par la
femme elle-même (transformation en nullité relative).

Au sujet des nullités relatives, l'action cesse d'être


recevable :

- pour vice de consentement, lorsqu'il y a en


cohabitation pendant 6 mois depuis que l'époux a
requis sa pleine liberté ou que par lui l'erreur a été
reconnue.
- Pour défaut d'autorisation familiale, en cas
d'approbation expresse ou tacite du mariage par celui
dont le consentement était nécessaire ; au cas où
l'époux n'a pas fait de réclamation après avoir atteint
l'âge de 22 ans révolus ; si celui dont le consentement
était nécessaire a laissé s'écouler une année sans
exercer l'action (approbation tacite ?)
- En cas d'impuissance du mari ou de dissimulation de
la maladie grave et incurable, lorsque la cohabitation
s'est poursuivie pendant plus d'un an.

Parag. III - Les effets de la nullité

La nullité du mariage ne peut être prononcée qu'en


vertu d'une décision judiciaire (art. 137). La question de
l'autorité de la décision se pose (A) ainsi que celle de
l'incidence de la bonne ou mauvaise foi des époux sur
les effets du mariage (B).

156
A - L'autorité de la chose jugée de la décision
d'annulation

Le jugement définitif prononçant la nullité du


mariage possède l'autorité de la chose jugée à l'égard de
tous (parties et tiers) à partir de sa mention en marge
des actes d'état civil.

C'est le jour où la décision est devenue définitive qui


constitue le point de départ des effets de la nullité. Ce
mariage est réputé dissout à partir de ce jour. Mais
auparavant, le mariage nul produit ses effets comme s'il
avait été valable (art. 144 al 1) : la spécificité de la
nullité du mariage réside dans son caractère non
rétroactif.

D'un autre côté, le mariage contracté avant


l'annulation n'en demeure pas moins valable. Telle est
l'organisation des rapports entre époux. Au plan
patrimonial, la dissolution du mariage par annulation
impose un régime quant aux biens diffèrent selon que la
question concerne les époux sur les 1/3 entre les
époux : la dissolution remonte au jour de la demande et
vis-à-vis des tiers au jour de l'inscription du dispositif du
jugement en marge de l'acte de mariage et de l'acte de
naissance des deux époux. Cette mention est faite à la
diligence du Ministère public (143 al 2).

B - L'incidence de la bonne ou mauvaise foi des


époux

157
Le code de la famille impose qu'il soit statué en
toute hypothèse sur la bonne foi de l'un ou l'autre des
époux hors du jugement prononçant la nullité. La bonne
foi comme le veut le principe est toujours présumée.
Deux situations sont à distinguer :

- lorsque les deux époux sont déclarés de mauvaise foi,


le mariage est réputé n'avoir jamais existé tant dans
les rapports des époux que dans les rapports avec les
tiers.
- lorsque l'un des époux est seulement réputé de
mauvaise foi, le mariage est réputé n'avoir jamais
existé à son égard. Cependant l'autre conjoint pourra
se prévaloir des dispositions de l'art. 144 c'est-à-dire
la nullité ne rétroagit pas et le régime des biens est
déterminé à partir de la date d'introduction de la
demande. Concernant les enfants légitimes et ceux
issus du mariage, ils conservent leur qualité à l'égard
de leurs auteurs et des tiers mais l'époux de mauvaise
foi ne pourra pas se prévaloir de la nullité à leur égard
(art. 145 in fine).

CHAPITRE II - L'ETAT DES PERSONNES UNIES


PAR
LE LIEN MATRIMONIAL

Le lien matrimonial produit une série d'effets


juridiques. Il crée un rapport d'alliance entre chaque
conjoint et les parents de l'autre, légitime les enfants
issus du mariage, émancipe le conjoint qui serait mineur
(de 18 ans). Tous ces effets relèvent de l'étude d'autres
matières. Le lien matrimonial crée également l'état

158
d'époux, de personnes mariées, un état caractérisé par
l'organisation des rapports de droit entre les conjoints et
qui se traduit par un ensemble de droit et d'obligation
respectifs. Ces rapports peuvent être d'ordre personnel
ou d'ordre pécuniaire (.

SECTION I - RAPPORTS PERSONNELS

Ce sont des rapports qui confèrent au mariage sa


spécificité (par rapport à l'union libre par exemple) et
dont les règles sont d'ordre public. L'organisation révèle
un ensemble d'obligation et de droits au respect
desquels les personnes mariées s'obligent entre elles.

Le lien matrimonial est une union des cœurs et des


corps. Et de ce fait institue un ensemble de droit et
d'obligation que reflète le devoir de cohabitation (§ I) et
dont l'observation se mesure à l'aune de la morale
conjugale (§ II).

Parag. I - Le devoir de cohabitation

L'art. 149 exprime bien ce devoir en énonçant "les


époux s'obligent à la communauté de vie". Cette
communauté de vie a une triple dimension : 1°)
charnelle et sentimentale ; 2°) matérielle ; 3°) sociale à
la 1ère correspondance la communauté de vie
proprement dite, à la seconde la communauté de
ménage et à la 3è la communauté de résidence.

A - La communauté de vie

159
C'est de la part du législateur une manière juridique
de désigner les relations internes entre époux et qui
constituent le devoir conjugal par excellence. Elle est
exprimée par la cohabitation au sens conjugal du terme,
la conjonction des sexes dans un cadre légitimé par le
mariage.

Le législateur contrairement à ses habitudes même


d'une obligation d'affectation. C'est comme s'il rappelait
l'évidence que les époux doivent s'aimer au plan
sentimental et au plan charnel mais il ne s'est jamais
aventuré à dire comment ils doivent s'aimer. En cas de
polygamie, chaque épouse peut prétendre à l'égalité de
traitement par rapport aux autres sur ce plan là (art. 149
in fine).

B - La communauté de ménage

C'est l'aspect matériel de la cohabitation. Les époux


ont l'obligation de faire ménage commun. Le mariage en
créant la famille crée l'unité du ménage. Même s'il ne va
pas jusqu'à la création d'une personne morale, le
ménage affirme son unité à l'égard des tiers notamment
par la publicité du mariage, par le port par le femme du
nom de son mari et par son rattachement au domicile de
son mari.

La communauté de mariage oblige les époux à se


porter mutuellement secours et assistance "pour la
sauvegarde des intérêts moraux et matériels du ménage
et des enfants (art. 151). Il existe ainsi un devoir d'aide

160
dans le travail, de soins en cas de maladie ou d'infirmité
qui s'apprécient en fonction des mœurs et des
circonstances.

Sur ce plan également, chaque épouse en de


polygamie peut prétendre à l'égalité de traitement par
rapport aux autres.

C - La communauté de résidence

C'est l'aspect social de la cohabitation mais qui


permet en même temps la communauté de vie et de
ménage. Les époux doivent habiter ensemble sous le
même toit, derrière la même porte (sur le même lit). Le
législateur s'en limite là en présumant que le reste sera
partagé. D'ailleurs il se réfère ici non pas à la notion
abstraite de domicile mais à celle plus concrète de
résidence.

C'est surtout à travers cet élément que le législateur


affirme la puissance maritale : le mari est le chef de la
famille. Il exerce ce pouvoir dans l'intérêt commun du
ménage et des enfants" art. 152. Par le mariage, il se
réalise une absorption de la personnalité de la femme
dans celle du mari.

Le mari est maître de maison et "le choix de la


résidence lui appartient ; la femme est tenu d'y habiter
avec lui et il est tenu de l'y recevoir" art. 152 al 1. Cette
résidence sera celle de la famille c'est-à-dire du ménage
et des enfants.

161
Parag. II - La morale conjugale

La morale conjugale est nécessairement déterminée


en fonction de critères à la fois objectifs et subjectifs
mais qui se caractérisent par leur relativité dans le
temps et dans l'espace et la mentalité des époux. A
défaut de pouvoir les définir, le législateur en retient
deux principes et les érige en obligations : la fidélité et
le respect.

A - La fidélité

Art 150 ; "Les époux se doivent mutuellement


fidélité".

En d'autres termes, les époux doivent prendre


conscience de la communauté de vie dans laquelle ils se
trouvent et se montrer exigeants vis-à-vis d'eux-mêmes.
Ainsi l'époux doit s'interdire de faire avec d'autres, de
partager avec d'autres ce qu'il fait ou partage avec son
conjoint. Si socialement, la communauté de ménage et
de résidence accepte certaines tolérances (invitation,
hébergement etc.), la communauté de vie au plan
charnel et sentimental constitue l'aspect le plus sensible.

En effet, l'infidélité sur ce plan équivaut à l'adultère


sanctionné pénalement et constitutif d'une cause de
divorce. En se mariant, l'on s'engage à n'aimer que son
conjoint et toute violation de cet engagement entraîne la
responsabilité de son auteur. Il a été jugé que le devoir
de fidélité subsiste même après le divorce tant que le

162
jugement n'est pas définitif. (TPI 21.12.78. RDS Credila
1982 vol. III, p. 149).

En existence, même l'infidélité morale a été retenue


c'est-à-dire l'infidélité qui n'est pas allée jusqu'aux
rapports intimes mais s'est bornée à des intrigues
amoureux. Au Sénégal, il a été jugé que les déclarations
d'amour et les aveux de concubinage ne constituent pas
des preuves suffisantes de l'adultère.

A ce niveau aussi, chaque épouse, en cas de


polygamie, peut prétendre à l'égalité de traitement par
rapport aux autres.

B - Le respect

"Les époux se doivent respect" (art. 149 al. 1).

C'est le respect qui rend la vie conjugale


supportable et digne. Il s'agit d'une vertu qui implique le
devoir de sincérité, d'honnêteté, de patience de respect
de l'autre dans son honneur, sa dignité, sa personnalité.

C'est également le respect qui détermine le savoir


vivre conjugal. Ainsi, par respect à l'autre on s'interdit
l'adultère, les excès, services ou injures, l'abandon de
domicile conjugal et le défaut d'entretien de la femme.
Ce qui explique d'ailleurs que tous ces évènements sont
des causes de divorce. Le droit de correction de l'épouse
n'est pas consacré par le code de la famille (V.
jurisprudence, p. 106).

163
Egalement, il faut veiller à ce que la résidence ne
présente pas pour la famille un danger physique ou
moral. Le cas échéant, la femme peut se faire autoriser
à avoir pour elle et pour ses enfants une autre
résidence. Il ne s'agit pas d'une séparation de résidence
comme dans la séparation de corps mais d'une dispense
provisoire de cohabitation. La femme en cas de
polygamie peut prétendre à l'égalité de traitement par
rapport aux autres ; elle peut refuser de rejoindre la
résidence fixée par le mari en cas d'absence de
condition matérielle décente minimum par référence à
une co-épouse de liens plus récents (v. ROS Crédila
1982. Vol.III, p. 14).

SECTION II - RAPPORTS PECUNIAIRES

Concernant ces rapports, deux aspects peuvent être


distingués : d'une part, les rapports pécuniaires nés
directement du mariage que la doctrine qualifie de
régime matrimonial primaire ; d'autre part, les régimes
matrimoniaux proprement dits.

Parag. I - Les rapports patrimoniaux directement


du mariage

Il s'agit ici d'effets généraux du mariage


indépendants de tout régime matrimonial et ont la
valeur de règle d'ordre public. Ils concernent
essentiellement la contribution des époux aux charges
dont la violation est sanctionnée (A - B).

164
A - La contribution des époux aux charges du
ménage

En principe, cette contribution pèse sur les deux


époux qui "s'engagent entre eux et à l'égard des tiers à
pourvoir à l'entretien du ménage et à l'éducation des
enfants communs". (art. 375 al. 1). Cependant, le
législateur s'empresse de préciser que les charges
"pèsent à titre principal sur le mari" (al. 2).

Sur cette base, les époux sont présumés avoir


fourni leur part contributive jour par jour sans être tenus
à aucun compte entre eux, ni à retirer aucune quittance
l'un de l'autre. La femme mariée a, depuis la loi de
1989, la possibilité d'exercer une profession sans avoir à
solliciter l'autorisation de son mari. Les biens acquis
dans l'exercice de sa profession constituent des biens
réservés qu'elle administre et dont elle dispose.
L'obligation de contribution aux charges qui pèse
principalement sur le mari ne peut ni disparaître ni être
atténuée en raison du travail de la femme
(jurisprudence).

Chacun des époux a pouvoir à passer seul les


contrats relatifs aux charges du ménage. C'est une règle
de gestion ménagère qui dicte d'ailleurs la solidarité des
époux pour les dettes du ménage. Cependant, cette
solidarité n'a pas lieu pour des dépenses dont
l'exagération est manifeste par rapport au train de vie
du ménage ou qui seraient contractés par un tiers de
mauvaise foi. (art. 375 in fine).

165
B - Sanctions de l'obligation aux charges du
ménage

Le code de la famille attache beaucoup de prix à


l'observation de l'obligation aux charges du ménage.
C'est la raison pour laquelle sa violation est sanctionnée
en raison de ses conséquences sur l'équilibre du
ménage.

En effet lorsque l'un des époux manque gravement


à son obligation de contribuer aux charges du ménage
et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge
peut préserver toutes les mesures urgentes que
requièrent ces intérêts (376). Des précisions
s'imposent : 1) les sanctions s'appliquent au mari et à la
femme même si l'appréciation de la violation diffère en
raison du fait que les charges pèsent à titre principal sur
le mari ; 2) le manquement doit être grave et mettre en
péril les intérêts de la famille, ce qui nécessite une
appréciation souveraine des juges du fond ; 3) les
sanctions prennent la forme de mesures urgents de
nature à restaurer l'équilibre du ménage.

Les mesures urgentes sont certes laissées à


l'appréciation du juge mais le législateur énumère à titre
indicatif quelques unes de ces mesures qui sont toutes
des mesures d'interdiction destinées à préserver le
patrimoine du ménage. Ainsi par exemple le juge pourra
interdire à l'époux fautif de faire des actes de disposition
sur ses biens meubles ou immeubles sans le
consentement de l'autre. Il peut également interdire le
déplacement des meubles sauf à spécifier ceux dont il

166
attribue l'usage personnel à l'un ou l'autre des conjoints.
La durée de ces mesures doit être déterminée et peut
faire l'objet de prolongation mais en aucun cas, elle ne
pourra excéder trois ans. Les actes accomplis en
violation des jugements d'interdiction sont annulables
conformément aux dispositions de l'art. 376 al. 4 et s.).

Parag. II - Les régimes matrimoniaux

C'est l'ensemble des dispositions qui règlent les


effets patrimoniaux du mariage dans les rapports des
époux et à l'égard des tiers.

En droit sénégalais, la loi organise trois régimes


matrimoniaux différents et laisse aux époux le libre choix
du régime de leur convenance. Le choix se fait lors du
mariage sous la forme d'une déclaration commune
recueillie par l'officier de l'état civil et à défaut les époux
sont placés sous le régime du droit commun de la
séparation des biens. Les régimes sont outre la
séparation des biens (A) le régime dotal (B) et le régime
communautaire de participation aux meubles et acquêts
(C).

Rq. :

- Le choix ne porte que sur le régime matrimonial. Il en


résulte que sont interdites toutes stipulations relatives
aux intérêts pécuniaires des époux, à la condition des
personnes faisant partie de la famille et à l'ordre légal
des successions.

167
- Les ménages monogamiques peuvent choisir
n'importe lequel de ces trois régimes. En revanche,
dans les mariages polygamiques, les époux ne
peuvent choisir que les régimes de la séparation ou le
régime dotal. (V. art. 116) et le mari ne saurait utiliser
les revenus de l'un des épouses au profit des autres.
- Le choix est irrévocable et les époux ne peuvent
changer volontairement de régime pendant le
mariage. L'option peut être levée par le mineur qui a
obtenu le consentement requis pour son mariage mais
non par le majeur en tutelle ou en curatelle sauf s'il
est assisté de son tuteur ou de son curateur.

A - Le régime de droit commun de la séparation


des biens

C'est le régime de droit commun dont la portée est


déterminée par les dispositions de l'art. 380 CF en ces
termes : "chacun des époux conserve
…..l'administration, la puissance et la libre disposition de
ses biens personnels".

Cette autonomie patrimoniale emporte deux


tempéraments : d'une part chacun des conjoints doit
participer aux charges du ménage ; d'autre part cette
autonomie se conçoit sans préjudice à la solidarité des
époux pour les dettes contractées à l'occasion de la
gestion du ménage (art. 375). En dehors de cette
situation, chaque époux reste seul tenu des dettes nées
en sa personne avant ou pendant le mariage.

168
Dans ce régime, la principale question est relative à
la mesure de propriété des biens. Cette preuve peut se
faire par tous moyens sauf s'il s'agit d'un immeuble
immatriculé dont la preuve doit résulter de la mention
du droit de propriété au livre foncier (art. 379 COCC ;
C.S. n° 53 28 mai 1980 EDJA n° 18.25 août 1990).

En l'absence de preuve de la propriété exclusive


d'un bien, les biens tombent dans l'indivision et seront
partagés à parts égales entre les époux ou leurs ayants
cause à la dissolution du mariage. (V. pour plus de
détails art 381 les présomptions et 383 ingérence).

B - Le régime dotal

Le régime dotal concerne les biens donnés à la


femme à l'occasion de son mariage par d'autres
personnes que son conjoint (art. 384). Seulement et
contrairement à ce que sa dénomination laisse croire, la
dot n'est pas soumise au régime dotal.

Il en résulte que ce régime a un objet limité et ou


concerne que les immeubles immatriculés, les valeurs
mobilières déposées dans une banque à un compte
spécial dit "comptable dotal" et les animaux constituant
un cheptel et leur croît (384).

Les biens soumis au régime dotal sont remis au


mari qui les administre durant le mariage en bon père
de famille. En cas de mauvaise administration mettant
les biens en péril, la femme peut poursuivre la
séparation judiciaire des biens (387). En outre, les biens

169
dotaux immobiliers sont inaliénables sauf si l'intérêt de
la famille ou la bonne administration l'exigent ou lorsque
les époux consentent à les donner à leurs enfants
communs pour leur établissement.

C - Le régime communautaire de participation


aux meubles et acquêts

Sous ce régime, il y a une différence entre la


gestion et la liquidation des biens : le régime
communautaire s'applique à la liquidation des biens
tandis que ceux-ci restent gérés comme sous le régime
de la séparation des biens sous réserve de quelques
particularités.

Ainsi sous ce régime, chacun des époux peut


acquérir seul et sans le consentement du conjoint toute
espèce de biens (meuble ou immeuble). Cependant, leur
consentement commun est exigé pour les actes de
disposition comportant aliénation totale ou partielle, à
titre gratuit ou onéreux, d'immeubles, de fonds de
commerce ou de droits sociaux non négociables.

Concernant les actes d'administration, les époux se


donnent le pouvoir réciproque et irrévocable de les
accomplir sur leurs biens. Et chacun gère seul ces biens
sans considération de leur nature, origine ou condition
d'acquisition et les dettes antérieures au mariage
s'exécutent dans les mêmes conditions et avec la même
solidarité. La mauvaise administration ou gestion donne
droit à la liquidation anticipée par séparation judiciaire
des biens. (art. 395). A la dissolution du régime par

170
décès, divorce ou séparation de corps, il est procédé à la
liquidation des biens. Seulement certains biens en sont
exclus. Il s'agit des : (art. 393)

- immeubles immatriculés acquis avant le mariage ou


advenir personnellement pendant le mariage
- biens à caractère personnel du fait de leur nature ou
de leur destination
- droits exclusifs attachés à la personne.

171
CHAPITRE III - LA DISSOLUTION DE LIEN
MATRIMONIAL

Il est important de rappeler que le mariage est


l'union solennelle de deux êtres humains à un certain
stade de l'évolution de leur personnalité. Cette
personnalité n'est pas éternelle ; sa fin annonce la
dissolution naturelle - faute de support - du lien
matrimonial et pour les problèmes de dissolution
successorale. Cette même personnalité a également
pour support la volonté laquelle a joué un rôle de
premier plan dans la formation du lien. Il est logique
qu'elle soit apte à défaire ce lien. C'est l'hypothèse du
démariage par le divorce c'est-à-dire de sa dissolution
du vivant des époux.

Avec le code de la famille, le législateur a pris


position vis-à-vis de la coutume par la réglementation du
divorce et ce à un double niveau : d'une part en
restreignant la volonté, surtout de l'homme en matière
de dissolution volontaire du mariage. La meilleure façon
de s'y prendre était d'interdire la répudiation ; d'autre
part et pour permettre un contrôle de l'utilisation du
divorce, il a décidé que désormais il sera nécessairement
judiciaire.

Quant à sa conception du divorce, le législateur a


retenu aussi bien des causes objectives que des causes
subjectives. Ainsi il consacre tantôt la conception du
divorce remède ou du divorce faillite tantôt la conception
du divorce sanction. Deux formes de divorce sont
reconnues au Sénégal en fonction du rôle devant être

172
joué par les autorités judiciaires : le divorce constaté par
le juge ou divorce par consentement mutuel (Sect. I) et
le divorce prononcé par le juge ou divorce contentieux
(Sect. II).

SECTION I - LE DIVORCE CONSTATE PAR LE JUGE

Par parallélisme, cette forme de divorce rappelle le


mariage constaté par l'officier de l'état civil. Seulement à
la différence du mariage constaté où la coutume avait
droit de cité, le divorce constaté n'est pas un divorce
coutumier ou répudiation. Dans la politique législation du
Sénégal, la coutume fait le lien matrimonial mais ne
saurait le défaire.

Le divorce constaté par le juge doit résulter du


consentement mutuel des époux. D'où la nécessité
d'envisager le rôle des parties (les époux) (Parag. I) et
le pouvoir du juge en la matière (Parag. II).

Parag. I - Le rôle des époux

Le rôle des époux est déterminant dans le divorce


par consentement mutuel. Ils doivent exprimer leur
accord sur le divorce (A) et introduire une demande en
ce sens (B).

A - L'accord sur le divorce (158)

Paradoxalement, il est exigé un accord sur un point


qui fait l'objet d'un désaccord. C'est la raison pour

173
laquelle le législateur se montre très vigilant quant à
l'expression de cet accord.

En effet, puisqu'il s'agit d'un accord de volontés,


chacun des époux doit exprimer son consentement. Ce
consentement ne sera valable que s'il émane d'une
volonté libre, éclairée et exempte de vice.

L'objet du consentement est double : d'un côté il


doit porter sur la dissolution du lien matrimonial, les
époux doivent se mettre d'accord pour se démarier ;
d'un autre côté, le consentement doit porter sur les
effets de la rupture du lien conjugal aux plans
patrimonial et extrapatrimonial, dans leurs rapports
entre eux et vis-à-vis de leurs enfants. Ainsi le sort des
biens qu'ils possédaient durant le mariage ainsi que celui
des enfants issus du mariage doivent être réglés par eux
en toute liberté.

Cependant, il est à craindre que le désir d'obtenir un


consentement mutuel ne se fasse au prix de certaines
concessions attentatoires à des intérêts protégés par la
loi. C'est ce qui explique d'ailleurs l'obligation pour eux
de respecter l'ordre public et les bonnes mœurs dans
l'expression de leur consentement au divorce. Les
dispositions concernant l'intérêt de l'enfant(entretien,
garde, sécurité, moralité) sont considérées par la loi
comme relevant de l'ordre public.

B - La demande en divorce

174
Il s'agit d'une demande en reconnaissance du
divorce déjà consenti, par le juge. Cette demande est
nécessairement introduite par les deux époux qui
doivent comparaître personnellement et ensemble
devant le juge. Cela traduit en quelque sorte le fait qu'ils
ont conscience de la faillite de leur union et qu'ils
considèrent le divorce comme un remède. Au plan des
formes, ils se démarient comme ils se sont mariés.

Au juge, ils présentent, pour établir la preuve de


leur union, leur acte de mariage, le livret de famille et le
cas échéant les actes de naissance et de décès des
enfants issus de leur mariage. A leur demande, ils
doivent amener également une déclaration écrite ou
orale consignée par le greffier sur la manière dont ils
entendent régler les effets de leur rupture quant aux
biens et à leurs enfants. Un inventaire des biens est fait
dans cette déclaration ainsi que l'attribution qui en sera
faite à chacun d'eux. Les biens omis seront réglés
suivant leur régime matrimonial. Concernant les enfants,
la déclaration précise les questions d'entretien, de garde
et désigne le titulaire de la puissance paternelle.

Parag. II - Le pouvoir du juge

Le juge compétent est le juge du tribunal


départemental du domicile des époux. Il doit contrôler
l'accord des époux avant de rendre son jugement
constatant le divorce (A) par lequel le lien matrimonial
est dissout (B).

A - La procédure du jugement de divorce (161)

175
Suite à l'introduction de la demande, les époux
comparaissent personnellement devant le juge assisté
du greffier. Le juge leur fait les observations qu'il estime
convenables (que faire devant des personnes d'accord
pour se séparer) puis s'assurer de l'existence de leur
consentement et de leur intégrité. Si les conditions
exigées par la loi ne sont pas respectées, la demande
est rejetée.

Il leur donne lecture de leur déclaration sur leur


divorce et leur pose toute question utile sur le sort qu'ils
entendent réserver à leurs biens et à leurs enfants.

Deux hypothèses peuvent alors se présenter : ou


bien la demande est régulière la volonté s'étant
librement manifestée sans atteinte à la loi, à l'officier
public et aux bonnes mœurs et le juge rend sur le
champ un jugement constatant le divorce ; ou bien il y a
irrégularité et le juge renvoie les parties à une audience
ultérieure à moins qu'elles se rendent à ses observations
et modifient leur accord auquel cas le juge rend aussitôt
son jugement.

Le jugement est indiqué sur le livret de famille,


copie en est remise à chaque époux et mention en est
faite dans la huitaine en marge de leurs actes de
naissance et de mariage.

B - Les effets du jugement de divorce

176
Le jugement de divorce produit un double effet :
celui de dissoudre le lien matrimonial et celui de rendre
exécutoires les conventions des époux quant à leurs
biens et leurs enfants (art. 164).

Seulement suivant le type de rapports envisagés, la


prise d'effet est différemment appréciée quant à sa
date :

- entre époux, le jugement produit ses effets à partir du


jour où il a été rendu ;
- à l'égard des tiers, à compter de sa convention sur les
registres de l'état civil ;
- à l'égard des créanciers de l'époux commerçant, 3
mois après la convention du jugement au registre de
commerce et dans un journal local d'annonces légales.

SECTION II - LE DIVORCE PRONONCE PAR LE


JUGE
(ou divorce contentieux)

Il est question ici de la dissolution unilatérale du lien


conjugal. L'absence d'accord des époux sur la rupture
dicte l'intervention du juge qui a pour mission de
résoudre le différend et éventuellement de prononcer le
divorce.

Quelles sont les causes que le conjoint peut


invoquer pour divorcer ? Quelle procédure suivie pour
divorcer ? Quels sont les effets attachés au prononcé du
divorce ?

177
Parag. I - Causes du divorce contentieux

Les causes susceptibles d'être invoquées pour


fonder une action en divorce sont déterminées par la loi.
Sur ce plan, les époux sont placés sur un pied d'égalité
même si certaines causes sont spécifiques au mari ou à
la femme. Les causes sont un nombre de 10 et sont
limitativement énumérées par l'art. 166 du CF. La faute
peut servir de critère de classification et permettre la
distinction entre les causes fautives (A) et les causes
non fautives (B).

A - Les causes fautives

En retenant le comportement fautif de l'époux


comme une cause de divorce, le législateur consacre la
conception du divorce sanction. Cela veut dire que le
divorce constitue en tant que tel une sanction de la
violation de certaines obligations par le conjoint. Les
fautes retenues sont nombreuses : certaines sont
commises durant le mariage (1) d'autres sont
extérieures au mariage (2).

1°) Fautes commises durant le mariage

C'est par référence à l'organisation des rapports


personnels entre époux que ces fautes sont appréciées.
Ainsi certaines portent atteinte au devoir de cohabitation
et d'autres à la morale conjugale.

178
Les causes portant atteinte au devoir de
cohabitation concernent d'une par le défaut d'entretien
de la femme par le mari qui porte atteinte à la
communauté de ménage et d'autre part l'abandon de
famille ou du domicile conjugal qui porte atteinte à la
communauté de résidence et de vie (V. jurisprudence
Fam. P. 107).

En revanche, les causes attentatoires à la morale


conjugale sont relatives à l'adultère qui constitue une
violation de l'obligation de fidélité et les mauvais
traitements, excès, sévices ou injures graves rendant
l'existence en commun impossible, cas constitutifs d'une
violation de l'obligation de respect. Remarquons ici que
si les mauvais traitements, excès ou sévices sont
synonymes et consistent en des actes de violence ou de
voie, de fait, la notion d'injure grave est prise dans son
sens large et désigne toute faute commise par l'un des
deux époux vis-à-vis de l'autre (exp. Jurisprudence :
manque de respect, accusation de vol, répudiation, refus
d'adresser la parole ou l'intimité etc.).

2°) Fautes extérieures au mariage

Deux causes sont visées par le législateur : l'une est


civile, l'autre pénale. Au plan civil, il s'agit de la violation
d'une obligation prise par l'époux, non durant le
mariage, mais préalablement au mariage en vue de le
faciliter. C'est ainsi le cas, lorsque le mari refuse de
verser à son épouse la quotité exigible de la dot
promise. Il est à retenir que cette cause constitue en
même temps une cause de nullité du mariage.

179
Au plan pénal, c'est lorsque l'un des conjoints a
commis une faute pénale ayant conduit à sa
condamnation à une peine infamante (crime). Cette
faute quoiqu'extérieure au mariage, peut servir de base
à une action en divorce.

B - Les causes non fautives

Les causes non fautives reflètent une conception du


divorce remède ou du divorce faillite. Généralement il
s'agit de causes objectives (1) à l'exception d'une …… en
droit sénégalais qui est subjective (2).

1°) Les causes objectives

Trois causes sont retenues par le législateur :

D'abord, l'absence déclarée de l'un des époux (art.


22 al. 2) ; ensuite, la maladie grave et incurable de l'un
des époux découverte pendant le mariage. Il est
question de maladie qui doit être à la fois grave et
incurable mais il n'est pas besoin qu'elle rende
impossible le maintien du lien conjugal. Lorsqu'elle a été
dissimulée, cette maladie peut être une cause de nullité
relative du mariage (art. 138.5°). La jurisprudence a en
à assimiler le cas d'une impuissance irréversible à une
maladie grave et incurable pouvant fonder une action en
divorce. Enfin, la stérilité définitive médicalement
établie. Cette cause pourrait d'ailleurs fonder
logiquement le divorce pour impuissance du mari

180
puisque la loi ne distingue pas en matière de stérilité
entre l'homme et la femme.

Il est important de relever que toutes ces causes


objectives se rapportent à la cohabitation : la première
rend la cohabitation impossible, la seconde la rend
difficile voire insupportable et la troisième la rend sans
espoir (de fonder un foyer) (V. Rendement V. Hugo).

2°) La cause subjective

Il s'agit de l'incompatibilité d'honneur rendant


intolérable le maintien du lien conjugal. C'est une notion
très large qui permet à un conjoint d'obtenir la rupture
du lien conjugal à ses torts, en n'invoquant pas de griefs
précis. La doctrine s'est montrée sceptique quant à
l'utilisation abusive qui peut être faite de cette cause et
qui ferait resurgir la répudiation. Cependant, on peut
faire observer que contrairement à la répudiation 1)
cette cause peut être invoquée aussi bien par l'homme
que par la femme, 2) elle constitue une source de
responsabilité lorsqu'elle est invoquée par le mari qui
doit verser une pension alimentaire à son épouse (art.
179, 262 CF), 3) elle n'est pas inspirée du droit
musulman mais plutôt d'une loi française du 20
septembre 1792 (après la révolution) qui l'avait
expressément consacrée (supprimée par le C; Civ.
1864), 4) elle est …….. par le juge.

Parag. II - La procédure de divorce

Deux questions seront envisagées :

181
- l'action en divorce (A)
- le rôle du juge (B)

A - L'action en divorce

L'action en divorce appartient aussi bien au mari


qu'à la femme et est intentée devant le tribunal
départemental du domicile de l'époux défendeur. La
demande est strictement personnelle (exclusion des
créanciers ou des parents). Elle peut être écrite ou
verbale mais doit, dans tous les cas, indiquer les causes
de divorce invoquées. A cette demande, il est annexé
une copie de l'acte de mariage et le cas échéant les
actes de naissance et de décès des enfants issus du
mariage.

L'action en divorce s'éteint par le décès de l'un des


époux survenu avant que le jugement prononçant le
divorce ne soit devenu définitif ou par la conciliation des
époux. Cette conciliation peut intervenir soit depuis les
faits allégués dans la demande soit depuis cette
demande. Dans ce dernier cas, il n'est pas exclu que le
demandeur puisse intenter une nouvelle action pour
cause survenue ou découverte depuis la réconciliation et
se prévaloir des anciennes causes à l'appui de sa
demande (art. 172).

La cause est débattue en audience non publique et


en cas d'appel en chambre de conseil et le jugement
rendu en audience publique. L'époux contre lequel
l'action est dirigée peut prendre l'offensive et introduire

182
une demande reconventionnelle. Celle-ci est introduite
par simple déclaration faite à l'audience. Lorsqu'elle est
formée en appel, elle n'est pas considérée comme une
demande nouvelle.

Il est à préciser qu'aussi bien les voies de recours


ordinaires (appel) qu'extraordinaires (cassation) contre
les décisions rendues en matière de divorce, ont ainsi
que leurs délais, un effet suspensif (173 al. 3).

B - Le rôle du juge

Le rôle du juge est apprécié en fonction de la


mission de conciliation qui lui est confiée par la loi. Mais
la conciliation n'est qu'une tentative (1) qui peut
échouer (2).

2°) La tentative de conciliation

Le juge du tribunal départemental, après avoir


entendu le demandeur, lui adresse les observations qu'il
estime convenables. Si ce dernier persiste dans sa
décision de divorcer, il ordonne aux deux époux de
comparaître devant lui à une audience de conciliation. A
cette audience, ils comparaissent hors la présence de
leurs conseils éventuels. La non comparution du
demandeur équivaut à un désistement de la demande
de divorce et celle du défendeur à son refus de toute
conciliation. S'ils comparaissent, le juge leur fait toutes
observations qu'il croit utiles pour les conciliations (V.
Les qualités du ……).

183
S'il parvient à les concilier, l'action prend fin. S'il
croit pouvoir parvenir à une conciliation mais non dans
l'immédiat, il ajourne l'audience.

En cas d'urgence, il peut prendre une série de


mesures provisoires notamment la séparation de
résidence et la garde des enfants (art. 168 al. 3).

2°) L'échec de la conciliation

En cas de non-conciliation, le juge statue sur sa


compétence et a le choix entre deux solutions : soit
retenir l'affaire immédiatement et se prononcer sur
l'action en divorce : soit la renvoyer à une audience
ultérieure et rend à cet effet une ordonnance de non
conciliation. Dans la deuxième hypothèse, il entend les
conseils des parties présentes et prend une série de
mesures provisoires à la demande des parties. Ces
mesures concernent essentiellement la résidence des
époux, la remise des effets personnels et toutes
questions visant la sauvegarde des intérêts matériels et
moraux des enfants. Les jugements qui ordonnent ces
mesures sont susceptibles d'opposition ou d'appel dans
les conditions de droit commun.

Parag. III - Les effets du divorce

Le jugement de divorce dissout le mariage (A) et


entraîne des conséquences notamment dans
l'organisation des rapports entre époux (B) et partie : les
sanctions prévues.

184
A - La dissolution du mariage

Le divorce dissout le mariage et met fin aux devoirs


réciproques des époux et au régime matrimonial.
Cependant la demande de prise d'effet du jugement
prononçant le divorce varie en fonction de la relation
juridique envisagée. Ainsi le jugement prend effet :

1)en ce qui concerne les effets personnels du mariage


entre les époux, du jour où il est définitif c'est-à-dire
plus susceptible de voies de recours. Quinze jours à
partir de cette date, une copie du dispositif est remise
à chacun des époux. Mention en est faite sur le livret
de famille et en marge de l'acte de mariage et de
l'acte de naissance des époux et sur le registre de
commerce si l'un des époux est commerçant. Chacun
des époux recouvre le droit de contracter une nouvelle
union sauf pour la femme de respecter le délai de
viduité (art. 176 al. 2). La femme pourra, à moins
d'opposition expresse du mari, continuer à user du
nom de celui-ci ;
2)En ce qui concerne les rapports pécuniaires entre les
époux, du jour de la demande en divorce ;
3)En ce qui concerne les tiers, du jour de la mention en
marge de l'acte de naissance et pour les commerçants
au registre du commerce.

B - Les sanctions contre l'époux fautif

C'est le prolongement de la conception du divorce


sanctions.

185
D'un côté, la perte des avantages : Le divorce
prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux entraîne
pour lui la perte de tous les avantages que l'autre époux
lui avait faits à l'occasion ou après la célébration du
mariage. A l'inverse, l'époux qui a obtenu le divorce
conserve tous les avantages à lui consentis par le
conjoint (V. art 177). Lorsque le divorce a cependant été
prononcé pour incompatibilité d'humour ou pour maladie
grave et incurable de la femme, l'obligation d'entretien
est transformée en obligation alimentaire pour une
durée de 6 mois à un an pour le premier cas et un
maximum de 3 ans pour le deuxième cas. Mais elle
cesse si le mari établit qu'il n'a plus de ressources ou si
la femme se remarie avant l'expiration de ces délais (art.
262).

D'un autre côté, les dommages-intérêts : en cas de


divorce prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux,
le juge peut allouer à l'époux qui a obtenu le divorce,
des dommages intérêts pour le préjudice matériel et
moral subi compte tenu notamment de la perte de
l'obligation d'entretien (V. art. 179).

186
CHAPITRE IV - LE RELACHEMENT DU LIEN
MATRIMONIAL

Le relâchement du lien matrimonial résulte de la


séparation de corps résultant d'un jugement qui
dispense les époux de l'obligation de cohabitation. Il y a
là une atteinte à l'union des corps que le mariage
réalisait.

La séparation de corps est inspirée du droit


coranique. Elle avait l'avantage en raison du fait qu'elle
ne dissout pas le lien matrimonial, d'être compatible
avec les positions de l'Eglise catholique sur
l'indissolubilité du mariage.

Elle se rapproche du divorce bien que ne se


confondant pas avec lui, d'où son alignement sur le
régime du divorce mais avec quelques particularités
cependant liées au fait que le lien n'est pas dissout.

Comme pour le divorce, il existe deux formes de


séparation de corps : celle constatée par le juge et
résultant du consentement matériel des époux et celle

187
prononcée par le juge à la demande de l'un des époux.
(V. art. 182 - 183). Les règles régissant la demande et la
procédure de divorce lui sont applicables de même que
celles concernant la publicité du jugement de divorce et
la date de prise d'effet.

La séparation de corps prend fin (art. 185)


resserrement ou rupture du lien conjugal.

- par la reprise de la vie commune après réconciliation ;


- par le décès ;
- par le divorce constaté ou prononcé pour cause
nouvelle ;
- par la conversion obligatoire et prononcée par le juge
à la demande de l'un des époux après trois ans depuis
l'intervention du jugement.

La séparation met fin à l'obligation de cohabitation


et impose aux époux le régime de la séparation des
biens s'ils n'y étaient pas soumis et maintient les
autres effets du mariage (droit de visite, devoirs
conjugaux, obligation alimentaire, correspondance).

La séparation de corps est judiciaire donc de droit.


Cependant la loi tient compte de la séparation de fait
(277 in fine) concernant l'attribution de la puissance
paternelle à la mère dans l'intérêt de l'enfant.

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