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République Tunisienne

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Université de Sousse
Faculté de droit et des Sciences Politiques

MÉMOIRE
EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME DE MASTÈRE
DE RECHERCHE EB DROIT PRIVE

Le critère de contrôle dans le groupe des sociétés

Soutenu par : Sous la direction de :


Dorsaf Hlaoui Professeur. Moncef Ben Zaied

Membres du jury
Président : ……………………….
Membre : ………………………...
Membre : Mr. Moncef Ben Zaied

Année Universitaire : 2021-2022


Dédicace
Je dédie ce modeste travail

A mon grand-père maternel, pour vos attentions particulières,


vos prières et votre amour inconditionnel. Merci pour vous et que
Dieu vous donne bonne santé et longue vie parmi nous.

A mes parents, qui m’ont toujours encouragé et motivé dans


mes études, pour leurs sacrifices et leurs amour éternel, que Dieu les
protèges et leur octroie bonne santé et longue vie.

A mon frère, en témoignage de ma profonde affection et de mon


attachement indéfectible.

A mes amis, ma famille et à tous ceux qui ont supporté les


fluctuations de mon humeur durant l’accomplissement de ce travail.

REMERCIEMENTS
Ma profonde gratitude va, tout particulièrement, au directeur de cette
recherche, le
Professeur Moncef Ben Zaied, pour m’avoir dirigé et accompagné,
pour ses conseils subtils et avisés, sa présence et son appui précieux,
tout en me laissant une grande liberté dans la formulation de mon
mémoire.
Mes remerciements les plus sincères à : Monsieur Fathi
Chtioui, pour son aide.
La faculté de droit et des sciences politiques de
Sousse n’entend donner aucune approbation, ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire.

Ces opinions doivent être considérées comme


propres à leur auteur.

Sommaire
Introduction.................................................................................................................................1

Première partie :Le critère de contrôle est un critère notionnel........................................10

Chapitre 1 : la notion de société mère.......................................................................................11

Chapitre 2 : la notion de société filiale.....................................................................................34

Le critère de contrôle est un critère d’imputation.....................................................................56

Deuxième partie :Le critère de contrôle est un critère d’imputation................................56

Chapitre 1 : Le critère de contrôle est un critère évident d’imputation civile..........................57

Chapitre 2 : Le critère de contrôle est un critère relatif d’imputation pénale...........................79

Conclusion générale................................................................................................................101
Liste des abréviations
 Art : Article
 Bull. Joly : Bulletin Joly sociétés
 CA : Cour d’appel
 Cass : Cour de Cassation
 Cass.com : Cassation commerciale
 Cass. Civ : Cour de cassation chambre civile
 Cass. Com : Cour de cassation chambre commerciale
 Cass. Soc : Cour de cassation chambre sociale
 CC : Code de commerce
 CIPPIS : Code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et
del'impôt sur les sociétés.
 Chr : Chronique
 CP : Code pénal
 CSC : Codedes sociétés commerciales
 Doct : doctrine
 DGA : Directeur Général Adjoint
 Ed: Edition
 Fasc. : Fascicule
 Gaz. Pal : Gazette du palais
 GIE : Groupement des intérêts économiques
 Ibid : Ibidem (au même endroit)
 JCP : Jurisclasseur périodique (La semaine juridique)
 JCP. G : Jurisclasseur périodique, édition générale
 J. cl. Soc : Jurisclasseur
 JORT : Journal Officiel de la République Tunisienne
 P :PageRTD Com : Revue trimestrielle de droit commercial
 Suiv : Suivant
 N : numéro
 Op. cit: operecitato (l’œuvre déjà citée)
 LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence
 N.C :Norme Comptable
 PA : Petites affiches
 PDG :Président Directeur Général
 Préf : Préface
 REF : Revue d’économie financière
 Rev :Revue
 Rev. Fr. comptab : Revue Français comptable
 Rev. Soc :Revue des sociétés
 RIDC : Revue internationale de droit comparé
 RIDE : Revue internationale de droit économique
 RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires
 RJS : Revue de jurisprudence sociale
 SARL : Société à responsabilité limitée
‫قائمة المختصرات بالغة العربية‬
‫صفحة‬ :‫ص‬ 
‫ مجلة القضاء والتشريع‬: ‫ت‬.‫ق‬.‫م‬ 
Introduction
Introduction

Introduction

L’évolution de la vie des sociétés commerciales montre que la notion de


contrôle exercé par une société sur une autre revêt une très grande importance.

Ainsi, dans un environnement économique marqué par la globalisation


financière, l’accélération du progrès scientifique et technique ainsi que
l’intensification des capitaux, et dans lequel la société commerciale cherche à se
protéger contre de nombreux séismes pouvant secouer un monde en mutation
rapide, la société isolée est incapable d’assurer sa pérennité.

Et si par le contrôle l’associé dominant dans toute société isolée est


assuré d’imposer sa politique et sa stratégie de rentabilité financière sans
opposition1, au sein d’un groupe de sociétés le contrôle permet à certaines
personnes morales de faire apparaître leur désir d’expansion.

En effet, une société peut s’allier à d’autres sociétés en vue de diversifier


ses activités et/ou d’accroître ses bénéfices. Aussi, pour satisfaire leurs désirs
d’expansion, les personnes morales tissent des liens avec d’autres sociétés. Ces
liens doivent permettre d’influencer voire de maîtriser l’ensemble des sociétés,
c'est-à-dire détenir le contrôle des différentes sociétés.

A ce stade, se sont formés les groupes de sociétés, l’un des procédés 2 de la


concentration économique3.

1
MAGGY PARIENTE, Les groupes de sociétés aspects juridique, social, comptable et fiscal,
éd-LITEC, 1993, p.334.
2
Telle que : la fusion (art 411 à 427 CSC) – la scission (art 428 à 432 CSC) – le GIE (Art 439
à 460 CSC).
3
CLAUDE CHAPAUD, « le pouvoir de concentration de la société par actions », Thèse de
doctorat en droit, université de Rennes faculté de droit et des sciences économiques, 1961,
éd-Paris Sirey 1962, n°368, p.1 et suiv. Selon cet auteur, la concentration peut être définie
de deux manières : suivant la conception économique ou la conception restrictive, la
concentration est définie comme étant un phénomène économique qui se caractérise par la
croissance de la taille des entreprises et par une diminution corrélative de leur nombre. Mais
suivant une conception large, la concentration constitue un mouvement qui entraine la
formation d’unités économiques de plus en plus vastes. Elle englobe les opérations
d’intégration radicale comme le groupe de sociétés ou d’intégration souple comme les
ententes.

1
Introduction

D’ailleurs, les dures lois de la vie économique ne leur laissent souvent le


choix qu’entre, vivre groupées, ou mourir absorbées, à moins qu’elles ne
préfèrent la lente agonie solitaire 4. Ainsi, conscient de l’importance que revêt la
réglementation du phénomène groupal, un effort remarquable a été accompli par
le législateur tunisien pour aboutir à légiférer sur les groupes.

Désormais, on parle d’une législation tunisienne propre aux groupes de


sociétés qui a été édictée par la loi n°2001-117 du 06 décembre 2001 complétant
le code des sociétés commerciales. Cette loi a eu pour principal objet de donner
une définition au groupe de sociétés et de ne pas laisser, à l’instar de la loi
française, à la jurisprudence et donc à la pratique, le soin de définir les contours
de cette institution de la vie économique.

En effet, l’article 461 du C.S.C stipule que « le groupe de sociétés est un
ensemble de sociétés ayant chacune sa personnalité juridique, mais liées par des
intérêts communs, en vertu desquels l’une d’elles, dite société mère, tient les
autres sous son pouvoir de droit ou de fait et y exerce un contrôle, assurant,
ainsi, une unité de décision ».

En fait, cette définition n’envisage que les groupes financiers, c'est-à-dire


ceux qui reposent sur des liaisons en capital et qui supposent l’existence de deux
éléments : un élément matériel, à savoir la détention par une société d’une
fraction significative du capital d’une autre société et un élément intentionnel
caractérisé par la volonté de domination et d’influence sur la société qui a émis
les actions ou les parts5.

4
CLAUDE CHMPAUD, « les méthodes de groupement de sociétés », RTD Com, 1967, n°1,
p.1004.
5
YVES GUYON, « Droit des affaires », Tome1, Paris, 10ème éd, éd-Economica, 1998, n°583,
p.609.

2
Introduction

Par ailleurs, certains auteurs6 prévoient deux autres éléments


caractéristiques qui peuvent être dégagés de cette définition légale. Le premier
élément consiste en l’indépendance juridique des sociétés qui composent le
groupe. Le deuxième élément se rapporte à l’unité de décision économique et la
centralisation du pouvoir de décision. Cette unité suppose un contrôle exercé par
la société mère sur les sociétés membres au groupe.

De part ces éléments caractéristiques, le groupe de sociétés est un


phénomène économique et non juridique. En effet, disposant que « le groupe de
sociétés ne jouit pas de la personnalité juridique, le dernier alinéa de l’article
461 du C.S.C ne fait pas du groupe de sociétés un être juridique distinct des
sociétés réunies en son sein puisqu’il est privé de la personnalité morale. « il
reste essence de fait non de droit »7, « un phénomène qui vit et se développe sur
le terrain et non grâce au droit »8.

En réalité, cette définition du groupe de sociétés s’inspire des éléments


caractéristiques reconnus au groupe de sociétés par la jurisprudence 9
et par la
doctrine comparée et notamment française10.

En se basant sur cette définition, on note que ces groupes financiers se


distinguent des groupes contractuels qui se basent sur des liens contractuels. Ils
se concrétisent dans des accords favorisant la collaboration ou l’intégration entre

6
Nissaf Hammami Lehyani, « Le groupe de sociétés et le droit de la concurrence », Thèse
de doctorat en droit, Faculté de droit de Sfax, 2015/2016, p.80.
7
MAGGY PARIENTE, « les groupes de sociétés et la loi de 1966 », Revue des sociétés
1996, n°3, p.467.
8
Ibid., p.470.
9
La définition de la notion « groupe de sociétés » en droit français, est d’origine prétorienne.
Dans un arrêt de principe, dit Rozenblum, la chambre criminelle de la cour de cassation
française a proposé une définition très proche de celle de l’article 461 CSC. Cass. Criminelle
04/0281985, RTD Com, 1985, p.828.
10
Dans le cadre des débats parlementaires sur le projet de la loi n°2001-117 du 06/12/2001
(séance du 20/11/2001, p.89), la référence à la doctrine et à la jurisprudence comparée est,
expressément, déclarée.
‫اء‬cc‫الفقه‬ « » ‫ مشروع هذا القانون يلتقي في مضمونه و عناصره مع ما كرسه فقه القضاء المقارن و‬c‫إن تعريف تجمع الشركات حسب‬
  ‫بصفة عامة لقيام مثل هذه المؤسسة‬

3
Introduction

sociétés11. Ils se distinguent aussi des groupes personnels qui sont constitués par
un ensemble de sociétés dont l’unité de décision résulte d’une communauté de
dirigeants12.

Au-delà de cette législation, ce texte définissant le groupe de sociétés a


pour avantage de dégager le contrôle comme critère d’existence des groupes de
sociétés.

De façon générale, le contrôle est une situation inhérente aux rapports


sociaux. Il s’impose comme un outil d’organisation dans les Etats, les sociétés
ou les groupes d’individus. Comme tel, il revêt deux aspects essentiels :
surveillance et domination, le contrôle est donc une notion polysémique.

Au premier sens du terme, on définit ainsi le mot contrôle par :


vérification, examen, ou surveillance. Sous l’angle du droit des sociétés, on peut
constater l’existence d’un grand nombre de mesures légales consacrées à cette
idée de contrôle-surveillance. On pense aussitôt aux droits des associés ou des
actionnaires de contrôler les actes de gestion accomplis par les dirigeants de la
société, tel que le droit d’interroger les dirigeants par voie des questions écrites
auxquelles le conseil d’administration ou le directoire est tenu de répondre, ou le
droit d’approuver ou non les comptes sociaux ainsi que les rapports de gestion
présentés par le conseil d’administration ou par le directoire lors de l’assemblée
générale ordinaire des associés ou des actionnaires, aboutissant éventuellement
au droit d’agir en responsabilité contre les dirigeants sociaux. On songe, ensuite,
au pouvoir de contrôle des commissaires aux comptes qui ont la mission
essentielle de certifier la régularité et la sincérité des comptes sociaux.

Un deuxième sens a été donné au mot contrôle à savoir un pouvoir de


direction, de maîtrise ou de domination. Il est peu contestable que cette
évolution découle de l’emploi du termeanglo-saxon « to control », qui signifie «
11
VERONIQUE MAGNIER, « Droit des sociétés », éd-Dalloz, 2002, p.333 et suivant.
12
YVES GUYON, op.cit., p.562.

4
Introduction

maîtriser », « commander », « gouverner » ou « diriger » 13, ou encore « être à la


tête de »14. Le contrôle exprime alors l’idée d’un pouvoir détenu par certains
associés ou certains actionnaires pour diriger les affaires sociales d’une société
et traduit ainsi la « situation de domination »15exercé sur cette société.

Partant de ce constat, au sens traditionnel du terme « contrôle », un


nouveau sens vient s’ajouter désignant le pouvoir de domination qu’une société
exerce sur une autre.

Ce faisant de cette perception, on passe alors du pouvoir « passif »,


contrôle-surveillance, qui implique l’idée d’inspecter ou d’examiner à postériori
les actes de gestion accomplis par les organes sociaux, au pouvoir « actif »,
contrôle-maîtrise ou contrôle-domination, qui exprime l’idée d’agir, donc
d’organiser ou de diriger les activités économiques de la société.

Cependant, il faut souligner l’existence d’une nuance non négligeable


entre ces deux acceptions quant à la personne qui bénéficie de ce pouvoir : alors
que le contrôle-surveillance appartient généralement à tout associé ou
actionnaire, le contrôle-maîtrise ne donne le pouvoir, dans la majorité des cas,
qu’à certains associés ou certains actionnaires ou qu’à un groupement de ces
personnes16.

13
Le Dictionnaire Hachette-Oxford Concise, Oxford University Press, 2004.
14
Larousse Dictionnaire compact plus, 2005.
15
YVES REINARD,  « Lexique de droit des sociétés et des groupements d’affaires », Dalloz,
1993, p. 26.
16
On a pu constater que même si la doctrine dominante s’accorde à reconnaître comme
nécessaire de faire une telle distinction du sens du mot contrôle, une divergence doctrinale
existe néanmoins quant à la qualification juridique de ce contrôle-domination. Ainsi selon le
Professeur Champaud « Contrôler une société, c’est détenir le contrôle des biens sociaux
(droit d’en disposer comme propriétaire), de telle sorte que l’on soit maître de l’activité
économique de l’entreprise sociale ». De ce point de vue, il s’attache à voir dans le contrôle
« une notion concurrente de la propriété ».

5
Introduction

Dans le dessein de comprendre le lien entre le concept de contrôle et la


réalité des groupes de sociétés, notre étude portera sur le critère de contrôle dans
les groupes de sociétés.

Sous l’ombre de ce contrôle comme critère, le groupe de sociétés a pour


caractéristique d’apparaitre aux yeux des tiers comme une seule entreprise, à
savoir une unité organisationnelle durable qui exerce une activité économique.
En revanche, les relations entre les sociétés indépendantes d’un même groupe
n’est qu’une véritable synergie qui se dessine entre sociétés.

Au-delà de cette perception, ces différentes sociétés parties intégrantes


d’une même collectivité sont en effet influencées par les directives de la société
de tête qui, -qualifiée de société mère- en raison de sa hiérarchie et de ses
pouvoirs, bénéficie d’un pouvoir d’injonction sur ses filiales, qui impose à ces
dernières de privilégier la satisfaction des besoins du groupe au détriment des
intérêts purement individuels. En effet, les décisions prises au sein du groupe
sont fondées sur des préoccupations incomparables à celles des sociétés isolées.

De ce fait, on peut dire que la société mère intervient d’une manière active
dans la formation du groupe de sociétés. Ce rôle a été bien marqué par la
doctrine qui souligne que « cette concentration se crée autour d’une entreprise,
en principe la plus performante, qui progressivement prend le contrôle des autres
sociétés. Ces dernières jusqu’à alors indépendantes deviennent ses filiales »17.

Par conséquent, le contrôle suppose au moins deux sujets de droit : d’une


part, celui où ceux qui détiennent et exercent le pouvoir de contrôle, appelés les
controlaires, et qui, dans la majorité des cas, ne sont que certains associés ou
certains actionnaires ou un groupement de ces personnes ; et d’autre part, une
personne morale, une société autonome, qui subit ce pouvoir de contrôle.

17
DEEN GUIBIRILA, « Droit des sociétés », Ellipses-Marketing, 1997, p.106.

6
Introduction

Cette analyse appelle quelques observations. Elle conduit, d’abord, à


établir une distinction entre une filiale et une succursale : alors que la première
est une société autonome mais contrôlée étroitement par la société mère, la
seconde n’a aucune autonomie juridique, aucune personnalité morale propre et
aucun patrimoine d’affectation. Ensuite, malgré que la domination soit le mot
clé qui gouverne les rapports entre la société mère et les sociétés dominées 18, le
législateur n’a pas repris ce mot. Ainsi, il n’a pas employé la notion de société
dominante ou celle de société dominée, le trouvant peut être trop martial, il a
préféré voir dans le groupe une famille avec des filles, les sociétés filiales, et des
mères19.

L’intérêt de l’étude du contrôle dans les groupes de sociétés est double :


théorique et pratique. Toutefois, ce sujet avancé comme intéressant qu’il semble
être dans son principe, se heurte à des obstacles théoriques et pratiques.

D’abord Théoriquement, ce sujet présente l’intérêt de contribuer à


l’élaboration d’une construction juridique du contrôle dans les groupes. Cette
dernière a pour objectif d’en faire un outil juridique. Le contrôle peut, en effet,
servir à l’amélioration des règles de gouvernance au sein des sociétés et des
groupes de sociétés. Par conséquent, les critères qui seront dégagés, peuvent
également servir à l’uniformisation du contrôle en droit des affaires notamment
en droit fiscal, en droit comptable, en droit de la concurrence et en droit du
travail.

Toutefois, ce sujet remet en cause le principe fondamental de la


personnalité juridique dont dispose toute société. On sait, à cet égard, que la
personnalité morale implique, entre autres, l’indépendance juridique de la
société; elle lui permet donc d’avoir une personnalité morale distincte des

MAGGY PARIENTE, op cit, p.1.


18

19
MAURICE COZIAN ; ALAIN VIANIDIER ; FLORENCE DEBOISSY, « Droit des sociétés »,
16ème éd°, éd-Litec, 2003, p.686.

7
Introduction

personnalités de ses membres, tant pour les actionnaires que pour les
controlaires20. L’indépendance juridique peut se dissocier de l’indépendance
économique d’une filiale ; l’exercice du contrôle peut alors mettre cette société
en état de dépendance économique par rapport à la société mère, mais n’affecte
en rien, en principe, la personnalité morale de la filiale.

Cependant, cette indépendance juridique concorde mal avec la réalité


caractérisée par le contrôle exercé sur les sociétés intégrées à un groupe, par la
société mère, chef de ce groupe. C’est pourquoi, lorsque certaines conditions
sont réunies, les créanciers des filiales obtiennent que soit écarté l’écran de la
personnalité morale de ses sociétés et que les engagements de celles-ci soient
honorés par la société mère21.

Ensuite, l’intérêt pratique du sujet est de contribuer à la transparence dans


les rapports entre sociétés d’un même groupe, ce qui participera à lever toute
confusion entre le contrôle au sein d’une société et le contrôle dans les groupes
de sociétés, tant du point de vue de leurs définitions que de leurs implications.

Par ailleurs, si le contrôle confère aux controlaires des pouvoirs de


maîtrise sur les biens de la société, la nature collective des biens sur lesquels
s’exerce le contrôle impose une limite importante au « jus abutendi » du
controlaire. Cela revient à dire que le controlaire ne pourra pas disposer ou user
des biens sociaux dans son propre intérêt, mais devra en user conformément à
l’objet, et notamment à l’intérêt de la société, intérêt qui constitue un cadre
juridique essentiel de l’exercice des droits du controlaire. La sanction pour abus
de majorité et abus des biens sociaux est là pour confirmer une telle analyse.

20
En ce qui concerne ces derniers, à moins, bien entendu, qu’ils ne détiennent eux-mêmes
soit la totalité, soit la quasi-totalité des parts ou des actions.
21
FRANCIS LEFEBVRE, « Groupe de sociétés : juridique, fiscal, social », éd-M.F.L, 2002,
p.339.

8
Introduction

Pour traduire tous les intérêts sus évoqués dans l’œuvre scientifique
envisagée, il importe que la réflexion tende à cerner le phénomène de contrôle
dans les groupes de sociétés. Dès lors, la problématique qui sous-tend cette
étude juridique s’expose comme suit : Quelle est l’acception juridique exacte
du contrôle tel qu’il se manifeste dans les groupes de sociétés ?

Ces interrogations, suscitées par la relation entre le concept juridique de


contrôle et la réalité du groupe de sociétés, conduisent naturellement à l’étude de
la notion de contrôle et à son exercice. Nos axes d’analyses s’imprègneront de
cette exigence. En effet, selon ce concept dans le cadre de tout groupe de
sociétés on parle d’une part de deux notions fondamentales et d’autre part deux
responsabilités impératives. Ces analyses font paraitre, alors, le contrôle voire
un critère notionnel (Première partie) selon lequel on fait la distinction entre la
notion de société qui exerce le contrôle et la notion de celle qui subit le contrôle.
Egalement, le contrôle se présente comme un critère d’imputation (Deuxième
partie) et à sa base une responsabilité civile ou pénale, selon le cas présent, sera
encourue.

9
Première partie :
Le critère de contrôle est un
critère notionnel
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Première partie :Le critère de contrôle est un critère notionnel

La recherche d’une définition précise du groupe de sociétés dans le cadre de l’article


461 de CSC ne dépasse pas les limites de la clarification de ses éléments. Ainsi, le législateur
a adopté un critère organiqueselon lequel le groupe de sociétés est constitué par un organe
dominant et d’autres dominés. Il s’agit la société mère et ses filiales qui sont liées par des
liens financiers, basés sur les participations, qui constituent une subordination hiérarchique
exprimé par le contrôle.

Par conséquent, cette définition présente « Un diagnostic caricatural qui peut brosser
une image claire au groupe, qui est un système solaire au centre duquel se trouve la société
mère représentant le soleil autour duquel se trouvent les filiales comme des planètes ou des
étoiles dont les proximités au centre de ce système différent selon leur degré de dépendance 22.

Sur cette base, deux notions fondamentales apparaitront, la première notion est celle de
la société mère (chapitre1) qui est la société qui exerce le contrôle et la deuxième notion est
celle de la société filiale (chapitre2) c’est la société qui subit le contrôle exercé par la société
mère.

.38.‫ ص‬،2009 ،‫ جوان‬71/ 70 ‫ عدد‬,‫مجلة القانون القانونية‬  « ,‫»نشأة تجمع الشركات‬  ,‫ كوثر بن خليفة‬2222

10
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Chapitre 1 : la notion de société mère


« Dans toute mère de famille, il y a une belle-mère qui sommeille ». La notion de
société mère, confirmant son rôle central au sein de tout groupe de sociétés, peut être
considérée comme une notion duelle 23.En effet, avec le pouvoir de contrôle que la société
mère détient, elle sommeille sur l’organisation à la fois structurelle et gestionnaire du groupe.
Du point de vue structurel, la société mère apparait comme une structure « plus
performante »24 qui prend progressivement le contrôle des autres structures sociétaires et par
la suite le contrôle de toute la structuration du groupe (section1). Du point de vue fonctionnel,
la société mère a pour mission de diriger ou gérer tout le groupe. Afin de réussir cette mission,
la société mère exerce, outre le contrôle sur les structures du groupe, un contrôle sur la gestion
du groupe (section2).

Section 1 : La société mère contrôle les structures du


groupe

« La société mère doit détenir une participation directe ou indirecte dans le capital de
chacune des sociétés appartenant au groupe de sociétés »25. Le pouvoir d’appropriation des
biens sociaux possédé par la société mère doit être retenu comme un critère primordial, même
s’il reste insuffisant26,pour identifier le contrôle exercé par la société mère.Le moment où ce
contrôle s’identifie, il apparait que, par la participation détenue, la société mère assure un
contrôle sur toute structure sociétaire (paragraphe1). Par le cordon ombilical des
participations détenues, elle détermine le périmètre du groupe en assurant une surveillance
unitaire sur la structuration de groupe (paragraphe2).

23
Une notion structurelle fondée sur un critère structurel : la société mère est une structure
plus dominante qui contrôle les structures du groupe et une notion fonctionnelle fondée sur
un critère fonctionnel : la société mère est chargée de la mission de direction de groupe.
24
DEEN GIBRILA, op cit, p.106.
25
Article 461 CSC alinéa 5.
26
SABEUR KTARI, « la corporate governance et les groupes de sociétés tels qui organisés
par la loi n°117 du 6 décembre 2001 », Etudes juridiques, n°9, 2002, p.226. « Notre
législateur ne retient donc pas uniquement un critère patrimonial pour identifier le contrôle ».

11
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Paragraphe 1 : un contrôle exercé sur les structures


sociétaires

La société mère contrôle toute structure sociétaire, si elle détient une participation
majoritaire à son capital, ou bien si elle dispose de la majorité des droits de vote dans ses
assemblées générales, soit également à travers son pouvoir exercé dans ses assemblées sans
détention de participation majoritaire au capital. Malgré la divergence des moyens mis en
place, les différentes situations de contrôle, exercé par la société mère, permettent de les
regrouper en deux catégories principales de contrôle : un contrôle de droit (A) et un contrôle
de fait (B).

A- Un contrôle de droit

Le contrôle exercé par la société mère sur une autre est dit contrôle majoritaire ou de
droit lorsqu’elle détient sur cette dernière une majorité des droits de vote.

Ceci est affirmé par l’article 461 du CSC dans son deuxième alinéaqui stipule que
« Est considérée comme étant contrôlée par une autre société, au sens du présent titre, toute
société :

- dont une autre détient une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de
vote,

- ou dont une autre société y détient la majorité des droits de vote, seule ou en vertu
d’un accord conclu avec d’autres associés ».

Le législateur fait référence au critère de la majorité des droits de vote et non à la


participation majoritaire au capital. Ce critère peut être défendable par l’exclusion de la
conception classique du contrôle de droit basée sur un critère mathématique reposant sur la
participation majoritaire au capital d’une société27.

Cette exclusion est liée à l’insuffisance de cette conception pour tenir compte du
pouvoir réel exercé sur une société. Cette insuffisance réside dans l’idée où les liens
strictement financiers ne peuvent traduire qu’un avoir qui ne correspond désormais plus au

27
SOMSAK NAWATRAKULPISUT, « contrôle de droit contrôle de fait », Thèse pour le
doctorat en Droit privé, université Jean Moulin -Lyon III faculté de droit, 2007, n°23, p.24.

12
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

pouvoir. Du fait de cette insuffisance, certains auteurs ont justement relevé que la loi a elle-
même établi « des propriétés où tous les propriétaires n’ont pas le même pouvoir »28.

Dans ce sens, ce pouvoir peut être acquis sans la détention d’une participation
majoritaire au capital. On déduit alors qu’une majorité en capital peut ne pas aboutir à une
majorité des droits de vote29. Inversement, cette majorité des droits de vote ne coïncide pas,
forcément, à la majorité en capital30 .

Constatant un manque de portée suffisante de ce critère classique du contrôle de droit,


le critère plus technique lié à la détention majoritaire des droits de vote dans les assemblées
générales d’une autre société devient le critère effectivement reconnu.

Sur la base de ce critère, la société mère détient cette majorité, directement, lorsqu’elle
est associée ou actionnaire dans la société contrôlée, ou indirectement par l’intermédiaire
d’une ou de plusieurs sociétés contrôlées31. De ce fait, la société mère est à l’origine de toutes
les décisions prises par les sociétés du groupe. Et puis elle arrive à dominer non seulement les
assemblées générales ordinaires mais aussi les assemblées générales extraordinaires. Par
conséquent elle devient compétente pour modifier principalement les statuts des sociétés du
groupe et notamment pour modifier l’objet social-; pour transférer le siège social et pour
décider une augmentation ou une réduction du capital social, etc.

Par ailleurs, afin de réussir cette dominance décisionnelle la majorité des droits de
vote, détenue par la société mère, peut effectivement résulter de la participation au capital
social. En effet l’article 461 retient l’existence de cette hypothèse et dispose que « Est
considérée comme étant contrôlée par une autre société, au sens du présent titre, toute
société : - dont une autre détient une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de
vote ».

Si le texte fait encore référence à la détention du capital social pour caractériser


l’hypothèse du pouvoir de droit, on relèvera, pourtant, un élément essentiel de distinction.
Ainsi, dans cette hypothèse la détention d’une fraction du capital doit conférer la majorité des

28
MICHEL GERMAIN, « Propriété et contrôle: introduction (juridique) à un débat », RIDE. n°
spécial “propriété et contrôle”, 1990, n° 3, p.261.
29
C’est le cas de détenir des certificats d’investissement et des actions à dividende prioritaire
sans droit de vote.
30
Le cas de détenir des actions conférant des droits de vote double ou des certificats de droit
de vote (art 164 et 317 CSC).
31
MICHEL GERMAIN, article précité, n°17, p.5. 

13
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

droits de vote dans les assemblées générales. Il conviendrait alors de noter que ce n’est pas le
capital en tant que tel qui est envisagé ici, mais la détention d’une fraction de ce que l’on
pourrait appeler le « capital social votant »32. Dans cette situation, la société assure en toute
transparence son contrôle d’une autre structure sociétaire dans laquelle elle est titulaire de la
majorité des droits de vote. « Il s’agit de la situation de contrôle la plus sécurisée »33.

De surcroît,« A cette forme simple de détention du pouvoir, s’ajoute l’hypothèse où la


société contrôlaire détient la majorité des droits de vote en vertu d’un accord conclu avec
d’autres associés »34. Comme l’ont souligné avec pertinence certains auteurs, le pacte
d’actionnaires est aujourd’hui devenu un mode de contrôle35, la majorité des droits de vote
détenue par un associé ou un actionnaire peut-elle également découler d’un accord conclu
avec d’autres associés ou actionnaires. Dans ce contexte On assiste à l’hypothèse dite de
« contrôle majoritaire conventionnel »36.

Toutefois, s’il est vrai que le critère technique ainsi posé est un critère substantiel afin
que la société mère exerce son pouvoir de droit sur une autre société, il ne traduit donc pas la
réalité du pouvoir exercé. Ainsi, il reste incomplet s’il n’est pas complété par d’autres critères
tenant compte du réalisme du pouvoir sociétaire. C’est pourquoi le législateur a retenu une
approche élargie du contrôle en terme de pouvoir de fait dans l’acception du contrôle sur une
société. Ceci est confirmé par le 2ème critère de contrôle.

B- Un contrôle de fait

Le contrôle exercé par la société mère sur une autre est dit contrôle minoritaire ou de
fait lorsqu’elle détermine, en fait, les décisions prises dans les assemblées générales, en vertu
des droits de vote dont elle dispose en fait.

Ceci résulte conformément au deuxième alinéa de l’article 461 C.S.C qui énonce que
« Est considérée comme étant contrôlée par une autre société, au sens du présent titre, toute

32
SABRINE DANA DEMARET, « Capital social », Thèse de doctorat en Droit, Lyon III, 1988,
Préf. Yves Reinhard, éd-Litec, Paris, 1989, n°16.
33
MARIE-HÉLÈNE et MONSERIE-BON, « Groupe de sociétés ; régime juridique, filiales,
participations et sociétés contrôlées », J. cl. Soc., 2012, Fasc. 165-10, n°45, p.9.
34
FETHI HAMDI, « L’intérêt social et le droit des sociétés », Thèse pour le doctorat en doit
privé, faculté de droit et des sciences politiques de Sousse, 2009/2010, n°554, p.385.
35
YVES REINHARD,  « Pactes d’actionnaires et groupes de sociétés », in « Groupes de
sociétés: contrats et responsabilité », Actes du colloque, Paris, LGDJ, 1994, p.3.
36
SOMSAK NAWATRAKULPISUT, Thèse précitée, n°32, p.30.

14
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

société : dont une autre société y détermine, en fait, les décisions prises dans les assemblées
générales, en vertu des droits de vote dont elle dispose en fait. »

Dans ce cas, ce n’est pas la détention de la majorité des droits de vote qui sert de
critère mais, la possibilité en fait pour la société mère de déterminer les décisions prises dans
les assemblées générales.37

Ce critère est adopté par son homologue français au sein de l’article L233-3 de code de
commerce. Ainsi ce dernier prévoit que « I.- Toute personne, physique ou morale, est
considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une
autre : 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions
dans les assemblées générales de cette société.»

Sur la base de cette consécration législative, la société mère peut exercer le pouvoir de
déterminer les décisions sociales, sans même avoir à détenir la majorité des droits de vote
dans une société. Toutefois, ce pouvoir de décision peut être envisagé par plusieurs
hypothèses des faits non liées nécessairement à une telle exigence de la « majorité absolue »38
des droits de vote. Ces hypothèses des faits sont alors des hypothèses par lesquelles se
manifeste un pouvoir de fait. Mais vu qu’il est impossible de cerner au préalable une situation
de fait39, le juge de fond intervient de temps en temps afin d’apprécier l’étendue du contrôle
de la société mère sur les sociétés appartenant au groupe en dévoilant l’hypothèse concernée40.

A l’ombre de toutes les interventions juridictionnelles, on peut noter que ce mode de


contrôle peut se manifester aussi bien comme un contrôle à prouver que comme un contrôle
présumé.

La preuve d’un contrôle de fait peut reposer sur la dispersion des titres de la société,
ce qui peut conférer le contrôle à un actionnaire qui ne détiendrait pas la majorité des droits de
vote mais dont l’influence se révélerait néanmoins déterminante 41. Aussi, elle peut reposer sur

37
FETHI HAMDI, Thèse précitée, n°554, p.386.
38
SOMSAK NAWATRAKULPISUT, Thèse précitée, n°45, p.44.
39
Dans le cadre des débats précités (séance du 20/11/2001, p. 97), la réponse à la question
4 à propos l’article 461 du CSC
c‫ة‬c‫رف محكم‬cc‫تقراءات من ط‬cc‫ا االس‬cc‫ة تتم فيه‬cc‫ هذه المسائل تكون واقعي‬:2014 ‫ جوان‬5 ‫ مؤرخ في‬12318 ‫ قرار تعقيبي مدني عدد‬40
‫ة من‬cc‫ود الرقاب‬cc‫دى وج‬cc‫ع و م‬cc‫'' على الشركات المنتمية إلى التجم‬ ‫األصل التي تبحث في مدى توفر النفوذ التي تمارسه '' الشركة األم‬
‫ك‬c‫ة على تل‬c‫ادية و العملي‬c‫ات االقتص‬c‫رارات و التوجه‬c‫رض الق‬c‫ركة األم على ف‬c‫درة الش‬c‫ه ق‬c‫ود ب‬c‫ و المقص‬. c‫ركات‬c‫ك الش‬c‫طرفها على تل‬
‫ديرين وهي‬cc‫ية بين الم‬cc‫ الشخص‬c‫ات‬cc‫ف العالق‬cc‫ة أو توظي‬cc‫ العام‬c‫ات‬cc‫اهمين بالجلس‬cc‫ويت وتغيب المس‬c‫ق التف‬cc‫تخدام ح‬cc‫الشركات من خالل اس‬
.‫ كل ذلك تحت رقابة محكمة التعقيب‬.‫ موضوعية و واقعية‬c‫معطيات‬
41
MARIE-HÉLÈNE et MONSERIE-BON, article précité, n°51, p.9.

15
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

l’absentéisme des actionnaires42, une hypothèse due à leur désintéressement de l’orientation


de la société. Il en est ainsi pour l’hypothèse des mandats en blanc43.

Le contrôle de fait ne nécessite pas toujours d’être prouvé, mais aussi il peut être
présumé, d’ailleurs le 3ème alinéa de l’article 461 CSC a créé une présomption dans le cas où
« Le contrôle est présumé dès lors qu’une société détient directement ou indirectement
quarante pour cent au moins des droits de vote dans une autre société, et qu’aucun autre
associé n’y détienne une fraction supérieure à la sienne. ».Cette présomption est-elle simple,
admettant la preuve contraire, ou irréfragable? À l’ombre de l’absence d’une réponse
législative, une tendance doctrinale dominante44 considère que dans ce cadre qu’il s’agit d’une
présomption simple45. Pourtant, ceci n’empêche pas d’avoir un autre avis juridique qui, tenant
compte du fait que la présomption étant irréfragable, prévoit que la société mère ne pourra pas
démontrer qu’elle n’a pas exercé un pouvoir sur la société sous contrôle46.

En réalité, le contrôle de fait traduit une dénaturation du fonctionnement majoritaire.


En effet, la majorité contrôlante serait une « majorité politique » et ce par opposition à la
« majorité technique » 47. Cette dénaturation conduit, selon certains auteurs, à « une situation
pathologique illustrée par glissement regrettable d’une conception collective de la
souveraineté vers une conception exclusivement autoritaire initiée par l’omnipotence d’une
minorité de contrôle »48. Ce qui est donc regrettable, c’est que la société contrôlante, grâce à
son pouvoir de fait légitime, peut suivre une gestion aléatoire et risquée sans pour autant
42
Le cas se présente lorsque dans les assemblées générales des actionnaires certains
d’entre eux ne sont ni actionnaires présents ni représentés. Les majorités sont, alors,
calculés à partir du nombre de voix détenus par les actionnaires présents ou représentés. Il
suffit à ces derniers de détenir une participation minoritaire pour qu’ils se trouvent détenir le
pouvoir.
43
AHMED OMRANE, « la souveraineté de l’assemblée générale des actionnaires dans la
société anonyme », Etudes juridiques, 2005, n°12, p.57. « Les mandats en blanc sont des
procurations envoyées par les sociétés à leurs actionnaires sur lesquelles ne figurait pas le
nom du mandataire. Tout en soulignant qu’elles désigneraient elles mêmes ce mandataire
au moment voulu ».
44
AHMED OMRANE, cours de droit commercial et bancaire, mastère en droit des affaires
faculté de droit de Sfax, 2006/2007 ; SLAHEDDIN MELLOULI et SEMI FRIKHA, « les
sociétés commerciales », 2ème édition, 2013, n°1452, p.463.
45
On cite l’exemple d’une société A qui détient 40 pour cent du capital d’une société B et une
autre société C qui détient en revanche 55 pour cent de capital de B du coup la société B est
soumise au contrôle de C malgré l’existence de présomption de contrôle précité.
46
FARHAT TOUMI, « Le groupe de sociétés en droit tunisien.la loi du 6 décembre 2001.
Prélude à un capitalisme citoyen », Etudes juridiques, n°16, 2009, p.116.
47
CLAUDE BERR, « L'exercice du pouvoir dans les sociétés commerciales », Tome3, éd-
Sirey, 1961, p.239.
48
SABEUR KTARI, article précité, p.229.

16
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

aucun risque patrimonial surtout dans le cas où elle ne détenait pas de participation importante
au capital qu’elle risque de perdre.

Puisque le législateur a donné, en quelque sorte, une légitimité au contrôle de fait, en


lui donnant exactement les mêmes effets qu’un contrôle de droit, la société mère tient par
conséquent chaque structure sociétaire sous son pouvoir et y exerce son contrôle assurant,
ainsi, une unité de décision. Une fois cette unité de décision s’achève avec succès, le groupe
apparait comme « une société des sociétés »49 structurée sous le contrôle de la société mère.

Paragraphe 2 : Un contrôle exercé sur la structuration


du groupe

« La société mère doit avoir la forme d'une société anonyme », soit la même exigence
que pour la société holding. Répondant à ce critère formel obligatoire 50, la société tête de
groupe de forme anonyme apparait comme la plus importante par rapport à d’autres qui lui
sont affiliées. Une structure de groupe « satellitaire »51 « dominée ou animée par une société
anonyme » émerge par la suite (A).Ainsi, une fois le critère formel est satisfait, le groupe se
révélerait à la vie juridique, par la nature des participations entre ses composantes, et
assurerait un pouvoir de contrôle centralisé entre les mains de la société mère (B).

A- Un contrôle lié à la forme juridique de la société mère

Sans se précipiter sur une appréciation rapide sur l’opportunité des différents choix
structurels entrepris par le législateur, certains choix pourraient favoriser ‘’une bonne
gouvernance’’ au sein du groupe, il s’agit notamment de la mise sur la forme anonyme de la
société mère52.

Ainsi, cette opinion semble être soutenable aux yeux de plusieurs auteurs qui estiment
d’une part qu’il s’agit de la forme sociale la plus développée permettant de garantir un
contrôle honnête et loyal53 et d’autre part cette forme sociale assure une sorte d'efficacité dans
le groupe pour lui permettre d’atteindre son objectif54 .
49
CHARLEY HANOUN, «Le droit et les groupes de sociétés », LGDJ, 1991, p.230.
50
FARHAT TOUMI, article précité, p.111.
51
MOHAMED MAHFOUDH,  « la nouvelle règlementation sur les groupes de sociétés en
droit tunisien », Etudes juridiques, 2002, n°9, p 95.
52
SABEUR KTARI, article précité, p.211.
53
Ibid., p.212.
.559.‫ص‬2021 ,‫ «دار النشر مجمع األطرش للكتاب‬,‫ »قانون الشركات التجارية‬  ,‫ علي نني‬54

17
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Toutefois, l’objectif tel qu’indiqué ne justifie pas toujours le moyen. Ce qui rend cette
exigence formelle paraît pour d’autres injustifiée. Ainsi, ils arguent qu’il n’y a pas une
justification objective qui permet d’évincer les autres formes sociales d’être un jour une
société mère et que la forme anonyme impose à la société concernée des obligations
supplémentaires au lieu de lui donner un privilège. D’ailleurs la loi française ne spécifie
aucune forme spécifique55.

Même si cette controverse générée ‘’scandalise’’ la fragilité de ce critère formel


obligatoire, la société tête de groupe doit être une société anonyme, sinon elle se trouve en
dehors du champ d’application de la loi56. De plus, cette fragilité serait plus marquée quand
une société contrôlée était une société anonyme dont le critère formel obligatoire n’est pas
suffisant pour qualifier une société anonyme de société mère.

Mis à part l’exigence de cette forme anonyme, il existe en pratique deux catégories de
société mère. La première catégorie de forme anonyme qui, tout en développant une activité
commerciale ou industrielle, détient des participations dans d’autres sociétés, et la deuxième
catégorie qui n’exerce comme activité que la détention et la gestion des participations dans
d’autres sociétés.

En effet, au regard de ce critère de la vocation 57, pris en compte au lieu de critère


formel obligatoire, on distingue deux catégories de groupes : industriels et financiers.

On attribue le nom de groupe industriel à un groupe dont la société mère exerce une
activité industrielle ou commerciale. Et souvent les activités des sociétés contrôlées
représentent une extension de l’activité industrielle ou commerciale de la société mère. Ceci
est bien prouvé au sein des petits et moyens groupes à l’inverse des grands groupes dans
lesquels il n'y a pas d'unité d'activités industrielles, mais il y a une unité de stratégie
industrielle.

Toutefois, il existe une forte propension des groupes industriels, lorsqu’ils atteignent
une certaine dimension, à se transformer en groupes financiers. On attribue le nom de groupe
55
Article L233-5 de CC « Le ministère public et l'Autorité des marchés financiers pour les
sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché d'instruments
financiers mentionné au II de l'article L. 233-7 sont habilités à agir en justice pour faire
constater l'existence d'un contrôle sur une ou plusieurs sociétés. »
،2017 ‫ونس‬c‫ت‬،» 2017 ‫اء‬c‫ه القض‬c‫ثراة بفق‬c‫ة و م‬c‫ا محين‬c‫ « مجلة الشركات التجارية معلق عليه‬،‫ أحمد الورفلي و كمال العياري‬56
.1616. ‫ص‬
57
DEEN GIBIRILA, « Présentation », J. cl. Soc., 2003, Fasc. 2450, n°13, p.5.

18
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

financier à un groupe dont l’unité de décision économique est réalisée par une société dont
l’objectif est purement financier : c’est la société Holding. Elle est dite alors société Holding,
qui est une forme de société mère58, lorsque son activité consiste à détenir des actions d'autres
sociétés, à gérer et contrôler ces sociétés, à développer leurs capacités et à les unir
économiquement.

Bien que cette définition ait été amplement marquée dans le droit tunisien, la loi
française ne comprend aucun texte définissant les Holdings. Leur validité a été pendant
longtemps mise en doute. En effet, la jurisprudence française se contente au début de
l'illégalité des sociétés Holding comme si elles représentent une façade ayant pour but de
dissimuler les conventions illégales de vote, mais depuis 1986 le juge français a abandonné
cette position par une décision rendue sur renvoi en cassation de la cour d’appel de Paris le 18
juin 1986 qui admet sans équivoque leur licéité59.

Outre la forme juridique de la société mère, un autre critère peut être pris en compte,
pour avoir une idée préconçue sur la structure du groupe, à savoir la nature des participations
détenues par la société mère dans toutes les sociétés du groupe.

B- Un contrôle lié à la nature des participations détenues par la


société mère

58
HABIB DAHDOUH, « droit commercial, Entreprises sociétaires et groupements privés »,
Tome3, volume2, éd-IHE, n°479.
59
DEEN GIBIRILA, article précité, p.6. « La cour de cassation a eu tendance, en effet, à les
considérer comme des sociétés de façade destinées à organiser ou dissimuler, ou les deux à
la fois, des conventions de vote prohibées. La validité est désormais acquise depuis la
décision rendue sur renvoi après cassation de la cour d’appel de Paris le 18 juin 1986
(Cass.com., 24 février. 1987 n°86-14.951, Publié au bulletin rejetant le pourvoi formé contre
CA Paris 18juin 1986) qui admet sans équivoque leur licéité dans la mesure où n’est
démontrée aucune atteinte illicite au droit de vote des actionnaires des filiales qui puisse
entacher de nullité des sociétés holdings , leur rôle consistant à exercer un contrôle sur les
filiales afin de définir la politique économique de l’ensemble du groupe. »

19
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Dans une approche téléologique, le groupe se révélerait à la vie juridique, par la nature
des participations entre ses composantes, son objectif étant la création d’un pouvoir de
décision centralisé entre les mains de la société mère60.

Ainsi, le phénomène dans lequel une société mère détient des participations directes
dans plusieurs sociétés distinctes, qui restent financièrement isolées les unes des autres,
constitue la figure de base de l’organisation d’un groupe des sociétés. C’est ce que l’on
appelle aussi structure en « râteau »61, une structure qui fait situer une société mère au centre
des sociétés organisées autour d’elle. « C’est la structure radiale facile à cerner »62.

Or, en pratique le développement des groupes de sociétés appelle à une organisation


plus complexe qui se fonde essentiellement sur une chaîne de sociétés liées. Ceci donne lieu à
une structure plus complexe63. On parle alors d’une structure pyramidale au sommet de
laquelle se situe la société mère.

Dans le même ordre d’idées, cette dernière peut détenir des participations dans un
certain nombre de sociétés qui, elles même ont des participations dans d’autres sociétés et
ainsi de suite. C’est ce que l’on appelle encore les participations en « cascade »64 qui
présentent l’intérêt pour la société mère de contrôler un grand nombre de sociétés en tenant
compte des titres détenus directement et indirectement.

Pour mieux comprendre cette organisation structurelle, on prend l’exemple d’une


société mère qui détient 60% d’une filiale qui est elle-même propriétaire de 60% d’une sous-
filiale. Elle est considérée comme exerçant le contrôle sur cette dernière, bien que la part du
capital qu’elle indirectement soit seulement de 36%.

Dans une telle perspective, grâce aux sociétés intermédiaires en cascade, la société
mère aura l’avantage de contrôler indirectement des sous-filiales sans que l’opération soit
pour elle trop onéreuse. D’où le phénomène selon lequel la société mère peut « contrôler sans
argent, emprunter sans surface »65.
60
FARHAT TOUMI, article précité, p.105.
6161
https://www.labase-lextenso.fr/ouvrage/9782275059938-484#:~:text=Structure
%20pyramidale.,encore%20les%20participations%20en%20cascade.
62
SOMSAK NAWATRAKULPISUT, thèse précitée, p.79.
63
Ibid.
6464
https://www.labase-lextenso.fr/ouvrage/9782275059938-484#:~:text=Structure
%20pyramidale.,encore%20les%20participations%20en%20cascade.
65
JEAN PEYRELEVADE, « Contrôler sans argent, Emprunter sans surface », Rev. Banque
1985, p.773.

20
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

De plus, l’organisation structurelle de groupe peut être plus complexe notamment dans
le cadre d’une structure circulaire. Ainsi, la société mère participe au capital d’une deuxième
société qui détient une participation dans une troisième société qui a également une
participation dans une quatrième laquelle est elle-même présente dans le capital de la société
mère.

Autrement dit la société mère détient, par l’intermédiaire de sociétés qu’elle contrôle,
une part de son propre capital social. Par conséquent ces participations circulaires engendrent
« des montages en boucle »66 permettant la société mère de détenir indirectement le contrôle
de la majorité de son propre capital. C’est le phénomène de « l’autocontrôle ».

Toutefois, les participations détenues ne sont pas toujours simples, elles peuvent être
aussi réciproques. A priori la pratique des participations réciproques ou croisées est
généralement justifiée par l’insuffisance des fonds propres dont souffrent les entreprises
tunisiennes.

Même si ce genre de participations présente une solution parfaite, il peut conduire,


cependant, à deux sortes d’abus67. D’une part le gonflement artificiel de l’actif en cas
d’augmentation du capital social68, et d’autre part le verrouillage de la direction des sociétés
lorsque chacune d’elles détient dans le capital de l’autre une participation suffisante pour en
avoir le contrôle, par la suite les dirigeants deviennent pratiquement irrévocables.

Conscient des abus qui pourraient être suscités, le législateur a réglementé les
participations réciproques, en distinguant selon qu’elles concernent deux sociétés par actions 69

66
SAFAA BARGOUCHI, Le régime juridique et fiscal des groupes de sociétés, Mémoire en
vue de l’obtention du Master professionnel en droit d’entreprise, L’institut supérieur de
commerce et d’administration des entreprises de Toulouse, 2009, p.28. « La structure
circulaire implique une détention des titres sociaux en boucle. Une société détient des
participations dans une autre, qui en détient dans une autre, qui en détient dans une autre et
ainsi de suite jusqu’à une société qui détient des participations dans la première de ces
sociétés ».
67
AHMED OMRANE, article précité, p.21.
68
Dans le cadre des débats parlementaires précités, la réponse à la question 10 
‫ص‬cc‫اب الحص‬cc‫ركة "ب " اكتت‬cc‫ولت الش‬cc‫ و ت‬، ‫ار‬cc‫ دين‬10000 ‫ه‬cc‫ا قيمت‬cc‫ من حصصها بم‬ ‫»لو أن الشركة " أ " طرحت لالكتتاب عددا‬  
12000 ‫ا‬c‫هم قيمته‬c‫دار أس‬c‫ا بإص‬c‫ترفيع في رأس ماله‬c‫ا ال‬c‫ولت من جهته‬c‫ ت‬، ‫دا‬c‫ذكور نق‬c‫غ الم‬c‫ع المبل‬c‫ و لكنها عوضا عن داف‬،‫المذكورة‬
)‫دينار‬12000 ‫ و‬10000 ‫ دينار إلى شركة ب (أي الفارق بين‬2000 ‫ فإن العملية ستترجم في النهاية بدفع الشركة "أ" لمبلغ‬، ‫دينار‬
‫ تكون عملية الترفيع في رأس مالها وهمية يمكنها أن تغالط الغير‬،‫ و عليه‬.‫ وال ينضاف إلى الموارد الذاتية للشركة "ب" شيء‬،‫ال غير‬
   «‫ بإيهامها بأنه أصبحت لها موارد مالية أكثر أهمية من ذي قبل دون أن يكون ذلك صحيحا‬ . ‫بواسطتها‬
69
Article 466 de CSC.

21
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

ou bien une société par actions et une société autre que par actions 70, en posant un principe de
la limitation des participations réciproques71.

Etant donné l’importance des participations dans le capital social permettant à la


société mère de contrôler les structures du groupe, on peut dire qu’elles constituent un critère
structurel basique de contrôle comparé à d’autres critères tels que la forme juridique de la
société mère, la nature des participations détenues et aussi des situations de fait de contrôle.
Reste à dire que le critère structurel est certes indispensable mais n’est pas unique. Ainsi pour
bien encadrer la notion de la société mère, on peut se référer également à un autre critère
fonctionnel.

Section 2 : la société mère contrôle la gestion du


groupe

Comme la notion de contrôle occupe une place fondamentale dans le cadre de tout
groupe de sociétés, on ne saurait comprendre son fonctionnement sans s’y référer
constamment. Ainsi la société mère, à travers le contrôle qu’elle détient, possède une mission
de direction de la gestion du groupe. Pour conférer cette mission à la société mère, un critère
de contrôle à la base « capitalistique » doit être retenu. Une fois ce critère satisfait, la société
mère intègre sa gestion dans la politique d’ensemble suivie. Par conséquent, cette intégration
apparait d’une part, lorsque la société mère contrôle les orientations prises par les sociétés du
groupe (paragraphe1) et d’autre part lorsqu’elle participe dans la prise d’autres orientations
(paragraphe2).

Paragraphe 1 : la société mère contrôle les orientations des


sociétés du groupe

70
Article 467 et 468 de CSC
71
MELKI HANEN, « La société Filiale », Mémoire pour l’obtention du diplôme d’études
approfondies en droit des affaires, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, 2002-
2003, p.85. « Le principe est donc l’interdiction des participations réciproques, lorsqu’elles
dépassent 10%, dés qu’une société possède 10% du capital d’une autre, cette dernière ne
plus être titulaire d’actions de la première, même en quantité minime, tant au contraire que le
pourcentage des deux participations reste inferieur à 10% la possession réciproque
d’actions reste autorisée».

22
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Afin de réussir le contrôle des orientations prises par les sociétés de groupe, la société
mère prend à sa charge essentiellement deux obligations permettant d’assurer une information
consolidée, globale et synthétique sur la réalité financière et économique du groupe. Elle doit
établir alors, selon l’article 471 de CSC des états financiers consolidés (A) et un rapport de
gestion relatif au groupe (B).

A- L’établissement des états financiers consolidés

Les états financiers annuels individuels72 demeurent des instruments de mesure


indispensables pour chaque cellule de base de l’activité économique, mais sont incapables de
fournir une information synthétique, révélatrice de la santé du groupe73.

Pour pallier à cet inconvénient, le législateur a instauré une obligation comptable à la


charge de la société mère, une obligation propre au groupe de sociétés, à savoir la
consolidation des états financiers74.

Ainsi la société mère, ayant un pouvoir de droit ou de fait sur d'autres sociétés au sens
de l'article 461 du code des sociétés commerciales, doit établir, outre ses propres états
financiers annuels, des états financiers consolidés conformément à la législation comptable en
vigueur.

En dépit de cette consécration légale et expresse de cette obligation, aucune définition


n’est donnée à propos de la notion de consolidation. Il a fallu attendre la publication de la
norme comptable de 200375, relative aux états financiers consolidés, qui trace le périmètre et
les procédures de la consolidation. Suite à cette publication, on peut déduire que, sur le plan
juridique, cette dernière est une technique comptable par laquelle un groupe composé par la
société mère et les sociétés contrôlées établit des comptes uniques présentant leur situation
financière et économique globale76. De surcroit, sur le plan comptable, la consolidation
désigne la combinaison des états financiers individuels de la société mère et ceux de ses

72
Les états financiers annuels sont l’instrument de mesure et d’information sur les résultats
et la situation financière de toute entreprise économique.
73
HABIBA GHOUIZIA, «le principe de l’indépendance de la personnalité des sociétés du
groupe », article pris d’un ouvrage collectif « le groupe de sociétés en droit tunisien », 2021,
p.42.
74
L’article 471 de CSC.
75
A voir Norme comptable relative aux états financiers consolidés : N.C 35, JORT, du 5-12-
2003, n°97, p.3530.
76
MAGGY PARIENTE, op.cit, p.134.

23
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

filiales, ligne à ligne en additionnant les éléments semblables d’actifs, de passifs, de capitaux
propres, de produits et de charges.

En effet l’idée paraît simple, « il s’agit en effet des comptes uniques représentatifs de
la situation financière et des résultats d’un groupe de sociétés, comme si les sociétés liées ne
formaient qu’une seule entité comptable »77.

Compte tenu de l’importance particulière des comptes consolidés, cette technique de


combinaison doit être préparée de façon spécifique afin de cerner l’ensemble constitué. Elle
ne résulte pas de l’addition des postes des comptes annuels. Toutefois, des techniques
particulières78 sont utilisées et des principes sont appliqués de façon à veiller à ce que tous les
éléments entrant dans la consolidation soient évalués selon des principes comparables.

Quoi qu’elle soit la technique de consolidation utilisée, la combinaison des états


financiers individuels se distingue selon le degré de contrôle que la société mère exerce sur les
sociétés du groupe. En effet, l’opération de consolidation est faite selon trois méthodes. Ainsi
elle peut être globale, proportionnelle ou bien mise en équivalence79.

L’intégration globale est typiquement réservée aux filiales qui sont sous contrôle
exclusif de la société mère80 consolidante. Pour ce qui est du contrôle exclusif, il résulte de la
détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote issue de la majorité de capital,
ce qui correspond au « contrôle de droit » posé par l’article 461 de CSC.

Or, la méthode d'intégration proportionnelle est utilisée pour consolider les comptes
des sociétés contrôlées conjointement avec un nombre limité d'associés81. Ainsi le contrôle

77
PHILIPPE MERLE, « Droit commercial, Sociétés commerciales », 10ème éd, Dalloz, 2005.
78
A propos des techniques particulières utilisées, on fait la distinction entre deux techniques
de consolidation. Dans ce sens, la consolidation des comptes peut être réalisée soit par
palier, ainsi l’on consolide chaque société dans la société détentrice de ses titres ce qui
aboutirait à des sous-ensembles qui seront à leur tour consolidés au sein de la société mère,
soit directement au niveau de la société mère pour toutes les sociétés retenues dans le
périmètre de consolidation.
.1641. ‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬، ‫ أحمد الورفلي و كمال العياري‬79
80
HAMADI BEN AMOR, « la consolidation des bilans 2006 », éd-RAouf YAïch, 1ère édition,
p.29. « Ainsi, lorsque la société consolidée se trouve sous contrôle exclusif (filiale), la
substitution est opérée par intégration globale des postes du bilan, de l’état de résultat et de
l'état de flux de la filiale à ceux de la société mère ».
81
Ibid., p.29. « Lorsque la société consolidée se trouve sous contrôle conjoint, la substitution
est opérée par intégration de ses postes de bilan, de l'état de résultat et de l'état du flux
proportionnellement aux intérêts de la société consolidante ».

24
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

conjoint est, quant à lui, « le partage du contrôle d’une entreprise en commun par un nombre
limité d’associés ou d’actionnaires, de sorte que les décisions découlent de leur accord »82.

Si le critère de contrôle, exclusif ou conjoint, est constitutif d’un critère de


consolidation des comptes du groupe, il n’est pas le seul. Une obligation identique est
également imposée à la société qui exerce une influence notable 83 sur la gestion et la politique
financière d’une autre société. En effet, la consolidation par mise en équivalence intervient
dans ce cadre.

Le critère de consolidation dans le droit comptable parait alors « largement


envisagé »84 par rapport au critère de consolidation adopté dans le droit des sociétés
commerciales puisqu’il englobe l’hypothèse d’un contrôle exclusif, d’un contrôle conjoint et
encore d’une influence notable.

Par la suite, après l’établissement des états financiers consolidés, ces derniers doivent
être soumis à l’audit du ou des commissaires aux comptes de la société mère. Et, par la loi de
n°2005-96 du 18 octobre 2005 relative au renforcement de la sécurité des relations
financières, le législateur a précisé que le commissaire aux comptes consolidés soit lui-même
le commissaire aux comptes de la société mère et il n’y a pas de raison de désigner un autre
commissaire spécifique au groupe85. Si ce rattachement peut être expliqué par la dominance
de la société mère sur les autres sociétés, il parait cependant, incompatible surtout en cas de
refus de la certification des comptes. Dans une telle perspective « la société mère n’a pas un
pouvoir suffisant pour ordonner la régularisation ! »86.

L’exigence de l'audit des comptes trouve sa raison dans la vérification de leur


régularité et exactitude. C’est pour cette raison qu’ils doivent être réguliers, sincères et donner
une image fidèle et juste du patrimoine, de la situation financière ainsi que du résultat
d’ensemble constitué par les entreprises dans la consolidation.

82
SOMSAK NAWATRAKULPISUT, thèse précitée, p.240.
83
« Il s’agit du pouvoir de participer aux politiques financière et opérationnelle d’une
entreprise sans en détenir le contrôle. Cette situation se présume si les droits de vote
détenus directement ou indirectement par l’entité-mère sont supérieurs à 20% (et inférieurs,
au maximum à 50%) »
https://www.droit-compta gestion.fr/comptabilite/consolidation/perimetre-consolidation/quest-
ce-que-linfluence-notable-en-consolidation/
84
LAURE NURIT-PONTIER, « Les groupes de sociétés », éd-Ellipses, Paris, 1998, p.62.
85
Article 471 de CSC.
86
HANEN BEN HASSENA, « La filiale dans le code des sociétés commerciales », Mémoire
pour l’obtention du mastère en droit privé, faculté de droit de Sfax, 2003/2004, p.70.

25
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Cette régularité présente par la suite une information fiable pour toutes les personnes
intéressées par la bonne marche du groupe. Elle apparaît alors comme un tout pour permettre
de porter un jugement global, à la fois financier et économique.

En vue d’améliorer cette information, la loi impose en outre l’établissement d’un


rapport de gestion relatif au groupe de sociétés.

B- L’établissement d’un rapport de gestion du groupe

Dans le cadre d’une société isolée, la préparation de l’assemblée générale annuelle est


un moment récurrent dans sa vie. Pour ce moment, elle nécessite une bonne organisation pour
la rédaction des documents préparatoires. Le rapport de gestion est l’un de ces documents87.

A l’instar des états financiers consolidés, le rapport de gestion individuel n’est pas un
moyen suffisant pour donner une information complète et globale sur le fonctionnement du
groupe.

C’est pour cette raison que le législateur a doté le groupe de sociétés d’un rapport de
gestion distinct présentant une image claire et fidèle sur la gestion du groupe88.

Ainsi l’article 471 de CSC oblige la société mère d’établir son propre rapport de
gestion, un rapport de gestion relatif au groupe de sociétés. Il dispose que La société mère,
ayant un pouvoir de droit ou de fait sur d'autres sociétés au sens de l'article 461 du code
précité, doit établir, outre ses états financiers et son propre rapport de gestion, ses états
financiers consolidés et un rapport de gestion relatif au groupe de sociétés.

Dans ce même ordre d’idées, on peut déduire la consécration de même critère obtenu
dans l’appréciation de la consolidation, c’est le critère capitalistique. Ceci signifie que la
société ayant une participation dans le capital d’autres sociétés conférant un contrôle de droit
ou de fait est considérée comme une société mère obligée d’établir un rapport de gestion
relatif au groupe de ces sociétés.

Mis à part la nécessité d’un rapport de gestion spécial, suivant l’article 472 de CSC,
des énonciations doivent être indiquées en son sein à savoir la situation de toutes les sociétés
concernées par la consolidation, l'évolution prévisible de la situation du groupe, les différentes

87
Article 201 de CSC.
88
HABIBA GHOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.46.

26
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

activités en matière de recherche, de développement et d'investissement relatives au groupe de


sociétés, les évènements importants survenus entre la date de clôture des comptes consolidés
et la date à laquelle ils sont établis ainsi que les modifications ayant affecté les participations
dans les sociétés groupées.

Aux termes de cet article, on peut déduire d’une part qu’il soit question de deux
rapports de gestion, l’un concerne la société mère qui porte son identification et sa qualité en
tant que société mère, et l’autre concerne le groupe avec toutes les sociétés qui le composent.
D’autre part, le rapport de gestion doit contenir deux genres d’informations. La première
concerne la situation passée et actuelle du groupe et la deuxième concerne son évolution
prévisible. En prévoyant cette deuxième information, le législateur voudrait que la société
mère, en contre partie du contrôle qu’elle exerce, s’exprime sur l’avenir du groupe89.

Et si la société mère est tenue d’inclure ces informations obligatoires dans le rapport,
elle peut en revanche ajouter d’autres informations. Cette possibilité est déduite de l’article
473 de CSC qui, en utilisant le terme « notamment »,révèle que cette liste n’est qu’à titre
indicatif et pourrait contenir des informations supplémentaires90.

Etant donné que le rapport individuel est rédigé et signé par la direction de la société
concernée, le rapport de gestion du groupe est aussi établi par le même organe. Mais, sachant
que le groupe de sociétés ne dispose pas d’organes propres, le législateur, à l’instar des états
financiers consolidés, a conféré la mission de signature au dirigeant de la société mère. En
effet, si la société mère est une société anonyme sous la forme classique avec un conseil
d’administration, le rapport doit normalement être signé par le président directeur général.
Etsi elle est une société anonyme sous la forme moderne avec un directoire et un conseil de
surveillance, le président du directoire a le pouvoir designer le dit rapport. Dans ce cadre, le
problème d’incompatibilité, déjà provoqué dans le cas de refus de certification des documents
consolidés, peut être aussi posé. En effet, en cas de refus de signature du rapport de gestion, la
société mère n’a pas un pouvoir suffisant pour ordonner la régularisation.

Cependant, une fois le rapport signé, l’article 472 de CSC a confirmé l’obligation de le
mettre au siège de la société mère et à la disposition de tous les associés au moins un mois

89
FARHAT TOUMI, « la notion de groupe des sociétés », colloque sur la nouvelle
réglementation des groupes de sociétés en droit tunisien, les 7 et 8 mars 2002, Hôtel Abou
Nawes, Sfax, p.6.
90
MAHA EZZOUCH,  « La société mère dans le groupe de sociétés », Mémoire pour
l’obtention du mastère en droit privé, faculté de droit de Sfax, 2004/2005, p.77.

27
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

avant la réunion de l'assemblée générale de ses associés. A la lecture du 1er paragraphe de


l’article précité, on constate que ce rapport n’est assigné qu’aux actionnaires de la société
mère et ne vise pas les associés des autres sociétés du groupe.

Contrairement aux états financiers consolidés le droit d’information, s’avérant plus


renforcé, n’est pas limité aux associés de la société mère, mais concerne également les
associés des autres sociétés du groupe et ceci est prévu au 2ème paragraphe lorsqu'il oblige
leur publication dans un journal quotidien paraissant en langue arabe, et ce, dans un délai d'un
mois à compte de la date de leur approbation.

En définitive, bien que la société mère intervienne dans la gestion du groupe, en


premier lieu dans le but de contrôler les orientations des sociétés qui le composent, elle
intervient en deuxième lieu pour participer à d’autres orientations de ces mêmes sociétés.

Paragraphe 2 : la société mère participe dans les orientations


des sociétés du groupe

L’objectif visé par la société mère c’est d’assurer la pérennité du groupe et d’en
développer ses activités. Dès lors, il parait naturel que la société mère intervienne dans le
financement des sociétés du groupe (A) et utilise ses dirigeants, qui sont en même temps ceux
de la filiale, pour conclure des conventions (B).

A- La réalisation des opérations financières intra-groupes

En assurant les services de financement sociétaire, les établissements bancaires prêtent


aux sociétés l’assistance vitale dont elles ont besoin. Depuis longtemps, cette assistance, à
travers la réalisation d’opérations financières, a été un monopole bancaire91.

Cependant, « pour aller plus loin et , pour progresser dans un monde des affaires de
plus en plus rude, l’entreprise ne peut se passer de l’appui, direct ou indirect, des banques » 92.
Pour cette raison, le législateur, grâce à la loi de 2001-117 du 6 décembre 2001, intervient
pour atténuer la rigueur de ce monopole, lorsqu’il s’agit de groupe de sociétés.

91
Article 2 de la loi n°67-51 du 7 décembre 1967 règlement de la profession bancaire, JORT,
12 décembre 1967, p.1560.
92
JEAN GLAUDE BOUSQUET, « l’entreprise et les banques », éd-librairies techniques,
1977, p.1.

28
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

En effet, selon l’article 474 de CSC dans le premier alinéa, il appartient à la société
mère d’effectuer des opérations financières avec d’autres sociétés du groupe. Ainsi, cet article
précité dispose que « Nonobstant toute disposition contraire, il est permis d'effectuer des
opérations financières entre les sociétés du groupe ayant des liens directs ou indirects de
capital, dont l'une dispose d'un pouvoir sur les autres dû à la détention de plus de la moitié du
capital social ».

Aux termes de cet article, pour la réalisation d’une opération financière intra-groupe, il
faut avoir un lien de dépendance en vertu duquel une société du groupe domine l’autre. Ce
lien repose en fait sur un critère mathématique à savoir un critère de contrôle permettant
d’identifier le lien existant entre la société mère et la filiale93.

A défaut de ce lien, toute opération financière sera interdite. Par conséquent, cette
interdiction fait exclure, les opérations financières dans les relations horizontales intergroupes
entre deux filiales. Si cette exclusion revient à une interdiction de tout entretien direct des
opérations financières, rien ne peut empêcher d’avoir un entretien indirect dans le sens
où« une opération triangulaire sera mise en place »94. Ceci rend injustifié l’exclusion des
opérations financières dans ce genre de relation.

L’interdiction de réaliser une opération financière, en l’absence d’une participation


majoritaire, touche également les sociétés liées par un pouvoir de fait. De ce fait, la société
mère, même si elle a un pouvoir de fait sur une autre société du groupe, elle ne peut plus
réaliser une opération financière avec elle. De surcroit, la société ne peut pas conclure une
telle opération avec les sociétés sur lesquelles elle exerce un contrôle majoritaire résultant
d’un accord conclu avec d’autres associés.

Tenant compte de cette interdiction et en comparaison avec son homologue français95,


on déduit que le législateur tunisien fait restreindre le domaine des opérations financières. En
effet, il le rejoint à propos de l’exigence d’une participation au capital mais il s’en écarte au
niveau de l’exigence d’une participation majoritaire, il s’agit alors d’un critère de contrôle
plus étroit96.
93
Article 461 de CSC.
94
SAMI ELLEUCH, « Les opérations financières à l’intérieur du groupe de sociétés », Etudes
juridiques, n°9, 2002, p.108.
95
L’article 12 de la loi française de 24 janvier 1984.
96
Ce critère de contrôle adopté pour apprécier la validité de l’opération financière réalisée est
critiquable : il interdit à la société mère de soutenir financièrement certaines sociétés du
groupe, même si elles sont en situations de difficultés économiques ou financières, ce qui

29
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Il appartient, par la suite, à ces sociétés admises aux relations financières intra-
groupes, d’effectuer des opérations financières diverses. Certaines qui présentent des
modalités de financement direct à savoir le prêt et l’avance en compte courant, et d’autres qui
constituent des modalités de financement indirect notamment l’octroi d’une garantie réelle ou
personnelle.

Concernant l’opération de prêt intra-groupe, elle consiste en un transfert de fonds de


la société mère à une autre filiale avec l’obligation d’en restituer les sommes avancées à
l’échéance convenue97.

Mis à part cette modalité, la société mère peut procéder à des avances en comptes
courants, c'est-à-dire en sa qualité, d’associé ou d’actionnaire majoritaire ou de dirigeant de la
filiale, elle peut être titulaire d’un compte qui va être alimenté par des fonds versés soit au
profit de la société filiale soit pour soulager la trésorerie de la société mère. Il consiste alors à
un « instrument de financement réciproque »98.

La société mère n’intervient pas toujours au financement direct de la société filiale,


cependant elle intervient indirectement comme garante de ses engagements. Ainsi elle octroie
des garanties réelles ou personnelles au profit de la filiale pour obtenir des crédits externes et
notamment bancaires99.

Même si les opérations financières intra-groupessont réalisées au bonheur d’une


société, elles ne sont pas permises pour « écraser une société au bonheur de l’autre »100, tout
en essayant d’éviter les transferts frauduleux des fonds de certaines sociétés au profit d’autres.

Afin d’atteindre cet objectif, la société mère, ne peut les réaliser que sous certaines
conditions déjà envisagées dans l’article 474 de CSC. Le législateur a adopté ce même
raisonnement pour règlementer la conclusion des conventions intragroupes.

B- La conclusion des conventions intra-groupes

peut constituer une entrave à sa politique de développement du groupe.


97
SAHBI BEN ABDELJALIL, « les opérations financières au sein des groupes des sociétés »,
mémoire de DEA en droit des affaires, Faculté de droit et des sciences politiques de Sousse,
1997/1998, p.17.
98
MAHA EZZOUCH, mémoire précité, p.45.
99
LAURE NURIT- PONTIER, op.cit, p.54.
100
SAMI ELLEUCH, article précité, p.109.

30
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Comme, la conclusion des conventions entre une société et l'un de ses dirigeants est
«inévitable »101, les conventions conclues entre les sociétés appartenant au même groupe, et
qui sont dirigées le plus souvent par des dirigeants communs, sont courantes.

Ainsi, le contrôle exercé par la société mère sur les sociétés du groupe lui permet
souvent de désigner un dirigeant commun. Par l’intermédiaire de ce dernier, la société mère et
une autre société contrôlée font conclure une convention appelée intragroupe. Ce genre de
convention porte souvent sur un grand nombre de produits et services dont les sociétés du
groupe ont besoin pour la réalisation de leurs objets sociaux respectifs, ou du moins pour
assurer une meilleure appartenance au groupe et facilite surtout l’atteinte de l’objectif
suprême de la société mère ou de la holding du groupe 102. En effet, les conventions au sein du
groupe constituent en soi un dispositif efficace de contrôle qui amène la société mère exerçant
sur les sociétés du groupe une influence prédominante.

Cependant, cette influence peut s'écarter de son objectif et fait construire la


convention intragroupe comme un moyen au profit de la société mère pour « sécher »103 une
filiale, dans le sens où elle utilise son dirigeant, qui est en même temps celui de la filiale, pour
conclure une convention à des conditions avantageuses pour la société mère et désavantages
pour la société filiale.

Afin d’éviter tout abus qui peut être suscité, le législateur a soumis, à travers l’article
475 de CSC ce genre de conventions à un régime spécifique de contrôle. cet article dispose
que «Lorsque deux sociétés ou plus appartenant à un groupe de sociétés ont les mêmes
dirigeants, les conventions conclues entre la société mère et l'une des sociétés filiales ou entre
sociétés appartenant au groupe sont soumises à des procédures spécifiques de contrôle
consistant en leur approbation par l'assemblée générale des associés de chaque société
concernée, sur la base d'un rapport spécial établi par le commissaire aux comptes à l'effet si la
société concernée est soumise à l'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes».
Aux termes de cet article, la procédure de contrôle s’impose sur toute convention conclue
d’une part entre les sociétés appartenant au groupe, autant les filiales que les sociétés

101
Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), Les conventions entre les
entités et les personnes «intéressées», éd-CNCC, mai 2004, p.7.
102
SABAK ZREIK, «CONVENTIONS RÉGLEMENTÉES ET INTÉRÊT SOCIAL EN DROIT
COMPARÉ », Thèse pour le doctorat en Droit, UNIVERSITÉ PANTHÉON – ASSAS (PARIS
II) et UNIVERSITÉ ST-JOSEPH (BEYROUTH), 2011, p.12.
103
VANHAECKE MICHEL, « les groupes de sociétés », LGDJ, 1962, p.335.

31
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

contrôlées du droit ou de fait104, ayant des dirigeants communs et d’autre part à des conditions
«anormales" contrairement aux conventions courantes à des conditions normales105.

Dans cet ordre d’idées, il faut noter que le dirigeant commun, reste toujours le
détenteur de l’initiative pour qualifier si une convention porte sur une opération conclue à des
conditions normales ou non, ce qui fait limiter l’effet de la procédure de contrôle soumise106.

Toutefois, une partie doctrinale107 prévoit qu’en raison des liens financiers qui lient les
sociétés du groupe et la société mère, on ne saurait apprécier la normalité des conditions
auxquelles a été conclue une convention de la même manière que si cette même convention
avait été conclue entre deux parties qui ne sont pas liées de la sorte, car ces conventions sont
« rarement conclues à des conditions normales »108.

Bien que les conditions normales pour la conclusion d’une convention intragroupe
soient rares, elles restent quand même existantes. Ainsi dans le cadre de ces conditions, les
conventions conclues sont exonérées de la procédure de contrôle alors qu’elles ne le seraient
pas forcément si elles avaient été conclues entre sociétés n’appartenant pas au groupe109.

De surcroit, si l’appréciation de la normalité varie selon qu’elles soient deux sociétés


de groupes ou non, peut-on dire qu’elle varie encore plus selon qu’elle soit normale pour
l’une et anormale pour l’autre ? En tout état de cause, l’appréciation du caractère normal de la
convention conclue est une question de fait qui est soumise au pouvoir discrétionnaire du juge
de fond bien évidement sous le contrôle de la cour de cassation.

La société mère qui exerce un contrôle sur les structures et la gestion du groupe est
qualifiée comme société mère. Si ce critère de contrôle structurel et fonctionnel est adopté
pour cerner la notion de la société mère, il est de même utilisé pour englober la notion de la
société filiale-autonome qui subit ce contrôle exercé.

104
Contrairement à la règlementation des opérations financières qui ne trouve application
qu’entre société mère et filiale.
105
Dans le cadre des débats parlementaires précités, La réponse à la question 23 à propos
l’article 475 de CSC, p.103.
106
FARHAT TOUMI, article précité, p.112.
107
YVES GUYON, « Droit des affaires », Tome 1, « Droit commercial général et sociétés »,
7ème éd, éd-Economica, 1992 et MARZARS, « Les conventions spéciales dans les groupes
relèvent-elles de l’article 101 ? » Rev. Fr. comptab, Février 1971, p.135.
108
YVES GUYON, op cit, n°425, p. 435.
109
Deux exemples seront cités comme des conventions intragroupes courantes à savoir les
conventions de trésorerie et les conventions de domiciliation.

32
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Chapitre 2 : la notion de société filiale


« Une fille autonome est au mieux sous l’aile de sa mère », c’est dire que la société
filiale, sans éviter sa personnalité morale, sera au mieux sous l’aile de la société mère qui y
exerce son contrôle. Ceci est bien indiqué dans les règles régissant le groupe de sociétés.
D’ailleurs l’article 461 de code des sociétés commerciales stipule dans son premier alinéa que
« Le groupe de sociétés est un ensemble de sociétés ayant chacune sa personnalité juridique,
en vertu desquelles l'une d'elles, dite société mère, tient les autres sous son pouvoir…et y
exerce son contrôle… ». Il ajoute encore dans son cinquième alinéa « Est réputée filiale, toute
société dont plus de cinquante pour cent du capital est détenu directement ou indirectement

33
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

par la société mère…». La notion de société filiale apparait alors une notion paradoxale 110,
cependant justifiée, selon laquelle la société filiale est une société dépendante
économiquement (section1) et indépendante juridiquement (section2).

Section 1 : La société filiale est une société


dépendante : une dépendance économique

Le législateur se réfère, explicitement, au critère de contrôle pour déterminer la notion


de société filiale et dire qu’elle soit une société dépendante économiquement. Ainsi, la société
filiale subit un contrôle tant sur sa structure, financière et organique, que sur son activité
professionnelle. Par conséquent, la référence à ce critère engendre l’existence d’une part une
dépendance structurelle (paragraphe 1) et d’autre part une dépendance décisionnelle
(paragraphe 2). Ce contrôle subi, en tenant compte des ambitions stratégiques de la société
mère, peut ne pas permettre de distinguer les deux sociétés.

Paragraphe 1 : une dépendance économique structurelle

Le contrôle, assurant une dépendance structurelle, « peut se manifester dès l’origine,


lorsque la filiale est fondée par la société mère. Il peut résulter également, soit d’une prise de
participation importante au capital d’une société préexistante, soit de l’influence acquise sur le
fonctionnement de cette société notamment par la place occupée dans les organes de direction
ou d’administration »111. Il s’agirait à la fois du contrôle capitalistique (A) et du contrôle
organique (B).

A- Un contrôle capitalistique

« Est réputée filiale, toute société dont plus de cinquante pour cent du capital est
détenu directement ou indirectement par la société mère, et ce, abstraction faite des actions ne
conférant pas à leur porteur des droits de vote »112.

110
Une notion fondée d’un coté sur un critère de contrôle : la société mère est une société
dépendante économiquement d’autre coté sur un critère d’indépendance : la société mère
est une société indépendante juridiquement.
111
Encyclopédie Dalloz, « Filiales et participations », répertoire des sociétés, volume III, n°49,
p.7.
112
Article 461 alinéa 5 de CSC.

34
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Ainsi, la société filiale est définie à travers un critère mathématique dépassant les 50
pour cent du capital social contrairement au cas d’une participation inférieur à 50 pour cent
dont la société contrôlée est qualifiée de société membre 113. De ce fait, cette participation
majoritaire rend les relations financières entre la société mère et la filiale « plus résistantes et
plus solides »114 que celles entre la société mère et la société membre. Par conséquent, la
société filiale apparait comme une société soumise « automatiquement et intégralement » au
contrôle de la société mère.

Ce critère de contrôle adopté par le législateur tunisien a été repris par son homologue
français dans l’article L233.1 du code de commerce qui stipule que « lorsqu’une société
possède plus de la moitié du capital d’une société, la seconde est considérée…comme la
filiale de la première », abstraction faite des actions à dividende prioritaire sans droits de
vote115.

En fait, ce lien d’affiliation, qui suppose une détention de plus de 50 pour cent du
capital ou des droits de vote, trouve son explication dans le fait que la détention de plus de la
moitié des parts sociales ou actions, assure à la société mère de maitriser les assemblées
générales ordinaires. Toutefois, cette maitrise issue d’une participation majoritaire au capital,
selon certains auteurs, fait apparaitre le contrôle capitalistique comme un « contrôle
minimal »116 pour le quel la société dominante ne fait qu’exercer ses droits légaux
d’actionnaire, essentiellement le droit de vote qui permet à la société mère de nommer et de
révoquer les administrateurs et aussi d’approuver les comptes annuels de la filiale…, le droit
d’information et également les droits financiers y compris le droit aux dividendes. Ce contrôle
minimal ne fait apparaitre alors qu’une société filiale soumise au contrôle faiblement exercé
par la société mère.

Dans le cadre des débats parlementaires précités, la réponse à la question 23 à propos 113
 « .l’article 475 de CSC, p.103
‫ك‬cc‫ة بين تل‬cc‫ة القائم‬cc‫ادية والمالي‬cc‫إن االختالف بين الشركة الفرعية والشركة العضو في تجمع الشركات يكمن في متانة الروابط االقتص‬
‫ فالشركة الفرعية هي تلك التي تكون خاضعة كليا‬.‫ و خاصة منها الشركة األم‬،‫الشركة و مجمل الشركات المنتمية إلى تجمع الشركات‬
‫ه‬cc‫إلى نفوذ الشركة األم بحكم أنا أكثر من نصف رأس مالها و من نصف حقوق االقتراع فيها ترجع إلى الشركة األم طبق ما نص علي‬
‫ركة األم‬cc‫وذ الش‬cc‫ع إلى نف‬cc‫تي تخض‬cc‫ أما الشركة المنتمية إلى تجمع الشركات (الشركة العضو) فهي ال‬c،‫ في فقرته الخامسة‬461 ‫الفصل‬
 «.  ‫ المذكور‬461 ‫ طبق ما جاء بالفقرة الثانية من نفس الفصل‬،‫بأي شكل من األشكال‬
114
NISSAF HAMMAMI LEHYANI, thèse précitée, p.80.
115
Article 228-35-11 du code de commerce indique  « qu’il n’est pas tenu compte des actions
à dividende prioritaire sans droit de vote pour la détermination du pourcentage prévue à
l’article L233-1 »
116
https://www.cairn.info/revu-droit-et-societe1-2007-3-page-615.htm

35
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Egalement, la détention de ce pourcentage du capital ne permet pas la société mère de


prendre une décision qui relève de la compétence des assemblées générales extraordinaires,
notamment pour modifier les statuts puisqu’une telle délibération exige par exemple
l’unanimité pour les sociétés de personnes117 , la majorité des 3/4 ou celle de 2/3 pour la
SARL118, ce qui donne en réalité une vision « restrictive et erronée »119 de la filiale.

Si le critère de contrôle, pour qualifier la société filiale, a été fixé par un pourcentage
minimum, il n’a pas en revanche un seuil maximal. A priori, rien ne peut empêcher la société
mère de détenir intégralement le capital de la société filiale. Néanmoins, avant 2019, le
recours aux dispositions spécifiques applicables au SUARL oblige à nuancer, puisque
l’associé unique d’une SUARL ne peut jamais être une personne morale. Avec la loi de 29
Mai 2019, cette interdiction a été dépassée, et l’associé unique d’une SUARL aurait la
possibilité d’être une personne morale et de ce fait la société mère peut être un associé unique
d’une filiale à 100 pour cent. En effet, la société mère ne serait plus obligée, pour échapper à
l’interdiction anticipée, de constituer une filiale fictive120 dont elle détenait la totalité du
capital et recourir aux salariés pour compléter le nombre des associés.

Même s’il est impossible de se référer à un pourcentage de participation fixe, pour


identifier la notion de société filiale, le taux d’une participation minimale reste toutefois un
critère de référence inévitable. Alors il est vrai de dire que cette participation minimale est
certes un critère de contrôle, selon lequel la notion de filiale est cernée, mais il n’est pas le
seul. Un contrôle organique est un autre critère qui sera adopté.

B- Un contrôle organique

La société mère qui désire avoir une dominance structurelle sur les sociétés filiales, ne
se contente pas d’imposer sa volonté au sein des assemblées générales, mais elle assure
également son intégration dans les organes de gouvernance.

Elle se pose alors la question de la composition de ces organes et donc les conditions
de nomination de leurs membres au milieu de cette intégration. « Faut-il nommer uniquement

117
Article 174 de CSC.
118
Article 131 de CSC.
119
DEEN GIBIRILA, article précité, n°29, p.29.
120
Momento Pratique Francis Lefebvre, op.cit, n°56. La société est fictive « lorsque les
personnes qui se présentent comme des associés ne présentent pas les caractéristiques de
la qualité d’associé. Généralement parce que leurs volontés de se comporter en associé
(affectio societatis) n’est pas établie ».

36
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

des personnes appartenant au groupe, et dans ce cas l’organe risque d’avoir un rôle purement
formel, ou bien nommer quelques membres indépendants qui pourront apporter une vision
externe ? »121.

En fait, cette intégration permet à la société mère de mettre sa main sur les organes de
la société filiale, c’est le contrôle organique, lui permettant par conséquent de contrôler ou
d’influencer les décisions importantes à la fois de gestion et de direction issues de ces, c’est le
contrôle directorial qui peut être issu directement ou indirectement.

S’agissant de contrôle direct, la société filiale est contrôlée directement lorsque la


société mère se fait élire en tant qu’une personne morale, dans un poste de gestion en son
sein122. Sachant que la loi permet des fois à une personne morale d’avoir un poste de gestion
ou de direction dans une autre société.

Ainsi, la société mère, étant majoritaire, peut être désignée en tant que gérant de la
société en nom collectif123, de société en commandite simple124, ou de société en commandite
par actions125. Dans ces cas la société mère est qualifiée de dirigeante de droit d’une société
des personnes. Aussi elle peut être administrateur dans les sociétés filiales anonymes à forme
classique126 ou bien un membre du conseil de surveillance dans les sociétés filiales anonymes
à forme nouvelle127. Dans ces derniers cas, la société mère n’est jamais qualifiée en tant que
dirigeante, puisqu’elle n’exerce, en fait, qu’une mission de contrôle.

Mais dans tous les cas, le fait d’être dirigeant de droit ou pas, le contrôle exercé dans
ce cadre « engendre une subordination économique excessive et présente un risque pour les
organes »128 de la société filiale contrôlée.

Contrairement à d’autres formes de sociétés, comme la SARL, la société mère ne peut


pas se faire désigner en tant que gérant129. En outre et pour la même raison, la société mère ne
peut être président du conseil d’administration, membre du directoire ou président du conseil
121
OLIVIER BAILLY et PASCAL DURAND-BARTHEZ, « De la complexité de la gouvernance
de groupe », REF, p.252.
122
MICHEL VANHAECKE, op.cit, n°110, p.117.
123
Article 60 de CSC.
124
Article 68 de CSC.
125
Article 391 de CSC.
126
Article 191 de CSC alinéa1.
127
Article240 de CSC alinéa1.
128
AMEL MZABI, « la filiale en droit des sociétés », Info Juridiques, N°12/13, Novembre
2006, P.31.
129
Article 112 de CSC alinéa1.

37
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

de surveillance de la filiale société anonyme. Malgré cette interdiction, l’influence de la


société mère sur ces organes de gestion reste vérifiée et le contrôle organique exercé
directement par la tête de groupe conserve encore son ampleur. Ainsi, en tant qu’associé ou
actionnaire au sein de l’assemblée générale130, ou même en qualité de membre du conseil
d’administration131, la société mère peut participer à leur désignation ou révocation.

Etant donné l’importance de ce pouvoir de nommer et de révoquer les membres des


organes d’administration, de direction ou de surveillance, le législateur français a consacré
explicitement ce pouvoir comme une forme de contrôle dans le paragraphe premier de
l’article L. 233-3 du code de commerce. On déduit alors selon la loi française que se pouvoir
puisse être considéré comme un critère de contrôle identifiant la filiale comme une société
soumise au contrôle organique direct de la société mère.

Si dans le contrôle direct « la personne qui le détient est la même qui l’exerce »132,
cette large possibilité est moins conservée dans le contrôle indirect. Ainsi, la société mère
désigne dans les organes de direction133des filiales des personnes interposées qui lui
permettraient de faire prévaloir son point de vue. Afin de réaliser cet objectif, ces personnes
interposées ne font qu’appliquer les instructions données par la société mère. Dans ce cadre,
la société mère peut être qualifiée de dirigeant de fait.

Souvent, le recours à ce contrôle indirect est motivé par le respect de la loi qui exclut
l’occupation de la personne morale d’un poste de direction. Cependant, il est parfois un choix
volontaire.

Autrement dit, la société mère préfère recourir à un contrôle indirect même si elle a la
possibilité de contrôle direct. Ce choix spontané peut être alors expliqué par sa magnitude
dans le sens où il permet à la société mère de dominer les organes de direction quelle que soit
la forme juridique134 de la filiale et quelle que soit la nature de la participation détenue sans
aucune contrainte.

130
Article 122 de CSC.
131
Article 208 de CSC.
132
CLAUDE CAMPAUD, «Les méthodes de groupement des sociétés », RTD.Com, 1967,
p.1012 et Suivant.
133
Le contrôle indirect s’exerce lorsque la société mère désigne ses propres administrateurs
ou personnes interposées. Dans ce cas, elle peut contrôler l’exercice des activités du PDG,
du DGA, du président de conseil de surveillance, ou du gérant de la SARL.
134
MAGGY PARIENTE, op.cit, p.50.

38
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Toutefois, ce contrôle indirect manifeste des inconvénients d’ordre pratique, au point


que les liens entre les personnes interposées et la société mère puissent être rompus. Ainsi, il
arrive, par exemple, que la personne interposée soit non pas un actionnaire de la société mère
mais un administrateur de celle-ci et de la filiale, le contrôle ici parait risqué ! Ce dernier peut
exposer sa démission de la société mère. Par conséquent, cette démission fait disparaitre le
contrôle indirect déjà prévu.

Bien qu’important, la simple existence d’un pouvoir de contrôle, soit capitalistique


soit organique, ne suffit pas à cerner le contrôle réellement exercé par la société mère 135. C’est
dire que la dépendance structurelle ne semble pas être suffisante pour cerner une notion
complète et déterminante de filiale. Ainsi, la dépendance économique de la société filiale vis-
à-vis de la société mère doit être, essentiellement, recherchée au niveau décisionnel.

Paragraphe 2 : une dépendance économique décisionnelle

La dépendance économique recherchée au niveau décisionnel se manifeste par un


contrôle effectif (A) exercé par la société mère exprimant un pouvoir de détermination delà
politique sociale au sein de la filiale. Par ce contrôle, exercé sur chaque filiale, la société tête
de groupe exerce un contrôle centralisé (B) assurant un pouvoir de décision central au sein du
groupe suivant une politique générale.

A- Un contrôle effectif

La simple détention du contrôle n’est pas suffisante pour cerner une notion
déterminante de la filiale, il faut aussi que la société mère exerce effectivement ce contrôle
détenu, raison pour laquelle la jurisprudence française136 retient une notion extensive de la
filiale en se référant au critère d’exercice effectif du contrôle. De ce fait, « le contrôle sera
qualifié non seulement par ses moyens mais également et surtout par ses effets »137.

135
En droit européen, certaines décisions ont constaté l’existence d’un pouvoir de contrôle
sans, pour autant, que son exercice effectif soit établi. Voir à titre d’exemple C.J.C.E du
12/07/1979. BMW Belgium. Gaz. Pal 1981, l, doct, p.1, note BUHART (J). En l’espèce, la
société mère détenait 100 pour cent du capital de la filiale et trois de ses administrateurs
étaient, en même temps, des employés au sein de la filiale. Néanmoins, à défaut de
l’exercice effectif du pouvoir de contrôle, cette dernière était considérée comme autonome.
136
DEEN GIBIRILA, article précité, n°29, p8.

CHRISTINE LABSTIE-DAHDOUH et HABIB DAHDOUH, « Droit commercial, Entreprises


137

sociétaires et groupements privés », Volume2, éd-IHE, 2007, n°458, p.256.

39
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Par conséquent, « la conception initiale du contrôle »138 qui prenait en compte la


participation en capital et la présence dans les organes de gouvernance, est dépassée pour sa
portée restrictive, un recours à la notion d’influence dominante présente des nouvelles
restrictions. Ainsi, la prise de décision au sein de la société filiale, qui se manifeste par le
pouvoir, implique « une influence dominante sur la gestion de la société dépendante »139. Mais
qu’en est-il exactement de cette influence dominante ?

De prime abord, lorsque la société mère prend une participation majoritaire dans le
capital d’une filiale, elle ne cherche pas seulement le profit, elle vise également à exercer
concrètement le pouvoir de décision au sein de la société filiale à laquelle elle s’intéresse.
Ainsi, elle doit contrôler les actes de gestion de la société et approuver les comptes de
l’exercice écoulé après l’audit des rapports établis par le conseil d’administration, le directoire
ou le commissaire aux comptes. Dans le même ordre d’idée, la société mère, étant majoritaire,
possède le pouvoir de nommer et de révoquer les administrateurs et les membres du conseil de
surveillance.

Si la question de participation majoritaire au capital détenue par la société mère ne


pose aucun problème dans le cadre d’une assemblée générale ordinaire, elle peut poser en
revanche un vrai problème au sein d’une assemblée générale extraordinaire d’une SA qui
exige une majorité de 2/3. Supposons que la société mère détient cette majorité, elle délibère
sur toute résolution ayant pour objet de modifier les statuts, de modifier le capital de la société
et de prendre des décisions en rapport avec un changement de parcours de la société140.

Toutefois, « la suprématie reconnue à l’assemblée générale est plutôt théorique


puisque le pouvoir effectif est exercé par l’organe de gestion »141. Ainsi, la qualité
d’administrateur de la société mère fait que, son influence est prépondérante si elle dispose du
pouvoir de décision, en détenant la majorité des sièges au conseil d’administration
conformément à l’article 199 de code des sociétés commerciales. Le fait d’avoir cette

138
SOMSAK NAWATRAKULPISUT, Thèse précitée, n°68, p.63.
139
R Sinay, « vers un droit des groupes de sociétés, l’initiative allemande et le marché
commun », Gaz. Pal. 1 octobre 1967, p.70.  « La notion de  ‘’ lien de dépendance ‘’ identifiée
à travers une disposition qui existe en droit allemand selon lequel les entreprises
dépendantes sont des entreprises juridiquement indépendantes sur lesquelles une autre
entreprise dominante est en mesure d’exercer directement ou indirectement une influence
dominante ».
.282.‫ ص‬,‫ مرجع سابق‬ ,‫ علي نني‬140
141
KHELIFA KHARROUBI, « Droit des sociétés commerciales », Tome I, éd-Latrach, 2016,
n°672, p.423.

40
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

détention, la société mère sera habilitée à prendre toutes les mesures nécessaires pour un bon
fonctionnement de la filiale. A cet égard, elle tient à convoquer les assemblées générales et à
établir les états financiers annuels individuels142. De ce fait, « le pouvoir de décider n’est plus
dans la société, mais appartient en réalité à une société contrôlante, organe extérieur à la
filiale »143, cette dernière perdra alors son pouvoir de décision.

Dans le même contexte, l’occupation d’un poste de direction de la société filiale


s’avère indispensable afin d’assurer effectivement le contrôle en son sein. Il semble alors
nécessaire d’élargir cette notion de « participation à la direction » et de l’étendre à « la
direction effective », une notion beaucoup plus vaste que celle de la direction au sens de la loi.
Dans ce cadre, quand la société mère est un dirigeant de droit, notamment dans les sociétés de
personnes, les orientations globales de la filiale seront soumises à son influence certaine en
vue de la réalisation des affaires sociales.

Si l’appréciation de l’exercice effectif apparait moins complexe lorsque la société


mère est un dirigeant de droit, la question sera plus compliquée pour qualifier la société mère
comme un dirigeant de fait, au point que même si la société mère possède l’intégralité du
capital de la filiale et intervient pour négocier avec la banque par son propre nom, cela reste
insuffisant pour qualifier la société mère comme un dirigeant de fait et la société filiale reste
autonome144. Selon une partie doctrinale145, son exercice effectif du contrôle, réside dans le
fait où elle dépasse son rôle de supervision de la société filiale et elle la remplace d'une
manière qui lui fait perdre, ainsi que son dirigeant de droit, toute l’indépendance et liberté de
décision. Ceci est considéré comme une ingérence illégitime d’un degré de gravité qui
dépasse la limite acceptable causée par l’abus d’exercer son contrôle naturel.

Outre le fait que le contrôle effectif peut être, plus au moins, vérifié à travers la mise
de la main sur les organes de la société filiale pouvant autorisé de détenir un pouvoir de
décision, il peut être plus intense lorsque le pouvoir parait centralisé assurant une unité de
décision.

B- Un contrôle centralisé

142
Même exigence pour l’exercice effectif du contrôle par l’organe du conseil de surveillance.
143
HANEN MELKI, mémoire précité, p.67.
144
C.A. Paris, 7 octobre 2008, n°7-13617, RJDA 4/2009, n°342.
.69. ‫ ص‬،2019 ،‫ مجمع األطرش‬، «  ‫»المسؤولية الجزائية للمسير الفعلي في الشركات التجارية‬ ،‫ أمال الصيد‬145

41
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Chaque société filiale, tout en gardant une certaine souveraineté, « se plie à la volonté
d’une seule société et parfois d’un seul cerveau »146. Ce pliement se manifeste par le fait que
les sociétés filiales appartenant à ce cerveau vont être obligées de poursuivre les objectifs
commerciaux communs prédéfinis par la société mère afin d’obéir à une unité de décision et
de direction. Ainsi, cette société mère, tenant à obtenir de toutes les filiales de se plier
fidèlement à sa volonté, les tient toutes sous son pouvoir et y exerce son contrôle centralisé.

Ce contrôle centralisé, apparaissent comme un pouvoir central de commandement,


vise à conduire les décisions des sociétés filiales et les oriente vers une politique générale du
groupe. La cour de cassation, dans l’arrêt Rozemblum, a adopté une formule selon laquelle la
politique du groupe est définie pour l’ensemble du groupe 147. Suite à cette formule, une partie
doctrinale a déduit que la politique générale soit «l’élaboration d’une intention d’action
appliquée à la conduite des affaires de l’ensemble du groupe »148.

Par conséquent, le seul critère d’existence d’un contrôle centralisé exercé par la
société mère consiste, significativement, en l’existence d’une politique économique générale
du groupe, ce qui « tend à maintenir la filiale dans une dépendance étroite »149.

Dans le cadre de cette dépendance, la société mère impose ses décisions et ses choix à
travers ses représentants dans les postes de commande de chaque société filiale. Par
conséquent, l’assemblée générale n’exprime, le plus souvent, que « la volonté du groupe »150
et non celle de l’actionnaire ou l’associé majoritaire qui exerce le contrôle. En outre, l’action
des dirigeants des filiales doit être conforme à la décision prise par la société mère suivant la
politique générale qu’elle a définie.

En fait, en assurant un contrôle centralisé, les décisions imposées par la société mère
sont, essentiellement, politiques, stratégiques et administratives.

146
JACQUES LEAUTE, « la reconnaissance de la notion du groupe de sociétés en doit pénal
des affaires », JCP, 1973, éd-Générale, n°2551, p.1.
147
Arrêt ROZEMBLUM, précité.
148
CHARLES FREYRIA et JEAN CLARA, « De l’abus de biens et de crédit en groupe de
sociétés », JCP, 1993, éd-E., n°247, p.252.
149
ANNE PPETIT PIERRE-SAUVAIN, « droit des sociétés et groupe de sociétés :
responsabilité de l’actionnaire dominant, retrait des actionnaires minoritaires », éd-Géorge,
Genève, 1972, p.38.
150
IBTISSEM AHMED, « le contrôle dans le groupe de sociétés », Mémoire pour le mastère
en droit privé, 2007, p.45.

42
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

En ce sens, la société mère, en tant que direction centrale, détermine une politique des
prix, ses objectifs de vente, ses activités de production et de distribution, le choix des
marchés, les stocks et le marketing. Ainsi, il y a unité de politique commerciale lorsque« les
activités de vente et de marketing des filiales sont dirigées par une équipe régionale désignée
par la société mère et qui contrôle, notamment, les objectifs de vente, les marges brutes, les
frais de vente, « le chash flow » et les stocks. Cette équipe régionale prescrit également la
gamme des produits à vendre, contrôle les activités publicitaires et donne des directives en ce
qui concerne les prix et les remises »151.

De surcroit, la société dominante exerce un contrôle plus intense et plus large en


prenant une initiative stratégique. Elle aura la possibilité alors de «choisir les domaines
d’activités dans lesquels l’entreprise entend être présente et d’allouer des ressources de façon
à ce qu’elle s’y maintienne et s’y développe »152. Une autre possibilité réside dans une
stratégie d’intégration des sociétés filiales à travers la création d’espaces communs dans
plusieurs domaines. En matière économique, cela va, par exemple, se traduire, par l’adoption
de conventions de trésorerie et en matière fiscale par l’adoption de convention d’intégration
fiscale. Concernant le marché du travail, la société mère va mettre en place des procédures
communes de recrutement, organiser et encourager la mobilité des salariés intragroupe.

Mieux encore, il arrive que l’intervention de la société mère s’apparente à un contrôle


managérial dans le sens où elle gère de prime abord les systèmes d’information dans le but de
maîtriser la production et la transformation des informations. Elle établit ensuite le planning
des réunions pour coordonner finement l’activité et doter par la suite les filiales de
dispositions relatives à la qualité pour satisfaire ses clients. « Son objectif est alors de
construire une coordination administrative »153 .

Au fil de ces décisions politiques, stratégiques et administratives, une nouvelle


volonté sociale centrale s’exprime au-delà de toutes les sociétés filiales appartenant au
groupe. Cette volonté est animée par un intérêt supérieur à celui de l’intérêt social, à savoir
l’intérêt commun du groupe. Les frontières de la filiale deviennent ainsi transparentes, de

151
T.P.I.C.E 12/01/1995, Affaire Viho Europe précitée, arrêt confirmé en cassation, C.J.C.E
24/10/1996.
152
AURELIE CATEL DUET, « Être ou ne pas être : le groupe comme ferme unifiée ou comme
ensemble de sociétés ? Une approche sociologique », Editions juridiques associées, droit et
société, 2007/3, n°67, p.624.
https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2007-3-page615.htm
153
Ibid., p.625.

43
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

manière à ce que le contrôle exercé sur l’activité de la filiale ne permet plus distinguer les
deux sociétés.

Toutefois, la filiale jouit quand même d’une personnalité ou est subordonnée à sa


mère. Ainsi cette dernière peut laisser à une filiale une certaine liberté dans la prise de toutes
ces décisions, et notamment dans des domaines intéressant la concurrence par exemple en
matière de prix, débouchés, fournisseurs, livraison intra-groupe et relations avec les tiers 154.
De ce fait, la dépendance économique, même à son intensité extrême, constitue une donnée
relative. Et la société filiale parait autonome dans quelques domaines et dans certaines
relations avec les tiers.

Quand bien même, le critère de contrôle reste sans doute vérifié pour dire que la
société filiale soit une société dépendante de la société mère. Cependant, ce critère de contrôle
adopté ne donne pas une notion complète et déterminante à propos la filiale, puisque cette
dernière et par la force de la loi doit jouir d’une personnalité juridique indéniable. En prenant
en compte le critère d’indépendance, la société filiale parait alors comme une société
indépendante de la société mère.

Section 2 : La société filiale est une société


indépendante : une indépendance juridique

« Le groupe de sociétés est un ensemble de sociétés ayant chacune sa personnalité


juridique »155. Même implicitement, le législateur se réfère au critère de la personnalité
juridique pour cerner la notion de la société filiale et dire que la société filiale est une société
indépendante juridiquement. Ainsi la référence à ce critère n’est pas arbitraire, elle est en fait
d’une téléologie inévitable (paragraphe1). Mis à part cette téléologie, la référence à ce critère
pour identifier cette notion, n’est pas pour autant sans manifestation (paragraphe2).

Paragraphe 1 : une indépendance juridique téléologique

Parfois la finalité de toute règle consacrée, c’est d’en camoufler une autre, bien plus
importante. La finalité derrière laquelle la société filiale doit être indépendante consiste à
dégager une notion nouvelle de filiale, distincte d’une part des notions voisines et d’autre part
154
OLIVIER MACH, « L’entreprise et les groupes de sociétés en droit européen de la
concurrence », éd-George, Genève 1974, p.230.
155
Article 461 de CSC.

44
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

des notions de groupe. Ainsi cette finalité distinctive camoufle une autre plus importante
consistant à obtenir une organisation plus rationnelle des activités au sein du groupe. De ce
fait, l’indépendance juridique de la filiale apparaît comme une règle téléologique, la première
téléologie est distinctive (A) camoufle une deuxième organisationnelle (B).

A- Une téléologie distinctive

En dépit de la dépendance économique qui est souvent celle des filiales vis-à-vis de la
société mère, le principe fondamental du droit des sociétés reste celui de l’indépendance de la
personnalité des filiales.

Cette indépendance juridique voulue, existe afin de respecter le choix des fondateurs
d’une personnalité morale qui ont consciemment décidé d’intégrer une structure mettant en
scène des sociétés indépendantes les unes des autres plutôt que de constituer des succursales
ou des agences ou aussi des bureaux de liaison qui auraient donné lieu à un véritable réseau de
dépendance juridique156.

Cependant, avant 2001 la jurisprudence a longtemps confondu ces notions et a


qualifié de succursale, d’agence ou bureau de liaison une filiale, reste à savoir s’il s’agissait
d’une simple erreur de qualification ! On peut prétendre en fait que l’absence d’un cadre
juridique au sein de la filiale a engendré son ignorance et a causé cette confusion 157 .
Toutefois, cette dernière a été, à priori, dépassée dès que le législateur intervient par la loi de
2001 et consacre la notion de la société filiale tout en l’entourant par une règlementation
juridique spécifique.

Suite à cette règlementation, il apparait que la société filiale se distingue de la


succursale à plusieurs niveaux. D’ailleurs mis à part l’ancienneté delà notion de succursale
par rapport à celle de filiale, aucune définition légale n’a existé contrairement à la filiale qui
trouve sa définition au sein de l’article 461 de CSC. Une autre distinction, fondée sur le
critère de la personnalité juridique, a été mise en cause. Ainsi, la succursale ne dispose
d’aucune autonomie juridique, ni de personnalité morale, ni d’objet social propre et par
conséquent d’aucun patrimoine autonome. Elle n’est donc qu’« une universalité de fait, un
élément dissocié de l’entreprise »158.

156
HABIBA GHOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.8.
157
HANEN BEN HASSANA, mémoire précité, p.14.
158
DEEN GIBRILA, article précité, n°30, p.9.

45
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Peu importe à quel point la filiale se distingue à la succursale, cette dernière est
soumise, à l’instar de la filiale, à une obligation de publicité. C’est l’immatriculation au
registre national des entreprises suivant l’article 7 de la loi n°2018-52 du 29 octobre 2018,
relative au RNE qui stipule que «Est obligatoirement inscrit au registre : 3-les sociétés
commerciales, les établissements stables, et les représentations qui ont un établissement ou
une filiale ou une succursale en Tunisie ». Même si cette obligation concerne aussi bien la
filiale que la succursale, elle n’est plus considérée comme un critère de confusion entre les
deux notions.

De surcroit, une autre notion voisine, à part la succursale, qui doit être distincte de
celle de la filiale malgré sa soumission à cette obligation de publicité, c’est la notion
d’agence. Contrairement à la filiale, l’agence ne dispose pas de la relative autonomie
commerciale. Elle apparaît ainsi comme « une décentralisation géographique des activités »159
de la société principale. En revanche, elles se convergent au niveau du défaut de la
personnalité juridique qui permet d’éviter tout risque de confusion avec la filiale.

Ce risque reste encore imperceptible dans le cas de création d’un bureau de liaison.
Ce bureau est «une antenne commerciale d’une société étrangère »160 dont elle est dépendante
totalement. Il est dépourvu de toute personnalité juridique. La création d’un tel bureau est
soumise à l’obtention d’une carte de commerçant étranger auprès du ministre de commerce.
Ceci rend la distinction entre cette notion et celle de filiale facile à établir.

Sans entrer dans les détails, le bureau de liaison est, comme la succursale et l’agence,
dépourvu de personnalité morale, ce qui constitue la clé de voûte de sa distinction par rapport
à la filiale qui est quant à elle dotée d’une personnalité morale.

Cette distinction notionnelle, basée fondamentalement sur le critère de la personnalité


juridique, trouve son ‘’homothétie’’ dans le cadre de groupe de sociétés. Ainsi la société
filiale se distingue de la société mère et des sociétés du groupe qui sont indépendantes. Par
conséquent, suivant l’indépendance de la société filiale, cette dernière est considérée comme
une société autonome juridiquement vis-à-vis de la société mère et des autres sociétés du
groupe.

159
BERR, « Participation ; Filiale », J. cl. Soc, Fasc165-3, n°19.
160
AMEL MZABI, article précité, P.30.

46
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

De surcroit, grâce à une personnalité morale, pilier de l’autonomie juridique de la


filiale, le groupe de sociétés, dépourvu en revanche d’une personnalité juridique, se distingue
par plusieurs techniques de concentration à savoir la fusion, la scission et le GIE qui
entrainent une modification de la personnalité morale.

En conclusion, cette finalité distinctive était la finalité fondamentale derrière laquelle


le législateur a dégagé cette notion nouvelle de filiale, dotée par une personnalité juridique. Si
cette finalité distinctive est fondamentale, elle n’est pas cependant l’unique. Une autre plus
indispensable a été mise en œuvre. Ainsi, la personnalité morale reconnue pour la filiale
assure en outre l’organisation d’activité au sein du groupe, c’est la téléologie
organisationnelle !

B- Une téléologie organisationnelle

A l’époque où la notion de la personnalité morale a partagé la doctrine en deux


grandes tendances, une première, dite classique, la présente comme fiction et une deuxième
théorie la présente comme une réalité et, a pour fonction de rechercher la nature de la
personnalité.

Pour la première théorie, la personnalité morale ne peut être personnifiée sans


l’autorisation légale de cette personnification. Cette tendance doctrinale voit dans la
personnalité morale une création de la loi, par laquelle une assimilation entre l’entité
immatérielle et la personne physique est opérée161.

En revanche, dans la deuxième tendance, il est affirmé que « seul la réalité des choses
doit compter »162, la reconnaissance de la personnalité morale doit s’imposer même en
l’absence d’une autorisation légale.

Avec le mouvement de concentration économique sous la forme de groupe de


sociétés, cette fonction a subi une mutation. Ainsi la recherche de la nature de la personnalité
a été dépassée pour s’attacher plus concrètement à l’organisation d’une activité au sein du
groupe. D’ailleurs le choix des fondateurs de créer des filiales, au lieu d’opter pour d’autres
solutions telles que la constitution de succursales ou la fusion, n’est pas arbitraire, bien au

161
KHELIFA KHARROUBI, op cit, n°195, p.146.
162
Ibid., p.147.

47
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

contraire, il est effectué car il est fondé sur le principe d’indépendance qui est d’une grande
utilité, à savoir d’obtenir « une organisation plus rationnelle »163.

Grâce à cette mutation, une certaine d’efficacité sera dictée, ce qui est affirmé par une
partie doctrinale qui prévoit que « un tel choix effectué par les fondateurs est dicté surtout par
un souci d’efficacité, étant donné que le maintien de l’individualité juridique des sociétés en
cause permet sur le plan économique une modulation des activités de gestion et d’organisation
du groupe qu’une fusion interdirait par sa rigidité »164.

En effet, cette mutation de fonction engendre une mutation de fondement. Ainsi le


fondement de la personnalité morale n’est donc plus l’ordre naturel 165 ou uniquement l’ordre
étatique166, mais le fondement de la personnalité morale paraît être plutôt l’utilité de la
technique et sa fonction167 d’organisation.

Cette dernière est amplement vérifiée à travers la décentralisation des activités. Ainsi
la reconnaissance de l’individualité juridique de chaque société filiale permet une
décentralisation qui consiste à diviser le groupe en unités distinctes : les sociétés filiales, à qui
des objectifs sont assignés, tout en leur laissant la plus grande liberté de choisir les moyens
pour les atteindre.

Par la suite, une plus grande rapidité peut résulter de cette décentralisation ; dans le
sens où toutes les décisions peuvent être prises avec plus de rapidité vu qu’elles sont
préparées par une autorité unique. Cette rapidité sera renforcée lorsque la société mère se
décharge de la gestion courante des affaires et se limite à tracer les lignes directrices de la
politique générale du groupe, de ce fait la décentralisation engendre une réception du fardeau
administratif »168.

Mis à part cette décentralisation, la personnalité morale en tant que technique


d’organisation d’activité, reconnue à la société filiale, permet en outre la diversification des
activités. Ainsi, en réunissant des filiales autonomes aux objets les plus différents, le groupe

163
HABIBA GOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.12.
164
RENé RODIèRE, « Droit commercial, groupements commerciaux », 9èmeéd, Dalloz, 1977,
n°390, p.351.
165
Thèse de la réalité.
166
Thèse de la fiction.
167
CHARLEY HANOUN, op cit, n°210, p.169.
168
HABIBA GHOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.14.

48
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

de sociétés favorise une diversification des activités afin de réaliser « une diversification des
productions »169.

En plus de cette diversification, l’indépendance juridique des sociétés filiales permet


au groupe de nouer des alliances avec d’autres groupes par l’intermédiaire de ses filiales pour
créer des filiales communes.

Si l’indépendance joue un rôle prépondérant au niveau national, son rôle au niveau


international n’est pas moins important. Ainsi le phénomène de l’internationalisation de
l’économie se prête à occuper le terrain, il consiste en un phénomène qui permet la création de
nouvelle filiale dans des pays différents et par la suite de bénéficier la nationalité étrangère170.

Pourquoi l’indépendance de la société filiale a-t-elle été imposée ? La réponse à cette


question a été déjà évoquée, mais il reste à répondre à la question : comment s’est manifestée
cette indépendance ? C’est ce qui va être exposé dans ce qui suit.

Paragraphe 2 : une indépendance juridique manifestée

Le fait d’acquérir une personnalité juridique donnera lieu à une indépendance de la


société filiale. Cette indépendance sera bien manifestée, non seulement, à l’intérieur du
groupe (A) mais également à son extérieur (B).

A- Une manifestation à l’intérieur du groupe

Suivant l’article 4 de code des sociétés commerciales, une société filiale constitutive
d’une personnalité morale autonome prend la forme d’une société commerciale indépendante
de la personne de chacun de ses associés.

Toutefois, selon l’article 461 du même code, l’indépendance juridique de la filiale


dépasse les contours soulignés par l’article susvisé. « Elle est davantage plus large »171 dans le
169
RENé RODIèRE, op.cit, n°351, p.390.
170
GEGOUT MAURICE, « Filiales et participations », Encyclopédie Dalloz, 1980, n°5, p.3.
171
HANEN BEN HASSENA, mémoire précité, p.15.

49
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

sens où elle apparait comme une indépendance qui dépasse l’indépendance classique vis-à-vis
des dirigeants et associés et s’étend vis-à-vis de la société mère 172. En effet, des attributs
patrimoniaux et extrapatrimoniaux lui sont reconnus pour assurer cette indépendance vis-à-vis
de cette dernière.

De prime abord, la société filiale doit avoir une dénomination ou une raison sociale
indépendante de la société mère. Cette indépendance peut trouver son fondement dans
l’article 92 de code des sociétés commerciales, qui exige une dénomination distincte à toute
autre société préexistante afin d’éviter toute confusion dans l’esprit des tiers. En revanche,
même si la filiale doit être identifiée par une dénomination propre à celle de la société mère,
dans la pratique le nom commercial peut être identique pour les deux sociétés. Par
conséquent, la dénomination sociale de la première apparait phonétiquement proche de celle
de la deuxième. De ce fait ; la confusion reste pratiquement remarquable !

Mis à part cette dénomination propre, ayant la personnalité juridique, le siège social de
la filiale doit être apprécié distinctement de celui de la société mère. Toutefois, le problème de
la domiciliation collective des sociétés du groupe se pose, notamment, à défaut de toute
interdiction légale. A cause de cette lacune, une partie doctrinale intervient dans ce cadre et
prévoit que cette solution serait bonne à retenir en raison des avantages qu’elle présente
surtout dans le cadre des groupes de sociétés 173. Conformément à ce point de vue, le
législateur français permet aux sociétés du groupe d’avoir un siège social commun qui peut
être par conséquent le lieu où la société mère exerce son activité174.

Avoir une dénomination proche de celle de la société mère ou bien un siège social
commun, peut-t-il constituer un retour à la référence au critère de contrôle pour dresser le
contour de la notion de filiale ?

Cette interrogation est encore plus harcelante si la nationalité de la filiale sera celle de
la société mère conformément à l’article 3 du décret-loi du 30 Aout 1961, qui confère la
nationalité tunisienne à la société qui répond à la condition d’avoir son capital représenté de
50 pour cent au moins par des titres nominatifs détenus par des personnes physiques ou
morales175. On déduit alors que la nationalité de la société filiale est déterminée à partir du
critère de contrôle.
172
Article 461 de CSC.
173
KHELIFA KHARROUBI, op.cit, n°251, p.179.
174
Article 26 al 3 du décret n°84-406 du 30 Mai 1984.
175

50
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

Ainsi, ce critère de contrôle reprend son ampleur non seulement pour définir la notion
de la société filiale mais également pour identifier ses attributs. Cependant, puisque cette
condition doit être cumulative avec la condition d’avoir un siège social en Tunisie et comme
la société filiale est dotée de la personnalité morale, certains auteurs, en se basant sur le critère
de siège social, prévoient que la société filiale doit avoir une nationalité qui lui est propre et
qui peut-être bien différente de celle de la société mère, surtout si elle appartient à un groupe
multinational176.

Par ailleurs, le législateur français définit, parfois en fonction du critère de contrôle,


les conditions dans lesquelles les sociétés commerciales sont considérées comme françaises.
Ainsi retient-il selon les cas, la nationalité des associés, celle des dirigeants et l’origine des
capitaux. Ce critère permet de soustraire à la nationalisation les banques contrôlées par des
étrangers d’où l’inapplication de la loi française aux filiales des banques étrangères177.

Même si le principe de l’indépendance de la société filiale, dont le critère auquel il


faut se référer pour identifier les attributs est la personnalité morale, reste inévitable, le critère
de contrôle reprend son ampleur à chaque fois pour identifier des attributs communs à la
société filiale et la société mère. Ceci est amplement confirmé dans l’identification de l’objet
social et les organes de fonctionnement de la filiale. D’ailleurs, en sa qualité de personne
morale, la société filiale a également un objet social qui lui est propre. Mais parfois, il y a
convergence avec la société mère dans des objets sociaux identiques afin de réaliser une
position dominante pour un produit déterminé178.

Aussi, étant dotée de la personnalité morale, la société filiale dispose en plus de tous
les organes nécessaires pour son fonctionnement. Cependant le dirigeant de la filiale peut très
bien être en commun avec la société mère. Quand bien même les deux sociétés auraient des
dirigeants communs, les obligations contractées par l’une ne peuvent pas être mise à la charge
de l’autre et réciproquement179.

Dans ce même ordre d’idées, pour le bon fonctionnement de la société filiale, le fait
qu’elle soit dotée d’une personnalité morale, une dualité des patrimoines doit être maintenue.
Ainsi, la société filiale doit avoir un patrimoine propre distinct à celui de la mère. Par
conséquent le payement des dettes et des créances sera soumis aux mêmes principes qui
176
HABIBA GOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.30.
177
DEEN GIBIRILA, article précité, p.9.
178
HABIBA GOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.30.
179
Cass. Com., 15 Oct. 1974 : Revue de Sociétés 1975. P.495, note Yver Guyon.

51
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

régissent les rapports entre les sociétés indépendantes. Toutefois, cette dualité des patrimoines
n’interdit jamais un soutien financier de la part de la société mère au profit de la filiale. Reste
à savoir si ce soutien financier est obligatoire à cause du contrôle exercé ou simplement
spontané dans le but de lui donner un coup de main ?

Si l’indépendance de la société filiale doit être confirmée au niveau de son


fonctionnement normal, elle doit être aussi évoquée au niveau de son fonctionnement
anormal. Par conséquent, elle doit avoir une procédure collective indépendante dans le sens
où cette procédure ne peut concerner en principe que la filiale remplissant les conditions
exigées par la loi, et ne peut pas être en effet étendue à la société mère sous prétexte du
contrôle qu’elle exerce sur filiale.

Dans la logique de l’indépendance juridique de la société filiale, si le retour au critère


de contrôle, pour identifier quelques attributs communs, n’est qu’occasionnel et exceptionnel,
la personnalité morale reste le critère initial et permanant pour cerner la notion de société
filiale indépendante et par la suite d’identifier ses attributs propres.

Dans le même ordre d’idées, cette personnalité morale de la société filiale est
sauvegardée aussi bien à l’intérieur du groupe qu’à l’extérieur c’est-à-dire à l’égard des tiers.

B- Une manifestation à l’extérieur du groupe

Contrairement aux relations entre sociétés indépendantes au sein du même groupe,


aux yeux des tiers « une véritable synergie se dessine fréquemment »180.

Cependant, en tout état de cause, et en vertu de l’indépendance des personnalités


morales, les créanciers de chaque société devraient se voir opposer l’autonomie de son
patrimoine leur interdisant toute action contre les autres sociétés du groupe181. Dans ce sens la
société filiale dotée de la personnalité juridique propre jouit dans ses rapports avec les tiers de
la situation d’une société « ordinaire »182.

Comme, le représentant légal de cette société ordinaire n’a pas la qualité pour agir au
nom et pour le compte de la société mère. De plus la société filiale ne peut pas représenter la
société mère dans ses relations avec les tiers et cette dernière, ne peut être engagée que par ses
180
IBTISSEM SELLAMI, « les créanciers du groupe de sociétés », Thèse de doctorat en
droit, faculté de droit de Sfax, 2015/2016, p.2.
181
Commentaire d’article 476 de CSC, p.1671.
182
HABIBA GHOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.36.

52
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

propres organes. Ainsi, dans ce cadre la cour de cassation française a refusé à une société
mère de se substituer à la filiale pour agir contre un débiteur de celle-ci ou pour intenter à sa
place une action judicaire visant à obtenir la réparation d’un préjudice personnel prenant sa
source dans le préjudice subi par cette filiale183. Par ailleurs, et dans le même ordre d’idées la
cour d’appel de Versailles a considéré que la société mère n’a ni vocation ni qualité pour agir
contre une société directement concurrente de sa filiale et intenter une action judiciaire
relative à la concurrence déloyale184.

De ce fait, la seule relation de contrôle ne confère pas à la société mère le droit d’agir
pour le compte de sa filiale qui est dotée de la personnalité morale et qui est juridiquement
indépendante.

Ainsi, le fait d’avoir un représentant légal propre à la filiale possédant la qualité


ordinaire d’agir pour son propre compte, la société filiale assume seule sa responsabilité que
se soit contractuelle ou extracontractuelle, ce qui interdirait à la société mère d’assumer une
quelconque responsabilité à la place de la filiale. Le groupe apparait alors comme« une
technique de la responsabilité limitée organisée autour du principe d’indépendance des
sociétés »185.

Toutefois, cette limitation de responsabilité n’empêche pas par exemple la société


mère de soutenir financièrement la société filiale spontanément et sans aucune contrainte.
Ainsi, la cour de cassation tunisienne, dans un arrêt récent en 2004, a confirmé cette
possibilité, sans oublier que ce soutien financier est effectué par un tiers au lieu et à la place
du débiteur186.

Si la filiale doit agir personnellement contre ses créanciers, qu’en est-il alors de ceux-
ci ? Que la société filiale soit soumise au contrôle de la société mère, ceci va-t-il comme
conséquence d’étendre le droit de poursuite de ses créanciers contre cette dernière ? En
réalité, ces créanciers tentent souvent de lever le voile sur la personnalité morale de la société
en cause afin de bénéficier de la solvabilité surtout de la société mère. Toutefois, « leurs
tentatives dans ce sens se heurtent, en principe, à l’obstacle de la personnalité morale

183
Cass.com., 12 mai 1981 : Rev.sociétés, 1982, p.318, Note Y. Chartier.
184
CA. Versailles, 19 Février 1998 : RJDA 9/1998, n°811.
185
CHARLEY HANOUN, op.cit, n°193, p.159.
186
Cass.Civ. décision n°27385 du 7 janvier 2004.

53
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

distincte »187. Donc les tiers créanciers de la filiale ne peuvent agir que contre celle-ci, et non,
en principe, contre la société mère188.

A la base de cette interdiction, les créanciers ne peuvent obtenir que le paiement des
dettes de la filiale avec laquelle ils sont engagés, d’ailleurs cette solution de principe est
expressément consacrée par le législateur tunisien lorsqu’il affirme que «Un créancier d'une
société appartenant à un groupe de sociétés ne peut réclamer le payement de ses créances qu'à
la société débitrice »189. De surcroit, un créancier de la filiale ne peut pas pratiquer une saisie
arrêt auprès des biens de la société mère, car ces biens n’appartiennent pas à la société filiale
qui est son débiteur190.

La conclusion de la première partie

Le contrôle est le critère essentiel du groupe de sociétés. Ce groupe n’a pas de


personnalité morale alors que la notion de contrôle a été construite autour de la société,
personne morale, dans un sens où la société mère personne morale exerce un contrôle sur les
autres sociétés filiales personnes morales.

Plusieurs critères de contrôle proposés par le législateur et la doctrine que l’on retient,
à savoir le contrôle structurel et fonctionnel, le contrôle de droit et de fait, la majorité des

187
MICHEL JEANTIN, « la filiale commune », Thèse tours, 1975, n°818, p.404.
188
YANN LEROY, « un pas de plus vers la responsabilité des sociétés mères », juin 2013,
p.374.
189
Article 476 de CSC.
190
HABIBA GHOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.38.

54
Première partie : Le critère de contrôle est un critère notionnel

droits de vote et la détermination en fait des décisions au sein des assemblées générales,
l’unité des décisions et les liens entre les sociétés Etc.

De ce fait, on note qu’il n’existe pas une seule forme du contrôle. Au contraire il existe
plusieurs formes qui sont déduites essentiellement de la pratique comme « le contrôle est
avant tout le fruit de la pratique »191. Par conséquent, il arrive à emprunter de la pratique
d’autres formes de contrôle que le législateur n’a pas prévu.

Cependant, même s’il existe plusieurs formes de contrôle l’exercice de contrôlereste


exercé par une société tête de groupe, la notion de société mère, sur les sociétés qui lui sont
affiliées, la notion de société filiale.

191
SOMSAK NAWATRAKULPISUT, « contrôle de droit contrôle de fait », Thèse précitée,
p.47.

55
Deuxième partie :
Le critère de contrôle est un
critère d’imputation
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Deuxième partie :Le critère de contrôle est un critère d’imputation

« La responsabilité ne peut pas être partagée ». Selon le principe de l’indépendance


juridique au sein d’un groupe de sociétés, le contrôle exercé par la société mère sur la filiale
ne constitue pas, en principe, un critère de transfert d’imputation et de responsabilité à la
société mère.

Cependant, parfois ce principe d’indépendance concorde mal avec la réalité nuisible,


caractérisée par ce contrôle exercé par la société mère, à savoir le cas d’un contrôle abusif.

Du coup, suite à cet abus que la société mère commet du fait de l’exercice du pouvoir de
contrôle sur la société filiale tant au cours de son fonctionnement normal que lors de
l’ouverture des procédures collectives à son encontre, l’imputation de fait issue de la société
filiale sera transférée exceptionnellement à la société mère qui assumera par la suite une
responsabilité civile. En effet, même si le critère de contrôle dans ce contexte est un critère
exceptionnel, il reste un critère évident d’imputation civile (chapitre1).

Pour cette raison, on déduit que le souci du législateur d’avoir instauré cette
responsabilité exceptionnelle, n’est pas seulement de multiplier les débiteurs solvables
capables de supporter le passif de la société débitrice, mais aussi de faire sanctionner la
société mère pour l’abus qu’elle commet du fait de l’exercice du contrôle qu’elle détient.

Ce souci curatif se justifie également sur le plan pénal à travers la responsabilité pénale,
casuistique, que la société mère doit assumer du fait de l’exercice de son pouvoir de contrôle
sur la société filiale. Or, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, ce critère de contrôle se
transforme, dans certains cas, en un critère d’exonération de la société mère de cette
responsabilité pénale. De ce fait, le critère de contrôle parait comme un critère limité
d’imputation pénale (chapitre2).

56
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Chapitre 1 : Le critère de contrôle est un critère


évident d’imputation civile
« Celui qui accepte sa nature de cabri doit assumer la responsabilité de son odeur ».
L’exercice d’un contrôle abusif et dommageable de la part de la société mère sur la société
filiale ne peut passer sans encourir des dangers évidents à ses créanciers. Puisque, toute
décision prise par la filiale et contraire aux intérêts de ces derniers revient réellement au
pouvoir que la société mère exerce en son sein. De plus, les créanciers peuvent se retrouver
face à une société filiale insolvable ou en état de cessation de paiement, une situation causée à
l’origine par la société mère, ce qui menace sans doute ses intérêts. Pour résister à cette
menace, le législateur et la jurisprudence ont instauré des techniques spécifiques et
exceptionnelles pour la mise en œuvre de la responsabilité civile de la société mère dans le
cas où la société filiale est en état de fonctionnement normal (section1) ou en situation de
fonctionnement anormal (section2).

Section 1 : une responsabilité civile évidente dans le


cas de fonctionnement normal de la société filiale

Même si la société filiale est en période de prospérité économique, s’il est établi que la
société mère est à l’origine d’une insuffisance d’actifs, les créanciers externes de la première
obtiennent le règlement de leurs factures auprès de la deuxième. Ce recouvrement de créances
qui est en fait, désormais, permis par l’article 476 de CSC consacre sans doute la
responsabilité civile de la société mère envers ces créanciers (paragraphe2). Néanmoins, les
créanciers internes, ne peuvent se placer à un niveau inférieur à celui des créanciers externes
notamment quand leurs intérêts sont menacés. Pour cette raison ils obtiennent une protection,
d’une part, par le droit des sociétés commerciales 192 et, d’autre part, par la jurisprudence. De
ce fait, une responsabilité civile de la société mère envers les créanciers internes de la société
filiale parait justifiée légalement (paragraphe1).

192
Article 477 de CSC.

57
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Paragraphe 1 : une responsabilité envers les créanciers


internes de la filiale

La soumission de la société filiale au contrôle abusif de la société mère n’est pas sans
effets néfastes sur les intérêts de ses associés et salariés, en mettant en conflit leurs intérêts
particuliers avec celui de la société mère. Ce conflit conduit à considérer en premier lieu les
salariés comme des victimes de situations particulières, telle que la mobilité spécifique, qui
menaceraient leur stabilité, et en deuxième lieu la minorité des associés susceptibles d’être la
cible d’actes égoïstes de la part de la société mère en tant qu’actionnaire majoritaire. Pour
faire face à cet abus, cette dernière doit assumer une responsabilité civile aussi bien envers les
actionnaires ou associés minoritaires (A) que les salariés (B) de la filiale.

A- Une responsabilité envers les associés minoritaires de la filiale

Généralement, dans le cadre de toute société commerciale, précisément la société des


capitaux, la loi de majorité est une loi fondamentale avec laquelle la société commerciale
fonctionne. Ce fonctionnement apparait dans un sens où les volontés individuelles s’inclinent
devant la volonté commune des majoritaires.

Toutefois, ces majoritaires peuvent abuser des droits des associés minoritaires selon le
pouvoir qu’ils détiennent au sein des organes de délibération et grâce au contrôle effectif sur
les organes de gestion et de direction. En effet, les minoritaires ne s’inclinent plus devant les
majoritaires et ils ont ainsi, par la force de la loi, la possibilité d’intenter une action sociale
contre ces auteurs sur la base d’abus de majorité193.

Par ailleurs, ce rapport majorité-minorité dans la société isolée restait relativement


simple, et avec le phénomène de concentration et l’appréciation des liens financiers entre les
sociétés, la situation des minorités a évolué vers un danger accru, dans un sens où leurs droits
deviennent plus fragiles.

Pour cette raison, le législateur intervient dans le cadre de l’article 477 de code des
sociétés commerciales pour consacrer une solution exceptionnelle. Ainsi, cette dernière
permet à la minorité dans une société filiale, disposant au moins de dix pour cent de son
capital, d’exercer une action sociale contre les associés représentant la majorité dans la société

193
Article 290 de CSC.

58
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

mère chaque fois où « la décision prise porte atteinte aux intérêts de la société et vise à servir
les intérêts de la majorité au détriment des droits légitimes de la minorité »194.

En fait, cette solution légale constitue apparemment une exception au principe de


distinction entre les sociétés du groupe qui donne normalement la possibilité aux minoritaires
de la filiale d’agir en justice contre les majoritaires qui présentent la société mère au sein de
celle de filiale, et non pas en tant que deux sociétés distinctes.

Cependant, le législateur considère que l’abus de la société mère, actionnaire


majoritaire dans la filiale, est dû réellement à l’influence des actionnaires majoritaires dans la
société mère, et qui réalisent à leur tour une influence sur le contrôle exercé sur la société
filiale afin d’atteindre leurs objectifs personnels. Donc « cette solution parait ainsi logique et
la majorité qui dirige la société mère contrôle à son tour la société filiale quoiqu’elle sert ses
intérêts»195.

Toutefois, ce critère de contrôle ne suffit pas en fait pour qualifier la décision prise
comme abusive majoritairement. Ainsi, si ce critère était adopté pour déterminer l’existence et
le degré de contrôle exercé par la société mère sur la filiale, il y a d’autres critères qui sont
utilisés afin d’apprécier la régularité de ce contrôle à savoir l’intérêt social et la rupture
d’égalité injustifiée entre les associés. D’ailleurs, l’article 477 de code des sociétés
commerciales a consacré cumulativement ces deux éléments en constituant l’abus de majorité.

Dans le même contexte, les tribunaux sont hésitants concernant le critère


d’appréciation de cet abus. D’une part, une partie a donné la primauté à l’intérêt social 196 et
constate que la décision prise contrairement à l’intérêt de la société filiale soit une décision
abusive et que l’abus de majorité provienne d’un conflit d’intérêt entre associés minoritaires
et associés majoritaires même s’ils n’appartiennent pas à la même société 197. D’autre part, si la
décision prise n’affecte pas l’intérêt social de la filiale elle peut créer en revanche une rupture
d’égalité grave entre les associés. Selon l’article 477 du code des sociétés commerciales. Cette
rupture d’égalité entre associés est consommée lorsque deux éléments sont réunis à savoir
l’existence d’un avantage personnel au profit de certains et un préjudice subi par d’autres.

194
Article 477 de CSC.
.1677.‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫أحمد الورفلي و كمال العياري‬ 195

196
C.A. de Paris, 22 mai 1965, JCP., 1965, II, 14274 bis, RTD. Com., 1965, p.619.
197
Cass. Com, 29 mai 1972, JCP., 1973, II, 17337.

59
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Dans ce cadre, une autre partie jurisprudentielle intervient alors, en adoptant ce critère de
rupture, pour qualifier la décision comme abusive198.

Une fois le juge obtient la qualification d’abus de majorité lors de l’exercice du


contrôle par la société mère sur la filiale, il possède par conséquent le pouvoir de sanctionner
cet abus et d’imputer une responsabilité civile à l’encontre des majoritaires de la société mère.
Cette responsabilité civile réside en premier degré dans l’annulation de la décision prise et en
deuxième degré dans la réparation des dommages-intérêts au profit des minoritaires ayant
subi les dommages199.

L’imputation de cette responsabilité civile, finalement mise à la charge des


majoritaires de la société mère, s’explique par le fait que le contrôle exercé doit être régularisé
à part le fait d’être légal. Par conséquent, « la règle de majorité ne signifie pas uniquement
que la volonté minoritaire s’inclinent devant la volonté commune des majoritaires mais que
cette volonté commune soit fidèlement exprimée »200.

Certes cette imputation sera encore mise à la charge de la société mère envers les
salariés de la filiale, il reste à savoir si le critère de contrôle, quoiqu’insuffisant pour
déterminer la responsabilité de la société mère envers les actionnaires minoritaires de la
filiale, parait suffisant pour imputer la même responsabilité envers les salariés de cette
dernière.

B- Une responsabilité envers les salariés de la filiale

Le contrôle exercé par la société mère sur la filiale n’est pas neutre au regard de ses
salariés. Ainsi la jurisprudence et parfois le législateur considèrent ce contrôle comme un
critère d’appréhension tant des relations individuelles que des relations collectives de travail.

Au début, sous l’ombre de ce contrôle exercé la question de déterminer l’employeur


se pose vivement. Est-ce de groupe tout entier ou de la société mère ou bien de la société
filiale où le salarié exécute sont travail ?De prime d’abord, en se basant sur le principe
d’absence de personnalité juridique du groupe, le groupe de sociétés en tant que tel ne peut
être jamais qualifié d’employeur.
198
Cass. Com, 24 janvier 1995, Revue des sociétés, 1995.
199
Cass. Com, 14 janvier 1992, RJDA, 1992/4, n°356.
200
IHAB BEN REJAB, « cours des sociétés commerciales en deuxième année mastère
recherche en droit privé », faculté de droit et des sciences politiques de Sousse, 2021/2022,
p.28.

60
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Ensuite, concernant la société mère, en l’absence d’une réponse légale et


jurisprudentielle en droit tunisien, on trouve au niveau de la jurisprudence française une
réponse réaliste selon la quelle le critère de contrôle ne confère pas systématiquement la
qualité d’employeur à la société mère. Ainsi, la cour de cassation française exige, pour
considérer cette société mère comme employeur, son ingérence dans la gestion et la direction
des ressources humaines de la filiale201. Par conséquent, on déduit que pour apprécier cette
qualification, il faut prouver non seulement le contrôle exercé par la société mère sur la filiale
mais aussi « son pouvoir effectif sur le salarié »202.

Toutefois, cet édifice jurisprudentiel ne procure pas au salarié la protection nécessaire


et surtout en cas de licenciement cette preuve parait difficile et par conséquent il ne perçoit ni
son salaire ni les indemnités de licenciement. Malgré qu’à titre d’exemple, la cause réelle de
la décision de licenciement revient à la restructuration de la filiale imposée par la société mère
et ceci grâce au contrôle exercé.

Pour cette raison que la jurisprudence a ajusté sa position dans le sens de consacrer
« une diversité d’employeur »203 sur la base, à la fois du premier critère classique du pouvoir
sur le salarié et du deuxième critère de contrôle exercé par la société mère sur la filiale. En
effet, le fait que ces deux critères existent, la société mère sera considérée comme un
employeur à côté de la filiale-employeur principal 204 et assurera par la suite les obligations qui
lui incombent normalement. Suite à cette solidarité en qualité d’employeur, l’extension de la
responsabilité civile à la société mère et encourue normalement par la société filiale parait
justifiée légalement.

Par ailleurs, si parfois l’existence du contrôle exercé par la société mère était prise en
considération pour assumer sa responsabilité civile lors de la conclusion du contrat de travail,
d’autres fois son exercice intense lors de l’exécution du contrat attire encore plus l’attention
pour assumer une responsabilité civile plus large. Ainsi, plus le contrôle exercé par la société
mère sur la filiale parait intense, plus l’extension de sa responsabilité parait plus marquée et
extensive. Ainsi, cette extension est envisagée amplement au premier niveau dans le cas du
passage du salarié de la société mère à une autre filiale et au deuxième niveau dans le cas du
mouvement définitif de ce salarié.
201
Cass. Soc du 23/09/2009. N°7 44200-, RJS 12/09, n°898.
‫ع‬cc‫اعي « تجم‬cc‫ع جم‬cc‫ف من مرج‬cc‫ مقتط‬،»‫ركات‬cc‫ع الش‬cc‫ؤجر في تجم‬cc‫فة الم‬cc‫د ص‬cc‫ير من خالل تحدي‬cc‫ة األج‬cc‫ «حماي‬،‫ محمود قصد هلل‬202
.27.‫ ص‬،2021 ،» ‫الشركات في القانون التونسي‬
.‫ تعدد المؤجرين‬203
204
Cass. Soc du 18/01/2011, N°09/96199, R.J.S, 3/11, n°207.

61
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Dans le premier cas, la jurisprudence française a consacré le principe selon lequel si la


société d’accueil vient de licencier le salarié, la suspension du contrat initial avec la société
mère prend fin, de telle sorte que ce salarié peut demander à être réintégrer dans cette dernière
et tout refus d’intégration s’interprète comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse 205.
Ce point de vue a été confirmé par la cour de cassation tunisienne. Elle a considéré que la
mobilité du salarié est d’une part autorisée par l’employeur pour intégrer le salarié dans une
relation de travail avec la société accueillante et d’autre part provisoire ne mettant pas fin au
contrat de travail initial avec l’employeur qui est la société mère206.

En fait, cette solution jurisprudentielle peut être justifiée par l’intensité du contrôle
exercé par la société mère sur la filiale. Comme elle peut autoriser provisoirement de déplacer
le salarié en son sein grâce à sa qualité d’employeur, elle peut aussi le licencier suite à une
décision de licenciement grâce à sa qualité de dirigeant dans la filiale. En effet, la société
mère, portant une double casquette, doit assumer sans doute sa responsabilité envers le salarié
de sa filiale.

En allant plus loin, la société mère assume encore une responsabilité civile même en
cas d’absence de tout lien de subordination juridique avec le salarié, c’est le deuxième cas de
mouvement définitif. Puisque la jurisprudence tunisienne n’a pas porté sa connaissance pour
se prononcer sur sa position à propos cette question, on fait renvoyer à certaines lois
comparées et leurs applications à l’instar du droit français. Ainsi, il dispose dans le cadre de
l’article L122-8-14 du code de travail que dans le licenciement du salarié d’une société filiale
étrangère, à laquelle il est lié par un contrat de travail, la société mère doit assurer son
rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec ses compétences. Néanmoins,
sila société mère entend congédier ce salarié, le temps passé par ce dernier au service de la
filiale est pris en compte pour le calcul du délai-congé et de l'indemnité de licenciement207.

De cette perspective, l’extension de la responsabilité civile à la société mère, même si


elle n’est pas liée par un contrat de travail avec le salarié, peut trouver sa justification dans la
gravité de la situation mise en cause. Une gravité qui est envisagée par un contrôle exercé en
cachète par la société mère. Il s’agit de contrôle exercé au sein de la société filiale qui suit des
205
Cass. Soc du 25/01/1988, Dr. Soc. 1989, p.466.
.102.‫ ص‬،2000 ‫ نوفمبر‬،‫ت‬.‫ق‬.‫ م‬،24/12/1992 ‫ مؤرخ في‬26738 ‫ قرار تعقيبي مدني عدد‬206
207
Article L122-14-8 JORF 13 mars 2007 en vigueur au plus tard le 1er mars 2008
modifié par Loi n°91-72 du 18 janvier 1991 - art. 1 () JORF 20 janvier 1991.

62
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

décisions, tant économiques qu’administratives, influençant directement sur la filiale et


indirectement sur le salarié.

Si ce contrôle donne à la société mère l’occasion de prendre des décisions contraires


aux intérêts des salariés et aux actionnaires minoritaires de la société filiale, il lui donne
également de porter atteintes aux intérêts des tiers. Afin de protéger ces intérêts et comme la
société assume une responsabilité envers les créanciers internes de la filiale, elle doit assumer
une autre responsabilité envers les créanciers externes.

Paragraphe 2 : une responsabilité envers les créanciers


externes de la filiale

Le législateur tunisien dans l’article 476 de CSC admet la possibilité pour le créancier
de la société filiale débitrice d’engager la responsabilité civile de la société mère, lorsqu’il est
établi que cette dernière a créé une apparence trompeuse d’une contribution aux engagements
de sa filiale ou qu’elle s’est immiscé dans l’activité de cette dernière.

A cet égard, on peut demander à la société mère de régler les créances de la filiale, soit
sur le fondement de l’apparence trompeuse (A), soit sur celui de l’immixtion dans l’activité
(B).

A- Une responsabilité fondée sur l’apparence trompeuse créée par


la société mère

En droit, le terme apparence couvre deux significations différentes.

D’une part, est apparent ce qui est visible et manifesté, c’est ce que le législateur a
voulu exprimer dans le cadre de l’obligation de garantie mise à la charge du vendeur au sens
de l’article 668 du COC.

D’autre part, dans un sens large, la doctrine considère le terme d’apparence comme
une situation de fait contraire à une situation réelle. Ainsi, dans ce sens, l’apparence se définit
comme « la manifestation à un sujet de droit d’une situation de fait contraire à la réalité »208.
En effet, cette perspective a été clairement consacrée dans le droit commercial et plus
précisément en droit des sociétés commerciales. D’ailleurs, avec les groupes de sociétés elle

208
LAURENT LEVENEUR, « situation de fait et droit privé », éd-LGDJ, 1990, n°81, p.99.

63
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

trouve un terrain propice avec la multiplicité des apparences trompeuses aux tiers. Ainsi, la
société mère peut agir de manière à faire croire qu’elle contribue aux engagements de la
société filiale débitrice, soumise à son contrôle, avec ses tiers. Une croyance qui induit ses
tiers de bonne fois en erreur, s'ils savaient la vérité ils n'auraient pas intervenu pour s’engager.

Conscient de la nécessité de protéger les créanciers de bonne fois de la filiale, le


législateur au sens de l’article 476 de CSC a permis à cette dernière de réclamer le payement
de ses créances par la société mère ou par les deux solidairement.

Ainsi, afin que ce créancier obtienne ce payement, deux conditions cumulatives de


l’apparence trompeuse doivent se réunir.

En ce qui concerner la première condition, on cite que l’existence d’une apparence


contraire à la réalité est indispensable. C’est l’élément matériel visible. Cependant, le
législateur n’a pas précisé cet élément. Pire encore, il n’a pas donné d’exemples en la matière,
et même lors de la discussion sur la loi relative aux groupes de sociétés, cette question n’a pas
été soulevée. Avec cette absence, l’existence de cette apparence sera soumise à l’appréciation
des juges de fond qui forgent leur conviction, le plus souvent, à l’aide de certains critères les
conduisant à conclure sur cette apparence.

Ainsi, puisque le critère de contrôle, basé sur la participation de la société mère au


capital de la société filiale et la présence de dirigeants au conseil d’administration, reste
insuffisant pour démontrer la volonté de tromper les tiers et caractérisant simplement
l’existence de liens de groupe entre la société mère et la filiale 209, l’intérêt des créanciers sera
le critère le plus adopté surtout dans le cas de « la lettre d’intention »210. En effet, la société
mère peut utiliser dans une lettre d’intention des expressions vagues par lesquelles elle fait
croire, en assurant la solvabilité de la société filiale débitrice, qu’elle participe à l’exécution211.

En définitive, peu importe si la société mère a un rôle positif dans la création de cette
situation apparente, l'importance réside dans la croyance légitime du créancier, c’est l’élément

209
JEAN FRANCOIS BARBIERI, Note sous cour de Cass. 25 Février 2004, Rev. Soc., 2004,
p.421.
210
La lettre d’intention est un exemple illustratif qui a fait couler beaucoup d’encre dans la
doctrine française. Selon FRANCIS LEFBVRE, op cit, n°4336, p.345. « La lettre d’intention,
encore appelée lettre de confort ou lettre de parrainage, est un document adressé par une
société mère à un créancier de filiale, le plus souvent une banque, dans lequel cette société
assure ce créancier du respect des engagements contracté par sa filiale ».
.‫ ص‬،‫ابق‬cc‫ع س‬cc‫ال من مرج‬cc‫ مق‬،»‫ « مسؤولية الشركة األم عن تصرفات فروعها في إطار السير العادي للتجمع‬،‫ الوسالتي‬c‫ فاطمة‬211
.177

64
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

moral ou psychologique et la deuxième condition de l’apparence trompeuse. Cette croyance


légitime exige, en premier lieu, une croyance erronée chez le créancier. Cette dernière
invoque l’apparence et ignore la réalité « mais il ne suffit pas d’avoir cru, encore faut-il que
cette croyance soit excusable, motivée et justifiée »212. En deuxième lieu, la légitimité de cette
croyance nécessite encore l’exposition de la notion de bonne foi. C’est une notion présumée,
selon laquelle le créancier doit seulement établir la preuve de l’élément matériel.

Dès lors que ces deux conditions cumulatives sont réunies, la théorie de l’apparence
produit ses effets et la société mère doit assumer sa responsabilité. Par conséquent, dans la
possibilité accordée par le législateur dans l’article 476 de CSC, le créancier trompé par filiale
peut demander à la société mère le payement de ses créances.

Cependant, la théorie de l’apparence n’est pas le seul fondement de la responsabilité


de la société mère des engagements contractés par les sociétés filiales. Cette responsabilité
trouve son fondement sur l’immixtion de la société mère dans la gestion de ces dernières.

B- Une responsabilité fondée sur l’immixtion de la société mère


dans la gestion de la société filiale

L’immixtion de la société mère dans l’activité de la société filiale débitrice dans ses
rapports avec les tiers constitue une autre voie offerte par le législateur au profit des
créanciers afin d’agir en payement contre la société mère personnellement ou solidairement
avec sa filiale213.

Malgré que le législateur ait adopté l’immixtion en tant que fondement pour mettre
une responsabilité à la charge de la société mère il ne donne, en revanche, aucune précision à
propos de la nature et des critères de qualification de cette immixtion.

Cependant, en revenant à la réponse du ministre de la justice à la question24 posée


relativement à l’article 476 de CSC, il est précisé que l’immixtion de la société mère dans les
activités de la société filiale débitrice dans ses rapports avec les tiers signifie qu’elle s’est
immiscée dans ses activités de direction et d’administration ; de telle sorte qu’elle s’est vue

212
HABIBA GHOUIZIA, article pris d’un ouvrage précité, p.70.
213
Article 476 de CSC alinéa2.

65
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

attribuer la qualité de dirigeant de fait, ce qui justifie son implication pour encourir sa
responsabilité civile214.

Il est ajouté aussi, dans ce même cadre, que la société mère qui se limite à exercer son
contrôle dans les assemblées générales ne soit pas qualifiée comme une société
interventionniste en vue de s’immiscer dans les activités de la société filiale et de s’attribuer la
qualité de dirigeant de droit, du coup elle n’assume aucune responsabilité civile.

On peut déduire que cette formule ministérielle, fait la distinction entre l’exercice du
contrôle dans les assemblées générales de la société filiale et l’intervention dans sa direction
et son administration considérant immixtion dans ses activités engagent la responsabilité de la
société mère. Autrement dit, le législateur adopte le critère de contrôle organique et directorial
pour la qualification d’immixtion et soustrait le critère de contrôle capitalistique de cette
qualification.

Toutefois, cette distinction reste théorique et opposable au rôle attribué à la société


mère puisqu’elle tient toutes les sociétés du groupe sous « son pouvoir de droit et de fait et y
exerce son contrôle, assurant, ainsi une unité de décision »215. Et par ce pouvoir de contrôle,
elle peut intervenir en tant qu’administrateur, dirigeant de droit, ou dirigeant de fait comme on
l'avait vu précédemment dans le premier chapitre.

Il serait donc trop excessif de traiter toute intervention de la société mère dans la
direction ou l’administration de la société filiale comme étant immixtion, surtout dans le cas
où la société mère intervient pour prendre des décisions conformément aux directives de la
filiale, ce qui rend donc« inconcevable de sanctionner un comportement qui a été consacré par
le législateur »216.

Par conséquent, tant le contrôle capitalistique que le contrôle organique et directorial


ne suffit pas pour établir l’immixtion de la société mère dans les rapports de la filiale débitrice
avec les tiers. De plus, l’exercice d’un contrôle effectif ou décisionnel, assurant un pouvoir de
décision, qui permet de concevoir la responsabilité de la société mère, ne suffit pas à lui seul
pour engager une telle responsabilité.

214
Dans le cadre de débats parlementaires précités, la réponse à la question 24 à l’article
476 de CSC, p.103.
215
Article 461 de CSC.
216
IBTISSEM AHMED, mémoire précité, p.113.

66
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

En revanche, c’est plutôt l’abus de l’exercice de ce contrôle qui doit être sanctionné.
On parle d’un abus qui est caractérisé par le fait que la société mère dominante, fasse évincer
la société filiale et se substitue à elle dans toutes les phases 217 de tout contrat conclu avec les
tiers, présentant sa filiale comme son agence ou sa succursale, ou encore n’ayant pas respecté
les procédures de prise de décision.

De ce fait, l’immixtion est plus qu’un exercice de contrôle par la société mère sur la
société filiale. Ainsi, elle ne vise pas le pouvoir de décision au sein de cette dernière. En
revanche, elle consiste au pouvoir d’ingérence traduisant une intervention indiscrète par
laquelle la société mère s’est permis de se mêler dans l’activité de la filiale.

Ce souci curatif, d’avoir instauré la responsabilité de la société mère, n’est pas


seulement dans le cas où la société filiale est « in bonis », mais il se révèle davantage lorsque
celle-ci fait l’objet d’une procédure collective.

Section 2 : une responsabilité civile évidente en cours


de fonctionnement anormal de la société filiale

L’article 478 de CSC stipule que « Les procédures de faillite et de redressement


ouvertes contre l'une des sociétés appartenant au groupe de sociétés peuvent être étendues
aux autres sociétés y appartenant en cas de confusion de leurs patrimoines, d'escroquerie ou
d'abus des biens de la société faisant l'objet de procédures de faillite ou de redressement, ou
s'il est établi que la société débitrice était fictive, et que les sociétés appartenant au groupe
ont donné l'apparence d'y être associées. La faillite peut être étendue aux dirigeants de droit
ou de fait des autres sociétés appartenant au groupe de sociétés s'il est établi que la faillite
est due à leur fait ». Aux termes de cet article, on peut constater que l’extension du règlement
judiciaire ou de la faillite s’analyse comme une sanction du comportement fautif
(paragraphe1) ou encore une sanction de l’abus de la personnalité morale (paragraphe2).

Paragraphe 1 : L'extension des procédures collectives :


sanction du comportement fautif

Cass. Civ, 25 février 2004, http://www.Lexnter.net. Et Cass. Com, 2 mai 1978, Gaz. Pal
217

1978, p.291.

67
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Vu la complexité et la diversité des manœuvres frauduleuses pouvant être manifestées


lors du contrôle exercé par la société mère sur la société filiale, la société mère peut
commettre des fautes lui faisant assumer sa responsabilité. Ainsi, le comportement fautif qui
peut être imputable, peut se manifester soit lorsqu’elle donne, en tant que société contrôlante,
une apparence fautive (A) soit lorsqu’elle provoque, en tant que dirigeante, la faillite de la
société filiale (B).

A- Une sanction due à l’apparence fautive causée par la société


mère en tant que société contrôlante

Au sens de l’article 478 de CSC, l’extension du règlement judiciaire et de faillite à


l’encontre delà société mère peut être la sanction de son comportement fautif qui se manifeste
dans l’escroquerie et l’abus des biens sociaux de la société filiale faisant l’objet de procédures
de règlement judiciaire ou de faillite.

A cause du manque de précision sur la notion d’escroquerie dans cet article précité,
certains auteurs 218 l’ont considérée comme une notion qui nous renvoie au délit d’escroquerie
régi par l’article 291 de Code pénal 219. Il s’agit de délit par lequel la société mère utilise la
société filiale, objet d’un règlement judiciaire ou de faillite, comme un moyen frauduleux
pour tromper les tiers.

Cependant, la réponse ministérielle relative à l’article 476 de CSC, lors de la


discussion du projet de loi de 2001 régissant le groupe de sociétés, présente une précision
claire et distincte. Ainsi, l’escroquerie est le fait que la société mère utilise des manœuvres
frauduleuses pour faire croire au tiers qu’elle constitue une seule personne avec une autre
société filiale débitrice, ou qu’elle possède des biens alors qu’ils appartiennent en réalité à
cette dernière, ou que les biens qu’elle possède sont en réalité la propriété d’autres sociétés
membres du groupe220.

218
SLAHEDDIN MELLOULI et SEMI FRIKHA, op.cit., n°1509, p498.
‫ما‬cc‫تعمل اس‬cc‫ل من اس‬cc‫ار ك‬cc‫ بالسجن مدة خمسة أعوام وبخطية قدرها ألفان وأربعمائة دين‬c‫ يعاقب‬ » ‫ من المجلة الجزائية‬291‫ الفصل‬219
‫وذ‬cc‫ إقناع الغير بوجود مشاريع ال أصل لها في الحقيقة أو نف‬c‫مدلسا أو صفات غير صحيحة أو التجأ للحيل والخزعبالت التي من شأنها‬
‫ا‬cc‫ابة أو غيره‬cc‫وع إص‬cc‫أو اعتماد وهمي أو التي من شأنها بعث األمل في نجاح غرض من األغراض أو الخوف من اإلخفاق فيه أو وق‬
‫ودا أو‬cc‫ة أو وع‬cc‫ا مالي‬cc‫ات أو أوراق‬cc‫ا أو ممتلك‬cc‫والت أو رقاع‬cc‫واال أو منق‬cc‫لّم أم‬c‫اول أن يتس‬cc‫لّم أو ح‬c‫د تس‬cc‫ون ق‬cc‫ة ويك‬cc‫وادث الخيالي‬cc‫من الح‬
«.‫وصوالت أو إبراءات واختلس بإحدى هذه الوسائل أو حاول أن يختلس الكل أو البعض من مال الغير‬
220
Dans le cadre des débats parlementaires précités, la réponse à la question 25 à l’article
478 de CSC, p.104.
‫رى‬cc‫ركة» أخ‬cc‫ع ش‬cc‫دة م‬cc‫ة واح‬cc‫كيل ذات معنوي‬cc‫صورة التحيل هي التي تستعمل فيها إحدى الشركات الخزعبالت إليهام الغير بأنها تش‬
‫ركة‬cc‫وبأنها مالكة لبعض األمالك الراجعة في الحقيقة إلى الشركة المدينة وبأن بعض األمالك الراجعة إليها في الحقيقة «تنتمي إلى ش‬
‫إنما‬  ‫أخرى من الشركات األعضاء في تجمع الشركات‬

68
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Suite à cette précision, il parait peu probable que le législateur, en utilisant le terme
escroquerie dans l’article 478 de CSC, avait l’intention de le faire porter un caractère pénal.
D’ailleurs, si telle était son intention, il aurait utilisé explicitement le terme délit d’escroquerie
ou il aurait référé à l’article 291 de CP221.

Par conséquent, l’extension des procédures collectives à cause de l’escroquerie n’exige


pas la nécessité d’un jugement de condamnation. Il suffit, en revanche, de prouver que la
société mère a utilisé des manœuvres frauduleuses pour induire le tiers en erreur, afin de
l’amener à se contracter avec la filiale ou de lui faire illusion de faux projets qui n'existent pas
en réalité222. En outre, la société mère, pouvant donner une fausse idée sur les relations
existantes entre les sociétés du groupe afin de permettre à l’une d’elles d’obtenir un crédit
auprès d’une institution financière, constitue un agissement frauduleux qui donne lieu, dans le
cas des procédures collectives, à l’élévation de l’écran de la personne morale.

Par ailleurs, l’escroquerie n’est pas le seul comportement fautif que l’extension des
procédures collectives entraine, l’abus des biens sociaux peut aussi être considéré comme un
tel comportement223.

Ainsi, l’abus des biens sociaux se manifeste par le fait que la société mère se comporte
à l’égard de la société filiale en « maître de l’affaire »224. Dans un sens où la société mère
manifeste des comportements contraires à l’intérêt social de la société filiale, ce qui rend cette
dernière comme une victime de l’abus exercé. D’ailleurs, ce genre de comportement est
amplement et particulièrement envisagé dans la réalisation des opérations financières sans
respecter les conditions visées par la loi225.

On peut dire alors,qu’en présence d’une société filiale soumise au contrôle de la


société mère, la crainte est que son propre intérêt ne soit pas pris en compte et sera, en
revanche, employé pour servir l’intérêt de la société mère ou d'une autre filiale. A ce stade, il

‫ة‬cc‫ من مجل‬478 ‫ل‬cc‫ق على الفص‬cc‫ تعلي‬: c‫ركات‬cc‫ع الش‬cc‫ار تجم‬cc‫ائية و التفليس في إط‬cc‫وية القض‬cc‫راءات التس‬cc‫حب إج‬cc‫ « س‬،‫يد‬cc‫ال الص‬cc‫ أم‬221
.204.‫ ص‬،19 ‫ عدد‬،‫ مقال من مرجع سابق‬،»‫الشركات التجارية‬
.514.‫ ص‬،2015 ،‫ مجمع األطرش للكتاب المختص تونس‬،» ‫ التجارية‬c‫ « الوسيط في قانون الشركات‬،‫ أحمد الورفلي‬222
223
Dans le cadre des débats parlementaires précités, la réponse à la question 25 à l’article
478 de CSC, p.104.
‫وال‬cc‫تعمال» أم‬cc‫ و هي صورة اإلفراط في اس‬،‫صورة التعسف في استغالل أموال الشركة الخاضعة إلى إجراءات التسوية و التفليس‬
‫عوبات‬cc‫إلى الص‬ «. ‫ و تعرضها‬،‫ بحيث يتسبب ذلك في ضياع مصالح الشركة المالكة الحقيقية لها‬،‫إحدى الشركات لفائدة شركة أخرى‬
‫التي أدت إلى افتتاح اإلجراءات الجماعية ضدها‬
224
NEJIB FEKI, « les procédures collectives et le groupe de sociétés », Etudes juridique, n°9,
2002, p.122.
225
SAMI ELLEUCH, article précité, p.103 et suivant.

69
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

faut distinguer le droit d’exercer le contrôle, une situation de droit, de la maîtrise qui est, le
plus souvent, la conséquence de la situation de fait ou de détournement de la situation de
droit226. Le contrôle peut, toutefois, conduire à la maîtrise si la société investie de ce pouvoir
le détourne à des fins contraires.

En effet, cette maîtrise peut se traduire, à titre d’exemple, par la disposition exclusive
des biens sociaux ou également la poursuite d’une exploitation déficitaire. Une maîtrise qui
conduira forcément à une cessation de payement de la société filiale qui exigera par la suite en
premier lieu l’ouverture des procédures de règlement judiciaire et en deuxième lieu
l’ouverture des procédures de faillite. Par conséquent, cette ouverture des procédures
collectives contre la société filiale sera étendue à la société mère.

Cependant, cette extension ne concerne pas uniquement la société mère en tant que
société contrôlante mais aussi en tant que dirigeante de la société filiale.

B- Une sanction due à la faillite causée par la société mère en tant


que dirigeante

Par application de l’article 596 de CC, l’extension de la faillite peut toucher le


dirigeant de la société contre laquelle la procédure a été ouverte, chaque fois que l’une des
situations visées par l’article 478 de CSC, à savoir l’escroquerie et l’abus des biens, se
manifeste et que le dirigeant provoque la faillite.

Cette extension concerne à la fois le dirigeant de droit et le dirigeant de fait, personne


physique ou morale, celui qui présente un comportement fautif qui était à l’origine de la
faillite. Puisque la société mère peut être un dirigeant de droit ou de fait de la société filiale
grâce au contrôle exercé, elle peut par la suite encourir cette extension de faillite.

Ainsi, la société mère peut acquérir, d’une part la qualité de dirigeant de droit au sein
de la filiale lorsqu’elle exerce, à la suite d’une désignation régulière, des fonctions de gestion,
de direction, ou d’administration227. Et d’autre part, elle peut posséder également la qualité de
dirigeant de fait au sein de la filiale concernée. Mais contrairement à la détermination facile
de dirigeant de droit, la détermination de dirigeant de fait parait compliquée et ramifiée,
d’ailleurs le législateur ne la définit pas comme notion. Toutefois, la doctrine la considère
JEAN-François ARTZ, « l’extension du règlement judiciaire ou de la liquidation des biens
226

aux dirigeants sociaux », RTD. Com, 1975, n°8, p10.


.213.‫ ص‬،‫ مقال من مرجع سابق‬،‫ أمال الصيد‬227

70
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

comme« Toute personne morale ou physique qui, sans mandat social en toute souveraineté et
indépendance, exerce une activité positive de gestion et de direction au sein d’une autre
société, ce qui la met en mesure de décider du sort commercial et financier de l’entreprise »228.

La question qui se pose alors est de savoir si l’extension de l’ouverture des procédures
de faillite est systématique ? Autrement dit est ce que le fait que la société mère soit un
dirigeant de la société filiale suffit systématiquement d’étendre l’ouverture des procédures de
faillite à son encontre ?

La société mère, en tant que dirigeant de droit ou de fait de la société filiale déjà en
faillite, assume la même responsabilité engagée, s’il est prouvé qu’elle a disposé des biens
propres de la société et qu’elle a accompli un acte de commerce dans son intérêt personnel229.
Cependant, la preuve de cette finalité fera souvent l’objet de difficulté, car la société mère
peut simuler l’intérêt personnel et prétendre que ses actes ne sont pas contraires aux intérêts
sociaux230.

Mieux encore, certains auteurs ont considéré, pour étendre la faillite d’une société
affiliée à la société mère, qu’il faut que les fautes reprochées à cette dernière soient
suffisamment graves pour tenir en échec «la barrière que constitue la limitation de
responsabilité » surtout dans les sociétés de capitaux et les SARL231.

Contrairement à d’autres auteurs qui considèrent que la faute commise par la société
mère est présumée comme une faute grave puisqu’elle conduit à la faillite.

Si cela signifie quelque chose, il indique que le simple exercice du contrôle par la
société mère au degré d’être un dirigeant de la société filiale en faillite ne suffit pas d’étendre
la faillite à son encontre. Du coup, l’extension de la faillite n’est pas systématique, elle n’est
qu’une faculté soumise à l’appréciation souveraine du juge.

228
RIVES LANGE, « la notion du dirigeant de fait au sens de l’article 99 de la loi du 13 juillet
1967 sur le règlement judiciaires et la liquidation des biens », 1975, Chr. N°11, p.41.
229
Le législateur exige, dans l’article 596 de CC, la réunion de deux conditions cumulatives
afin d’étendre la faillite à la société mère dirigeante, à savoir l’accomplissement d’actes de
commerce dans son intérêt personnel et la disposition des biens propres à la société. Ce
dernier agissement ne permet pas à lui seul l’extension des procédures collectives à la
société mère dirigeante, il doit être cumulé avec l’accomplissement d’actes de commerce à
son intérêt personnel.
230
JEAN-François ARTZ, article précité, p.12.
231
Ibid., p.6.

71
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Par ailleurs, selon l’article 478 de CSC alinéa 2, l’extension de la faillite envisagée
peut toucher la société mère même si elle n’est pas dirigeante de la société filiale objet de la
faillite mais plutôt dirigeante d’une autre société membre du groupe.

Dés le début, cette solution légale parait illogique et opposable notamment au principe
d’indépendance des sociétés membres du groupe.

En revanche, la société mère en sa qualité de dirigeant de fait, commun à toutes les


sociétés du groupe, peut commettre des fautes distinctes et indépendantes de celles visées par
son premier alinéa. Il s’agit des fautes qui sont, souvent, imputées à la société mère, en sa
qualité de dirigeant de fait, lorsqu’elle s’immisce d’une façon abusive et inappropriée dans les
activités de ses filiales.

En effet, cette immixtion s’effectue notamment lorsque la société mère laisse la filiale
poursuivre ses activités malgré qu'elle subisse de lourdes pertes, ou lorsqu’elle s’abstient de
lui fournir les moyens pour commercialiser ses produits, ou encore lorsque la filiale arrête
sciemment la fabrication de son produit principal, sans que la société mère ne lui fournisse
une alternative232, ce qui la conduira forcément à la faillite.

Sur cette base, on peut dire que l’extension de la faillite aux dirigeants des sociétés
membres du groupe une sanction pour une immixtion fautive dans la gestion de la société
filiale. Cette sanction est infligée particulièrement et souvent à la société mère et ses
dirigeants233 étant donnée le contrôle dont elle dispose et qu’elle exerce sur la société filiale
concernée.

Alors, à première vue, si l’extension de la faillite au dirigeant semblait illogique, la


référence au critère de contrôle exercé par la société mère sur l'ensemble des filiales, ce qui lui
permet de s'immiscer abusivement dans leurs activités, rend cette extension logique et même
nécessaire.

L’extension de la faillite d’une façon particulière et l’extension des procédures


collectives d’une façon générale, à la société mère peuvent résulter non seulement du
comportement fautif mais aussi de l’abus de la personnalité morale de la société filiale.

232
C.A. Paris, 23 mai 1977, RJDA 10/1997, n°1277 ; C.A. Paris, 15 janvier 1999, RJDA
4/1999, n°488.
233
JULIA HEINICH, « direction de fait et groupe de sociétés », Bull. JOLY sociétés, Mars
2016, n°3, p.19 et suivant.

72
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Paragraphe 2 : L'extension des procédures collectives :


sanction de l’abus de la personnalité morale

Le principe de l’autonomie patrimoniale des sociétés groupées interdit normalement


d’admettre systématiquement la garantie de la société exerçant un contrôle sur une autre
société en difficulté économique. Néanmoins, lorsqu’au sein d’un même groupe, la société
filiale se trouve en état de cessation des paiements, les tribunaux ne manquent pas d’ouvrir
une procédure de redressement ou de liquidation judicaire à la fois de cette société et de la
société mère. En effet, cette extension prend un aspect sanctionnateur qui atteint la répression
de la société mère suite à l’abus de la personnalité morale delà société filiale. C’est le cas,
lorsque sont démontrées la fictivité de la société filiale (B) ou l’existence d’une confusion des
patrimoines (A).

A- Une sanction due à la confusion des patrimoines

Conformément à l’article 478 de CSC, la confusion des patrimoines constitue une


cause légale delà possibilité d’extension des procédures collectives, déjà ouvertes à une
société filiale, à l’encontre de la société mère.

Toutefois, cette notion, même si elle est consacrée par le législateur pour servir comme
une « cause autonome »234 de l’extension des procédures collectives, reste une notion floue
sans aucune définition.

Cependant, en revenant à la réponse ministérielle relative à l’article 478 du CSC, lors


de la discussion du projet de loi de 2001, on trouve que le ministre de la justice a mis en place
une précision relative à la notion. Ainsi, il a considéré que la confusion des patrimoines se
réalise dans les cas où :

- Les éléments du patrimoine de chacune des sociétés du groupe sont mis à la


disposition des autres, soit dans son propre intérêt soit dans l’intérêt des autres sociétés du
groupe.

- L’utilisation des revenus de l’une des sociétés pour payer des biens ou des services
au profit d’une autre société du groupe, de telle sorte qu’il serait impossible de déterminer le

.192.‫ ص‬،‫ مقال من مرجع سابق‬،‫أمال الصيد‬ 234

73
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

bien qui appartient à chacune d’elles séparément et de le distinguer des biens appartenant aux
autres.

- L’engagement de certaines sociétés à l’égard des tiers au profit et pour le compte


d’autres sociétés à tel point que les patrimoines de ces sociétés se trouvent confondus et
apparaissent comme s’il agissait d’un patrimoine unique.

De ce fait, cette confusion offre une unité des patrimoines pour la société mère et pour
une autre filiale ou un ensemble de sociétés filiales. Cette unité se manifeste soit par un
patrimoine unique soit aussi par un patrimoine commun dans le but de répondre à l’intérêt du
groupe et souvent à l’intérêt de la société mère235.

En réalité, cette finalité est recherchée par la société mère à travers le contrôle de droit
ou de fait dont elle dispose et qu’elle exerce sur une autre filiale, et qui peut vraiment
engendrer une telle confusion.

La confusion des patrimoines ne peut pas être prononcée par le simple exercice du
contrôle par la société mère sur la filiale, mieux encore elle ne peut pas être présumée du seul
fait des relations entres elles, même si elles sont étroites236.

De plus, la détention de la majorité voire de l’intégralité du capital de la société


filiale237 est encore insuffisante pour constituer la preuve d’un critère de confusion des
patrimoines. D’ailleurs, la cour d’appel de Versailles, dans l’arrêté du 2 avril 2002 238, a
constaté qu’il serait inconcevable de« s’arrêter au seul fait qu’une société détient la majorité
du capital d’une autre. Ce simple fait est insuffisant pour constituer la preuve d’une confusion
des patrimoines ».

Dans le même contexte, la Cour de cassation française a ajouté que le fait d’avoir les
mêmes organes de gestion239 et l’identité des mêmes dirigeants ou encore les mêmes associés

235
FARAG HAMODA, « la protection des créanciers au sein des groupes de sociétés »,
Thèse de doctorat en droit privé, Université de Franche-Comté, 2013, n°455, p.312.
236
BENOÎT GRIMONPREZ, « Pour une responsabilité des sociétés mère du fait de leurs
filiales », Rev. Soc, Octobre/Décembre, 2009, n°8, p.719.
237
AHMED OMRANE, « Du droit des sociétés au droit de l’entreprise : pour un droit de
l’entreprise », Etudes juridiques, n°13, 2006, p.7 et suivant, spécialement p.21.
238
C.A Versailles, Ch.Com réunies 2/4/2002 actualités des procédures collectives, n°17-4
novembre 2002, n°217.
239
Cass. Com, 2 mai 2007, pourvoi n°06 12378-RJDA 10/2007, n°85.

74
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

ne suffisent pas pour caractériser cette confusion 240. En effet, il faut vraiment avoir une
confusion réelle des patrimoines.

Vu cette insuffisance du critère capitalistique et organique de contrôle, selon la


doctrine dominante241 et les pratiques jurisprudentielles fréquentes, cette confusion exige un
ensemble de conditions qui sont régies, par deux autres critères essentiels. Le premier critère
consiste en la confusion des comptes de deux sociétés, qui suppose une imbrication des
éléments d’actifs et de passifs de telle sorte qu’il devient impossible de les séparer et de
déterminer les éléments de patrimoine de chaque société. Quant au deuxième critère, il réside
dans l’existence de flux financiers anormaux ou de relations financières anormales242.

Par conséquent, en adoptant l’un de ses critères, on se trouve devant un transfert


d’actifs entre les patrimoines des sociétés sans contrepartie. C’est ainsi à titre d’exemple le
cas d’exécution d’un contrat de location sans payer l’argent du loyer ou encore lorsque les
revenus de la société filiale servent pour le paiement du prix des biens et services sans
contrepartie au profit de la société mère.

Pour cette raison préjudiciable à l’intérêt de la société et à celui de ses créanciers, la


confusion des patrimoines constitue une cause d’extension des procédures collectives à
l’encontre de la société mère puisqu’elle implique l’atteinte au principe de l’indépendance de
la personne morale de chaque société du groupe243. En effet, ceci est considéré comme un
abus à la personnalité morale comme dans le cas de la société fictive.

B- Une sanction due à la fictivité de la société filiale

A l’instar de l’escroquerie, l’abus des biens sociaux et la confusion des patrimoines,


l’article 478 de CSC admet la possibilité de l’extension des procédures de règlement judiciaire
et de la faillite à la société mère lorsqu’il est établi que la société filiale débitrice était fictive
et que la société mère a donné l’apparence d’y être associée.

240
Cass. Com, 30 Octobre 2007, n°6 18676-RJDA 2/2008, n°171.
241
BENOÎT GRIMONPREZ, article précité, n°8, p.719 ; FARAG HAMODA, Thèse précitée,
n°470, p.322 et suivant ; AHMED OMRANE, article précité, n°14, p.22 et suivant.
242
Par flux financiers, on entend des flux dénués de toute contrepartie pour la société
concernée, ce qui l’amène à un appauvrissement et à un affaiblissement du gage des
créanciers au profit du patrimoine d’une autre société. De même, il y a flux financiers
anormaux lorsqu’une société s’est enrichie aux dépens d’une autre sans contrepartie.
243
AHMED OMRANE, article précité, n°14, p.23.

75
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Dans ce cas, cette extension des procédures collectives exige en avance la qualification
de la société filiale fictive. Une qualification qui suppose la détermination de la notion de
société fictive reposant sur un ou plusieurs critères précis.

En fait, la notion de société fictive est une notion difficile à cerner. Mais une donnée
est certaine, c’est qu’une telle société n’a pas d’existence réelle. Elle repose alors sur une
simulation qui fait croire aux tiers en la réalité d’une société qui n’existe qu’en apparence244.

En effet, plusieurs tentatives doctrinales ont intervenu à cet égard. Parmi ces
tentatives, on expose la définition posée par Robert Plaisant qui a essayé de la définir en ces
termes « la société fictive est celle qui constitue un masque pour l’activité d’un individu,
maître de l’entreprise, dont le patrimoine se confond en fait avec celui de la société, les
associés n’étant que des simples figurants »245.

Toutefois, malgré les efforts doctrinales à la recherche d’une définition claire et nette
de la notion de société fictive, cette notion demeure, ambiguë surtout dans le cadre du groupe
des sociétés. Cette ambigüité justifie les explications théoriques données par le ministre de la
justice, à l’occasion de la discussion de la loi de 2001. Ainsi, ces explications ont précisé,
d’une part, les critères de fictivité, et d’autre part, la société ou les sociétés concernées par
l’extension des procédures collectives. Dans ce cadre, trois critères ont été avancés246 :

- Les projets qui représentent l’objet social de la société fictive et qui sont dénués de
sérieux.

-L’absence de participation réelle au capital.

- L’absence de l’affectio societatis.

En effet, on déduit que le critère de contrôle constitue un critère essentiel et légal pour
prouver la fictivité de la société filiale, notamment, la participation réelle au capital.
Autrement dit, le contrôle capitalistique est un critère évident, à défaut duquel la société filiale
est qualifiée de fictive.
244
NEJIB FEKI, article précité, p.126.
245
ROBERT PLAISANT, note sous Cass.Civ du 14 décembre 1944, cité par NEJIB FEKI,
article précité, p.126.
246
Dans le cadre des débats parlementaires précités, la réponse à la question 25 à propos
l’article 478, p.104. «‫الشركة المدينة هي شركة وهمية ال وجود لها في الحقيقة لعدم جدية المشروع الذي يمثل موضوع تلك‬
‫»الشركة و عدم وجود مساهمات حقيقية في رأس مالها و انعدام نية االشتراك‬

76
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Cependant, la jurisprudence française a adopté d’autres critères de contrôle pour


prouver cette fictivité. Elle fait référence aux critères organiques telles que, la communauté
des dirigeants247, la similitude des activités 248, la participation quasi-totale, l’identité de
dénomination sociale249 ou encore l’identité du siège social.

Cette distinction nous amène à nous interroger sur le fait de savoir quelle est la
référence la plus adéquate pour qualifier une société filiale de fictive et par la suite de la faire
encourir la responsabilité à la charge delà société mère ? Est-ce le critère de contrôle
capitalistique ou le critère organique ?

Ces points d’interrogation, n’ont généré aucune réponse décisive. Toutefois, ils ont
pour conséquence de fragiliser le critère de contrôle organique qui parait insuffisant pour
établir la fictivité de la société filiale. Pour cette raison, les juges font référence au critère
fonctionnel, critère plus large, démontrant l’exercice d’un contrôle abusif de la part de la
société mère. Un contrôle abusif qui montre la subordination totale de la société fictive,
l’absence de fonctionnement de ses organes250, ou encore l’absence d’activité distincte de
cette même société par rapport à celle de la société mère251.

Cependant, il convient de signaler qu’en réalité cette société fictive n’est jamais
soumise au contrôle de la société mère surtout que cette société n’a juridiquement aucune
existence. De ce fait, la référence au critère fonctionnel de contrôle, pour déterminer la
fictivité de la société filiale, n’a aucun sens. Ainsi, le critère de contrôle capitalistique
consacré par le législateur tunisien devient plus adéquat pour servir de référence. Aussi,
l’absence de participation réelle au capital de la société filiale conduit amplement à la
qualification de fictivité. Dans ce sens, cette dernière n’est qu’« une simple marionnette »252
entre les mains de la société mère, ce qui la conduit à paraître comme une société de façade et
comme une victime.

247
Cass.Com, 29 Mai 1990, Bull. Jolly, 1990, p.801.
248
Cass.Com, 14 November 1997, Bull. Jolly, soc 1998, p.57.
249
C.A Paris, 11 janvier 1994, Bull. Joly 1994, p.317.
250
Faute de réunion de l’assemblée générale, de l’information des associés, ou de prise de
décision.
251
La fictivité peut découler de l’état de dépendance totale à l’égard d’une source étrangère
de capitaux. Ainsi, une société mère venait à combler régulièrement les besoins de
trésorerie de sa filiale.
252
C.A. Paris, 21 Novembre 1989, Bull. Jolly 1990, p.186 ; arrêt cité par CHARLEY
HANOUN, « Redressement et liquidation judiciaire groupe de sociétés », J. cl. Com., Fasc.
3190, n°45, p.20.

77
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

A ce stade, il est normal d’étendre le redressement ou la liquidation judiciaire à la


société mère, c’est la société qui a donné l’apparence d’être associée dans la société fictive ou
qui a omis, par sa négligence et son inertie, de lever la confusion qui résulte de l’apparence
donnée au tiers.

En définitive, malgré que le critère de contrôle parait un critère évident d’imputation


civile pour imputer la responsabilité civile à la société mère, il reste insuffisant et son
insuffisance varie au cas par cas selon la nature du contrôle exercé.

Par ailleurs, contrairement à cette évidence au domaine civil, au domaine pénal le


critère de contrôle est un critère relatif pour imputer une responsabilité pénale à la société
mère.

Chapitre 2 : Le critère de contrôle est un critère


relatif d’imputation pénale
« Que l’idée de responsabilité soit une des valeurs clés des sociétés démocratiques,
c’est l’évidence ». En revanche la responsabilité n’est pas toujours absolue. En se basant sur
le critère de contrôle, critère moteur au sein du groupe de sociétés, l’application des règles
régissant certaines infractions parait d’une part nécessaire pour établir la responsabilité pénale
parfois à l’encontre de la société mère, et d’autres fois sur ses dirigeants, et d’autre part, elle
doit être écartée pour légitimer certaines infractions et exonérer la personne impliquée de la
responsabilité pénale.

78
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

De ce fait, le traitement du groupe de sociétés, en se basant sur ce critère de contrôle et


dans la cadre de droit pénal, ressemble à une pièce de monnaie dont la première face offre une
exonération et la deuxième cache une incrimination.

On peut affirmer que cette incrimination pour établir une certaine responsabilité pénale
n’est que relative. Dans ce sens, le critère de contrôle parait d’une part un critère pour établir
la responsabilité pénale (section1) et d’autre part un critère d’exonération de cette
responsabilité (section2).

Section 1 : le critère de contrôle est un critère pour


établir la responsabilité pénale

Le droit pénal ne pourrait demeurer insensible aux éventuelles déviances lors de tout
détournement du contrôle disposé par la société mère sur la filiale et devant une déviation de
la finalité économique déterminée pour le groupe.

Une telle nécessité d’intervention du droit pénal contre ce détournement sera


envisagée par la consécration du principe de la légalité des infractions et des peines selon
lequel il n'y a pas de crime, il n'y a pas de responsabilité et puis il n’y a pas de peine sans
une loi qui les prévoie.

Ainsi, le législateur intervient, pour fournir une assise juridique adéquate contre ce
détournement permettant d’incriminer certains faits propres au droit des groupes de sociétés
(paragraphe1) ; et d’autres faits qui sont très répandus dans le monde des groupes mais
classiques au droit des sociétés commerciales (paragraphe2) ;et ce afin d’établir la
responsabilité pénale à l’encontre de celui qui commet ces infractions.

Paragraphe 1 : Une responsabilité pénale pour des


infractions propres au droit des groupes de sociétés

À la lumière de l'absence quasi totale de dispositions pénales dissuasives, dans le cadre


du titre 6 du CSC intitulé groupe de sociétés, relatives aux délits susceptibles de survenir des
relations enchevêtrées entre ses sociétés qui le composent, on peut confirmer l'intervention du
législateur à deux occasions, l’une dans l’article 479 du CSC selon lequel il consacre
explicitement une responsabilité pénale des dirigeants de la société mère (A) et l’autre dans

79
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

l’article 464 du CSC où il consacre implicitement une responsabilité pénale dont


l’établissement varie quel quels fois à l’encontre de la société mère et dés fois à l’encontre de
ses dirigeants (B).

A- Des infractions fondées sur l’article 479 du CSC

L’article 479 de CSC stipule que « Sont punis d'une amende de cinq mille dinars les
gérants, présidents-directeurs généraux, directeurs généraux et membres de directoires des
sociétés concernées qui n'ont pas avisé l'autre société des participations dépassant les
fractions visées aux articles 466, 467 et 468 du présent code ou qui n'effectuent pas les
procédures édictées à l'article 472 ci-dessus. Sont, également, passibles de la même amende
les présidents directeurs généraux, directeurs généraux et membres de directoires des
sociétés holdings qui ne procèdent pas à la publicité de la perte de cette qualité par la société
à raison de l'exercice par celle-ci d'activités autres que celles visées à l'article 463 du présent
code ».

On déduit des termes de cet article, trois infractions passibles de la même sanction
pénale d’une amende de cinq mille dinars. En effet, ces infractions consistent en :

1. Les participations réciproques interdites

2. Le non-respect des procédures exigées par l’article 472 du CSC, autrement dit
la non-publicité des comptes consolidés et du rapport de gestion du groupe.

3. La non-publicité de la perte de qualité de Holding.

En effet, en revenant aux articles 466, 467, 468 et472 du CSC, ces infractions seront
imputées à la société mère compte tenu des obligations exigées par ces articles et mises à sa
charge et, en principe, en cas de dérogation à ces obligations une responsabilité pénale sera
établie à son encontre.

Ainsi, cette sanction est bien marquée dans le cadre des participations réciproques qui
sont effectuées au profit de la société de tête, lors de l’exercice de contrôle, et reflète
l’exercice abusif du contrôle. En effet, la société mère, en tant que gérante d’une SARL
filiale, grâce au contrôle organique disposé, doit assumer sa responsabilité pénale et payer par
la suite l’amende de cinq mille dinars, chaque fois que la SARL filiale acquiert des

80
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

participations dépassant les fractions légales sans aviser l’autre société filiale de ce
dépassement253.

Toutefois, cet article ne vise que la société mère en tant que dirigeant de droit, et
exclue alors la qualité de dirigeant de fait pour assumer sa responsabilité pénale pour telle
infraction. Malgré que la société mère, en tant que dirigeant de fait, peut être encore plus
derrière l’accomplissement de cette infraction et la négligence d’informer la société
concernée.

Par ailleurs, si l’admission du critère de contrôle pour imputer l’infraction à la société


mère et mettre à sa charge une responsabilité pénale, dans le cadre des participations
réciproques, ne pose pas une grande interrogation, il pose en revanche un vrai problème dans
le cas de dérogation des procédures de publicité qui sont tenues par la société mère en tant que
société contrôlante sur toutes les sociétés du groupe et sur la gestion de ce dernier. En effet, ce
problème réside dans la séparation entre l’imputation de l’infraction de non-respect des
procédures de publicité à la société mère 254 et l’application de sanction à l’encontre de son
dirigeant. Dans ce sens, la société mère, en tant que société contrôleur, ayant des filiales à
l’égard desquelles elle exerce son contrôle, est obligée de ce fait de publier les comptes
consolidés et le rapport de gestion du groupe et d’informer les tiers sur la perte de sa qualité
de holding255, faute de quoi elle sera considérée l’auteur de cette infraction. Mais, la sanction
par une amende de cinq mille dinars sera infligée à son dirigeant au lieu d’elle, malgré que ce
genre de sanction pécuniaire se correspond vivement avec la nature de la société mère
personne morale256.

Suite à cette analyse, on peut déduire que le critère de contrôle, adopté pour établir la
responsabilité pénale de la société mère, dans le cas de détention de participations interdites

253
Article 467 du CSC «Une société, autre qu'une société par actions, ne peut posséder
d'actions d'une société par actions, si celle-ci détient une fraction de son capital supérieure à
dix pour cent. En cas d'inobservation des dispositions de l'alinéa premier du présent article,
la société acquéreuse est tenue d'en aviser l'autre dans un délai ne dépassant pas quinze
jours à compter de la date d'acquisition et d'aliéner ledit investissement dans un délai ne
dépassant pas un an à compter de la date d'acquisition, elle ne peut, en outre, exercer les
droits de vote rattachés auxdites actions, jusqu'à l'aliénation ». 
254
Article 463 et 472 du CSC.
255
AJMI BEL HAJ HAMOUD, « De quelques aspects de droit pénal dans le CSC : liquidation
et groupe de sociétés », RTD, 2002, p.16.
256
Cette hésitation législative entre la pénalisation et la dépénalisation de la personne
morale, d’une part, revient au manque de principe général de la pénalisation de la personne
morale et, d’autre part, étend sur le plan doctrinal ainsi un grand débat doctrinal se pose à
propos cette question.

81
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

dans le capital d’une autre société filiale, parait plus large que celui adopté dans le cas de
manque de poursuite des procédures de publicité.

Après avoir présenté ces différentes infractions, on peut se demander si les


transgressions susceptibles d'être soulevées au sein du groupe de sociétés sont résumées
uniquement dans l’article 479 du CSC ? Autrement dit si les dispositions de ce dernier article
sont suffisantes pour protéger l'ensemble souhaité des intérêts légitimes résumés dans le droit
d’informer les actionnaires ou associés et les tiers 257?

Pour répondre à cette question, on se réfère à l’article 464 du CSC qui présente
implicitement un souci sanctionnateur par le législateur dans le cadre des infractions fiscales
et de la concurrence déloyale commises par la société mère.

B- Des infractions fondées sur l’article 464 du CSC

L’article 464 prévoit que « Le groupe de sociétés ne peut avoir de finalité contraire à
la loi, telle que celle d'éluder l'impôt ou l'atteinte aux règles de la concurrence ».

En fait, cette disposition intervient pour faire face au groupe de sociétés, et qui est
devenue une formule idéale pour inventer des situations conduisant à des infractions d'évasion
fiscale. Ces infractions sont envisagées, essentiellement, par une décision issue de la société
mère, pour échapper au paiement des taxes sur les bénéfices, en procédant d'une manière ou
d'une autre à la réduction des bénéfices soumis à l’impôt, en bénéficiant d’exonérations non
méritées ou aussi si une fraude fiscale ou une évasion fiscale est établie.

Ainsi, cette imputation à l’encontre delà société mère peut être expliquée par le fait
que cette dernière, détentrice d’une participation à hauteur de 75% en capital de la filiale, et
qui est obligée par la force de la loi d’intégrer les résultats de toutes les filiales 258, peut profiter
de ce cadre pour commettre ces infractions, ce qui exige, en principe, l’établissement de sa
responsabilité pénale et l’application de sanctions à son encontre.

Toutefois, en l’absence de toute consécration législative à ce propos, lorsqu’on se


réfère aux articles 94, 98 et 101 du CIRPPIS, on n’trouve pas l’application des sanctions
d’amende et d’emprisonnement, et cette sanction d’amende ne s’applique qu’à une personne

.247.‫ ص‬،‫ مقال من مرجع سابق‬،»‫ «القانون الجزائي و تجمع الشركات‬،‫عبد العزيز الفزاني‬ 257

258
Article 49 du CIRPPIS

82
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

physique, à savoir le dirigeant de la société mère. Elle ne s’applique pas à la société mère en
tant que personne morale.

De surcroit, le groupe de sociétés est considéré comme une formule spéciale pour la
constitution de cartels pouvant affecter de manière significative la liberté de concurrence.
Ainsi, la société mère intervient dans ce cadre pour contourner la loi, en s'appuyant sur la
multiplicité de ses sociétés et le contrôle qu'elle exerce sur elles, et commet des pratiques
restrictives et d’autres anticoncurrentielles, notamment l’abus de position dominante. Par
conséquent, ce contrôle peut
être retenu comme critère de qualification de
tout comportement restrictif

et
anticonc
83
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

urrentie
l , dont la société mère parait comme auteur d’infraction d’entente prohibée et d’abus de

domination, et responsable en principe pénalement.

De prime abord, on note que « l’entente demeure toujours une anomalie »259. D’où il y
a des cas de figure, où la société mère, bénéficiant du contrôle qu’elle détient sur la société
filiale, exerce un usage frauduleux dans le cadre des conventions intragroupes conclues avec
des sociétés filiales à son profit et pour gêner les tiers. En effet, ces accords conclus, au lieu
qu’ils se limitent à régir les relations internes en vue de bon fonctionnement 260 du groupe,
tendent à introduire des obstacles à leurs possibilités de commerce et de concurrence261.

Mais, il Ya une question qui se pose concernant l’incrimination d’entente prohibée


effectuée par une société mère et une autre filiale ou un ensemble de filiales, à savoir: qui va
assumer la responsabilité ?

De surcroit, cette question est encore posée dans le cadre d’abus de domination.

259
LOUIS VOGEL, « droit de la concurrence et concentration économique », RIDC,
Economica, 1990, p.87.
260
Ibid., p.79.
261
WAJDI KOSSENTINI, « le groupe de sociétés et le droit de la concurrence », Etudes
juridiques, 2003, N°10, p.341 et 342.

84
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

En fait, l’abus de domination englobe deux incriminations, la première s’apprécie par


référence à un marché, et qui est l’abus de position dominante, la deuxième s’apprécie dans
les relations intragroupes, et qui est l’abus de dépendance économique.

Concernant l’abus de position dominante, on fait signaler au début qu’ « une position


dominante peut être le fait non seulement d’une seule entreprise agissant unilatéralement,
mais aussi de deux entreprises ou plus qui, agissant de concert, occupent une position de force
sur le marché ou bien ont intérêt à agir de concert pour occuper ensemble une telle
position »262, c’est la position dominante collective.

Par la suite, il est notamment recherché si les sociétés peuvent être considérées comme
une entité collective, dans la mesure où il existe entre elles des liens économiques assurant un
contrôle exercé par la société mère sur les sociétés filiales.

De même, le même critère a été adopté par le conseil de la concurrence à l’occasion de


l’affaire verre optic n°2142 du 25 septembre 2003 pour qualifier un abus de position
dominante collective. En l’espèce, le fait que l’une des sociétés défenderesse détient dans
l’autre une participation à concurrence de 70%, fait de deux entités un groupe de sociétés
susceptible de créer une position dominante collective contraire aux dispositions de la loi sur
la concurrence ainsi qu’à l’article 464 du CSC.

Cependant, le législateur ne donne aucune définition à propos de cette exploitation


abusive, il cite uniquement une liste d’exemples qui consistent notamment en refus de vente
ou d’achat, en ventes ou achats liés, en l’imposition d'un prix minimum pour la revente, en
l'imposition des conditions de vente discriminatoires ainsi que la rupture de relations
commerciales sans motif valable ou au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à
des conditions commerciales abusives263. Une fois, l’existence de la position dominante est
prouvée à partir du critère de contrôle, l’exploitation abusive de celle-ci peut être
sanctionnée264.

En effet, tant au niveau des ententes prohibées qu’au niveau de l’abus de position
dominante, on peut répondre à la question relative à la responsabilité et à qui la sanction doit
262
MONCEF BEN ZAIED,  « droit du marché », cours de deuxième année mastère de
recherche en droit privé, faculté de droit et des sciences politiques de Sousse, 2020/2021.
263
Article 5 de la Loi n° 2015-36 du 15 septembre 2015 relative à la réorganisation de la
concurrence et des prix, JORT, 22 et 29 septembre 2015, p.2320.
264
JAOUIDIA GUIGA, « le droit tunisien de la concurrence à l’ère de la mondialisation »,
centre de publication universitaire, 2002, p.85.

85
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

être infligée, par « lorsqu’une filiale est partie dans l’accord prohibé, son appartenance à un
groupe n’est pas neutre. En effet, bien que le principe soit de sanctionner l’entreprise ayant
directement participé à l’entente, il est admis que la sanction soit infligée à la société mère s’il
est démontré que la société filiale a agi sur ses instructions ou avec son consentement »265.Et
puis, le conseil va appliquer l’article 43 de la loi sur la concurrence et la réorganisation des
prix, qui consacre une amende pécuniaire.

De plus, concernant l’abus de dépendance économique, la société mère, et par le biais


du contrôle, établit une relation de dépendance avec ses filiales, dans un sens où, la société
mère ayant la qualité de fournisseur par rapport à sa filiale distributeur, peut avoir recours à
un abus de ladite dépendance et ce en prévoyant des conditions discriminatoires face à cette
filiale266. Egalement, et à l’instar de l’abus de position dominante, l’abus de dépendance
économique exploitée par la société mère nécessite d’établir sa responsabilité et d’appliquer
sur elle l’amende pécuniaire consacrée par l’article 43 de la loi précitée.

Une responsabilité pénale assumée, soit par la société mère soit par ses dirigeants,
n’est pas fondée uniquement sur les infractions propres au droit des groupes des sociétés, mais
elle est aussi fondée sur des infractions qui sont classiques au droit des sociétés commerciales
et commises même entre des sociétés isolées.

Paragraphe 2 : Une responsabilité pénale pour des


infractions classiques au droit des sociétés commerciales

Il existe des infractions classiques au droit des sociétés commerciales, très courantes et
répandues dans la gestion du groupe. Ainsi, certaines de ces infractions peuvent être
accomplies lors du fonctionnement normal de la société filiale(A), et d’autres peuvent être
réalisées lors de son fonctionnement anormal, ce qui exige l’ouverture des procédures
collectives et plus précisément la cessation de payement (B).
265
LAURE NURIT-PONTIER, op.cit, p.121.
266
Les abus peuvent être liés à la menace de rupture commerciale pratiquée par certaines
grandes surfaces. Si les fournisseurs refusent de se soumettre à des exigences dérogatoires
à ces conditions générales de vente. Aussi, les abus peuvent être issus d’une rupture
abusive des relations commerciales, pratiquée souvent par des entreprises de la grande
distribution qui disposent d’une forte puissance d’achat vis-à-vis de leurs fournisseurs.

86
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

A- Des infractions commises au cours du fonctionnement normal


de la société filiale

Ayant un fonctionnement différant de celui des sociétés isolées et avec le contrôle


exercé par la société mère, le groupe a des incidences très importantes sur le rôle dévolu aux
organes de gestion.

Ainsi, les dits organes se composent exclusivement ou en majorité par ceux de la


société mère ou au moins pars des membres qui agissent en étroite collaboration avec les
dirigeants de la société mère. Ces organes de la société filiale, dont les pouvoirs sont
extrêmement réduits, répondent des actes qui leurs sont imposés par la société mère.

Toutefois, cette domination peut engendrer un danger, comme par exemple le fait que
les opérations financières réalisées entre eux soient l’occasion de spolier la société filiale au
profit de la société mère. En effet, la société mère profite de sa position avantageuse pour
imposer à sa filiale des opérations préjudiciables à l’intérêt de cette dernière et qui
s’inscrivent dans l’unique destin.

Dans ce contexte, l’abus dans la réalisation de ces opérations peut se manifester soit
par la fixation d’un taux d’intérêt anormal267 , soit par la conclusion d’une opération qui
expose la filiale à des risques disproportionnés par rapport à sa situation financière268.

Dans tous les cas, ces infractions d’abus, dans le cadre des opérations financières, sont
commises suite à la dérogation des conditions exigées par l’article 474 du CSC afin de
légaliser les opérations financières au sein du groupe.

267
La jurisprudence française n’a pas hésité à condamner cette pratique sous l’angle de
l’abus des biens sociaux ou l’abus des pouvoirs. Ainsi, dans un arrêt ancien rendu par la
cour de Rouen, datant de 17 mars 1970, la société mère a profité de la majorité des voix
qu’elle détient dans le capital de la filiale et malgré la situation économique très critique
(situation déficitaire durant les deux dernières années) a décidé l’octroi à une autre société
dans laquelle elle est actionnaire d’un prêt avec un taux de 3.5 % ramené par la suite à 2% ,
ce taux n’a pas été respecté ultérieurement et le défaut de remboursement à contribuer à
compromettre la situation de la société prêteuse.
268
La société mère prêteuse et à coté des gains réalisés pendant la période du prêt, elle
pourrait suite à la survenance d’une difficulté financière imprévue imposer à sa filiale un
remboursement prématuré. Dés lors, celle-ci serait obligée de suspendre son
investissement ou même faire recours à un emprunt bancaire coûteux pour désintéresser ce
besoin.

87
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Par conséquent, ces pratiques sont manifestement contraires aux intérêts de la société
filiale et tombent sous le coup de la loi pénale, essentiellement pour l’infraction d’abus des
biens sociaux269 et des infractions voisines tels que l’abus des crédits ou l’abus des pouvoirs.

Ainsi, la question de base qui doit être posée ici est de savoir qui va assumer la
responsabilité pénale pour ces infractions précitées ?

Lorsque la société mère était nommée dirigeant de l’une de ses filiales, auquel cas elle
est tenue de nommer un représentant permanant et qui sera alors une personne physique, les
infractions commises par cette personne interposée, en recevant les ordres de la société qu’il
représente, et en agissant dans le cadre de sa mission, peuvent-elle n’engager que la
responsabilité de la société mère ? Et la personne physique peut-elle invoquer la qualité de
dirigeant de la société mère pour engager la responsabilité de cette dernière ?

Contrairement, au cas où la société filiale est dirigée par un dirigeant commun à la fois
pour elle et pour la société mère, dont la responsabilité pénale sera encourue par cette dernière
et ne posera aucune interrogation d’imputabilité, la réponse à cette question est négative
puisque la société mère n’a aucune volonté propre et la sanction pénale consacrée par l’article
223 du CSC ne correspond jamais à sa nature virtuelle. Raison pour laquelle, le dirigeant de la
société filiale, personne interposée par la société mère, doit assumer sa responsabilité pénale.

De surcroit, la même question d’imputabilité est encore posée dans le cas ou la société
mère parait comme un dirigeant de fait de la société filiale. Dans ce cadre, en droit tunisien,
les textes répressifs ne retiennent pas cette responsabilité de dirigeant de fait. Contrairement,
au droit français qui parait en avance en consacrant la responsabilité pénale au dirigeant de
fait depuis la promulgation de la loi du 24 juillet 1966 relative à la société commerciale 270, qui
a étendu la sanction pénale à toute personne ayant effectivement pris la direction de la société
sous couvert de son dirigeant de droit.

269
JEAN JARC MOULIN, « Droit des sociétés et des groupes »,7ème éd, 2013-2014, éd-
Gualino Lextenso, Paris, p.225. « L’abus des biens sociaux est, le fait, pour les dirigeants, de
faire, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour
favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou
indirectement ».
270
L’article 431 de la loi du 24 juillet 1966 dispose que : « les dispositions des articles 424 et
429 sont applicables à toutes personne, qui, directement ou par personne interposée aura,
en fait, exercé la gestion d’une société à responsabilité limitée sous le couvert ou au lieu et à
place de son gérant légal ».

88
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Par conséquent, devant ce silence législatif, le dirigeant de fait peut commettre des
transgressions sanctionnées légalement en se couvrant par le dirigeant de droit et peut
repousser la responsabilité sous prétexte que le droit ne la consacre pas expressément271.

En attendant de promulguer un texte consacrant cette responsabilité pénale, on peut


admettre d’autres solutions. Ainsi, une solution doctrinale fait appel à envisager cette
responsabilité sous l’angle de la complicité prévue par le code dans son article 32 pour le cas
de celui qui a incité à la prise de la décision délictueuse 272. A titre d’exemple, les dirigeants de
la société mère, en tant que dirigeants de fait, peuvent être tenus pour responsables
pénalement du délit commis au sein d’une filiale tout comme l’actionnaire majoritaire
ordonnant, de fait, l’opération frauduleuse.

Par ailleurs, une autre solution jurisprudentielle, à travers une décision rendue par la
cour d’appel de Sfax datée en 19 mars 1990 273, sera mise œuvre. Elle a, en fait, condamné le
dirigeant de fait en tant qu’auteur principal à côté du dirigeant de droit condamné en tant que
complice pour avoir commis plusieurs infractions qui mettent en cause l’intérêt de la société
avec un encouragement de la part des dirigeants de droit. En application de cette solution, le
dirigeant de la société mère, en tant que dirigeant de fait de la société filiale, sera condamné
comme auteur principal à côté du dirigeant de droit de cette dernière qui sera condamné en
tant que complice.

La société mère, quelle que soit sa qualité en sein de sa filiale, peut commettre aussi
bien des infractions lors du fonctionnement normal de cette dernière, que d’autres lors du son
fonctionnement anormal.

B- Des infractions commises au cours du fonctionnement anormal


de la société filiale

Souvent, il arrive que la société mère réalise une opération financière avec une société
filiale, et il s’avère par la suite que cette dernière était en cessation de paiement pendant la
réalisation de la dite opération.

.180.‫ ص‬،‫مرجع سابق‬  ،‫أمال الصيد‬ 271

272
JEAN-CHRISTOPHE SAINT-PAU, « l’insécurité juridique de la détermination du
responsable en droit pénal de l’entreprise », Gaz. Pal., 10 février 2005, n°41, p.7 et suivant.
‫ مقتطف من كتاب‬،) ‫ (غير منشور‬1990 ‫ مارس‬19 ‫ عن محكمة االستئناف بصفاقس بتاريخ‬5447 ‫ قرار إستئنافي جزائي عدد‬273
. 268.‫ ص‬،‫ مرجع سابق‬،‫أمل الصيد‬

89
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Par conséquent, cette situation nous conduit forcément à parler de l’infraction de


banqueroute qui exige l’ouverture des procédures collectives et plus précisément la preuve de
la cessation de payement.

D’ailleurs, la notion de cessation de payement est une notion centrale en matière de


procédures collectives, mis à part le sauvetage et la faillite, ce qui confirme une nécessité
certaine de lui attribuer une définition précise274.

Dans ce contexte, le législateur tunisien, par la loi n°36 de 2016, en réunissant les
procédures collectives, a conservé la même définition élaborée par l’article 434 du CC. Ainsi,
il stipule que « Est considérée en état de cessation de payement, au sens du présent titre, toute
entreprise qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec sa
liquidité et ses actifs réalisables à court terme ».

En fait, la détermination de la date de cessation de payement de la société filiale


présente un intérêt notable chaque fois qu’il s’agit d’une étude de la validité de l’opération
financière réalisée entre cette société et sa mère275. Ainsi, supposons qu’après l’ouverture du
règlement judiciaire ou de la faillite contre la société filiale, le juge prévoit que la date de
cessation de paiement est antérieure à la date de réalisation de l’opération financière, cette
opération sera alors considérée comme un détournement des biens de la société filiale, qui est
l’un des éléments constitutifs de l’infraction de banqueroute276.

274
KHELIFA KHARROUBI, « la notion de cessation de paiement en proie aux réformes du
droit des procédures collectives », RTD, 2001, p.309.
.252.‫ ص‬،‫ مقال من مرجع سابق‬،‫ عبد العزيز الفزاني‬275
‫راءات‬c‫انون اإلج‬c‫ات في ق‬c‫» دراس‬ ‫اعي‬c‫ع جم‬c‫ف من مرج‬c‫ال مقتط‬c‫ مق‬،»‫بب في اإلفالس‬c‫رائم التس‬c‫ « التجديد في ج‬،‫ أمال الصيد‬276
.242.‫ ص‬،2020 ،‫ تونس‬،‫ مجمع األطرش‬،«  ‫الجماعية‬

90
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Par ailleurs, selon les articles 288277 et 290278 de CP, cette infraction exige comme
sanction un emprisonnement de 5 ans ou de 2 ans à l’encontre de tout dirigeant de droit et de
fait qui était l’auteur de cette infraction.

Toutefois, on peut noter que cette solution répressive fait exonérer la société mère, en
tant que dirigeant de droit, de la responsabilité pénale et seule la personne interposée qui va
assumer cette responsabilité. De plus, la société mère, en tant que dirigeant de fait, n’assume
aucune responsabilité et c’est le dirigeant de droit, personne physique, qui assume cette
responsabilité. Cette exonération est due en fait à la nature de la sanction infligée qui ne
correspond jamais avec la nature virtuelle de la personne morale.

De ce fait, on peut conclure que même si le droit pénal présente des avantages
multiples concernant l’infraction de banqueroute commise, il néglige en revanche la
responsabilité pénale de la société mère en tant que personne morale,« ce qui constitue un
vide juridique et fait de la responsabilité pénale un outil inefficace pour réprimer les délits de
banqueroute commis sous couvert d'une personne morale »279.

Si, en se basant sur le critère de contrôle, l'absence d'intervention du droit pénal pour
réprimer certains faits peut être considérée comme une inefficacité législative, elle présente,
toutefois, une efficacité pour légaliser certains faits.

Section 2 : Le critère de contrôle est un critère d’exonération de la responsabilité


pénale

La spécificité du groupe réside dans le contrôle exercé la société mère sur les filiales.
Ce contrôle peut mettre en échec en partie les règles régissant certaines infractions telles que
les pratiques anticoncurrentielles et les infractions sociétaires.

‫أنه أو في‬cc‫در في ش‬cc‫ا بخالص دين أو ص‬cc‫ركة حكم عليه‬cc‫انوني أو فعلي لش‬cc‫» يعاقب بالسجن مدة خمسة أعوام كل تاجر أو مسير ق‬277
‫شأن الشركة التي يسيرها حكم بالتسوية القضائية أو حكم بتفليسه أو بتفليس الشركة التي يسيرها أوارتكب بعد‬
: ‫حلول ذلك الدين أحد األفعال اآلتية‬
‫ إخفاء أو اختالس أو بيع بأقل من القيمة أو إعطاء أشياء من مكاسبه أو إسقاط دين له أو خالص دين صوري‬:‫أوال‬
،‫صوريا‬
ّ
،‫ االعتراف بديون أو التزامات كأنها حقيقية وكانت كلها أو بعضها صورية‬:‫ثانيا‬
.‫ ميّز أحد غرمائه بفائدة على الباقين‬: ‫ثالثا‬
‫ك‬cc‫وال و ذل‬cc‫ول على أم‬cc‫ القيام بشراء أشياء بغاية إعادة بيعها بثمن يقل عن متوسط ثمن السوق أو استعمال وسائل مهلكة للحص‬: ‫رابعا‬
‫بنية تجنب أو تأخير الحكم بفتح إجراءات التسوية القضائية أو بالتفليس‬
.  «‫والمحاولة تستوجب العقاب‬
278
‫ه في‬cc‫ذيره أو بمجازفت‬cc‫ذكورة بتب‬cc‫» يعاقب بالسجن مدة عامين كل مسير لمؤسسة فردية أو شركة تسبب في إفالس المؤسسة الم‬
.« ‫مضاربات ال تدخل في دائرة العمليات االعتيادية لتلك المؤسسة‬
.247.‫ ص‬،‫ مقال من مرجع سابق‬،‫أمال الصيد‬ 279

91
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Et c’est dans ce sens que ce contrôle peut être adopté comme un critère de
déqualification de ces faits répréhensibles normalement et par effet d’exonération de la
responsabilité pénale.

Ainsi, c’est dans le cas d’une entente prohibée et d’abus des biens sociaux que le
groupe de sociétés peut offrir une immunité contre les règles régissant ces faits.

En fait, cette immunité contre ces derniers faits conduit à une exonération restrictive
de la responsabilité pénale (paragraphe1) qui ne s’applique pas à toutes les infractions. Par
ailleurs, cette exonération restrictive n’est pas arbitraire, au contraire elle est encadrée
(paragraphe2)

Paragraphe 1 : Une exonération restrictive

L’exonération de la responsabilité pénale ne peut en aucun cas être absolue. Elle est
restrictive et se limite à certains faits qui sont à la base répréhensible. Ainsi, si cette
exonération est explicite (A) légalement pour les opérations financières intra-groupes à travers
l’article 474 du CSC, elle est implicite (B) pour d’autres faits.

A- Une exonération restrictive explicite

Comme nous l’avons évoqué précédemment, il est bien connu que la nature des
sociétés appartenant au groupe impose de réaliser de nombreuses opérations permettant
d’assurer leur bon fonctionnement afin d'atteindre les objectifs commerciaux sur lesquels s'est
bâtie leur tendance à se grouper.

Dans ce sens, plusieurs auteurs ont appelé à la promulgation des règles en adéquation
avec la particularité des relations et des intérêts convergents qui lient ces sociétés groupées en
vue d'atteindre les objectifs évoqués et avec les faits qui peuvent être à la fois émis par ces
dernières et considérés comme des infractions dans le cadre des sociétés distinctes.

Répondant à cet appel doctrinal, le législateur tunisien intervient à travers l’article 474
du CSC pour nier aux opérations financières, conclues entre les sociétés du groupe, la nature
dérogatoire aux dispositions de la loi réglementant les établissements de crédit.

92
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

Cependant, l’application stricte du monopole bancaire priverait, normalement, les


sociétés commerciales organisées en groupes, de l’utilisation optimale de leurs
disponibilités280. En effet, les opérations financières, d’encaissement et de crédit, relèvent du
commerce de l’argent, une activité monopolisée réservée légalement aux établissements
bancaires. Ce monopole principal a été envisagé par l’article 2 de la loi 67-51 du 07-12-1967
régissant la profession bancaire relative aux établissements de crédits, abrogé par l’article 17
de la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016 relative aux banques et aux établissements bancaires.

Par conséquent, la dérogation à cette disposition fait naître une infraction qui exige
l’application de l’article 183 de la loi précitée. Ainsi, cet article consacre une punition infligée
à toute personne qui exerce, à titre habituel, des opérations financières sans avoir la qualité
d’une banque et sans avoir obtenu un agrément au préalable. Cette punition consiste alors, à
une sanction d’emprisonnement de 3 mois et une amende de 100.000 dinars à 1.000.000
dinars ou l’une de ces peines seulement. Mieux encore, la BCT peut, après audition du
représentant de l’établissement ou de la société concernée, transmettre son dossier à la justice
en vue de la liquidation.

Toutefois, pour atténuer la rigueur de ce monopole et effacer cette incrimination, au


début la jurisprudence française a élaboré une position audacieuse, quasi-législative, en
réponse aux besoins financiers des groupes de sociétés. Ensuite, le législateur tunisien à
répondu à l’attente des opérateurs économiques par la promulgation de la loi de 2001-117 du
6 décembre 2001, en faisant suivre cet avis jurisprudentiel complétant le CSC, dont l’article
474 autorise explicitement la réalisation des opérations financières intra-groupes.

Ainsi, reproduisant l’état actuel de la jurisprudence française sur la question, l’article


474 du CSC détermine le domaine de ces opérations aussi diverses soient elles et prévoit leur
régime juridique.

Dans ce cadre, cette autorisation législative indique que cette exonération de la


responsabilité pénale n’est que restrictive. Une restriction qui est envisagée en premier lieu,
dans le domaine d’application limité de cette exonération et en deuxième lieu, dans
l’imposition de régime juridique. Ce domaine d’application se limite à la réalisation des
opérations financières par une société autre qu’une banque sans s’étendre à toutes les
infractions connues. De surcroit, le législateur n’autorise pas les opérations financières intra-

280
SAMI ELLEUCH, article précité, p.103.

93
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

groupes d’une façon absolue. Bien au contraire, il les a soumises à un régime juridique
particulier selon des conditions particulières et sous peines pénales en cas de dérogation à ce
régime.

Vu quelle législateur se limite explicitement à l’irresponsabilité pénale pour la


réalisation des opérations financières intra-groupes, on déduit de la consécration, tant
jurisprudentielle que doctrinale, l’irresponsabilité pénale pour d’autres faits répréhensibles
normalement. Et ce serait un moyen légal implicite pour échapper à la loi pénale.

B- Une exonération restrictive implicite

1- Une exonération subjective

« Le groupe de sociétés ne jouit pas de la personnalité juridique »281. En effet, ce


groupe qui est par définition constitué par des entités juridiques autonomes et soumises au
contrôle de la société mère n’est pas un sujet de droit. Et par nature, il n’a pas vocation à le
devenir282. Cette affirmation est d’autant plus incontestable qu’aucun système de droit ne lui
reconnaît la personnalité morale283.

Par conséquent, la responsabilité pénale du groupe de sociétés ne peut absolument pas


être retenue, c’est pour cette cause subjective qu’on a parlé d’exonération subjective.
D’ailleurs, cette responsabilité en tant que telle n’est en aucune manière prévue expressément
et les conditions exigées pour mettre en cause celle des personnes morales semblent
l’écarter284.

Donc, le groupe de sociétés ne peut pas être condamné en tant que tel, même si par le
jeu de la coaction et de la complicité, les différentes sociétés appartenant à un même groupe
pourront dans certains cas, être pénalement condamnées à la suite d’une infraction
principalement commise par l’une d’entre elles285.

281
L’article 461 du CSC alinéa 6.
282
WALID BEN SALAH, « la responsabilité des sociétés cotées en bourse et de leurs
dirigeants : études de droit comparé en Tunisie et en France », Thèse pour le doctorat en
droit privé, faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, 2011/2012, p.121.
283
ClAUDE DUCOULOUX-FAVARD, « Lamy droit pénal des affaires », Ed-Lamy, 2007, p.53.
284
WALID BEN SALAH, Thèse précitée, p.121.
285
MAGGY PARIENTE, « les groupes de sociétés et la responsabilité pénale des personnes
morales », Revue de sociétés, 1993, p.247.

94
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

2- Une exonération objective

Mis à part cette exonération subjective de la responsabilité pénale, une autre


exonération objective sera mise en œuvre. Ainsi, il s’agit de l’exonération pour des causes
objectives qui permettrait de dépénaliser certains faits répréhensibles normalement à savoir
les ententes prohibées et l’abus des biens sociaux.

De prime abord, on peut dire que l’interdiction de tout accord entre les sociétés du
groupe va se trouver en discordance avec le contrôle qu’exerce la société mère sur ses filiales
et la finalité du groupe qui est la réalisation de l’intérêt commun du dit groupe. Dans ce cadre,
« l’intérêt commun du groupe signifie qu’on va se sacrifier de la concurrence au profit de
l’intérêt du groupe »286. D’où le choix de la soustraction du comportement interne au groupe
de l’empire des règles régissant les ententes prohibées.

Dans ce cadre, l’entente qui vise à limiter l’accès de la société filiale, contrôlée, au
marché ou le libre exercice de la concurrence par la société mère peut ne pas être considérée
comme une entente prohibée287.

A ce titre, on peut noter l’exemple de la distribution sélective : quand un fournisseur


choisit ses distributeurs en fonction d’une image qualitative pour faire. Ainsi, on ne peut pas
parler de ce genre d’entente entre filiales au sein d’un même groupe, comme entente prohibée.
Toutefois, on ne prohibe l’entente que lorsqu’il s’agit de plusieurs entreprises distinctes288.

Ensuite, la jurisprudence française a su trouver un débouché juridique étroit pour


légitimer l'abus des biens sociaux d’une société en raison de l'affiliation de cette dernière au
groupe de sociétés.

Ainsi, depuis l'arrêt d’Allouche et Rozemblum289 , la jurisprudence française s'est


arrêtée sur l'idée d'admettre la notion de groupe de sociétés en général et le contrôle exercé
dans son cadre en particulier comme motif effectif pour qualifier les opérations pouvant

، 2004/ 2003 ،‫اء‬cc‫ األعلى للقض‬c‫د‬c‫رج من المعه‬cc‫الة تخ‬cc‫ رس‬،»‫ادية‬cc‫ع التكتالت االقتص‬cc‫ « حماية المتعاملين م‬،‫ نورة بوعواجة‬286
.175.‫ص‬
287
Article 5 de la loi Tunisienne n°2015-36 du 15 septembre2015, relative à la réorganisation
de le concurrence et des prix « sont prohibées, les actions concertées, les cartels, et les
ententes expresses ou tacites ayant un objet anticoncurrentielles et lorsqu’elles visent à :
2- limiter l’accès au marché à d’autres entreprises ou le libre exercice de la concurrence »
288
JOUIDA GUIGUA, « Que Sais-je du Droit de la Concurrence ? », éd-Latrach, 2017, p.29.
289
Cass. Crim. 04/02/1985.N° 84 581_91_ Bull. Crim. N°54. P.145. D. 1985. P.478.

95
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

constituer un délit d'abus des biens sociaux, et constituer un motif sérieux pour la légalisation
de ce délit.

A l’instar de la soustraction du comportement intra-groupe de l’empire des règles


régissant les ententes prohibées, la légalisation des biens sociaux s’est fondée aussi sur
l’intérêt du groupe. Dans ce sens, l’intérêt commun du groupe signifie qu’on va se sacrifier de
l’intérêt social d’une société filiale au profit de l’intérêt du groupe.

Toutefois, même si le contrôle exercé par la société mère sur les sociétés filiales est à
la base de l’immunité, on doit noter à ce propos que ladite immunité n’a pas été consacrée
expressément par le législateur, ce qui ouvre la porte à un encadrement nécessaire pour cette
immunité.

Paragraphe 2 : Une exonération encadrée

L’exonération de la responsabilité pénale, du comportement interne au groupe


envisagé par une entente prohibée, n’est pas arbitraire. Il faut que cette exonération soit
conditionnée (A). En effet, certaines conditions doivent être réunies pour la mise en œuvre de
l’immunité des accords intragroupes, ceci sans pour autant, oublier d’avancer les justifications
du principe de l’immunité, pour dire finalement que l’exonération doit être aussi justifiée (B).

A- Une exonération conditionnée

La levée du voile social doit demeurer exceptionnelle au sein du groupe de sociétés. Il


ne faut pas perdre de vue le fait que l’exercice de contrôle au sein du groupe de sociétés ne
constitue pas, en soi, un facteur d’immunité, sauf si certaines conditions sont réunies290.

Ainsi, la soustraction du comportement interne au groupe de l’empire des règles


régissant les ententes prohibées n’est pas arbitraire, mais il faut que des conditions soient
réunies pour la mise en œuvre de l’immunité des accords intragroupes.

En l’absence d’une définition légale de la notion d’entente prohibée, des définitions


doctrinales seront mises en œuvre, à savoir celle du professeur BOUTARD LABARDE qui la
définit comme « un concours de volonté entre entreprises suffisamment indépendantes les
unes des autres pour pouvoir décider de manière autonome de leur comportement sur le

290
NISSAF HAMMAMI LEHYANI, thèse précitée, p.100.

96
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

marché, de qui exige en principe un concours de volonté tendant à restreindre la concurrence


ou dont la réalisation est tout simplement susceptible de consommer cette finalité291 .

En se basant sur cette définition, on note que l’entente prohibée exige essentiellement
l’autonomie des parties, d’où on peut déduire que pour échapper à la soumission des règles
régissant les ententes prohibées, concernant l’accord intragroupes, on doit garantir la
dépendance des filiales à l’égard de la société mère et plus précisément le contrôle exercé par
la société mère sur ces dernières, et ce dans le but d’assurer une unité de décision292.

Dans ce sens, le législateur, à travers l’article 461 du CSC, en consacrant l’intérêt du


groupe et l’unité de décision, produit que la limitation de la concurrence au sein du groupe,
accepte le caractère légal des accords entre les sociétés du groupe.

De ce fait, l’intérêt commun entre ces sociétés, en plus du contrôle exercé par la
société mère sur ses filiales, est un critère d’immunité des accords intra-groupes contre les
règles de droit de la concurrence relatives à la prohibition des ententes.

Quant à l’abus des biens sociaux, la jurisprudence française a essayé d’ajuster les
conditions d’exonération de la responsabilité pénale, pour dire aussi que l’infléchissement du
droit pénal par le phénomène du groupe de sociétés en cas d’abus des biens sociaux est
forcément conditionné et que la légitimation de cet abus n’est pas arbitraire.

En effet, la jurisprudence française s’est installée à la nécessité de prouver une


condition primordiale qui est l’appartenance des sociétés à une structure déterminée, à savoir
le groupe de sociétés. Cette condition primordiale s’est résumée en la présence d’une structure
soumise au contrôle dominant exercé par la société mère.

De plus, afin que cette condition soit complète, il est nécessaire de prouver la
réalisation d’un intérêt commun et c’est ce qui a été dit par la cour de cassation française dans
son arrêt de ROZEMBLUM pour l’intérêt économique, social et financier.

Toutefois, la prise en compte de cet intérêt, pour conférer le caractère légal au délit
d’abus des biens sociaux, ne doit pas être sans limites. Ainsi, l’intérêt social de la société

291
MARIE-CHANTAL BOUTARD LABARDE GUY CANIVET, « Droit français de la
concurrence », LGDJ-Droit des affaires, 1994, p.38.
292
SAID AICHA, « Le groupe de sociétés et le droit de la concurrence », Mémoire en vue de
l’obtention du diplôme de mastère en droit des affaires, Faculté de droit et des sciences
politiques de Tunis, 2005/2006, p.86.

97
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

filiale abusée ne doit pas être dispersé de telle sorte que cet abus ne doit pas révéler une
violation ou un manquement aux obligations de la société concernée 293 ou également un
dépassement de ses moyens financiers294.

De surcroit, on peut dire que le contrôle exercé par la société mère sur ses filiales est,
en principe, la base de l’immunité. Mais ce qui soulève le doute, c'est comment l'acte, qui est
à la base incriminée, sera autorisé par ailleurs par le législateur au sein du groupe de sociétés ?
Autrement dit, quel est le fondement d’une telle autorisation ?

Afin de répondre à cette question, on doit soulever diverses justifications pour instituer
l’exonération de la responsabilité.

B- Une exonération justifiée

L’exonération de la responsabilité pénale, pour des faits normalement répréhensibles


au sein du groupe de sociétés, parait justifiée tant du point de vue de l’équité que du point de
vue de l’efficacité du contrôle.

Et c’est dans ce sens qu’on ne peut pas reconnaitre des sociétés et affirmer toutes ces
spécificités, et notamment la reconnaissance d’un intérêt commun au groupe, et méconnaitre
l’existence des ententes intra-groupe, qui est le moyen de la réalisation dudit intérêt commun.
Aussi, on ne peut pas sanctionner un abus des biens sociaux qui cause un préjudice temporaire
à une société filiale et qui confère, en revanche, à long terme un profit à son intérêt et à
l'intérêt du groupe dans son ensemble.

De même, on peut noter que l’incrimination de ces derniers faits ferait peser un risque
juridique considérable sur le fonctionnement des groupes et ce puisque les relations entre les

‫تخالص الثمن‬cc‫ة إذ يكفي اس‬cc‫ة نقدي‬cc‫ق بمقاص‬cc‫رط يمكن أن يتعل‬cc‫ذا الش‬cc‫ « ه‬.240.‫ ص‬،‫ مقال من مرجع سابق‬،‫ عبد العزيز الفزاني‬293
‫ل‬c‫ل كاه‬cc‫د تثق‬cc‫اط ق‬cc‫ة على أقس‬cc‫دة و المستخلص‬cc‫دون فائ‬c‫كمقابل للبيوعات التجارية أو إحالة لألصول العقارية لكن التسبيقات الممنوحة ب‬
‫وء‬cc‫ة على س‬cc‫ال المبني‬cc‫ك األفع‬cc‫رم تل‬cc‫ذي يج‬cc‫ يبرر تدخل القانون الجزائي ال‬،‫الشركة المانحة من دون الحصول على مقابل فعلي يبررها‬
.» ‫التصرف‬
‫تدل‬cc‫ إذ اس‬،‫ا‬cc‫الغ فيه‬cc‫ ما يعبر عنه بمفهوم المخاطر المالية المب‬c‫ إن مزيد التعمق في هذا الشرط أتاح لفقه القضاء الفرنسي حد مناقشة‬42
‫ذه‬cc‫ ه‬c،‫ركات‬cc‫ع الش‬cc‫ة لتجم‬cc‫رى المنتمي‬cc‫ركات األخ‬cc‫دى الش‬cc‫ركة األم أو إلح‬cc‫ا للش‬cc‫روع إم‬cc‫في ذلك على الضمانات التي قد يمنحها أحد الف‬
‫ذي‬cc‫ر ال‬cc‫ة الخط‬cc‫النظر إلى درج‬cc‫ا ب‬cc‫الضمانات يجب أن ال تعرض تلك الشركة الفرع إلى خطر متوقع يقاس حجم وقعه على الشركة إم‬
.‫تشكله تلك العملية في حد ذاتها أو بالنظر إلى التكلفة النهائية المتوقعة من ذلك الخطر‬
‫لكن إذا ما افترضنا بدءا أن منح تلك الضمانات مشروط بحصول الشركة بدورها على ضمان في المقابل من الشركة الفرعية المنتفعة‬
‫ي‬cc‫ذا التمش‬cc‫ نفس ه‬،‫وال‬cc‫ ففي هذه الحالة تصبح درجة و حجم الخطر المحتمل مقبوال و معق‬،‫ بالدين‬c‫التي يفترض فيها الخالص و الوفاء‬
‫ فإذا كان الهدف من ورائها السيطرة على مواقع أوسع في السوق حتى و إن‬،‫ المالية‬c‫في اإلستدالل يمكن سحبه على عملية المساهمات‬
‫ان‬cc‫ا إذا ك‬cc‫ة أم‬cc‫ فإنه مع ذلك تبقى فرص نجاحه قائم‬c،‫كلف الشركة المقدمة على ذلك استثمار بمبلغ باهظ و ظل خطر اإلقدام عليه قائما‬
‫ه إلى‬cc‫ي ال يمكن‬cc‫إن القاض‬cc‫ األخرى مما يثقل كاهلها بالديون ف‬c‫الهدف من وراء هذه العملية تعمد تمييز و تقوية أحد الفروع على حساب‬
.‫أن يقضي بعدم شرعيتها و بالتالي إخضاعها آلليات القانون الجزائي‬
294

98
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

sociétés tendent à améliorer les liens économiques. Mais elles doivent juste s’organiser autour
d’un intérêt commun et en fonction d’une politique globale du groupe295.

Ainsi, le groupe met en place au sein de la société mère, qui exerce le contrôle, des
cellules de planification stratégique dont la vocation est d’aider les filiales à positionner leurs
activités dans une perspective stratégique globale.

Dans cette optique, et comme on l’a déjà vu, la filiale met en œuvre la politique du
groupe selon les directives de la société mère dans le cadre d’une organisation juridique qui
prend la forme d’une société dans laquelle les pouvoirs et les responsabilités sont
préalablement déterminés par la loi296. Ces pouvoirs et ces responsabilités sont assurés par
l’intervention de la société mère dans la stratégie des filiales et ce par le moyen de contrôle.

Ainsi, l’exercice de ce contrôle par la société mère suppose l’existence d’une relation
entre la société mère et les sociétés contrôlées. Dans ce contexte, on note que cette relation
peut revêtir la forme d’accords qui visent la répartition des taches entres les sociétés groupées.

A ce niveau, une question importante est vivement posée: Est-ce que cette
justification, relevant du cadre de réalisation des ententes au sein du groupe, suffit pour sa
légitimité et pour l’exonération de la responsabilité pénale ?

En fait, « l’acte abusif doit être contraire au but de l’institution, à son esprit ou à sa
finalité »297, et en se basant sur cette notion d’abus, les ententes intra-groupes demeurent, en
revanche, en harmonie avec le but, l’esprit et la finalité du groupe de sociétés, à savoir la
réalisation de l’intérêt commun du groupe.

D’où, dans l’unicité de la structure du groupe impliquant nécessairement des contrats


entre la société mère et la filiale, la constatation de l’existence du contrôle exercé suffirait à
établir l’entente entre ses membres298et la considérer comme légale et autorisée.

Sous couvert de ces justifications, le fait d’établir la responsabilité pénale et d’exiger


des sanctions pour entente intra-groupe ou abus des biens sociaux, on peut dire que
l’établissement de cette responsabilité pénale ne va pas avec l’équité.

295
MARRAU REMI, «  un paradoxe permanent du groupe de sociétés : indépendance contre
unité économique de ses sociétés », PA n°94, 5 Aout 1996, p.1.
296
 HANANE MELKI, mémoire précité, p.40.
297
LOUIS VOGEL, op cit, p.87.
298
SAID AICHA, mémoire précité, p.94.

99
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

La conclusion de la deuxième partie

100
Deuxième partie : Le critère de contrôle est un critère d’imputation

L’exercice du contrôle peut conduire à un réel déséquilibre des intérêts en présence.


Ce déséquilibre peut être le fait de l’actionnaire majoritaire ou des dirigeants sociaux qui
représentent la société mère.

Les règles de droit des sociétés commerciales relatives à toutes les fautes commises
par ces dernières sont applicables au groupe de sociétés. Toutefois, le caractère délicat des
incidents propres à l’exercice du contrôle au sein du groupe de sociétés mérite une attention
particulière.

En effet, le contrôle parait comme un critère de référence pour l’intervention évidente


des règles de la responsabilité civile, qui entraine essentiellement la réparation des préjudices
qui en résultent.

Le déséquilibre des intérêts peut être aussi à l’origine d’une infraction quelconque, ce
qui exige bien évidement l’intervention des règles de la responsabilité pénale qui restent
cependant, dans la plupart des cas, ambigüe à propos la personne morale surtout concernant la
société mère.

En revanche, cette évidence est atténuée pour certaines infractions et aucune


responsabilité pénale ne peut être mise en œuvre. De ce fait, le contrôle n’est plus un critère
permanant pour la portée de la responsabilité pénale.

101
Conclusion générale

Conclusion générale

La détermination de la notion de contrôle et son exercice doivent aboutir à l’élaboration


d’un droit mieux structuré pour les groupes de sociétés. Un droit clair aura l’honneur de
fournir des règles de surveillance des actes des détenteurs de pouvoir et des règles de
protection des intérêts en présence.

Par conséquent, on retient à partir des définitions et des présomptions de contrôle


proposées, plusieurs critères propres au contrôle dans les groupes de sociétés. En effet, cette
pluralité de définitions et de critères en droit présente une élasticité de la notion du contrôle et
par la suite des notions de société mère et de société filiale.

Par ailleurs, l’exercice du contrôle entraine des incidences significatives dans la vie du
groupe. Ces incidences nécessitent qu’un soin particulier lui soit apporté afin d’éviter des
conséquences irrémédiables dans la vie de plusieurs sociétés. De ce fait, l’exercice du contrôle
dans le groupe des sociétés parait délicat.

102
Bibliographie

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‫بفقه القضاء ‪ ،» 2017‬تونس ‪.2017‬‬
Table des matières

Introduction.................................................................................................................................1

Première partie :Le critère de contrôle est un critère notionnel................................................10

Chapitre 1 : la notion de société mère.......................................................................................11

Section 1 : La société mère contrôle les structures du groupe..................................................11

Paragraphe 1 : un contrôle exercé sur les structures sociétaires...............................................12

A- Un contrôle de droit.......................................................................................................12

B- Un contrôle de fait.........................................................................................................14

Paragraphe 2 : Un contrôle exercé sur la structuration du groupe............................................17

A- Un contrôle lié à la forme juridique de la société mère.....................................................17

B- Un contrôle lié à la nature des participations détenues par la société mère......................20

Section 2 : la société mère contrôle la gestion du groupe.........................................................22

Paragraphe 1 : la société mère contrôle les orientations des sociétés du groupe......................23

A- L’établissement des états financiers consolidés................................................................23

B- L’établissement d’un rapport de gestion du groupe..........................................................26

Paragraphe 2 : la société mère participe dans les orientations des sociétés du groupe.............28

A- La réalisation des opérations financières intra-groupes....................................................28

B- La conclusion des conventions intra-groupes....................................................................31

Chapitre 2 : la notion de société filiale.....................................................................................34

Section 1 : La société filiale est une société dépendante : une dépendance économique.........34

Paragraphe 1 : une dépendance économique structurelle.........................................................34

A- Un contrôle capitalistique..............................................................................................35

B- Un contrôle organique....................................................................................................37

Paragraphe 2 : une dépendance économique décisionnelle......................................................39

A- Un contrôle effectif........................................................................................................40

B- Un contrôle centralisé....................................................................................................42
Section 2 : La société filiale est une société indépendante : une indépendance juridique........44

Paragraphe 1 : une indépendance juridique téléologique.........................................................45

A- Une téléologie distinctive..............................................................................................45

B- Une téléologie organisationnelle....................................................................................47

Paragraphe 2 : une indépendance juridique manifestée............................................................49

A- Une manifestation à l’intérieur du groupe.....................................................................50

B- Une manifestation à l’extérieur du groupe.....................................................................52

La conclusion de la première partie..........................................................................................55

Deuxième partie :Le critère de contrôle est un critère d’imputation........................................56

Chapitre 1 : Le critère de contrôle est un critère évident d’imputation civile..........................57

Section 1 : une responsabilité civile évidente dans lecas de fonctionnement normal de la


société filiale.............................................................................................................................57

Paragraphe 1 : une responsabilité envers les créanciers internes de la filiale...........................58

A- Une responsabilité envers les associés minoritaires de la filiale...................................58

B- Une responsabilité envers les salariés de la filiale.........................................................60

Paragraphe 2 : une responsabilité envers les créanciers externes de la filiale..........................63

A- Une responsabilité fondée sur l’apparence trompeuse créée par la société mère..........63

B- Une responsabilité fondée sur l’immixtion de la société mère dans la gestion de la


société filiale.............................................................................................................................65

Section 2 : une responsabilité civile évidente en cours de fonctionnement anormal de la


société filiale.............................................................................................................................67

Paragraphe 1 : L'extension des procédures collectives : sanction du comportement fautif......68

A- Une sanction due à l’apparence fautive causée par la société mère en tant que société
contrôlante.................................................................................................................................68

B- Une sanction due à la faillite causée par la société mère en tant que dirigeante...........70

Paragraphe 2 : L'extension des procédures collectives : sanction de l’abus de la personnalité


morale.......................................................................................................................................73

A- Une sanction due à la confusion des patrimoines..........................................................73


B- Une sanction due à la fictivité de la société filiale.........................................................76

Chapitre 2 : Le critère de contrôle est un critère relatif d’imputation pénale...........................79

Section 1 : le critère de contrôle est un critère pour établir la responsabilité pénale................79

Paragraphe 1 : Une responsabilité pénale pour des infractions propres au droit des groupes de
sociétés......................................................................................................................................80

A- Des infractions fondées sur l’article 479 du CSC..........................................................80

B- Des infractions fondées sur l’article 464 du CSC..........................................................82

Paragraphe 2 : Une responsabilité pénale pour des infractions classiques au droit des sociétés
commerciales............................................................................................................................86

A- Des infractions commises au cours du fonctionnement normal de la société filiale.....86

B- Des infractions commises au cours du fonctionnement anormal de la société filiale. . .89

Paragraphe 1 : Une exonération restrictive...............................................................................91

A- Une exonération restrictive explicite.............................................................................91

B- Une exonération restrictive implicite.............................................................................93

1- Une exonération subjective...............................................................................................93

2- Une exonération objective.................................................................................................94

Paragraphe 2 : Une exonération encadrée.................................................................................95

A- Une exonération conditionnée.......................................................................................95

La conclusion de la deuxième partie.......................................................................................100

Conclusion générale

Bibliographie

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