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Burgener, Fabio
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368 ZStrR · Band/ Tome 133 · 2015
Sommaire
I. Introduction
II. Responsabilité pénale du chef d’entreprise
1. Développement jurisprudentiel
a) Arrêt Bührle (ATF 96 IV 155)
b) Arrêt Von Roll (ATF 122 IV 103)
2. Définition de la notion de chef d’entreprise
3. Responsabilité pénale du chef d’entreprise sur la base de l’art. 11 CP
a) Généralités
b) Fondement du devoir juridique d’agir
c) Devoirs du chef d’entreprise
aa) Organisation de l’entreprise
bb) Surveillance des subordonnés
d) Lien de causalité et possibilité d’agir
aa) Causalité hypothétique
bb) Possibilité d’agir
cc) Cas particulier des décisions prises dans un organe collectif
e) Commission d’une infraction par un subordonné
4. Responsabilité pénale du chef d’entreprise au sens de l’art. 6 al. 2 DPA
III. Partage des responsabilités
1. Nécessité de la délégation
2. Limites matérielles de la délégation
3. Partage horizontal
4. Partage vertical
a) Effets pour le délégué
aa) Choix (cura in eligendo)
bb) Instruction (cura in instruendo)
cc) Surveillance (cura in custodiendo)
b) Effets pour le délégataire
5. Principe de la confiance
IV. Distinction avec la responsabilité de l’entreprise
1. Responsabilité subsidiaire de l’entreprise (art. 102 al. 1 CP)
2. Responsabilité directe et parallèle de l’entreprise (art. 102 al. 2 CP)
V. Conclusion
1 L’auteur remercie vivement la Prof. Ursula Cassani ainsi que Me Nadia Meriboute pour leur
relecture attentive et leurs précieux conseils.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise 369
I. Introduction
9 Böckli (n. 2), § 14 N 322; Giger (n. 2), 17; Peter/Jacquemet (n. 3), 1027.
10 K. Hofstetter, Grundlagenbericht zur Revision vom Swiss Code of Best Practice for Corpo-
rate Governance 2014, publié par Economie Suisse/Swiss Holdings, septembre 2014, 3.
11 Hofstetter (n. 10), 3 s et 19.
12 Hofstetter (n. 10), 9; D. Häusermann, Der revidierte Swiss Code of Best Practice von 2014:
Neuerungen, Würdigung und Kritik, Jusletter du 8 décembre 2014, N 4 ss.
13 Hofstetter (n. 10), 9.
14 Message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal
suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pé-
nal militaire ainsi qu’une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 II
1945 s. Voir aussi Fischer (n. 2), 62 ss; A. Ackermann, in: Wirtschaftsstrafrecht der Schweiz,
Hand- und Studienbuch, J.-B. Ackermann/G. Heine (édit.), Berne 2013, § 1 N 23 ss sur les
liens entre la gouvernance d’entreprise et le droit pénal économique.
15 Voir Ackermann, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 1 N 1 ss qui présente l’évolution de la crimi-
nalité économique et les problèmes d’application du droit pénal à cette forme de criminalité.
16 G. Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I: Die Straftat, 4e éd., Berne
2011, § 2 N 27 ss.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise 371
17 Ackermann, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 4 N 87; G. Godenzi/W. Wohlers, Die strafrecht-
liche Verantwortlichkeit des Compliance Officers: Prüfstein der Geschäftsherrenhaftung?, in:
Liber amicorum für Andreas Donatsch, A. Cavallo et al. (édit.), Zurich 2012, 223, 233 s;
W. Wohlers, Intensivierung der strafrechtlichen Verantwortlichkeit der Unternehmensleitung:
Geschäftsherrenhaftung und Täterschaft kraft Organisationsherrschaft, in: Umfangreiche
Wirtschaftsstrafverfahren in Theorie und Praxis: 2. Zürcher Tagung zum Wirtschaftsstraf
recht, J.-B. Ackermann/W. Wohlers (édit.), Zurich 2008, 83, 98.
18 U. Cassani, Infraction sociale, responsabilité individuelle: de la tête, des organes et des pe-
tites mains, in: Droit pénal des affaires: La responsabilité pénale du fait d’autrui, F. Berthoud
(édit.), Publication Cedicac, n° 49, Lausanne 2002, 43, 69.
19 Cassani (n. 18), 46; U. Cassani, Sur qui tombe le couperet du droit pénal? Responsabilité per-
sonnelle, responsabilité hiérarchique et responsabilité de l’entreprise, in: Journée 2008 de
droit bancaire et financier, L. Thévenoz/C. Bovet (édit.), Publication du Centre de droit ban-
caire et financier (CDBF), Zurich 2009, 53, 56; Godenzi/Wohlers (n. 17), 231 s; M. Forster, Die
strafrechtliche Verantwortlichkeit des Unternehmens nach Art. 102 StGB, Abhandlungen
zum schweizerischen Recht (ASR), H. Hausheer (édit.), vol. 723, Berne 2006, 7.
20 Cassani (n. 18), 44.
21 FF 1999 II 1943; Cassani (n. 18), 46.
22 Wohlers (n. 17), 84 s; F. Plüss, Der Patron verschwindet – die Verantwortung auch? Probleme,
die aus moralischer Sicht mit dem Verantwortungsbegriff, den die Unternehmensstrafbar-
keit nach Art. 102 StGB des schweizerischen Strafgesetzbuchs voraussetzt, verbunden sind,
RPS 2009, 206, 207; P. Graven, La responsabilité pénale du chef d’entreprise et de l’entreprise
elle-même, SJ 1985, 497, 500; H. Vest, Die strafrechtliche Garantenpflicht des Geschäftsherrn,
RPS 1988, 288, 294 ss.
23 A. Macaluso, in: Commentaire romand, Code pénal I, Art. 1–110 CP, R. Roth/L. Moreillon
(édit), Bâle 2009, art. 102 N 2 s; Niggli/Maeder, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 8 N 20 s. Voir
aussi FF 1999 II 1943 ss.
24 Voir notamment Forster (n. 19), 66 s et 299 s; A. Lobsinger, Unternehmensstrafrecht und
Wirtschaftskriminalität, RPS 2005, 187, 199 s.
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l’efficacité de l’art. 102 CP semble moindre, comme en témoigne la rareté des cas
d’application de cette norme depuis son entrée en vigueur en 200325. L’individu
conserve donc, en tout cas jusqu’à une refonte complète de la responsabilité pénale
de l’entreprise, sa place au centre de l’échiquier du droit pénal économique et fi-
nancier26.
Une alternative envisageable à la punissabilité de l’entreprise consiste à pu-
nir pénalement les dirigeants qui, en raison de leur pouvoir de décision, jouent un
rôle primordial dans la surveillance de la source de danger que représente leur en-
treprise27. Malgré sa note marginale prometteuse, «punissabilité des actes commis
dans un rapport de représentation», l’art. 29 CP n’a pas pour objectif d’établir la liste
des individus susceptibles d’encourir une responsabilité pénale pour les infractions
commises au sein de l’entreprise. Il permet, pour les délits propres, d’imputer le de-
voir particulier qui incombe à l’entreprise aux personnes physiques occupant l’une
des positions énumérées28. Ces dernières répondront d’une infraction uniquement
si elles l’ont commise en réalisant tous les éléments objectifs et subjectifs.
Les piliers majeurs d’une «responsabilité pénale du chef d’entreprise» ont
été développés par le Tribunal fédéral dans deux affaires incriminant des entre-
prises suisses en raison de la livraison d’armes ou de composants d’artillerie en vio-
lation d’un embargo international. La contribution active à l’infraction par les chefs
d’entreprises respectifs ne pouvant pas être prouvée, le Tribunal fédéral a rattaché
la responsabilité de ces derniers à leur manquement à leur devoir de surveiller res-
pectivement d’organiser adéquatement la source de danger potentielle que consti-
tue l’activité de leurs subordonnés.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise ne constitue pas une figure ju-
ridique homogène, comme en témoigne l’absence de base légale expresse dans le
Code pénal et les diverses normes qui traitent de cette problématique dans le droit
25 Plüss (n. 22), 217 ss; W. Wohlers, Die Strafbarkeit des Unternehmens – Art. 102 StGB als Ins-
trument zur Aktivierung individualstrafrechtlicher Verantwortlichkeit, in: Festschrift für
Franz Riklin, M. A. Niggli/J. Hurtado Pozo/N. Queloz (édit.), Zurich 2007, 287, 289 s et 296 ss.
Voir aussi Niggli/Maeder, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 8 N 116 ss, lesquels résument les dif-
férents cas d’application.
26 Voir Wohlers (n. 25), 300 s qui considère que la responsabilité de l’entreprise peut améliorer
l’application du droit pénal individuel au sein des entreprises, particulièrement concernant
les dirigeants.
27 Ackermann, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 4 N 86; Godenzi/Wohlers (n. 17), 231 s; A. Do-
natsch/F. Blocher, Zur strafrechtlichen Organisationspflicht des Geschäftsherrn, in: Grund
fragen der juristischen Person: Festschrift für Hans Michael Riemer zum 65. Geburtstag,
P. Breitschmid et al. (édit.), Berne 2007, 51, 52; Cassani (n. 18), 58.
28 Cassani (n. 19), 60 s; A. Donatsch, Interaktionen zwischen strafrechtlicher und zivilrechtli-
cher Verantwortlichkeit: aus materiellstrafrechtlicher und prozessualer Sicht, in: Verantwort-
lichkeit im Unternehmenstrafrecht IV, R. H. Weber/P. R. Isler (édit.), Zurich, Bâle, Genève
2008, 147, 152.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise 373
pénal accessoire29. Elle correspond au titre sous lequel est discutée la problématique
consistant à déterminer quelle responsabilité pénale peut être attribuée aux diri-
geants qui, en violation de leur devoir de surveillance, n’empêchent pas des infrac-
tions commises par leurs subordonnés30.
En l’absence d’une base légale claire et d’une jurisprudence développée, la
doctrine propose des solutions très diverses et partiellement satisfaisantes aux pro-
blèmes posés par la responsabilité pénale du chef d’entreprise31. Ce travail se limite
à une réflexion motivée par l’utilité de la responsabilité pénale du chef d’entreprise
dans le cadre d’une politique criminelle efficiente, ainsi qu’aux questions liées à la
bonne gouvernance d’entreprise.
1. Développement jurisprudentiel
29 C’est notamment le cas de l’art. 6 al. 2 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal ad-
ministratif (DPA; RS 313.0) exposé dans la section II.4. (infra), de l’art. 100 al. 2 de la loi fé-
dérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 714.01) qui prévoit que l’em-
ployeur ou le supérieur qui n’a pas empêché, selon ses possibilités, une infraction commise
par un subordonné au volant de son véhicule est passible de la même peine que celui-ci, ou
encore de l’art. 179sexies CP qui préconise une punissabilité pénale très large de tiers en lien
avec la mise en circulation d’appareils d’écoute, de prise de son et de prise de vues.
30 A. Donatsch/B. Tag, Strafrecht I, Verbrechenslehre, 9e éd., Zurich, Bâle, Genève 2013, 379;
Wohlers (n. 17), 97 s; Donatsch/Blocher (n. 27), 52; P. Popp, Anwendungsfragen strafrechtli-
cher so genannter Geschäftsherrenhaftung, recht 2003, 21, 26.
31 Donatsch/Tag (n. 30), 379; Ackermann, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 4 N 90.
32 RS 514.51 (aujourd’hui abrogé, mais disponible dans le RO de 1949 à la p. 315).
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familiale33, le Tribunal fédéral lui a reproché de ne pas s’être interposé avec déter-
mination, afin d’empêcher de telles exportations illicites, dont il avait connaissance,
puis de ne pas avoir contrôlé, par la suite, si cet ordre avait été suivi34.
Une partie de la doctrine35 a âprement critiqué cet arrêt en raison de l’ab-
sence de base légale sur laquelle reposait la condamnation du Tribunal fédéral, ainsi
que l’absence de conditions précises conduisant à la responsabilité pénale du chef
d’entreprise, ce qui laissait craindre une application extensive de cette figure juri-
dique.
Dans un arrêt ultérieur du Tribunal fédéral36, la crainte d’une application
extensive a, tout au moins partiellement, été dissipée. Le Tribunal fédéral a précisé
que, dans le cas de la commission d’une infraction intentionnelle par un subor-
donné, l’administrateur statutaire devait nécessairement être au courant de l’acti-
vité délictueuse de son subordonné pour être condamné37. En raison du fait que cet
arrêt traitait d’une infraction intentionnelle, la question de la responsabilité pénale
d’un administrateur du seul fait de la fonction qu’il exerce en vertu des statuts de
l’entreprise n’a pas dû être tranchée38. Elle l’aurait été si la négligence était égale-
ment réprimée39.
33 ATF 96 IV 174: Bührle était le seul commanditaire de la société en commandite, puis lorsque
celle-ci fut transformée en société anonyme, le seul membre du conseil d’administration.
34 ATF 96 IV 174.
35 Graven (n. 22), 500 s; M. Schubarth, Zur strafrechtlichen Haftung des Geschäftsherrn, RPS
1976, 370, 392 ss; P. Zappelli, La responsabilité pénale des organes d’une personne morale,
RPS 1988, 190, 212. Plus favorable à l’arrêt: Vest (n. 22), 293 s’avère convaincu par le résultat
et considère que la position de garant est justifiée, étant donné qu’un risque spécifique de l’ac-
tivité de l’entreprise s’est réalisé.
36 ATF 105 IV 172: le Tribunal fédéral devait juger une femme de paille qui négligeait ses de-
voirs de surveillance à un point extrême, étant donné qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce
qui se déroulait au sein de la société.
37 ATF 105 IV 177. Voir Vest (n. 22), 293 s; Zappelli (n. 35), 211 s, lesquels ont salué cette préci-
sion.
38 ATF 105 IV 176.
39 Cassani (n. 18), 62; confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 6P.101/2001 du 28 novembre 2001,
consid. 5.b et c, in: SJ 2002 I 129.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise 375
Une des livraisons fut bloquée à l’aéroport de Francfort par les autorités
douanières allemandes qui soupçonnaient une violation de la législation allemande
sur le contrôle des armes de guerre. Les collaborateurs de l’entreprise n’ont ni averti
le conseil d’administration ni les dirigeants de l’entreprise de cet événement, de
sorte qu’une livraison ultérieure a encore pu être effectuée.
Les collaborateurs qui ont participé à l’organisation de cette dernière livrai-
son illicite, ne pouvant plus invoquer leur ignorance à propos de l’utilisation mili-
taire des objets livrés, ont été condamnés à ce titre pour violation intentionnelle de
la loi fédérale du 30 juin 1972 sur le matériel de guerre (LMG)40.
En parallèle, le Tribunal fédéral a également condamné le chef de consor-
tium F. en raison d’une violation par négligence de l’art. 19 al. 2 LMG qui prévoyait
expressément la responsabilité pénale du chef d’entreprise qui, «intentionnellement
ou par négligence et en violation d’une obligation juridique, omet de prévenir une
infraction commise par le subordonné». Le Tribunal fédéral a reproché à F. de
n’avoir entrepris aucun effort organisationnel permettant de réagir efficacement
contre des livraisons potentiellement illicites de matériel de guerre par ses subor-
donnés41. La responsabilité pénale du chef d’entreprise est ainsi fondée sur l’omis-
sion d’instaurer un dispositif de sécurité permettant une maîtrise efficace des
risques provenant de l’entreprise42.
40 RS 514.51 (aujourd’hui abrogée, mais disponible dans le RO de 1973 à la p. 107); ATF 122 IV
122.
41 ATF 122 IV 128.
42 Cassani (n. 18), 65; G. Heine, Organisationsverschulden aus strafrechtlicher Sicht: Zum Span-
nungsfeld von zivilrechtlicher Haftung, strafrechtlicher Geschäftsherrenhaftung und der
Strafbarkeit von Unternehmen, in: Verantwortlichkeit im Unternehmen: zivil- und strafrecht
licher Sicht, M. A. Niggli/M. Amstutz (édit.), Bâle 2007, 93, 98. Voir aussi ATF 125 IV 9 qui
fonde la responsabilité pénale du directeur d’une entreprise de remontées mécaniques en rai-
son du défaut du dispositif de sécurité mis en place pour éviter que des avalanches puissent
causer des accidents sur les pistes ouvertes.
43 Popp (n. 30), 21.
376 Fabio Burgener ZStrR · Band/ Tome 133 · 2015
a) Généralités
Introduit en 2007, l’art. 11 CP, qui s’inspire fortement de la jurisprudence
élaborée par le Tribunal fédéral quant aux omissions improprement dites50, consti-
tue une base de réflexion incontournable pour la responsabilité pénale du chef d’en-
treprise, même si ce cas d’application n’apparaît pas dans le Message du Conseil fé-
déral concernant la modification de la partie générale du Code pénal51.
52 Voir p. ex. Garbarski (n. 49), 327, lequel qualifie la responsabilité pénale du chef d’entreprise
de «responsabilité du fait d’autrui» en citant comme référence une source de droit français.
53 Graven (n. 22), 501; G. Heine, Europäische Entwicklungen bei der strafrechtlichen Verantwort-
lichkeit von Wirtschaftsunternehmen und deren Führungskräften, RPS 2001, 22, 31 s.
54 Ackermann, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 4 N 89.
55 CR CP I-Cassani (n. 23), art. 11 N 9; Stratenwerth (n. 16), avant § 14 N 2; K. Seelmann, in:
Basler Kommentar Strafrecht I, M. A. Niggli/H. Wiprächtiger (édit.), 3e éd., Bâle 2013, art. 11
N 20. D’un autre avis: Donatsch/Tag (n. 30), 304, lesquels plaident pour une combinaison entre
les théories de l’élément prépondérant et de la subsidiarité (Kombination von Schwerpunkt-
und Subsidiaritätstheorie).
56 ATF 115 IV 203 = JdT 1991 IV 72; ATF 120 IV 271; ATF 129 IV 122.
57 CR CP I-Cassani (n. 23), art. 11 N 10.
58 Seelmann, in: BSK StGB I (n. 55), art. 11 N 52; Stratenwerth (n. 16), § 14 N 22; Schubarth (n. 35),
385.
59 ATF 79 IV 147; ATF 108 IV 5; ATF 118 IV 315.
378 Fabio Burgener ZStrR · Band/ Tome 133 · 2015
77 ATF 120 IV 106 = JdT 1996 IV 46; ATF 117 IV 471 = JdT 1993 IV 149; ATF 113 IV 72 = JdT
1988 IV 75.
78 Garbarski (n. 49), 334 s; R. Geiger, Organisationsmängel als Anknüpfungspunkt im Un-
ternehmensstrafrecht, Schweizer Schriften zum Handels- und Wirtschaftsrecht (SSHW), P.
Forstmoser (édit.), vol. 251, Zurich, St. Gall 2006, 58 s; S. Frei, Verantwortlichkeit des Verwal-
tungsrates aus strafrechtlicher Sicht, Schweizer Schriften zum Handels- und Wirtschaftsrecht
(SSHW), P. Forstmoser (édit.), vol. 230, Zurich 2004, 66; D. Freymond/H.-U. Vogt, Die Pflicht
des Verwaltungsrates zur Verhinderung von Insiderdelikten, in: Strafrecht als Herausfor-
derung. Zur Emeritierung von Professor Niklaus Schmid, Analysen und Perspektiven von
Assistierenden des Rechtswissenschaftlichen Instituts der Universität Zürich, J.-B. Acker-
mann (édit.), Zurich 1999, 173, 198; Oertle (n. 76), 121; CR CP I-Cassani (n. 23), art. 11 N 21.
79 Ackermann, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 4 N 98; Garbarski (n. 49), 334; Frei (n. 78), 66;
Freymond/Vogt (n. 78), 199; Oertle (n. 76), 121.
80 Geiger (n. 78), 58 s; Frei (n. 78), 66; Freymond/Vogt (n. 78), 199 s; Oertle (n. 76), 121.
81 Du même avis Donatsch/Tag (n. 30), 321 s qui proposent quelques exemples pertinents. Voir
notamment ATF 125 IV 12, dans lequel la position de garant du chef d’une entreprise de re-
montées mécaniques n’est pas fondée sur une base légale extrapénale ou un contrat (en tout
cas pas expressément), mais sur un devoir général de protéger des dangers d’avalanche l’en-
semble des skieurs présents sur le domaine skiable ouvert. D’un autre avis: Oertle (n. 76), 120 s
qui considère que seule une base légale expresse peut constituer une obligation juridique d’agir
qualifiée du chef d’entreprise. Voir aussi Popp (n. 30), 27, lequel propose de limiter la respon-
sabilité pénale du chef d’entreprise aux cas où l’entreprise est soumise à une base légale ex-
presse quant à la gestion des risques ou à ceux dans lesquels l’activité économique est soumise
à une autorisation étatique.
82 Cf. section II.1.a. (supra) pour les explications concernant l’ATF 105 IV 172 qui a précisé les
conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise après l’arrêt Bührle.
83 Garbarski (n. 49), 380; Donatsch/Blocher (n. 27), 55; Popp (n. 30), 27; Oertle (n. 76), 91.
84 Art. 716a CO sur les attributions inaliénables du conseil d’administration, art. 716b CO sur
la délégation de la gestion et art. 754 al. 2 CO sur les conditions de la délégation.
85 Art 717 CO.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise 381
rigeants lorsque les intérêts de la société sont concernés86. Par contre, la doctrine
majoritaire considère que ces dispositions du Code des obligations ne sont pas sus-
ceptibles de fonder une position de garant concernant les intérêts de tiers87. Dans
ce second cas, elles permettent néanmoins de déterminer la compétence du conseil
d’administration et de la direction d’organiser la société anonyme88.
86 Cassani (n. 18), 54; Ackermann, in: Ackermann/Heine (n. 14), § 4 N 101; Garbarski (n. 49),
377; Oertle (n. 76), 90 s.
87 Garbarski (n. 49), 380; Heiniger (n. 63), N 187; Popp (n. 30), 26; Oertle (n. 76), 91 s.
88 Donatsch/Blocher (n. 27), 55 s; cf. section III. (infra) sur le partage des responsabilités.
89 ATF 105 IV 177; SJ 2002 I 129, consid. 5.c.
90 Wohlers (n. 17), 104; Wiprächtiger (n. 46), 756.
91 Godenzi/Wohlers (n. 17), 235 s; Wohlers (n. 17), 101 s; Donatsch/Blocher (n. 27), 55 ss; Do-
natsch/Tag (n. 30), 383; Eicker (n. 76), 687; Schmid (n. 46), 176 s.
92 Cf. section III. (infra) sur le partage des responsabilités.
382 Fabio Burgener ZStrR · Band/ Tome 133 · 2015
93 Fischer (n. 2), 76 ss, not. 85 sur l’utilisation des règles de gouvernance d’entreprise comme ou-
til d’interprétation. Voir également F. Gerhard, Fonctions de contrôle dans les sociétés – Dé-
finitions, distinctions et cadre juridique, in: Développements récents en droit commercial II
[F.-G. Chabot, édit.], Publication Cedidac n° 90, Lausanne 2013, 109, 120 ss sur la mise en
place d’un système de contrôle interne en général.
94 CSBP, 13.
95 TFGC, 9.
96 TFGC, 9.
97 TFGC, 9 s.
98 TFGC, 12.
99 TFGC, 14.
100 TFGC, 14 s.
101 Voir M. Rüedi, Whistleblowing in der Praxis, in: Whistleblowing – Multidisziplinare As-
pekte, Schriften zur Rechtspsychologie, A. Von Kaenel (édit.), vol. 12, Berne 2012, 99, 103 ss
pour des propositions concrètes concernant la mise en place d’une procédure de dénoncia-
tion des irrégularités dans les entreprises.
La responsabilité pénale du chef d’entreprise 383
Pour reprendre un exemple imagé donné par Zappelli en 1988122, si «des em-
ployés ont aménagé un local de l’entreprise en garçonnière et que s’y déroulent ré-
gulièrement des parties fines avec des mineurs, le chef d’entreprise, hormis une
éventuelle participation à titre de coauteur, instigateur ou complice, ne peut pas
être condamné pour attentat à la pudeur du seul fait de sa position de chef, même
s’il a eu connaissance de l’infraction et n’a rien fait pour l’empêcher.»
les entreprises, une partie de la doctrine considère qu’il aurait été plus opportun
que le législateur restreigne la définition du supérieur hiérarchique par des critères
formels128. De plus, il est intéressant de noter que la notion de chef d’entreprise n’a
pas été définie dans le Message du Conseil fédéral concernant le projet de loi fédé-
rale sur le droit pénal administratif du 21 avril 1971129 et doit, tout comme pour la
responsabilité pénale du chef d’entreprise fondée sur l’art. 11 CP, être concrétisée
dans chaque cas d’espèce.
Selon une partie de la doctrine130 et la jurisprudence la plus récente du Tri-
bunal fédéral131, l’art. 6 al. 2 DPA ne constitue pas la source de l’obligation juridique
d’agir du chef d’entreprise, mais renvoie uniquement à celle-ci par les termes «en
violation d’une obligation juridique». A l’inverse, Donatsch et Tag132, suivis par
l’Obergericht zurichois dans un arrêt récent133, qualifient l’art 6 al. 2 DPA de délit
d’omission proprement dit (echtes Unterlassungsdelikt). Pour cette forme de délits
d’omission, l’obligation juridique d’agir résulte directement de la disposition pé-
nale, sans que la position de garant doive être spécialement fondée sur la base de
l’art. 11 al. 2 CP134.
A notre avis, l’art. 6 al. 2 DPA ne peut pas être qualifié de délit d’omission
proprement dit, au sens le plus rigoureux du terme, étant donné qu’il ne constitue
pas une infraction pénale de la partie spéciale du Code pénal ou d’une autre loi fé-
dérale qui menace directement l’auteur qui reste inactif135. Cette disposition de la
partie générale du DPA vise à faire tomber le chef d’entreprise qui omet de préve-
nir une infraction commise par un subordonné sous le coup d’une disposition pé-
nale applicable à ce dernier. L’art. 6 al. 2 DPA peut donc uniquement être appliqué
en relation avec une infraction pénale d’une loi fédérale à laquelle s’applique la DPA.
Par conséquent, l’art. 6 al. 2 DPA présuppose certes la position de garant du chef
d’entreprise, mais celle-ci doit, à notre avis, être concrétisée dans chaque cas d’es-
pèce en fonction notamment de l’infraction commise par le subordonné et les
risques typiques et spécifiques de l’activité de l’entreprise.
1. Nécessité de la délégation
menter les risques inhérents à l’activité de l’entreprise, étant donné que le person-
nel engagé manquera certainement de temps et des connaissances nécessaires pour
la bonne exécution de la tâche. A l’inverse, un morcellement trop important des
tâches comporte le risque d’une dilution des responsabilités individuelles en rai-
son du manque de clarté de la délimitation des différents domaines de responsabi-
lité et de compétence.
3. Partage horizontal
dividu ayant le pouvoir décisionnel d’intervenir qu’il le fasse pour mettre fin à la
situation illicite qui perdure155.
4. Partage vertical
5. Principe de la confiance
V. Conclusion
182 CR CP I-Macaluso (n. 23), art. 102 N 53 s; Donatsch/Tag (n. 30), 392; Forster (n. 19), 229 s; Nig-
gli/Gfeller, in: BSK StGB I (n. 55), art. 102 N 244.
183 Cf. section II.3.c.aa. (supra) sur le devoir d’organisation du chef d’entreprise.
184 CR CP I-Macaluso (n. 23), art. 102 N 55; Donatsch/Tag (n. 30), 392.
185 Forster (n. 19), 244; Plüss (n. 22), 214; Cassani (n. 18), 45 s; G. Heine, Das kommende Un-
ternehmensstrafrecht (Art. 100quater f.) Entwicklung und Grundproblematik, RPS 2003, 24,
40 s; Garbarski (n. 49), 429.
186 Cassani (n. 18), 46; Garbarski (n. 49), 429; Heine (n. 42), 96, 110.
187 Fischer (n. 2), 90 ss.
188 Fischer (n. 2), 83 s.
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semble, dans le sens où elle diminue le risque que des biens juridiques soient lésés
par l’activité déployée au sein de l’entreprise189.
Réciproquement, la responsabilité pénale du chef d’entreprise peut favori-
ser l’application des recommandations de bonne gouvernance d’entreprise. En ef-
fet, pour que les engagements pris volontairement en matière de responsabilité so-
ciale des entreprises soient adéquatement appliqués à tous les niveaux de
l’organisation, il est indispensable que la stratégie qui les met en œuvre soit initiée,
soutenue et contrôlée par le conseil d’administration et par la direction190. La res-
ponsabilité pénale du chef d’entreprise, par la sanction qui menace ce dernier et in-
directement la réputation de l’entreprise, constitue une incitation à développer des
mesures internes de gestion efficace de la conformité et plus généralement des
risques afin d’éviter que des infractions pénales soient commises au sein de l’en-
treprise.
Le droit pénal suisse permet, sur la base de l’art. 11 CP ou de l’art. 6 al. 1
DPA, de punir les chefs d’entreprise pour leur manquement individuel concernant
la surveillance de leurs subordonnés. Bien qu’une partie de la doctrine considère
que la construction de cette responsabilité semble être destinée à remédier à l’inexis-
tence de preuves d’un comportement actif191, l’accusation, à la place de devoir prou-
ver une contribution matérielle ou intellectuelle à la conception ou à l’exécution de
l’infraction, devra établir l’ensemble des éléments objectifs et subjectifs de la res-
ponsabilité pénale du chef d’entreprise192.
Tout comme pour un comportement actif, la preuve de la réalisation de l’en-
semble de ces éléments risque d’être difficile à apporter dans de nombreux cas en
raison de l’inadéquation entre la structure des entreprises modernes et l’approche
individuelle du droit pénal suisse. Concernant les éléments objectifs, le fondement
de l’obligation juridique d’agir du chef d’entreprise et la possibilité d’agir en lien
avec la question sous-jacente de la délégation risquent de poser problème dans la
pratique. Quant aux éléments subjectifs, la difficulté résidera pour les infractions
intentionnelles dans l’établissement de la conscience et la volonté englobant tous
les éléments objectifs, notamment les devoirs qui découlent de la position de ga-
rant et la réalisation du risque. La tâche sera moins ardue concernant les infrac-
tions par négligence, pour lesquelles l’accusation pourra se contenter de prouver
que l’auteur aurait dû s’apercevoir de la réalisation de l’ensemble des éléments ob-
jectifs.
193 C’est notamment le cas de l’escroquerie (art. 146 CP), la gestion déloyale (art. 158 CP), le faux
dans les titres (art. 251 CP), les infractions boursières (art. 40 et 40a de la loi fédérale du 24 mars
1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM; RS 954.1)), la corruption
d’agents publics (art. 322ter CP) ou privés (art. 4a de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre
la concurrence déloyale (LCD; RS 241)) et du blanchiment d’argent (art. 305 CP).
194 P. ex. art. 46 al. 2 et 47 al. 2 de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses
d’épargne (LB; RS 952.0); art. 42 al. 2, 42a al. 2 et 43 al. 2 LBVM; art. 44 al. 2, 45 al. 2, 46 al. 2
et 47 al. 2 de la loi fédérale du 22 juin 2007 sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés
financiers (LFINMA; RS 956.1); art. 37 al. 2 de la loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant
la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur finan-
cier (LBA; RS 955.0); art. 86 al. 2 et 87 al. 2 de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur la sur-
veillance des entreprises d’assurance (LSA; RS 961.01); art. 24 al. 2 de la loi fédérale du 3 oc-
tobre 2003 sur la Banque nationale suisse (LBN; RS 951.11).
195 Wohlers (n. 17), 85.
196 Heine (n. 53), 26; Wohlers (n. 17), 85; Cassani (n. 18), 46.
197 G. Kaiser, Kriminologie, ein Lehrbuch, 3e éd., Heidelberg 1996, § 93 N 18. Voir aussi M. Kil-
lias/M. Aebi/A. Kuhn, Précis de criminologie, 3e éd., Berne 2012. N 1001 ss sur la prévention
générale comme fonction de la peine.
198 Killias/Aebi/Kuhn (n. 197), N 1019 s.
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199 Voir notamment Plüss (n. 22), 222 ss, qui discute les mécanismes de décision au sein des en-
treprises qui peuvent aboutir sur une faute collective.