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Master droit des affaires

Droit pénal des affaires

Infractions en matière de
répartition des résultats

Réalisé par : ZIOUTI Mohamed Amine


MOUINY Kenza
À l’intention du professeur : M. LASRY

2021-2022
Introduction

D’abord, il convient de rappeler que l’objectif premier de toute société


commerciale est la réalisation des bénéfices. En effet, d’après la doctrine, la société
commerciale n'a pas d'âme, elle est guidée par un seul but : la recherche d’un
maximum de bénéfices, ce qui se traduit par un résultat.
C’est ce qu’on peut retenir de la définition de la société donnée par le législateur dans
l’article 982 du DOC : « La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs
personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail, ou tous les deux à la
fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter »

Il est impératif de souligner que la réalisation des bénéfices est alors un résultat
profitable non seulement à la société mais également à l'État. Ces derniers feront
d'abord l'objet d'un prélèvement fiscal, ensuite une partie sera réinvestie dans la
société sous forme de réserves et une troisième partie enfin sera distribuée au titre de
dividendes. Cette dernière étape joue un rôle déterminant dans la vie des sociétés
commerciales, ce qui justifie l’intérêt d’envisager cette thématique. Il convient donc
de définir la notion de distribution de dividende (résultat).
Juridiquement, la distribution est une opération consistant à attribuer à chacun ce qui
lui revient en vertu d'une répartition. En effet, il existe plusieurs types de
distribution : une distribution des deniers, une distribution des affaires, une
distribution des pouvoirs en faisant allusion à la séparation des pouvoirs, ou encore
une distribution des bénéfices qualifiés de dividendes.
Étymologiquement, le dividende correspond au terme latin dividendus qui signifie
« qui doit être divisé ». Ce terme est lui-même issu du verbe dividere, verbe
équivalant à partager, répartir ou encore séparer. Ordinairement, le dividende suggère
l'idée d’une compensation, ou alors de contrepartie. Il apparaît ainsi comme la
rétribution d'un effort, d'un sacrifice.

D’un point de vue commercial juridique, le dividende correspond à la part des


bénéfices réalisés par une société et qui est distribuée à la fin d'un exercice aux
associés en application d'une délibération de l'assemblée annuelle1. Il s’agit donc la
part du bénéfice distribuable qui est distribuée aux associés à la suite de l'affectation
des résultat.

1 https://www.infogreffe.fr/informations-et-dossiers-entreprises/lexique-juridique/dividende.html
1
La répartition des dividendes s’effectue d’office par la société. Cependant, cette
dernière doit respecter le cadre légal fixé par le législateur sous peine de sanctions.
Cela dit, il existe une panoplie de mécanismes qui sont mis à la disposition des
associés pour s'assurer que les dirigeants respectent l'égalité et la légalité de
l’opération de distribution. En effet, les dirigeants parfois soucieux de miroiter une
situation financière sociale qui n'est pas réelle, peuvent effectuer une gestion
frauduleuse destinée à tromper les associés ou les tiers2.
À cet effet, les associés sont capables de contrôler la gestion de leurs apports par les
moyens d'information dont ils disposent. Ils ont donc la possibilité d'être au courant
d'une éventuelle irrégularité dans la distribution des dividendes. Dans le même sens,
le commissaire aux comptes veille à la régularité de la distribution notamment à
travers la possibilité de révéler les faits délictueux qu'il constate lors de l'exercice de
ses fonctions, sous peine de mise en cause de sa responsabilité pénale. Il contrôle
aussi le respect de l'égalité entre les associés. On soulève alors la nécessité de
désigner un commissaire aux comptes dans toutes les sociétés commerciales.

Le non-respect du cadre légal donne lieu à des sanctions, ces dernières sont prévues
par l’article 384 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes. Ainsi, la distribution
irrégulière est un délit de distribution des dividendes fictifs. Il faut rappeler que cet
article prévoit également d’autres infractions notamment celle relative à la
présentation des comptes infidèles qui se rattache au résultat atteint par la société,
mais pour rester fidèle au choix de cette thématique, il conviendrait de cibler
uniquement le délit de la répartition de dividendes fictifs.
Bien qu'il ne soit pas direct, on peut dire qu'en sanctionnant la distribution de
dividendes ne résultant pas de la réalisation d'un bénéfice par la société, le législateur
protège dans le même temps les créanciers sociaux, les actionnaires mais aussi la
société notamment en ce qui concerne son patrimoine3.

La problématique qui apparait alors est la suivante : « Dans quelle mesure s’apprécie
la fictivité des dividendes ainsi que la responsabilité de ses auteurs ? »

Pour répondre à cette problématique, il serait judicieux d’envisager la répression du


délit de la distribution des dividendes fictifs, pour ensuite traiter de la responsabilité
de ses auteurs.

2La distribution des dividendes en droit des sociétés commerciales ohada


par Marc Rostel KANA KENGNI. Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2013
3La distribution des dividendes en droit des sociétés commerciales ohada
par Marc Rostel KANA KENGNI. Université de Dschang - Master en droit des affaires et de l'entreprise 2013

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Plan :

I- La distribution des dividendes fictifs : infraction pénale

A- L’élément matériel de l’infraction

B- L’élément moral de l’infraction

II- La responsabilité des personnes impliquées :

A- La responsabilité des dirigeants sociaux

B- La responsabilité du commissaire aux comptes

3
I- La répartition de dividendes fictifs : infraction pénale
La répartition de dividendes fictifs constitue un délit conformément à l’article 384
de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes. Cette infraction est de la même
manière prévue par l'article 107 de la loi nº 5-96 relative aux sociétés commerciales
autres que la société anonyme.
Ce délit nécessite obligatoirement la réunion de deux éléments : l’élément matériel
(A) et l’élément moral (B).

A- L’élément matériel de l’infraction

Tout responsable d’une société qui procède à la distribution de dividendes fictifs,


c’est-à-dire des dividendes distribués en violation de l’une des conditions prévues par
l’article 330 et 331 de la loi 17-95, commet le délit de répartition de dividendes
fictifs4.
Cet article prévoit clairement : « Tout dividende distribué en violation des
dispositions de l'article 330 précédent est un dividende fictif. »
Autrement dit, une fois on viole une condition on est dans le dividende fictif.

L’élément matériel qui apparaît à la lecture de l’article 384 est soit l’absence
d’inventaire, soit l’établissement d’inventaire frauduleux qui fait apparaitre des
bénéfices artificiels.
Cela dit, trois éléments ressortent à la lecture de cet article :

1. L’absence d’inventaire ou inventaire frauduleux ;


2. Dividendes fictifs ;
3. Distribution effective de ces dividendes.

1. L’absence d’inventaire ou inventaire frauduleux :

L’inventaire est un document qui rend compte effectivement de la consistance


de l’actif et du passif d’une société. Par conséquent, les comptes doivent refléter une
image sincère et régulière de la situation financière de la société. Ceux qui ne
répondraient pas à ses exigences seraient réputés frauduleux. Parmi les cas
frauduleux, on peut citer d’une part la majoration de l’actif et d’autre part la
minoration du passif.
S’agissant de la majoration de l’actif, elle peut résulter d’une surestimation
d’éléments réels de l’actif par exemple la surévaluation de stocks ou de la valeur des
titres ou encore l’inscription des frais généraux comme frais et travaux de premier
établissement, etc. mais elle peut également se traduire par une simulation de
l’existence d’éléments d’actifs, en réalité inexistants, par exemple, l’inscription à
l’actif de créances en réalité irrécouvrables ou la simulation de stocks inexistant, etc.

4 https://www.upsilon-consulting.com/2021/02/responsabilite-penale-des-dirigeants-maroc/
4
Quant à la minoration du passif, elle peut se traduire par l’omission de l’inscription
d’une charge, en reportant une partie des frais généraux sur le compte de l’exercice
suivant. On peut également sous-évaluer le montant d’une dette5.
2. Dividendes fictifs :
L’article 331 de la loi 17-95 prévoit que : « Tout dividende distribué en
violation des dispositions de l'article 330 précédent est un dividende fictif ». Cet
article détermine clairement le caractère fictif des dividendes par renvoi à l’article
330.
À la lecture de l’article 330, on s’aperçoit qu’il s’agit des « bénéfices nets de
l’exercice, diminué des pertes antérieures ainsi que des sommes à porter en réserve
par application de l’article 329 et augmenté du report bénéficiaire des exercices
précédents ». Il s’agit ici de réserve légale qui correspond, d'après l’article 329 à un
prélèvement de 5% affecté à la formation d’un fond de réserve. Il faut rappeler qu’il
existe différents types de réserves et que la distribution de ces réserves, constituant
une garantie pour la défense des créanciers, des actionnaires, et des tiers en général,
aurait le caractère de dividendes fictifs distribués.
Pour résumer, la loi 17-95 interdit la distribution dans deux cas :

1- Quand le dividende a pour origine un bénéfice constitué en violation de laloi


c’est-à-dire, en violation notamment de l’article 330

2- En dehors du cas de réduction du capital, quand la situation nette est


inférieure ou deviendrait à la suite de cette réduction, inférieure au montant du capital
augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.

3. Distribution effective de ces dividendes :

Il s’agit tout simplement d’une distribution qui va porter sur des sommes
prélevées sur le bénéfice net et attribuées aux bénéficiaires en leur qualité
d’actionnaires. Le délit se trouve donc consommé au moment où le conseil
d’administration ou la gérance a décidé de mettre d’une manière effective les
dividendes en distribution. Il est impératif de rappeler que cette distribution des peut
être effectuée par tout moyen (chèque, espèces…)
En effet, d’après l’arrêt de la Cour de Cassation française du 28 mars 1936, le délit de
distribution de dividendes fictifs est consommé dès que le dividende a été mis à la
disposition des actionnaires par une décision ouvrant à leur profit un droit
privatif dont la valeur entre aussitôt dans leur patrimoine.

55 https://www.village-justice.com/articles/delit-distribution-des-dividendes-fictifs-droit-des-societes-ohada,26386.html
5
B- L’élément moral de l’infraction

Le délit de répartition des dividendes fictifs requiert la constatation de


l’intention frauduleuse de son auteur6. Il s’agit donc de la mauvaise foi, celle-ci est
établie dès que l'auteur de l’infraction a connaissance du caractère fictif du dividende
distribué.
Le législateur emploie dans l’article 384 le terme « sciemment » qui renvoie à
l’intention frauduleuse, donc il serait vrai de dire que celle-ci n’est pas présumée.
En ce qui concerne le moment d’appréciation de la mauvaise foi, on se retrouve face à
deux dates, d'abord celle de l’établissement du bilan, puis celle à laquelle la mise en
distribution a été décidée par le conseil d’administration ou la gérance.
Il serait logique d’affirmer que les dividendes distribués sur la base d’un bilan exact à
la date de son établissement ne sont pas considérés comme fictifs. Toutefois, nous
sommes convaincus qu’il n’y a aucunement lieu d'occulter les événements
postérieurs à la clôture. Dans ce sens, le manuel des normes d’audit applicables au
Maroc indique clairement l'approche à adopter par les organes de gestion de lasociété,
suivant le moment de la survenance desdits événements.
Parallèlement, il serait impensable pour un administrateur ayant pris conscience du
caractère fictif du dividende approuvé par l’assemblée au moment de sa mise en
distribution, qu’il autorise une telle distribution sans que sa responsabilité pénale
ne soit sérieusement engagée. Ainsi la date ultime pour l'appréciation de l’intention
délictueuse est la date de la mise en distribution du dividende.
Une fois la mauvaise foi soulevée, se pose alors la problématique liée à la preuve.
S'agissant d’un élément psychologique, la preuve absolue ou directe serait impossible
à obtenir. Le juge devra donc analyser les faits pour en déduire les vraies motivations
du gérant. Ainsi des omissions anormales et répétitives seraient une preuve directe à
retenir. Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que la charge de la preuve revient à la
partie demanderesse qui aura l'obligation de justifier ses allégations.

6 https://www.upsilon-consulting.com/2021/02/responsabilite-penale-des-dirigeants-maroc/
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II- La responsabilité des personnes impliquées :

Il convient d’envisager l’étendue de la responsabilité des auteurs du délit de


répartition des dividendes fictifs qui est d’ordre pénal, et qui peut mettre en cause les
dirigeants sociaux ainsi que le commissaire au compte, le cas échéant.

A- La responsabilité des dirigeants sociaux

D’après les différents articles réprimant la répartition des dividendes fictifs, il


convient de souligner que les principaux auteurs de ce délit sont, les dirigeants de qui
des sociétés anonymes à conseil d’administration, les membres du conseil
d’administration, le président et les directeurs généraux extérieurs au conseil. Et dans
les sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance, les membres de ces
organes. Ces différents membres sont considérés d’un point de vue juridique de
dirigeants de droit.
Cela dit, les dirigeants qui sont responsables sont ceux qui sont en fonction au jour
de la décision du conseil portant préjudice aux actionnaires, et non pas au jour de la
confection du bilan ou de son approbation, même s’ils n’ont pas assisté à la
délibération rendant publique l’annonce de la distribution. Cependant, les
administrateurs ayant assisté à la confection de l’inventaire frauduleux, mais qui ont
cessé leurs fonctions avant la décision de mise en distribution effective des
dividendes, ne sont pas considérés comme responsables. Il en est pareil pour
l’administrateur nommé après la décision du conseil ordonnant la distribution des
dividendes fictifs.
Il convient par ailleurs de souligner que même les dirigeants de fait peuvent être
touchés par cette responsabilité pénale. En effet, est responsable toute personne qui
directement ou indirectement, c’est-à-dire par une personne interposée, aura en fait
exercé la direction, l’administration ou la gestion de sociétés anonymes sous le
couvert ou aux lieux et place de leurs représentants légaux.
D’un autre côté, il est impératif de noter que la responsabilité s'étend même aux
complices qui, en connaissance de cause, ont participé soit à la confection de
l’inventaire ou du bilan frauduleux, soit à la mise en distribution des dividendes
fictifs. Il s’agit dans ce cas des directeurs, les membres du conseil de surveillance des
sociétés anonymes à directoire, qui présentent leurs observations à l’assemblée
générale sur les comptes de l’exercice, les commissaires aux comptes, les chefs
comptables, ainsi que les tiers étrangers à l’administration de la société.

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En ce qui concerne les sanctions de ce délit, le législateur prévoit d’une part, une
peine d’emprisonnement d’un à six mois et une amende de 100.000 à 1.000.000 DHS
ou de l’une de ces deux peines seulement. Notons que la jurisprudence française
prévoit également la possibilité d’intenter une action civile mais seulement lorsque
deux conditions sont réunies, d’abord la distribution doit avoir été faite en violation
des articles relatifs au bénéfice distribuable, ensuite la société ou ses créanciers ayant
subi le préjudice doivent prouver que les bénéficiaires avaient connaissance du
caractère irrégulier de cette distribution au moment de celle-ci, ou ne pouvaient
l’ignorer compte tenu des circonstances. Ainsi si le tribunal ordonne la restitution des
dividendes, les actionnaires seront tenus de les restituer avec l’intérêt de ces sommes.
Suivant la logique juridique, il est à noter que le délit de distribution de dividendes
fictif est une infraction instantanée, même si ses effets se prolongent dans le temps,
ce délit est donc prescrit par cinq ans à compter du jour ou le délit été commis.

B- La responsabilité du commissaire aux comptes

La situation du commissaire aux comptes au sein des sociétés anonymes, est


doté d’un rôle fondamental, qui est le contrôle permanent en sa qualité d’expert
neutre chargé d’exploiter ses compétences techniques au service la société. Cela dit,
le commissaire aux comptes est soumis à l’obligation de neutralité dans l’exercice de
ses fonctions. Cela ne signifie pas pour autant, que l’exercice de ses fonctions se fera
d’une manière honnête, en effet, cet organe de contrôle peut participer directement ou
indirectement aux actions frauduleuses des dirigeants.
Le législateur, par le biais de la loi 17-95 a prévu certaines sanctions à l’égard du
commissaire aux comptes ayant agi comme complice des administrateurs coupables
de publication ou de présentation de comptes infidèles, on retrouve ces dernières dans
l’article 405 de ladite loi : « Sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et
d'une amende de 10 000 à 100 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement,
tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel, soit au titre d'associé
dans une société de commissaires aux comptes, aura, sciemment donné ou confirmé
des informations mensongères sur la situation de la société ou qui n'aura pas révélé
aux organes 136 d'administration, de direction ou de gestion les faits lui apparaissant
délictueux dont il aura eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions . »
Il ressort à la lecture de cet article la répression de deux infractions, d’abord
l’émission d’informations mensongères, et ce, par deux moyens, soit en partageant
des informations mensongères soit en la confirmant. Or le législateur ne prévoit pas
le caractère déterminant de ces actes, ce qui laisse une brèche à ce niveau.

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La seconde infraction concerne la révélation de faits délictueux, dans la mesure où le
commissaire aux comptes est tenu par une obligation d’information, en effet, les
organes doivent être informés de tout fait délictueux. Il est à noter que le législateur
marocain par le biais de l’article 180 de la loi 17-95, a également prévu des sanctions
à l’encontre du commissaire aux comptes ayant commis des fautes ou des
négligences dans l’exercice de ses fonctions. Cela nous permet donc d’affirmer que le
commissaire aux comptes peut être tenu responsable des dommages causés s’il na pas
révélé des faits délictueux qu’il savait ou qu’il aurait dû savoir dans l’exercice de
ses fonctions. Par ailleurs, contrairement à son homologue français, le législateur
marocain n’a pas prévu une disposition imposant au commissaire aux comptes
d’informer le Procureur du Roi des faits délictueux qu’il aurait constaté lors de
l’exercice de ses fonctions.

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