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LES SUJETS DE DROIT

On appelle «sujet de droit» la personne (physique ou morale) qui est titulaire de droits subjectifs.
Au plan juridique, cette expression vise donc la personne qui peut être «obligée» à même son
patrimoine (voir les cours d’Obligations 1, 2 et 3, plus le cours de «Sûretés»). Elle bénéficie
aussi de droits extrapatrimoniaux (voir supra). La personne peut choisir d’exercer un droit
subjectif (ex. droit de propriété, droit de créance) ou encore être impliquée dans diverses
situations juridiques (ex. payer des impôts, conclure des contrats).

La notion de «sujet de droit» est donc liée à la «personne», qui est le moteur de la vie juridique
(notamment au plan économique). Cette personne peut être dotée d’une corporalité physique
(entité naturelle) ou simplement exister par fiction juridique, i.e. une personne morale (entité
artificielle). À l’origine, l’on considérait que seule la personne physique pouvait constituer un
sujet de droit.

Le sujet de droit est pourvu de la personnalité juridique. Celle-ci se définit comme étant
l'aptitude à devenir titulaire de droits (aspect positif) ou encore à être redevable d'obligations
(aspect négatif). La «personnalité juridique» correspond alors à l'aptitude d’agir au plan
juridique.

C’est dire que les personnes sont les sujets (entités) de la vie juridique alors que les choses (tout
ce qui existe matériellement) et les biens (biens corporels ou incorporels dans le commerce) en
sont les objets. Note : On entend par «biens» les effets mobiliers (y compris les animaux) et les
immeubles (art. 899 à 907 C.c.Q.).

On parle d'«aptitude» ou de «vocation» à devenir titulaire de droit parce qu'une personne ne jouit
pas automatiquement de tous les droits et toutes les obligations qui découlent de la personnalité
juridique. Cela signifie qu’il existe des incapacités de jouissance d’un droit liées à l’âge. Ex. : un
bébé naissant est incapable de se marier, de détenir un permis de conduire ou d'exercer son droit
de vote avant l’âge prescrit pour ce faire.

Examinons maintenant les modes d’acquisition de la personnalité juridique, suivant qu’il s’agisse
d’une personne physique ou morale.

1. L'acquisition de la personnalité juridique

L'acquisition de la personnalité juridique diffère selon qu’il s’agisse d'une personne physique
(art. 1 C.c.Q.) ou d'une personne morale (art. 298 C.c.Q.).

a) Les personnes physiques

La personnalité juridique est liée à la corporalité d'une personne, et non à sa volonté ou sa


conscience. L'enfant en très bas âge et le majeur souffrant d’une inaptitude intellectuelle
demeurent évidemment des personnes malgré leur condition physique. Par ailleurs, l'existence de
la personnalité juridique est fonction de la durée de la vie humaine, c’est-à-dire qu’elle débute à
la naissance et se termine à la mort d’un individu.

L’article premier du Code civil du Québec ne spécifie pas le moment où l'on devient un être
humain, titulaire de la personnalité juridique. C'est par interprétation de l'art. 617 C.c.Q. (qui
édicte les qualités requises pour succéder) qu'on comprend le fait que, au plan légal du moins, la
personnalité s'acquiert lorsqu’une personne humaine naît : 1) vivante et 2) viable.

Par définition, il faut alors exclure l'enfant mort-né, que le décès se soit produit in utero ou lors
de l'accouchement. L'enfant naît vivant s’il fut capable de respirer seul après la naissance (i.e.
qu’on puisse retrouver de l'air dans ses poumons à l’occasion de l’autopsie).

L'enfant est non viable si, comme l'explique Mignault : «sa constitution est tellement hors nature
qu'il ne peut vivre que pendant quelques instants ou quelques jours». C’est dire qu’il doit avoir
possédé tous les organes essentiels à la survie, peu importe les difformités ou les handicaps. La
mort subséquente serait donc imputable à un accident ou à une maladie contractée peu après la
naissance.

Si l'enfant ne rencontrait pas ces deux conditions (i.e. né vivant et viable), on ne peut conclure
qu’il a bénéficié de la personnalité juridique. Bien que cela puisse paraître peu important en
raison des circonstances, la qualification de la situation peut se révéler essentielle au plan
successoral. En somme, ne possèdent pas la personnalité juridique : les spermatozoïdes, les
ovules, les embryons congelés; le foetus in utero avorté spontanément, accidentellement,
volontairement ou par acte fautif; et l'enfant mort-né ou qui est né vivant et décédé très peu de
temps par la suite pour cause de

non-viabilité. L’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Daigle c. Tremblay,
(1989) 2 R.C.S. 530 est d’ailleurs limpide à ce sujet.

En effet, il avait été plaidé qu’il existe une exception à l'acquisition de la personnalité par la
naissance, à savoir celle-ci provenant du droit romain qui voulait que l'enfant conçu (infans
conceptus) mais pas encore né était considéré comme né (par fiction) chaque fois qu'il y allait de
son intérêt, à la condition qu'il naisse par la suite vivant et viable. Cette règle, qui met en lumière
le besoin de sauvegarder les intérêts économiques du foetus, n’a toutefois pas suffi à déclarer
qu’il bénéficiait du droit à la vie (droit extrapatrimonial) dès sa conception, laquelle protection
légale est accordée uniquement aux personnes déjà nées vivantes et viables. Pour cette raison, les
autres dispositions du code citées en appui de cette thèse (écartée par notre plus haut tribunal) ne
peuvent être valablement retenues comme argument (voir les articles 192(2), 439, 617(1),
740(1), 1279(1) et 1814(1) C.c.Q.).

b) Les personnes morales

Au plan juridique, les personnes morales sont des «personnes» à part entière. Elles sont formées
par suite d’une demande d’incorporation (art. 2188 al. 2 C.c.Q.) présentée par un ou plusieurs
individus ayant le désir d’exploiter une entreprise ou, encore, en raison d’un bien commun dans
lequel ils possèdent une quote-part (ex. syndicat de copropriété : art. 1039 C.c.Q.). Les personnes
morales possèdent une personnalité juridique (art. 298 C.c.Q.) distincte de celle du ou des
actionnaires qui y possèdent des intérêts.

Il existe deux types de personnes morales (art. 298 al. 2 C.c.Q.), à savoir les personnes morales
de droit privé et les personnes morales de droit public.

On compte parmi les personnes morales de droit public : les villes et municipalités; les sociétés
d'État (ex. Hydro-Québec); les commissions scolaires, les hôpitaux et les universités.

Les personnes morales de droit privé incluent, notamment : les sociétés par actions (créées en
vertu de la L.S.A.Q. (provincial) ou de la L.C.S.A. (fédéral), les coopératives, les syndicats et les
fondations (voir l’art. 1256 C.c.Q. pour une définition).

Ceci implique que les sociétés de personnes régies par le Code civil (i.e. société en nom collectif,
société en commandite et société en participation : art. 2186 et suiv C.c.Q.) ne constituent pas
des personnes morales bénéficiant d’une personnalité juridique intrinsèque.

En principe, une personne morale acquiert sa personnalité juridique au moment prévu par la loi
qui lui est applicable. C'est le cas, par exemple, des personnes morales de droit privé qui sont
constituées en vertu de lois particulières (ex. Loi sur les sociétés par actions du Québec, i.e. la
L.S.A.Q.).

Pour les personnes morales de droit public (ex. Hydro-Québec ou ville de Montréal), la naissance
est fixée à l’une ou l’autre des dates suivantes : à compter de l'entrée en vigueur de la loi spéciale
ou au temps que celle-ci prévoit ou, à la date où elle est constituée directement par la loi ou par
l’effet de celle-ci (art. 299, al. 2 C.c.Q.).

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2) Les attributs de la personnalité juridique (état et capacité)

Tant les personnes physiques que morales doivent être individualisées en droit. Il s’agit alors de
connaître les éléments particuliers du «dossier» d’une personne puisque son état détermine sa
capacité juridique de faire ou de ne pas faire quelque chose. Ex. : l’état civil de personne
«mineure» fait en sorte que, mis à part certaines exceptions, elle ne peut contracter seule (i.e.
sans l’aide d’un représentant, ex. tuteur) pour la majeure partie des contrats possibles en droit
civil; l’état civil de personne «mariée ou unie civilement» implique qu’elle ne peut contracter
une seconde union légale sans que la première n’ait été dissoute.

La détermination de l’état civil d’une personne (physique ou morale) a pour effet d'individualiser
cette personne et de déterminer son statut au plan juridique. Examinons la chose de plus près.

- L’état d'une personne :

On entend par cette expression l'«état civil» d'une personne. Il s’agit de sa situation particulière
en droit, c’est-à-dire son statut juridique. Il existe trois (3) sortes possibles d'états pour une
personne physique. L'état politique : le fait d'être citoyen ou non. L'état familial, ex. qualité
d'époux, de parent, de célibataire, d'enfant, lesquelles sont importantes à la détermination de
l’étendue des droits et obligations dans le cadre de certaines situations précises. Songeons par
exemple à son régime matrimonial, au droit successoral, à l’obligation alimentaire, au droit de
garde, et le reste. L'état individuel consiste à tenir compte de l'âge et des facultés intellectuelles
d'une personne. Ces deux éléments jouent un rôle essentiel quant à la capacité juridique de
conclure un contrat avec ou sans la représentation ou l’assistance d’une autre personne.

L’état constitue l'élément qui marque le plus de différence entre une personne physique et une
personne morale. En effet, une personne morale compte peu d'éléments qui la caractérisent du
point de vue «état» : elle n’a pas de sexe, ne se marie pas, n’est ni mineure, ni majeure. Son seul
état véritable se rapporte à son domicile et sa nationalité, lesquelles se déterminent en fonction
du lieu de son siège social.

Les trois éléments suivants caractérisent l’état d’une personne physique : indivisibilité, i.e. l'état
est unique. Ex. : on ne peut être à la fois mineur ou majeur, célibataire ou marié; indisponibilité,
i.e. on ne peut disposer de notre état ou y renoncer par contrat. Ex : un enfant qui conviendrait
avec ses parents qu'il n'est pas leur enfant afin de ne pas leur succéder. Note : le mariage ou
l’adoption constituent des exceptions car on peut choisir de mettre fin au mariage (par divorce :
art. 516 C.c.Q.) ou déclarer un enfant admissible à l’adoption (art. 559 C.c.Q.); imprescriptibilité,
i.e. l’état civil ne peut disparaître tant que la personne qui le possédant vit encore. Ainsi, l'état ne
peut disparaître par non-usage. Ex. : les conjoints mariés qui cessent de vivre ensemble sans
pourtant divorcer demeurent toujours des époux. Par ailleurs, une personne ne peut acquérir un
état qui n'est pas le sien. Ex. : un garçon qui vit dans une famille autre que la sienne et qui y est
considéré comme «faisant partie de la famille» ne sera pas légalement membre de cette autre
famille à moins qu’un jugement d’adoption ne soit prononcé en sa faveur.

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- La capacité (juridique) d’une personne :

La capacité juridique se définit comme l'aptitude à jouir et à exercer soi-même ses droits. Elle est
civile lorsqu'elle porte sur les droits civils (droit au respect de la vie, droit de propriété, droit de
créance). Il existe deux sortes de capacité, à savoir la capacité de jouissance et la capacité
d’exercice d’un droit. La capacité de jouissance est l’aptitude d’une personne de jouir pleinement
des droits dont elle est titulaire. Ex. : la jouissance du droit de conclure un contrat dès le jour de
notre naissance. Toutefois, la capacité de jouissance d’un droit peut être sérieusement limitée par
l’incapacité d'exercer seul ledit droit, lequel nécessite alors la représentation ou l’assistance par
un tiers (ex. l’enfant mineur ne pouvant légalement contracter dans certaines situations que par
l’entremise de son représentant, ex. tuteur).
Parmi les nombreux attributs (ou caractéristiques) de la personnalité juridique se trouvent
notamment les suivants : le nom et le domicile. Il s’agit là de questions d’état d’une personne
(morale ou physique).

- le nom : Pour une personne physique, le mot «nom» possède un sens générique, signifiant
qu’il peut s’agir tant du nom de famille (patronymique) que du ou des prénoms servant à
individualiser une personne au sein d'une même famille (art. 50 C.c.Q.). L'attribution des
prénoms et du nom de famille (patronymique) est prévue au code (art. 51 à 54 C.c.Q.). S’il est
question d’une filiation biologique (i.e. par le sang) résultant du mariage, de l’union civile ou
d’une union de fait, voir l’art. 50, al. 1 C.c.Q. S’il s’agit d’un cas adoption, voir l’art. 576 C.c.Q.
Les trois éléments suivants caractérisent le nom d’une personne (physique ou morale):
indisponibilité, i.e. on ne peut transiger sur un nom. En d’autres termes, le nom ne peut
constituer l'objet d'un contrat ou d'un accord. On ne peut ainsi le vendre ou le céder, sauf afin de
céder l'usage à des fins commerciales (ex : artistes); imprescriptibilité: i.e. le nom ne se perd pas
même par suite d'un non-usage prolongé. On garde le droit de s'en servir. Cela implique qu’une
autre personne ne peut l'acquérir par prescription; immutabilité, i.e. en principe, on ne peut
changer son nom pour en adopter un autre, sauf dans le cas de l'adoption et selon les dispositions
prévues pour le changement de nom (art. 57 et suiv. C.c.Q.). Le nom de famille est un droit de la
personnalité. Le titulaire a droit de s'en servir dans le cadre de ses activités et il peut se défendre
contre l'usurpation de ce nom (art. 56 al. 2 C.c.Q.). Pour une personne morale, on parle de
raison sociale ou «dénomination sociale» des entreprises ou des associations. Le choix de la
dénomination est libre, bien que la Loi sur la publicité légale des entreprises (L.P.L.E.) impose
certaines restrictions pour, notamment, éviter la confusion et la conformité à la langue française.
Une entreprise peut, par ailleurs, changer un élément contenu dans sa dénomination sociale.

- le domicile : Selon l’art. 75 C.c.Q., le domicile d'une personne physique est le lieu où se
trouve son principal établissement. Dans le Code civil du Québec, le domicile correspond
véritablement aux frontières de notre province. Il s’agit d’un concept important en matière
contractuelle et électorale ou, encore, pour instituer des procédures en droit privé, de même que
pour se voir régi par les lois (avantages et inconvénients) de la province. La notion de domicile
repose sur un élément matériel (principal point de rattachement d’un individu) et intentionnel, la
distinguant ainsi de la notion de résidence (art. 77 C.c.Q.), laquelle se rapporte à une question
factuelle à savoir où se situe le lieu de résidence habituelle. Note : l’élément intentionnel signifie
qu’une personne entend faire de cette nouvelle juridiction (ex. province de Québec) le lieu qui
correspond désormais à l’endroit qu’elle a choisi pour centraliser ses activités juridiques. Or,

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soulignons ici que l’absence physique d’activités au domicile précédent ne signifie pas
nécessairement, en revanche, qu’il y a absence de toute activité juridique à cet endroit. En fait, la
détermination de l’élément intentionnel est laissée à l’appréciation de l’autorité à laquelle une
personne prétend avoir changé de domicile. Quoiqu’il en soit, il nous faut retenir que celui-ci est
fixe et obligatoire; nous ne pouvons avoir deux domiciles à la fois. Bien qu’elle puisse être
reconnue avoir changé de domicile en faveur d’une nouvelle juridiction, il n’en demeure pas
moins que pour ce faire une personne devra d’abord convaincre l’autorité compétente de
l’existence d’éléments matériels et intentionnels qui tendront vers la conclusion d’un
changement de domicile (c’est-à-dire qu’elle a quitté à jamais son domicile précédent en faveur
de l’actuelle juridiction). Pour une personne morale, le domicile correspond à son siège social,
principal lieu de ses activités.

3. La perte de la personnalité juridique a) les personnes physiques :

La perte de la personnalité juridique résulte de la mort de cette entité corporelle. Note :


contrairement au droit d’antan, il n’y a plus de «mort civile» pour cause de dette et
d’emprisonnement. Du reste, de nos jours comme autrefois d’ailleurs, il faut distinguer entre
l’absence et la disparition d’un individu.

L'absence (art. 84 C.c.Q.) découle du fait qu’une personne domicilié au Québec ne paraît plus et
ne donne plus de nouvelles sans qu’on sache si elle vit encore, auquel cas, à moins de preuve
contraire, elle est néanmoins présumée vivante pendant les sept années qui suivent la date où elle
a cessé de paraître (art. 85 C.c.Q.)

En comparaison, la disparition (art. 92, al. 2 C.c.Q.) permet de requérir dès à présent un
jugement déclaratif de décès étant donné les faits mis en preuve, i.e. la mort d’un individu peut
être tenue pour certaine en raison des circonstances (ex explosion d’un avion en haute-mer),
malgré le fait qu'il soit impossible de dresser un constat de décès vu l’absence de son cadavre.
C’est dire que la personnalité juridique se perd avec la vie, donc à la mort d'une personne.
Auparavant, la mort se comprenait à partir du simple fait qu’il y avait arrêt des fonctions
respiratoires et cardiaques. On s’entend présentement pour associer la mort à la cessation de la
quasi-totalité des fonctions cérébrales, se manifestant ensuite par l'arrêt des fonctions
circulatoires et respiratoires spontanées.

b) les personnes morales :

La date de la dissolution de la personne morale de droit privé figure dans le Livre de la


compagnie. La dissolution peut résulter de la volonté des membres du groupement, pour diverses
causes variant de la réalisation de son objectif initial à la difficulté économique ayant entraîné sa
faillite. Une décision administrative de la part de l’État peut également expliquer la dissolution
forcée d’une société par actions, comme par exemple le fait de ne pas produire de déclaration de
mise à jour continue (annuelle) auprès du Registraire pendant trois années consécutives.

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