Dans un arrêt récent du 15 juin 2022, la CAA a décidé de confirmer, la légalité de
l’avertissement infligé à une représentante syndicale en raison des propos qu’elle avait pu tenir lors d’une manifestation. En ce sens, il en a été déduit que les propos, leur nature comme le ton employé pouvaient excéder les limites de la lib d’expression syndicale et justifier le prononcé. Mais outre l’impact de cette décision, il en ressort surtout qu’il encore très délicat d’apprécier jusqu’ou peut aller la lib d’exp° syndicale si importante soit-elle. Cette liberté d’expression syndicat est intimement liée à la liberté syndicale qui est entendue comme le droit d’adhérer ou non à un syndicat et de choisir son syndicat sur le fondement de l’al 6 du Préambule de 46 qui dispose que « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’act° syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Elle apparait aussi dans de nombreux textes internationaux, notamment dans la Conv° de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, mais aussi dans l’art 11 de la C°EDH, l’art 23 de la Décla° univ des droits de l’Homme, l’art 22 du Pacte relatif aux civ et pol, ou encore, l’art 22 de la CDFUE. En ce sens, la liberté syndicale est une variante de la liberté d’asso° mais à laquelle est réservé un traitement à part du fait sa spécificité. Déjà, son objectif est bien spé dans la mesure où elle consiste dans la défense des intérêts professionnels, et aussi prc qu’ils exercent une grde influence sur la collectivité et les individus. Puis en définitive, son dernier aspect, et non des moindres, est sa relation tte particulière avec la lib d’expression syndicale qui en constitue le corolaire. La liberté d’expression syndicale se situe donc quant à elle au point de contact entre la liberté d’expression et la liberté syndicale. En d’autres termes, les syndicats dispose d’une liberté d’expression qu’ils peuvent exercer dans le cadre de l’accomplissement de leurs missions pour exprimer leurs opinions ou présenter des revendications auprès de l’employeur. Un syndicat a ainsi le droit de critiquer librement les décisions de l’employeur et les conditions de travail en diffusant des affiches ou des tracts. Historiquement, la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 avait interdit la liberté d’association professionnelle entre citoyens et il faudra attendre la loi du 21 mars 1884 pour que soit reconnue la liberté syndicale, mais uniquement dans le secteur privé. En effet, dans un premier temps, la fonction publique est demeurée à l’écart de cette évolution. À l’époque, la discussion syndicale heurtait le statut légal et réglementaire, considéré comme n’étant pas négociable tandis que la continuité des services devait être protégée de la grève. Il est vrai aussi que les pouvoirs publics ont craint l’émergence d’un syndicalisme servant de relais à la « lutte des classes », la CGT (1902) se présentant notamment comme une organisation révolutionnaire. Malgré ces réticences, une amorce de syndicalisme fut tolérée à partir de 1924, sans toutefois bénéficier d’une reconnaissance juridique. C’est seulement avec le Préambule de la Constitution de 1946 que la liberté syndicale est consacrée, y compris dans la fonction publique avec la loi du 19 oct. 46. Mais ce n’est que par une décision du 25 juill 89 Prévention des licenciements économiques, que le CC°el affirme la valeur C°elle de la lib syndicale. La reconnaissance élargie de la liberté syndicale et de la liberté d’expression syndicale leur confère-t-elle une dimension absolue ? Il apparait d’abord que le contenu de la liberté syndicale et de la liberté d’expression syndicale soit relativement élargi (I), mais pour autant, ces libertés ne sauraient être absolues, leur régulation est nécessairement assurée par les pouvoirs publics. I) Une reconnaissance élargie des droits en matière syndicale La reconnaissance élargie des droits en matière syndicale se manifeste d’abord par la reconnaissance d’une liberté syndicale aux multiples facettes (A) et la reconnaissance complémentaire d’une liberté d’expression syndicale (B).
A) La reconnaissance d’une liberté syndicale aux multiples facettes
La lib syndicale a deux facettes puisqu’elle concerne les syndicats eux-mêmes mais aussi les salariés. 1) Une liberté des syndicats Dans le secteur privé comme dans la fonction publique, un syndicat est libre de se créer, de s’organiser (règlements, adhésion à des fédérations...) et d’agir (article L. 412 Code du travail) dans le cadre des principes généraux fixés par le législateur sur le fondement de l’article 34 de la Constitution. Concrètement, il s’agit de fonctionner au sein même des entreprises (ou des services) mais dans le respect de leurs droits, notamment celui de propriété ou celui de la liberté individuelle du travail. En la matière, le droit du travail est, en France, particulièrement protecteur de la liberté syndicale (négociation collective, élection, crédit d’heures, protection des délégués contre le licenciement...). De plus, le syndicat dispose du droit d’ester en justice pour défendre un salarié ou promouvoir une action collective à travers un cas individuel. En contrepartie, le syndicat ne peut pas être fondé sur une cause ou en vue d’un objet illicite (violation du principe de non-discrimination) ou encore poursuivre des objectifs essentiellement politiques. Bien protégée en droit français, la liberté syndicale bénéficie aussi de l’interprétation dynamique de la Cour EDH comme en témoigne l’arrêt Demir et Bakar c/ Turquie du 12 novembre 2008. Il a été rappelé à cette occasion que « la Cour n’accepte pas les restrictions qui affectent les éléments essentiels de la liberté syndicale sans lesquels le contenu de cette liberté serait vidé de sa substance » et que cette liste des éléments essentiels « à vocation à évoluer en fonction des développements caractérisant le monde du travail » (§146). En l’espèce, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives est, par voie de conséquence, considéré comme un élément inhérent à l’article 11. 2) Une liberté des salariés Chacun, étranger ou national, a le droit d’adhérer ou non à un syndicat et de s’en retirer à tout moment. Il n’y a donc pas d’obligation de se syndiquer. Ainsi, la France se démarque des pratiques anglo-saxonnes qui ont pu conditionner l’embauche à une appartenance syndicale. Dans ce cas et même si la jurisprudence de la Cour EDH n’est pas d’une grande clarté, il semble en ressortir une atteinte au droit d’association qui doit aussi être appréhendé négativement (CEDH, 30 juin 1993, Sigurjonsson), c’est-à-dire comme celui de ne pas adhérer à une association. Par ailleurs, l’obligation de se syndiquer est apparemment contraire à l’obligation de respect des convictions imposée par les articles 9 et 10 Conv. Eden revanche, la Cour EDH n’a pas détecté de contradiction entre la Convention et le droit de négociation collective bien que, au moins en France, la notion de représentativité semble être sujette à caution en raison du faible taux de syndicalisation. Un individu syndiqué a, par ailleurs, le droit à la confidentialité de son affiliation. Ainsi, un syndicat n’a pas à faire prouver l’existence d’une section dans une entreprise en faisant état de la liste de ses adhérents sans leur autorisation. Cette solution, dégagée par la Cour de cassation (ch. Soc. 8 juillet 2009, Kadi), est fondée sur l’article 9 du code civil relatif au droit au respect de la vie privée. Bien que surprenante au regard du champ d’application traditionnel de la notion, elle n’en est pas moins conforme à l’existence d’une « vie privée professionnelle » dégagée par la Cour EDH (par exemple, CEDH, 28 mai 2009, Bigea c/ Grèce). B) La reconnaissance complémentaire d’une liberté d’expression syndicale La lib d’expression syndicale se situe quant à elle au point de contact entre la liberté d’expression et la liberté syndicale ce qui oblige à prendre en considération deux aspects de la liberté d’expression syndicale : ses supports et son contenu. S’agissant des supports de l’expression synd, ils sont aujourd’hui multiples, les supports traditionnels étant l’affichage et la distribution de tracts qui est libre, les seules conditions étant l’obligation d’utiliser les panneaux syndicaux pour l’affichage et l’exigence d’une info° simultanée de l’employeur sans qu’une autorisation ne soit pour autant nécessaire. Et concernant la distribution des tracts, elle ne peut être effectuée qu’aux heures d’entrée et de sortie du travail. Mais à ces supports trad ce st ajoutés de nouveaux outils d’expression syndicale : les outils numériques, et la loi du 8 aout 2016 renvoie à la négociation d’entreprise la déf° des conditions et des modalités de diffusion des info° syndicales via ces canaux. Mais cette liberté est doublement encadrée, d’une part prc qu’elle est réservée aux syndicats présent dans l’entreprise dep au moins 2 ans et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, et d’autre part, cette lib doit ê compatible avec la sécu info de l’entreprise, et les salariés doivent avoir le choix d’accepter ou de refuser un msg. S’agissant du contenu de cette lib d’expression syndicale, il varie selon que la communication est adressée en interne ou à des personnes extérieures. Lorsqu’elle s’adresse à des membres du syndicat, les adhérents et les militants gardent leur liberté d’expression, mais ce faisant, ils prennent le risque d’être exclus de l’O° syndicale par l’instance disciplinaire. Et la décision sera prise sous le contrôle du JJ qui appréciera la faute commise et la justification de l’exclusion. Ensuite, lorsque la lib d’expression syndicale se déploie à l’extérieur du syndicat, car la volonté de convaincre est essentielle dans tte O° syndicale. Ici, la toile de fond de la liberté d’expression est ce qu’on appelle le régime répressif qui interdit tte ingérence préalable des pouvoirs publics et confie ensuite aux tribunaux répressifs le soin de vérifier si les faits donnant lieu à une poursuite correspondent bien à la déf° légale de l’infraction.
II) Le caractère non-absolu de la liberté syndicale et d’expression syndicale
A) Les limites tenant à l’exercice de la liberté syndicale Si elle bénéficie d’une importante protection, la liberté syndicale ne justifie pas tous les comportements. La Cour EDH elle-même ne reconnaît pas encore aux syndicalistes une liberté d’expression totale et comparable à celle des journalistes. Alors qu’elle avait opté pour une position sévère et critiquée (8 décembre 2009), elle a infléchi sa position dans un arrêt de Grande chambre (12 septembre 2011, Palomo Sanchez). Tout en reconnaissant l’importance de la liberté d’expression dans l’exercice de la liberté syndicale, les juges considèrent néanmoins que l’expression doit être modérée et que le fait d’aborder une question d’intérêt général ne justifie pas tout. Pour sa part, le Conseil constitutionnel (QPC 2013-345 du 27 septembre 2013) s’est montré très prudent quant à la possibilité des syndicats d’accéder à la messagerie et à l’intranet de l’entreprise. En écartant un libre droit d’accès, le Conseil a compris les risques d’ouvrir sans borne l’accès à un outil aussi efficace que dangereux. Il préfère renvoyer cette possibilité à un accord collectif. L’interdiction totale de la liberté syndicale est également admise dans la fonction publique pour les agents soumis à des obligations de loyalisme et de discipline particulières. Les préfets et les militaires sont directement concernés, mais ils bénéficient de formules alternatives (association pour les premiers, concertation pour les seconds). Cette situation est cependant contestée par la Cour EDH (2 octobre 2014, Matelly c/ France et Adefdromil c/ France). Elle juge en effet l’interdiction absolue de la liberté d’association disproportionnée dans une société démocratique, tout en admettant que cette liberté puisse être encadrée pour tenir compte de la spécificité des militaires. Or, cette approche soulève une difficulté de fond, puisque la Cour assimile la liberté syndicale à la liberté d’association, ce que la France ne fait pas. La liberté syndicale, en droit français, est autonome à l’égard de la liberté d’association, comme en témoigne l’existence de fondements législatifs distincts (loi du 21 mars 1804 et loi du 1er juillet 1901). La France a mis son droit en accord avec la jurisprudence européenne, par l’intermédiaire de la loi 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019 (article L 4126-1 et suivants du code de la défense). Elle accorde aux militaires d’active un droit d’association dans un cadre cependant très strict qui ne remet en rien en question l’existence des procédés traditionnels de concertation.
B) Les restrictions apportées à l’action syndicale
Des restrictions sont aussi apportées à l’action syndicale à travers l’exemple du droit de grève. Il faut d’abord dire que ce droit à une valeur C°elle étant donné sa consacré ration par l’al 7 du préambule de la C° de 46 et la confirmation apportée par le CC°el à l’occasion de sa décision du 25 juill 1979 relative au droit de grève à la radio et à la télévision. Ttefois, dans une décision du 22 oct. 1982, le CC°el n’en a pas moins affirmé que ce droit avait des limites. Cela vaut pour le secteur public comme pour le secteur privé, le Conseil constitutionnel ayant admis la limitation du droit de grève en dehors des seuls services publics, au nom du respect d’un ordre public économique (en l’espèce les approvisionnements de produits pétroliers outre-mer).3Dès lors, c’est au législateur que revient le soin de les fixer « en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». En d’autres termes, la grève doit être conciliée avec le principe de continuité des services publics, ce qui autorise quelques aménagements plus ou moins satisfaisants. Ceux-ci sont prévus par la loi mais aussi par le règlement. En effet, en raison d’une législation partielle, le pouvoir réglementaire exerce une mission supplétive sous le contrôle du juge administratif. Dans le prolongement de la jurisprudence Dehaene du 7 juillet 1950, le pouvoir réglementaire, par le biais de tout chef de service, est compétent pour organiser le bon fonctionnement de services publics. Cela concerne, par exemple les agents « participant à l’action gouvernementale » (CE, 16 décembre 1966, Syndicat national des fonctionnaires des préfectures) ou « assumant des fonctions d’autorité » (CE, 13 novembre 1992, Syndicat national des ingénieurs de l’aviation civile). L’encadrement du droit de grève prend trois formes principales. D’abord, et par exception, la grève est interdite à certains personnels : les personnels de police (loi du 28 septembre 1948), ceux des services extérieurs de l’administration pénitentiaire (ordonnance du 6 août 1948), ceux des services de transmission du ministère de l’Intérieur (loi du 31 juillet 1968), les militaires (loi du 24 mars 2005), les magistrats (ordonnance du 22 décembre 1948, si cela entrave le fonctionnement des juridictions). De cette manière, le législateur entend protéger les services répondant aux besoins essentiels du pays (DC, 18 septembre 1986, Liberté de communication) ou, plus précisément, les services constitutionnels détenant une prérogative de souveraineté. Ensuite, les modalités de la grève sont elles-mêmes encadrées, comme le prouve l’interdiction (parfois théorique) des « grèves surprises », des grèves tournantes, des grèves du zèle loi du 31 juillet 1963 (article L. 521-2 et s. code du travail). Cela passe également par le dépôt d’un préavis de cinq jours francs avant tout déclenchement d’une grève ou par l’interdiction de déposer un nouveau préavis avant l’expiration du délai du précédent préavis. Dans le secteur privé, le juge considère certaines formes de grève comme des abus de droit, par exemple, les arrêts de travail répétés et de courte durée perturbant gravement le fonctionnement d’une entreprise (Cass. soc., 7 janvier 1988, Fleuret et autres). Il n’est pas non plus question d’exonérer certains grévistes de leur responsabilité pour les dommages causés pendant un mouvement social. Dans un même ordre d’idées, les grévistes doivent supporter les retenues sur salaire qui constituent la juste contrepartie à l’arrêt du travail. Il n’est cependant pas rare que le paiement des jours de grève soit négocié pour la reprise du travail. Par ailleurs, le gouvernement dispose du droit de réquisition pour mettre fin à une grève portant une atteinte suffisamment grave à la continuité d’un service public ou aux besoins de la population. De façon moins radicale, l’administration peut aussi recourir au recrutement de personnels d’appoint afin de faire fonctionner un service public, voire en cas de circonstances exceptionnelles, à du personnel intérimaire (CE, Ass. 18 janvier 1980, Synd. CFDT des P et T du Haut-Rhin).Enfin et surtout, le service minimum s’applique à certains services publics : le service de sécurité de la navigation aérienne (loi du 31 décembre 1984 rétablissant le droit de grève qui avait été interdit aux contrôleurs – devenus ingénieurs – de la navigation aérienne par la loi du 2 juillet 1964) ; le service public de la radiodiffusion et de la télévision (loi du 30 septembre 1986) et, au moins en théorie, depuis la loi du 21 août 2007 aux transports publics terrestres. C’est dans un esprit comparable qu’a également été adoptée la loi du 20 août 2008 (2 008-790) instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire. Depuis la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, le transport aérien élargi aux services aéroportuaires se voit, quant à lui, appliquer un régime d’encadrement de la grève imposant aux grévistes, sous peine de sanction, de se déclarer individuellement 48 heures avant chaque jour de grève afin que les compagnies puissent informer les voyageurs des perturbations à venir 24 heures avant leur départ (dispositif d’ailleurs étendu aux transports terrestres). Certains déplorent toutefois l’absence de texte codifiant plus précisément l’exercice d’un service minimum plus généralisé. Il est vrai que sur ce point, le travail législatif est rendu délicat par un environnement sociopolitique peu enclin à voir encadrer un droit érigé en dogme. L’encadrement de la grève vaut aussi pour le secteur privé, le Conseil constitutionnel ayant admis, dans une décision du 11 déc. 2015, la limitation du droit de grève en dehors des seuls services publics, au nom du respect d’un ordre public économique.