Vous êtes sur la page 1sur 8

1

Troisième projet révisé de traité contraignant

Réflexions sur le texte en préparation de la


7ème Session du GTIG

Le 17 août 2021, le président du groupe de travail intergouvernemental (GTIG) à


composition non limitée de l'ONU chargé d'élaborer un instrument juridiquement
contraignant (IJC) pour réglementer les activités des sociétés transnationales et autres
entreprises commerciales a publié le troisième projet révisé de l’IJC. L'élaboration de cet
instrument, mandaté en 2014 par la résolution 26/9 du Conseil des droits de l’homme de
l'ONU, vise à compléter et à aller au-delà des Principes directeurs des Nations unies relatifs
aux entreprises et aux droits de l’homme (PDNU) qui ont été adoptés en 2011.

Dix ans après l'adoption des PDNU, et malgré des efforts croissants pour répondre au
problème, l'accès à la justice pour les victimes victimes d'atteintes commises par les
entreprises reste largement une illusions et, trop souvent, c’est l'impunité qui prévaut. Sur
tous les continents, les victimes de violations des droits humains et de graves dommages
environnementaux luttent toujours pour obtenir justice et réparation. L'IJC constitue la voie la
plus solide et la plus tangible pour pour éliminer les principales lacunes en matière de
responsabilité qui subsistent dans le cadre international.

Le processus a parcouru un long chemin depuis l'adoption de la résolution 26/9 du Conseil


des droits de l’homme de l'ONU. Six sessions de négociations de l’IJC ont déjà eu lieu à
Genève; elles ont vu la participation et l'engagement de plus d'une centaine d'Etats,
d'experts et de centaines d'organisations de la société civile du monde entier, dont la FIDH
et ses membres.

Globalement, le troisième projet révisé - qui constitue déjà la quatrième version du texte
discuté - apporte des changements limités par rapport à la version précédente, ce qui
indique que le texte se stabilise. Bien que des questions importantes n'aient toujours pas été
abordées par les rédacteurs, le texte a progressivement pris en compte certains des
commentaires faits par les organisations de la société civile lors des précédentes sessions
de négociation. La FIDH considère que le moment est venu de tenir des négociations
substantielles et que le texte représente une bonne base pour ce faire. Seul un engagement
substantiel, précis et constructif au cours de la 7ème session et au-delà permettra de
consolider les points forts et de surmonter les problèmes restants dans le projet.

Cette publication résume les principales réflexions de la FIDH sur le troisième projet révisé,
en soulignant certaines des améliorations et les principaux défis restants dans le texte.
L'intégralité des déclarations écrites et orales et des publications est disponible sur une
page web dédiée. En plus de ce commentaire, la FIDH a contribué ou co-signé des analyses
du projet révisé publiées par deux coalitions, ESCR-net et les Feminists for a binding treaty,
qui complètent utilement le présent texte.
2

Questions transversales: Clarifier la place et la portée de la prévention et de


l’atténuation

Dans l'ensemble du texte, l'IJC continue d'entretenir une importante confusion lorsqu'elle fait
référence à l'objectif d’ « atténuation » (mitigation) (et non pas seulement de prévention). Il
est primordial de préciser que les entreprises doivent "prévenir et atténuer les risques" et
"prévenir les atteintes", et non pas d’ "atténuer les atteintes".

Comme la FIDH l'avait souligné à propos du deuxième projet révisé, il est essentiel
de prêter une attention particulière à l'utilisation alternée de l'atténuation et de
la prévention. Non seulement les problèmes signalés dans le passé concernant les
articles 6.2 et 6.3(b) n'ont pas été résolus, mais l'ajout du terme "atténuation" dans
les articles 2.1(c) et (e) accentue cette confusion, puisque ces articles font référence
à l'objectif d'atténuer les atteintes qu'une entreprise cause ou contribue à causer par
ses propres activités (alors que seule la prévention devrait être utilisée dans ce
contexte).

L'utilisation du terme "atténuation" est également particulièrement déplacée dans l'Art


6.3(b) car elle fait spécifiquement référence à l'objectif d'atténuer les atteintes qu'une
entreprise cause ou auxquels elle contribue par ses propres activités. Seul le terme
"prévention" devrait être utilisé dans ce contexte. Nous encourageons donc les États à
clarifier l'utilisation des termes " prévention " et " atténuation " dans l'ensemble du texte, en
veillant à ce que la prévention soit toujours utilisée en ce qui concerne les activités propres
d'une entité et ses relations commerciales lorsqu'il existe un contrôle ou une influence
considérable, tandis que l'atténuation est utilisée dans les cas où l'entité a un effet de levier
très limité ou nul.

Bien que l'atténuation ait sa place, il doit être clair que cela concerne les atteintes
commises par les entités ayant une relation commerciale avec l’entreprise (où cette
entreprise aurait une influence nulle ou limitée). En ce qui concerne les activités
propres ou les activités des entreprises sous leur contrôle, les atteintes doivent être
prévenues. L'utilisation de l'atténuation dans ces contextes s'éloigne de la
formulation du 1er projet révisé qui indiquait clairement que la prévention était
l'objectif principal de la législation et des obligations de vigilance en matière de droits
humains, et contredit la PP11 actuelle qui adopte une formulation plus appropriée :
prévenir les atteintes dans le contexte des activités propres et prévenir/atténuer les
atteintes par les relations commerciales.

Préambule
Nous saluons la référence à l'obligation des entreprises de respecter les droits humains
internationalement reconnus (PP 11).
L'ajout explicite du Rapport du Groupe de travail Groupe de Travail de l’ONU sur les Droits
de l’Homme et les entreprises concernant l’optique de genre ainsi que l'ajout de la
Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (PP14) sont
utiles car il s'agit d'un texte très progressiste.

Article 1 Définitions

Les changements dans les définitions incorporés dans le 3ème projet révisé comprennent
des changements positifs et négatifs comme nous l'expliquons ci-dessous :

Définition de la "Victime" (art 1.1) :


3

L'élimination des listes redondantes et potentiellement préjudiciables de types de dommage


est une étape positive qui permettra au traité de couvrir tout type de dommage qui
constituerait une violation des droits humains.

Cependant, l'utilisation de "peut" au lieu de "doit" en ce qui concerne l'inclusion des


membres de la famille/parents en tant que victimes, réduisant la portée de l'article, est
regrettable. Conformément à la jurisprudence internationale et régionale, cette définition
devrait dans tous les cas inclure les membres de la famille et les proches.

En outre, la définition de la victime devrait inclure non seulement les personnes qui ont subi
un dommage, mais aussi celles qui subissent ou ont subi des menaces. De même, la
définition des membres de la famille et des proches devrait également inclure les aidants
(caregivers) qui ne sont pas directement liés à la famille mais qui sont considérés comme en
faisant partie.
Le terme "victime" désigne toute personne ou groupe de personnes, indépendamment de leur
nationalité ou de leur lieu de résidence, qui ont subi individuellement ou collectivement un
dommage ou des menaces de dommage, qui constituent une violation des droits humains, par
des actes ou des omissions dans le cadre d'activités commerciales.

Le terme "victime" doit également inclure les membres de la famille immédiate ou les
personnes à charge de la victime directe ainsi que les soignants et les personnes qui ont subi
un dommage en intervenant pour aider les victimes en détresse ou pour prévenir la
victimisation.

Définition de la "violation des droits humains" (art. 1.2) :

L'inclusion des "dommages directs et indirects " est une évolution positive.

De même, l'élimination de la référence antérieure aux seules "entreprises", qui signifie que
les violations commises par les États/acteurs étatiques peuvent désormais être interprétées
comme étant incluses dans la définition, comble une lacune importante.

Le remplacement de la référence aux "droits environnementaux" par "le droit à un


environnement sûr, propre, sain et durable", dont le champ d'application est beaucoup plus
clair et qui est fondé sur le droit international des droits humains, résout les préoccupations
soulevées par de nombreux États.

Article 2. Déclaration d'intention

La référence au mécanisme de contrôle et de mise en œuvre de l'article 2.1(c)


vise à renforcer la mise en œuvre (généralement faible) par les États de leurs
obligations dans le contexte des activités commerciales. Cependant, cet objectif
devrait être concrétisé par l'ajout d'un article spécifique sur le "contrôle et la mise en
œuvre", dans le but de réaffirmer le rôle de l'État en tant que garant et responsable
du respect des droits, plutôt que de laisser les mécanismes de contrôle presque
entièrement aux victimes par le biais de procédures de plaintes privées.

Article 4 Droits des victimes

Cet article fait référence à un large éventail de droits et de protections qui existent déjà en
droit international et qui devraient être garantis non seulement aux victimes d'atteintes
commises par des entreprises, mais aussi à tous les individus. Un changement du titre de
l'article 4 en "Droit à un recours effectif" et l'utilisation du terme "titulaires de droits" au lieu
de "victimes" permettraient de clarifier ce point.
4

Nous saluons les changements apportés à l'article 4.2. (c) qui illustrent une compréhension
large du droit d'accès à la justice et à la réparation, conformément à la jurisprudence du
système interaméricain des droits humains. Il convient de noter que les formes de recours
énumérées dans l'article ne sont pas limitatives. Pour s'aligner pleinement sur cette
compréhension large, l'article devrait également inclure "la prise en charge des frais de
réinstallation des victimes, le remplacement des installations communautaires, une
assistance d'urgence complète et un suivi sanitaire à long terme."

En outre, pour surmonter les obstacles spécifiques à l'accès à la justice, cet article devrait
renforcer les dispositions relatives à l'accès à l'information conformément aux
instruments internationaux relatifs aux droits humains, veiller à ce que les impacts
différenciés soient pris en compte dans les processus de réparation, garantir la participation
et alléger la charge de la preuve. Ce dernier point pourrait être réalisé en incluant le principe
de la charge dynamique de la preuve, comme suggéré à l'article 7 ci-dessous.

Article 5 Protection des victimes

Cet article devrait mieux prendre en compte le rôle de l'État vis-à-vis des violations des
droits humains et ses devoirs d'enquêter, de sanctionner et de remédier à ses propres
manquements (qui s'ajoutent à son devoir d'assurer un recours effectif dans le cadre de
violations par les entreprises). À cet égard, l'article 5 devrait exiger des États qu'ils adoptent
des dispositions pour enquêter sur les actes répréhensibles commis par des fonctionnaires
chargés de superviser l'activité des entreprises et qu'ils prennent des mesures pour
s'assurer que les individus et les communautés dont les droits humains sont menacés par
les activités des entreprises aient accès à des mesures de précaution efficaces pour
prévenir un dommage imminent ou irréversible.

Article 6 Prévention

D'une part, un certain nombre d'évolutions positives peuvent être soulignées, notamment :

 l'élimination de la référence aux violations "graves" des droits humains qui


restreignait considérablement le champ d'application de la diligence raisonnable
(article 6.3); ;

 la référence spécifique à l'obligation d'entreprendre et de publier des évaluations


d'impact sur les droits humains, les droits du travail, l'environnement et le
changement climatique (Art. 6.4 (a)), et l'obligation de rendre compte publiquement
et périodiquement des normes relatives à l'environnement et au changement
climatique (Art 6.4 (e)) ;

 l'ajout, à l'article 6.8, du terme "législation" lorsqu'il est question de ce qui doit être
protégé des intérêts particuliers, et la nécessité pour les États d'agir "de manière
transparente".

D'autre part, de nombreuses lacunes importantes signalées à propos du deuxième projet


révisé persistent dans cette version :

 Malgré la mention explicite des entreprises publiques, le nouveau texte n'aborde pas
le rôle de l'État en tant qu'acteur économique ayant un devoir accru de respecter
les droits humains. Il est essentiel que l'IJC aborde mieux l'obligation pour un État
d'exercer une diligence raisonnable lorsqu'il s'engage dans des activités
économiques ou lorsqu'il offre un soutien financier ou autre à des entreprises,
comme l'octroi de licences d'exportation, la conduite de transactions commerciales
avec des entreprises, y compris la passation de marchés et la privatisation de
services, etc. afin d'aborder le respect des obligations de vigilance pour les
5

entreprises qui fournissent des biens et des services aux États ou qui reçoivent des
subventions des États;

 Les rédacteurs doivent aligner le contenu de l'article 6 sur les étapes de la


diligence raisonnable en matière de droits humains "codifiées" par les normes
internationales existantes telles que les Principes directeurs des Nations Unies et les
Principes directeurs de l'OCDE. Il est essentiel pour le futur instrument juridiquement
contraignant de s’aligner sur les normes existantes lorsqu'elles sont plus protectrices
des droits humains et de les améliorer lorsqu'elles ne sont pas suffisantes.

 Mieux inclure la protection des défenseurs des droits humains en tant qu'élément
clé d'une prévention efficace des atteintes et des violations des droits humains dans
le contexte des activités des entreprises, et préciser explicitement que les
défenseurs des droits humains et les membres des communautés concernées, y
compris les membres de la communauté LGBTIQ+, les paysans et autres
populations rurales et les minorités ethniques et linguistiques, doivent être consultés
tout au long de la planification, de la mise en œuvre et du suivi d'un projet
économique donné.

Article 7 Accès à un recours

L'accès à l'information reste très faible et mal traité dans l'article 7.2, qui ne traite pas de la
découverte.

En ce qui concerne la charge de la preuve, l'utilisation de "doit" au lieu de "peut" dans


l'article 7.5 est une formulation plus forte et plus claire, qui ne laisse plus son application à
la discrétion des autorités de l'État. Toutefois, l'option du renversement serait toujours
laissée à la discrétion des juges et soumise aux lois constitutionnelles des États. La
formulation pourrait être révisée comme suit :

Les États parties adoptent ou modifient des lois autorisant les juges pour permettre de
renverser la charge de la preuve dans les cas appropriés afin de réaliser le droit des victimes
d'accéder à un recours, lorsque cela est conforme au droit international et à leur droit
constitutionnel interne.

Et le principe de la charge dynamique de la preuve devrait être ajouté conformément à la


formulation suggérée ci-dessous :

Cela comprend le pouvoir pour les juges, au cas par cas, d'office ou à la demande d'une partie,
lorsqu'ils ordonnent des preuves, pendant leur pratique ou à tout moment du processus avant
de statuer, d'exiger la preuve d'un certain fait à la partie qui est dans la position la plus
favorable pour fournir des preuves ou clarifier les faits contestés. La partie sera considérée
comme étant dans la position la plus favorable en raison de sa proximité ou de sa possession
du matériel probatoire, de sa connaissance technique des circonstances, parce qu'elle est
intervenue directement dans les faits qui ont donné lieu au litige, ou en raison de l'état
d'impuissance ou d'incapacité dans lequel se trouve la partie adverse, entre autres
circonstances similaires.

Cet article devrait également inclure des mécanismes de recours collectif, l'accès à des
conseils scientifiques indépendants et à d'autres expertises techniques ainsi que des
mesures de transparence (discovery).
6

Article 8 Responsabilité juridique

Bon nombre des lacunes soulevées précédemment ne sont toujours pas comblées. L'article
8, relatif à la responsabilité juridique, devrait mieux distinguer les dispositions qui concernent

 la responsabilité en cas de dommages causés par une entreprise ou auxquels elle a


contribué par ses propres activités ou opérations (8.1), et

 la responsabilité en cas de dommage causé par ou auquel a contribué une société


qu'elle contrôle à travers leurs activités ou opérations, ou en cas d'incapacité à
prévenir un dommage lié à ses relations commerciales (8.6).

Dans cet esprit, la formulation de l'article 8.1. devrait être adaptée comme suit :
Les États parties veillent à ce que leur droit interne prévoie un système complet et adéquat de
responsabilité juridique des personnes physiques et morales exerçant des activités
commerciales sur leur territoire ou sous leur juridiction, ou placées sous leur contrôle de toute
autre manière, pour avoir causé ou contribué à des atteintes aux droits humains pouvant
résulter de à travers leurs propres activités commerciales, y compris celles de caractère
transnational, ou celles de leurs relations commerciales.

A l'article 8.3, la référence aux "autres infractions réglementaires", qui avait été un
amendement bienvenu dans la version précédente du projet, a été supprimée. Nous
suggérons que cette référence aux "autres infractions réglementaires" soit
réincorporée.

Pour clarifier les conditions de la responsabilité au titre de l'article 8.6, il faudrait distinguer
clairement les 3 scénarios suivants:

1) La responsabilité des entreprises pour les violations des droits humains que les entités
qu'elles contrôlent, gèrent ou supervisent causent ou auxquelles elles contribuent.

2) La responsabilité des entreprises pour ne pas avoir pris les mesures adéquates pour
prévenir les atteintes prévisibles aux droits humains auxquelles elles sont liées par une
relation commerciale directe ou indirecte.

3) Une responsabilité stricte pour les activités qui sont intrinsèquement dangereuses.

De plus, la suppression de l'expression "légalement ou factuellement" lorsqu'il est question


de "contrôle, gestion ou supervision" pourrait être préjudiciable si seul le contrôle légal ou
formel est pris en compte. Nous recommandons que la référence au "contrôle légal ou
factuel" soit réintégrée dans le texte.

Il peut être utile d'ajouter une définition des cas où le contrôle peut être présumé, sans
que cela soit définitif ou exclusif dans l'IJC. Cette définition pourrait être la suivante :
Le contrôle est présumé lorsque
 une société détient plus de 50 % des droits de vote dans une autre société ou
lorsqu'une société ne parvient pas à fournir des preuves concluantes de son absence
de contrôle.
 une entreprise exerçait une influence suffisante ou aurait pu exercer une influence
suffisante sur un tiers.
 l'entreprise principale entretient une relation commerciale directe avec l'entité qui a
causé le dommage.

En outre, les dispositions relatives à la responsabilité pour défaut de prévention (article 8.6)
sont toujours alambiquées et confuses. La diligence raisonnable ne doit jamais servir de
protection contre la responsabilité juridique. Cependant, dans la formulation actuelle, il
7

n'est pas clair si la diligence raisonnable comme moyen de défense est suggérée pour les
"activités propres" des entreprises. Il est primordial de clarifier que cette défense n'est pas
disponible lorsque les entreprises causent ou contribuent à des violations des droits
humains par leurs propres activités. Nous suggérons donc de supprimer la dernière phrase
de l'article 8.7. :
8.7. La diligence raisonnable en matière de droits humains n'exonère pas automatiquement
une personne morale ou physique exerçant des activités commerciales de sa responsabilité
pour avoir causé ou contribué à des violations des droits humains ou pour ne pas avoir
empêché de telles violations par une personne physique ou morale, comme le prévoit l'article
8.6. Le tribunal ou toute autre autorité compétente décidera de la responsabilité de ces entités
personnes morales ou physiques après un examen du respect des normes applicables en
matière de diligence raisonnable en matière de droits humains.

L'article 8.7 continue de faire référence aux "normes de vigilance applicables en


matière de droits humains" comme référence normative pour les tribunaux ou les autorités
compétentes, ce qui peut être potentiellement très préjudiciable. Pour clarifier le lien entre la
diligence raisonnable et la responsabilité, l'article 8 devrait indiquer clairement qu'il incombe
à l'entreprise défenderesse de démontrer qu'elle a pris toutes les mesures raisonnables pour
empêcher les entités qu'elle contrôle ou sur lesquelles elle exerce une influence suffisante
de causer ou de contribuer à une violation ou à une atteinte aux droits humains (toutefois,
cette défense ne serait pas disponible lorsque la violation découle de ses propres actions ou
omissions ou de celles des entités qu'elle contrôle, gère ou supervise, voir l'article 8.6 ci-
dessus). Ce type de disposition est bien établi dans différents instruments juridiques
nationaux et internationaux et dans la jurisprudence, et est ici suggéré pour les actions
civiles. Elle n'entre donc pas en conflit avec le principe de la "présomption d'innocence", qui
est un principe de droit pénal.

En ce qui concerne la responsabilité pénale des entreprises, article 8.8, nous


regrettons la suppression de la référence au devoir des États de continuer à œuvrer à la
reconnaissance des crimes de droit international dans leurs systèmes juridiques nationaux
et à rendre les personnes morales pénalement responsables de ces crimes.

Article 9 Compétence juridictionnelle

Les changements apportés à l'article 9 sont les bienvenus car ils clarifient les motifs
de compétence et la définition du domicile. Cependant, certains changements sont encore
nécessaires pour garantir que les lacunes en matière de responsabilité soient correctement
comblées.

L'article 9.1.(a) ajoute le lieu où la violation des droits humains "a produit des effets",
qui peut être assimilé au lieu où le dommage s'est produit, un motif évident de compétence
qui n'avait pas été pris en compte jusqu'à présent.
L'article 9.1 (b) fait référence à la "contribution", ce qui peut être potentiellement
limitatif, dans la mesure où cela exclut les cas de causalité directe. Le terme "causant"
devrait être ajouté, afin d'utiliser le même langage que l'article 9.1 (c) qui utilise correctement
"causant ou contribuant".

Article 9.5. L'élimination, dans le nouveau projet, de l'expression "lien suffisamment


étroit" et l'utilisation, à la place, d'une liste étroite de motifs pour procéder à une demande de
forum necessitatis, peut avoir à la fois des avantages et des inconvénients.

 D'une part, l'énumération expresse des motifs permet de s'assurer que les
demandeurs se trouvant dans l'une de ces situations n'auront pas à argumenter et à
plaider que leur situation équivaut à un "lien suffisant". Pour les juridictions qui
utilisent une interprétation très étroite de "lien suffisant", cela pourrait être
avantageux.
8

 D'autre part, la liste étroite de motifs risque d'exclure d'autres motifs qui pourraient,
dans une juridiction ou un cas donné, être interprétés comme justifiant le for de
nécessité. En maintenant la référence au "lien suffisant avec l'Etat partie concerné",
suivie de "notamment", l'IJC conserve une base générale qui peut englober des
situations nouvelles ou imprévues, tout en s'assurant que les trois motifs énumérés
sont toujours interprétés comme équivalant à un lien suffisant. En outre, la référence
à une activité "substantielle" au titre de l'article 9.5.c est trop restrictive.

Les tribunaux sont compétents pour recevoir des demandes formées contre des
personnes morales ou physiques non domiciliées sur le territoire de l'État du for si
aucun autre tribunal garantissant un procès équitable n’est disponible et si un lien avec
l'État partie concerné est constitué, notamment par :
a. la présence du demandeur sur le territoire du for ;
b. la présence de biens appartenant au défendeur ; ou
c. certaines activités exercées par le défendeur

Article 10 Prescription

Une étape positive majeure est le passage de la procédure pénale à "toutes les
procédures judiciaires" (c'est-à-dire incluant également l'action civile) à l'article 10.1. Ceci
est particulièrement important pour les États où les délais de prescription ne s'appliquent
pas à l'action pénale pour certains crimes reconnus en droit international, mais s'appliquent
à une action civile pour les dommages qui y sont liés, ce qui réduit considérablement leurs
chances de succès ou d'obtenir des réparations complètes.

La FIDH soulèvera ces principaux éléments d’analyse lors de la 7ème session du


GTIG et dans ses conversations avec les autres organisations et délégations
participantes. De plus amples détails sur la formulation suggérée pour répondre à ces
préoccupations peuvent être fournis sur demande.

Nous encourageons également les membres de la FIDH qui partagent ces


préoccupations à les inclure dans leur analyse du traité, dans leur communication
avec les délégations des États et leurs partenaires et à les exposer dans leurs
interventions sur ce sujet.

Nous appelons les Etats négociateurs - en particulier ceux qui ont demandé à
plusieurs reprises que des discussions de fond aient lieu, ceux qui se déclarent
résolus à avancer vers une mondialisation plus durable, ainsi que ceux qui
envisagent d'adopter des mesures nationales et/ou régionales contrignantes
établissant un devoir de vigilance en matière de droits humains - à défendre le
processus, à le préparer et à discuter du contenu du projet de traité, ainsi qu'à faire
des efforts pour renforcer le texte en vue de rendre la protection des droits humains
plus efficace dans les cas d'atteintes par les entreprises.

Vous aimerez peut-être aussi