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LE DIRIGEANT FACE AU RISQUE PENAL : INVESTIGATIONS

JURIDIQUES

Réalisé Mme Hayat RAFLA


Doctorante à Laboratoire LARNED, Faculté des Sciences Economiques, sociales et juridiques
Ain SBAA

RESUME :

Face à un environnement concurrentiel et en perpétuelle mutation, les dirigeants

d’entreprise sont confrontés à de multiples difficultés d’ordre organisationnel,

managérial et économique. Les défis à relever sont par conséquent très multiples dont

le plus primordial est celui d’assurer la pérennité et la survie de l’entreprise.

A cet effet, les dirigeants sont tenus à prendre des décisions parfois cruciales voire

périlleuses, si l’on considère l’ampleur du risque pénal, qui pourrait les mettre en

cause à tout moment. Il s’agit ainsi des différentes infractions pénales commises par

ces dirigeants et qui peuvent prendre plusieurs aspects, notamment en matière du

Droit commun et du Droit des affaires.

MOTS-CLES :

- Dirigeants - Infractions - Droit des affaires - Droit commun - Escroquerie - Abus de


confiance - Vol - Abus de pouvoir - Distribution de dividendes fictifs - Code pénal -
Code du travail - Banqueroute.

1
ABSTRACT :

Faced with a competitive and constantly changing environment, business leaders are

faced with multiple organizational, managerial and economic difficulties. The

challenges to be met are therefore very multiple, the most essential of which is that of

ensuring the sustainability and survival of the company.

To this end, managers are required to make decisions that are sometimes crucial and

even dangerous, if we consider the scale of the criminal risk, which could call them

into question at any time. These are the various criminal offenses committed by these

managers and which can take several aspects, particularly in matters of business law

and those relating to common law.

KEYWORDS :

- Business leaders - Offenses - Business Law - Common right – Scam - Breach of


trust - Theft - Abuse of power - Distribution of fictitious dividends - Penal Code
- Labor Code – Bankruptcy.

2
Introduction :
L’accroissement des échanges commerciaux a provoqué une profonde mutation du
mode de fonctionnement des entreprises. En effet, la mondialisation des marchés
conduit à la conclusion des transactions commerciales de plus en plus nombreuses,
diversifiées, mais aussi de plus en plus rapides. Ainsi, la diversification comme
l’accélération des opérations économiques, commerciales et financières imposent aux
dirigeants d’entreprises d’adapter constamment leurs décisions d’investissement.
De même, ces décisions sont le plus souvent marquées par des prises de risques
énormes et préjudiciables à l’entreprise.
Dans ce contexte, soumis à des situations où le futur n’est prévisible qu’avec des
probabilités, les dirigeants d’entreprise, tentent de limiter les risques financier,
commercial, social et fiscal qui peuvent surgir lors de leur mandat à la tête de
l’entreprise. Il s’agit en fait du risque le plus périlleux pour l’entreprise débouchant sur
la responsabilité pénale des dirigeants1, c’est sans doute le risque pénal.
En effet, le risque pénal peut de moins en moins être ignoré par les dirigeants des
entreprises, en ce qu’il débouche sur la caractérisation de la responsabilité pénale
lourde de conséquences à la fois sur le plan de la vie des entreprises, la crédibilité de
celles-ci, et sur le plan individuel.
Pour un dirigeant d’une entreprise, commettre une infraction à caractère pénal engage
systématiquement sa responsabilité pénale2. En effet, une infraction pénale résulte de
la violation de la règlementation en vigueur, dont les sanctions sont prévues pour
chaque infraction, qu’il s’agisse d’un délit, d’une contravention ou d’un crime.
A cet égard, plusieurs sources de droit sont applicables pour statuer sur les infractions
commises par les dirigeants, lors de l’exercice de leurs activités commerciales,
notamment le Droit pénal, la Loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes, qui a été
modifiée et complétée par les Lois n° 81-99, 23-01, 20-05 et 78-12 et la Loi n° 5-96
sur la SARL et autres formes de sociétés.

1
Brigitte PEREIRA, la Responsabilité pénale des entreprises et de leurs dirigeants, 2011.
2
Francis Lefebvre, Responsabilité pénale des dirigeants sociaux, 25/05/2023, Francis Lefebvre.
3
Ainsi, et devant la multiplicité de ces infractions, il s’est avéré utile de les classifier
en deux grandes catégories d’infractions, notamment les infractions à caractère
commun et qui sont régies par le Droit commun, et celles appartenant à la sphère du
business, en l’occurrence le Droit des affaires.
Par ailleurs, et pour mettre la lumière sur le risque pénal qu’encourt le dirigeant
d’entreprise en matière d’infractions pénales, des éléments de réponses semblent
nécessaires à apporter aux questions ci-après :

 Quelles sont les différentes infractions pénales, en matière du Droit des affaires
et Droit commun, que peuvent commettre le dirigeant d’entreprise ?
 Les caractéristiques, dressées d’une manière générale sans être exhaustive,
de chacune des catégories de ces infractions ?
 Les sanctions prévues pour chaque infraction ?
 Enfin, quelles suggestions peut-on apporter au dirigeant d’entreprise, sous forme
de mesures à prendre, afin d’anticiper ce risque pénal ?
Pour mieux cerner notre étude, on va tout d’abord mettre l’accent sur les infractions de
commises par le dirigeant et leurs sanctions prévues par la loi (I), et dans un second
lieu une interprétation de ses infractions afin d’anticiper le risque pénal (II).

I. Les infractions commises par le dirigeant et leurs sanctions :


1- Les infractions de droit commun :
Il existe des infractions de Droit commun qui sont appliquées au Droit des affaires
dont le Code Pénal a prévu des sanctions à l’encontre de ses auteurs, notamment
le vol, l’abus de confiance et l’escroquerie. Certes, d’autres infractions
appartiennent à cette catégorie de Droit commun, mais nous allons nous contenter sur
les trois types d’infractions susmentionnées.
a) Le vol :
Le Droit pénal marocain des affaires3 reconnaît le vol en étant une soustraction
frauduleuse de la chose d’autrui4.
A l’instar de toute infraction, le vol est décomposé en trois éléments constitutifs 5
à savoir : l’élément légal, matériel et moral.

3
Mohamed Souaidi, Comprendre et connaître le droit pénal des affaires au Maroc, 1 janvier 2015, Najah AL Jadida.
4
Article 505 du Code Pénal Marocain.
4
 L’élément légal : Pour qu’elle puisse être constituée, l’infraction du vol requiert
un élément légal c’est-à-dire un texte d’incrimination qui décrit un
comportement répréhensible et prévoit ainsi une peine correspondante à cet acte
illicite ;
 L’élément matériel : Sans cet élément, l’infraction ne peut être constituée.
En effet, l’élément matériel est subdivisé en trois sous-éléments en
l’occurrence : une soustraction, une chose susceptible d’être volée et la propriété
d’autrui ;
 L’élément moral : Il s’agit de l’intention frauduleuse de commettre l’acte de
vol d’un objet donné, contre le gré de son propriétaire.
Le vol est réprimé selon les dispositions du Code Pénal marocain aux articles
prévus à cet effet : 505 à 510.

b) L’abus de confiance :

C’est l’acte par lequel une personne de mauvaise foi détourne ou dissipe, au préjudice
des propriétaires, possesseurs, ou détenteurs, soit des effets, des deniers ou
marchandises, soit des billets, quittances, écrits de toute nature contenant obligations
ou décharges, qui ont été remis à charge de restitution, de représentation ou d’un
usage déterminé. Contrairement au vol, la restitution est licite.
Dans ce sillage, le Droit des sociétés qualifie l’abus de confiance en tant qu’abus de
biens sociaux.
Ainsi, les éléments constitutifs de cette infraction se déclinent comme suit :
 L’élément légal : Les articles 547 à 554 du Code Pénal marocain ;
 L’élément matériel : Il se décompose en 2 sous-éléments à savoir : la remise
préalable de la chose et le détournement préjudiciable ;
 L’élément moral : Il s’agit d’un délit intentionnel. En effet, le détournement
implique l’idée de fraude.
L’abus de confiance est réprimé selon les articles 547 à 550 du Code Pénal
marocain.
c) L’escroquerie :

5
Philippe Bonfils, Eudoxie Gallardo, Droit pénal des affaires, 17/08/2021, LGDJ, 400 pages.

5
Cette infraction consiste, selon le Droit Pénal marocain, pour toute personne à induire
en erreur une autre personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation
de vrais faits, dans le but de porter préjudice à ses intérêts ou à des tiers, et se
procurer ainsi un quelconque profit pécuniaire illégitime.
Dans ce sens, ses éléments constitutifs se récapitulent comme suit :
 L’élément légal : Les textes d’incrimination sont : 540, 541, 542 et 546 du Code
Pénal marocain ;
 L’élément matériel : Il sous-entend la réunion de trois sous-éléments : l’emploi
de moyens frauduleux, la remise d’une chose du fait de ses manœuvres et le lien
de causalité ;
 L’élément moral : Il fait référence à l’intention frauduleuse. D’une part, la
connaissance du caractère frauduleux des moyens utilisés et l’utilisation, d’autre
part, par l’auteur de cette infraction, de moyens frauduleux pour obtenir la
remise de fonds.
L’escroquerie est réprimée selon les articles 540 à 546 du Code Pénal marocain.

2-Les infractions relatives au Droit des affaires :


Dans cette partie, nous allons se focaliser sur les infractions relevant de l’exercice des
fonctions d’administration et de direction des sociétés par les dirigeants. Ainsi,
la lumière sera mise sur trois catégories d’infractions à savoir :
a) L’abus de biens sociaux :
Il s’agit en effet de l’infraction la plus courante en Droit Pénal marocain des affaires.
Pour décortiquer cette infraction, il est opportun de mettre en évidence ses éléments
constitutifs.
 L’élément légal : Ce sont respectivement les articles 3846 et 1077 des Lois
17-95 et 5-96 qui statuent sur cette infraction ;

6
"Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 100 000 à 1 000 000 de dirhams ou de l'une
de ces deux peines seulement les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion d'une société
anonyme :
1) qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaires frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires la
répartition de dividendes fictifs ;
2) qui, même en l'absence de toute distribution de dividendes, auront sciemment publié ou présenté aux actionnaires, en
vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états de synthèse annuels ne donnant pas, pour chaque
exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine, à
l'expiration de cette période ;
6
 L’élément matériel : Les textes de Lois précédemment mentionnés supposent
la réunion de quatre sous-éléments :
 Un acte d’usage de biens, du crédit ou de pouvoirs ;
 Un acte contraire à l’intérêt social ;
 Un acte accompli dans un intérêt personnel ;
 Un acte accompli de mauvaise foi.
 L’élément moral : Les articles qui incriminent cette infraction les sanctionnent
pour délits intentionnels.
L’abus de biens sociaux est réprimé selon les dispositions légales des articles 384
et 107 des Lois 17-95 et 5-96.
Outre les sanctions pénales, l’auteur de cette infraction pourrait être condamné
à rembourser les fonds détournés à la société ou à dédommager les actionnaires et
les tierces victimes de préjudices.

b) La répartition de dividendes fictifs :


 L’élément légal : La Loi 17-95 dans son article 384, al 1, détermine clairement
ce qu’encourt l’auteur de cette infraction.
 L’élément matériel : Quatre sous-éléments pris en compte à savoir :
 Absence d’inventaires ;
 Inventaire frauduleux ;
 Caractère fictif de dividende ;
 Paiement du dividende fictif.
 L’élément moral : La distribution doit être faite en toute connaissance de cause.

3) qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts
économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient
intéressés directement ou indirectement ;
4) qui, de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette qualité,
un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une
autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement".
7
"Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 10.000 à 100.000 dirhams ou de l'une de ces
deux peines seulement:
1. les gérants qui auront, sciemment, opéré entre les associés la répartition de dividendes fictifs, en l'absence
d'inventaire ou au moyen d'inventaire frauduleux;
2. les gérants qui, même en l'absence de toute distribution de dividendes, auront sciemment présenté aux associés des
états de synthèse ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat de l'exercice, de la situation
financière et du patrimoine à l'expiration de cette période en vue de dissimuler la véritable situation de la société;
3. les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à
l'intérêt économique de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle
ils sont intéressés directement ou indirectement;
4. les gérants qui, de mauvaise foi, auront fait, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette
qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser
une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement".
7
La répartition de dividendes fictifs est réprimée selon les dispositions légales de
l’article 384, al 1, de la Loi 17-95.
c) La publication et présentation de comptes annuels ne donnant pas une image
fidèle :

 L’élément légal : La Loi 17-95 dans son article 384, al 2, précise la nature de
cette infraction ;
 L’élément matériel : Il est formulé selon deux faits :
Présentation des comptes annuels ;

 Ces comptes ne présentent pas la réalité de la situation économique de la
société.
 L’élément moral : L’intention du dirigeant de dissimuler la vraie situation de la
société qu’il dirige, généralement lorsque cette dernière est dans une situation
peu satisfaisante.
La publication et présentation de comptes annuels ne donnant pas une image
fidèle est réprimée selon les dispositions légales de l’article 384 de la Loi 17-95.
En sus des infractions susmentionnées, il existe une autre infraction appartenant au
Droit des Affaires, et qui constitue la principale infraction commise dans le cadre
d’une entreprise en difficulté ; il s’agit en effet de la banqueroute8.
C’est une infraction qui résulte des faits de gestion frauduleuse. Ainsi, la Loi
conditionne les poursuites pénales par l’ouverture préalable d’une procédure de
traitement.
Autrement dit, elle constitue l’acte par lequel un dirigeant, en état de cessation de
paiement9 qui, soit par négligence ou de manière intentionnelle, a accompli des
transactions coupables de nature à porter préjudice à ses créanciers.
A cet effet, le délit de banqueroute doit réunir deux conditions à savoir :
 Avoir la qualité de commerçant ;

8
Jérôme Lasserre Capdeville, Abus de biens sociaux et banqueroute, 13/04/2010, Joly éditions, 236 pages.
9
François Bonnet, La cessation des paiements. Approche financière de la loi sur les faillites, 19/02/2000, Revue
Fiduciaire (Groupe), 304 pages.

8
 Etre en état de cessation de paiement (situation dans laquelle une entreprise
n’arrive pas à faire face à son passif exigible avec son actif disponible).
Pour mieux cerner la notion de la banqueroute et sa portée juridique et pénale,
il s’avère judicieux de mettre en évidence cette infraction suivant ses éléments
constitutifs.
 Elément légal de l’infraction :
Deux sources légales interviennent pour statuer sur cette infraction en l’occurrence le
Code Pénal ainsi que le Code de Commerce. En effet, la Loi prévoit des sanctions
dans les articles 556 à 569 du Code Pénal et dans les articles 754 à 756 du Code de
Commerce.
 Elément matériel de l’infraction :
La banqueroute suppose la réunion de deux éléments à savoir :
 L’existence d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;
 L’existence d’un comportement répréhensible par la Loi.
Le Code de Commerce reconnaît comme coupable les dirigeants d’une entreprise qui
ont commis certains faits frauduleux tels que :
 Détourner ou dissimuler tout ou partie de l’actif du débiteur ;
 Augmenter Frauduleusement le passif du débiteur ;
 Tenir une comptabilité fictive ;
 Faire disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la société ;
 S’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la Loi en fait l’obligation,
…etc.
De même, le Code Pénal marocain prévoit que certains faits engagent la
responsabilité pénale des dirigeants, si ces derniers les ont commis frauduleusement.
C’est le cas notamment si le dirigeant a :
 Soustrait sa comptabilité ;
 Détourné ou dissipé tout ou une partie de l’actif ;
 Reconnu débiteur de sommes qu’il ne devait pas.
 Elément moral de l’infraction :
La banqueroute peut être une infraction intentionnelle ou non. Dans tous les cas, le
Code Pénal sanctionne cet acte de nature à nuire les créanciers.

9
Même en cas d’absence d’intention coupable, le juge avec son pouvoir
discrétionnaire, peut qualifier certains faits de banqueroute.

La banqueroute est punie d’un emprisonnement allant de 1 an à 5 ans et/ou


d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams, conformément au Code de Commerce.
Tandis que le Code Pénal prévoit un emprisonnement de 3 mois à 3 ans pour la
banqueroute simple et un emprisonnement de 3 ans à 5 ans pour la banqueroute
frauduleuse.

II. Approche analytique des sanctions pénales prévue par le


législateur des infractions commises par le dirigeant :
Après avoir passé en revue les différentes catégories d’infractions, en l’occurrence
celles appartenant au Droit commun et celles propres au Droit des affaires, ainsi que
les sanctions encourues par le dirigeant en cas de leur commission, on peut dire que
la règlementation en vigueur se veut garante du respect de l’ordre public qui doit
régner au sein du monde des affaires, et ce, à travers le Droit pénal et les Lois
n° 17-95 et 5-96.
En effet, malgré les différentes difficultés et défis auxquels le dirigeant est
constamment exposé, il doit faire preuve de grande vigilance et de tact vis-à-vis de
ces risques, et plus particulièrement le risque pénal10.
Eu égard de l’ampleur de ce risque pénal, le dirigeant doit mettre en œuvre tous les
moyens possibles afin d’éviter tout dégât éventuel résultant de ce risque. A cet effet, le
dirigeant pourrait mettre en place des mécanismes efficients et préventifs d’évaluation et
de gestion de ce risque, dans une optique anticipative et pionnière, donnant lieu à des
indices et des indicateurs capables de prévenir sa survenance.
Dans ce sillage, il y a lieu de préconiser quelques suggestions en guise de mesures
à prendre par le dirigeant d’entreprise, et qui seraient susceptibles d’anticiper,
de prévoir, d’apaiser ce risque pénal, voire le faire disparaitre à court, à moyen et/ou
à long terme.
Tout d’abord, le dirigeant d’entreprise est tenu de dresser un état des lieux de la situation
de son entreprise, notamment celle légale et juridique, et ce, à travers un audit interne

Loubna El Ouazzani Chahdi, La gestion du risque pénal dans l’entreprise, in Revue Marocaine de recherche en
10

management et marketing, N°18, Janvier-Juin 2018, pages 196-212.


10
qui révèlerait éventuellement des actes ou transactions faits ou en cours d’élaboration, et
qui sont peut-être entachées par un caractère irrégulier voire illégal.
De même, la profusion de textes juridiques et leur méconnaissance peuvent entraîner la
survenance du risque, qui peut être pénalement sanctionné.
A cet effet, le dirigent d’entreprise pourrait procéder avec ses collaborateurs à l’analyse,
l’étude et le suivi des textes législatifs dans le cadre d’une veille juridique anticipative,
et ce, afin de déterminer avec précision le cadre normatif dans lequel l’entreprise évolue
afin d’anticiper tout comportement à risque.
Puis, un dirigeant d’entreprise pionnier pourra miser sur la formation de son personnel
notamment les cadres dirigeants, qui joueront incontestablement un rôle très important
dans la prévention et le traitement du risque pénal.
Ensuite, et d’un point de vue technique, la mise en place d’une cartographie des
risques11 notamment pénaux semble une solution clé à la disposition du dirigeant
d’entreprise.
Il s’agit effectivement d’une démarche dynamique d’identification et d’évaluation de
détection des risques à couvrir en priorité. L’objectif étant d’écouter les différents
acteurs de l’entreprise qui travaillent sur une activité à risque, afin d’éviter sa
survenance. Ainsi, l’exercice de cartographie doit permettre d’analyser les différents
types de risques en particulier pénaux, leurs causes, leurs conséquences potentielles,
et d’en évaluer l’impact.
Dans la même perspective ayant pour but de limiter au maximum l’impact du risque
pénal, le dirigeant d’entreprise pourra recourir aussi à la délégation de pouvoirs.
En effet, ce mécanisme ayant prouvé son efficacité dans plusieurs domaines, notamment
celui de la gérance des entreprises, qui constitue un énorme fardeau pour les dirigeants,
surtout au niveau des grandes structures. Ainsi, en délégant les pouvoirs à ses
subordonnés, le dirigeant d’entreprise aurait la possibilité d’assurer une surveillance
effective des activités et du personnel de l’entreprise, et surtout en minimisant les
différents risques notamment pénaux.

11
Gilbert de Mareschal, La cartographie des risques, 02/10/2003, AFNOR, 50 pages.

11
Par ailleurs, l’adoption de l’outil informatique semble aussi un véritable remède aux
conséquences du risque pénal, dans la mesure où le recours aux nouvelles
technologies de l’information, notamment celles faisant appliquer l’intelligence
artificielle12, a contribué considérablement à l’essor des différentes disciplines de
droit en l’occurrence le Droit pénal.

Conclusion :
La fonction de dirigeant d’entreprise pourrait exposer la personne qui l’endosse à des
responsabilités colossales voire fatales. En effet, l’une de ses responsabilités susceptibles
de compromettre la vie d’une entreprise et par conséquent son dirigeant est bien entendu
la responsabilité pénale. Ainsi, un dirigeant averti doit être conscient en permanence du
risque pénal13qui le guette à tout moment du cycle de vie de l’entreprise, dont il a la
charge de gérer et d’assurer sa pérennité. En plus des différents aléas qui peuvent mettre
en péril la survie de l’entreprise, notamment la conjoncture économique, devenue de
plus en plus impitoyable, la concurrence de plus en plus acharnée, …etc, le dirigeant
pourrait encourir des poursuites judiciaires, suite aux différentes infractions pénales
qu’on a cités préalablement, mais aussi par d’autres infractions qui sont très nombreuses
et peuvent surgir au fur et à mesure de l’essor du domaine du Droit et des Lois (Droit de
l’environnement, Droit boursier, Droit fiscal, …etc).
In fine, il semble opportun pour le dirigeant d’entreprise d’adopter les bons réflexes
à même d’assurer un bon fonctionnement de son entreprise, vu l’énormité des
responsabilités qu’il assume d’une part et l’étendue du risque pénal qui menace la
survie de l’entreprise.

12
Grégoire Loiseau , Alexandra Bensamoun , Droit de l'intelligence artificielle, Novembre 2022, LGDJ, 600
pages.

13
David Marais, La gestion du risque pénal et de la conformité à 360°, 15 mars 2022, L’Harmattan, 168 pages.
12
Bibliographie :

 Berrada M, (2017), l’Audit interne, tout simplement, outil de création de valeur

et amélioration de la gouvernance des organisations.


 Bonfils F, (2009), Droit pénal des affaires.

 Bosquet DJ B (1997), Droit pénal des sociétés.

 Emmanuel Daoud, Bérénice Dinh, Julie Ferrari, Catherine Gambette, Gérer le

risque pénal en entreprise, 07/04/2011, Lamy, 324 pages.


 Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication
(FIEEC), guide pratique : le risque pénal dans l’entreprise, avril 2017 :
https://www.spdei.fr/wp-content/uploads/2017/05/Guide-FIEEC-Le-risque-
penal-dans-l-entreprise-avril-2017.pdf.
 Francis Lefebvre, Délégation de pouvoirs, 28/11/2018, Francis Lefebvre.

 Francis Lefebvre, Responsabilité pénale des dirigeants sociaux, 25/05/2023,

Francis Lefebvre.
 François Bonnet, La cessation des paiements. Approche financière de la loi sur

les faillites, 19/02/2000, Revue Fiduciaire (Groupe), 304 pages.


 Gilbert de Mareschal, La cartographie des risques, 02/10/2003, AFNOR,

50 pages.
 Jérôme Lasserre Capdeville, Abus de biens sociaux et banqueroute, 13/04/2010,

Joly éditions, 236 pages.


 Lazrak R, (1999), le nouveau Droit pénal des sociétés.

 Loubna El Ouazzani Chahdi, La gestion du risque pénal dans l’entreprise, in

Revue Marocaine de recherche en management et marketing, N°18, Janvier-Juin


2018, pages 196-212.
 Mohamed Souaidi, Comprendre et connaître le Droit pénal des affaires au

Maroc, 1 janvier 2015, Najah AL Jadida.


 Philippe Bonfils, Eudoxie Gallardo, Droit pénal des affaires, 17/08/2021, LGDJ,

400 pages.
 Véron M (2013), Droit pénal des affaires.

13

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