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IHEC Carthage

Les opérations financières entre


sociétés de groupe

Mémoire de master professionnel en révision


comptable

Préparé par : Mesrati Salma


Sous la direction de : Mr. Frikha Sami

2017-2018
Dédicaces
De mon profond cœur jaillit ma reconnaissance infinie

A mes grands-parents, qui m’ont comblé d’amour et d’affection depuis mon premier
cri de vie jusqu'à ce jour.

A ma mère, prunelle de mes yeux, à qui je dois la vie et une part essentielle de ma
personnalité, qui a œuvré pour ma réussite, de par son amour, son soutien, tous les
sacrifices consentis et ses précieux conseils.

A mon père, mon premier amour, qui peut être fier et trouver ici le fruit de longues
années de sacrifices et de privations pour m'aider à avancer dans la vie.

A ma sœur, pour son amour inconditionnel, ses encouragements pendant toute cette
période de formation et sa présence à mes côtés dans les moments de joie et de peine.

A toute ma famille, et ceux que j’aime tant, qui n’ont cessé de m’encourager et me
pousser à aller de l’avant.

A tous mes amis qui me sont chers, à tous ceux qui m’ont apportée une amitié
sincère.
Remerciements

L’élaboration du présent travail a requis le soutien énorme de nombreuses personnes


sans lesquelles l’accès aux ressources nécessaires n’aurait pas été possible.

Pour cette raison, je tiens à remercier tous ceux qui, de près ou de loin, se sont
impliqués dans la réalisation de ce projet.

Tout d’abord, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance et toutes mes pensées


de gratitude à toute l’équipe pédagogique de l’IHEC de Carthage.

Mes plus vifs remerciements s’adressent à mon encadrant pédagogique, Mr. Sami
Frikha, pour sa disponibilité, pour la confiance qu’il a su m’accorder et les conseils
précieux qu’il m’a prodiguée tout au long de la réalisation de ce mémoire.

Je remercie vivement les Membres de jury de m’avoir honorée en acceptant de juger


mon modeste travail. Veuillez trouver ici le témoignage de mon respect le plus
profond.
Liste des abréviations
A.J. : Actualités Juridiques
Al. : Alinéa
Art. : Article
Bull. Civ. : Bulletin Civil
Bull. Crim. : Bulletin Criminel
B.V.M.T. : Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis
C.A. : Cour d’Appel
C.A.C. : Commissaire Aux Comptes
Cass. : Cour de Cassation
Cass. Civ. : Cour de cassation chambre Civile
Cass. Com. : Cour de cassation chambre Commerciale
Cass. Crim. : Cour de cassation chambre Criminelle
C.C. : Code de Commerce
C.D.P.F : Code des Droits et Procédures Fiscaux
C.E. : Conseil d’Etat
Chr. : Chronique
C.O.C. : Code des Obligations Commerciales
C.S.C. : Code des Sociétés Commerciales
Doc. : Doctrine
Ed. : Edition
Fasc. : Fascicule
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
Ibid. : Au même endroit
I.R.P.P. : Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques
I.S. : Impôt sur les Sociétés
J.Cl. : JurisClasseur
J.C.P. : JurisClasseur Périodique
Juris. : Jurisprudence
Op. cit. : Auparavant cité
Obs. : Observation
p. : Page
P.A. : Petites Affiches
R.C.F. : Recueil des décisions des Cours Fédérales
Rev. Soc. : Revue Sociale
R.J.C. : Revue de Jurisprudence Commerciale
R.J.D.A. : Revue de Jurisprudence du Droit des Affaires
Req. : Requête
R.T.D.Com. : Revue Trimestrielle du Droit Commercial
s. : Et suivant
S.A. : Société Anonyme
S.A.R.L. : Société A Responsabilité Limitée
T.G.I. : Tribunal de Grande Instance
T.P.I. : Tribunal de Première Instance
Sommaire

Introduction générale _________________________________________________________ 1


Première partie : Les opérations financières intra-groupe ___________________________ 3
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe __4
Section 1 : Les conditions relatives à la structure du groupe ____________________________________ 5
Section 2 : Les conditions relatives à l’opération financière ____________________________________ 7

Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe _____________________ 12


Section 1 : Les opérations de soutien financier direct ________________________________________ 12
Section 2 : Les opérations de soutien financier indirect _______________________________________ 16

Deuxième partie : Le régime juridique des opérations financières intra-groupe ________ 22


Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés __ 23
Section 1 : Les opérations financières intra-groupe et les conventions réglementées _______________ 23
Section 2 : Les opérations financières intra-groupe et l’abus de majorité_________________________ 30

Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires____ 38
Section 1 : La notion de l’abus de biens et de crédit sociaux ___________________________________ 38
Section 2 : La sanction de l’abus des biens et crédit sociaux ___________________________________ 43

Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale_______ 45


Section 1 : Les opérations financières intra-groupe et l’abus de droit____________________________ 46
Section 2 : Les opérations financières intra-groupe et l’acte anormal de gestion ___________________ 49

Conclusion générale __________________________________________________________ 54


Introduction générale

Introduction générale

La loi 2001-117 qui a reconnu et réglementé le groupe de société l’a défini comme un
«ensemble de sociétés ayant chacune sa personnalité juridique, mais liées par des intérêts
communs, en vertu desquels l’une d’elles, dite société mère, tient les autres sous son pouvoir
de droit ou de fait et y exerce son contrôle, assurant, ainsi, une unité de décision ».

Cette dualité entre l’unité économique du groupe et l’autonomie juridique des sociétés
pose naturellement un souci au niveau de l’appréciation de la régularité des transactions intra -
groupe.

L’optimisation de la performance et une meilleure allocation des ressources incitent


les dirigeants des entreprises à tisser entre les sociétés de groupe des liens de dépendance,
domination, solidarité, etc.

Dans ce cadre, les considérations économiques et financières ne sont plus considérées


au niveau de chaque société isolément mais au niveau de l’ensemble du groupe. Autrement
dit, l’intérêt social propre à chaque entreprise s’accroit et l’intérêt de groupe émerge.

Evidemment, le groupe de sociétés accorde des avantages incontestables à ses


membres dont le plus important est la libre circulation des capitaux entre les sociétés
membres en réalisant des opérations financières intra-groupe.

En effet, la politique financière dans un groupe se base sur la mobilité des fonds et la
fluidité des flux entre ses sociétés pour assurer un soutien financier. En d’autres mots, cette
politique « assure le plein emploi des capitaux dans le groupe par la rentabilité de tous les
moyens de financement qui s’y trouvent disponibles 1».

En ce qui concerne cette politique de libre circulation de capitaux au sein du groupe,


elle est mise en exergue à travers les différentes opérations de soutien financier effectuées
entre les sociétés liées. Elle confirme l’émancipation de la gestion de l’entité économique du
groupe vis-à-vis des circuits bancaires.

1
D. Ohl « Les prêts et les avances entre les sociétés d’un même groupe », Bibliothèque de droit de l’entreprise,
Paris, Litec, 1982, n° 15, p. 22

1
Introduction générale

Ce soutien financier intra-groupe permet aux sociétés membres du groupe de conclure


entre elles des opérations financières et de transférer des éléments du patrimoine
réciproquement.

Il est à noter que ce type d’opérations financières permet d’éviter le recours à toute
intervention externe de financement, précisément, les banques et les établissements de crédit
et donc, instaurer une politique indépendante interne de financement.

Toutefois, ces opérations financières intra-groupe soulèvent des risques juridiques


lourds de conséquences tels que l’abus de biens et crédit sociaux, l’abus de majorité, etc.

Cela mène à s’interroger sur les conditions de réalisation des transactions de soutien
financier et leur sort juridique afin de ne pas être exposé à ces risques.

Le présent mémoire a donc pour objet de tenter d’apporter, à travers un examen des
textes législatifs et réglementaires, une justification pour la réalisation de telles opérations
(Première partie) afin de conclure par la suite, le régime juridique des opérations financières
intra-groupe (Deuxième partie).

2
Première partie : Les opérations financières intra-groupe

Les différentes sociétés se regroupent sous forme d’un groupe pour former une entité
économique plus robuste et bénéficier de certains avantages sur les plans économique,
organisationnel, fiscal et financier.

En effet, le groupe de sociétés organise ses structures et répartit les fonctions entre ses
membres afin de réaliser une rentabilité meilleure.

Il est possible, alors, de permettre aux sociétés de groupe de conclure des opérations
financières entre elles dans le but d’assurer un soutien financier réciproque basé sur la liberté
de circulation de capitaux.

Ces opérations nécessitent le respect de certaines conditions prévues par la loi qui
mettent en valeur essentiellement la notion de l’intérêt de groupe. (Chapitre I)

Par ailleurs, les transactions de soutien financier entre les sociétés de groupes sont
diverses et remplissent un domaine assez étendu. Elles assurent l’instauration d’une politique
de financement interne limitant, par conséquent, l’intervention extérieure des établissements
de financement et de crédit.

Cette entraide financière intra-groupe peut aller du plus légère telle que l’octroi des
garanties jusqu’au plus importante telle que l’abandon de créances.

Ceci dit, les diverses opérations financières intra-groupe méritent un deuxième


chapitre pour les classer. (Chapitre II)

3
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières


entre sociétés de groupe

Afin de diversifier leurs activités et d’étendre leurs champs d’action, les sociétés de
groupe tissent des liens étroits et solides entre elles.

Il est évident que les sociétés membres d’un même groupe effectuent de maintes
opérations financières entre elles dans le but de faire circuler les capitaux du groupe de
manière à dégager une rentabilité et une capacité financière importante.

Il est à noter que la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016 relative aux banques et aux
établissements financiers a spécifié que ce type d’opération est réservé au monopole bancaire.
Cette loi, met en question la possibilité de procéder à des opérations financières entre les
sociétés du groupe car elles constituent « un braconnage bancaire »2.

En effet, l’alinéa 1 de l’article 4 de ladite loi définit les opérations de réception de


fonds et d’octroi de crédits sous toutes formes par des opérations bancaires. Ensuite, l’alinéa 2
du même article vient mettre en exergue l’exception au monopole bancaire en stipulant que
« ne sont pas considérées comme opérations bancaires, au sens de la présente loi, les
financements consentis … par une entreprise au profit d’une autre appartenant à un même
groupe au sens du code des sociétés commerciales… »

Le groupe de sociétés est, donc, doté des moyens dont seules les banques peuvent
disposer en réalisent des opérations financières qui permettent la libre circulation des fonds
entre les sociétés membres.

Il s’en suit que l’appartenance à un groupe entraine une perméabilité patrimoniale qui
permet une utilisation optimale des disponibilités.

Cependant, les opérations financières intra-groupes doivent respecter certaines


conditions, les unes sont relatives à la structure du groupe (Section 1), tandis que les autres
sont relatives à l’opération financière (Section 2).

2
M. Cozian et A. Viandier, « Droit des sociétés », 9éme édition, Litec 1996, n°1952, p. 633.

4
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

Section 1 : Les conditions relatives à la structure du groupe

L’article 474 du C.S.C. dispose que « nonobstant toute disposition contraire, il est
permis d'effectuer des opérations financières entre les sociétés du groupe ayant des liens
directs ou indirects de capital, dont l'une dispose d'un pouvoir sur les autres dû à la détention
de plus de la moitié du capital social ».

En fait, le terme ‘nonobstant toute disposition contraire’ met l’accent sur les
dispositions de la loi bancaire de 7 juillet 2016 précitée ci-dessus et confirme l’exception
accordée aux groupes de sociétés pour procéder à des opérations financières.

Dans le même article, le législateur exige deux conditions pour réaliser des opérations
financières intra-groupe, à savoir, une participation au capital (A) et la nécessité que cette
participation soit majoritaire (B).

A ) La participation au capital

L’article 474 du C.S.C. a mis l’accent sur la participation directe ou indirecte au


capital de la société comme étant une condition fondamentale pour que l’opération financière
ait lieu, et ce, à l’instar de la loi française. 3

Il est donc primordial que la relation entre les sociétés impliquées dans l’opération
financière soit verticale. En d’autres mots, une telle opération doit être conclue entre une
société mère et ses filiales ou ses sous-filiales.

Par contre, une opération financière horizontale entre deux filiales, qui n’ont aucune
part du capital de l’autre, n’est pas juridiquement permise malgré leur appartenance au même
groupe. Dans ce cas, le groupe de sociétés a recours aux opérations triangulaires où la société
mère joue le rôle d’un intermédiaire, afin de réaliser l’opération financière intra-groupe.

La doctrine française4 a critiqué cette solution en affirmant qu’«un tel détour, qui sera
le plus souvent formel, est inutilement imposé. De deux choses l’une, ou bien autoriser les
opérations de trésorerie à l’intérieur du groupe au nom de l’unité économique, sociale,
comptable et patrimoniale, et il est indifférent de savourer entre qui et qui interviennent les

3
Art. 12-3 de la loi française n°84-46 du 24 janvier 1984, J.C.P., 1984, III, 55250.
4
A. Viandier, « Les opérations financières au sein des groupes de sociétés », J.C.P. Ed. 1985, II, n°14447, p. 178

5
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

dites opérations, ou bien ne pas admettre cette idée de l’unité du groupe et l’exception n’est
pas justifiée».

Le législateur tunisien est allé plus loin, par rapport au droit français, en exigeant que
cette participation directe ou indirecte dans le capital des sociétés du groupe soit majoritaire.

B ) La participation majoritaire

En adoptant un caractère rigide, la législation tunisienne a ajouté une autre condition


pour que les opérations financières intra-groupe soient valables et permises.

En effet, il a exigé que la participation de la société de groupe opérant les dites


transactions soit majoritaire. Autrement dit, elle doit détenir plus que la moitié du capital de la
société bénéficiaire, ce qui a été mentionné dans l’article 474 du C.S.C, « dont l'une dispose
d'un pouvoir sur les autres dû à la détention de plus de la moitié du capital social. ».

Par conséquent, ce lien en capital limite la réalisation de l’opération financière intra -


groupe aux sociétés exerçant un contrôle effectif sur les entités bénéficiaires.

En réalité, cette exigence met l’accent sur le fonctionnement du groupe de sociétés


basé sur une politique et une stratégie détaillées. Du coup, l’accomplissement des opérations
financières intra-groupe justifiées économiquement n’est effectué que suivant un plan
d’ensemble déterminé préalablement.

En comparant les conditions imposées par le législateur tunisien à celles du législateur


français, nous constatons que ce dernier adopte une solution plus souple en permettant aux
sociétés de groupe d’effectuer ces transactions avec les entités sur lesquelles elles exercent un
contrôle effectif5 sans détenir une portion majoritaire du capital. Dès lors, le législateur
tunisien laisse un pouvoir d’appréciation limité au juge de fond qui s’arrête en vérifiant
l’existence de l’indice financier.

Pour conclure, une participation majoritaire constitue la condition primordiale pour la


réalisation de toute opération financière au sein de groupe. Il reste, alors, à découvrir les
conditions relatives à cette dernière.

5
Art. 12-3 de la loi française n°84-46 du 24 janvier 1984.

6
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

Section 2 : Les conditions relatives à l’opération financière

Dans l’espoir de réglementer les opérations financières réalisées entre les sociétés de
groupe, le législateur tunisien a instauré certaines conditions relatives à l’opération financière,
à savoir, l’autorisation par l’objet social (A) et le respect des conditions légales (B).

A ) L’autorisation par l’objet social

En se basant sur le principe de la spécialité statutaire et légale de la personne morale,


la réalisation de l’opération financière, au sein du groupe de sociétés, dépend de l’autorisation
de l’objet social tel que prévu par les statuts et déterminé par la loi.

I ) L’autorisation par l’objet statutaire

Etant donné qu’une société ne doit pas dépasser ou contredire les limites tracées par
l’activité décrite dans l’objet statutaire, l’opération financière doit être licite et désignée par
les statuts.

Ceci dit-il qu’une société de groupe ne peut pas agir valablement quand ces opérations
financières n’ont pas fait objet d’une clause dans les statuts ?

Bien que la transaction financière soit prévue par les statuts, le législateur exige
toujours qu’un rapport direct entre l’opération de financement et l’activité principale de la
société soit présent 6. En d’autres mots, il faut que des liens d’affaires administratifs,
industriels ou commerciaux existent entre les deux sociétés afin de justifier la validité de
ladite opération. Du coup, les sociétés de groupe se trouvent devant un obstacle en consentant
des prêts à d’autres avec qui elle n’entretiennent aucune relation d’affaire.

C’est ainsi que le contrôle et domination d’une société du groupe se manifestent en


refusant une telle analyse et en attribuant un rôle supplémentaire et essentiel dans le
financement du groupe. « La fonction financière s’inscrit tout naturellement dans le
prolongement de l’objet statutaire d’une société dominante. Celle-ci constitue le cadre
juridique dans lequel s’élaborent les décisions les plus importantes qui conditionnent l’avenir
du groupe tout entier… Comment imaginer que l’organisme, chargé de diriger les opérations
du groupe, ne puisse consentir à celui-ci les soutiens financiers qu’exigeraient celles-là ? 7 ».

6
D. Ohl, op. cit., n° 167, p. 115; C. Cass. Com., 7 novembre 1966, R.T.D.Com. 1967, p.520, note Houin
7
D. Ohl, op. cit, n°182, p.126

7
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

De ce fait, une société dominante du groupe peut se trouver consentir des prêts à ses
filiales ou sous-filiales en adoptant une fonction financière en rapport direct avec son activité
principale.

La validité d’une opération financière au sein du groupe nécessite non seulement


l’autorisation par l’objet statutaire mais aussi la conformité à l’objet légal.

II ) L’autorisation par l’objet légal

L’objet légal de la société porte sur le concept de l’intérêt social. En effet, en


appliquant les dispositions de l’article 2 du C.S.C., on ne peut juger une opération financière
valable que si la société opératrice en tire un profit. En d’autres mots, l’aide qu’elle fournit
doit lui être utile pour la réalisation de son objet 8 .

Dans ce cas, tout soutien financier ne générant pas bénéfice à la société qui l’accorde
est, a priori, interdit. Si l’on adopte ce principe et on l’applique à mot, on peut donc juger
toute opération financière gratuite, comme les subventions, les abandons de créances etc.,
illégale.

En fait, conformément à l’article 2 du C.S.C., cette prohibition n’est que contraire à la


finalité sociale des sociétés. Cette dernière peut être accomplie par la réalisation d’une
économie au sein du groupe.

Du coup, la recherche d’une contrepartie financière suite à ces opérations financières


constitue purement un obstacle à l’exploitation libre des ressources du groupe.

En allant plus loin, on peut constater que la gratuité désintéressée est celle que le
législateur a interdite. En accordant un soutien financier à une filiale, la société accepte une
perte ou un appauvrissement de richesse mais elle prévoit la réalisation d’un bénéfice
ultérieur. Il va sans dire que la prohibition d’une opération financière intra-groupe nécessite,
alors, la gratuité et l’impossibilité d’une contrepartie réelle qu’elle soit financière,
économique ou commerciale.

Autorisées par l’objet social de la société, les opérations financières intra-groupe ne


peuvent être effectuées que si elles remplissent les conditions légales.

8
D. Ohl, op. cit, n° 172, p. 118 et s.

8
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

B ) Le respect des conditions légales

En s’inspirant de la jurisprudence française, le législateur tunisien a prévu dans le


C.S.C. quatre conditions cumulatives pour que l’opération financière au sein du groupe soit
valable. Les dites conditions ne sont qu’une réutilisation des exigences françaises pour le
concours financier qui ne doit être « ni démuni de contrepartie ou rompre l’équilibre entre les
engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités
financières de celle qui en supporte la charge »9 .

L’article 474 du C.S.C. dispose que « Ces opérations ne peuvent être effectuées qu'aux
conditions suivantes :
 que l'opération financière soit normale et n'engendre pas de difficultés
pour la partie qui l'a effectuée,
 que l'opération soit justifiée par un besoin effectif pour la société
concernée et qu'elle ne résulte pas de considérations fiscales,
 que l'opération comporte une contrepartie effective ou prévisible pour
la société qui l'a effectuée,
 que l'opération ne vise pas la réalisation d'objectifs personnels pour les
dirigeants de droit ou de fait des sociétés concernées ».

De prime abord, la condition exigée est le caractère normal de l’opération et le fait de


ne pas engendrer des difficultés à la société opérante. Par l’adjectif ‘normal’ on entend dire
une opération ordinaire, voire même, habituelle. Il faut, donc, chercher la normalité au regard
des possibilités financières de la société opérante et vérifier que celle-ci ne court pas de risque
particulier.

Néanmoins, s’il existe, il doit être raisonnable de manière à mesurer les capacités
financières de la société et les confronter avec ses engagements 10.

Le législateur a exigé, par la même occasion, que l’opération n’entraine aucune


difficulté à la société. Etant donné que l’opération normale ne cause aucun préjudice, cette
condition vient compléter la normalité de la transaction. Dès lors, ne pas excéder ses

9
Arrêt Rozemblum, Cass. Crim., 4 février 1985, note W. JeanDidier
10
Ch Freyria, J.Clara, « De l’abus de biens et de crédit en groupe de sociétés », J.C.P., 1993, Ed. Générale, I,
n°19, p 248.

9
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

possibilités financières et préserver l’intérêt collectif du groupe constituent une nécessité pour
que l’opération financière soit valide.

Ensuite, la deuxième condition précise que l’opération financière intra-groupe doit


faire preuve d’un besoin effectif pour la société bénéficiaire et ne pas être un motif caché pour
des considérations fiscales. Le besoin, dans ce cas, peut être défini par une trésorerie pauvre
nécessitant une aide financière pour s’en sortir d’une difficulté économique.

Toutefois, ledit besoin peut être ressenti par une société en croissance qui vise à
accroître son investissement ou augmenter sa production. Enfin, soutenir une société de
groupe avec les fonds qu’elle demande est la seule raison pour une opération financière. C'est-
à-dire, il ne faut pas chercher à accorder les soutiens financiers au sein du groupe pour
bénéficier des considérations fiscales qui découlent de la loi tunisienne.

De plus, la troisième condition met en valeur la nécessité d’une contrepartie effective


ou prévisible ce qui est conforme à l’objet légal de la société opérante. D’où une prévision
déterminée dès le début ou la réalisation effective d’un avantage est fondamental pour donner
à l’opération financière une validité. En effet, ladite contrepartie peut revêtir différentes
formes autre que financière comme sociale ou économique. L’essentiel qu’elle soit réelle et
non fictive, ainsi que, réalisable sur le champ ou bien dans un temps prédéterminé.

Au cas où des circonstances imprévisibles viennent jouer le rôle d’un obstacle aux
prévisions de l’opération financière, celle-ci reste toujours valide. Alors, cette contrepartie
exigée est ce qui fait ressortir le caractère intéressé. En effet, la société du groupe doit
percevoir un avantage réel, proportionnel et à l’avance consenti 11.

Finalement, le législateur tunisien a imposé une quatrième condition stipulant que


l’opération financière ne doit pas viser la réalisation d’objectifs personnels par les dirigeants
de droit ou de fait de la société opérante. D’où ces derniers risquent de courir des peines
sérieuses reliées aux délits de l’abus de biens et crédit sociaux et/ou l’abus de majorité s’ils en
retirent un avantage indu.

Par conséquent, une opération financière qui peut servir de mode détourné de
remontée des bénéfices, soit dans le groupe, soit en dehors 12, est interdite par la loi.

11
W. Feugere, F. Meunier, « La légalité des mouvements de fonds au sein des groupes des sociétés », P.A., 12
mars 2004, n°52, p.5
12
Cass. Com., 21 janvier 1997, Bulletin Joly Sociétés, 01 avril 1997 n° 4, p. 312, note Paul Le Cannu

10
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe

En vue de s’assurer que les opérations financières intra-groupes ne compromettent


l’intérêt d’aucune des sociétés, le législateur a instauré toutes ces conditions. C'est-à-dire,
lesdites opérations ne doivent pas engendrer des risques financiers ou contredire l’intérêt
social des sociétés de groupe.

Conclusion du chapitre 1

Le groupe effectue des opérations financières sophistiquées, qui ne sont normalement


autorisées qu’aux banques et établissements financiers, grâce à l’exception accordée par la loi
bancaire du 11 juillet 2016.

En fait, la réalisation de ces opérations au sein du groupe met en exergue l’importance


de l’intérêt social dans l’intégrité du groupe au détriment de celui propre à chacune des
sociétés membres ainsi que la nécessité d’une contrepartie dégagée suite à la réalisation
desdites opérations.

Après l’étude des conditions de la réalisation des opérations financières, il est


nécessaire qu’on procède à les classer.

11
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

Les opérations financières au sein d’un groupe de sociétés sont devenues de plus en
plus fréquentes même si elles sont autorisées dans un cadre juridique très encadré. En effet,
elles permettent l’optimisation des besoins et ressources financières des sociétés du groupe
pour aboutir à un meilleur aperçu de l’état financier général.

En reprenant ce que le professeur C. Gavalda que « l’appartenance à un même groupe


en fait des partenaires privilégiés et entraîne une grande perméabilité patrimoniale qui se
maintient logiquement au sein d’un groupe de sociétés en tant qu’entité économique. Le but
de ces financements est d’aboutir à une utilisation optimale des disponibilités du groupe
impliquant la plus grande mobilité des capitaux »13, les sociétés peuvent bénéficier de ces
opérations de soutien financier de manière qu’elles en tirent beaucoup d’avantages, tout en
respectant les conditions.

Ce soutien financier entre les sociétés d’un même groupe peut être direct en
transférant une disponibilité réelle (Section 1), ou indirect en signant une garantie (Section2).
Ceci dépend de la nature de l’opération financière effectuée.

Section 1 : Les opérations de soutien financier direct

Le recours au financement bancaire étant moindre, le soutien financier par une société du
groupe permet une économie sur les intérêts versés pour se procurer de la trésorerie.

Ce financement direct intra-groupe peut prendre de diverses formes. On peut en


distinguer quatre types, à savoir :

 Les prêts (A),

 Les crédits et les avances en comptes courants (B),

 Les abondons de créances (C),

 Les subventions (D).

13
C. Gavalda « Les crédits dits intra-groupes », Revue de droit bancaire et bourse, Septembre-octobre 1991,
n°27, p.168

12
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

A ) Le prêt intra-groupe

Le prêt intra-groupe constitue l’opération la plus fréquente et classique des opérations


financière intra-groupe.

En réalité, ce transfert direct de disponibilité, d’une entité juridique à une autre,


s’effectue en dehors du circuit bancaire qu’on appelle souvent un prêt extra-bancaire ou inter-
entreprise14.

Ce prêt accordé à l’intérieur du groupe de sociétés, peut aller du court au long terme.
Cela dépend, en fait, des besoins des sociétés demandant le soutien financier.

Par ailleurs, les termes de ce crédit sont définis dans une convention entre la société
prêteuse et celle emprunteuse, qui spécifie la somme prêtée et l’échéancier de remboursement
selon la durée du contrat, ainsi que ses intérêts.

Il est à noter que c’est un acte intéressé par lequel la société, ayant un excédent de
trésorerie, s’engage à fournir une aide financière immédiate à l’autre, moyennant des intérêts.
Ces derniers doivent être calculés sur la base d’un taux d’intérêt légèrement inférieur à celui
du marché, de crainte que l’opération devienne gratuite et compromette sa validité au regard
de la loi.

Dans tous les recours aux prêts intra-groupes, les sociétés doivent s’assurer que les
conditions appliquées à ce type de convention soient normales et ne s’écartent pas
significativement des conditions du marché.

En outre, ce mécanisme de soutien financier constitue effectivement une solution


légitime d’entraide des sociétés pour réaliser l’intérêt du groupe.

Il est évident, alors, que ce type d’opération financière présente de maints avantages
pour les sociétés de groupe car ils permettent d’échapper aux emprunts hors groupe qui sont à
la fois coûteux et exigeants.

Puisque les sociétés de groupe cherchent toujours des solutions plus faciles pour
financer ses entités, elles optent aussi pour les avances en compte courant.

14
D. Legeais « Prêts inter-entreprises », R.T.D.Com, 2015, p. 565

13
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

B ) Le crédit et l’avance en compte courant

Les crédits ou les avances en compte courant d’associés constituent une opération de
soutien financier direct accordée généralement par une société dominante du groupe à une
filiale. Ils prennent la forme d’une facilité qui a pour caractéristique principale l’inexistence
d’un échéancier de remboursement, contrairement aux prêts intra-groupe.

En réalité, les avances en compte courant d’associés ne sont pas exclusives aux
relations entre sociétés dans un groupe et encore moins aux sociétés filiales détenues à plus de
cinquante pour cent 15, l’article 5 de la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016, relatives aux banques
et établissements de crédit stipule que « ne sont pas considérées dépôts reçus du public, les
fonds logés en compte auprès d'une entreprise par ses dirigeants, les membres de son conseil
d'administration, les membres de son conseil de surveillance, les membres de sa direction
générale, les membres de son directoire ou tout associé ou groupe d'associés assurant un
contrôle effectif sur ladite entreprise ».

Quoique les crédits en compte courant atténuent la dépendance les sociétés vis-à-vis
des établissements de crédit, ils l’intensifient vis-à-vis de la société mère du groupe, ce qui
« permet ainsi à cette dernière de consolider le contrôle existant et d’opérer une surveillance
plus étroite sure les organes des sociétés dominées 16 ».

En fait, ces avances versées dans les comptes courants d’associés ne sont qu’une
technique financière privilégiée, souple et rapide de financement intra-groupe. Les flux
financiers peuvent avoir un double sens. C’est-à-dire, les comptes ouverts des sociétés au nom
des associés peuvent montrer des sommes dues par les filiales à la société dominante
‘avances’, ou le cas inverse, ‘découverts’, formant ainsi des comptes extra-bancaire qui
garantissent un financement réciproque pour les entités.

Enfin, l’obligation de restitution du montant de l’avance constitue un critère de


distinction ce type d’opérations financières à titre onéreux et celles qui sont considérés
comme des libéralités telles que les abandons de créances et les subventions intra-groupe.

15
S. Mellouli et S. Frikha, « Les sociétés commerciales », 2éme Ed. La maison du livre, 2013, n°1485, p. 472
16
D.Ohl, op. cit., p.17.

14
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

C ) L’abandon de créances intra-groupe

Quoique le législateur ait insisté sur l’interdiction d’une opération financière gratuite,
la réalisation de celle-ci est toujours possible si elle respecte l’intérêt social du groupe.

Les abandons de créances sont considérés comme étant des opérations libérales de
financement intra-groupe car ils sont des remises de dettes antérieurement contractées. Ils
peuvent porter soit sur la totalité de la créance soit seulement une partie.

Bien que le législateur a bien cerné les opérations financières réalisables au sein du
groupe par certaines conditions, notamment la nécessité d’une contrepartie, ce type de soutien
financier constitue une dérogation de la loi, et tout ce en respectant l’intérêt du groupe.

Ledit intérêt peut être, dans le cas de l’abandon de créances, pour des raisons de
préservation de l’image de marque et la réputation au marché du groupe ou aussi pour éviter
l’obligation du comblement de passif. Autant dire que lorsqu’une société, abandonne une
contrepartie d’une aide financière déjà accordée, elle doit justifier l'utilité pour elle de la
poursuite par la filiale de son activité17 .

Une entité peut se trouver, parfois, obligée de soutenir une société membre du groupe
en difficultés économiques et réduit les créances nées de leurs relations courantes d'affaires,
devenues insupportables, pour surmonter la crise et assurer le fonctionnement normal du
groupe18.

Ce qui pose un problème, dans ce cas, est l’appréciation de ces actes de gestion quand
ils ne sont pas fondés sur des considérations commerciales. C’est pourquoi il existe une
jurisprudence abondante qui aborde ce sujet afin de déceler les actes anormaux de gestion,
ayant une cause illicite ou immorale, et qui souligne que les abandons de créances ne sont,
dans aucun cas, des opérations courantes.

La remise de dettes peut faire objet d’une convention entre les sociétés du groupe
produisant un effet libératoire à la créancière et un effet extinctif de la créance ainsi que ses
intérêts et garanties à la débitrice.

17
Bull. Joly Sociétés, 01 juin 1999, n° 6, p. 641
18
D. Ohl, op. cit., p. 22

15
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

Contrairement aux abandons de créances qui ont la plupart du temps un aspect négatif,
les subventions intra-groupe constituent l’aspect positif des opérations financières gratuites.

D ) La subvention intra-groupe

La subvention accordée entre sociétés d’un même groupe engendre un apport en


trésorerie qui sert à aider l’entité qui la reçoit financièrement. Elle est assimilée à une
donation19 de fonds, transférée à titre gratuit et définitif, sans volonté de restitution.

La réalisation de cette opération nécessite, donc, le transfert gratuit des fonds d’une
société à l’autre et l’existence d’une intention libérale.

Néanmoins, cette attitude désintéressée peut ne pas être conforme aux conditions de
réalisation des opérations financières. De plus, les conséquences d’un tel appauvrissement des
richesses de la société opératrice peuvent s’avérer désastreuses. Il faut, alors, accorder plus
d’importance à ce type de transactions financières, de crainte que le groupe tombe dans une
gestion anormale.

Les opérations de soutien financier direct ne sont pas les seules que le groupe de
sociétés réalise. Il effectue aussi d’autres opérations qui sont assimilées aux crédits par
signature fournissant un financement indirect.

Section 2 : Les opérations de soutien financier indirect

Les opérations financières indirectes sont purement libérales et n’avancent pas


directement des fonds. Elles ont pour objectif de faciliter l’octroi des crédits externes en
assurant la surface financière et sécurité requise par le prêteur.

Ces opérations portent, essentiellement, sur des garanties par signature, notamment,
des cautionnements (A) et des garanties fournis par la société dominante du groupe (B) pour
servir l’intérêt d’une entité du groupe.

19
Art. 200 et s. du code de statut personnel.

16
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

A ) Le cautionnement intra-groupe

Dans les relations d’affaires multiples, le cautionnement, l’opération la plus répandue,


a été considéré « la reine des sûretés20 ».

Le législateur tunisien a défini le cautionnement dans l’article 1478 du C.O.C. C’est


« un contrat par lequel une personne s’oblige envers le créancier à satisfaire à l’obligation
du débiteur si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ». C’est dans le cadre d’un octroi d’un crédit
externe, par exemple auprès d’une banque, qu’il est fréquent que cette dernière demande un
cautionnement.

Par conséquent, cette méthode de soutien financier est dite indirecte car elle n’entraîne
pas de mouvement de fonds ou de débours immédiat dans la trésorerie de la société caution.

Il s’agit, alors, d’une opération financières importante qui renforce la capacité de


crédit de la société cautionnée. Elle est fréquemment pratiquée entre les sociétés du groupe
qui maintiennent des relations d’affaires et partagent des intérêts réciproques.

Etant donné que le contrat de cautionnement peut porter, d’après l’article 1491 du
C.O.C., sur une partie limitée et précise des obligations de la cautionnée ou bien la totalité, la
société caution n’est libérée de ces dernières envers le créancier, qu’après extinction de la
dette en question.

Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’une telle opération peut entraîner des
conséquences affreuses si la cautionnée n’honore pas ses dettes. Ceci peut menacer la sécurité
financière de la société caution et mettre en péril ses finances au cas où le débiteur encaisse le
cautionnement offert.

Ce qui est à noter concernant les cautionnements aussi, est qu’ils n’ont pas un seul
type prévu par la loi. Le législateur tunisien a, en fait, consacré toute une partie au C.O.C.
pour en détailler. Différents qu’ils soient, ils ont un régime juridique unitaire.

Le cautionnement pratiqué par les sociétés du groupe est qualifié de commercial et en


considérant qu’il est régi par le droit commun, il doit toujours respecter l’objet social des
parties du contrat.

20
J. J. Daigu, « Les substituts du cautionnement de la lettre à la garantie, la recherche de la liberté », J.C.P., Ed.
E., 1992, n°6, p. 5.

17
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

Bien évidemment, les cautionnements ne sont pas seuls à montrer l’unité et la


solidarité financière du groupe de sociétés. Ils existent d’autres types de garanties qui mettent
aussi l’accent sur cette réalité et affirment la perméabilité des patrimoines des entités liées.

B ) La garantie intra-groupe

Les garanties utilisées au sein de groupe pour soutenir ses entités économiques
financièrement ne sont que des dérivées du cautionnement. Elles dépendent souvent des
exigences des créanciers et peuvent être des garanties originales telles que la lettre d’intention
et la garantie à première demande ou bien, cambiaires sous forme de l’aval et l’acceptation.

I ) La lettre d’intention

La lettre d’intention représente une dérivée du cautionnement intra-groupe. Elle est


aussi dénommée «lettre de bonne fin» ou de «parrainage», de «patronage» ou de «confort» 21.

Elle constitue une technique de garantie spéciale et pour les sociétés de groupe, sous
forme de document adressé par une société dominante du groupe au créancier précautionneux
de la filiale, généralement une banque, dans lequel elle s’engage de faire le nécessaire pour
mener l'opération à bonne fin.

Par ailleurs, la différence entre le cautionnement et la lettre de parrainage est que cette
dernière relève l’inquiétude du manquement au paiement par le débiteur sans pour autant
risquer des fonds sous forme de dépôt au premier lieu. Sinon, la lettre d’intention n’est plus
une méthode de parrainage, mais plutôt, un cautionnement.

Cette technique de soutien financier est considérée originale car elle est flexible et
peut contenir des promesses autres que le paiement direct du créancier en cas de défaillance
de la société débitrice. « C’est là que réside l’originalité de la lettre d’intention »22. Dans ce
cas, elle contient des engagements ‘de faire’ ou ‘ne pas faire’.

Evidemment, la société dominante du groupe promet au créancier de veiller à ce que la


filiale soit en état de faire face à ses engagements23.

21
P. Merle et Anne Fauchon « Sociétés commerciales », Collection Précis, Ed. Dalloz 2017, p.792
22
R. Baillod, « Les lettres d’intention », R.T.D. Com, 1992, n°16, p. 544.
23
M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, « Droit des sociétés », 16éme édit°, Litec 2003, n°1992, p. 705

18
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

Finalement, la lettre de patronage qui forme de garantie flexible n’est pas la seule
opération de soutien financier indirect que le groupe de société réalise. Il a aussi recours aux
garanties à première demande.

II ) La ga rantie à première demande

Contrairement aux lettres d’intention, les garanties à première demande sont des
garanties par signature plus rigides et plus proches du cautionnement.

Bien qu’elle serve à procurer au créancier une entité solvable en cas de défaillance du
débiteur original, cette garantie, comparée au cautionnement, est considérée autonome et
indépendante24 .

Son autonomie se manifeste dans l’impossibilité pour la société garante de se prévaloir


des exceptions tirées du contrat de base. Autrement dit, elle est obligée de payer les sommes
réclamées, à la première demande, par le bénéficiaire de la garantie, abstraction faite de la
nullité, la résolution ou la résiliation du contrat principal. Elle ne peut refuser la réalisation de
la garantie que, selon la jurisprudence et la doctrine, en cas de fraude ou d’abus 25, sinon elle
risque d’engager sa responsabilité contractuelle civile.

De plus, une autre caractéristique spéciale à la lettre de garantie à première demande


est que sa durée peut dépasser celle du contrat de base, c'est-à-dire, son délai peut être plus
long, suite à la demande du créancier.

Néanmoins, il est à noter que la société qui fournit cette garantie a le droit de
plafonner son montant, et ce, bien sûr, si le créancier l’accepte 26. En addition, ce dernier doit
respecter toutes les conditions du contrat de garantie.

Par ailleurs, toute caractéristique prise en compte, la garantie à première demande


constitue un moyen de sureté plus contraignant et dangereux que la lettre d’intention ou le
cautionnement. Effectivement, lorsque la société débitrice se trouve dans l’impossibilité du
paiement de la dette objet de garantie, la société garante ne peut pas s’exonérer de son
engagement et elle doit, donc, l’exécuter et payer à sa place.

24
C. Cass. Com., 20 décembre 1982, D, 1983, Jurisp., p. 365 et S., note Vasseur ; R.T.D.Com., 1983, p.446, obs.
M.Cabrillac et B. Teyssié.
25
Cass. Com., 7 juin 1994, J.C.P., 1994, éd. E, II, 22312, note J. Stoufflet; C. Cass. Com., 10 juin 1986, Ed.
Dalloz, 1987, p. 17
26
Mémento pratique, Groupes de sociétés, Ed. F. Lefebvre, 2001-2002, n°4334

19
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

Pour conclure, cette garantie constitue une techniques de sûreté originale qui peut
risquer la sécurité financière de la société garante. Peut-on dire la même chose de l’aval ?

III ) L’aval

L’aval est une technique cambiaire dérivée du cautionnement, qui a pour but d’assurer
la bonne fin du paiement d’un effet de commerce, notamment une lettre de change, pour
partie ou tout de son montant.

Dès lors, puisque l’aval permet de rassurer un créancier externe au groupe et de


renforcer la situation de la société avalisée, l’entité garante se trouve, bel et bien, la caution
solidaire de celle qui est l’auteur principal de l’engagement.

En principe, l’aval doit être donné après l’émission de l’effet de commerce et avant la
survenance de l’échéance27, mais cela n’empêche pas qu’il soit valide dans la pratique sans se
conformer à ces deux précisions. L’essentiel est qu’il soit donné avant l’issue d’un protêt de
non paiement.

En outre, cette technique cambiaire revêt un caractère solidaire et accessoire car elle
est assimilée à une caution donnée par la société avalisatrice qui s’engage de la même manière
que l’entité avalisée.

Etant donné que l’aval n’est pas la seule dérivée cambiaire du cautionnement, il reste à
étudier l’acceptation.

IV ) L’acceptation

Tout comme les opérations de soutien financier indirect au sein du groupe de sociétés,
l’acceptation constitue une garantie qui facilite l’obtention d’un crédit extérieur auprès d’une
banque, par le procédé de l’escompte.

Dès lors, la société qui donne cette acceptation s'engage irrévocablement à payer, pour
un montant et une période déterminés, des lettres de change que l’entité garantie tire sur elle.

27
Y. Knani, « Les effets de commerce », revue 3ème édition, Centre de Publication Universitaire, Tunis, 2005,
n°147, p. 152

20
Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe

Toutefois, la société qui demande l’acceptation en tant que garantie intra-groupe doit
assurer la couverture de l'effet par la somme prévue, avant la date de l’échéance, à la société
garante. Cette dernière n'ayant pas en principe de décaissement à effectuer.

En conséquence, cette opération intra-groupe permet de faciliter l’obtention de crédits


que ce soit auprès d’un établissement de crédit, soit un fournisseur.

Conclusion du chapitre 2

Pour résumer, les opérations financières au sein du groupe de sociétés sont


nombreuses et dépendent des besoins des entités économiques. L’essentiel est qu’elles
fournissent, toutes et sans exception, un moyen de soutien financier.

Une opération financière doit respecter certaines conditions pour qu’elle soit valable et
valide. D’une part, elle doit être conclue à des conditions normales de manière à ne pas
engendrer des difficultés économiques à la société opératrice. Ladite opération doit être aussi
justifiée par un besoin effectif pour une société membre du groupe. D’une autre part, elle doit
avoir une contrepartie réelle et ne doit être réalisée que pour l’intérêt social du groupe et non
pas celui des dirigeants.

De peur que le groupe de sociétés mette en péril sa sécurité financière, le législateur a


précisé un régime juridique pour les opérations financières réalisées au sein du groupe.

21
Deuxième partie : Le régime juridique des opérations financières intra-
groupe

Les opérations financières intra-groupe constituent un volet vaste et souple à observer


dans un groupe de sociétés.

En effet, les relations financières entre les sociétés dépendent de la nature de


l’opération ainsi que la politique de trésorerie adoptée par le groupe.

Ces opérations permettent un usage meilleur des disponibilités des sociétés du groupe
tout en assurant un transfert incessant des capitaux d’une société à une autre.

En principe, les opérations financières intra-groupe, maintes et flexibles qu’elles


soient, sont généralement effectuées dans un intérêt social effectif de groupe, et les dirigeants
ainsi que les associés doivent respecter les dispositions légales qui régissent ce type
d’opération.

Mais il faut noter qu’une libre circulation de capitaux au sein du groupe met en danger
la sécurité financière des sociétés de groupe. C’est pourquoi, le législateur a imposé des
limites importantes sous la forme de contraintes issues de la législation des sociétés
(Chapitre I) , du droit pénal des affaires (Chapitre II) et de la législation fiscale (Chapitre
III).

22
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la


législation des sociétés

Bien que les sociétés de groupe aient, chacune, une personnalité morale distincte et un
patrimoine autonome, elles établissent certaines opérations intra-groupe qui compromettent
cette indépendance et les exposent aux différents risques juridiques.

Dans la crainte que la situation financière du groupe ainsi que son fonctionnement
soient en péril, le législateur tunisien a instauré certaines dispositions légales dans le C.S.C.
afin de réglementer la réalisation de ces opérations financières. Ces dispositions aident aussi à
protéger les associés minoritaires, qui dans maintes situations, se trouvent dans une scène de
fraude créée par les majoritaires, sous prétexte de la réalisation des synergies économiques.

Il s’ensuit que ces textes de loi mettent en exergue les opérations financières qui
donnent naissance à des conventions réglementées (Section 1) et celles qui peuvent constituer
un abus de majorité (Section 2).

Section 1 : Les opérations financières intra-groupe et les conventions


réglementées

Le législateur tunisien a défini certains critères relatifs à la réalisation des opérations


financières intra-groupe qui nécessitent un contrôle exhaustif pour protéger les intérêts des
sociétés ainsi que ceux de leurs associés minoritaires et de leurs créanciers.

Il faut, donc, préciser le domaine de réglementation de ces conventions réglementées


(A) et étudier le régime juridique de ses procédures de contrôle (B).

A ) Le domaine de la réglementation des conventions intra-groupe

Le législateur tunisien a instauré les procédures de contrôle des conventions


réglementées initialement dans l’article 200 du C.S.C. exigeant l’autorisation préalable du
conseil d’administration pour certaines opérations conclues par des sociétés anonymes. La
question qui se pose alors est si les opérations financières intra-groupes sont soumises au
formalisme dudit article.

23
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

Comme réponse, on peut l’admettre car la législation relative aux groupes de sociétés
n’apporte pas de modification ou exception aux règles applicables à chaque forme de
sociétés28.

En se référant à l’article 474 du C.S.C. disposant que ‘nonobstant toue disposition


contraire, il est permis d’effectuer des opérations financière’, on observe que cette phrase lève
l’interdiction énoncée par toute autre norme et ne modifie pas la passation de la convention 29.

Ensuite, l’article 475 du C.S.C. vient soumettre certaines opérations financières aux
procédures de contrôle des conventions réglementées conclues au sein du groupe, dans le but
d’éviter tout abus de pouvoir

Cependant, il a, tout de même, exclu certaines conventions si elles sont conformes aux
critères d’exemption.

I ) Conventions soumises à la réglem entation

Les conventions de trésorerie intra-groupe sont régies par l’article 475 du C.S.C. qui
stipule que « lorsque deux sociétés ou plus appartenant à un groupe de sociétés ont les mêmes
dirigeants, les conventions conclues entre la société mère et l'une des sociétés filiales ou entre
sociétés appartenant au groupe sont soumises à des procédures spécifiques de contrôle… ».
Cet article, en fait, vient étendre le champ d’application des procédures de contrôle des
conventions réglementées, définies par l’article 200 du même code pour les sociétés
anonymes, aux trois cas possibles au sein du groupe de sociétés.

Le précédant article a, donc, établi les circonstances pour soumettre une convention
aux procédures de contrôle.

Contrairement à l’article 200 du C.S.C. qui a énuméré en détail toute une liste
restrictive, l’article 475 du même code a laissé un domaine assez vaste en utilisant le terme
‘convention’ sans restriction ou limitation.

Au primer abord, le législateur a mentionné les conventions réalisées par les sociétés
ayant les mêmes dirigeants. En fait, par dirigeants, on entend dire les représentants légaux, les
membres de directoire ainsi que les membres de conseil d’administration. Ce contrôle est

28
S. Mellouli et S. Frikha, op. cit, n° 1487, p. 473
29
C.A. Paris, 4 octobre 2002, J.C.P, éd. E., 2003, n°5, p.176, cité par S. Mellouli et S. Frikha (Ibid)

24
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

exigé pour s’assurer de la bonne gestion des sociétés et de la protection des intérêts des
sociétés et leurs associés minoritaires.

En plus, les conventions conclues entre une société mère et sa filiale ainsi que celles
établies entre sociétés sœurs rentrent dans le champ d’application des conventions
réglementées. Il est à noter que cette disposition est un peu restrictive en précisant un
cocontractant soit ‘filiale’. Ce terme défini dans l’article 461 du C.S.C. par « toute société
dont plus de cinquante pour cent du capital est détenu directement ou indirectement par la
société mère, et ce, abstraction faite des actions ne conférant pas à leur porteur des droits de
vote ».

Dès lors, cette restriction aux filiales, sachant que ces dernières sont contrôlées par la
société même, donne l’impression que celle-ci est en train de conclure une convention avec
elle-même30, d’où l’exigence d’un contrôle spécifique est obligatoire.

Toutefois, une société mère peut, toujours, influencer les décisions d’une société sans
qu’elle soit sa filiale, seulement par avoir la qualité d’un associé majoritaire. Du coup,
certaines sociétés du groupe, parties de conventions, se trouvent dans le besoin d’une
protection contre la société dominante. Ceci dit, il ne faut pas limiter ces procédures de
contrôle aux filiales seulement et les baser sur un degré d’influence déterminé
mathématiquement.

En conclusion, les prêts, les avances, les subventions et les garanties réalisés entre une
société mère et sa filiale, entre deux sociétés sœurs ou entre deux sociétés ayant des dirigeants
en commun, sont soumises à la procédure de contrôle des conventions réglementées. Ces
opérations ne sont exonérées de ladite procédure que lorsque les statuts des sociétés les
autorisent et qu’elles revêtent alors un caractère courant et normal.

II ) Conv entions non soumises à la réglem entation

L’article 475 du C.S.C. précise que « le contrôle n'est pas obligatoire si la convention
porte sur une opération courante conclue à des conditions normales ».

Donc, pour échapper aux procédures de contrôle imposées par la loi, la convention
doit être, premièrement, courante et deuxièmement, conclue dans des conditions normales.

30
Art. 549 du C.O.C. a interdit un tel acte « Nul ne peut user des pouvoirs qu'il a pour autrui par exemple comme
administrateur ou tuteur, afin de contracter avec soi-même, même par intermédiaire. »

25
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

La question qui se pose, dans ce cas, est comment apprécier les critères ‘courant’ et
‘normal’, surtout que le législateur tunisien n’a pas fourni de solution précise.

1 ) Appréciation du caractère courant de l’opération

L’article 475 du CSC dispense de la procédure de contrôle, les conventions portant sur
les opérations courantes, qui sont, généralement, des opérations entrant dans l’activité
courante de la société et semblables à celles que la société a l’habitude de faire pour la
réalisation de son objet 31. Autrement dit, lesdites opérations sont celles effectuées par la
société d’une manière habituelle dans le cadre de son activité.

Vu que l’article 475 du C.S.C. a donné lieu à une ambigüité concernant ce caractère,
on a recours à l’article 200 du même code ainsi qu’à la cour de cassation française pour
confirmer que la notion d’opération courante est étroitement liée à celle de l’objet social.
C'est-à-dire, de même nature que d’autres effectuées par la société et relevant de son activité
statutaire32.

Cependant, il est évident que, les principales raisons de l’instauration de la procédure


de contrôle des conventions réglementées sont la protection de la société et la certitude
qu’aucun dirigeant n’abuse pas de son poste pour en tirer des avantages personnels. Dès lors,
il ne parait pas nécessaire de s’assurer que l’opération en question soit inscrite dans les limites
de l’objet social comme l’exige la jurisprudence 33.

Pour conclure, l’opération objet de la convention doit entrer dans l’activité habituelle
de l’entité. Ceci ne pose aucun problème si cette dernière s’étend de manière à inclure
d’autres activités qui n’étaient pas mentionnées dans ses statuts. En d’autres mots, les
opérations financières réalisées au sein du groupe, habituellement et conformément aux
dispositions légales, revêtent le caractère courant demandé. Sinon, celles moins fréquentes et
effectuées occasionnellement, ne sont pas considérées courantes, notamment, les abandons de
créances, les prêts sans intérêt entre sociétés d’un même groupe et les subventions qui
constituent automatiquement des conventions réglementées car ils ne sont pas des opérations
habituelles.

31
D. Ohl, op. cit., n° 235, p.158
32
Cass. Com., 21 avril 1977 R.T.D.Com, 1977, p.542; J. Mestre et G. Flores, « Droit des sociétés
commerciales », Ed. Lamy sociétés, 1985, n° 3352
33
D. Ohl, op. cit, n°236, p. 159

26
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

Le caractère courant des opérations intra-groupe n’est pas suffisant pour échapper les
procédures de contrôle des conventions réglementées. Il faut alors détailler les conditions
normales de la transaction qui vont de soi avec lui.

2 ) Appréciation du caractère normal de l’opération

Le législateur tunisien a aussi exigé que les conventions courantes soient conclues
dans des conditions normales.

Par ‘conditions normales’ on entend dire différentes caractéristiques à prendre en


considération lors de la réalisation d’une opération intra-groupe, notamment, les taux du
marché et ceux en usage dans les groupes, la contrepartie, etc.

Face à cette insuffisance de détails et ambigüité dans l’article 475 du C.S.C., on se


réfère à la jurisprudence française qui a choisi de déterminer la normalité de l’opération en
tenant compte des conditions dans lesquelles sont habituellement passés les opérations
semblables, non seulement dans la société en cause mais aussi dans les sociétés du même
secteur d’activité34.

Parce que toute transaction, normalement, exige une contrepartie, il ne faut pas
négliger cette dernière quoiqu’elle soit difficilement chiffrable et consistant en avantages
divers résultant de l’appartenance en groupe 35. D’où l’adoption d’une appréciation subjective
s’impose, il faut, alors, prendre en considération les relations d’affaires entre les sociétés du
groupe et les avantages économiques tirés d’une convention intra-groupe. C’est pourquoi, on
s’intéresse aux taux d’usage appliqués aux sociétés de groupe. Toute discrimination forme
une anomalie qui impose un contrôle précis.

En combinant le caractère courant et les conditions normales, les conventions au sein


du groupe peuvent échapper aux procédures de contrôle et passer inaperçues. Sinon, elles
seront mises consécutivement sous la loupe du conseil d’administration, l’assemblée générale
des actionnaires et le commissaire aux comptes si la société concernée est soumise à l’audit
légal.

34
Ph. Merle, «Les conventions au sein des groupes », P.A., mai 2001, n°89, p. 49
35
Y. Balseni, « Les conventions entre les sociétés commerciales et leurs dirigeants », Paris II, Economica, n°89,
p.61

27
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

Il s’en suit que le régime juridique des conventions réglementées nécessite une étude
détaillée de ses procédures et de ses conséquences.

B ) Le régime juridique du contrôle des conventions réglementées

Il va sans dire que de différentes opérations entre les sociétés d’un même groupe
soient conclues. Et dans le but de protéger l’intérêt social et celui des actionnaires
minoritaires des sociétés, le législateur a instauré des procédures spécifiques de contrôle pour
ces conventions qui peuvent avoir de sérieuses conséquences en cas de non-accomplissement.

I ) Les procédures de contrôle des conv entions réglem entées

Les procédures de contrôle des conventions telles que définies par l’article 475 du
C.S.C. consistent « en leur approbation par l'assemblée générale des associés de chaque
société concernée, sur la base d'un rapport spécial établi par le commissaire aux comptes à
l'effet si la société concernée est soumise à l'obligation de désignation d'un commissaire aux
comptes ».

Dans un premier temps, le législateur a exigé l’approbation par l’assemblée générale


des associés de chaque société. Il est à noter que si la société concernée est une société
anonyme, l’application des dispositions de l’article 200 du C.S.C. est obligatoire et donc
l’autorisation préalable du conseil d’administration doit être effectuée, à moins que les statuts
prévoient le contraire.

Sans oublier que l’autorisation préalable d’un conseil d’administration est une entrave
aux transactions intra-groupe. Elle est parfois impossible et le plus souvent formelle, soit
verbale ou par télex, ce qui entraîne la conclusion de la convention sans rédaction d’une
autorisation. De plus, les sociétés qui ont des dirigeants communs peuvent se trouver dans une
impasse pour voter cette autorisation. Ce vote risque être dans les mains d’un seul dirigeant,
voire même, aucun d’eux. Ladite convention est, alors, approuvé ultérieurement à sa
réalisation par l’assemblée générale.

Dans un second temps, un rapport élaboré par le commissaire aux comptes de la


société concernée est exigé pour l’approbation de l’assemblée générale si l’entité économique
en question rentre dans le champ d’application de l’audit légal.

28
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

En opposition à ce qu’a proclamé l’article 203 du CSC 36, le législateur n’a pas exigé
que son rapport soit une obligation impérative pour les conventions intra-groupe. Egalement,
il n’a pas accordé cette mission au commissaire de groupe qui jouit d’un pouvoir
d’investigation très vaste et a une connaissance approfondie des relations et transactions
effectuées entre les sociétés de groupe.

D’ailleurs, il est tenu de consulter tous les rapports de commissaires aux comptes des
sociétés du même groupe avant rédiger le sien et établir les états financiers consolidés 37. Ce
dernier ne doit, dans aucune situation, s’immiscer dans la gestion de la société, il n’a qu’à se
limiter à apprécier ou juger l’opportunité des conventions réglementées 38.

Il convient d’ajouter que, sur la base de ce rapport, les actionnaires de la société


concernée procèdent à une vraie délibération suivie d’un vote des associés. En effet, la loi
tunisienne ne prévoit pas l’exclusion du vote d’un actionnaire de la société intéressé par une
convention réglementée.

Au final, les délibérations de l’assemblée générale aboutissent à deux décisions


possibles, soit à une approbation de la convention, soit à sa désapprobation.

Dans le premier cas, l’approbation donne aux opérations approuvées un caractère


exécutoire. Elles ne peuvent être contestées par un recours sauf pour dol 39. Effectivement, la
fraude est prouvé lorsque le dirigeant en cause a usé d’artifices ou de moyens fallacieux pour
tromper l’assemblée sur la nature et l’importance des avantages qu’il retire de la convention
passée avec la société et a grâce à ses manœuvres et à ses réticences, surpris la bonne foi de
ses collègues, pour extorquer un vote d’approbation à l’assemblée.

Dans le deuxième cas, la désapprobation des conventions par l’assemblée générale


n’enlève pas leur caractère exécutoire et les faits dommageables qui leur sont consécutifs sont
imputables au dirigeant auteur du dol.

De peur que la nullité des conventions soit une décision inadaptée à la situation
financière des sociétés de groupe, le législateur a gardé le caractère exécutoire des
conventions dans les deux cas, à savoir l’approbation ou la désapprobation par l’assemblée

36
Art. 203 du C.S.C., Les commissaires aux comptes jouent un rôle central dans le contrôle des conventions
réglementées
37
Art. 471, Al.3 du C.S.C.
38
Art. 266 du C.S.C.
39
Art. 200, Al. 4 du C.S.C.

29
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

générale, pour qu’elles continuent à produire ses effets à l'égard des tiers, sauf dans le cas de
fraude. Il a considéré, comme meilleure solution, un rééquilibrage du contrat, plutôt que son
annulation.

L’ambition du législateur pour protéger l’intérêt social des sociétés groupées est, en
réalité, mise en doute en cas d’inobservation des procédures spécifiques de contrôle.

II ) L’inobs ervation des procédures de contrôle

Dans la perspective de protection des sociétés de groupe contre toute opération


pouvant nuire à ses finances, l’article 475 du C.S.C. a imposé les procédures spécifiques de
contrôle des conventions. Néanmoins, il ne les a pas assorties de sanction au cas de non
accomplissement desdites procédures, même dans l’article 479 du C.S.C.40 .

Dans le cas des conventions conclues entres les sociétés de groupe, l’article 475 du
C.S.C. n’a pas fait allusion à l’autorisation du conseil d’administration. Mais il a exigé qu’un
rapport spécial soit établi par le commissaire aux comptes de la société concernée si elle est
obligée par la loi de certifier ses comptes annuels. Par conséquent, les sociétés à
responsabilité limitée et les sociétés de personnes qui ne sont pas soumises à l’obligation
d’audit légal et qui sont membres d’un groupe de sociétés, échappent à cette disposition légale
et le rapport spécial devient facultatif.

Même si l’article 475 du C.S.C. n’a pas mentionnée précisément la personne qui doit
aviser le commissaire aux comptes du résultat de vote de l’assemblée générale délibérant une
convention réglementée, les dirigeants qui ont conclu l’opération doivent l’informer sinon ils
risquent d’être condamnés à réparer les préjudices résultant d’absence du rapport spécial 41.

Inversement, quand le commissaire aux comptes a été avisé et il a manqué à ses


obligations, en présentant un rapport spécial insuffisant ou en ignorant son établissement,
celui-ci sera tenu responsable de réparer les conséquences dommageables, négligences et
fautes commises lors de l’exercice de ses fonctions 42. Il doit, en définitive, veiller sur la bonne
pratique des procédures de contrôle des conventions réglementées.

40
Art. 479 du C.S.C. qui prévoit les sanctions pénales de certaines situations dans les groupes de sociétés.
41
P. Merle, « Droit commercial », Sociétés commerciales, Ed. Dalloz, 8ème édition, 2001, n° 401
42
Art. 272 du C.S.C.

30
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

En outre, la loi n’a pas défini de sanction pour les dirigeants qui tire tout avantage
d’une convention au détriment de la société, dans l’article 475 du C.S.C. C’est en se référant
aux autres textes de loi qu’on trouve que le législateur ne les exonère pas de la
responsabilité43 et les dommages préjudiciables doivent être supportés par les dirigeants
intéressés.

L’essentielle conséquence à noter en cas d’inobservation des procédures spécifiques


du contrôle pour une convention réglementée au sein d’un groupe de société est sa
transmission à l’assemblée générale pour en délibérer, ultérieurement, et décider son
approbation ou désapprobation. Dans ce cas, la convention, ne faisant pas objet de contrôle,
doit être traitée, au pire des cas, comme une qui a été désapprouvée par l’assemblée. Elle reste
toujours exécutoire et ne peut être annulée qu’en cas de dol.

Cependant, les états financiers approuvés par l’assemblée peuvent être annulées
lorsque la société en question rentre dans le champ de l’obligation de désignation de
commissaire aux comptes et ce dernier n’a pas élaboré un rapport spécial sur les conventions
réglementées44. Il est à noter que, ces dernières demeurent valables et seront considérées
comme désapprouvées par l’assemblée.

Il s’en suit que la nullité d’une convention, en cas d’inobservation des procédures de
contrôle, est facultative dont le juge est libre de prononcer ou non. Cette dernière ne peut être
invoquée que par la société ou ses actionnaires et son action se prescrit dans un délai de trois
ans, soit à compter de la date de la conclusion de la convention, soit à compter du jour de la
révélation d’une convention dissimulée.

Au final, les opérations financières intra-groupe doivent faire l’objet d’un contrôle
pour qu’elles ne touchent pas aux intérêts des associés, particulièrement les minoritaires.

Section 2 : Les opérations financières intra-groupe et l’abus de majorité

L’abus de majorité constitue une application particulière de l’abus de droit dans le


cadre de droit des sociétés. Certaines sociétés du groupe sont manipulées comme un pion par
la société dominante où cette dernière n’hésiterait pas à les sacrifier volontairement, si la
stratégie globale du groupe l’exige. En réalité, ces sociétés arrivent à garder leur individualité

43
Art. 202 Al. 1 du C.S.C.
44
M. Cozian et A. Viandier, op. cit. , p. 729.

31
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

juridique contrairement à leur indépendance économique qu’est investie au bénéfice de


l’autorité dominante.

Etant donné qu’un tel abus peut être constaté fréquemment dans la gestion des
groupes de sociétés, il est nécessaire de définir sa notion (A) et de préciser sa sanction prévue
par la loi (B).

A ) La notion de l’abus de majorité

Comme l’abus de majorité se base sur un comportement blâmable, tout comme l’abus
de droit, le législateur a accordé aux actionnaires minoritaires d’une société de groupe le droit
de contester toute décision abusive portant atteinte aux intérêts de la société et ayant pour
objectif de servir les intérêts de la majorité au détriment des droits légitimes de la minorité 45.

Il semble clair que la loi tunisienne ne voulait pas laisser les minoritaires à la merci
des décisions posant conflit d’intérêt. A titre d’exemple des conflits d’intérêts, les actionnaires
majoritaires décident la prise en charge d’un passif d’une filiale par la société mère même
s’ils nuisent à leurs intérêts. Mais, cette opération financière leur procure un avantage
puisqu’ils ont des intérêts dans la filiale 46, ce qui porte atteinte aux intérêts des associés
minoritaires seulement.

Dans le même contexte, la jurisprudence française a défini l'abus de majorité comme


étant constitué lorsque les majoritaires prennent une décision contraire à l'intérêt social, dans
leur propre intérêt et au détriment de la minorité.

Dans ce cas, tout actionnaire majoritaire qui utilise son droit de vote pour satisfaire
son intérêt personnel au détriment de l’intérêt social commun, rompt le principe d’égalité et
montre une intention de l’abus de majorité 47

Cet abus est normalement constitué par les décisions de l'assemblée générale mais la
notion est aussi appliquée aux décisions de la direction.

45
Art. 477 du C.S.C
46
P. Didier, « Droit commercial,, L’entreprise en sociétés, les groupes de sociétés» T2, 3e édition 1999, P.U.F.,
p. 324, cité par S. Mellouli et S. Frikha, op. cit., n° 954, p. 303
47
S. Mellouli et S. Frikha, op. cit., n° 951, p. 301

32
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

Il est évident, donc, qu’il faut réunir deux conditions afin de prouver l’existence d’un
abus de majorité. La première est la violation de l’intérêt social de l’entreprise et la deuxième
porte sur la rupture de l’égalité entre les associés.

I ) La violation de l’intérêt social

Afin d’éviter de se trouver auteur du délit d’abus de majorité, les actionnaires des
sociétés doivent respecter l’intérêt social.

Par intérêt social, la loi vise la saine et bonne gestion et la prospérité de l’entreprise
sociale, donc, l’intérêt propre de la société, et non pas celui des actionnaires majoritaires ou
minoritaires.

En effet, cette définition de l’intérêt social a des contours variables qui, d’une part,
accorde au juge un pouvoir d’appréciation flexible au cas le cas et d’une autre part, constitue
une source d’incertitude qui nécessitera un arbitrage. Dans un même contexte, le professeur
Schmidt a considéré que « l’atteinte à l'intérêt social est déjà caractérisée par l'usage du
pouvoir majoritaire à des fins partisanes »48.

Par ailleurs, chaque opération intra-groupe doit faire l’objet d’un examen subjectif. En
d’autres mots, l’intérêt global de toutes les sociétés de groupe est celui qui doit être pris en
considération, non pas l’intérêt individuel de la société mise en cause. Ceci dit, un acte peut
être jugé abusif à l’état isolé et par contre légitime par les contingences économiques 49.
Autant dire que l’utilisation des fonds d’une société du groupe pour assurer la survie d’une
autre nécessite la vérification si les intérêts de la prêteuse sont sauvegardés et l’appréciation
de l’opération dans un cadre général et non pas étroit.

Cependant, cette notion d’intérêt global de groupe ne doit pas aboutir à négliger les
intérêts particuliers des sociétés membres du groupe. Celles-ci, offrant des sacrifices au non
de l’intérêt de groupe, peuvent en profiter à l’avenir. Il va sans dire qu’il faut aboutir à une
conciliation entre l’intérêt social et l’intérêt de groupe pour éviter toute solution extrémiste ou
rigide aux différentes situations au sein du groupe.

48
D. Schmidt, « Les conflits d’intérêt dans les sociétés anonymes », Ed. Joly, version nouvelle, 2004, p. 324.
49
M. Pariente, « Les groupes de sociétés, Aspects juridique, social, comptable et fiscal » Ed. Litec, 1993, n°236,
p. 249

33
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

De ce fait, soumettre l’intérêt social au pouvoir souverain d’un juge de fond peut
s’avérer dangereux, soit pour le groupe soit pour les sociétés y appartenant. Les décisions
rendues ne sont pas stables. Les unes peuvent être en faveur de l’intérêt général du groupe 50,
tandis que les autres sont en faveur de l’intérêt de la société membre du groupe 51.

En définitive, une décision ne peut pas être considérée abusive si elle s’aligne avec le
l’intérêt du groupe, portant sur l’autonomie de toutes sociétés contrôlées, et non pas avec
l’intérêt restrictif d’une seule.

Une fois la violation de l’intérêt social est constatée, il faut prouver la rupture de
l’égalité des actionnaires pour faire preuve d’un abus de majorité.

II ) La rupture de l’égalité entre les actionnaires

Au début, il faut noter qu’appartenir à un groupe accroît l’inégalité du fait que la


subordination des sociétés contrôlées emporte nécessairement un déplacement de l’intérêt du
groupe52. Evidemment, la société membre du groupe accepte la soumission à un pouvoir
central, qu’est celui de la société mère. Il est indéniable alors, que les associés minoritaires de
la société dominante du groupe maintiennent une condition plus aisée et plus confortable que
ceux d’une société contrôlée. D’où une obligation incombe aux actionnaires majoritaires qui
ne doivent, dans aucun cas, confondre l’intérêt du groupe avec leur propre intérêt.

Cependant, ils peuvent utiliser leur pouvoir pour accepter la subordination de leurs
intérêts personnels à l'intérêt social et causer un dommage aux minoritaires, tout en se cachant
derrière la personnalité morale de la société mère. Ils se trouveront, alors, auteurs d’un abus
de majorité. Une telle attitude peut, en fait, entraver le fonctionnement du groupe ainsi que
son développement.

Afin de mettre terme à un tel abus, il faut prouver la rupture de l’égalité entre les
actionnaires. Ladite rupture, contenant une intention de nuire à la minorité, porte sur une
décision qui assure un avantage aux actionnaires majoritaires et entraine un préjudice aux
minoritaires. A titre d’exemple, on peut citer la conclusion d’une convention avec une société
contrôlée à des conditions désavantageuses où cette dernière ne perçoit aucune contrepartie
réelle, la prise en charge du passif d'une filiale dans laquelle ils auraient des intérêts, etc.

50
Affaire Rozemblum, Arrêt C. Cass., 04 février 1985 ; Arrêt C. Cass., 12 novembre 1973.
51
Affaire Fruehauf, décision de C.A. de Paris, 22 mai 1965 22 mai 1965, J.C.P 1965, II, n°14274.
52
D. Schmidt, « Les droits de la minorité dans la société anonyme », Ed. Sirey, 1970, p. 154.

34
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

En addition, certaines transactions approuvées par des associés majoritaires et


intéressés directement ou indirectement dans la société contrôlée, en faveur d’une gestion de
groupe, peuvent entraîner un intérêt ultérieur aux associés minoritaires internes qui détiennent
une participation dans les deux sociétés. Ce sont les associés minoritaires externes qui
peuvent se trouver dans une rupture d’égalité néfaste car ils ne bénéficient d’aucune
compensation en contrepartie de leur préjudice initial.

Dès lors, le préjudice subi par les actionnaires minoritaires porte sur le seul fait de ne
pas profiter des avantages retirés par les majoritaires 53. Il suffit qu’un actionnaire utilise sa
qualité de majoritaire pour s’avantager personnellement pour que son comportement soit taxé
d’abus54.

Dans ce cadre, le législateur a fourni les moyens nécessaires aux actionnaires


minoritaires pour se protéger contre toute décision abusive. Egalement, ces derniers restent
toujours informés et éclairés et jouissent de tous leurs droits dans la société et les associés
majoritaires sont tenus d’un devoir de loyauté à leur profit.

En conclusion, les associés minoritaires doivent démontrer le préjudice subi pour


contester toute décision prise par les associés majoritaires, de type abusif et qui ne sert pas
l’intérêt collectif au premier lieu. C’est pourquoi, une sanction civile a été prévue par le
législateur dans le but de protéger les actionnaires minoritaires.

B ) La sanction de l’abus de majorité

Lorsque les transactions entre les sociétés de groupes ne respectent pas l’intérêt social
d’une société de groupe et servent à procurer un avantage personnel aux associés majoritaires,
l’abus de majorité se trouve matérialisé.

Dans ce contexte, le législateur a donné aux actionnaires minoritaires, dans l’article


290 du C.S.C., les moyens de remettre en cause la validité des décisions si elles sont
contraires à l’intérêt social et elles sont prises dans l’intérêt particulier d’un associé
majoritaire55.

53
C.A. Aix en Provence, 30 juin 2000, Bull. Joly 2001, p. 168
54
D. Ohl, op. cit., n°294, p.203
55
S. Mellouli et S. Frikha, op. cit., n° 952, p. 301

35
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

En plus, dans l’article 477 du C.S.C., toute décision portant sur un abus de majorité
peut faire objet d’une action sociale contre les associés majoritaires par ceux minoritaires qui
détiennent au moins dix pour cent de la société concernée.

En premier lieu, la sanction civile prévue par la loi pour cet abus est la nullité de la
décision abusive. Une action sociale est initiée à l’encontre des associés représentant la
majorité de la société mère au lieu de la personne morale de cette dernière. Cette nullité est
sensée être une mesure purement interne qui vise à remettre en bon ordre les affaires des
actionnaires56.

En second lieu, l’action sociale ne peut aboutir qu’à l’obtention d’un


dédommagement. Les dommages intérêts reversés par la majorité seront, par la suite, versés
dans la caisse sociale et répartis entre les associés concernés. De ce fait, l’action n’est qu’une
réclamation de répartition d’un préjudice qui a été infligé par les majoritaires abusant de leur
influence.

Au final, une telle action suppose que des minoritaires utilisent leur droit d'action pour
assurer leur protection. Ils peuvent demander la désignation d’un expert afin de s’assurer du
bon déroulement de l’activité de la société. Toute découverte faite par le professionnel
désigné peut être utilisée par la suite comme un moyen objectif d’une poursuite légale pour
abus de majorité57.

Si la société concernée est complètement contrôlée par la société mère, les associés
majoritaires ne sont pas seulement exposés à l’abus de majorité mais ils peuvent aussi être
auteurs de l'infraction pénale d'abus de biens et de crédit sociaux.

Conclusion du chapitre 1

Le législateur a consacré une attention spécifique aux conventions réglementées au


sein du groupe de sociétés dans le but de protection des intérêts de groupe, de ses actionnaires
ainsi que ses créanciers.

56
D. Ohl, op. cit., n° 318, p. 219
57
M. Pariente, « Les groupes des sociétés et la responsabilité pénale des personnes morales », Rev. Soc., 1993,
p. 247

36
Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés

Ainsi, il a mis à la disposition associés des minoritaires les moyens de contester les
décisions portant sur des opérations financières qui peuvent menacer leurs propres intérêts et
la situation financière de la société concernée.

Maintenant que l’opération financière qui ne constitue pas un abus de majorité est
conclue selon les dispositions légales propres aux conventions réglementées, il faut que
celle-ci respecte le droit pénal des affaires et qu’elle n’abuse pas des avantages que le
législateur a accordés aux groupes de sociétés.

37
Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires

Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du


droit pénal des affaires

Les opérations intra-groupe sont multiples et peuvent conduire à la commission


d’infractions lourdes de conséquences si les opérateurs ne respectent pas les dispositions du
droit pénal des affaires.

En effet, les opérations financières intra-groupe peuvent donner lieu à un abus de biens
et de crédit sociaux quand les dirigeants

Section 1 : La notion de l’abus de biens et de crédit sociaux

L’article 223 du C.S.C. stipule que « sont punis d'une peine d'emprisonnement d'un an
au moins et de cinq ans au plus et d'une amende de deux mille à dix mille dinars ou de l'une
de ces deux peines seulement les membres du conseil d'administration qui, de mauvaise foi,
ont fait des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de
celle-ci dans un dessein personnel ou pour favoriser une autre société dans laquelle ils
étaient intéressés directement ou indirectement ». Du coup, les dirigeants sociaux qui agissent
de manière abusive en utilisant les biens et les crédits sociaux constituent les principaux
responsables pour ce délit 58.

En comparant cet abus à celui de l’abus de majorité, il faut noter qu’ils sont différents
de nature et du domaine. Contrairement à l’abus de majorité qui constitue une atteinte civile
suite à une faute contractuelle et non délictuelle, l’abus de biens et crédit sociaux porte sur
une atteinte de l’ordre public qui vise à protéger, à la fois, le patrimoine de la société, les
associés et les tiers.

En réalité, les dirigeants sociaux se servent des biens appartenant au patrimoine de la


société qu’ils gouvernent, Malheureusement, certains d’eux ne sont pas intègres et n’honorent
pas la finalité juridique de leur pouvoir de gestion.

Par ailleurs, les rapports intra-groupe sont tellement originaux que les comportements
des dirigeants au sein du groupe de sociétés sont délicats à apprécier. D’une part, les enjeux

58
M. D. Carter, « Les responsabilités pénales dans les groupes de sociétés », Groupes de sociétés : contrats et
responsabilités, L.G.D.J., 1993, p. 125

38
Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires

financiers et économiques des sociétés sont énormes et d’une autre part, les tentations d’abus
sont maintes.

En définitive, quel qu’en soit le cas, l’abus implique en premier lieu, un usage abusif
des biens ou de crédit de la société et une intention portant sur la méconnaissance de l’intérêt
social.

A ) L’usage abusif des biens et crédit sociaux

Afin de mettre en évidence la réalisation d’un abus par un dirigeant, il faut, avant toute
chose, prêter la notion d’usage abusif des biens et crédit sociaux une attention particulière.

Cet usage peut être temporaire, voire même en dehors de toute appropriation. Il peut
porter sur un acte de disposition ou d’administration. Effectivement, cette idée a été confirmée
par la doctrine française qu’ « il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu détournement ou
dissipation ; le simple usage des biens ou même du crédit social caractérise le délit, alors
même que l'usage n'a pas altéré la substance de la chose et que la société ne s'est pas
finalement trouvée appauvrie. Faire usage des biens sociaux, c'est accomplir sur eux, non
seulement des actes de disposition comportant aliénation ou cession au profit d'un tiers, mais
même de simples actes d'administration : prêts, avances ou baux 59 » Ceci dit, l'usage est
généralement analysé comme un acte instantané où la prise de la décision illicite le
consomme60.

En outre, on entend dire dans ce délit les termes ‘biens sociaux’ et ‘crédit social’.
Dans un premier temps, par « biens sociaux » le législateur vise tous les biens appartenant au
patrimoine de la société, peu importe leur nature car ils peuvent être des meubles corporels,
des biens incorporels et des immeubles. Dans un second temps, le terme « crédit » porte sur
la réputation de l’entreprise, autrement dit, la confiance attachée à la société grâce à son
capital et son bon fonctionnement pour emprunter, garantir ou contracter une dette.

59
A. Touffait, J. Robin, A. Audureau et J. Lacoste, « Délits et sanctions dans les sociétés », cités par B. Lauret
dans « Droit pénal des affaires », Economica, 8e éd., 2012.
60
W. Jean-Didier, « Sociétés - Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix », J.C.P. des affaires, avril
2011, p 11.

39
Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires

Par conséquent, un dirigeant qui confond son patrimoine personnel avec celui de la
société ou utilise la surface financière de cette dernière en l’exposant à un risque anormal 61, se
trouvera auteur d’un abus de biens et crédit sociaux.

Il est à noter que la constatation de cette infraction est immédiate, en d’autres mots,
elle s’accomplit à l’instant de l’usage abusif. Bien que les dirigeants rendent les biens sociaux
par la suite, le délit persiste. Il va sans dire que, dès qu’une décision de gestion anormale est
prise, l’usage abusif ou frauduleux est consommé même si l’anomalie ne se matérialise et se
répercute qu’ultérieurement 62.

De surcroît, en usant du crédit de la société, le dirigeant adjoint la signature de celle-ci


et expose le patrimoine social à un risque auquel il aurait dû rester insensible.

En conclusion, les dirigeants des sociétés ne doivent jamais mettre en péril le


patrimoine et la réputation de la société. Ils doivent toujours respecter la séparation du
patrimoine. Tout usage abusif portant sur un acte de gestion anormal met en question leurs
compétences et intégrité et peut porter entorse au patrimoine social.

Néanmoins, pour que l’abus de biens sociaux soit caractérisé, il ne suffit pas qu’il y est
seulement usage de biens ou de crédit. Cet usage doit aussi être contraire à l’intérêt social.

B ) L’usage contraire à l’intérêt social

Comme l’usage abusif des biens et crédit sociaux n’est répréhensible que lorsqu’il est
contraire à l’intérêt de la société 63, il faut prouver qu’il cause un risque réel qui ne rapporte
aucune contrepartie ou gains pour la société.

Etant donné que la contrariété à l’intérêt social constitue un moyen essentiel pour la
qualification de l’abus de biens et de crédit sociaux, la notion de groupe peut influencer
l’élément intentionnel de cette infraction 64 bien qu’elle peut infléchir sur son élément matériel
parfois65.

61
Cass. Crim., 16 mars 1970, J.C.P. 1971, I, n°16813, note B. Bouloc
62
Cass. Crim., 6 février 1997, n° 96-80.615, Bull. Crim., n° 48, note P. Conte
63
Cass. Crim., 7 mars 2012, n° 11-82.877; Cass. Crim., 16 mai 2012, n° 11-85.150, A.J. pénal 2012, septembre-
octobre, note B. Bouloc
64
J. Fourcade, M. Picard et O. Rateau, « Rapport sur la notion de groupe évoquée comme justifiant certains faits
susceptibles d'une qualification pénale », Rev. Soc. 1980, p. 705
65
W.Jean-Didier, « Droit pénal des affaires », Dalloz, 7 éd., 2012, n° 262

40
Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires

Il est évident que l’intérêt de la société ne s’assimile pas toujours avec les associés. De
même pour notre cas particulier au sein des groupes de sociétés, l’intérêt du groupe ne peut
pas être le même que celui d’une société contrôlée. En effet, une incorporation dans un groupe
de sociétés entraîne un effacement de l’intérêt individuel social d’une entité et son
remplacement par l’intérêt du groupe tout entier.

Quoi que le législateur tienne compte de cet intérêt, il n’en donne pas de définition
précise d’où le recours à la jurisprudence et la doctrine. De là, la constatation de quatre
conditions pour sacrifier l’intérêt d’une entreprise au profit de celui du groupe a été faite.

D’abord, il est obligatoire d’instaurer une stratégie de groupe qui borne le contrôle
exercé par la société mère et attribue une unité économique à sa structure 66.

En plus, un intérêt commun au groupe doit être présent dans toute opération effectuée
par les dirigeants. Ceci dit que tout comportement dont les motifs portent sur des intérêts
personnels n’est pas conforme à l’intérêt commun.

Au surplus, l’opération effectuée ne doit pas être démunie d’une contrepartie. Cette
condition a été mentionnée à maintes reprises dans la jurisprudence française, notamment,
l’affaire Rozenblum67. Dans ce même contexte, le professeur Viandier a confirmé que
l’opération intra-groupe doit « être élaboré sur la base d’un intérêt économique, social ou
financier commun. Elle ne doit être démunie de contrepartie ou rompre l’équilibre entre les
engagements respectifs des différentes entreprises concernées, ni excéder les éventuelles
finances de celle qui en supporte la charge. »68. Toutefois, si l’on compte sacrifier l’intérêt
d’une société contrôlée pour l’intérêt commun du groupe, il ne faut pas que ce sacrifice soit
nuisant à la société de manière à créer un risque gigantesque affectant son activité
ultérieurement. Tout de même, il faut qu’il soit effectué moyennant une contrepartie.

Finalement, pour qu’une opération ne soit pas contestable par les associés d’une
société contrôlée, elle ne doit pas exténuer la capacité économique de la société 69 en causant
une entorse irrémédiable à sa situation financière. C'est-à-dire, les dirigeants sociaux ne

66
Ch. Hannoun, « Le droit et les groupes de sociétés », Litec 1991, n°128
67
Cass. Crim., 4 février. 1985, n° 84-91.581, Bull. Crim., n° 54, Rev. Sociétés 1985, p. 648, note B. Bouloc
68
A. Viandier, « Les opérations financières au sein des groupes de sociétés », J.C.P., Ed. 1985, II, n°14447,
p.177 ; Voir aussi, Cass. Crim. 10 février 2010, J.C.P. Ed. 2010, n° 1392, note R. Salomon ; Cass. Crim., 20
mars 2007, n° 05-19.225, Bull. Civ. IV, n° 97, Rev. Sociétés 2007, p. 590, note B. Bouloc
69
T. Gauthier, « Les dirigeants et les groupes de sociétés », Litec 2000, n° 665

41
Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires

doivent pas risquer excessivement les finances des sociétés gouvernées 70 tout comme
mentionné dans la célèbre affaire Willot 71.

Dans le but d’empêcher le transfert abusif des biens ou fonds en réalisant des
opérations financières au sein de groupe, la loi exige le respect des conditions mentionnées ci-
dessus. Dans ce cadre, il faut instaurer un principe pour l’appréciation du degré de l’abus de
biens et crédit sociaux. Quoiqu’un acte se montre opposé à l’intérêt social du groupe au
moment de sa réalisation, l’abus peut ne pas être pris en compte si par la suite il se manifeste
conforme. De même, dans le cas inverse, un acte qui respecte l’intérêt social au début ne
constitue pas un fondement pour ledit délit s’il se retrouve contraire ultérieurement 72. Ce
principe doit toujours prendre en considération les nouvelles obligations économiques
résultant de l’incorporation dans la structure d’un groupe ainsi que concilier entre les intérêts
des sociétés membres.

Cependant, il ne faut pas oublier qu’une société ne peut pas être considérée auteur
d’un tel délit vu que le législateur tunisien n’a pas prévu de texte engageant la responsabilité
pénale d’une personne morale. C’est son représentant légal qu’est retenu fautif en cas d’abus.
Cela a été mis en exergue dans les dispositions de l’article 223 du C.S.C. qui a détaillé
l’élément intentionnel de cette infraction en soulignant qu’elle doit être commise par les
dirigeants de « mauvaise foi » et à un « dessein personnel».

Le législateur tunisien considère auteur d’un abus de biens et crédit sociaux non
seulement les dirigeants qui agissent consciemment contre l’intérêt de la société mais de plus
qui ont la volonté de transgresser les dispositions pénales en cette matière. En d’autres mots,
ils sont conscients du caractère répréhensible de l’acte en question et choisissent de le
finaliser en vilipendant l’intérêt social dans un but personnel 73 pour avantager une autre
entreprise dans laquelle il était concerné directement ou indirectement. Cela va sans dire que
le législateur laisse le pouvoir d’appréciation au juge pour se prononcer sur l’intérêt d’un acte
et sur le comportement des dirigeants.

En définitive, les opérations financières intra-groupes qui portent sur ‘le vampirisme’,
c'est-à-dire, les transfusions de substance d’une société à une autre, les bradages d’actifs pour

70
B. Bouloc, « Droit pénal et groupes d'entreprises », Rev. Sociétés, 1988, p. 181
71
Arrêt Willot, 16 mai 1974, Trib. Corr. Paris, Rev. Soc. 1975, p. 657
72
J. Larguier et P. Conte, « Droit pénal des affaires », A. Colin, 11e éd., 2004, p. 35
73
H. Matsopoulou, « Le retour en grâce de l’intérêt personnel dans l’abus de biens sociaux », Dalloz 2005, p.
2075

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Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires

sauver la société mère ou une société sœur 74 par l’octroi des conditions anormales et
injustifiées financièrement et économiquement75, constituent un élément constitutif pour
l’abus de biens et de crédit sociaux qui seront sanctionnées par la loi afin de protéger les
associés minoritaires et les créanciers des sociétés dominées.

Section 2 : La sanction de l’abus des biens et crédit sociaux

L’abus de biens et de crédit sociaux est concrétisé lorsque les dirigeants des sociétés
tendent à confondre leur patrimoine personnel avec celui de la société gouvernée ou bien du
groupe dans le but de dégager un avantage. Dans ce cas, le législateur tunisien a prévu
certaines sanctions pour éviter ces situations.

Cet abus est puni selon l’article 223 du C.S.C. d'une amende de deux mille à dix mille
dinars. Le dirigeant coupable encourt aussi une peine accessoire d'emprisonnement d'un an au
moins et de cinq ans au plus. Celui-ci est exposé au risque d’encourir les deux sanctions ou
une seule selon adéquat apprécie le juge.

Il est évident que, dans certains cas, les abus de biens et crédit sociaux peuvent aboutir
à drainer tous les fonds d’une société, c’est pourquoi le législateur a prévu l’extension de la
procédure collective prononcée contre une société appartenant à un groupe aux autres entités
économiques membres en cas de confusion de leurs patrimoines.

Relativement au responsable qui engage sa responsabilité en cas de réalisation de cette


infraction, la loi tunisienne a spécifié que ces seulement les dirigeants sociaux qui seront
tenus responsables. En effet, elle doit consacrer une législation pénale pour les personnes
morales si elle veut protéger les intérêts substantiels du groupe. Contrairement à notre
législation, la loi française a choisi de considérer responsable la société en sa personne
morale76.

Il s’en suit alors que tout acte portant sur un abus de biens et d crédit sociaux peut fair e
objet d’une action contre les dirigeants et les représentants permanents d’une personne
morale. Egalement, la compensation ou remboursement du préjudice causé par ces derniers ne
leur libère pas de la poursuite. Aussi, les fausses excuses d’ignorance ou d’incompétence en
matière de gestion ne leur font pas moyen d’échapper à la sanction prévue par la loi.

74
M. Cozian et A. Viandier, op. cit. n°1953, p.634
75
M. Vanhaecke, « Les groupes de sociétés », Ed. L.G.D.J., 1962, p. 351
76
J. Hemard, F. Terré et P. Mabilat, « Sociétés commerciales », Tome II, Ed. Dalloz, 1974, p. 102

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Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires

En outre, l’action en responsabilité d’un abus de biens ou de crédit sociaux se prescrit


dans trois ans à compter de la date de la révélation du fait dommageable.

Cette vision met en exergue le fait que les intérêts à protéger dépassent ceux des
actionnaires, pour atteindre les créanciers et les tiers ayant des relations d’affaires avec les
sociétés de groupe. De même pour la considération de l’intérêt social en matière d’abus de
biens sociaux, il s’étend pour prendre en compte non seulement l’intérêt de l’entreprise mais
aussi celui de ses parties prenantes.

Conclusion du chapitre 2

Il est très fréquent que les sociétés d'un même groupe viennent en aide les unes aux
autres. Néanmoins, ces aides intra-groupe sont susceptibles d’entraîner certains dirigeants à
commettre un abus de biens et de crédit sociaux.

En fait, ces opérations éliminent l’autonomie des patrimoines des sociétés qui se
trouvent souvent effectuer des transactions ou exécuter des engagements d’une autre entité
membre du groupe. C’est alors pourquoi le législateur a consacré une sanction pour ce type
d’opérations au sein du groupe et a imposé des conditions pour limiter les conséquences de
l’absence de frontières entre les sociétés membres du groupe.

Toutefois, les dispositions légales concernant les opérations intra-groupe ne sont pas
toutes précises et dans certains cas, les dirigeants trouvent une manière pour échapper aux
sanctions. On peut se demander donc s’il y aurait une modification pour combler certaines
lacunes en matière pénale.

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Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la


législation fiscale

Il est évident que la réalisation de certaines opérations financières intra-groupe exige


le respect de maintes dispositions juridiques pour qu’elle soit valable. Mais, lesdites
opérations sont toujours exposées à des contraintes fiscales qu’on doit préciser.

Dans cette optique, la loi tunisienne a institué un régime fiscal propre au groupe de
sociétés et donc la transparence fiscale atteint cette entité économique. Ce régime assure la
neutralisation fiscale de toutes les opérations intra-groupe77.

Par ailleurs, l’administration fiscale exerce un contrôle sur les opérations financières
effectuées entre les sociétés liées afin d’éviter toute manipulation frauduleuse qui peut naître
du principe de l’autonomie patrimoniale appliqué au groupe de sociétés. Il s’en suit que la
circulation des fonds entre les sociétés n’est pas libre fiscalement.

De plus, la réglementation fiscale existe normalement pour réduire le risque fiscal


émanant des transactions intra-groupe. Ce risque a été décrit comme étant « l’art noir qui
n’est pas nécessairement compris même par ceux qui pratiquent la gestion fiscale, c’est pour
cela qu’il n’existe aucune définition universelle du risque fiscal 78». Donc, il est considéré
difficile à cerner car les règles fiscales laissent souvent une marge de manœuvre aux
dirigeants qui optent à la réalisation des opérations financières permettant de réaliser des
économies d’impôts même si elles ne sont pas compatibles avec l’intérêt social et n’ont qu’un
but exclusivement fiscal.

Dès lors, deux théories fiscales apparaissent dans le but de déceler ces tentatives de
fraude fiscale suscitant des opérations financières intra-groupe. La première théorie fiscale
porte sur l’abus de droit (Section 1) tandis que la deuxième prend en considération l’acte
anormal de gestion (Section 2).

77
M. Pariente, op. cit., p.175 et s.
78
H.F. Wunder, « Tax risk management and the multinational enterprise », Journal of International Accounting,
Auditing and Taxation, 2009, n°18, p. 15 ; cité dans Thèse de doctorat en gestion de I. Menchaoui,
« Identification et impacts des pratiques de gestion fiscale sur la performance fiscales des groupes de sociétés »,
Franche-Comté et Tunis Manar, 2015, p. 77

45
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

Section 1 : Les opérations financières intra-groupe et l’abus de droit

Grâce à la théorie fiscale de l’abus de droit, l'administration fiscale tunisienne a le


droit de contrôler de la gestion des sociétés appartenant à un groupe, la critiquer et décider les
conséquences jugées nécessaires si ladite gestion est abusive. Alors, les sociétés ne sont libres
de leur gestion que si elles n’essaient pas de frauder le fisc et ne commettent pas un abus de
droit.

Dans ce contexte, le professeur Cozian a confirmé que « l'abus de droit, c'est le péché
des surdoués de la fiscalité, certains contribuables ne manquent ni d'imagination ni d'audace
et n'hésitent pas à échafauder des montages acrobatiques afin de se soustraire à l'impôt qui
79
serait normalement dû. Ces excès d'habilité frisent la malhonnêteté ». Cet abus alors porte
sur les manœuvres de ceux qui prennent la loi au mot et la détournent à leur avantage.

Il est alors nécessaire qu’on définisse la notion de l’abus de droit (A) ainsi que sa
sanction prévue par la loi (B).

A ) La notion de l’abus de droit

Pour commencer, il faut noter que l’abus de droit a été défini par « la volonté
d'échapper à l'impôt par des procédures juridiques artificielles, c'est un trucage réalisée par
des juristes, une forme de manipulation par ceux qui comprennent trop bien le droit fiscal 80».

Il s’en suit alors, que cet abus porte sur l’établissement de conventions qui, à
l’apparent, sont régulières mais qui ne sont pas conclues que pour échapper totalement ou
partiellement à une imposition lourde 81.

Par conséquent, l’abus de droit ne constitue pas un exercice abusif d’un droit en
matière fiscale. Il porte essentiellement sur la fourberie d’une opération financière effectuée
pour réduire, voire même, éliminer le paiement des impôts dus. Il enrichit, donc, l’entreprise
au détriment du Trésor Public. Cela va sans dire que l’administration fiscale procèdera, dans
ce cas, à déqualifier l’acte juridique de cette opération, qui semble être correct, afin de
percevoir l’impôt déjà éludé.

79
M. Cozian, « Les grands principes de la fiscalité des entreprises », Ed. LexisNexis, 4éme édition, p. 163
80
M. Cozian, « La gestion fiscale et l'abus de droit », R.F.C n° 229, Décembre 1991, p.18
81
L. Cadiet, « Regards sur la fraude fiscale », Ed. Economica, Paris, 1986, p.85

46
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

Pour ce qui est des comportements sanctionnés par la théorie de l’abus de droit, ils
peuvent se baser sur une simulation ou une fraude à la loi fiscale.

Dans un premier temps, la simulation en matière fiscale peut revêtir trois formes, bien
qu’elles soient différentes, elles aboutissent toutes à éluder l’impôt et constituent un risque
fiscal. La première forme de simulation est réalisée à travers une opération financière intra -
groupe fictive qui constitue une manipulation illégale. La deuxième est une simulation par
acte déguisé lorsqu’une société de groupe présente à l’administration fiscale des opérations
financières qui ne correspondent pas à celles réalisées en réalité. La troisième et la dernière
forme de simulation est réalisée par l’interposition de personne, soit dans notre cas particulier
de groupe de sociétés, la tromperie sur la société partie d’un acte juridique quand l’une est
apparente étant le prête-nom tandis que celle qu’est le véritable maitre reste cachée.

Dans un second temps, l’abus de droit s’étend à la fraude à la loi. Ceci constitu e, en
fait, un résultat d’un effort jurisprudentiel 82. En fait, les opérations qui créent une situation
juridique purement artificielle camouflant une situation normalement imposable, et qui
continuent d'exister derrière les apparences juridiques forment, sans doute, une fraude à la loi
qui nécessite être sanctionnée. Par exemple, l’utilisation abusive de la dette intra-groupe pour
réduire les coûts fiscaux du groupe, à travers la déduction des charges d’intérêt liées à
l’emprunt contracté entre les sociétés constitue une fraude à la loi.

Afin de déceler toute les manœuvres frauduleuses objet d’abus de droit, le rôle du juge
de l’impôt consiste à dégager le caractère abusif de l’opération en question et démontrer sa
non-concordance avec la règle fiscale. Ceci met en exergue son pouvoir souverain
d’appréciation des actes avancés par la société contribuable.

Une fois démontré, l’acte constituant un abus de droit doit être sanctionné.

B ) La sanction de l’abus de droit

En Tunisie, le législateur a réprimé l’abus de droit par une sanction fiscale pénale très
lourde à travers l’article 101 du C.D.P.F. stipulant qu’ « est punie d'un emprisonnement de
seize jours à trois ans et d'une amende de 1000 dinars à 50.000 dinars toute personne qui a
simulé des situations juridiques, produit des documents falsifiés ou dissimulé la véritable

82
Conseil d’Etat France, 10 juin 1981, Req. 19079, R.J.F 1981, n°9, p. 429, 1er arrêt d’extension, cité par M.
Cozian, op. cit., n°51, p. 40

47
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

nature juridique d'un acte ou d'une convention dans le but de bénéficier d'avantages fiscaux,
de la minoration de l'impôt exigible ou de sa restitution, accompli des opérations emportant
transmission de biens à autrui dans le but de ne pas acquitter les dettes fiscales, majoré un
crédit de taxe sur la valeur ajoutée ou de droit de consommation ou minoré le chiffre
d'affaires dans le but de se soustraire au paiement de la dite taxe ou du dit droit ou de
bénéficier de la restitution de la taxe ou du droit. La sanction s'applique dans les cas où la
minoration ou la majoration excède trente pour cent du chiffre d'affaires ou du crédit d'impôt
déclaré ».

En réalité, l’administration fiscale ayant le pouvoir de requalifier certaines opérations


en se basant sur la théorie fiscale de l’abus de droit, peut dans certaines situations telles que
les abandons de créances, garanties, subventions, etc., requalifier ses actes effectués au sein
du groupe de sociétés car ils constituent un transfert direct ou indirect de bénéfices. Toutefois,
ces opérations sont régies par le principe de la liberté du soutien intra-groupe et ne peuvent
pas souvent être constitutifs d’abus de droit.

Comme conséquence, ces opérations ne sont pas nulles et continuent à produire leurs
effets entre les sociétés de groupe concernées. Cependant, elles peuvent être opposées par
l’administration fiscale qui les qualifie de la nullité fiscale.

Effectivement, cette nullité fiscale peut donner lieu à une sanction prévue par le droit
fiscal, qui porte sur la restitution de l’impôt que la société auteur de l’abus de droit doit au
fisc. Ce dernier applique aussi une amende fiscale égale au double des droits, impôts et taxes
exigibles. Cette sanction encourue par le contribuable est considérée lourde car le
contribuable doit payer, outre les pénalités de retard et le montant d’impôt dû, une majoration
de cent pour cent. Ceci dit, l’administration fiscale vise à réduire les tentatives de fraude.

Il est à noter que les parties concernées qui ont participé à l’opération objet de litige
avec l’administration fiscale sont tenus solidairement à payer la pénalité.

Encore, ces actes peuvent donner lieu à un contrôle approfondi sous forme de
vérification approfondie exercée par des agents de l’administration fiscale et dans ce cas, le
groupe de sociétés court un risque fiscal lourd si ses sociétés tendent fréquemment à procéder
à des simulations frauduleuses ou à des fraudes à la loi.

48
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

Enfin, les opérations financières intra-groupes ne sont pas seulement exposées à la


théorie fiscale de l’abus de droit, mais aussi à celle de l’acte anormal de gestion.

Section 2 : Les opérations financières intra-groupe et l’acte anormal de


gestion

Contrairement à l'abus de droit, l'acte anormal de gestion n'a pas directement de source
d'ordre juridique. Cette théorie fiscale repose seulement sur la doctrine et la jurisprudence.

Normalement, les sociétés ont une liberté de gestion, mais cette dernière a la théorie de
l’acte anormal de gestion comme sa limite.

De prime abord, l’administration doit évaluer les actes effectués par une société et les
qualifier. Toutefois, elle n’a pas à s’immiscer dans la gestion car elle n’est ni auditeur ni
contrôleur de gestion. Elle n’a pas donc à porter de jugement sur la qualité ou les résultats,
même médiocres de la gestion financière 83.

Dans le même contexte de liberté de gestion, la loi tunisienne a confirmé que


l’administration fiscale ne doit pas s’immiscer dans la gestion interne d’une société et évaluer
ses actes anormaux de gestion. Ce droit n’est autorisé que pour les dirigeants sociaux.

Il s’en suit que les groupes de sociétés arrivent à retenir les situations fiscales les plus
favorables sans que ces dernières soient remises en cause par le fisc. Du coup, ni
l’administration fiscale, ni les juges n’ont le droit de se mêler des décisions de gestion des
groupes de sociétés, dès lors qu’elles n’enfreignent pas la règlementation 84. Ceci dit, les
groupes ne doivent jamais oublier que la recherche d’une intention frauduleuse dans le but de
réaliser des économies d’impôt peut être sanctionnée par l’acte anormal de gestion 85. La
gestion des groupes de sociétés doit, alors, maintenir un aspect cohérent sur les plans
juridique et économique.

En effet, l’évaluation des actes accomplis par les sociétés de groupes n’est permise que
dans le cadre d’une vérification approfondie qui vise à contrôler sans s’immiscer dans la
gestion des sociétés.

83
M. Cozian, « Précis de fiscalité des entreprises », Ed. LexisNexis, Litec, 2008, p. 57
84
F. Choyakh, «Le principe de la liberté de gestion du contribuable et la théorie de l'acte anormal de gestion »,
Tunis, R.C.F, n°62, 2003, p. 43
85
F. Choyakh, « La réglementation des groupes de sociétés », Tunis, R.C.F., n° 82, 2008, p. 61

49
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

Enfin, la théorie de l’acte anormal de gestion constitue une atteinte importante à la


liberté de gestion garantie par la loi aux sociétés. Il est, donc, nécessaire de comprendre sa
notion (A) dans le cadre du droit fiscal aux cas où le groupe de sociétés essaie de réaliser des
économies d’impôt au détriment des intérêts du Trésor Public ou de l’une des sociétés
membres ainsi que les sanctions appropriées (B).

A ) La notion de l’acte anormal de gestion

Certains dirigeants sociaux abusent de leur faculté de libre gestion et l’utilisent dans
des motifs étrangers aux intérêts des sociétés gérées ce qui nous mène à définir l’acte anormal
de gestion comme toute opération « accomplie dans l’intérêt d’un tiers par rapport à
l’entreprise ou qui n’apporte à cette entreprise qu’un intérêt minime hors de proportion avec
l’avantage que le tiers peut retirer86 ».

Par conséquent, l’acte anormal de gestion doit être contraire à l’intérêt de la société
concernée pour accorder un avantage à uns tiers étranger. Il suffit de dire que la notion de
gestion anormale porte sur mettre une dépense à la charge d’une société ou bien la priver
d’une certaine recette sans que l’opération ait des intérêts justificatifs.

Par ailleurs, dans le cadre d’une gestion de groupe, les opérations financières
effectuées sont avantageuses sur le plan fiscal. Elles donnent lieu à la déduction fiscale des
charges. En effet, Le professeur Cozian les a même considérées comme « un moyen de faire
participer le trésor au renflouement de la filiale 87». L’anomalie constitue, en fait, une charge
justifiée en son principe et non pas dans son montant 88.

En principe, la notion de l’acte anormal de gestion vise toute opération étrangère à


l’intérêt de la société et qui n’a pas de contrepartie réelle. Si on applique cette notion à
certaines opérations financières intra-groupe telles que les prêts sans intérêts ou à taux
inférieur à celui du marché, les avances, les abandons de créances, les subventions et les
cautionnement, elles seront toutes considérées anormales.

Néanmoins, une opération financière intra-groupe gratuite n’est pas toujours qualifiée
d’anormale car le besoin de recours à un financement externe a rendu nécessaire l’aide

86
C.E. contentieux, 10 Juillet 1992, req. n°110213, cité par I. Menchaoui, thèse précitée, p. 80
87
M. Cozian et A. Viandier, op. cit., p. 645
88
D. Ohl, op. cit., n°387, p. 283

50
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

accordée. De même, le prêt sans intérêt n’est pas anormal, à condition qu’il n’entraine pas
pour l’entreprise des charges supplémentaires 89.

D’ailleurs, l’administration fiscale vérifie que lesdites opérations ne sont pas


contraires à la législation fiscale, qu’elles sont conformes aux règles de bonne gestion et
qu’elles ne portent pas préjudice au Trésor public. En effet, elle exige qu’elles soient
rémunérées à un taux d’intérêt légèrement inférieur à celui du marché. Cela va sans dire que
l’application d’un taux d’intérêt insuffisant, voire même, inexistant est largement suffisante
pour qualifier l’opération d’anormale.

Dans le même contexte, le fisc accepte l’application d’un taux d’intérêt inférieur à
celui du marché ou trop bas pour redresser la situation d’une société membre du groupe en
difficulté économique. Cela rentre dans « le devoir moral de secours comparable à
l’obligation alimentaire entre membres d’une même famille 90». Cette intervention pour
sauver une filiale avec des abandons de créances, des subventions ou des prêts sans intérêts
porte, la plupart du temps, sur la sauvegarde des intérêts du groupe de sociétés, notamment,
préserver son image de marque ou réduire le risque d’extension d’une procédure collective à
l’ensemble du groupe. Ainsi, elle « n’est pas un altruisme coupable mais un égoïsme de bon
aloi 91».

En définitive, l’administration fiscale est chargée de la preuve de l'acte anormal de


gestion suite à ses procédures de contrôle. Ultérieurement, à la société mise en cause de
gestion anormale doit démontrer que les actes sont effectués en respectant les règles fiscales
et sans engendrer un avantage à une société de groupe ou à un tiers au détriment du Trésor
public.

B ) La sanction de l’acte anormal de gestion

Bien que certaines opérations financières intra-groupe soient licites sur le plan
juridique, le droit fiscal les considère illicites et donc utilise la théorie de l’acte anormal de
gestion pour s’y opposer.

Sur cette base, « la notion de l’acte anormal de gestion permet à l’administration


fiscale d’écarter la déduction des dépenses qui ne sont pas engagées dans l’intérêt de

89
C.E., 5 Janvier 1965 ; M. Poussière, J.CL fiscal, Ed. Technique, fasc., p.226 ; D. Ohl, p. 288
90
M. Cozian, op. cit., p. 595
91
M. Cozian, op. cit., p. 626

51
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

l’entreprise et de réintégrer les dépenses litigieuses dans les résultats de l’exercice au cours
duquel elles ont été constatées en comptabilité 92 ».

Quoi que l’administration fiscale ne conteste pas la nature ou la sincérité d’un acte
juridique, elle peut corriger ses incidences sur le résultat imposable par référence à l’intérêt
social93. Elle peut réintégrer au bénéfice imposable les frais financiers éléments apparents en
comptabilité engagés par la société prêteuse, les charges indûment déduites et une somme
présentant fictivement les intérêts auxquels celle-ci a renoncé. Cependant, selon doctrine
administrative, le montant de l’intérêt à réintégrer doit être apprécié dans chaque cas
particulier en vue des circonstances de faits 94.

En réalité, l’acte anormal de gestion est soulevé par l'administration fiscale, sinon
sanctionné par le juge de l'impôt, lorsque les relations financières réalisées entre les sociétés
du groupe ne sont pas conclues dans des conditions normales de marché. A titre d’exemple,
une société de groupe accepte de s’appauvrir sans aucun avantage en retour, dans le seul but
d’en avantager une autre du même groupe et de soustraire à l’impôt des bénéfices qui serait
normalement soumis. Ce désinvestissement est sûrement inopposable au fisc 95.

Au final, une fois la faute de gestion mise en évidence, les conséquences sont
imputables aux deux parties. D’une part, la société accordant l’avantage augmentera son
résultat imposable à hauteur de la dépense effectuée ou du manque d’intérêts injustifié. Et
d’une autre par, la société bénéficiant dudit avantage augmentera son résultat imposable du
supplément du revenu.

Conclusion du chapitre 3

Aux termes de ces brefs développements, on remarque que les contraintes fiscales
semblent affecter les opérations financières intra-groupe. En effet, la fiscalité propre aux
groupes de sociétés assure une croissance économique du pays tout en gardant un œil ouvert
sur toute tentative de fraude ou manquement aux obligations d’impôts.

92
L. Leveneur, « Acte anormal de gestion : nouvelles avancées jurisprudentielles», Cahiers de droit de
l’entreprise, n°5 septembre 2007, LexisNexis p.56 ; cité par I. Menchaoui, thèse citée, p.81
93
M. Picard, Rev. Jur. Fisc 1979, p.276 et s., cité par D. Ohl, op. cit., n°390, p. 285
94
D. Ohl, op. cit., n° 407, p.299
95
Ibid

52
Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale

D’une part, l'évitement de l'impôt est un but à atteindre par les sociétés de groupe en
recherchant des voies même illicites pour minimiser la base d'imposition. D’une autre part,
l'administration fiscale cherche à collecter l'impôt et protège seulement ses propres intérêts
afin de ramasser plus de recettes fiscales.

A l’encontre des pratiques de gestion fiscale utilisées par les groupes de sociétés que
l’administration fiscale juge agressives, le législateur tunisien, a accordé à cette dernière
d’autres armes96 afin de contrôler davantage les transactions intra-groupe.

Il est évident, ainsi, que la législation fiscale confirme le principe de l’autonomie


fiscale de la société, nonobstant leur dépendance économique ou financière vis-à-vis les autres
sociétés du groupe.

96
La loi n° 2009-71 du 21 décembre 2009

53
Conclusion générale

Conclusion générale

Aux termes des ces réflexions, on est parvenu à démontrer la diversité des opérations
financières intra-groupes et leur importance dans le financement d’un groupe et par la suite
l’utilité des groupes de sociétés à la croissance économique.

De prime abord, l’intérêt supérieur de groupe représente un pilier pour l’analyse de ce


travail. Il est fondamental que les sociétés membres du groupe agissent dans un contexte
d’entraide, solidarité et soutien pour se conformer à l’intérêt global du groupe.

Il s’en suit que les sociétés qui constituent le groupe perdent leur autonomie financière
car sa gestion doit être conforme à l’intérêt du groupe tout entier et non pas à son propre
intérêt.

Les opérations de soutien financier entre les sociétés de groupe ont un caractère de
souplesse très remarquable en mettant en exergue la solidarité adoptée comme politique du
groupe. Il est donc évident qu’elles sont des techniques importantes, voire même, vitales pour
un meilleur fonctionnement du groupe.

En fait, ces opérations adoptent la solidarité comme principe à travers les transactions
de soutien financier accordé entre elles. Elles peuvent être directes, notamment, les prêts et les
avances en compte courant d’associés, ou indirectes, telles que les garanties de différentes
formes et les libéralités.

Il va sans dire que la réalisation des opérations financières est régie par un régime
juridique spécifique, qui assure, à la fois, le bon déroulement des transactions en respectant
l’intérêt du groupe et la protection des parties concernées.

Cependant, on se trouve parfois dans une situation ou le législateur n’a pas spécifié un
traitement précis dans un texte de loi. De là est justifié le recours aux maintes jurisprudences
et à la doctrine afin de trancher tout litige possible ou d’apprécier les circonstances de
l’opération.

54
Conclusion générale

Par ailleurs, il est clair que ces opérations sont considérées licites la majorité des cas
bien qu’elles aient des contraintes juridiques et fiscales. Ceci met en exergue l’arme à double
tranchant qu’elles possèdent.

En réalité, les contraintes juridiques et fiscales des opérations financières intra-groupe


sont nombreuses. Les dirigeants se trouvent confus souvent entre satisfaire l’intérêt du groupe
entier ou respecter l’intérêt de la société gérée.

Ces derniers trouvent leur responsabilité engagée s’ils procèdent à des transactions
financières portant atteinte aux intérêts des minoritaires ou au patrimoine de la société.

Ils risquent de tomber dans le piège de la gestion anormale ou bien l’abus de droit s’ils
essaient de détourner les règles fiscales pour tirer un avantage au détriment du Trésor public.

Le principe à adopter au sein du groupe, alors, est la transparence juridique et fiscale.

Quoiqu’il soit basé sur la transparence, le groupe de sociétés contient de maintes


contradictions dans son contexte, à savoir, la dépendance économique d’une société membre à
la structure du groupe et l’indépendance juridique de celle-ci. Aussi, on y trouve l’obligation
du respect de l’intérêt supérieur du groupe ou bien de celui de chaque société. Encore, il
existe la contradiction entre la protection des intérêts appartenant au groupe ou ceux des tiers
étrangers.

Pour conclure, les différentes jurisprudences qui ont aidé à cerner le groupe de
sociétés, nous amène à dire qu’il est fondamental de concilier entre toutes ces contradictions
pour assurer la survie du groupe et le respect de la législation en vigueur.

En définitive, le groupe de sociétés est indéniablement d’une grande importance sur le


plan économique du pays. Mais il semble que la loi tunisienne n’a pas tout cerné pour que son
fonctionnement soit à la hauteur des expectations. En fait, c’est les jurisprudences,
précisément, françaises qui ont aidé à l’édification du droit de groupe de société. Ne faut-il
pas alors combler les lacunes relatives à cette entité économique ?

55
Bibliographie

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Ouvrages généraux

Cadiet L. et Neveu E., « Regards sur la fraude fiscale », Ed. Economica 1986
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Cozian M., Viandier A., et Deboissy F., « Droit des sociétés », 16ème édition, Litec 2003
Cozian M., Viandier A., Deboissy F., « Droit des sociétés », 27ème édition, Litec 2014
Guyon Y., « Droit des affaires » T. 1, 12ème édition, Economica 2003
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Cadiet L., « Regards sur la fraude fiscale », Ed. Economica 1986
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Casimir J.P. et Germain M., « Dirigeants de sociétés : juridique, fiscal, social », Ed. Revue
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Mémento pratique, Groupes de sociétés, Ed. F. Lefebvre, 2015

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Articles
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Faculté de Droit et des Sciences Economiques et Politiques de Sousse, 2004
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des études approfondies en droit des affaires, Faculté de Droit et des Sciences Economiques et
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droit privé, Faculté de Droit de Sfax, 2004
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Notes
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C. Cass. Crim., 16 mai 2012, n° 11-85.150, A.J. pénal 2012, septembre-octobre, note Bouloc
C. Cass. Crim., 20 mars 2007, n° 05-19.225, Bull. Civ. IV, n° 97, Rev. Soc. 2007, p. 590, note
Bouloc
C. Cass. Com., 21 décembre 1987, D.1989, Juris., p.112, note Bril
C. Cass. Com., 21 avril 1977, R.T.D.Com, 1977, p.542, note Houin
C. Cass. Com., 7 novembre 1966, R.T.D.Com. 1967, p.520, note Houin
C. Cass. Com., 21 janvier 1997, Bull. Joly Sociétés, 01 avril 1997 n° 4, p. 312, note Le
Cannu
C. Cass. Crim., 6 février 1997, n° 96-80.615, Bull. Crim., n° 48, note Le Conte
C. Cass. Com., 18 avril 1961, n° 1416, Bull. Civ. 1961, III, n° 175, D. 1961, Juris. p. 661 ; S.
1961, p. 257, note Dalsace
C. Cass. Com., 29 mai 1972, JurisData n° 1972-097164 ; JCP G 1973, II, 17337, note Guyon
C.A. de Paris, 22 mai 1965, J.C.P 1965, II, n°14274, note Nepveu
C. Cass. Crim., Arrêt Rozenblum, 4 février 1985,D, p.478, note Ohl
C. Cass. Crim. 10 février 2010, J.C.P. Ed. 2010, n° 1392, note Salomon
C. Cass. Com., 7 juin 1994, J.C.P., 1994, Ed. E, II, 22312, note Stoufflet

60
Bibliographie

C. Cass. Com., 10 juin 1986, Ed. Dalloz, 1987, p. 17, note Stoufflet
C. Cass. Com., 20 décembre 1982, D, 1983, Juris., p. 365, note Vasseur

61
Table des matières

Introduction générale _________________________________________________________ 1


Première partie : Les opérations financières intra-groupe ___________________________ 3
Chapitre 1 : Les conditions de réalisation des opérations financières entre sociétés de groupe __4
Section 1 : Les conditions relatives à la structure du groupe ___________________________________ 5
A ) La participation au capital _________________________________________________________ 5
B ) La participation majoritaire ________________________________________________________ 6
Section 2 : Les conditions relatives à l’opération financière ____________________________________ 7
A ) L’autorisation par l’objet social _____________________________________________________ 7
I ) L’autorisation par l’objet statutaire ________________________________________________ 7
II ) L’autorisation par l’objet légal ___________________________________________________ 8
B ) Le respect des conditions légales ___________________________________________________ 9

Conclusion du chapitre 1__________________________________________________________ 11


Chapitre 2 : La classification des opérations financières intra-groupe _____________________ 12
Section 1 : Les opérations de soutien financier direct________________________________________ 12
A ) Le prêt intra-groupe ____________________________________________________________ 13
B ) Le crédit et l’avance en compte courant _____________________________________________ 14
C ) L’abandon de créances intra-groupe ________________________________________________ 15
D ) La subvention intra-groupe _______________________________________________________ 16
Section 2 : Les opérations de soutien financier indirect ______________________________________ 16
A ) Le cautionnement intra-groupe ___________________________________________________ 17
B ) La garantie intra-groupe _________________________________________________________ 18
I ) La lettre d’intention ___________________________________________________________ 18
II ) La garantie à première demande ________________________________________________ 19
III ) L’aval _____________________________________________________________________ 20
IV ) L’acceptation _______________________________________________________________ 20

Conclusion du chapitre 2__________________________________________________________ 21

Deuxième partie : Le régime juridique des opérations financières intra-groupe ________ 22


Chapitre 1 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation des sociétés __ 23
Section 1 : Les opérations financières intra-groupe et les conventions réglementées_______________ 23
A ) Le domaine de la réglementation des conventions intra-groupe __________________________ 23
I ) Conventions soumises à la réglementation _________________________________________ 23
II ) Conventions non soumises à la réglementation _____________________________________ 24
1 ) Appréciation du caractère courant de l’opération_________________________________ 25
2 ) Appréciation du caractère normal de l’opération _________________________________ 26
B ) Le régime juridique du contrôle des conventions réglementées __________________________ 27
I ) Les procédures de contrôle des conventions réglementées ____________________________ 28
II ) L’inobservation des procédures de contrôle _______________________________________ 28
Section 2 : Les opérations financières intra-groupe et l’abus de majorité ________________________ 30
A ) La notion de l’abus de majorité ____________________________________________________ 32
I ) La violation de l’intérêt social ___________________________________________________ 33
II ) La rupture de l’égalité entre les actionnaires _______________________________________ 34
B ) La sanction de l’abus de majorité __________________________________________________ 35

62
Conclusion du chapitre 1__________________________________________________________ 36
Chapitre 2 : Les opérations financières intra-groupe au regard du droit pénal des affaires____ 38
Section 1 : La notion de l’abus de biens et de crédit sociaux __________________________________ 38
A ) L’usage abusif des biens et crédit sociaux ____________________________________________ 39
B ) L’usage contraire à l’intérêt social __________________________________________________ 40
Section 2 : La sanction de l’abus des biens et crédit sociaux __________________________________ 43

Conclusion du chapitre 2__________________________________________________________ 44


Chapitre 3 : Les opérations financières intra-groupe au regard de la législation fiscale_______ 45
Section 1 : Les opérations financières intra-groupe et l’abus de droit ___________________________ 46
A ) La notion de l’abus de droit _______________________________________________________ 46
B ) La sanction de l’abus de droit _____________________________________________________ 47
Section 2 : Les opérations financières intra-groupe et l’acte anormal de gestion __________________ 49
A ) La notion de l’acte anormal de gestion ______________________________________________ 50
B ) La sanction de l’acte anormal de gestion ____________________________________________ 51

Conclusion du chapitre 3__________________________________________________________ 52

Conclusion générale __________________________________________________________ 54


Bibliographie ________________________________________________________________ 56
Table des matières ___________________________________________________________ 62

63

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