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COURS DE DROIT PENAL GENERAL

LICENCE II – AMPHI B

Chargée de cours : Dr Dassé épse


Amadou Francine Orphée

INTRODUCTION GENERALE

Le droit pénal est bien souvent aux yeux du profane le seul droit connu, car il est spectaculaire
et largement médiatisé. Cette connaissance se comprend aisément dans la mesure où, c’est un
droit qui pose les interdits fondamentaux, et qui constitue le reflet des valeurs de la société.

Cependant, il s’agit là, d’une connaissance tout à fait approximative et souvent déformée.

D’où, l’intérêt d’un tel cours.

Parmi la pluralité des définitions du droit pénal, nous retiendrons celle adoptée par les auteurs
Merle et Vitu qui le définissent comme « l’ensemble des règles juridiques qui organisent la
réaction de l’Etat vis-à-vis des infractions et des délinquants ». 1

Cette définition plus large du droit pénal prend en compte l’apparition d’une législation, dite de
défense sociale, visant à la rééducation du délinquant, non à sa punition, et où la mesure est
dépouillée de toute idée de blâme. C’est cette idée qui est notamment traduite dans l’article 6
al. 2 du nouveau code pénal qui dispose que : « La peine a pour but la répression de l’infraction
commise et doit tendre au reclassement de son auteur qu’elle sanctionne soit dans sa personne,
soit dans ses biens, soit dans ses droits ou son honneur ».

Ainsi donc, la « réaction sociale » comprend d’une part, la répression, et, d’autre part, la
prévention et la rééducation.

Le présent cours a donc pour objet d’étudier donc pour objet d’étudier les conditions dans
lesquelles il y a infraction et les sanctions qui y sont rattachées. Seront alors examinées les
thématiques de la structure de l’infraction, la tentative, la complicité, la récidive etc.

Outre sa définition, une meilleure compréhension du droit pénal nécessite un examen de son
objet, de ses principes et de sa place : il sera donc donné, dans cette introduction une première
idée du droit pénal avant d’en établir ses sources.

I – L’OBJET DU DROIT PENAL


Il résulte de la définition ci-dessus que l’objet du droit pénal est constitué de l’infraction et de
la sanction pénale attachée à celle-ci.

1
R. Merle et A. Vitu : Le droit pénal est le « droit de l’infraction et de la réaction sociale qu’elle engendre », in
Traité de droit criminel, Editions Cujas, 7ème édition.
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A - L’infraction

L’infraction est un phénomène observable dans toutes les sociétés de tous les types, et remonte
aux temps les plus anciens. A l’exemple du célèbre du meurtre d’Abel par Caïn, on ajoutera les
prescriptions sanctionnatrices du code d’Hammurabi à Babylone, le code Hittite du 15ème siècle
avt JC, les prescriptions du Deutéronome et des Nombres chez les Hébreux.

L’existence de telles règles pénales démontre, si besoin en est, que le crime a existé dans les
plus anciennes sociétés, sinon, elles n’auraient pas été écrites. Et, le phénomène criminel
continue d’exister.

A cette permanence de l’infraction, s’ajoute son importance : même s’il est difficile d’avoir des
statistiques fiables en ce qui concerne notre pays, il est loisible de constater, empiriquement, le
développement et l’accroissement des infractions.

Ce qui caractérise également l’infraction est sa variabilité dans l’espace et le temps.

Variabilité dans l’espace en ce que des faits incriminés ici, ne le sont pas ailleurs. Par exemple,
la bigamie est une infraction en Côte d’Ivoire, elle n’en est pas une au Mali, ni au Sénégal, ni
non plus au Gabon ; l’avortement est un délit dans notre pays, il n’est pas punissable en France
etc. L’homosexualité non incriminé en CI, est incriminé ailleurs, dans certains pays d’Afrique.

Variabilité dans le temps, car par l’effet de modification des normes pénales, (même si certains
comportements demeurent immuablement incriminés, tels le meurtre, le vol par ex.), ce qui
constitue à un moment donné une infraction, peut devenir légitime à un autre moment, ou
inversement (dépénalisation/criminalisation). Ou bien, le législateur peut faire preuve de
sévérité en érigeant un délit en crime ou une contravention en délit, ou au contraire de souplesse,
en correctionnalisant des crimes.

Au regard de ce qui précède, et du point de vue juridique, l’infraction est multiforme et variable.

Elle est aussi un phénomène social, et intéresse donc la sociologique qui en donnera sa
définition.

L’infraction touche aussi aux domaines de la morale et de la religion, c’est un péché, la violation
d’un interdit.

Toutes choses qui rendent sa définition malaisée.

Pour contourner cette difficulté, le législateur ivoirien a adopté une définition formelle de
l’infraction, laquelle définition a été reprise à peu de mots près, par le nouveau code pénal en
ces termes : (Article 2) : « Constitue une infraction tout fait, action ou omission, qui trouble ou est
susceptible de troubler l'ordre ou la paix sociale en portant ou non atteinte aux droits des personnes
et qui comme tel est légalement sanctionné ».

Cette nouvelle définition prend en compte la répression des comportements à risque qui n’aboutissent
pas forcément à la production d’un dommage : les infractions de mise en danger de la personne d’autrui.

De cette définition légale, il faut retenir que l’infraction est un comportement interdit, sous la
menace d’une peine, tel qu’il est défini de façon générale et impersonnelle par la loi pénale.

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B - La sanction pénale

La sanction pénale est la mesure prononcée par une juridiction pénale en raison de la
commission d’une infraction (cf. article 6 CP). Plus exactement, c’est elle qui permet d’attribuer
la qualité d’infraction à l’ensemble qu’elle constitue avec l’incrimination. La sanction est donc
la « punition ».
Sous le vocable de « sanction pénale » sont réunies les peines et mesures de sûreté. Ces deux
types de sanctions pénales doivent être distingués, car ils n’engendrent pas les mêmes
conséquences juridiques.
Théoriquement dépourvues de caractère afflictif, à la différence des peines, les mesures de
sûreté sont, comme l’indique l’article 6 al. 3 du code pénal, de simples précautions de protection
sociale destinées à prévenir la récidive d’un délinquant, ou à neutraliser l’état dangereux. Quant
à la peine, elle vise la répression de l’infraction, ainsi que l’amendement du délinquant (art. 6
al. 2CP).

Il existe une variété de sanctions pénales (peines et mesures de sûreté).

Certaines visent la liberté physique du délinquant, telles les peines privatives de libertés
(emprisonnement perpétuel ou à temps), d’autres sont restrictives de liberté, comme
l’interdiction de séjour ou de paraître en certains lieux ; certaines sont privatives de droits, par
exemple, l’interdiction professionnelle (banquier qui aurait commis des malversations,
enseignant qui aurait commis une infraction à l’égard de personnes sous son autorité, etc.), la
déchéance de l’autorité parentale, la privation de droits civiques ; quant à d’autres, elles
touchent le patrimoine de la personne reconnue coupable, notamment, la condamnation à la
peine d’amende etc.

Le prononcé de la sanction, notamment de la peine, obéit à plusieurs finalités énoncées à


l’article 6 al.2 CP : réprimer et favoriser l’amendement du délinquant.

La première fonction que lui attribue le législateur est donc une fonction rétributive :
l’infraction ayant causé un mal à la société, celle-ci réagit, afin que ‘’justice soit faite’’, en
infligeant au délinquant un autre mal destiné à rétablir une sorte d’équilibre. Par le moyen de la
peine, le délinquant paie donc sa dette à la société comme le débiteur paie la sienne à son
créancier.
En conséquence de cette fonction de rétribution, la peine doit être proportionnée à la gravité de
l’infraction commise. Elle doit donc servir d’exemple. La peine doit faire peur à celui qui la
subit. En cela, la peine remplit aussi une fonction d’intimidation individuelle ; on espère ainsi
que celui qui subit une peine n’aura pas envie de récidiver.
La peine aurait aussi une fonction d’élimination. En raison des normes fixées par la
Constitution, il ne s’agit évidemment pas de l’élimination totale de la personne, mais plutôt de
son élimination provisoire ou partielle (notamment : emprisonnement, interdiction d’exercice
d’une profession, interdiction de retour dans un certain lieu) de la vie sociale.

Enfin, orientée vers l’avenir, la fonction d’amendement est désormais expressément admise par
le nouveau code pénal : il s’agit de tenter de transformer le délinquant pour en faire un être
social, un honnête citoyen, en lui appliquant des mesures visant à remédier aux causes de son
inadaptation. Telle la peine de travail d’intérêt général (TIG), désormais prévue à l’art. 36-3°
CP. La peine doit permettre la « réadaptation sociale » du délinquant.

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II – LES BRANCHES DU DROIT PENAL
Le droit pénal se distingue ainsi fondamentalement des autres branches de droit.
A- Le droit pénal et les autres branches de droit
Par rapport aux autres branches de droit, le droit pénal présente quelques traits caractéristiques,
et montre une certaine autonomie.
a) Les traits caractéristiques du droit pénal
Le droit pénal se caractérise d’abord par sa fonction répressive (cf. art. 6 al. 2 CP). Il s’agit de
sanctionner ; c’est ce qui fait l’identité du droit pénal. En effet, le Droit Pénal ne pose pas
d’obligations effectives, mais se compose d’une liste d’interdits. 2
Il a pour rôle d’édicter les sanctions qui doivent s’’appliquer lorsque les règles issues des autres
branches du droit sont violées. On dit alors du droit pénal qu’il est le gendarme du droit.
Ce caractère sanctionnateur permet de le distinguer du droit civil et du droit disciplinaire, car
le droit pénal n’a pas le monopole de la sanction.
Le droit pénal sanctionne les comportements les plus graves, il se caractérise par un degré de
faute plus élevé qui exprime un jugement de valeur qu’exprime très peu, le droit civil
Le second trait caractéristique du droit pénal est sa place originale par rapport aux grandes
divisions du droit : relève-t-il du droit privé ou du droit public ?
 Les arguments en faveur du Droit Pénal dans le Droit Public :
- le droit de punir (droit pénal) appartient exclusivement à l’Etat qui l’exerce au nom de
l’ensemble de la société, par l’intermédiaire du ministère public.
- le droit pénal repose sur des fondements constitutionnels. Ce fondement s’explique par
la nécessité d’encadrer les pouvoirs publics, car le Droit Pénal est susceptible de porter
atteinte aux libertés fondamentales de l’individu, et en particulier à la liberté d’aller et
venir par la privation de liberté. Les principes constitutionnels vont permettre d’encadrer
le droit de punir de l’Etat, de lui donner des fondements rationnels, afin que le Droit
Pénal ne devienne pas un outil d’oppression des citoyens.
Ainsi, dans la mesure où le droit pénal a pour but de régler les rapports entre un particulier et
l’Etat, on peut le classer dans le droit public.
Cependant :
 Les arguments en faveur du Droit Pénal dans le Droit Privé:
- le plus souvent, l’infraction naît dans le cadre de rapports entre les particuliers. Dans la
plupart des cas, l’infraction lèse un intérêt d’ordre privé. Le Droit Pénal apparait ainsi
comme la prolongation du Droit Civil ou du Droit Commercial. Il sanctionne aussi bien
les règles de droit privé que de droit public. Par exemple, à l’occasion de relations
contractuelles, lorsque le consentement de l’un des cocontractants a été obtenu de façon
abusive, des poursuites pénales pourront être engagées (abus de confiance, escroquerie,
extorsion etc).
- le droit pénal utilise les méthodes de raisonnement et les techniques du droit privé. Les
juridictions pénales qui sont amenées à trancher un procès de l’Etat avec un individu

2
Cf. Durkheim, « le Droit Pénal n’édicte que des sanctions, ne dit rien des obligations auxquelles elles se
rapportent, ne commande pas de respecter la vie d’autrui mais de frapper de mort l’assassin ».
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appartienne aux juridictions de l’ordre judiciaire. Les magistrats civils et les magistrats
en matière pénale sont recrutés de la même façon.

En définitive, le Droit Pénal échappe à cette dichotomie Droit privé/Droit public : il doit être
considéré comme un ensemble cohérent qui ne ressemble à aucune autre branche du droit et qui
de ce fait, jouit d’une véritable autonomie.

Il constitue un troisième domaine du Droit qui utilise des concepts juridiques qui lui sont
propres et qui poursuit des objectifs qui lui sont spécifiques.

B- L’autonomie du droit pénal

L’autonomie du droit pénal se manifeste surtout dans l’application de certains concepts issus
des autres disciplines du droit.

1. La liberté du juge pénal de rejeter certaines définitions extra pénales :

Les incriminations prévues par la loi pénale se réfèrent souvent à des notions définies par les
autres disciplines juridiques, telles que le droit civil, le droit commercial etc. (Ex. : la bigamie
ne se conçoit que s’il y a mariage, la qualité de fonctionnaire est une condition préalable de
certaines infractions…).

Toutes ces notions extra-pénales font partie de la qualification pénale, et dès lors, le problème
suivant se pose au juge pénal : doit-il se référer aux définitions internes du droit privé ou du
droit public pour apprécier ou qualifier le fait ?

La réponse est que la jurisprudence criminelle s’écarte volontiers des définitions extra-pénales :
elle a notamment sa conception particulière du « fonctionnaire », ou du « domicile » : ainsi,
pour le juge pénal, le domicile c’est la demeure permanente ou temporaire occupé par celui qui
y a droit ; cela peut être une tente, et, si quelqu’un y entre sans autorisation, c’est une violation
de domicile, alors qu’en matière civile, le domicile est défini par le code civil comme le lieu où
la personne a son principal établissement.

Par là même, se manifeste sous un premier aspect le phénomène contemporain de l’autonomie


du droit pénal.

2. Ensuite l’autonomie se manifeste par l’indifférence à l’égard de certaines imperfections


du droit civil :

Les tribunaux répressifs sont souvent appelés, à statuer sur l’incidence pénale de la nullité des
actes ou des titres juridiques qui commandent la répression.

Sur ce point encore, l’autonomie du droit pénal a été nettement affirmée par la Cour de
cassation française : « la loi civile, ne détermine les causes de nullité ou d’annulation (...) qu’au
point de vue des intérêts civils abstraction faite des éléments délictueux et de leurs
conséquences». Cass. crim. 25 juillet 1912 (S. 1914, I, 116)

Sur cette base, le juge pénal a décidé que l’irrégularité d’un chèque ne fait pas obstacle à la
répression du défaut de provision « si le titre émis (...) présente toutes les apparences d’un
chèque » et s’il a été accepté comme tel. De même, il a été jugé que, il importe peu en matière
d’abus de confiance que le contrat qui a donné lieu au détournement soit frappé d’une cause de
nullité etc.
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Cette autonomie du droit pénal a pour but d’assurer une meilleure répression. Il s’agit d’éviter
que des délinquants habiles ne s’abritent derrière les règles du droit civil pour échapper à la
répression.
C - Les ramifications du droit pénal
Sous une unité apparente, le Droit Pénal ne se constitue pas de façon uniforme. Il se subdivise
en plusieurs sous branches :
 Le droit pénal général qui vise à étudier l’ensemble des règles communes à toutes les
infractions. Ce sont les règles qui fixent les grands principes en matière d’infractions,
de responsabilité pénale et de sanction pénale.
 Le droit pénal spécial est constitué des règles particulières à chaque infraction. Il
applique et adapte aux différentes infractions les règles et principes prévus par le droit
pénal général.
 La procédure pénale est constituée des règles qui gouvernent la manière dont la justice
est saisie ainsi que la manière dont les infractions vont être prises en compte,
référencées, puis traitées.
 Le droit pénal international : les sources internationales de droit pénal tendent à se
multiplier, d’où l’importance grandissante du droit pénal international. C’est la branche
du droit pénal qui règle l’ensemble des problèmes pénaux qui se posent au plan
international. Il est constitué de deux composantes :
- La première a trait à la répression de l’infraction présentant un élément
d’extranéité conduisant à se trouver en relation avec un ordre juridique étranger
à l’ordre ivoirien. Par ex., la compétence des tribunaux ivoiriens pour juger une
infraction commise à l’étranger, la compétence de la police et juridictions
ivoiriennes pour mener des enquêtes pénales à l’étranger, les règles d’extradition
des délinquants étrangers présents sur le territoire ivoirien etc.
- La seconde, appelée droit international pénal a trait à la répression des
infractions pénales définies par les conventions internationales : crime de guerre,
génocide, crime contre l’humanité etc. ce droit se manifeste à travers l’institution
des tribunaux pénaux ad-hoc (Rwanda, ex-Yougoslavie) et la Cour pénale
internationale.

On associe aussi au droit pénal :

• La pénologie qui est l’étude des sanctions encourues, leur mode d’exécution et
d’extinction.
• La criminologie qui étudie le phénomène criminel dans sa réalité sociale et individuelle
(étude des causes et des conséquences de la criminalité).

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

 Nouveau code pénal issu de la loi n° 2019-574 du 26 juin 2019 portant Code pénal :
le code pénal de 1981 connaissait sur divers points un vieillissement certain et était
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insuffisant à faire face à de nouvelles formes de criminalité (cybercriminalité,
criminalité d’affaires, mise en danger, terrorisme etc.). Le nouveau code, qui constitue
moins une révolution qu’un ajustement du droit pénal aux exigences de la société
ivoirienne moderne, tend à assurer la défense des valeurs essentielles de notre époque
et une répression appropriée de ceux qui viendraient à méconnaître les interdits qu’elles
impliquent. En la forme, il s’efforce d’atteindre ces objectifs en manifestant dans la
présentation un souci de clarté et de simplicité.

 Jean Pradel, Droit pénal général, éd. CUJAS, 21ème éd. 2016.

 B. Bouloc, G. Stéphani & G. Levasseur, Droit pénal général, coll. précis Dalloz, Dalloz-
Sirey, 20ème éd., 2007.

 Pradel, Jean, Varinard, André et al., Les grands arrêts du droit pénal général, Paris :
Dalloz, 2007, 734 p.

 P. Conte, J. Larguier & P. Maistre du Chambon, Droit pénal général, Dalloz, 22ème éd.,
2014.

 Y. Mayaud, Droit pénal général, PUF 2015.

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PREMIERE PARTIE : LA
NORME PENALE
La loi est le relais nécessaire au droit pénal. Il ne saurait y avoir de crimes ou de délits sans une
définition préalable contenue dans un texte destiné à en fixer les éléments constitutifs. C’est ni
plus ni moins que l’affirmation du principe de légalité des délits et des peines.

Il convient d’examiner, en premier lieu le contenu du principe de la légalité criminelle, et en


second lieu, son application.

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Chapitre 1 : LE PRINCIPE DE LA
LEGALITE DES DELITS ET DES
PEINES

Le principe de la légalité des délits et des peines est une règle cardinale en droit pénal en ce
qu’il dessine la logique de la matière pénale et son application.
Le principe « nullum crimen, nulla poena sine lege », signifie que le juge ne peut retenir la
culpabilité d’un individu et prononcer des peines que si cela a été prévu par la loi. En d’autres
termes, tout le droit pénal est exprimé dans la loi.
Le code pénal ivoirien reprend ce principe, en son article 14.
Après avoir apprécié les fondements et corollaires du principe, les sources de l’infraction seront
ensuite analysées.

SECTION I – FONDEMENTS DU PRINCIPE DE LA LEGALITE DES DELITS ET


DES PEINES
§ 1 : Bref historique du principe
Les fondements du principe de la légalité amènent à voir l’origine et le contenu du principe de
la légalité.
Le principe de la légalité de la répression était ignoré du droit de l’Ancien régime ; du moins,
la légalité pénale était très lacunaire. Il n’existait pas de textes d’incriminations, et lorsque les
textes existaient (édits royaux), ils étaient rédigés de façon vague et imprécise, accordant ainsi
un rôle considérable au juge. De ce fait, ce dernier pouvait retenir un fait même s’il n’était pas
prévu par un texte et le punir selon sa libre appréciation. La peine était aléatoire et surtout
indéterminée. Très variable d’une région à l’autre.

C’est chez les philosophes du 18e siècle, notamment chez le juriste italien Cesare Beccaria et
Montesquieu, qu’on trouve la première expression systématique et raisonnée du principe de la
légalité.
Pour Beccaria, « les lois seules peuvent ordonner les peines applicables aux délits et ce pouvoir
ne peut résider que dans la personne du législateur qui représente toute la société unie par un
contrat social ». (Il en a fait la base d’un petit livre intitulé « Traité des délits et des peines »
(chap. III, 1764) qui fut le premier traité de Droit Pénal raisonné).

Dans la même veine, dans son ouvrage intitulé « De l’esprit des Lois », Montesquieu déclare
que « les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi » et « il
n’y a point de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative ».

Le principe de la légalité criminelle ainsi établi, sera repris par la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen (DDH&C) du 27 août 1789, qui lui donnera sa forme définitive, et lui
assurera l’universalité et la pérennité qu’on lui connaît actuellement.

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L’article 7 DDHC proclame : « Nul homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas
déterminées par la loi et dans les formes qu’elle a prescrites », et l’article 8 ajoute : « la loi ne
peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en
vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ».

Ce principe était tellement évident que sa diffusion à l’étranger sera immense ; presque tous les
pays civilisés le consacreront et y verront l’un des fondamentaux les plus assurés du droit
criminel moderne.

Il sera formulé tantôt dans les codes pénaux, tantôt dans les constitutions. On le retrouve aussi
dans les textes internationaux essentiels tels que la DUDH de 1948, le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (1966), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
de 1981 etc.

§2 - Fondements du Principe

Plusieurs raisons justifient le principe de la légalité :

• la nécessité de protéger la liberté individuelle contre l’arbitraire du pouvoir et du juge : Le


droit pénal doit être prévisible, il convient que la loi avertisse avant de frapper de manière
à ce que tout citoyen sache avant d’agir ce qu’il est possible de faire et ce qui est interdit.
Cette connaissance a pour corollaire la sécurité juridique, car seule la connaissance
préalable des interdits est à même de garantir cette sécurité. Ainsi, le principe de la légalité
assure la sécurité et la liberté individuelles.

• le principe de la légalité assure aussi l’égalité des citoyens devant la loi pénale. La
préexistence des textes pénaux permet aux citoyens d’avoir tous, à égalité la même
connaissance des textes. Cf. notamment article 17 al. 1 CP : « La loi pénale s’applique à
tous également ».

• la nécessité d’encadrer le pouvoir de l’Etat : il importe que la collectivité n’abuse pas des
prérogatives qu’elle possède sur les êtres qui la composent : son pouvoir doit être contenu
dans certaines limites, qui garantissent la liberté et l’indépendance de chacun. Le principe
de la légalité est le rempart contre l’arbitraire du pouvoir. Il rejoint la théorie de
Montesquieu sur la séparation des pouvoirs : le juge empiéterait sur le pouvoir législatif
s’il pouvait librement créer des incriminations, choisir des peines et juger sans respecter
des règles de compétence ou de procédure impérativement fixées.

SECTION II – SIGNIFICATIONS DU PRINCIPE DE LA


LEGALITE PENALE

Enoncé à l’article 14 du code pénal (« Le juge ne peut qualifier d'infraction et punir un fait qui
n'est pas légalement défini et puni comme tel. Il ne peut prononcer d'autres peines et mesures
de sûreté que celles établies par la loi et prévues pour l'infraction qu'il constate »), le principe
légaliste signifie que les individus doivent connaître non seulement les actes prohibés, mais
aussi les peines auxquels ils s’exposent en enfreignant les interdits.

Ce principe implique donc des conséquences tant sur l’incrimination que sur la peine.
§1 : Le principe de la légalité criminelle : nullum crimen sine lege

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A- Exposé du principe

Le principe de la légalité criminelle signifie qu’une infraction n’est punissable que si elle a été
définie par la loi. Il n’y a pas d’infraction sans texte.

Ainsi, tout acte, tout comportement qui cause un trouble à l’ordre public même très grave, ne
donnera pas nécessairement lieu à une sanction pénale, s’il n’est pas légalement incriminé. Ce
principe emporte des conséquences, tant à l’égard du juge que du législateur.

A.1 : à l’égard du juge :

Le juge est obligé de se livrer à une opération importante : la qualification des faits.

Avant de prononcer toute décision de culpabilité ou non, le juge, doit constater l’existence d’un
texte répressif antérieur aux faits poursuivis et vérifier que sont réunis les éléments constitutifs
exigés par la loi pour que le fait soit punissable. Si le fait n’est susceptible d’aucune
qualification pénale, il ne peut donner lieu ni à poursuite ni évidemment à condamnation même
s’il est moralement ou socialement réprouvé. Par exemple, parce que précisément la loi ne l’a
pas réprimé, le suicide n’est pas pénalement punissable. Idem pour la prostitution.

Le principe de la légalité criminelle fait aussi interdiction au juge de donner aux textes de loi
une portée rétroactive. En effet, le principe de la légalité criminelle implique que nul ne peut
être puni pour un comportement qui, au moment où il a été commis ne constituait pas une
infraction.

En outre, le juge doit appliquer la loi de manière restrictive, comme l’exige l’article 16 CP.

A.2 : à l’égard du pouvoir législatif :

Le principe de la légalité criminelle exprime le besoin de qualité de la loi pénale : la loi pénale
doit être claire et prévisible.

En effet, le principe exige du législateur de décrire avec précision le comportement interdit ; il


doit rédiger des textes clairs, précis, accessibles et complets, car toute incrimination vague
supprime toute garantie aux citoyens. Le législateur est, finalement, sous liberté surveillée
puisque ce sont tant la teneur de l'interdit pénal que la manière de le formuler qui doivent être
contrôlées pour que le principe légaliste soit une garantie contre l'arbitraire. La qualité
rédactionnelle est donc un rempart contre un pouvoir arbitraire qui punirait sans discernement.

L’infraction doit être clairement définie par la loi pour que le « justiciable puisse savoir à partir
du libellé de la clause pertinente […] quels actes et omissions engagent sa responsabilité ». En
d’autres termes, le texte d’incrimination doit être explicite sur les éléments constitutifs de
l’infraction.
Le principe de la légalité s’impose au législateur :
- d’une part en tant que principe à valeur constitutionnelle (article 7, loi n° 2016-
886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire –
révisée par la loi constitutionnelle n°2020-348 du 19/3/2020 – : « Nul ne peut être
poursuivi, arrêté, gardé en vue ou inculpé, qu’en vertu d’une loi promulguée
antérieurement aux faits qui lui sont reprochés ») ;

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- d’autre part, en tant que disposition supra légale : il figure dans les textes
internationaux signés et ratifiés par la CI (Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques (articles 9, 10, 14, 15) ; charte africaine (art. 6) etc.
L’article 123 de la constitution consacre l’autorité supérieure des traités sur les textes
nationaux.
Mais, parfois, on constate que les obligations ci-dessus mentionnées qui pèsent sur le législateur
ne sont pas toujours respectées de sorte que le principe de la légalité est égratigné.

B- Les atteintes au principe de la légalité criminelle


Le législateur multiplie les lois pénales et cette multiplication des lois peut porter atteinte à la
cohérence du droit pénal.
En effet, on peut constater que les incriminations sont contenues dans plusieurs textes
disparates, et sont parfois mal harmonisées (Ex : loi du 4/8/2008 relative à la répression du
racisme, de la xénophobie, du tribalisme et des discriminations raciales et religieuses ; loi n°98-
757 du 23 décembre 1998 portant répression de certaines formes de violences à l’égard des
femmes, loi n°2016-992 du 14/11/2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et
le financement du terrorisme, loi n°2015-493 du 7/7/2015 portant répression du terrorisme etc.).
Cette dissémination des textes ne facilite pas la connaissance de la loi qui est pourtant un
présupposé du principe de la légalité.
Le nouveau code pénal a opéré une certaine unification du droit pénal en intégrant dans son
corpus les infractions précédemment réprimées par des textes spécifiques. Ainsi, il intègre les
infractions punies par la loi n°98-757 du 23/12/1998 portant répression de certaines formes de
violences à l’égard des femmes, les infractions en matière de technologies de l’information et
de la communication punies par la loi n°2013-451 du 19/6/2013 relative à la lutte contre la
cybercriminalité (art. 365-377 CP), ainsi que les infractions réprimées par la loi susvisée sur les
discriminations raciales, religieuses et ethniques etc.
Il arrive aussi que le législateur édicte un texte trop imprécis. Ce qui amène parfois le juge à
interpréter le texte de manière incorrecte, entraînant le déclin du principe de légalité.
Cf. par ex., infractions d’offense et d’outrage/ d’atteinte à la sécurité publique ou susceptible
d’occasionner des troubles graves

Le nouveau code pénal a tenté de corriger certaines imperfections de l’ancien code pénal dont
certaines incriminations demeuraient floues ou vagues. Par exemple, il a défini l’incrimination
de viol (art. 403 CP), ce qui n’était pas le cas auparavant alors même que cette infraction était
qualifiée de crime.

Les limites au principe de la légalité criminelle se perçoivent aussi à l’égard des juges.

En effet, le principe n’oblige pas le juge à réprimer les faits prévus par la loi. Par exemple, les
magistrats du parquet ne sont pas tenus d’engager des poursuites.

De même, le principe ne s’oppose pas à ce que le juge requalifie l’infraction sous une
qualification moins grave que celle résultant de la stricte application des dispositions légales.
Ex. viol souvent requalifié d’attentat à la pudeur pour palier des problèmes de preuve.

§2 : Le principe de la légalité des peines : nulla poena sine lege

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A- Exposé du principe

Il ne peut pas y avoir de peine si cette peine n’est pas prévue et déterminée par la loi, selon les
dispositions de l’article 14 al. 2 CP.

Ainsi, pour chaque infraction, le législateur doit prévoir à l’avance une peine déterminée.

Aussi, le juge ne peut-il prononcer que les peines prévues par la loi, pour l’infraction qu’il
retient et, dans les limites et conditions légales :
o il ne peut inventer une peine ;
o il ne peut prononcer une peine supérieure au maximum légal ;
o il ne peut prononcer une peine complémentaire qui n’aurait pas été prévue par
l’infraction jugée ;
o il ne peut s’abstenir de prononcer une peine complémentaire lorsque celle-ci est
obligatoire etc.

B- Atteintes au principe

En matière de sanction, le législateur procède parfois par renvoi, ce qui constitue une atteinte
au principe de la légalité.

La sanction à une incrimination pouvant figurer dans un autre texte, il faut consulter plusieurs
textes pour connaître la sanction, alors que l’incrimination et la sanction sont indissociables.

Le principe de la légalité des peines est aussi atténué par le pouvoir qui est conféré au juge
d’individualiser les peines : le code pénal prévoit un maximum et un minimum pour les peines,
ce qui laisse au juge une grande marge de manœuvre. Ainsi, le juge peut en diminuer le
quantum, écarter certaines d’entre elles ou les assortir de diverses modalités prévues par la loi.

SECTION III – CONSEQUENCE DU PRINCIPE DE LA LEGALITE PENALE :


L’INTERPRETATION STRICTE DE LA LOI
Selon Montesquieu, « les juges ne devraient être que les bouches qui prononcent les paroles de
la loi ». Tel n’est pas toujours le cas, car en dépit de l’obligation qui est faite au législateur de
prévoir des incriminations claires et précises, certains textes demeurent obscurs ; il est, dans la
pratique, nécessaire de faire appel au juge pour comprendre et interpréter le texte de loi.

Par ailleurs, même en présence d’un texte clair, l’interprétation du juge se révèle nécessaire :
par exemple, bien que précisément défini, l’incrimination de vol a suscité et suscite encore
aujourd’hui, des problèmes : qu’est-ce qu’une chose ? Photocopier sans autorisation du
propriétaire constitue-t-il un vol ?

Le juge, obligé de juger sous peine d’être sanctionné pour déni de justice, dispose de plusieurs
méthodes d’interprétation. Toutefois, dans la mesure où seule la loi a la légitimité pour créer
les infractions, le principe de l’interprétation stricte des lois pénales s’impose conformément à
l’article 15 du nouveau code pénal qui consacre formellement cette interprétation.

§1 : Les différentes méthodes d’interprétation


Elles sont au nombre de 3 : littérale, téléologique et analogique.
1) La méthode littérale
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Cette méthode s’attache, à la lettre du texte : le juge va devoir dégager le sens du texte en se
basant exclusivement sur les dispositions de ce texte. Ainsi, s’il y a contradiction entre la
volonté du législateur et la lettre de texte, c’est la lettre de texte qui doit l’emporter.
Prônée par Montesquieu et Beccaria, cette méthode se justifie par la volonté de limiter
l’arbitraire car la recherche de l’esprit du texte est une porte ouverte à toutes les interprétations.
Cependant, cette méthode ne permet pas au juge d’adapter la loi aux besoins de l’époque.
2) La méthode ou l’interprétation téléologique
Elle attache plus d’importance à l’intention du législateur qu’à la lettre. L’idée est que le juge
va devoir rechercher derrière le texte, quelle a été la volonté du législateur.
Cette seconde méthode confère donc au juge un pouvoir beaucoup plus important que la
première, l’interprétation de la loi par le juge doit toujours cependant être déclarative.
Le juge doit objectivement essayer de dégager quelle était l’intention du législateur sans essayer
de rajouter ou de retrancher quoi que ce soit. Pour ce faire, le juge peut prendre en considération
dans le doute, l’histoire, le contexte socio-économique, les travaux préparatoires de la loi etc.

3) la méthode ou l’interprétation analogique


Elle consiste à résoudre une espèce pénale, non prévue par la loi, en se réclamant de son esprit
et en prenant pour point de départ la similitude de l’espèce donnée avec une autre que la loi a
définie. Ex. : en raisonnant par analogie, en se basant sur les seuls textes prévus pour le vol, il
est possible de punir des actes comme l’escroquerie, l’extorsion ou l’abus de confiance.

§2 : La méthode d’interprétation adoptée : le principe de l’interprétation stricte de la loi


pénale
Le principe de l’interprétation stricte énoncée à l’article 15 CP, est un corollaire du principe de
la légalité. Il s’agit de ne pas donner au juge un pouvoir d’interprétation si important qu’il
pourrait en réalité se substituer au législateur.

1) Signification du principe de l’interprétation stricte

Ce principe a une double signification :

• La première est que le juge ne peut appliquer un texte qu’aux cas prévus par ce texte.
Cela exclut l’interprétation par analogie, comme il est expressément dit à l’article 16
alinéa 2 : « L’application par analogie d’une disposition pénale à un fait qu’elle n’a
pas prévu est interdite ». Il en résulte que le juge n’a pas le droit de combler les lacunes
du législateur. Cette interdiction explique la jurisprudence qui a refusé d’appliquer le
vol à la grivèlerie (ou filouterie) d’aliment, comportement qui ressemble à du vol mais
qui n’en est pas. Par exemple, la Cour suprême a considéré qu’on ne peut pas appliquer
le délit relatif à la publicité des marchandises aux prestations de service qui ne sont pas
des marchandises : CS, 9 /11/1973, RID 1974, n°3, p. 45.

• La seconde est que le juge doit appliquer le texte à toutes à les hypothèses que loi
prévoit : l’interprétation stricte n’est pas une interprétation restrictive qui consisterait à
adopter systématiquement une application minimale de la loi pénale.

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Ainsi, le juge pénal est autorisé à recourir à l’interprétation téléologique, car cette
méthode lui permet de combler les lacunes de la loi nées avec l’évolution de la technique
(progrès techniques imprévisibles pour le législateur) et de prendre en compte les
nouvelles formes de criminalité.

Le juge y a eu recours en matière de vol d’électricité : la jurisprudence va reconnaitre


que l’électricité est une chose, dans la mesure où elle passe de la possession du
fournisseur d’énergie, à la possession de l’abonné qui reçoit l’électricité. Elle peut faire
l’objet d’une appréhension, ce qui fait qu’elle peut être considérée comme une chose :
Crim. 19/12/1954, Revue de science criminelle 1957 p. 630, observations LEGAL.

• A ces deux sens, on peut ajouter un troisième : le juge a la possibilité de corriger les
erreurs matérielles commises par le législateur. Il n’est pas obligé de s’arrêter à la lettre
de la loi. En effet, le texte de loi peut être mal rédigé, comporter des erreurs
grammaticales ou des erreurs de syntaxe et que ces erreurs qui ont pour effet de le rendre
confus ou absurde. Dans ces cas, l’application du texte au pied de la lettre conduit à des
absurdités. Ex. selon un règlement sur la police des transports ferroviaires « il est
interdit aux voyageurs de monter ou de descendre ailleurs que dans les gares et lorsque
le train est complètement arrêté ». Alors, un citoyen s’est permis de descendre du train
en marche, en se prévalant de la loi qui l’y autorisait. La cour de cassation a déclaré
que le texte est absurde et qu'il est évident qu'il est interdit de descendre avant l'arrêt
complet et non pas pendant l'arrêt complet. (ch. Crim. 1930). En d’autres termes, le
juge n’a pas besoin d’interpréter la loi littéralement, il peut corriger les erreurs du
législateur.
Chaque fois que la lettre de la loi est claire et précise, l’interprétation littérale ou l’application
restrictive telle que édictée à l’article 16 CP reste une garantie contre des interprétations plus
ou moins arbitraires du juge.
Mais, dans le cas où la loi est obscure, le juge doit un effort pour percer l’intention du législateur
en s’aidant au besoin des travaux préparatoires. Si malgré tous les efforts du juge, l’obscurité
persiste, le juge doit se refuser à condamner : le doute doit profiter à l’accusé.

2) Les limites au principe de l’interprétation stricte

La jurisprudence approuvée par la doctrine a admis l’interprétation par analogie dans deux
hypothèses : il s’agit des lois pénales de fond favorables aux personnes poursuivies et des lois
pénales de forme :

• en ce qui concerne les lois pénales de fond favorables aux prévenus (analogie in
favorem) : la jurisprudence a fait l’application par analogie en matière de faits
justificatifs. En effet, l’art. 329 de l’ancien code pénal de 1810 ne prévoyait la légitime
défense que pour les coups et blessures et l’homicide volontaires. Le code pénal ne visait
que les crimes et délits en matière de faits justificatifs. L’interprétation stricte aurait
conduit à restreindre le domaine des faits justificatifs en excluant les contraventions, et
à admettre la légitime défense uniquement pour les infractions de coups et blessures et
d’homicide volontaires. Pourtant, la jurisprudence a étendu les faits justificatifs à toutes
les infractions volontaires y compris les contraventions.
Elle a même inventé de toutes pièces un nouveau fait justificatif que le législateur
n’avait pas prévu : l’état de nécessité. Ces décisions jurisprudentielles ont pas la suite
été entérinées par le législateur ivoirien dans le code pénal de 1981 (Cf. articles 100 et
104 ancien CP).
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• en ce qui concerne les lois pénales de forme, la jurisprudence admet presque
systématiquement l’interprétation par analogie. La justification de cette solution est que
les lois pénales de forme ont pour but d’assurer une meilleure administration de la
justice pénale, et par conséquent, elles ne peuvent pas nuire aux parties. Par exemple,
l’interprétation par analogie a été utilisée pour étendre à tous les experts l’obligation
du serment qui n’était prévu qu’en matière de fragrant délit.

SECTION IV – LES SOURCES DU DROIT PENAL


En application du principe de la légalité pénale, la source fondamentale des délits et des peines
est la loi. Celle-ci est de nature interne et internationale.

§ 1 – La loi
Il s’agit non seulement de la loi au sens strict, mais aussi de toutes les règles qui sont assimilées
à la loi par la constitution.
A/ La loi au sens strict
Prise dans ce sens, la loi désigne une disposition générale et abstraite votée par le parlement
transmise au Président de la République (PR), puis promulguée par lui. Elle est ensuite publiée
au journal officiel (JO) et entre en vigueur trois jours francs après cette publication.
La loi est la principale source du droit pénal. En effet, l’article 101 de la constitution réserve au
législateur le pouvoir de déterminer « les crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont
applicables, la procédure pénale, l’amnistie ». C’est dire que le législateur a le monopole de la
répression, exception faite des contraventions qui relèvent du pouvoir réglementaire selon
l’article 103 de la constitution.
Les incriminations sont essentiellement contenues dans le code pénal : loi n°2019-574 du 26
juin 2019 portant code pénal qui abroge la loi n°81-640 du 31 août 1981 instituant le code
pénal.
Pour rappel, le principe de la légalité des délits et des peines oblige le législateur à définir
strictement les éléments constitutifs de l’infraction.
Mais, il arrive que le législateur vote des lois imprécises dans lesquelles les juges peuvent faire
entrer tout ce qui veut. Dans ce cas de figure, ces lois entachées d’un motif d’annulation peuent
faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, soit par la voie de l’action (avant la
promulgation, la loi peut être déférée devant le Conseil Constitutionnel qui en apprécie la
conformité avec la constitution (art. 126, Const.)), soit par la voie de l’exception
d’inconstitutionnalité (l’article 135 Const.).
L’exception peut être invoquée par tout plaideur dès qu’un acte relève dans son application un
motif d’inconstitutionnalité.
Le juge répressif, devant lequel l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée doit surseoir à
statuer et saisir le conseil constitutionnel.
Toutefois, la décision du juge constitutionnel a un caractère relatif dans le cadre du recours en
exception : seul l’acte pris en application de la loi déclarée inconstitutionnelle est annulée, la
loi subsiste.

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B/ Les règles assimilées à la loi
Deux types de règles sont assimilés à la loi au sens strict. Il s’agit des ordonnances ratifiées et
des mesures exceptionnelles de l’article 73.
1) Les ordonnances ratifiées
Elles sont prévues par l’article 106 de la constitution. Ce texte prévoit que pour l’exécution de
son programme, le PR peut demander au parlement l’autorisation de prendre par des
ordonnances, pendant un délai limité, de mesures qui relèvent normalement du domaine de la
loi.
Ces ordonnances sont prises en Conseil des Ministres et entrent en vigueur dès leur publication.
Mais, elles doivent ensuite être ratifiées par le parlement. Avant la ratification, elles ont la
même valeur qu’un règlement. Le projet de loi de ratification doit être déposé au parlement
avant l’expiration de la loi d’habilitation. Si le projet de loi de ratification n’est pas déposé dans
le délai, l’ordonnance devient caduque, c’est-à-dire, qu’elle ne peut plus être appliquée pour
l’avenir. Il en est de même si le parlement refuse la ratification.
Mais si le parlement vote la loi de ratification, l’ordonnance devient une loi et ne peut être
modifiée que par la loi, du moins, en ce qui concerne les dispositions relevant du domaine de
compétence du législateur. Cela signifie qu’à partir de la ratification, le juge répressif ne pourra
plus contrôler la conformité de l’ordonnance à la loi ou à la constitution.
Ex. Ordonnance du 21 mars 2012 relative aux Télécommunications et aux Technologies de
l’Information et de la Communication. Elle comporte de nombreuses dispositions pénales (cf.
chap. 2).

2) Les mesures exceptionnelles de l’article 73


Dans le cas circonstances exceptionnelles, par exemple, lorsque l’intégrité du territoire est
menacée, le PR peut prendre des mesures exceptionnelles qu’exige la situation. Mais il doit
recueillir les avis des Présidents des chambres du Parlement et du Conseil Constitutionnel et, il
en informe la nation par message spécial.
Les mesures prises ont au moins, la même valeur que la loi.
Qu’il agisse de la loi au sens strict ou des règles qui lui sont assimilées, le juge pénal n’a qu’un
pouvoir de contrôle formel, c’est-à-dire qu’il peut seulement vérifier que la loi, l’ordonnance
ou la mesure exceptionnelle ont été adoptées par les organes compétents et dans le respect des
procédures. Il s’agit d’un contrôle de la légalité purement formel qui a pour but de vérifier le
respect des formalités d’élaboration de ces règles.

§2 – Le règlement

Au niveau interne, il n’y a pas que la loi au sens strict qui soit la source du droit pénal. Le
pouvoir exécutif joue un rôle dans l'édiction du droit pénal, par le biais d’ordonnances et de
règlements administratifs qui sont soumis au contrôle de la légalité de la part du juge répressif.

A/ La présentation des règlements

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On peut distinguer diverses sortes de règlements que sont les ordonnances non encore ratifiées,
les décrets règlementaires, les arrêtés pris par les AA et les circulaires.
Les décrets pris en Conseil de Ministre définis par l’article 103 ne peuvent intervenir qu’en
matière de contraventions, les crimes et délits relevant du domaine exclusif de la loi (art.
101/103 constitution).
En principe, les contraventions relèvent du domaine exclusif du règlement, mais le législateur
peut prévoir des contraventions.

Les autres règlements administratifs tels les arrêtés ministériels, municipaux ou préfectoraux
constituent également une source du droit pénal. Ils sont pris par l’administration, le
gouvernement, leurs agents d’exécution. Ces arrêtés peuvent interdire certains comportements,
mais ne peuvent jamais fixer des peines.

Pour autant, les agissements ainsi interdits ne resteront pas impunis, car il existe une sanction
sui s’applique à toute violation d’un règlement. Cette sanction est prévue à l’article 2-1° du
décret du 31 juillet 1969 déterminant les contraventions de simple police et les peines qui leur
sont applicables : « Sera puni d’une amende de 5 000 à 50 000 F CFA inclusivement quiconque
aura contrevenu au décret ou arrêté légalement fait par l’autorité administrative ou
municipale ».

B/ Le contrôle de la légalité des règlements


La solution d’un procès pénal dépend parfois de la légalité d’un acte administratif (règlement
ou acte individuel). Le juge pénal peut-il réprimer sur la base d’un règlement contraire à la loi ?
Exemple : les dispositions (article 9) du décret n° 2012-980 du 10 octobre 2012 portant
interdiction de fumer dans les lieux publics et transports en commun, punissent d’une amende
de 15.000 à 100.000 F, tout contrevenant à l’interdiction de fumer dans les lieux publics clos
ou ouverts ou dans les transports en commun. Le juge peut-il appliquer cette disposition, si elle
est contraire à la loi ?
Il est un principe en la matière : les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les
actes administratifs réglementaires ou individuels, et pour en apprécier la légalité lorsque, de
cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis.
Deux types de contrôle sont prévus : le contrôle par voie d’action et le contrôle par voie
d’exception.

1) Le contrôle par voie d’action


La personne concernée peut exercer contre le règlement servant de base à sa poursuite,
introduire un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.

Le règlement peut être par exemple annulé pour les motifs suivants :
- l’incompétence de l’autorité administrative ;
- le non - respect des conditions de procédure fixées par la loi : vice de forme. Ex : absence
de publicité, de motivation… ;
- la violation de la loi ;
- le détournement de pouvoirs : le juge vérifie que l’auteur de l’acte a respecté le but qui
lui est assigné par la loi.

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Le texte répressif jugé illégal est annulé, il ne peut plus s’appliquer, et est censé n’avoir jamais
existé.
Ce qui n’est pas le cas lorsque les juridictions répressives procèdent à un contrôle de légalité
par voie d’exception.
2) Le contrôle par voie d’exception
Toute personne poursuivie devant les juridictions répressives peut invoquer l’illégalité du
règlement qui sert de fondement aux poursuites pour échapper à la répression.

Au regard de l’article 2 qui définit l’infraction comme un comportement légalement interdit, le


juge doit soulever d’office l’illégalité d’un acte réglementaire, cette disposition étant d’ordre
public.

Lorsque le juge répressif constate l’illégalité d’un texte réglementaire qui sert de base à des
poursuites pénales, il doit refuser de l’appliquer dans le cadre du procès en cours. Il n’a pas le
pouvoir de l’annuler, le texte reste en vigueur.

§ 3 – la Constitution (Loi n° 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la


République de Côte d’Ivoire modifiée par la loi constitutionnelle n°2020-348 du 19/03/2020
modifiant la constitution)

Bien que son rôle soit l’organisation politique du pays et la répartition des pouvoirs d’Etat, la
constitution constitue une source du droit pénal.

Elle intéresse le droit pénal dans la mesure où, elle énonce quelques-uns de ses principes
fondamentaux, tel que le principe de la légalité des délits et des peines, elle détermine les
compétences pénales du pouvoir exécutif et législatif, et comporte une déclaration des droits de
l’homme, laquelle déclaration constitue les bornes au catalogue des incriminations contenues
dans le code pénal.

§ 4 – les Conventions internationales


Bien que la sanction pénale soit une prérogative de la puissance publique, donc appartenant à
la puissance étatique, on ne peut exclure, en droit pénal, l’intervention de conventions
internationales qui possèdent en ce domaine un rôle non négligeable.
Certaines normes internationales ont un caractère général et n’énoncent que les principes
fondamentaux de la légalité pénale et la non-rétroactivité de la loi pénale : il s’agit par exemple,
du pacte international relatif aux droits civils et politiques adoptés le 19 décembre 1966 dans le
cadre des Nations unies et ratifiés par la CI en (entré en vigueur en Côte d’Ivoire, le 26 juin
1992) ; de la Charte africaine des droits de l’homme de 1981 (applicable en Côte d’Ivoire depuis
le 31 juin 1992).
D’autres normes internationales comportent des dispositions de droit pénal spécial, telles que :

- les 4 conventions de Genève (articles 49/50/129/146) et leurs 2 protocoles additionnels


(articles 11 et 85) : elles définissent les infractions graves au DIH et qui doivent être
réprimées par les dispositions internes (crimes de guerre, génocide, crime contre
l’humanité etc.) la CI est partie aux 4 CG et PA ;
- le statut de Rome (17/7/1998 – ratification par la CI : 15/2/13) : il définit les crimes de
guerre, génocide, crime contre l’humanité et les peines y attachées. Cf. articles 136 à
144 CP.
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En vertu de l’article 123 de la constitution, les conventions internationales ratifiées et publiées
régulièrement font partie de l’ordre juridique interne et ont, une autorité supérieure à la
loi nationale, sous réserve de la réciprocité.
Il s’ensuit que lorsque traité autorise un acte, la loi nationale ne peut pas l’ériger en infraction.
En outre, en cas de contrariété entre une loi et un traité, ce dernier doit prévaloir. Dans le cadre
d’un procès, le juge doit refuser d’appliquer une loi nationale ou tout autre texte qui lui paraît
contraire aux dispositions des conventions internationales régulièrement ratifiées et publiées.

Chapitre 2 : L’APPLICATION DE LA
NORME PENALE
La loi pénale a un triple champ d’application :

- en premier lieu, selon le principe de la légalité, il n’y a pas d’infraction ni de peine sans
texte : le juge doit donc qualifier les faits ; c’est le champ d’application légal ;

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- en deuxième lieu, la loi pénale s’applique pendant un certain temps ; c’est le champ
d’application temporel de la loi ;
- en troisième lieu, la loi pénale s’applique sur un territoire donné : il s’agit du champ
d’application spatial.

SECTION 1 - LE CHAMP LEGAL : LA QUALIFICATION

La qualification est, en, tout cas, le premier acte que doit faire n’importe quel rouage de la
justice répressive à partir du moment où il semble qu’une infraction ait été commise. En effet,
selon les dispositions de l’article 14 du code pénal, « Le juge ne peut qualifier d'infraction et
punir un fait qui n'est pas légalement défini et puni comme tel ».
Le juge a donc l'obligation de qualifier les faits.
La qualification est l'opération intellectuelle par laquelle le juge va tenter d'établir si des faits
particuliers reprochés à une personne entrent dans le domaine d’application d’une incrimination
légale.
Dans cet exercice, le juge se heurte parfois à une grande difficulté : celle du nombre de
qualifications à retenir lorsque les faits reprochés tombent sous le coup de plusieurs
incriminations légales.
Avant de chercher à répondre à cette question, il convient d’énoncer d’abord, les principes
généraux applicables à la qualification des faits.

§1 – Les principes généraux de qualification

Ils ont trait au moment de la qualification des faits et au pouvoir de qualification.

A/ La qualification appréciée au temps de l’action

Question principale : à quel moment le juge pénal se situe-t-il pour qualifier pénalement
les faits ?
Le principe est celui du temps de l’action, les faits sont qualifiés au moment où ils sont commis.

L’infraction est qualifiée au moment des faits, alors même que postérieurement à
l’accomplissement des faits, la situation juridique qui commandait la qualification pénale des
faits se soit modifiée.

B/ Le pouvoir de qualification

Question : qui procède à la qualification pénale des faits ?

Plusieurs autorités compétentes interviennent dans la qualification des faits.


Selon un ordre chronologique, ce sont les juge des poursuites (Ministère public),) d’instruction
(juge d’instruction) et de jugement (tribunal de police, tribunal correctionnel, tribunal criminel)
qui ont pouvoir pour qualifier les faits. Toutefois, ces juridictions qui vont successivement
connaître des faits, ne sont pas liées par la qualification retenue par la précédente.
En effet, les juridictions sont saisis in rem, c’est-à-dire, saisies de la chose, du fait matériel.
Elles ne sont donc pas saisies par la qualification donnée par la juridiction saisissante.

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Ainsi, chaque intervenant peut donner sa qualification sur les faits commis au moment de
l’action. C’est ce qu’on appelle le devoir de requalification, si la qualification initiale n’a pas
été retenue.
Cependant, la requalification est possible, seulement à la condition que le prévenu ait été en
mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée.

Lorsque, par l’effet de la requalification, le fait demeure de la compétence normale de la


juridiction saisie, celle-ci doit statuer sur lui : ainsi pour le délit de vol simple, disqualifié en
délit d’escroquerie. Si, au contraire, le fait ressortit à la compétence d’une juridiction plus
élevée dans la hiérarchie, le tribunal saisi doit déclarer son incompétence et renvoyer l’affaire
au Ministère public. Dans le cas où la disqualification donne au fait une nature moins grave que
celle qu’il avait d’abord (crime, il devient délit, par ex. ou délit devient contravention), la
juridiction saisie (le tribunal criminel ou tribunal correctionnel), demeure compétente et statue
sur la qualification nouvelle sans renvoi.

L’opération de qualification opérée par le juge n’est pas totalement libre, la Cour de cassation,
juge du droit, exerçant un contrôle sur la qualification retenue par les juridictions inférieures.

La qualification est en effet une question de droit : si donc les faits souverainement constatés
par les juges du fond ont reçu de ceux-ci une qualification qui ne correspond pas aux exigences
de la loi, la qualification retenue constitue une fausse interprétation des textes d’incrimination
utilisés, ou qui auraient dû être utilisés, et il y a là un moyen de cassation. La décision du juge
de fond pourra être annulée pour violation de la loi, laquelle peut résulter entre autres, du défaut
ou de l'insuffisance des motifs pour justifier la décision, par exemple.

Le contrôle de la motivation est le moyen pour la Cour de cassation d’effectuer son contrôle de
l’application et d’interprétation de la loi.

Le choix d’une qualification pénale n’est pas toujours évident, surtout lorsque plusieurs textes
sont applicables à un même fait délictueux.

§2 – Les principes relatifs aux conflits de qualifications

Le conflit surgit, soit en présence de qualifications alternatives ou incompatibles, soit en


présence de véritables concours de qualifications.

A) Les concours apparents de qualifications

1) Les qualifications incompatibles ou absorbantes

Certaines qualifications sont dites incompatibles ou inconciliables, lorsque deux infractions


sont commises par la même personne, mais que l’une d’entre elles est la conséquence logique
et naturelle de l’autre.

C’est par exemple le cas, lorsqu’un individu porte volontairement des coups sur une personne
(délit de violences volontaires : art. 381 cp) et le laisse sans soins (délit d’omission de porter
secours : art. 391 cp) ; ou le voleur qui est forcément receleur.

Poursuivra-t-on cumulativement pour omission de porter secours dans le premier cas, et pour
recel dans le second cas ? Ou négligera-t-on cette deuxième qualification ?

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Après avoir hésité, la jurisprudence a retenu que les qualifications de vol et de recel étaient
exclusives l’une de l’autre ; pareillement pour les qualifications d’abus de confiance et de
receleur (Crim. 2/12/1971, B.C 337 ; D. 1972, p.24 ; Crim. 6/6/1979, Bulletin Criminel Cour
de Cassation Chambre criminelle N. 193 P. 534).

De la même façon, la jurisprudence pénale a refusé le cumul du délit de violences volontaires


et d’omission de porter secours.

Il est d’autres hypothèses où le conflit de qualifications n’est pas effectif, c’est notamment le
cas lorsque les qualifications sont alternatives.

2) Les qualifications alternatives (ou en option)

Certaines infractions sont très proches : ainsi, face à la mort d’un individu, le code pénal
propose plusieurs qualifications : assassinat (art. 378-2°), meurtre (art. 378-1°) s’il est
démontré que l’agent avait l’animus necandi (intention de donner la mort) ; l’infraction est
réprimée sous la qualification de coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans
intention de la donner (art. 381-1°), ; si la mort est le fruit d’une imprudence, seul l’homicide
involontaire (art. 392) sera retenu.

Ces qualifications sont dites alternatives dans le sens où si l’une ne peut être retenue, ce sera
l’autre. Le choix de la qualification dépend ici de l’appréciation de la faute, de l’élément
intentionnel des infractions concernées.

Le problème s’est posé de savoir si dans l’hypothèse d’une décision de relaxe ou d’acquittement
sur l’une des qualifications, une poursuite sur une autre incrimination était possible.

La réponse se trouve dans la règle non bis in idem qui s’oppose en principe à toute nouvelle
poursuite : Selon l’article 117CP, « Nul ne peut être puni deux fois pour le même fait ».

B) Le concours effectif de qualifications pénales

Dans ce cas de figure, il y a pluralité, concurrence de qualifications. Un même fait peut être
punissable par le moyen de textes différents, car ce seul fait possède plusieurs caractères
délictueux. La doctrine parle de cumul de qualifications.

Cette hypothèse est celle de l’auteur d’un d’accident mortel de la circulation intervenu suite à
une vitesse excessive causant la mort de l’autre automobiliste ; le responsable de l’accident se
rend non seulement coupable d’infraction pour vitesse excessive et dangereuse selon le Code
de la route, mais également coupable d’homicide involontaire selon le Code Pénal ; usage de
faux réalisé pour commettre une escroquerie.

Le juge se trouve confronté à un choix de qualifications : faut-il alors poursuivre et punir la


personne au titre de toutes les qualifications applicables ? Ou doit-il n’en retenir qu’une seule ?
La solution est énoncée à l’article 118 du code pénal : « Lorsqu'un même fait est susceptible de
plusieurs qualifications et au cas où les infractions ainsi commises sont composées d'éléments
constitutifs distincts ce fait peut être soumis au juge sous ses différentes qualifications mais ne
peut donner lieu qu'à une poursuite unique ».

Il ressort de cette disposition que le juge peut relever plusieurs déclarations de culpabilité, mais,
seulement, dans le cadre d’une poursuite unique.

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En outre, la loi exige que les qualifications en conflit protègent des valeurs sociales différentes :
en effet, le fait unique doit être constitutif d’une pluralité d’éléments moraux.

Cette exigence reprend les critères posés dans la décision de la chambre criminelle rendue dans
l’arrêt Ben Haddadi.

Si les juges peuvent retenir plusieurs déclarations de culpabilité, ils ne peuvent pas cependant
prononcer plusieurs peines et mesures de sûreté : aux termes de l’alinéa 2 de l’article 118, « Les
peines et mesures de sûreté encourues pour la qualification passible des peines principales les
plus sévères parmi celles visées par la poursuite et retenues par le juge sont seules
prononcées ». C’est le principe du non cumul des peines.

La peine et mesure de sûreté prononcées sont celles de l’infraction la plus sévèrement


sanctionnée.

L’article 120 détermine les conditions d’appréciation de la sévérité de la peine principale prévue
pour l’infraction la plus sévèrement sanctionnée.

Lorsque les deux qualifications en concours sont de gravité égale (sanctions égales), ce qui est
rare en pratique, la jurisprudence constante retient « l’infraction – fin » sur « l’infraction -
moyen ». Cf. par ex., la décision du 3/3/1966 de la chambre criminelle de la cour de cassation
française punissant comme escroquerie, l’escroquerie commise à l’aide de l’émission d’un
chèque sans provision : BC n°79.
« Specialia generalibus derogant » : lorsqu’il y a concurrence entre une infraction générale et
une infraction spéciale, on retient l’infraction spéciale. Exemple : violences volontaires sur
mineure et infraction de mutilation génitale.

Il ne faut pas confondre le conflit de qualifications avec le concours réel d’infractions. Dans ce
dernier cas, l’individu a commis un ou plusieurs actes différents avant que le premier ait donné
lieu à une condamnation définitive. En ce cas, peu importe que ces actes aient été commis quasi-
simultanément ou à des moments différents. C’est la situation prévue à l’article 119 du code
pénal. Par exemple, une personne commet un vol aujourd’hui, puis le lendemain, un meurtre.
Il s’agit d’un concours réel d’infractions.

SECTION 2 : L’APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS


Le principe de la légalité commande que la loi doit exister au moment où le fait est commis. Il
est donc nécessaire de déterminer la durée de la loi pénale.

Parfois, il se peut que deux lois coexistent simultanément : il peut avoir alors conflit de lois
dans le temps.

§ 1 – La durée de la loi pénale

La loi existe entre son entrée en vigueur et son abrogation. Pour qu’un tribunal de répression
puisse prononcer une condamnation, il faut donc que le fait incriminé ait été commis dans
l’intervalle qui sépare deux dates : l° le temps où la loi qui le punit est devenue obligatoire par
sa promulgation et sa publication ; 2° le temps où elle a cessé de l’être par son abrogation.

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A/ L’entrée en vigueur

Les principes qui régissent l’entrée en vigueur des lois sont contenus dans le décret n°61-175
du 18 mai 1961 fixant les modes de publication des lois et règlements modifié par le décret
n°81-894 du 28/10/1981.

Au terme de l’article 1 du décret précité, « Les lois, ordonnances, les décrets et arrêtés sont
exécutoire sur le territoire de la République 3 jours francs après leur publication au JO ».

B/ L’abrogation

Les lois pénales cessent d’être obligatoires, par leur abrogation. L’abrogation consiste à
supprimer un texte pour l’avenir.
L’abrogation peut être expresse, c’est-à-dire, lorsque le texte nouveau déclare expressément
que le texte ancien ou tel texte, est abrogé. Le texte abrogé ne peut plus s’appliquer.
De même, un texte peut être implicitement abrogé lorsque ses dispositions anciennes sont
contraires aux dispositions nouvelles.

L’abrogation peut enfin survenir en cas de lois temporaires, par l’expiration du temps pour
lequel elles sont établies.

La date d’entrée en vigueur étant établie, se pose la question, en droit pénal, de savoir quels
faits peuvent être régis par la nouvelle loi.

§ 2 – Les conflits de lois dans le temps

Il arrive que plusieurs lois se succèdent avec la vocation de régime sur une même situation
juridique. Si la situation juridique a été définitivement tranchée par les juridictions pénales
avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, il n’y a pas de problème, car la loi nouvelle ne peut
pas s’appliquer.
En revanche, le problème se pose lorsqu’une infraction est commise sous l’empire d’une loi
ancienne et n’a pas été définitivement jugée au moment de l’entrée en vigueur d’une loi
nouvelle. Il y a alors un conflit de loi dans le temps.
Les solutions du droit positif en la matière diffèrent selon qu'il s'agisse d'une loi de fond ou
d'une loi de forme.

A/ Les lois pénales de fond

En ce qui concerne les lois pénales de fond, c’est-à-dire, les lois qui incriminent les infractions
et fixent les peines, le principe est la non-rétroactivité de la loi pénale nouvelle (ou non-
rétroactivité in pejus), mais, ce principe est atténué dans certaines circonstances.

1) Le principe de la non-rétroactivité

Ce principe signifie que la loi applicable est la loi en vigueur au moment de la commission de
l’infraction : c’est le corollaire du principe de la légalité des délits et des peines (Portalis : « la
loi qui sert de titre à l’accusation doit être antérieure à l’action pour laquelle on accuse »).
Art. 24 al.2 CP.

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2) Les atténuations du principe

Le principe de la non-rétroactivité connaît une double atténuation :

 Tantôt, la loi nouvelle rétroagit ;


 Tantôt, la loi nouvelle s’applique immédiatement.

a- La rétroactivité de la loi nouvelle plus douce.

En vertu de l’art. 24.1 CP, la loi pénale nouvelle plus douce s’applique non seulement aux faits
commis avant sa mise en vigueur et non encore jugés, mais également aux faits déjà jugés en
première instance et qui peuvent encore être soumis à la juridiction d’appel ou à la Cour de
cassation : la loi nouvelle plus douce s’applique donc aux affaires en cours.
L’article 24.1 consacre ainsi une exception au principe de la non-rétroactivité : de l’application
immédiate des lois nouvelles plus douces ou la rétroactivité in mitius. La rétroactivité in mitius
est un corollaire du principe de nécessité des délits et des peines.
Cette exception est une faveur pour la personne poursuivie. La raison en est que la société n'a
plus intérêt à appliquer une peine plus sévère. Le législateur estime que l'ancienne peine n'est
plus nécessaire à la société.
L’art. 24 al.1 assortit l’application de la rétroactivité de la loi nouvelle plus douce d’une
condition : l’infraction ne doit pas avoir donné lieu à une condamnation passée en force de
chose jugée Ainsi, la loi nouvelle plus douce ne s’applique pas si l’infraction a déjà donné lieu
à une condamnation définitive avant la loi nouvelle.

Selon les termes de l’article 25 CP, la décision est irrévocable ou définitive lorsque les voies de
recours ordinaires et extraordinaires sont épuisés ou leur délai écoulé.

Le problème que pose est la rétroactivité in mitius est la détermination du caractère plus doux
ou plus sévère de la loi nouvelle.

S’agissant de l’incrimination, la loi nouvelle sera considérée pus douce, par exemple :
 si elle supprime une incrimination ou en retreint son champ d’application (ex.: lorsqu’un
texte ajoute des conditions, des éléments à la définition d’infraction. Cas de la
dépénalisation envisagée à l’article 19.1 CP).
 si elle supprime une circonstance aggravante pour la qualification de l’infraction ;
Exemple de la qualité de domestique auparavant prise en compte pour l’infraction de
vol.
 si elle ne retient plus, en matière correctionnelle, la tentative
 lorsque le texte nouveau admet une nouvelle cause d’irresponsabilité etc.
S’agissant de la sanction, la loi nouvelle sera considérée plus douce :

 si elle transforme un crime en délit ;


 si elle transforme un délit en contravention ;
 si elle supprime ou abaisse une sanction ;
 si elle crée une cause d’exemption ou d’atténuation de la peine ;
 si elle donne un caractère facultatif à une sanction jusque-là obligatoire ;
 si elle attribue un caractère temporaire à une peine définitive etc.

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Des difficultés peuvent survenir dans un certain nombre d’hypothèses : le texte nouveau est
complexe. Ce sont des textes qui comportent à la fois des dispositions plus douces et des
dispositions plus sévères par rapport aux textes antérieurs.
La jurisprudence va distinguer selon que le texte est divisible ou indivisible.
Le texte est divisible, c’est-à-dire, quand elle porte sur des objets distincts : on va pouvoir
distinguer entre ce qui est plus doux et ce qui est plus sévère. La jurisprudence va faire une
application distributive du texte, c’est-à-dire, faire rétroagir les dispositions nouvelles plus
clémentes et conserver les dispositions anciennes en écartant donc les dispositions nouvelles
plus sévères. Le risque de l’application distributive est de dénaturer le texte.

Le texte est indivisible : le texte comprend à la fois des dispositions plus douces et des
dispositions plus sévères, mais elles forment un tout autour d’une disposition principale.
Pragmatisme de la jurisprudence. Elle fait une lecture globale le juge pourra s’attacher à
déterminer l’économie générale de la réforme, ou la disposition principale qui déterminera le
régime de l’ensemble en étudiant par exemple, les travaux parlementaires. La jurisprudence va
parfois porter une appréciation globale. Le juge va comparer entre l’ancien texte et le nouveau
texte.

b – l’application immédiate des lois instituant les mesures de sûreté et des lois interprétatives

L’article 24 al. 3 CP dispose que toute loi prévoyant une mesure de sûreté est immédiatement
applicable aux infractions qui n’ont pas fait l’objet d’une condamnation devenue définitive
même dans le cas où la législation ancienne prévoyait l’application d’une peine aux lieu et place
de la mesure de sûreté.
On justifie l’application immédiate de la loi nouvelle prévoyant des mesures de sûreté par
l’idée qu’une mesure de sûreté n’a pas pour objet de punir, donc elle ne peut être plus sévère :
les mesures de sûreté ont essentiellement pour but d'éviter que de nouvelles infractions soient
commises. La mesure de sûreté est une mesure dont le but est de protéger la société, par
conséquent, on peut les appliquer immédiatement dès leur entrée en vigueur.
L’application immédiate concerne également la loi interprétative. La loi interprétative est la loi
interprétant/précisant une loi antérieure. Elle va faire corps avec la loi précédente. Elle va
s’appliquer selon les mêmes modalités que le texte antérieur, il y aura donc une forme de
rétroactivité.

Le cas de la loi temporaire : une loi temporelle est la loi dont la durée d’application a été
préalablement définie par le législateur. La loi fixant elle-même un terme à son application,
elle ne peut donc pas survivre au-delà de son terme expresse et quel que soit son caractère.

Toutefois, l’article 23.3 CP prévoit : « en cas d'infraction à une disposition pénale sanctionnant
une prohibition ou une obligation limitée à une période déterminée, les poursuites sont
valablement engagées ou continuées et les peines et mesures de sûreté exécutées, nonobstant
la fin de cette période ».

Ainsi, la loi continue d’exister mais ne elle peut s’appliquer qu’à des faits commis pendant sa
durée d’application. Si un individu commet un acte interdit pendant la durée d’application d’un
texte temporaire, il pourra être poursuivi et puni après l’expiration de la période d’application
du texte.

B/ Les lois pénales de procédure (de forme)


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Ce sont celles qui organisent la compétence, la procédure, l’organisation judiciaire, et
l’exécution des peines. La loi sur la prescription est à part, on ne sait jamais comment la
qualifier.

En la matière, le principe c’est l’application immédiate de la loi nouvelle à la répression des


infractions commises avant son entrée en vigueur.

Cette solution se justifie par l’idée que les lois nouvelles de procédure sont techniquement
supérieures aux lois anciennes, elles améliorent donc le fonctionnement de la justice.

Le principe est toutefois nuancé :


 En matière de compétence, de procédure et d’organisation judiciaire :
- la nouvelle loi ne peut entraîner la nullité d’actes accomplis sous l’ancienne loi. Si les
poursuites étaient engagées, les actes déjà accomplis demeurent valables, mais la procédure
se poursuit conformément à la loi nouvelle.
- la nouvelle loi ne s’appliquera pas s’il existe un droit acquis pour le délinquant : lorsque
la loi nouvelle de procédure a pour effet d’aggraver le sort de la personne concernée, son
application immédiate est écartée.

 En matière d’exécution des peines :


Concernant les lois de prescription, il faut faire une distinction entre la prescription de l’action
publique et celle de la peine. Les lois relatives à la prescription de l’action publique sont des
lois de procédure et de principe c’est l’application immédiate de la loi nouvelle. Les lois
relatives à la prescription de la peine sont considérées comme des lois de fond, il faut donc
appliquer les règles de l’art. 24 CP.

SECTION 3 : L’APPLICATION DE LA LOI PENALE DANS L’ESPACE

Les infractions et les conditions de la répression ne sont pas identiques d’un pays à un autre.
Or, de plus en plus, la criminalité ne connait plus de frontières !

Il se peut donc que l’infraction soit susceptible d’être jugée par les juridictions de différents
pays, et en vertu des lois en vigueur dans ces pays : il se pose alors un problème de conflit de
lois dans l’espace.

Il a conflit de lois dans l’espace dès qu’un élément d’extranéité existe. Il peut être de trois
sortes : le territoire sur lequel l’incrimination est commise, la nationalité de l’auteur délinquant
et la nationalité de la victime.

Pour résoudre ce conflit, il existe plusieurs systèmes conçus par la doctrine parmi lesquels le
droit ivoirien a opéré un choix.

§ 1 – Les systèmes concevables

Globalement, le domaine d’application d’une loi pénale nationale (loi de fond) peut être
déterminé selon trois critères différents :
A/ Le système de la territorialité
Dans ce système, la loi applicable est la loi du lieu de commission de l’infraction,
indépendamment de la nationalité de l'auteur ou de la victime.

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Deux raisons justifient ce système :
• ce système se justifie par l’idée de la souveraineté nationale : les questions de droit pénal
sont des questions d’ordre public. Et, il appartient à chaque Etat de faire la police chez
lui. Un Etat ne peut pas faire la police dans un autre Etat sans porter atteinte à la
souveraineté de cet Etat.
• le principe se justifie aussi par la connaissance que l’individu a ou doit avoir de la loi
du pays où il a agi.
Le système de la territorialité présente un inconvénient. Par exemple, dans le cas où un Ivoirien
après avoir commis un crime au Sénégal, se réfugierait en CI, toute répression serait impossible
car, la CI n’extrade pas ses nationaux.
D’où la proposition d’un autre système.

B/ Le système de la personnalité

C’est le système en vertu duquel la loi d’un pays s’applique à tous les nationaux, même en
dehors du territoire, et ne s’applique qu’à ces nationaux à l’extérieur du territoire.
Dans cette hypothèse, on peut s’attacher soit à la loi nationale de l’auteur (personnalité active)
soit à celle de la victime (personnalité passive).

C/ Le système de l’universalité dit aussi de la compétence universelle

Selon ce système, c’est le tribunal du lieu d’arrestation qui est compétent : on ne tient compte
ni de la personnalité de l’auteur, ni de celle de la victime, ni du lieu de l’infraction.
Lorsqu’une juridiction est saisie, elle applique sa loi nationale.
Le premier et subsidiairement le second système sont largement consacrés par le législateur
ivoirien.
§ 2 – Les solutions du droit positif ivoirien

Le code pénal ivoirien a adopté comme principe, le système de la territorialité, mais il n’est pas
d’application absolue, car il comporte quelques exceptions.

A/ Le principe de la territorialité

Il est contenu à l’art. 19 CP : « la loi s’applique à toutes les infractions commises sur le
territoire.
La mise en œuvre du principe de la territorialité nécessite la connaissance de deux éléments :
- la détermination du territoire ivoirien ;
- le lieu de commission de l’infraction.

1) Le territoire de la République
Il est défini à l’article 19 al.1 CP :
- il s’agit de l’espace terrestre délimité par les frontières ;
- de l’espace maritime composé des eaux territoriales constituées par une
bande parallèle à la côte, des installations et plateformes pétrolières, ainsi
que les ports ;

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- de l’espace aérien, à savoir, l’espace au-dessus des frontières terrestres et
maritimes jusqu’au ciel ;
- navires et aéronefs immatriculés en CI
Le territoire de la République comprend aussi les aéronefs et navires immatriculés en CI quels
que soit l'endroit où ils se trouvent.

2) Le lieu de commission de l’infraction


Aux termes de l’article 707 CPP : « est réputée commise sur le territoire de la République toute
infraction dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli en CI.
Les dispositions dudit article étendent le principe de la territorialité en considérant que, pour
que la loi ivoirienne soit compétente, il n'est pas nécessaire que l'infraction ait été entièrement
consommée sur le territoire ivoirien, la présence d'un seul de ses éléments constitutifs sur le
territoire national est suffisante à rendre le droit ivoirien compétent.
Mais, la détermination du lieu de commission de l’infraction pose notamment des difficultés
lorsque le fait infractionnel éclate dans l’espace : une partie de l’infraction est réalisée en CI et
une autre, à l’extérieur du territoire national.
La réponse à cette difficulté est donnée par l’article 21 CP qui distingue quatre situations :
- si l’infraction est constituée par un fait unique, le lieu de commission est situé
à l’endroit de ce fait accompli ;
- si l’infraction est constituée par plusieurs faits, on considère qu’elle a été
commise dans l’un quelconque les lieux où a été accompli l’un de ses
éléments constitutifs ;
- si l’infraction est constitué d’un fait qui se prolonge, elle est réputée commise
dans les divers lieux où ce fait s’est prolongé : c’est le cas du recel ;
- si l’infraction est commise dans un endroit donné (ou de son résultat), elle
peut produire des effets ailleurs à l’étranger. La loi étrangère peut statuer sur
ce problème.
L'article 704 CPP étend également le principe de la territorialité de la loi pénale au complice sur
le territoire de la République d'une infraction commise à l'étranger.
Il existe néanmoins une réserve quant à la définition de ces infractions, il doit s'agir de crimes
ou délits dont l'incrimination est réciproque ; de plus, l'infraction principale doit avoir été jugée
de façon définitive à l'étranger.

B/ Les exceptions au principe de la territorialité


Dans quelques cas, certaines infractions commises en CI échappent à la compétence législative
et judiciaire ivoirienne. Dans d’autres cas, le législateur autorise l’application de la loi
ivoirienne à des infractions commises à l’étranger.
1) L’application de la loi ivoirienne aux infractions commises à l’étranger
A titre exceptionnel, la loi ivoirienne peut s’appliquer aux infractions commises à l’étranger
dans deux cas :
 La première exception est prévue par l’art. 19 al.2 CP, elle concerne les infractions
commises sur les navires, aéronefs étrangers se trouvant sur le territoire ivoirien dans les
hypothèses ci-après :
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- lorsque l’intervention des autorités ivoiriennes a été demandée ;
- lorsque l’infraction a troublé l’ordre public ivoirien ;
- lorsque l’auteur ou la victime de l’infraction est ivoirien.

 La seconde exception résulte du code de procédure pénale, précisément de l’article 703 3,


et concerne certaines infractions commises à l’étranger par une personne de nationalité
ivoirienne.
Les conditions d’application de la loi ivoirienne varient selon la nature délictuelle ou la nature
criminelle de l’infraction commise :
En cas de crime : la réunion de deux conditions est impérative : premièrement, l’infraction doit
être punie en tant que crime par notre droit pénal interne, deuxièmement, le prévenu ne doit pas
avoir été jugé de façon définitive, ou bien, s’il a été jugé définitivement, il ne doit pas avoir subi
ou prescrit sa peine.
En cas de délit : les conditions seront les mêmes que celles concernant le crime, mais deux
autres conditions doivent être remplies. Il faut, d’une part, la réciprocité d’incrimination, c’est-
à-dire que le fait doit être puni non seulement par la loi ivoirienne, mais aussi par la loi du lieu
de commission. D’autre part, Les poursuites doivent être engagées suite à la requête du
Ministère Public et doit être précédée soit de la plainte d’une victime (si l’infraction a été
commise contre un particulier), soit d’une dénonciation officielle auprès des autorités françaises
par les autorités locales où a été commise l’infraction.
Le code de procédure pénale prévoit également les infractions commises à l’étranger par un
étranger.
En principe, cela ne concerne pas la loi ivoirienne, mais dans certains cas, la compétence de la
loi ivoirienne est reconnue lorsque la victime est ivoirienne.
C’est l’application de la personnalité passive énoncée à l’article 20 al. 2 CP. Cette exception était
notamment appliquée surtout lorsque la victime est l’Etat ivoirien ou lorsque les intérêts
fondamentaux de l’Etat ivoirien ont été atteints. Ainsi, d’après l’art, 708 cpp, tout étranger qui
s’est rendu coupable hors du territoire de la République d’un crime ou d’un délit attentatoire à
la sûreté de l’Etat ou de contrefaçon de sceau de l’Etat ou de monnaie nationale ayant cours
peut être jugé par les juridictions ivoiriennes. Il n’y a aucune condition de réciprocité, il suffit
que la personne soit arrêté en CI ou que le gouvernement ivoirien ait obtenu son extradition.
Avec le nouveau code pénal, le champ d’application de la personnalité passive a été étendu :
« La loi pénale s’applique également à tout crime ou délit puni d’emprisonnement, commis hors du
territoire de la République lorsqu’une victime est de nationalité ivoirienne au moment de la commission
de l’infraction ». Ayant également à l’esprit l’obligation de protéger ou de préserver les droits et
les intérêts de chaque Ivoirien, la compétence territoriale des juridictions répressives ivoiriennes
a été étendue. Celles-ci sont désormais compétentes pour connaître des infractions commises
en dehors du territoire national lorsqu’une victime est de nationalité ivoirienne.
2) L’incompétence de la loi ivoirienne pour les infractions commises sur le territoire
ivoirien

3
Art. 703 cpp : « tout ressortissant de Côte d'Ivoire qui en dehors du territoire de la République s'est rendu
coupable d'un fait qualifié "crime" puni par la loi de Côte d'Ivoire peut être poursuivi et jugé par les juridictions de
Côte d'Ivoire. Pour les délits commis à l'étranger par un auteur ivoirien, les dispositions pénales [sous entendues
ivoiriennes] ne peuvent s'appliquer que si le fait est incriminé dans le pays où il a été commis,
peu importe s'il a été incriminé comme délit ou comme contravention ».
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La première exception est constituée par les immunités diplomatiques. Les infractions
commises en Côte d’Ivoire par les personnes bénéficiant de l’immunité diplomatique telle que
résultant des conventions internationales ne peuvent pas être poursuivies devant les juridictions
ivoiriennes.
L’immunité diplomatique vise les ressortissants diplomatiques étrangers pendant la durée de
leur mission. Elle ne s’applique pas au personnel ivoirien des ambassades, ni aux organisations
internationales accréditées en CI. Elle se justifie par la nécessité de respecter la souveraineté
étrangère.
La seconde exception résulte des accords militaires passés entre la CI et la France. La loi
française est compétente pour les infractions commises par les membres des forces armées
françaises à l’intérieur des bases et des installations militaires qui leur sont concédées, ou
commises dans le cadre de leur service.

DEUXIEME PARTIE
L’OBJET DE LA NORME
PENALE : L’INFRACTION

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L’objet du droit pénal, c'est l'infraction définie comme un fait ou acte ou omission contraire à
l'ordre social et qui est prévu et puni par la loi pénale. 4 C’est un comportement positif ou négatif
– action ou omission – dont la loi frappe l’auteur d’une peine ou pour lequel elle lui impose une
mesure de sûreté.
L’infraction constitue donc le pivot même du droit pénal, en ce sens que, en l’absence
d’infraction, il n’y a pas de répression, et donc, pas d’application des règles du droit pénal.
Avant de délimiter cette notion d’infraction en précisant ses éléments constitutifs (titre 2), il
convient d’examiner ses différentes catégories élaborées par la loi, la jurisprudence et par la
doctrine (titre 1).

TITRE I – LES
CLASSIFICATIONS DES
INFRACTIONS

Il existe plusieurs catégories de classification des infractions : l’une est opérée par la loi, c’est la classification
tripartie des infractions (chapitre I), d’autres sont proposées par la jurisprudence et la doctrine, parmi lesquelles,
la distinction fondée sur la nature de l’infraction (chapitre II).

4
Cf. art. 2 CP.
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Chapitre 1 : LA CLASSIFICATION
TRIPARTITE DES INFRACTIONS

Hérité du droit français, la classification tripartite des infractions est la summa divisio : c’est
une distinction cardinale du droit pénal ivoirien.
Elle figure à l’article 3, et distingue les crimes des délits et des contraventions.

SECTION 1 : LE CRITERE DE LA CLASSIFICATION


Le critère de la classification retenu par le législateur est la gravité de l’infraction, tel que cela
ressort de la lettre même de l’article 3 CP, mais ce critère apparemment simple, est parfois
délicat à mettre en œuvre.

§1 – La gravité de l’infraction
La gravité s’exprime à travers la peine qui est encourue.

En effet, aux termes de l’article 3 CP :


- le crime est l’infraction punie de la peine privative de liberté perpétuelle ou temporaire
supérieure à 10 ans.
- le délit est l’infraction passible d’au moins une des 2 peines suivantes : une peine
privative de liberté supérieure à 2 mois et inférieure ou égale à 10 ans, une peine
d’amende supérieure à 360.000 FCFA.
- la contravention est passible d’une peine privative de liberté inférieure ou égale à 2
mois et d’une amende inférieure ou égale à 360.000 FCFA ou de l’une de ces deux
peines.
Ainsi, le choix de qualification criminelle, correctionnelle, ou contraventionnelle dépend à la
fois de la valeur protégée par l’incrimination et de l’atteinte qui lui est infligée. En effet, la
sévérité de la peine est le reflet de la gravité de l’infraction.
Le critère de la distinction fondée sur la peine encourue, à priori, simple, est parfois difficile à
mettre en œuvre.
§2 : La mise en œuvre parfois délicate du critère

La première difficulté vient de ce que le législateur prévoit parfois des peines hybrides ou « à
cheval », c’est-à-dire des peines où le maximum se situe dans une catégorie et le minimum dans
une autre catégorie. Par exemple, le viol est puni de l’emprisonnement de 5 ans à 20 ans : par
le minimum, la peine est une peine correctionnelle et par son maximum, une peine criminelle
(art. 403 al.4 CP).
Dans une telle situation, la jurisprudence retient le maximum pour qualifier la peine.

La seconde difficulté est relative à l’application des causes d’atténuation ou d’aggravation de


la peine : doivent-elles être prises en considération dans la qualification de l’infraction ?

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L’article 5 CP a répondu à cette question en énonçant que la qualification n’est pas modifiée
lorsque, le jeu des règles relatives à la récidive, aux circonstances ou excuses atténuantes, est
applicable. Ainsi, le mineur, auteur d’un meurtre qui est puni d’une peine d’emprisonnement
correspondant à un délit n’a pas pour autant commis un délit. Dans le même sens, l’application
de circonstances aggravantes ne change pas la nature de l’infraction.
Enfin, il y a la pratique de la correctionnalisation judiciaire qui vient altérer la classification
tripartie des infractions.

Cette technique de la correctionnalisation consiste à disqualifier une infraction en vue de


modifier son régime juridique. C’est le désir d’une répression rapide qui conduit souvent les
magistrats à disqualifier certains crimes en délits, soit pour écarter la compétence de la cour
d’assises dont la procédure est plus lourde et le verdict aléatoire (jury populaire) soit parce qu’il
sera difficile d’apporter la preuve d’un élément constitutif de la véritable infraction commise.

Qu’elle soit légale ou judiciaire, la correctionnalisation consiste en une altération du critère sur
lequel repose la classification tripartite.

SECTION 2 : LES INTERETS DE LA CLASSIFICATION


De nombreux intérêts s’attachent à la classification tripartite : ils se situent aussi bien au niveau
des règles de fond qu’au niveau des règles de forme.

§1er – les intérêts attachés aux règles de fond


La division tripartie sur les règles d’incrimination va avoir des incidences notamment :
 intérêts quant aux règles d’incrimination :
- les sources de l’incrimination sont la loi pour les crimes et délits, le règlement
pour les contraventions ;
- la mise en œuvre de la responsabilité pénale : la faute pénale ne sera pas la même
vis-à-vis de la catégorie d’infraction commise. S’agissant des crimes, la faute
requise est nécessairement intentionnelle. S’agissant du délit, la faute peut être
intentionnelle ou non ; la faute en matière contraventionnelle est présumée.
- la tentative est toujours punissable en matière criminelle, punissable quand la loi
l’a expressément prévue en matière délictuelle, elle n’est jamais punissable en
matière contraventionnelle (art. 28 CP) ;
- la complicité est toujours punissable en matière criminelle et correctionnelle,
elle est exclue en matière de contravention (art. 30 CP).
 Intérêt quant à la sanction :
- les règles de non-cumul des peines ne sont applicables qu’en matière de crime
et de délit (art. 119 CP). En matière contraventionnelle, les amendes se cumulent
entre elles.
- le sursis n’est applicable qu’en matière criminelle et délictuelle (art. 130 CP).
- la peine du travail d’intérêt général n’est applicable qu’aux délits et
contravention (art. 38 al. 2 CP)

 S’agissant de conflits de lois dans l’espace, les règles sont différentes selon les classes.
Les crimes et délits commis à l’étranger pourront relever de l’action de la loi ivoirienne,
sous certaines conditions, tandis que les contraventions commis à l’étranger sont exclus
de l’application de la loi ivoirienne.

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§2 – les intérêts attachés aux règles de forme
 Intérêts quant à la compétence du juge : les crimes sont jugés par le tribunal criminel,
les délits par le tribunal correctionnel, et les contraventions par le tribunal de police.

 Intérêts quant à la procédure :


- l’instruction est obligatoire pour les crimes, elle est en principe facultative pour
les délits (art. 96 CPP) ;
- la durée, les conditions et détention de la détention préventive varient selon que
l’infraction est un crime ou un délit (art. 166-167 CPP).

 Intérêt quant à la prescription


o prescription de l’action publique : la prescription de l'action publique contre un
crime est de dix années révolues (art. 10 al.1 CPP). En matière de délit, la
prescription est de trois années révolues, (art. 10 al. 4 CPP) et en matière de
contravention, de une année an révolue (art. 10 al. 5 CPP).
o prescription de la peine (art. 133 CP) : la prescription de la peine est le délai à la
fin duquel une peine ne peut plus être exécutée. Pour les crimes, elle est de vingt
ans ; pour les délits, elle est de cinq ans, et pour les contraventions, de deux ans.

Chapitre 2 : LA CLASSIFICATION DES


INFRACTIONS SELON LA NATURE DE
LA PEINE
Il existe, à côté des infractions de droit commun, des infractions spécifiques, tenant
principalement à la nature des intérêts lésés, qui sont souvent ceux de l'Etat. A cet égard, on
distingue les infractions politiques et militaires des infractions de droit commun.

La distinction entre ces différentes infractions présente des intérêts cependant, le critère de
distinction reste indéterminé.

SECTION 1 : LE CRITERE DE DISTINCTION

Le problème du critère de distinction ne se pose pas dans les mêmes termes selon qu’il s’agit
de distinguer les infractions politiques des infractions de droit commun, d’une part, et les
infractions militaires des infractions de droit commun, d’autre part.

§1– La distinction infraction politique / infraction de droit commun

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C’est la doctrine qui avait tenté de définir le critère de distinction de l’infraction politique de
l’infraction de droit commun à partir des dispositions légales.

Toutefois, l’importance de la distinction avait été très atténuée par l’effet de la loi n° 95-522
du 6 juillet 1995, portant modification de la loi n° 81-640 instituant le code pénal. De plus,
depuis la loi n°2015-134 du 9 mars 2015, plus aucune référence n’était faite à l’infraction
politique dans le code pénal de 1981.

La situation est demeurée la même sous l’empire du nouveau code pénal. Cf. art. 37.

Désormais, la distinction entre infraction politique et infraction de droit commun a perdu toute
valeur.
Toutefois, celle relative à l’infraction militaire et infraction de droit commun conserve tout son
sens.
§2– La distinction infraction militaire / infraction de droit commun
La lecture du code pénal et du code de procédure militaire invite à faire les constatations
suivantes.

Le code pénal prévoit que les infractions punies de la détention militaire sont des infractions
militaires (article 37-2°CP).

Il incrimine aux articles 498 et suivants une série d’infractions qu’il qualifie d’infractions
militaires. Il s’agit des infractions relatives à l’inexécution des obligations militaires, contre le
devoir ou l’honneur militaire, contre la discipline militaire et les abus d’autorité commis par
des militaires sur leurs subordonnés.

En outre, l’article 9 du code de procédure militaire, 5 donne compétence aux tribunaux militaires
pour juger toute infraction commise par un militaire, soit dans le service, soit à l’occasion du
service, soit dans le cas du maintien de l’ordre, soit à l’intérieur d’un établissement militaire.

La lecture combinée des dispositions du code pénal et du code de procédure pénale permet
donc, de distinguer 3 critères de l’infraction militaire :

 le premier critère est la nature de la peine privative de liberté. Il s’agit de détention


militaire ; aussi, toute infraction pour laquelle cette peine est prévue constitue une
infraction militaire par nature ;

5
Lorsque le prévenu ou tous les prévenus sont militaires, les juridictions militaires connaissent:
1° Des infractions militaires prévues par le Code pénal non connexes à une ou plusieurs infractions relevant de la
compétence d'autres juridictions ;
2° Des infractions contre la sûreté de l'Etat ;
3° De toute infraction commise :
a) soit dans le service ou à l'occasion du service. Le présent alinéa est inapplicable aux infractions autres que
militaires commises par les militaires de la Gendarmerie dans l'exercice de leurs attributions de Police judiciaire
civile ou de Police administrative ;
b) soit en maintien de l'ordre ;
c) soit à l'intérieur d'un établissement militaire. Sont, pour l'application du présent alinéa, considérés comme
établissements militaires, toutes installations même temporaires utilisées par les Forces armées et la Garde
républicaine, les bâtiments de la Marine nationale et les aéronefs militaires.

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 le second critère, est le lien entre l’infraction et le service militaire : ainsi, on doit
considérer comme infraction militaire, toute infraction commise à l’occasion ou dans le
cadre du service militaire ;

 Et le troisième critère, est le lieu de commission de l’infraction ; l’infraction commise à


l’intérieur d’un établissement militaire est une infraction militaire.
Ces deux dernières catégories sont des infractions mixtes, c’est-à-dire, des infractions de droit
commun commises par un militaire dans l’exécution de son service. Les infractions mixtes sont
assimilées à des infractions militaires.
Quel que soit le critère retenu, la qualification d’infraction militaire ne peut être retenue que si
le délinquant est lui-même un militaire. Ainsi, les infractions portant atteinte aux intérêts de
l’armée commises par une personne qui n’est pas militaire ne sont pas des infractions militaires.

SECTION 2 : LES INTERETS DE DISTINCTION


 Au niveau de la procédure : en temps de paix, les infractions militaires sont jugées par
les tribunaux militaires. 6 En temps de guerre, les juridictions des militaires demeurent
compétentes. 7 Toutefois, la compétence des juridictions militaires peuvent être étendues
à des justiciables non militaires. 8
 Au niveau des peines : si les peines applicables sont en principe les mêmes qu’en droit
commun, il existe des peines spécifiquement militaires comme la destitution et la perte
du grade. 9 En outre, la condamnation pour infraction militaire ne peut constituer le
condamné en état de récidive. 10 Elle ne fait pas obstacle à l’octroi du sursis simple et
n’entraîne pas la déchéance du sursis simple antérieurement obtenu. 11
 Au niveau de l’exécution de la peine : c’est surtout à ce niveau que la distinction entre
infraction politiques et militaires des infractions de droit commun présentait le plus
grand intérêt. En effet, la peine de mort, lorsqu’elle existait, était exclue en matière
d’infraction politique. De plus, l’usage de la contrainte par corps pour faire exécuter les
peines d’amende en matière d’infraction politique était interdite.
 En matière d’extradition : les délinquants politiques ne peuvent pas être extradés
contrairement à un délinquant de droit commun. L’extradition est aussi exclue pour les
infractions militaires.

6
Art. 8, CPM.
7
Art. 30 et s. CPM.
8
Art. 31 et s. CPM.
9
Art. 39-5° CP.
10
Art. 205 Code de procédure militaire.
11
Art. 204 Code de procédure militaire.
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TITRE II – LES ELEMENTS DE
L’INFRACTION
D’après l’article 2 CP, « Constitue une infraction tout fait, action ou omission, qui trouble ou
est susceptible de troubler l'ordre public ou la paix sociale en portant ou non atteinte aux droits
des personnes et qui comme tel est légalement sanctionné ».
Ce texte ne vise que la manifestation extérieure de l’infraction, ce que la doctrine traditionnelle
appelle l’élément matériel. La manifestation extérieure de l’infraction est essentielle et, elle
seule, permet d’éviter les procès d’intention.
Mais la doctrine ajoute à cet élément matériel, un autre élément : l’élément moral. Cet élément
se rapporte davantage à la psychologie du délinquant. C’est l’aspect intellectuel de l’infraction.

Chapitre 1 : L’ELEMENT MATERIEL DE


L’INFRACTION

D’après l’article 26 al. 1 CP, l’infraction est réputée commise quand tous ses éléments
constitutifs sont réunis et réalisés. Dans ce cas, on parle d’infraction consommée.
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En principe, seule l’infraction consommée doit être punie, mais ce principe comporte une
exception importante. En effet, dans certains cas, la simple tentative d’infraction est punie par
le législateur.

SECTON 1 : L’INFRACTION CONSOMMEE

En dehors de cas exceptionnels, les comportements érigés en infraction sont des comportements
qui produisent des résultats ou sont susceptibles d’en produire. Ces comportements se
présentent sous divers aspects mais d’une façon ou d’une autre, leur résultat est toujours pris en
compte.

§ 1 - Les différents aspects de la conduite matérielle de l’homme


Le comportement de l’agent peut revêtir différentes formes. Il peut être actif ou passif, se
réaliser en un trait de temps ou au contraire s’étendre sur une certaine durée, comporter un ou
plusieurs actes, comme l’induit l’article 26 al. 2 CP.
De là, sont opérées des distinctions traditionnelles présentant des intérêts, entre infractions de
commission (ou d’action) et d’omission, instantanées et continues, faites d’un seul ou de
plusieurs.
A / La distinction selon le contenu des actes d’exécution

D’après l’article 2 CP, l’infraction est constituée par un acte ou une omission. Cette définition
permet de distinguer les infractions selon leur contenu. Le contenu des actes permet une sous-
distinction en fonction de deux critères : le critère de la nature des actes et le critère de leur
nombre.
1) La nature des actes
L’analyse de l’article 2 CP permet de constater que certaines infractions sont constituées par
des actes positifs tandis que d’autres sont constitués par de simples omissions : il existe donc
des infractions de commission et les infractions d’omission.
 Les infractions de commission sont celles qui consistent à commettre positivement un
acte ou un fait prohibé par la loi. Tel est le cas du vol qui se traduit par une soustraction.
Il en est de même du meurtre qui se traduit par la mort de la victime. Pour qu’une
infraction de commission soit consommée, cela suppose :
1 – tout d’abord un comportement actif de l’auteur qui peut être un geste, un écrit ou
même tous simplement des paroles.
2 – un résultat constituant un dommage, pouvant être matériel, comme par exemple, le
décès d’une victime de meurtre, ou immatériel comme peut l’être, la diffamation.

 L’infraction d’omission est constituée par une simple abstention, une inertie.
Ex. : l’abandon d’enfant ou d’incapable (art. 422 CP), l’omission de porter secours à
une personne en péril (art. 391 CP), la privation de soins sur un enfant au point de
compromettre sa santé, conformément à l’article 452-5° du Code Pénal ; le
délaissement par le mari de sa femme enceinte comme il est prévu à l’article 452-3° du
Code Pénal ; l’abandon de famille (art. 452-1° CP) ; la non-dénonciation de
crime (art. 303 CP)… En matière de circulation routière : refus d’obtempérer, délit de
fuite, défaut de casque, de ceinture ou d’assurance….

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L'intérêt de cette distinction est que les infractions d'omission sont généralement moins
sévèrement sanctionnées que les infractions de commission.

Par ailleurs, la tentative des infractions d'omissions n'est jamais punissable, contrairement à la
tentative des infractions de commission.

Enfin, les infractions d’omission sont localisées au lieu où l’exécution du devoir aurait dû se
produire ; ce qui présente un vif intérêt au regard de la compétence territoriale et du domaine
d’application de la loi ivoirienne.

2) Le nombre des actes d’exécution


De ce point de vue, on distingue les infractions simples des infractions complexes et des
infractions d’habitude.
 L’infraction simple est réalisée par l’accomplissement d’un seul acte matériel. Par
exemple, la soustraction suffit pour qu’il y ait vol.
 L’infraction complexe est celle dont la réalisation nécessite l’accomplissement de
plusieurs actes de nature différente, concourant tous à une fin unique. Par exemple,
l’article 471 du Code Pénal présente l’escroquerie comme une infraction complexe.
C’est une infraction qui suppose, au titre de son élément matériel, d’une part
l’utilisation de moyens frauduleux (faux nom, fausse qualité) et d’autre part la remise
d’un bien par la victime.

 L’infraction d’habitude est constituée par l’accomplissement de plusieurs actes


matériels. A la différence de l’infraction complexe ci-dessus, ici, les actes matériels
sont de même nature. Ex. : l’infraction d’exercice illégal de la médecine (art. 19, code
de déontologie médicale) ; la mendicité (art. 217 CP), le proxénétisme (art. 358 CP), le
fait de conduire sans permis etc. C’est donc la répétition d’un même comportement qui
constitue l’infraction d’ habitude. Les actes pris isolément ne sont pas punissables. La
loi ne prévoit pas un nombre de fois particulier. La jurisprudence va déterminer qu’un
acte peut être admissible comme habitude s’il est perpétré à compter de deux fois. Par
exemple, un seul acte de prescription médicale ne constitue pas une infraction
d’exercice illégal de la médecine, il en faut au moins 2.
Cette distinction des infractions en fonction du nombre des actes présente plusieurs intérêts :
 le premier est relatif au lieu de l’infraction, lequel détermine la compétence territoriale
du tribunal et la loi applicable : l’infraction simple ne pose pas de difficulté en raison
d’un acte unique. En ce qui concerne l’infraction complexe ou d’habitude, on attribuera
la compétence à chacun des tribunaux dans le ressort desquels se seront déroulés les
divers actes du délit. La loi applicable est également désignée par les endroits où a été
réalisé l’un des actes constitutifs de l’infraction.

 le second est relatif à l’application de la loi dans le temps : la loi applicable est la loi en
vigueur au jour du dernier acte, car l’infraction complexe et d’habitude ne peut être
consommée que lorsque tous ses éléments matériels ont été accomplis. En outre, la
prescription ne peut donc commencer à courir qu’à partir du dernier acte constitutif et,
s’il y a eu plusieurs remises à la suite de manœuvres frauduleuses, à partir de la dernière
remise seulement. Pour le délit d’habitude, la prescription de l’action publique ne
commence à courir qu’à compter du jour ou est commis le second acte.

B/ La durée des actes d’exécution


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Selon la durée d’exécution, on opère la distinction entre les infractions instantanées et les
infractions continues.
 L’infraction instantanée est celle dont l’élément matériel s’exécute en un trait de temps.
Par ex, le vol, l’homicide volontaire, coups et blessures volontaires, l’homicide
volontaire, l’usage de faux ou l’arrestation illégale, le trafic illicite de stupéfiants.
Entrent dans cette catégorie, les infractions dont l’acte matériel s’exécute
immédiatement, mais dont les effets se prolongent dans le temps sans aucune
intervention de l’auteur des faits initiaux comme par exemple, le délit de bigamie, de
construction d’un immeuble sans permis de construire…
 L’infraction continue (ou successive) est celle dont l’exécution s’étend sur une certaine
durée et s’y prolonge par une réitération constante de la volonté coupable. Par ex, le
recel (art. 477 CP), la séquestration arbitraire (art. 434CP), le port illégal de
décoration ou d’insignes (art. 534 CP), l’abandon de famille etc.
L’appréciation du caractère continu ou instantané de l’infraction s’apprécie in abstracto, c’est-
à-dire, en fonction du texte d’incrimination et non en fonction des faits de l’espèce. Ainsi le vol
reste un délit instantané même si l’exécution du cambriolage dure des heures ; le recel de
choses reste une infraction continue même s’il n’a duré qu’un bref instant (par ex, en cas du
transit).
La distinction entre infraction continue et infraction instantanée présente de nombreux intérêts :
 En ce qui concerne les règles de fond : l’infraction continue est soumise à la loi nouvelle
même plus sévère que l’ancienne si, elle se prolonge sous l’empire de cette loi nouvelle ;
la loi d’amnistie n’est pas applicable à l’infraction continue qui persiste après la
publication de cette loi.

 En ce qui concerne les règles de forme :


- pour les infractions instantanées, le point de départ de la prescription de l’action
publique commence à courir à compter du jour où elles ont été commises, et,
pour les infractions continues, au jour où l’activité matérielle prend fin : par ex,
pour le recel, l’action publique ne commence à se faire qu’à partir du moment
où le receleur ne se trouve plus en possession de l’objet qu’il détenait ;
- quant au tribunal territorialement compétent, une seule juridiction peut connaître
du délit instantané tandis que toutes les juridictions dans le ressort desquelles se
situe une partie du délit continu sont également compétentes ;
- et enfin, la règle non bis idem ne joue pas pour les infractions continues qui
peuvent être poursuivies à nouveau après une première condamnation, au cas de
persistance de la volonté délictuelle (par ex. pour le délit de non-représentation
de l’enfant).

§ 2 – Le résultat

Dans la plupart des cas, le résultat est un élément constitutif de l’infraction. Cependant, les
infractions sont parfois incriminées indépendamment de résultat. Le résultat est ainsi un critère
pour distinguer les infractions matérielles des infractions formelles.
A/ les infractions matérielles
L’infraction matérielle est une infraction dont la réalisation suppose un dommage. Dans ces
infractions, un résultat dommageable est exigé pour qu’une infraction soit consommée, c'est-à-
dire, que le résultat est alors un élément de l’infraction. Ainsi de l’exemple classique du meurtre

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incriminé à l’article 378-1° du code pénal dont la consommation suppose la mort de la victime.
Ainsi également d’un grand nombre d’atteintes aux biens.

Le résultat ne doit pas être envisagé du côté du délinquant, mais de la victime : il consiste en
un préjudice pour cette dernière.
Le préjudice est apprécié de manière large. En effet, peu importe la nature du préjudice :
matériel, moral, socio etc. De même, l’insignifiance du préjudice n’est pas de nature à exclure
la punissabilité du délinquant.
Certaines infractions matérielles sont dites infractions de résultat. Celles-ci correspondent à des
actes dont la qualification varie en fonction de la gravité du préjudice engendré. Dans ce genre
d’infraction, le préjudice influence le quantum de la peine.

L’exemple des violences volontaires fournit une parfaite illustration de cette catégorie
d’infraction. En effet, à un comportement invariable dans son principe, à savoir exercer des
actes de violence attentatoires à l’intégrité physique ou psychique d’autrui, peuvent
correspondre une pluralité de résultats. Si ces violences n’ont entraîné aucune incapacité de
travail pour la victime, l’infraction est alors un délit (article 381-4° du code pénal) ; il s’agira
toujours d’un délit dès lors qu’une telle atteinte est constatée ou qu’est constatée une mutilation
ou infirmité permanente (article 381 2° et 3° du code pénal) ; enfin, il s’agira d’un crime si ces
violences ont entraîné la mort sans intention de la donner (article 381-1° du code pénal).

Dans la majorité des cas, le lien de causalité entre le comportement et le résultat ne posera pas
de difficulté majeure, ce lien étant évident. Cependant, la difficulté va se présenter lorsque
plusieurs facteurs ont contribué à la réalisation du dommage.
Il va falloir déterminer le lien de causalité pour décider du degré d’incrimination de
l’automobiliste. Le problème du lien de causalité se pose principalement pour les homicides ou
blessures involontaires.
Cas : une personne est frappée à coup de couteau, conduite à l’hôpital et opérée. Mais la
victime décède peu après des suites d’une infection causée par imprudence médicale. Va-t-on
admettre un lien de causalité entre le coup et la mort pour retenir les coups mortels (art. 381-
1°) ?
La doctrine, notamment allemande a proposé trois théories :
 La théorie de l’équivalence des conditions : selon cette doctrine, tous les évènements
qui ont concouru à la réalisation du dommage sont équivalents. Le juge doit se demander
si la faute pénale a été la condition sine qua non du dommage.
 La théorie de la proximité de la cause : on ne retient parmi les faits ayant conditionné le
dommage que celui qui est le plus proche dans le temps, celui qui est en relation directe
et immédiate avec le résultat.
 La théorie de la causalité adéquate : la cause adéquate est celle qui normalement entraîne
le dommage. En somme, la question est de savoir ce qu’un homme raisonnable aurait
envisagé comme conséquence naturelle ou probable d’une faute.
Ces trois systèmes présentés n’impliquent évidemment pas la même sévérité.
L’examen de la jurisprudence révèle que la préférence va à la théorie de l’équivalence des
causes.
Les témoignages de cette préférence sont variés : Un homme est blessé par une automobile,
subit une opération de réduction de fracture de la hanche pratiquée d’abord sans anesthésie,
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puis sous anesthésie, et meurt au cours d’une syncope ; la Chambre criminelle laisse entendre
que l’automobiliste est responsable dès l’instant que l’opération était nécessitée par l’état du
blessé (Cass.crim. 10 juillet 1952, JCP 1952.11.7272, note Cornu).
Il en résulte d’une part, qu’il importe peu que la faute du délinquant soit suivie d’une
circonstance fortuite. Ex : à l’occasion d’une partie de chasse, un chasseur tire en l’air pour
prévenir ses compagnons. Ce tir sectionne un câble électrique. Un autre chasseur s’approche
et est électrocuté. Le premier chasseur a été condamné pour homicide involontaire.
D’autre part, il importe peu que la faute du prévenu soit précédée ou suivie d’une faute de la
victime ou d’un tiers. Tel est le cas d’un chirurgien de garde dans un hôpital qui reçoit une
personne blessée par balle dont l’état est grave et qui retarde l’intervention chirurgicale au
lendemain ; décès de la victime qui aurait pu être évité sans ce retard ; condamnation du
chirurgien pour homicide involontaire : Crim.7/2/1973.

B/ Les infractions formelles


Dans certains cas et à des fins de prévention, l’infraction est réputée consommée même si le
résultat n’est pas prévu. Ici, on réduit l’élément matériel. Ce sont les infractions formelles.
L’infraction formelle est celle dans laquelle la loi incrimine un procédé sans s’inquiéter du
résultat. Tel est le cas de l’empoisonnement (art. 378-4° CP « Le fait d'attenter à la vie d'autrui
par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un
empoisonnement), qui est une infraction consommée dès lors qu’est administrée à la victime
des substances de nature à entrainer la mort indépendamment du résultat produit par les
substances toxiques. Il en est de même pour l’infraction de corruption de fonctionnaire.

En réalité, l’infraction formelle est une tentative érigée en infraction consommée. Cela ne
signifie pas qu’il n’y pas de tentative d’infraction formelle : le commencement d’exécution
apparait plus tôt que dans l’infraction matérielle. C’est ainsi que la cour d’assises d’Abidjan,
dans sa décision du 15 /7/1986, a jugé que le fait d’asperger de poison les aliments conservés
dans un congélateur alors même que ce fait est découvert par hasard constitue une tentative
d’empoisonnement.

SECTION 2 : L’INFRACTION INACHEVEE

Dans certaines hypothèses, le législateur ne prend pas en considération le résultat : le législateur


incrimine en amont un comportement avant que le résultat ne se soit produit. C’est l’hypothèse
de la tentative.

§ 1 –Les conditions de punissabilité de la tentative


La tentative est l’action d’essayer de commettre un délit. L’article 28 CP distingue deux formes
de tentative : la tentative interrompue ou manquée lorsque les efforts de l’agent ont été
suspendus par des circonstances indépendantes de sa volonté, et le cas où l’agent a mené son
action à son terme mais seul résultat fait défaut, c’est le problème du délit impossible ou de la
tentative stérile.
A/ La tentative interrompue ou l’infraction manquée
Selon l’article 28 al. 1 CP, « toute tentative de crime manifestée par un acte impliquant sans
équivoque, l’intention irrévocable de son auteur de commettre l’infraction est considérée

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comme le crime lui-même si elle n’a été suspendue ou si elle a manqué son effet que par des
circonstances indépendantes de la volonté dudit auteur ».
A la lecture de cet article, il apparait que deux conditions doivent être réunies pour que la
tentative soit punissable : d’une part, un acte impliquant sans équivoque, l’intention irrévocable
de son auteur de commettre l’infraction, que la doctrine résume sous l’expression de
‘’commencement d’exécution’’, et, d’autre part, l’absence de désistement volontaire.
1) La nécessité d'un acte matériel tendant à la commission de l'infraction ou le
commencement d’exécution
La nécessité de caractériser le commencement d’exécution est importante dans la mesure où,
les actes préparatoires ne sont pas punissables, selon les dispositions de l’article 27 CP. Sauf,
si le législateur les atteint.
N’est punissable, au titre de la tentative d’infraction, que l’ «acte impliquant sans équivoque,
l’intention irrévocable de son auteur de commettre l’infraction ».
Deux éléments doivent donc être remplis pour qu’il y ait tentative d’infraction :

- un élément objectif : l’extériorisation de l’intention irrévocable par un acte tendant


immédiatement et directement à la consommation de l’infraction ; en d’autres termes, un
acte univoque. Le commencement d’exécution suppose l’accomplissement par le
délinquant d’un acte matériel qui soit proche de la consommation de l’infraction.

L’affaire Lacour illustre bien cette exigence : en l’espèce, le Docteur Lacour a payé un
tueur à gages pour éliminer le fils de son amie. Finalement, le tueur à gages s’est abstenu
d’exécuter son acte alors même qu’il avait déjà été payé pour accomplir le forfait. La
chambre criminelle a conclu que le fait de remettre des fonds à un tueur à gages est trop
éloigné de la consommation de l’infraction. La remise de l’argent n’a pas pour
conséquence directe et immédiate de commettre le meurtre ; à ce titre, il constitue plutôt
un acte préparatoire dès lors que l’exécutant matériel s’est abstenu.

En revanche, ont extériorisé leur intention irrévocable de commettre le délit de vol, des
individus munis d’un arsenal de cambrioleur, suivant un encaisseur dans sa tournée et se
postant en embuscade en un lieu où il devait passer. 12

- un élément subjectif : l’intention irrévocable de commettre l’infraction. La difficulté


pour les tribunaux va consister dans la preuve de l’intention irrévocable de l’auteur
présumé de commettre l’infraction. Les juges déduisent l’intention de l’acte accompli,
justement du caractère univoque des faits matériels. Ainsi, la jurisprudence a considéré
qu’il y a tentative d’avortement par le fait de stériliser une sonde et de s’enduire les mains
de vaseline à proximité d’une femme enceinte allongée en position gynécologique.
Caractérise la tentative d’évasion le fait pour des détenus de commencer à creuser le béton
autour de la fenêtre de leur cellule afin de provoquer le descellement des barreaux (CA
DOUAI 11/08 et 21/09/2004).
En résumé, on est en présence d’un commencement d’exécution lorsque le comportement de
l’agent traduit sans ambiguïté sa volonté de commettre l’infraction.

2) Le désistement involontaire

12
Crim. 3/1/1913, aff. Du faubourg St-Honoré, d.1914.I.41.
Page 45 sur 81
C’est l’élément moral de l’infraction de tentative.
Comme le rappelle l’article 28 al. 1er CP la tentative est punissable uniquement « si elle n’a été
suspendue ou si elle n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la
volonté de son auteur ».

La tentative n’est donc pas punissable si l’agent s’est volontairement désisté de son entreprise
criminelle.

L’interruption de l’action du délinquant est volontaire si elle n’a été provoquée par aucune cause
extérieure. Ainsi, celui qui s’apprête à commettre une infraction et y renonce de lui-même, sans
intervention d’une cause extérieure, n’est pas punissable. Peu importe la cause de cette
renonciation (pitié pour la victime, remords, crainte du châtiment,…..).
En revanche, lorsque le désistement est déterminé par une cause extérieure, le désistement de
la personne est involontaire. La tentative est alors punissable. C’est le cas lorsque l’individu est
surpris par une intervention extérieure (police, passants..), par la résistance de la victime ou
encore par un obstacle matériel (alarme, résistance du coffre-fort..).
Il existe des situations délicates dans lesquelles il est difficile de déterminer le caractère
volontaire ou involontaire du désistement, notamment, lorsque l’évènement extérieur ne
présentant pas les effets de la contrainte, a cependant décidé l’agent à renoncer à son entreprise.
C’est le cas de celui qui, pris de peur, quitte l’appartement parce qu’il a entendu le téléphone
sonner. Dans cette espèce, le juge a considéré que le désistement était volontaire.
Pour que la tentative soit impunie, le désistement doit être antérieur à la consommation de
l’infraction. Ainsi, celui qui se repent après la consommation de l’infraction (repentir actif) en
tentant de réparer les conséquences de son acte ne peut échapper à la répression.

B/ L’infraction impossible

Par délit impossible, l’on désigne une infraction qui n’a pas abouti parce qu’elle était
matériellement irréalisable en raison d’une circonstance ignorée par l’agent. Tel est le cas de
l’individu qui pratique des manœuvres abortives sur une femme non enceinte.
Dans une telle hypothèse, le résultat espéré est insusceptible de se produire, cependant
l’individu à manifesté une volonté criminelle irrévocable. Alors, la difficulté est de savoir s’il
faut punir l’auteur du délit impossible.
La répression du délit impossible a donné naissance à deux théories opposées entre lesquelles
prennent place des voies moyennes.
La théorie objective soutient la thèse de l’impunité du délit impossible, quelle que soit la cause
de l’impossibilité, qu’elle tienne à l’objet ou au moyen employé. L’argument de cette doctrine
est fondé sur le fait que l’on ne saurait commencer à exécuter quelque chose d’impossible.

La théorie subjective quant à elle se montre favorable à la répression du délit impossible.

Selon cette doctrine, l’agent a suffisamment démontré sa volonté coupable et son état
dangereux.

La doctrine a recherché des solutions intermédiaires, les deux premières présentant chacune des
limites. Ainsi, une partie de la doctrine a proposé de distinguer entre les cas d’impossibilité
punissables et non punissables.

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La première des théories intermédiaires distingue l’impossibilité absolue non punissable de
l’impossibilité relative qui est punissable. L’impossibilité absolue résulte d’une part de
l’inexistence de l’objet (ex. le meurtre d’un cadavre) et d’autre part, de l’inefficacité totale des
moyens utilisés (ex. fusil non chargé, empoisonnement avec des substances inoffensives).
L’impossibilité relative, c’est lorsque les moyens utilisés sont efficaces en eux-mêmes, mais
ont été mal utilisés (erreur commisse par le tireur) ou lorsque, l’objet du délit existe réellement
mais ne peut être momentanément atteint (la personne visée est fortuitement absente, caisses
vides etc.)

La non-punissabilité en cas d’impossibilité absolue se justifie par le fait que l’infraction


n’implique aucun danger réel. Cette théorie a été reçue en jurisprudence, puisque dans un de
ses arrêts, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait retenu la tentative lorsque
« l’infraction n’était pas absolument impossible ». Ce qui revenait à dire que seule
l’impossibilité relative devait être prise en compte au plan de la répression. En ce sens, ont été
réprimées, une tentative de vol dans un tronc d’église vide, une tentative d’escroquerie
impossible par présentation de faux certificats médicaux à une compagnie d’assurance qui
n’assurait pas l’escroc etc.

Cette première théorie intermédiaire qui, à priori, parait satisfaisante est artificielle et souvent
difficile à mettre en œuvre, car il n’existe pas de degré dans l’impossibilité puisque dans tous
les cas, le résultat est impossible à atteindre.

Alors une autre théorie médiane a été proposée : elle consiste à distinguer l’impossibilité de
droit de l’impossibilité de fait.

L’impossibilité de droit s’entend de l’absence d’un élément constitutif de l’infraction, par ex.,
l’infanticide suppose un enfant vivant, le vol suppose un bien d’autrui etc. Dans un tel cas, il y
a impunité, si l’un de ces éléments constitutifs fait défaut.

En revanche, toutes les autres hypothèses d’impossibilité, dites impossibilité de fait (moyens
inefficaces etc.) parce qu’elles dépendent du hasard ou des circonstances fortuites, ne sauraient
exclure la répression.

Cette dernière distinction est celle admise par le législateur ivoirien. En effet, l’art. 28 CP in
fine réprime le délit impossible au titre de la tentative. Il ajoute en son alinéa 3 que la tentative
est punissable alors même que le but recherché ne pouvait être atteint en raison d’une
circonstance de fait. A contrario, si la circonstance est de droit, la répression est écartée.

§ 2 –Le régime juridique de la tentative

A/ Le domaine de la tentative
Toute tentative n’est pas punissable. La loi exige un certain degré de gravité. Au regard de
l’article 28 al. 1 CP, toute tentative de crime est punissable : « toute tentative de crime (…) ».
La tentative du délit n’est punissable que dans les cas prévus par la loi (art. 28 al. 2) : par ex.,
pour le vol (cf. art. 461 al 3), l’attentat à la pudeur (art.405 al. 25), les délits de détournements
de deniers ou titres publics ou encore le délit d’évasion etc. La tentative n'est pas prévue pour
d'autres délits comme pour le faux témoignage (art.324) la dénonciation calomnieuse (art. 446)
ou l'atteinte au secret professionnel (art. 447-448), les violences volontaires etc.
Enfin, la tentative n'est pas punissable en matière de contraventions.

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B/ La répression de la tentative
Selon l’article 8 du Code Pénal, l’auteur de la tentative est assimilé à l’auteur de l’infraction :
« toute tentative de crime (…) est considérée comme le crime lui-même (…).
L’auteur de la tentative d’infraction punissable encourt les mêmes peines que l’auteur d’une
infraction entièrement consommée.

Chapitre 2 : L’ELEMENT MORAL OU


PSYCHOLOGIQUE DE L’INFRACTION
La commission de l’élément matériel de l’infraction ne suffit pas à entraîner la responsabilité
du délinquant, il faut en plus que le délinquant ait eu un état d’esprit contraire à l’intérêt social :
c’est l’aspect intellectuel de l’infraction, aussi appelé par la doctrine, l’élément moral ou
psychologique.

Cette volonté criminelle n’est pas identique selon qu’il s’agit d’une infraction intentionnelle ou
d’une infraction non intentionnelle. Dans l’infraction intentionnelle, l’élément moral consiste
en une intention criminelle ou dol criminel, et dans les infractions non intentionnelles, l’élément
moral consiste en une simple faute pénale.

SECTION I : L’ELEMENT MORAL DANS LES INFRACTIONS


INTENTIONNELLES

Dans les infractions volontaires, l’élément moral est l’intention délictueuse dite encore dol
criminel. La Cour de cassation française a reconnu « un principe général d’après lequel
l’intention criminelle est un élément constitutif de l’infraction ». 13

Il convient de définir ce dol criminel avant d’en préciser les différentes formes qu’elle peut
revêtir et enfin, les moyens de sa preuve.

§ 1 – La notion de dol ou d’intention criminelle

Il n’existe aucune définition légale de l’intention ou du dol criminel.

C’est la doctrine classique qui a défini cette notion en la considérant comme « la volonté de
l’agent de commettre le, délit tel qu’il est défini par la loi » et la « conscience chez le coupable

13
Crim.30/03/1944, D. 1945.247, note H. Desbois.
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d’enfreindre les prohibitions légales ». C’est, disent d’autres auteurs, « la conscience et la
volonté infractionnelles ». 14

Cette définition fait ressortir deux éléments du dol criminel : la connaissance de ce qui est
interdit et la volonté d’enfreindre l’interdit (sciens et volens).

Le premier élément, c’est-à-dire, la conscience de violer la loi (la connaissance), est présumé
en droit pénal en vertu du principe, « nul n’est censé ignorer la loi » (nemo censetur ignorare
legem). Toute personne est censée connaître la loi et comparer la loi à son activité.

La présomption de la connaissance pose le problème de l’erreur de droit.

L’erreur de droit qui consiste soit dans l’ignorance de la loi, soit dans sa mauvaise
interprétation, fait-elle disparaître l’intention ?

L’article 95 CP répond par la négative en énonçant que l’ignorance de la loi pénale est sans
conséquence sur l’existence de la responsabilité pénale.
La réponse n’est pas identique en ce qui concerne l’erreur de fait. Tel est le cas de l’agent qui
se méprend sur la nature véritable de l’acte qu’il commet et n’a donc pas conscience qu’il viole
la loi pénale. Ainsi, n’est pas coupable celui qui se croit à tort propriétaire de la chose dont il
s’est emparé.

Le second élément du dol criminel, c’est-à-dire la volonté, est le fait de vouloir un acte que l’on
sait interdit, le fait d’agir de manière consciente et libre avec le discernement.

En cela, la volonté est différente des mobiles qui sont les sentiments particuliers qui inspirent
l’acte criminel : la jalousie, la cupidité, la vengeance, la haine etc.

La distinction entre l’intention et le mobile est importante dans la mesure où si la volonté est
nécessaire à l’établissement de l’infraction, le mobile est indifférent sauf exception.

En effet, l’article 95 CP déclare que le mobile est juridiquement indifférent, c’est-à-dire, qu’il
est sans conséquence sur la responsabilité pénale. Ainsi, une infraction commise dans un but
licite ou noble n’en demeure pas moins punissable.

En réalité, le mobile aura une influence sur le montant de la peine : en effet, les juridictions
pénales prennent en considération les mobiles dans le prononcé des peines, bien entendu dans
les limites fixées par la loi. Un délinquant qui a agi pour une cause noble ou généreuse
bénéficiera de l’indulgence du juge tandis que celui qui a été guidé par des motifs crapuleux
subira la sévérité des juges.

§ 2 – Les variétés de dol

A/ Dol général et dol spécial

Le dol général est l’élément psychologique commun à toutes les infractions intentionnelles,
c’est la volonté de réaliser une action que l’on sait prohibée par la loi.

14
Merle et Vitu.
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Pour certaines infractions, en plus du dol général, le texte d’incrimination exige une intention
particulière appelée dol spécial. C’est l’intention d’atteindre un résultat déterminé prohibé par
la loi.

Dans le dol général, il y a volonté de l’acte alors que dans le dol spécial, il y a en outre volonté
d’un résultat. C’est pourquoi, le dol spécial ne peut être qu’envisagé dans les infractions de
résultat.

Par ex, l’article 136 CP qui prévoit l’infraction de génocide exige un dol spécial : ce crime
contre l’humanité a pour but particulier de détruire totalement ou partiellement un groupe de
personnes en raison de leur appartenance nationale, ethnique, confessionnel ou religieux. Idem
pour le crime contre l’humanité. Le dol spécial requis en cas de meurtre (art. 378-1°) est
l’intention de tuer.

Afin de déterminer si une infraction exige seulement un dol général ou en plus un dol spécial,
il faut examiner le texte d’incrimination : le dol spécial résulte soit de la description des faits
matériels, soit de la référence à un mobile particulier.

B/ Dol simple et dol aggravé ou atténué

Le dol simple est caractérisé par une détermination spontanée par opposition au dol aggravé ou
prémédité qui résulte d’un dessein formé avant l’action de commettre le crime ou le délit
déterminé.

La préméditation entraîne une augmentation de la peine car, on considère que l’agent qui a
prémédité son action est socialement plus dangereux et moralement plus coupable. Ex. :
l’assassinat qui est un meurtre prémédité (art. 378-2° CP) est puni plus sévèrement (art. 379
CP) que le simple meurtre.

C/ Dol déterminé et dol indéterminé

Le dol est déterminé lorsque le résultat correspond exactement à l’intention de l’agent. Mais
parfois, il y a discordance entre l’intention de l’agent et le résultat obtenu : dans ce cas, on parle
de dol indéterminé.

Cette notion recouvre deux cas de figure :

- la première situation concerne l’agent qui a la volonté de commettre un délit mais qui
ne peut imaginer par avance quel sera le résultat exact de son acte. Par exemple, dans
l’infraction de coups et blessures volontaires, le résultat visé est imprécis. On ignore si
les coups et blessures volontaires entraîneront de simples ecchymoses ou la mort de la
victime. Dans ce cas, on parle de dol imprécis. Le dol imprécis est puni comme le dol
déterminé.

- la seconde hypothèse est celle du dol dépassé ou dol praeterintentionnel : dans ce cas,
le résultat obtenu dépasse les prévisions de l’agent. Tel est le cas d’une personne qui
désire procurer un avortement à une femme mais la tue.

Doit-on punir l’agent selon sa volonté ou en considération du résultat obtenu ?


Le droit ivoirien prévoit une répression intermédiaire. Ainsi, l’article 381-1° CP
dispose : « quiconque, volontairement, porte des coups ou fait des blessures ou commet
toute autre violence ou voie de fait est puni : 1° de l’emprisonnement de cinq à vingt
Page 50 sur 81
ans lorsque les coups portés et les blessures faites, même sans intention de donner la
mort l’ont pourtant occasionnée … ». L’auteur de coups et blessures ayant entraîné la
mort sans intention de la donner est puni plus sévèrement que l’auteur de coups et
blessures n’entraînant pas le décès (art. 381 2°) mais moins sévèrement que l’auteur
d’un homicide volontaire (art. 380 cp, dix à vingt ans d’emprisonnement).
Hors ces solutions particulières, la jurisprudence considère que l’agent n’est responsable
que des conséquences qu’il pouvait prévoir, qu’il pouvait envisager comme
raisonnablement possibles.

§ 3 – La preuve du dol

Si l’existence du dol criminel n’est pas établie, il n’y a pas de répression.

En réalité, ce qui pose difficulté c’est la preuve de la volonté, la connaissance de la loi étant
présumée. Il appartient au ministère public d’apporter la preuve de l’intention criminelle.

L’élément moral étant un élément psychologique, immatériel. Sa preuve est donc délicate.
Faute d’aveu, la preuve de l’élément moral se fait généralement de manière indirecte, par
déduction. La preuve de l’intention est déduite du comportement de l’agent.

Ainsi, l’épouse d’un voleur ne peut ignorer l’origine délictueuse des objets d’art de grande
valeur accumulés par son mari dans leur domicile commun alors que le revenu du ménage était
modeste. De tels faits, le juge peut légitimement déduire l’intention de recel chez l’épouse :
crim. 6/1/1992, GP, 16/7/1992.

SECTION II – LA FAUTE PENALE OU L’ELEMENT MORAL DANS LES


INFRACTIONS NON INTENTIONNELLES.

Parfois, l’infraction peut exister même si l’agent ne recherche aucun résultat. Mais, il commet
une faute et celle-ci est suffisante à caractériser l’infraction.

Cette faute consiste soit en une imprudence, en un défaut de précaution et plus généralement
en une indiscipline à l’égard de la société.

On distingue deux types de fautes, la faute ordinaire ou la faute pénale, et la faute


contraventionnelle. La première est non présumée tandis que la seconde est présumée.

§ 1 : L a faute ordinaire

Dans les infractions d’imprudence, le délinquant ne recherche pas un résultat. L’imprudence ou


la négligence consiste au fait d’avoir omis de prendre les précautions qui s’imposaient, ou
d’avoir relâché son attention.

Le nouveau code pénal de 2019 consacre une nouvelle modalité de la faute ordinaire : la faute
de mise en danger délibérée d’autrui (art. 393 CP).

Aussi, peut-on distinguer deux formes de fautes ordinaires : la faute simple d’imprudence ou
de négligence et la faute de mise en danger délibérée

A/ La faute simple aggravée : la mise en danger d’autrui


Page 51 sur 81
Le délit de ‘’mise en danger d’autrui’’ qui est la ‘’violation manifeste et délibérée d’une
obligation particulière de prudence et de sécurité’’ apparaît pour la première fois à l’article 393
du nouveau code pénal.

La mise en danger délibérée de la personne d'autrui se situe entre la faute intentionnelle et la


faute non intentionnelle. Elle vise le cas d'une personne qui prend un risque de façon délibérée
sans chercher néanmoins à provoquer un dommage.

Cette nouvelle disposition met en œuvre le dol éventuel.

Tel est le cas du conducteur roulant à grande vitesse dans un centre-ville ; le propriétaire d’une
embarcation vétuste qui la laisse partir rempli de passagers alors qu’il sait qu’elle est en
mauvaise état ; l’individu qui jette par la fenêtre des objets n’ignorant pas qu’ils peuvent
tomber sur la tête d’un passant ; celui qui a à la suite d’un pari, circule à contre-sens sur une
autoroute et cause un accident mortel, faire une course de voiture dans un quartier où des
enfants jouent au ballon, etc.

On le voit bien, il s’agit d’une infraction de prévention. L’objectif de la loi est ici de protéger
une personne et de prévenir les blessures et homicides involontaires, en sanctionnant les
situations d’inobservations d’une législation de prévention.

La faute de mise en danger d’autrui est constituée par la réunion de deux conditions : une
condition préalable et un élément constitutif :
1) l’existence préalable d’une obligation particulière de sécurité et prudence prévue par la
loi ou le règlement
L'article 393 du code pénal exige, d'une part, que l'obligation dont la violation est l'un des
éléments constitutifs du délit ait été prévue par la loi ou par le règlement ; d'autre part, que cette
obligation revête un caractère particulier.
 une obligation prévue par la loi ou le règlement
Si la violation porte sur une règle de conduite non écrite, elle ne pourra être réprimée aucune
disposition formelle n'interdisant un tel agissement. La notion de règlement doit être entendue
au sens constitutionnel et administratif du terme : elle couvre les règles édictées par le Président
de la République, le Premier ministre, les ministres, les préfets et les diverses autorités
territoriales à l'exclusion des actes qui n'émanent pas de l'autorité publique -règlement intérieur
d'une entreprise, règles professionnelles, déontologiques ou sportives. La jurisprudence a
précisé ce principe : la règle doit présenter un caractère impersonnel (tel n'est pas le cas d'un
arrêté préfectoral déclarant un immeuble insalubre et imposant au propriétaire la réalisation de
travaux - Cass. Crim., 10 mai 2000) et absolu -ce qui exclut les actes qui n'ont qu'une valeur
normative relative comme les circulaires et les instructions.
 l'obligation doit en outre présenter un caractère suffisamment précis et imposer
un mode de conduite circonstancié

Le texte doit être suffisamment précis pour que soit déterminable sans équivoque la conduite à
tenir dans telle ou telle situation et pour que les écarts à ce modèle puissent être aisément
identifiés comme hypothèses de mise en danger.
A titre d'exemple, la méconnaissance par un médecin des obligations du code de la santé
publique définissant les règles générales de conduite -engagement à assurer des soins
consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, soin dans l'élaboration
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du diagnostic- ne répond pas à ces conditions (Cass. Crim., 18 mars 2008) ; en revanche,
l'article 12 du décret du 11 février 2002 qui impose au chirurgien l'assistance d'infirmiers
qualifiés édicte une obligation particulière (Cass. Crim., 18 mai 2010).

L’identification du caractère particulier de l’obligation relève de l’appréciation des juges.

2) une « violation manifeste et délibérée »

La mise en danger délibérée ne se confond pas avec une simple négligence ou imprudence. En
revanche, à la différence des délits intentionnels, elle ne vise pas à provoquer un dommage
particulier. Ainsi, pour qualifier cette faute non intentionnelle, il faut mettre en lumière ou
démontrer un comportement hautement blâmable, une violation intentionnelle, voulue,
délibérée du texte. Cette condition constitutive est rappelée de manière régulière aux cours
d’appel.
A titre d'exemple, la Cour de cassation a confirmé l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare
coupable de mise en danger délibérée d'autrui des prévenus qui ont provoqué une avalanche
dans une station de sport d'hiver, en pratiquant le surf sur une piste interdite par un arrêté
municipal, pris pour la sécurité des skieurs, l'un des prévenus ayant récidivé deux jours plus
tard. La cour d'appel avait motivé sa décision en indiquant que les services météorologiques
signalaient le jour des premiers faits, un risque maximum d'avalanche et que les intéressés,
pratiquants expérimentés, s'étaient engagés sur une piste barrée par une corde et signalée par
des panneaux d'interdiction règlementaires, en dépit d'une mise en garde du conducteur du
télésiège (Cass. Crim., 9 mars 1999).
La mise en danger délibérée n'implique pas que l'auteur du délit ait eu connaissance de la nature
du risque particulier effectivement causé par son manquement (Cass. Crim., 16 février 1999).

B/ La faute simple, d’imprudence, de négligence ou d’inobservation des règlements

L’article 392 qui incrimine les infractions d’homicide et de blessures involontaires dégage deux
formes d’imprévoyance : d’une part, la faute de maladresse, imprudence, inattention,
négligence, et d’autre part, l’inobservation des règlements. Quoique placées sur le même plan,
ces deux modalités d’imprévoyance doivent être distinguées.

1) les fautes de maladresse, imprudence, inattention, négligence


Les deux premières (maladresse, imprudence) désignent des fautes de commission au cours
d’une action dommageable.

La maladresse est un manque de dextérité manuelle, un manque d’habileté. Par exemple,


commet une faute de maladresse, l’ouvrier qui laisse échapper un outil qui s’écrase sur la tête
d’une tierce personne et la tue.

La faute d’imprudence, c'est la méconnaissance des règles élémentaires de prudence malgré


l'éventualité prévisible d'un dommage. Elle peut se manifester par un défaut de précautions (ex
: non respect des prescriptions sur le fonctionnement d'une machine) ou le non respect d'un
règlement intérieur d'entreprise.

La faute d’imprudence consciente consiste au fait pour le délinquant qui a pris un risque de
croire que le dommage ne surviendra pas. C’est par exemple, le fait le fait de laisser en liberté
des chiens que l’on sait méchants : CA Abidjan, 13/10/1971, RID 1971, n°3, p.74

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La faute d’imprudence inconsciente ou faute d’imprévoyance est moins grave que la première.
Tel est le cas de l’agent qui n’a pas prévu la possibilité du préjudice mais a cependant commis
un oubli. Est coupable d’une faute de cette nature, un fonctionnaire de police qui a remis à un
menuisier une armoire pour qu’il la répare sans avoir préalablement vérifié son contenu,
laquelle armoire contenait des grenades qui ont éclaté et blessé l’artisan : CA Abidjan,
3/2/1975, Recueil Pendant, 1978, p.285.

Les fautes d’inattention et de négligence sont généralement des fautes d’omission ou


d’abstention. Elles désignent l'oubli ou l'omission d'une précaution commandée par la prudence
et dont l'observation eut évité l'accident.

L'inattention se manifeste par une attitude distraite, étourdie. Par exemple « Constitue une faute
d’inattention, engageant sa responsabilité pénale pour homicide involontaire, le fait pour un
chauffeur d’autobus de n’avoir pas évité un enfant qui traversait la chaussée de droite à
gauche, dans le sens de marche du véhicule alors qu’il résulte des circonstances de faits relevés
sur les lieux de l’accident, que si le chauffeur avait été plus diligent le choc aurait pu être
évité ». (C. A. ABJ, ch. correct., arr. du 13/01/1969, RID- I -1970)

Quant à la négligence, elle est constitutive d’une absence de précaution résultant plutôt de
l'impéritie de l'agent ou de son mépris d'autrui.

A été ainsi condamné pour une telle faute, le président du comité d'organisation des
compétitions à la Fédération ivoirienne de football, Albert Anzouan Kacou, a été condamné
par le tribunal correctionnel d'Abidjan à 6 mois de prison ferme et à une amende de 500
000 francs CFA (750 euros) pour sa responsabilité dans la bousculade du 29 mars au stade
Félix Houphouët-Boigny qui avait fait 20 morts et plus de 130 blessés. Le tribunal
correctionnel d’Abidjan, en son audience du 24 juillet 2009 a considéré que le manque de
coordination et la négligence dans la sécurisation du stade, aggravée par la mise en place
d’une billetterie parallèle ont été les causes du drame.

Il est important de retenir que seul peut être considéré comme fautif un comportement qui n’est
pas celui d’une personne normalement diligente au regard des circonstances de l’espèce. La
faute s’apprécie au regard de l’obligation de diligence qui s’impose à tous : le bon sens, la
prudence du « bon père de famille ».

2) Manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par le règlement

La faute consistant en l’inobservation des règlements caractérise également un dol éventuel.

Cette faute suppose l’existence d’un texte particulier et la volonté réfléchie de le violer en
sachant qu’un dommage peut se produire sans que ce dommage ait été recherché.

Contrairement à la faute de mise en danger, les règlements doivent être entendus dans le sens
le plus large possible : il s’agit non seulement des actes émanant du pouvoir exécutif (décrets
et arrêtés : code du travail, code de la route etc.) mais aussi des règles professionnelles (usages
professionnels, règles de l’art etc.).

Les règlements intérieurs des entreprises ou établissements en sont exclus.

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On retrouve de nombreuses applications de cette faute dans les accidents de la circulation :
excès de vitesse, état défectueux ou non entretien du véhicule automobile, véhicule dépourvu
de visite technique et de vignette défaut de maîtrise du véhicule, prêter le véhicule à un enfant
mineur etc.

Commet un homicide involontaire par inobservation des règlements et défaut de maîtrise de


son véhicule, « le chauffeur d’une compagnie de transport qui, conduisait son car avec un
téléphone portable collé à son oreille, a été ainsi surpris par une forte pluie et n’a pu contrôler
le mastodonte de 63 places qui a fait plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser sur ses
pneus » : Tribunal correctionnel de Tiassalé, 06 sept. 2018. Rapportée par une dépêche de
l’AIP, publiée le 6/09/2018.

§ 2 : La faute matérielle ou contraventionnelle

Il y a faute contraventionnelle dès lors que le délinquant commet matériellement le fait ou l’acte
interdit sans que le juge ait à rechercher si le résultat était ou non voulu. Bien que l’élément
moral soit très réduit, il existe tout de même et, consiste au fait d’être libre et conscient. On
parle également de faute matérielle.

La faute contraventionnelle est présumée et elle est insusceptible de preuve contraire. Par
exemple, le fait de ne pas respecter les feux tricolores.

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TROISIEME PARTIE : LA
RESPONSABILITE PENALE

Il s’agit d’étudier une notion essentielle en droit pénal : la responsabilité pénale. Elle se définit
comme « l’obligation pour une personne impliquée dans une infraction d’en assumer les
conséquences pénales », c’est-à-dire, de subir la sanction pénale attachée à cette infraction.

Cette notion suscite deux interrogations : qui peut être déclarée responsable ? N’existe-t-il pas
des circonstances qui suppriment cette responsabilité ?

Les réponses à ces deux questions constitueront l’objet des deux prochains chapitres.

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CHA PITRE 1 : LE DELINQUANT

Lorsqu’une infraction est commise ou tentée, la protection de la société exige l’application


d’une sanction. Cette sanction s’applique au coupable qui a été identifié comme le délinquant.

Traditionnellement, le délinquant est une personne physique, mais le droit positif admet
désormais le principe de la responsabilité pénale des personnes morales.

SECTION I : LA PERSONNE PHYSIQUE

Aux termes de l’article 94 CP, « La personne physique responsable de ses actes est seule
soumise à une sanction pénale ».

C’est l’énonciation d’un principal fondamental régissant la responsabilité pénale, celui selon
lequel la responsabilité est personnelle : nul n’est responsable pénalement que de son propre
fait (Crim. 28/2/1956, JCP 1956, II, n° 9304).

Cependant, ce principe connait quelques tempéraments : dans certains cas exceptionnels, une
personne répond pénalement d’une infraction matériellement commise par une autre
(pratiquement l’employé) : on parle de responsabilité pénale du fait d’autrui.

SOUS-SECTION 1 : LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DU FAIT


PERSONNEL

Le nouveau code pénal a procédé à une reformulation des articles consacrés à la participation à
l’infraction afin d’assurer plus efficacement et de manière plus pertinente, toutes les situations
caractéristiques des degrés de participation que sont désormais l’action et la complicité. La
coaction a été ainsi extraite du code pénal, le législateur de 2019 ayant estimé que son intérêt

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juridique réside moins dans l’utilité et l’efficacité pratiques que dans les débats d’ordre
théorique.

Le nouveau code pénal, en ses articles 29 à 30 CP, laisse donc subsister que les deux autres
degrés de participation à l’infraction que sont l’action et la complicité.

§1 : L’auteur

L’article 29 CP distingue trois types d’auteurs : l’auteur matériel, l’auteur moral ou intellectuel
et l’instigateur.
 l’auteur matériel, c’est l’agent qui a réalise lui-même tous les actes matériels prévus
par le texte d’incrimination (art. 29-1°). Ex. : dans le meurtre, c’est celui qui tue.

 l’auteur moral (art. 29-2°), c’est celui qui n’accomplit pas personnellement le fait
incriminé, mais participe soit directement soit de façon déterminante, avec l’auteur
matériel, à la réalisation de l’infraction. Cette définition recouvre l’ancienne hypothèse
de la co-action.
L’auteur moral, c’est aussi celui qui se sert est servi d’un être pénalement irresponsable
(par ex. d’un dément ou d’un mineur de 10 ans), ainsi que celui qui contraint sciemment
autrui (par ex. sous l’effet de la menace d’une arme).

 l’auteur par instigation (art. 29-3°) : L’instigation consiste à pousser sciemment et


sans équivoque un tiers à commettre l’infraction. Elle peut se faire, aux termes de, par
provocation ou par instruction.

La provocation doit se faire par l’un des moyens énumérés par l’article 29-3° : dons,
promesses, menaces, usage d’artifices coupables, abus d’autorité ou de pouvoir.

Pour être punissable, la provocation doit dépasser le stade de la suggestion. Précisément,


la provocation doit remplir deux conditions pour être valide : elle doit être directe (elle
suggère sans détours l'infraction) et individuelle (à une personne précise). Ex : incite
par le moyen de la provocation, le passager d’un véhicule automobile qui donne l’ordre
au conducteur de forcer le barrage barré par un véhicule de la gendarmerie.

L’instruction est une forme de provocation. Il s’agit de procurer au tiers des consignes,
ou de lui donner des directives en vue de la commission de l’infraction. Les instructions
doivent contenir un certain degré de précision pour rendre possible l’infraction ou en
faciliter sa commission. Il ne pourra y avoir instigation par instructions que dans le cas
où les renseignements donnés présentent une utilité certaine pour le tiers incité à réaliser
l’acte délictueux.

Aux termes de l’article 29-3°, il importe peu que la provocation ou les instructions soiten
suivies ou non d'effet. En effet, il y est précisé « même si l’infraction n’a été ni tenté ni
commise ». Ce texte vise l’hypothèse de l’instigateur qui n’a pas obtenu le résultat
escompté : il s’agit en réalité d’une hypothèse de complicité non suivie d’effet.

§2 : L’entreprise commune : la complicité

La délinquance est souvent le résultat d'une entreprise commune, et elle apparaît alors d'autant
plus grave pour l'ordre social, car elle suppose en général une entente préalable, une

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concertation. C'est pourquoi, le législateur montre une volonté de sévérité. C’est la situation
juridique de la complicité.

Le complice, selon l’article 30 CP, c’est celui qui aide à la réalisation de l’infraction. L’article
30 CP précise que le complice contribue à la réalisation de l’infraction sans y prendre une part
directe et déterminante. Ce qui veut dire que le complice n’a qu’un rôle accessoire dans la
réalisation de l’infraction.
Ainsi lorsque l’infraction a été commise à la suite d’une entente préalable, par des protagonistes
qui sans l’accomplir personnellement, en ont favorisé la commission par l’auteur, il y a
complicité

La répression de la complicité est subordonnée à la réunion de deux conditions :

A/ L’existence d’un fait principal punissable


C’est une condition nécessaire à la répression de la complicité. Il n’existe donc pas de
complicité sans infraction principale. C'est pourquoi lorsque le fait principal a cessé d'être une
infraction punissable, le bénéfice de l'impunité est étendu au complice.

La complicité ne pourra pas être retenue :


- lorsque le fait principal est justifié par la légitime défense, l'ordre de la loi ou le
commandement de l'autorité légitime ;
- si le fait principal n'est plus punissable suite à prescription de l'action publique
ou en cas d'amnistie.
Que le fait principal doive être punissable ne signifie pas que l'auteur soit condamné. Celui-ci
a pu décéder, demeurer inconnu, bénéficier d'une cause personnelle d'irresponsabilité ou est en
fuite, il n’empêche que le complice pourra être poursuivi.

Il n’est pas nécessaire que l'infraction principale ait été consommée. La complicité de tentative
est punissable (cf. art. 31 CP). Mais si l'auteur principal n'a effectué que des actes préparatoires
ou s'est désisté volontairement, le complice ne peut être poursuivi. On dit alors que "la tentative
de complicité" n'est pas punissable.

L’infraction principale ne doit pas forcément être intentionnelle. Bien plus rare, la complicité
peut exister à l’égard des infractions non intentionnelles.

La seule limite à la répression de la complicité est relative à la nature de l’infraction.


L’infraction principale doit être un crime ou un délit (art. 30 CP) ; s’il s’agit d’une
contravention, la complicité n’existe pas.

B/ L’existence d’un acte de complicité

Il résulte de l’article 30 alinéa 1, que l’acte de complicité comporte, comme tout acte
infractionnel, à la fois un élément matériel et un élément moral. Par rapport à l’ancien article
27 CP, les changements sont notables.
1) L’élément matériel de la complicité
L’article 30 CP définit les différentes modalités de la complicité punissable. Ainsi, d’un point
de vue matériel, la complicité peut se présenter sous deux formes (contrairement à trois formes,
sous l’empire de l’ancien code).

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1.1 La complicité par fourniture de moyen

La complicité par fourniture de moyens consiste pour le complice à fournir à l’auteur du fait
principal les moyens qui vont lui permettre de commettre l’infraction, par exemple, la remise
d’une arme, d’un code secret etc.

Le problème qui s’est posé par cette forme de complicité est celui concernant la répression du
complice lorsque les moyens fournis n’ont pas été utilisés pour commettre le crime projeté.

La jurisprudence considère que la complicité par fourniture est punissable même lorsque les
moyens n’ont pas été utilisés, ou ont été impropres à sa réalisation parce que l'auteur principal
savait pouvoir compter sur le moyen matériel. Toutefois, il faut que l'auteur principal se soit
rendu sur les lieux avec le moyen fourni.

1.2 – la complicité par aide ou assistance


Selon l’article 30.2°, est complice d’un crime ou délit, celui qui aide ou assiste directement ou
indirectement l’auteur de l’infraction dans les faits qui la consomment ou la préparent. Le
complice accomplit donc un ou plusieurs actes dans le but de faciliter l’infraction.
Il s’agit de l’acte de complicité le plus répandu qui s’applique à diverses hypothèses.
Ex. : celui qui fait du bruit pour couvrir les cris de la victime d’un viol est complice par aide
ou assistance ; remise de fausses clés, de fausses factures ou certificats ; prêt d’une voiture en
vue de faciliter la commission d’un vol etc.
Rentre désormais dans le champ de la répression, la complicité indirecte ou complicité de
complicité. Exemple : un individu A, qui veut commettre un cambriolage demande à son
complice B de se renseigner auprès d’un familier de la maison, appelé C, qui donne les
instructions nécessaires. C est complice de B et non de l’auteur du fait principal, c’est-à-dire,
A qu’il ignore et avec lequel il n’a pas eu affaire. Est-ce que C est coupable de complicité de
vol ?
L’article 30-2° n’exigeant plus de relation directe entre l’acte principal initial et celui du
complice, la réponse à la question est oui, mais à condition que l’élément moral de la complicité
soit accompli. Ainsi donc, C doit avoir su qu’il aidait A en aidant B. La personne qui sait qu’elle
aide l’auteur principal est un complice, certes médiat, mais punissable.

L’acte matériel de complicité d’aide ou d’assistance doit être antérieur ou concomitant à


l’infraction (« dans les faits qui la consomment ou la préparent »). En effet, l’aide ou
l’assistance doit avoir lieu soit au stade des actes préparatoires, si ceux-ci sont suivis d'une
tentative, soit au stade du commencement d'exécution, soit au stade de l'exécution. Ainsi, la
personne qui aidera à la fabrication d'un double jeu de clé pourra être déclarée complice de
vol ou de tentative de vol ; la personne qui aidera à fractionner la porte d'un appartement
pourra elle aussi être déclarée complice de vol. Il en va de même pour la personne qui tiendra,
pendant l'infraction de vol, les sacs destinées à contenir les objets volés etc.

Cette règle ne connaît que deux exceptions :

- on admet la complicité postérieure lorsqu’elle résulte d’une entente préalable : (ex : le


conducteur du véhicule qui attend les braqueurs à la sortie, comme convenu avant le
braquage, est bien complice du braquage).
- lorsque la loi a expressément prévu la punissabilité de l’acte postérieur à l’infraction :
dans ce cas, le législateur tient compte du lien qui unit l’acte postérieur à l’infraction.
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parfois, le législateur fait de cette action postérieure une infraction autonome. C’est le
cas du recel, l’effacement des traces ou indices de commission de l’infraction, le faux
témoignage etc.
L’acte de complicité est enfin, une activité positive. Autrement dit, la complicité ne peut pas
résulter d’une abstention ou d’une tolérance passive, sauf dans deux hypothèses :
- lorsque l’abstention résulte d’une entente préalable ;
- cas de certains professionnels qui ont le devoir d’agir en empêchant la commission
d’une infraction mais qui s’abstiennent d’agir conformément à leur mission.

2) L’élément moral de la complicité

La participation matérielle doit s’accompagner d’une participation intellectuelle. L’élément


moral de la complicité est constitué par la volonté de s’associer à l’infraction commise ou
tentée. Il suffit que le complice ait agi en toute « connaissance de cause ». Sa volonté doit porter
sur la même infraction que celle qui a été commise.
Le complice doit savoir que l’infraction à laquelle se destine l’auteur est pénalement réprimée,
et s’engage volontairement à aider celui-ci de manière plus ou moins directe.

C/ La répression de la complicité

Le complice est puni de la même façon que l’auteur principal : c’est l’expression de l’emprunt
de criminalité (article 32 CP). Cf. Doyen Carbonnier : Le complice et l’auteur principal sont
« cousus dans le même sac »

Les conséquences de cette théorie apparaissent notamment lorsque les faits réalisés par l’auteur
principal ne sont pas exactement ceux qui avaient été prévus. Elles sont plus atténuées au niveau
de la sanction applicable.

1) La discordance entre l’infraction projetée et l’infraction réalisée


Le complice ou le coauteur doit-il être puni pour une infraction qui ne correspond pas
exactement à celle à laquelle il a voulu s’associer ? Par exemple, X prête une arme à Y afin
que Y intimide Z. Cependant, au lieu de l’intimider Y tue Z. X doit-il être puni au titre de la
complicité de meurtre ?

Cela dépendra des circonstances et s’il y a suffisamment de cohérence entre l’infraction prévue
et l’infraction commise.

En effet, selon l’article 30 CP, la réponse à la question ci-dessus est positive, mais à certaines
conditions :

 En premier lieu, l’article 30 n’est applicable qu’aux complices dont il faut que
l’infraction projetée ait été commise ou tentée ;

 En second lieu, l’infraction réalisée doit être une conséquence prévisible de l’infraction
projetée, c’est-à-dire qu’il doit avoir un lien entre la commission de l’infraction projetée
et celle de l’infraction effectivement commise.

Pour apprécier le caractère prévisible, on peut tenir compte du degré de discordance.


Par exemple, si l’infraction ne revêt pas exactement le caractère initialement prévu, mais
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que la nature de l’infraction reste la même, le complice assume cet acte, puisqu’il aurait
dû prévoir ces éléments imprévus ; ainsi, si l’auteur a aggravé l’infraction, cette
aggravation sera prise en compte dans le jugement du complice, car il reste punissable
tant que la nature de l’infraction n’est pas modifiée. En revanche, si l’infraction est
totalement différente de celle qui était prévue, le complice n’est pas punissable.

A cet égard, cf. arrêt Nicolaï 13/01/1955 Cass Crim 1955 BC n° 34. Un créancier veut
effrayer son débiteur pour qu'il se hâte de payer, mais l'homme de main se trompe et
tue le débiteur. La Cour de Cassation ne rend pas complice le créancier, car il y a
discordance totale entre les instructions et le résultat.

La prévisibilité peut résulter aussi de la personnalité de l’auteur principal, ou des


circonstances de commission des actes de complicité ou de coaction, des circonstances
de fait qui entourent l’infraction projetée.

 Enfin, l’infraction réalisée peut être un crime ou un délit ou une contravention, la loi
n’opère aucune distinction.

2) Les sanctions applicables


Selon l’article 32 CP, le complice encourt les mêmes peines que l’auteur principal : c’est le
principe de l’emprunt de criminalité.
Mais cette disposition n’impose pas au juge l’obligation de prononcer une peine identique. En
effet, d’après l’article 35 al. 2 CP, « tout coauteur ou complice d’une infraction est puni pour
son propre fait, selon le degré de participation, sa culpabilité et le danger que représente son
acte et sa personne ». Le juge est donc tenu d’individualiser les peines qu’il prononce.
Cette disposition pose le problème des causes de modification de la peine, c’est-à-dire,
l’application au complice des mêmes circonstances aggravantes, atténuantes ou excuses
absolutoires applicables à l’auteur.
La jurisprudence fait une distinction entre les circonstances personnelles, mixtes et réelles.
Les circonstances personnelles sont celles tenant exclusivement à la personnalité de l’auteur (la
minorité, la qualité de récidiviste, les fonctions de l’auteur etc.). Ces circonstances ne se
communiquent pas aux complices.
Les circonstances mixtes sont celles qui tiennent à la fois à la personne du délinquant et à
l’infraction elle-même. Ex. : attentat à la moralité publique commise par un ascendant
(proxénétisme). Dans ce cas, la jurisprudence, admet que le complice bénéfice de cette
circonstance ou la subit.
Les circonstances réelles tiennent uniquement à l’infraction, elles aggravent ou atténuent donc
l’infraction (circonstance de nuit, réunion etc.). C’est pourquoi, elles s’appliquent à tous les
participants, y compris au complice, même s’il ignorait leur existence.

SOUS-SECTION 1 : LA RESPONSABILITE PENALE DU FAIT D’AUTRUI

En droit civil, les père et mère sont responsables des dommages causés par leurs enfants
mineurs, et à ce titre, sont donc tenus à réparation.
En droit pénal, il ne saurait en être de même. Le principe de la personnalité des peines s’oppose
en effet à la condamnation d’un individu qui n’a été ni l’auteur ni le complice d’une infraction.
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Toutefois, le principe de la responsabilité personnelle donne lieu à des applications nuancées
dans lesquelles la responsabilité pénale peut naître du fait d’autrui.
Ces hypothèses sont de deux ordres :
 Les exceptions légales : il existe quelques textes particuliers qui prévoient une
responsabilité pénale du fait d’autrui. Dans ces situations, on reproche en fait à autrui,
la commission d’une négligence. Cf. notamment, l’article 103 de la loi n°2017-867 du
27 décembre 2017 portant régime juridique de la presse qui prévoit que le directeur de
publication de presse est responsable des délits de presse commis par le journaliste,
auteur direct des fait.

 Les exceptions jurisprudentielles : elles concernent essentiellement la responsabilité du


chef d’entreprise pour les faits commis par ses salariés ou subordonnés. Comme l’a
affirmé la Cour de Cassation française, « la responsabilité pénale peut naitre du fait
d'autrui, dans les cas exceptionnels où certaines obligations légales imposent le devoir
d'exercer une action directe sur les faits d'un subordonné » (Cass. crim. 28 fév. 1956,
JCP 1956.II. 92304 n. de Lestang).
La jurisprudence met ainsi à la charge du chef d’entreprise l’obligation de veiller
personnellement au respect strict des règles de la législation en vigueur concernant
l’exploitation de son entreprise : Si le chef d’entreprise ne prend pas toutes les
dispositions utiles, alors il demeure responsable des infractions commises par son
préposé.

La jurisprudence admet toutefois que le patron ne pouvant tout faire et tout surveiller
lui-même puisse déléguer à l’un de ses préposés certains services. Ainsi, le dirigeant
d’une société peut s’exonérer de sa responsabilité pénale de chef d’entreprise en
apportant la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à un préposé pourvu de compétence, de
l’autorité et des moyens nécessaires pour exercer les pouvoirs délégués : crim.19/9/2007
pourvoi n° 06-85.899.

SECTION II : LE DELINQUANT, PERSONNE MORALE

Question : en août 2006, le cargo ‘’probo koala’’ appartenant à la société pétrolière suisso-
néerlandaise Trafigura avait déchargé dans la métropole ivoirienne plus de 500 mètres cubes
de déchets hautement toxiques issus d’hydrocarbures. Conséquences : décès et graves
intoxication des populations riveraines du site de déversement.
Peut-on poursuivre pénalement Trafigura ? En somme, la personne morale ?
« Societas delinquere non potest », disait-on : les sociétés (à savoir les personnes morales)
n'ont pas le pouvoir de commettre un délit, selon notre droit. Ainsi, au regard des anciens
articles 95 et 97 du code pénal, la personne physique demeurait seule responsable pénalement
des agissements visés par les textes répressifs. Ce code consacrait donc le principe de
l’irresponsabilité pénale des personnes morales. La personne morale n’est pénalement
responsable que dans les cas prévus par une disposition spéciale de la loi.
Cependant, tenant compte de l’évolution de la criminalité, qui ne concerne plus seulement les
Etats mais qui est observée de plus en plus dans le cadre des entreprises ou des organisations,
la responsabilité pénale de la personne morale est désormais admise, à titre principal et non plus
à titre exceptionnel, à l’exclusion bien entendu de l’Etat et de ses démembrements.

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§ 1 : Rappel du débat d’idées sur l’admission ou non de la responsabilité pénale
des personnes morales

Deux positions doctrinales se sont opposées quant à l’admission de la responsabilité pénale des
personnes morales.
Pendant longtemps, l’idée de la mise en jeu d’une action pénale à l’encontre d’une personne
morale était rejetée. Les partisans de l’irresponsabilité se fondaient sur des arguments textuels
et extra textuels :
 les arguments textuels : l’ancien code pénal (le code pénal de 1810) n’a pas prévu cette
forme de responsabilité. La loi pénale étant d’interprétation stricte, la responsabilité
pénale de la personne morale ne pouvait être recherchée.
 les arguments extratextuels :
- la principale spécificité de la personne morale tient à ce qu’elle ne peut
s’exprimer, agir et donc exister qu’au travers des personnes physiques qui la
représentent... (toute faute suppose une volonté, or la personne morale en est
dépourvue, c’est l’attribut des seuls individus) ;
- en outre, les peines prévues par le code pénal sont inapplicables à la personne
morale, et,
- enfin, le groupement n’accède à la vie juridique qu’en vue d’un objet social
qui ne saurait être la commission d’une infraction.
Mais ces arguments ont été critiqués par la doctrine favorable à l’admission de la responsabilité
pénale des groupements, laquelle va tenter de démonter les arguments excipés par les partisans
de la thèse du rejet :
 constat empirique : existence d’une criminalité commise par des groupements, aux
conséquences très préjudiciables. Généralement, elles portent atteinte à l’ordre
économique, financier et social : travail illégal, infraction à la législation sur la
concurrence et les prix, contrefaçon de marques et de modèles, fraudes fiscales,
douanières ou encore ; pollution des eaux et sols, infractions de coups et blessures
involontaires (accidents du travail), abus de confiance, escroquerie etc.
 le groupement a une volonté propre : elle résulte de la rencontre de plusieurs volontés
individuelles. L’élément psychologique de l’infraction n’est donc pas nécessairement
absent.
 à l’argument tiré de la spécialité, on oppose un argument de bon sens : même si la
commission de l’infraction n’entre pas statutairement dans l’objet du groupement, il se
trouve qu’en pratique, certains groupements peuvent mener des activités contraires à
leur objet social et donc commettre des infractions. Par ex, l’affaire des déchets
toxiques, précitée. Il n’y a alors aucune raison de ne pas retenir la responsabilité de cette
entreprise.
 Concernant l’argument lié à la nature des peines, cette doctrine considère qu’il n’y a pas
de difficultés insurmontables. En effet, d’autres peines comme les amendes, les
confiscations, la fermeture, l’interdiction d’exercer telle activité ou la dissolution
peuvent s’appliquer (peine de mort).
Ces arguments ont convaincu de nombreux législateurs. Ainsi, à compter des années 70 du
20ème siècle, le principe de la responsabilité pénale des personnes morales, est bien ancré dans
des Etats comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, les Pays-Bas vont
consacrer. L’Etat français va emboîter le pas, en 1994. De nombreux autres Etats suivront.

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Notre législateur qui adoptera le code pénal en 1981 ainsi que des réformes pénales notamment
en 2015, demeurera hermétique à ce courant doctrinal et législatif favorable à l’admission de la
responsabilité pénale des personnes morales.
Ainsi, l’ancien article 97 CP énoncera que : « Les personnes morales ne sont pénalement
responsables que dans les cas prévus par une disposition spéciale de la loi ».
En matière de responsabilité pénale de la personne morale, le législateur ivoirien opte donc pour
le principe de la spécialité au détriment du principe de la généralité : ainsi, la personne morale
n’est responsable pénalement que dans les cas où le texte d’incrimination prévoit expressément
une telle responsabilité, pour une infraction ou plusieurs infractions considérées par ledit texte.
Cette exception a été pour la première fois admise par l’art. 70 de la loi n°2013-451 du 12 août
2013 relative à la lutte contre la cybercriminalité, désormais intégrée dans le code pénal :
« Toute personne morale, à l’exception de l’Etat est pénalement responsable des infractions
prévues par la présente loi, lorsqu’elles ont commises pour son compte par ses représentants.
La peine encourue par les PM responsables est le double de l’amende prévue pour la personne
physique ayant commis l’infraction ».

En sus de cette responsabilité pénale spéciale, le code pénal punissait les infractions commises
dans le cadre de l’activité des personnes morales. Aux termes de l’article 98 CP, « Lorsqu'une
infraction est commise dans le cadre de l'activité d'une personne morale, la responsabilité
pénale incombe à celui ou à ceux qui ont, en connaissance de cause, commis l'infraction.
La responsabilité pénale du représentant légal ou statutaire de la personne morale en cause,
n'est pas présumée et ne peut être recherchée qu'à raison des infractions personnellement
commises par celui-ci ».

Dans cette dernière hypothèse, l’article 99 CP ajoute : « La personne morale en cause, eu égard
aux circonstances de l'infraction, peut par décision motivée, être déclarée responsable,
solidairement avec le ou les condamnés du paiement de tout ou partie des amendes, frais et
dépens envers l'Etat ainsi que des réparations civiles ».

Aujourd’hui, notre Etat, à travers le nouveau code pénal, reconnait la responsabilité pénale des
personnes morales, à titre principal. Exit, l’exception de la responsabilité pénale spéciale.

§ 2 : La solution du droit positif : la consécration du principe de la responsabilité


pénale des personnes morales
L’article 96 du code pénal dispose que « Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat et de
ses démembrements, sont pénalement responsables des infractions commises pour leur compte
par leurs organes ou représentants ».

Il convient d’examiner le domaine de cette imputation d’une infraction à un groupement ainsi


que les conditions de sa mise en œuvre et, enfin le régime des poursuites.

A/ Le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales

1) Les personnes morales concernées

L’article 96 CP introduit une double limitation quant au domaine d’application de la


responsabilité pénale des groupements :

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 en effet, d’une part, il vise les personnes morales ; ce qui signifie que les groupements
dépourvus de la personnalité juridique ne sauraient être pénalement condamnés. Il en
est ainsi des sociétés créées de fait 15, des sociétés en participation 16, des associations
dont la déclaration de constitution n’a pas fait l’objet d’une publication au JO. 17

 D’autre part, il exclut expressément l’Etat et ses démembrements :

 en ce qui concerne l’Etat : plusieurs motifs président à l’exclusion de l’Etat du


champ d’application de l’article 96 CP. L’Etat a le monopole de la force
publique et de la répression, aussi, il ne peut pas se sanctionner lui-même.
D’ailleurs, les peines pécuniaires n’auraient eu aucune portée puisque cela
reviendrait à ce que l’Etat se paye lui-même, ou de même pour les peines
restrictives de droit qui auraient été difficiles à appliquer. Admettre sa
responsabilité pénale, c’est aussi porter atteinte à la souveraineté de l’Etat. Ainsi
que causer une entorse au principe de la séparation des pouvoirs
constitutionnels, car ce serait subordonner le pouvoir exécutif au juge pénal
(pouvoir judiciaire).

 Concernant les démembrements de l’Etat : par démembrements, on entend


certainement les personnes morales de droit public : établissements publics
administratifs (EPA – ex. : Université FHB), établissements public à caractère
industriel et commercial (EPIC), collectivités territoriales etc.

Hormis ces limitations et exclusions, toutes les autres personnes morales de droit privé peuvent
être pénalement responsables : sociétés commerciales, sociétés civiles, associations, syndicats
etc. Les personnes morales ivoiriennes mais aussi, le cas échéant, étrangères (application des
principes de l’application de la loi pénale dans l’espace).

2) Les infractions concernées

Selon l’article 96 qui n’opère aucune distinction, la personne morale peut engager sa
responsabilité pénale pour toutes les catégories d’infractions (contraventionnelle, délictuelle ou
criminelle) quel que soit leur mode de commission.

L’article 96 adopte donc le principe de la généralité (ou de l’universalité), contrairement à


l’article 97 ancien qui avait consacré celui de la spécialité.

B/ Les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales

Selon l’article 96 al. 1 du Code pénal, les personnes morales sont responsables des infractions
commises pour leur compte par leurs organes ou représentants. L’énoncé de l’article 96 al. 1
fait apparaître deux conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale de la personne
morale.

1) Les personnes morales ne sont responsables que par l’intermédiaire de leurs organes
ou représentants

15
Cf. 115 AUSC.
16
Cf. art. 854 AUSC.
17
Art. 11-12 , loi n°60-315 du 21/9/1960 relative aux associations.
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La personne morale n’est pénalement responsable que si les faits reprochés ont été commis par
son organe ou son représentant, qui sont nécessairement des personnes physiques (Crim. 18
janv. 2000). Ainsi, la responsabilité de la PM en droit ivoirien est indirecte ; la PM est
responsable par représentation ou par ricochet.

Les personnes susceptibles d’engager la personne morale sont celles qui exercent certaines
fonctions de direction ou d’administration, de gestion ou de contrôle. Par ex., le gérant de
société, le PCA, le PDG, l’administrateur, le président de l’association etc.

Il s’agit également de toute personne titulaire d'une délégation de pouvoirs, pourvue de la


compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exécution de sa mission (Crim. 30 mai
2000, B.C., n°206).

Le texte de l'article 96 al.1 du Code pénal impose que l’infraction ait été commise par une
personne physique, afin de rendre responsable la personne morale pour le compte de laquelle
les faits ont été réalisés.

L'implication d'une personne physique suppose une identification minimale de cette


dernière. Toutefois, la Cour de cassation française a admis, depuis 2006, « qu’il n’était pas
indispensable d’identifier la personne physique quand l’infraction ne pouvait qu’être imputable
à la personne morale ou que résulter de la politique commerciale de la société » (Crim. 20 juin
2006, B.C., n°206). Elle a ainsi créé une présomption de commission de l'infraction par un
organe ou représentant.

2) Les personnes morales ne sont responsables que des infractions commises pour « leur
compte »

Pour engager la responsabilité pénale de la personne morale, il faut non seulement que les
organes et représentants de la personne morale commettent des agissements délictueux mais
encore que ces agissements aient été commis pour le compte de la personne morale, c’est-à-
dire dans son intérêt, à son profit (Crim.7 juill. 1998). A titre d’exemple, le dirigeant qui coopte
irrégulièrement un collaborateur pour obtenir un marché ou qui procède à une publicité fausse
pour nuire à une société concurrente.

Toutefois, la responsabilité pénale de la personne morale pourra également être engagée lorsque
les actes répréhensibles de l’organe ou du représentant auront été commis dans l’exercice
d’activités ayant pour objet d’assurer l’organisation et le fonctionnement de la personne morale,
sans rechercher le moindre bénéfice, même moral ou éventuel. Par exemple, un directeur de
société néglige de s’assurer que les ouvriers portent bien un casque sur les chantiers alors
même que l’entreprise en a acquis un stock suffisant. La survenance d’un accident corporel
peut entraîner la poursuite de la PM.

C/ Le régime des poursuites

L’article 96 in fine du Code pénal précise que « la responsabilité pénale des personnes morales
n’exclut pas celle des personnes physiques, auteurs ou complices des faits».

La loi offre donc au juge pénal la possibilité du cumul les poursuites de la personne morale
avec celle du dirigeant fautif.

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Cette possibilité de cumul existe pour éviter une complète absorption de la responsabilité pénale
des personnes physiques par les personnes morales. La responsabilité de l’être moral ne doit
pas faire écran à celle de ses dirigeants.

Il reviendra aux tribunaux de se déterminer (cumul ou non des poursuites) selon les
circonstances de l’espèce.
Les peines applicables sont déterminées à l’article 96 al.2 : 1a personne morale qui a commis
une infraction, peut être condamnée à une amende d’un montant maximal cinq fois supérieur à
celle encourue pour la même infraction par une personne physique.

Chapitre 2 : LES CAUSES


D’IRRESPONSABILITE PENALE
Lorsque l’infraction est réalisée dans son ensemble, l’auteur doit, en vertu du principe de la
responsabilité pénale, être poursuivi et répondre de l’infraction.
Mais sa responsabilité peut être supprimée par certaines causes prévues par la loi ; elles sont de
deux ordres :
 les causes objectives : elles justifient l’acte du délinquant en supprimant l’élément légal
de l’infraction. Elles constituent donc un obstacle à la qualification pénale. C’est
pourquoi, elles sont appelées faits justificatifs. Ayant un caractère réel, le fait justificatif
fait disparaître l’infraction à l’égard de tous les participants à l’infraction.

 les causes subjectives ou causes de non imputabilité : il s’agit de causes amenant à une
irresponsabilité ou à une diminution de la responsabilité déterminée en fonction de la
personne, de son état et de ses capacités intellectuelles.
Outre ces causes d’irresponsabilité, il existe certaines circonstances qui paralysent la mise en
œuvre de la responsabilité pénale du présumé au délinquant.
Le système des causes d’irresponsabilité n’a pas été modifié par le nouveau code pénal. Les
solutions données sous l’empire de l’ancien code demeurent valables.

SECTION I : LES FAITS JUSTIFICATIFS

Au nombre de quatre (4), certains faits justificatifs sont fondés sur une injonction de la loi,
d’autres enlèvent le caractère injuste de l’infraction. Il s’agit de l’ordre de la loi, du
commandement de l’autorité légitime, de la légitime défense et de l’état de nécessité.

§1er – L’ordre de la loi


L’article 99 CP révèle qu’ « il n’y a pas d’infraction lorsque les faits sont ordonnés ou autorisés
par la loi ». La justification de l’infraction émane donc d’un texte.

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Ex. : violation par le médecin de son obligation de secret professionnel.
Dans ce contexte, la loi s’entend au sens formel, c’est-à-dire, l’acte voté par l’assemblée
nationale et les textes qui sans émaner du pouvoir législatif ont cependant valeur de loi.
Ainsi, les dispositions règlementaires ne constituent pas une cause faisant obstacle à la
qualification, à moins que la loi y renvoie expressément.
Enfin, il s’agit d’une loi pénale. La loi civile ne constitue pas un fait justificatif.
L’article 99 vise aussi les permissions ou autorisations légales. Elles produisent exactement les
mêmes effets que l’ordre de la loi : elles justifient l’infraction.
Ex. : l’article 88 CPP 18 autorise, en cas d’infraction flagrante, toute personne à appréhender
l’auteur. Celui qui, en pareil cas procède à une arrestation ne peut avoir commis l’infraction
de séquestration.
Tel est aussi le cas du juge d’instruction qui décerne un mandat de dépôt : il n’est pas coupable
du délit d’arrestation ou de détention arbitraire.
Les domaines de prédilection des permissions légales sont la médecine et le sport.

En effet, les lois relatives à l’exercice de la profession médicale autorisent les médecins et les
chirurgiens à procéder des opérations sur leurs patients, lesquelles constitueraient des coups
volontaires sans cette habilitation. Sur ce même fondement, sont justifiés les coups que se
portent les sportifs exécutant des jeux violents (boxe, football, le rugby, le judo etc.).

Condition affirmée fermement à l’article 389 CP :

« Il n'y a pas d'infraction lorsque l'homicide, les blessures ou les coups résultent :
1° d'actes médicaux, à condition que ceux-ci soient :
a) conformes aux données de la science, à l'éthique médicale et aux règles de l'art ;
b) effectués par une personne légalement habilitée à les pratiquer ;
c) accomplis avec le consentement du patient ou si celui-ci est hors d'état de consentir, avec le
consentement de son conjoint, ou de celui qui en a la garde sauf s'il est impossible, sans risque
pour le patient, de communiquer avec ceux-ci.
2°d'actes accomplis au cours d'une activité sportive à condition que l'auteur ait respecté les
règles du sport pratiqué ».

Il faut rajouter à cela, l’autorisation de la coutume. C’est notamment à ce titre, que la


jurisprudence française justifie le droit de correction des parents et des instituteurs à l’égard des
enfants mais dans les limites de la mission éducatrice. Donc, si les violences ont lésé
véritablement l’enfant, il n’y a pas de justificatif. Par ex., une mère a été condamnée pour
coups et blessures volontaires parce que rencontrant de nuit et dans une rue sa fille, elle lui
avait administré une gifle : PAU, 24/10/1989, RSC1990, p.755.
Aujourd’hui, il faut reconnaitre que la justification n’est admise qu’avec une extrême difficulté.
Le droit de correction manuelle fondé sur la notion d’autorité parentale et pouvoir disciplinaire
reconnu aux parents et instituteurs s’effiloche. (Arrêté interdisant les punitions corporelles à
l’école : en ce sens : arrêté 0075/MEN/DELC du Ministère ivoirien de l’Education nationale

18
« Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a
qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche ».
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du 29 septembre 2012 portant interdiction des violences physiques et humiliantes à l’endroit
des enfants en milieu scolaire).
Il est important de noter que l'ordre de la loi n'exonère l'auteur des faits que s'il respecte une
proportion dans ce que la loi requiert, s’il reste dans les limites des impératifs légaux.
§2 – Le commandement de l’autorité légitime

L’acte délictueux va perdre son caractère d’infraction, lorsqu’il est commandé par l’autorité
légitime : « Il n'y a pas d'infraction lorsque l'auteur agit sur ordre de l'Autorité légitime »
(art.100 al.1 CP).

Mais deux conditions sont exigées ; elles portent sur la notion d’autorité légitime et les
caractères de l’ordre :

 en premier lieu, l’autorité doit être légitime. C’est avant tout, une autorité publique
(civile ou militaire). Ainsi, l’infraction n’est pas justifiée si, elle est ordonnée par une
autorité privée, par ex., par un patron commandant son préposé. L’autorité légitime est
ensuite, une autorité compétente pour donner l’ordre.

 en second lieu, l’acte du subordonné ne doit pas dépasser l’ordre ; autrement, celui qui
a donné l’ordre ne sera pas punissable (art.100 al.2 CP).
De même, le fait justificatif ne couvre l’acte du subordonné que si l’ordre donné n’est
pas manifestement illicite (art. 100 al.3). Ce qui implique que le subordonné qui exécute
un ordre manifestement illégal soit responsable de l’infraction commise.
Le caractère manifestement illégal de l’ordre est une question de fait que le subordonné
doit déduire de son expérience, d’où la prise en considération par la jurisprudence des
capacités de réflexion du subordonné, de sa position sociale, de sa culture juridique, son
grade etc..

§3 – La légitime défense
Il s’agit de la faculté pour une personne de résister, au besoin, par la force à une agression
injuste dont elle est l’objet. La carence des autorités publiques compétentes et l’urgence sociale
justifient la défense individuelle, en principe prohibée. Il en résulte que la personne qui a agi en
état de légitime défense ne peut se voir reprocher aucune infraction.
De plus, parce que la personne n’a commis aucune faute en se défendant, elle ne peut d’avantage
voir sa responsabilité civile engagée : la légitime défense exonère l’auteur de sa responsabilité
civile des conséquences de sa nécessaire protection.
A/ les conditions d’admission de la légitime défense
Aux termes de l’article 97 CP, « Il n'y a pas d'infraction lorsque les faits sont commandés par
la nécessité actuelle de défense de soi-même ou d'autrui ou d'un bien juridiquement protégé
contre une attaque injuste, à condition que cette dernière ne puisse être écartée autrement et
que la défense soit concomitante et proportionnée aux circonstances, notamment au danger et
à la gravité de l'attaque, à l'importance et à la valeur du bien attaqué ».

Il ressort de cette disposition que l’admission de la légitime défense est soumise à des conditions
relatives, d’une part, à l’acte d’attaque, et, d’autre part, à l’acte de défense.

1) Les conditions relatives à l’acte d’attaque ou à l’agression


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a) pour qu’il y ait légitime défense, il faut une agression.

L’acte d’agression peut tout d’abord concerner la personne : l’article 97 du Code Pénal, affirme
que la légitime défense existe, en cas d’atteinte injustifiée envers la personne. Le texte précise
que la légitime défense existe, tant quand on est soi-même victime de l’agression que lorsque
c’est une autre personne qui est victime de l’atteinte. Le code pénal reconnait ainsi
explicitement la situation de légitime défense de celui qui agit pour interrompre l’agression
d’autrui.
L’acte d’agression peut être physique ou morale : le code pénal, de par son silence, n’exclut pas
la possibilité que l’agression ait pour objet l’honneur, la réputation, ou la moralité d’une
personne. Ainsi, selon la jurisprudence, le danger moral couru par un garçon de 16 ans peut
constituer une excuse suffisante de la gifle donnée par sa mère à une jeune fille de 18 ans qui,
par ses assiduités, risquait de compromettre l’avenir de son fils : T.pol. Valence, 19/5/1960,
GP 1960, 2, 28.

L’acte d’agression peut aussi être dirigé vers les biens, toutefois, la légitime défense y est
appréciée plus rigoureusement, lorsqu’elle s’exerce à l’encontre de l’intégrité physique de
l’agresseur. Le cas de légitime défense des biens doit être strictement nécessaire et ne doit en
principe jamais consister en l’homicide de l’agresseur.

b) l’acte d’agression doit présenter des caractéristiques :

L’agression doit avoir été injuste et actuelle pour que la défense soit légitime.

 L’agression ou l’attaque doit être injuste (selon l’art. 97), c’est-à-dire contraire au droit
ou interdit par la loi. Si l’acte est juste, on doit la subir, il exclut la légitime défense. Il
en est notamment ainsi lorsque un agent de police muni d’un mandat d’arrestation
régulier arrête une personne. Celui qui résisterait donc violemment à un tel acte ne serait
pas justifié.
Cela a pu poser des difficultés en pratique, notamment lorsque l’individu se défend
contre une agression illégale commise par un agent de l’autorité (par ex., brutalités
policières au cours d’une arrestation d’un suspect, passage à tabac par les policiers au
cours d’une arrestation).
Le fait de s’opposer par une résistance à un agent de l’autorité publique selon le Code
Pénal (art. 277/282 cp par ex.), est illégale. D’un autre côté, le code pénal (cf. art. 247
et s.) et le CPP punissent de peines aggravées les agents de l’autorité qui, dans le cadre
de leur fonction vont faire usage de violences qui ne sont pas nécessaires. Selon une
jurisprudence constante, il n’y a jamais légitime défense contre un acte de l’autorité
même si cet acte est illégal : crim. 1/10/1979, D.1980, IR 334.
Il y aurait comme une sorte de présomption de régularité des actes de l’autorité publique,
et il est nécessaire sous peine de désordre, que ces actes ne soient pas contestés. Il
n’appartient donc pas au citoyen de se faire juge de cette illégalité. Sauf dans des cas
extrême.
Une autre difficulté posée par cette condition est celle de l’attaque dont une personne
pénalement irresponsable est l’auteur, soit un dément soit un mineur de 10 ans. Dans
une très ancienne décision, les juges de la cour de cassation française ont considéré que
la cause d’irresponsabilité n’efface pas le caractère injuste de l’acte. Est donc légitime,
la riposte à l’acte injuste d’un dément : crim. 11/1/1896, D.1896, I, 368.
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 L’agression doit être réelle et actuelle, c’est-à-dire que la menace doit être concrète et
contemporaine à la réaction: l’article 97 évoque la « nécessité actuelle de défense ».
Réelle signifie que l'agression doit exister de manière certaine, les objectifs de
l'agresseur étant univoques. Elle doit exister au moment de la réaction, il faut que
l’agression ait déjà commencé.
Cependant, la légitime défense est admise en cas d'agression simplement apparente et
vraisemblable, c’est-à-dire, l’agent, s’appuyant sur des indices concrets, des gestes a pu
croire raisonnablement à un péril. Par ex., est justifié par la légitime défense, le père
qui tire un coup de feu en direction d’un tiers qu’il prenait pour un malfaiteur, mais qui
en réalité agissait par jeu en brandissant un pistolet en direction de son fils :
crim.5/6/1984, BC n°209.
L’agression imaginaire ou putative (c’est-à-dire qu’elle a existé seulement dans
l’imaginaire de l’agent) est exclue du bénéfice de la légitime défense. Si l’agression est
seulement éventuelle, il n’y a pas de légitime défense.
Actuelle signifie que l'agression et la riposte doivent se situer dans une même unité de
temps, il faut une concomitance entre ces deux actes. Dès lors qu'un temps trop long
s'est écoulé entre l'agression et la riposte, ce laps de temps est incompatible avec la
permanence ou la présence du danger. Le danger doit exister au moment de la défense.
La fuite de l'agresseur semble en conséquence exclure la légitime défense. Ainsi,
l'agression n'est plus actuelle lorsqu'un propriétaire, après avoir ouvert sa porte et
rencontré un cambrioleur qui tente de tirer sur lui avec une arme à feu enrayée puis
s'enfuit, rentre chez lui, prend un fusil, ressort et fait feu sur le voleur (Paris, 22 juin
1988).

2) Les conditions relatives à l’acte de défense ou à la riposte

La légitime défense justifie toutes les infractions : l’article 97 déclare qu’ « il n’y a pas
d’infraction ».

Cependant, l’acte de défense doit être un acte volontaire. Cette conditions a été posée par la
jurisprudence, dans un arrêt de principe rendu en 1967 : «La légitime défense est inconciliable
avec le caractère involontaire de l’infraction poursuivi» (Cass. Crim, 16 Février 1967,
Cousinet).

La riposte doit être nécessaire, c’est-à-dire que l’individu ne disposait pas d’autres moyens pour
éviter l’attaque que de commettre l’infraction. Par exemple, la fuite ou le recours à la police ne
sont envisageables. La défense est nécessaire quand elle constitue le seul moyen pour la
personne d’échapper à l’agression. Une personne ne peut être en état de légitime défense quand
elle a le choix entre la fuite et la défense.

L’acte de défense doit être simultané ou concomitant à l’attaque, c’est-à-dire, exercé dans le
même temps.

Enfin, la riposte doit être mesurée c’est-à-dire proportionnée à la gravité de l’attaque. Il s’agit
d’une condition essentielle. La légitime défense est exclue, s’il y a disproportion entre les
moyens de défense employés et la gravité de l’attaque. On peut par exemple accepter qu’une
femme victime d’un viol tue son agresseur. Cependant, on ne peut admettre la LD lorsqu’on
répond à une gifle par un coup de revolver.

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Si la défense est excessive, la justification est exclue. Mais, en pratique, les juges peuvent retenir
l’excuse de provocation ou des circonstances atténuantes pour diminuer l’infraction ou
disqualifier l’infraction en homicide ou blessures involontaires.

L’appréciation du caractère proportionné ou non de l’acte de défense est une question de faits,
on doit donc vérifier l’adéquation de la défense à l’agression.

B/ la preuve de la légitime défense


En principe, la preuve de la légitime défense doit être apportée par celui qui l’invoque. Cette
preuve se fait par tous moyens, la légitime défense étant un fait.
Toutefois, dans certains cas, la charge de la personne qui invoque la légitime défense va être
grandement allégée.
En effet, le code pénal a prévu à l’article 98, deux hypothèses dans lesquelles la légitime défense
est présumée.
D’après ce texte, est présumé agir en état de légitime défense, celui qui commet un homicide,
porte volontairement des coups ou fait des blessures :
 en repoussant, pendant la nuit, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrées
d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances. La présomption
joue, même lorsque l’auteur de l’effraction ou de l’escalade est déjà dans l’habitation
ou dans l’enclos.
 en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.
Dans ces hypothèses, l’auteur de l’infraction n’est pas tenu de prouver que l’attaque était
actuelle et injuste, qu’elle visait sa personne ou ses biens, qu’enfin, sa riposte était nécessaire
et mesurée.
Les présomptions de preuve de légitime défense prévues à l’article 98 peuvent être renversées.
Après une controverse doctrinale, la jurisprudence a tranché dans un arrêt de principe : la
présomption établie à l’article 98 est simple, donc susceptible de céder devant la preuve
contraire (crim. 19/2/1959, D 1959, 169 ; JCP 1959, II, 11112.)

§4 – L’état de nécessité

L’état de nécessité, c’est la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour éviter un
péril imminent, en vient à commettre une infraction. Par, exemple, l’automobiliste qui pour
éviter un piéton donne un coup de volant et percute un autre véhicule en stationnement.
L’état de nécessité doit être distingué de la légitime défense qui suppose une attaque injuste.

L’état de nécessité doit être aussi distingué de la contrainte qui, elle annihile la volonté, alors
que dans l’état de nécessité, l’agent fait délibérément le choix de commettre une infraction pour
écarter un danger.

Le code pénal réglemente l’état de nécessité à l’art. 101 : « Il n'y a pas d'infraction lorsque les
faits sont commis pour préserver d'un danger grave et imminent la vie, l'intégrité corporelle,
la liberté ou le patrimoine de l'auteur de l'acte ou d'un tiers, et à la condition que le danger ne
puisse être écarté autrement et que l'auteur use de moyens proportionnés aux circonstances ».

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L’admission de l’état de nécessité obéit donc à des conditions : les conditions relatives au
danger et les conditions relatives à l’infraction commise pour éviter le danger :

A/ Les conditions relatives au danger


L’état de nécessité suppose un danger, peu importe qu’il menace l’agent ou un tiers. Peu
importe aussi qu’il soit physique ou moral.
En outre, le danger doit présenter deux caractéristiques : il doit être grave et imminent.
Le péril grave est celui qui porte atteinte à un intérêt important, tel que la vie, l’intégrité
corporelle, la liberté ou le patrimoine de l’auteur de l’acte ou d’un tiers.
Le péril doit être imminent, c’est-à-dire, que l’agent doit être enfermé dans un choix strict : ou
commettre l’infraction ou laisser se réaliser le péril. Un danger simplement éventuel ne saurait
justifier la commission de l'infraction.
B/ Les conditions relatives à l’infraction pour éviter le danger

Il faut que l’infraction commise par l’agent soit nécessaire, c’est-à-dire, qu’il n’existait pas
d’autre moyen pour éviter le danger le menaçant. L’infraction commise doit être pratiquement
le seul moyen qui permette d’échapper au péril.

Il faut ensuite que l’acte soit proportionné aux circonstances. En pratique, il faut que l’infraction
commise préserve un intérêt supérieur ou à tout le moins égal à l’intérêt sacrifié Est par exemple
admis au bénéfice de l’état de nécessité l’agent qui, pour éviter à un piéton d’être écrasé par
une voiture qui survient à toute allure, le tire brutalement et lui casse le bras.

En fait, la difficulté en matière d’état de nécessité apparaît dès lors qu’il y a une égalité des
intérêts en conflit. Tout est ici une question d’appréciation de la part des tribunaux.

Si l’état de nécessité supprime la responsabilité pénale, elle laisse subsister la responsabilité


civile. L’auteur de l’acte peut être condamné au civil à réparer le préjudice subi par la victime
de l’infraction commise pour écarter le péril, car la victime de l’infraction nécessaire est
totalement étrangère à la situation, mais est innocente et a subi un préjudice.

SECTION II : LES CAUSES SUBJECTIVES D’IRRESPONSABILITE

La responsabilité pénale suppose de l’auteur un acte intentionnel, qu’il soit capable de


comprendre et vouloir son acte. Telle est la règle affirmée à l’article 94 al. 2 de notre code
pénal : « Est responsable de ses actes celui qui est apte à comprendre et à vouloir ».
C’est seulement à cette condition que pourra lui être imputée l’infraction. Si tel n’est pas le cas,
la justice décidera que l’auteur n’est pas punissable, c’est-à-dire, qu’il est irresponsable. On ne
pourra alors lui imputer aucune infraction.
Ce concept d’irresponsabilité découle d’un fondement moral du droit pénal selon lequel ce n’est
que sous couvert de discernement et de libre arbitre que des poursuites sont possibles.
Notre droit pénal reconnaît deux causes subjectives d’irresponsabilité : l’altération des facultés
mentales et la minorité.

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La contrainte est une excuse absolutoire selon l’article 109 CP et non une cause de non-
imputabilité. Toutefois, à notre sens, parce qu'elle supprime la volonté de l'auteur des faits, elle
est assimilable à une cause subjective d'irresponsabilité.

§1 – L’altération des facultés mentales


Le code pénal fait échapper à toute répression, la personne atteinte de troubles mentaux en
disposant en son article 102 : « Il n'y a pas de responsabilité pénale lorsque l'auteur des faits
est atteint lors de leur commission d'une altération de ses facultés mentales, ou d'un retard
anormal de son développement, tels que sa volonté est abolie ou qu'il ne peut avoir conscience
du caractère illicite de son acte ».

Toutes les infractions sont visées : crimes, délits et contravention.


L’irresponsabilité pénale est prononcée à deux conditions :
- il faut qu’existe une altération des facultés mentales ; et,
- il faut que cette atteinte existe au moment de la commission de l’infraction.

A/ L’existence d’une altération des facultés mentales

 une altération des facultés mentales ou d'un retard anormal de son développement
d’abord :

L’altération des facultés est vue au sens large par le législateur qui consacre ainsi
l’interprétation extensive que la jurisprudence en faisait.

C’est, toute atteinte des facultés intellectuelles telles que la personne n’a plus de discernement
ou le contrôle de ses actes.

De nombreuses décisions de justice ont donné des exemples d’altération des facultés mentales.
Ainsi, ont été considérées comme une altération des facultés mentales : une psychose maniaco-
dépressive non stabilisée avec propos incohérents ou menaçants ; une schizophrénie paranoïde
grave; des troubles cognitifs, amnésiques et du langage etc. En revanche, les troubles du
comportement tels que la perversion (par ex. un pervers psychopathe), le délire, la fabulation,
les troubles obsessionnels compulsifs… ne constituent pas nécessairement une altération des
facultés mentales.

Par retard anormal du développement, la loi vise aussi la débilité ou l’arriération mentale ; ezn
résumé, l'insuffisance du développement des facultés intellectuelles qui atteint la volonté.
La détermination du trouble doit être prouvée. Elle peut l’être par tous indices que le juge
apprécie souverainement. En réalité, les magistrats s’appuient sur des expertises faites par les
médecins spécialistes. Ils ne sont pas toutefois liés par leurs avis.
 ensuite, un trouble mental ayant aboli la volonté :
Le trouble mental doit avoir provoqué la disparition du discernement. Cela signifie, la nécessité
de perdre soit la capacité de vouloir, c’est-à-dire, la capacité des contrôler ses actes, soit la
capacité de comprendre, à savoir, la capacité d’interpréter ses actes dans la réalité. Seule
l’absence d’un de ces deux éléments suffit à entraîner l’irresponsabilité. Cela suppose aussi une
certaine gravité du trouble psychique

B/ L’altération des facultés intellectuelles doit être contemporaine à l’infraction commise


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Enfin, le trouble mental doit avoir existé au moment des faits. C’est donc au moment des faits
qu’il faut se placer pour apprécier la responsabilité ou l’irresponsabilité. En principe, l’état
antérieur ou postérieur ne doit pas être pris en compte, mais en pratique, les juges en tiennent
compte pour accorder des circonstances atténuantes.

La responsabilité présente des aspects temporels mais également causal, ce qui implique que
ces aspects doivent être en lien avec l’infraction. Par exemple, un individu atteint d’un délire
de persécution va tuer la personne dont il croit qu’elle est celle qui le persécute. Ici, il sera
déclaré irresponsable. En revanche, s’il commet un vol, malgré cette atteinte, il sera reconnu
responsable.
L’irresponsabilité pour trouble mental pourra être constatée à tous les stades de la procédure.
Si elle intervient lors de l’instruction, une décision de non-lieu sera prononcée par le juge
d’instruction. Si elle intervient lors du jugement, l’intéressé fera l’objet d’une décision de relaxe
si c’est le tribunal correctionnel, ou d’acquittement, si c’est le tribunal criminel. Le parquet peut
aussi décider de classer sans suite l’affaire et renoncer à engager des poursuites tout en amont
de la procédure.

Si la démence intervient après le jugement définitif, la responsabilité pénale n’est pas


supprimée : la démence empêche l’exécution de la peine privative de liberté, le condamné
malade est interné.

Le trouble mental étant une cause subjective et non objective, les complices du malade
demeurent responsables.

§2 – La minorité
La matière de la responsabilité pénale des mineurs est contenue à l’article 113 CP et aux articles
796, 820 et 827 du code de procédure pénale.
Selon l’art. 18 CP, est mineur toute personne âgée de moins de 18 ans au moment de la
commission de l’infraction.
Le système ivoirien de la responsabilité pénale des mineurs est fondé sur la notion de tranches
d’âge.

A/ le mineur de 13 ans
Les mineurs de 13 ans sont présumés irresponsables pénalement ; cette présomption est absolue.
Elle signifie, qu’ils ne peuvent être soumis à aucune peine.
Il faut toutefois distinguer le mineur de 10 ans du mineur dont l’âge est compris entre 10 et 13
ans.
Le mineur de 10 ans, d’après l’article 113 al.1er, ne peut en aucun cas commettre d’infraction.
En effet, il est indiqué que les faits commis par le mineur de 10 ans ne sont pas susceptibles de
qualification pénale et, partant de là, il ne peut jamais faire l’objet de poursuites pénales.
Il s’agit d’une présomption irréfragable d’irresponsabilité. On considère que ce très jeune enfant
n’a pas le discernement suffisant pour comprendre et vouloir son acte. (Aff. Laboube)
Quant au mineur de plus de 10 et de moins de 13 ans, l’article 113, en ses alinéas 2 et 3 dispose
qu’ils bénéficient de droit en cas de culpabilité, de l’excuse absolutoire de minorité. Aucune
peine ne peut être prononcée à leur égard. Ils ne sont justiciables que de mesures de protection,

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de surveillance et d’éducation prévues par la loi : remise à parents, admonestation (réprimande),
confiscation (du bien ayant servi à la commission de l’infraction)…

B/ Le mineur de 13 à 18 ans
Ils sont susceptibles de bénéficier de l’irresponsabilité pénale dans la mesure où l’article 113
n’exclut pas à leur égard le bénéfice de l’excuse absolutoire de minorité.
Dans ce cas, comme le souligne l’article 796 al. 1 CPPP, les juridictions pour mineurs prennent,
suivant le cas, les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation
appropriées.
Néanmoins, cette présomption d’irresponsabilité est simple dans la mesure où, l’article 796 al.
2 CPP prévoit que, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant l’exigent, les
juridictions peuvent prononcer à leur égard une condamnation pénale. Mais, dans ce cas,
l’excuse absolutoire ainsi écartée est remplacée par l’excuse atténuante de minorité.
En effet, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 113, les mineurs de 16 à 18 ans bénéficient de
l’excuse atténuante de minorité.
L’excuse atténuante de minorité intéresse exclusivement la peine privative de liberté selon les
modalités définies à l’article 112 CP. Cela entraîne une réduction de la peine privative de
liberté. L’excuse atténuante de minorité n’influence donc pas les peines complémentaires ni les
mesures de sûreté.
En matière de contravention, le bénéfice de l’excuse atténuante de minorité exclut toute peine
privative de liberté (art. 113 al. 6 CP).

§3 – La contrainte

C'est l'hypothèse où une personne commet une infraction sous l'emprise d'une force irrésistible ;
elle est irresponsable parce qu'elle a été privée de sa volonté. Ex: personne convoquée en justice
mais séquestrée.
La contrainte peut être physique ou morale.
La contrainte physique est plus facilement admise que la contrainte morale. C’est une force ou
un événement qui agit sur le corps de la personne. Cette contrainte peut être d'origine externe
(force de la nature), comme par ex., la tempête qui a fait s'effondrer un mur dont l’écroulement
a blessé des passants. Elle peut être aussi d'origine interne, comme par ex. la maladie.

Quant à la contrainte morale, c'est une pression exercée sur la volonté ou sur l'esprit de l'auteur
de l'infraction qui le conduit à commettre une infraction. Cette contrainte morale peut être
d'origine externe (menaces émanant d'un tiers) ou d'origine interne.

Aux termes de l’art. 109 CP, « bénéficie de l’excuse absolutoire prévue par l’article 10 CP,
celui qui commet une infraction sous l’empire d’une contrainte irrésistible à laquelle il lui est
impossible de résister ».

La contrainte, quelle que soit sa forme entraîne donc l’irresponsabilité sous certaines
conditions :

 il faut que la contrainte soit irrésistible : cela signifie que le fait, doit avoir détruit en
totalité la liberté de l’agent. La jurisprudence est intransigeante concernant cette
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condition, elle exige que l’individu se soit trouvé dans l’impossibilité absolue de se
conformer à la loi. Ainsi, dans une célèbre affaire, une personne d’origine russe
poursuivie pour non-respect d’un arrêté d’expulsion du territoire français a réclamé la
clémence du juge en offrant de prouver qu’elle avait été successivement refoulée par
les gouvernements de tous les pays limitrophes de la France. La Cour de cassation a
jugé cela insuffisant en répondant qu’il fallait qu’elle prouve qu’aucun pays au monde
n’avait accepté de la recevoir pour que la contrainte soit retenue à son profit. Il n’existe
pas à proprement parler de critères objectifs d’appréciation du caractère irrésistible,
c’est une question de fait que les juges du fond apprécient souverainement.

 la contrainte doit être imprévisible, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas


résulter d'une faute antérieure à la commission de l'infraction. Dans un arrêt de la
chambre criminelle de la Cour de cassation, un marin était poursuivi pour n'avoir pas
rejoint le bord de son navire à temps. Il a été déclaré déserteur. Lors de son jugement,
il a invoqué la contrainte parce qu'il avait été arrêté pour ivresse. Mais le juge a rejeté
cet argument parce que la contrainte provenait de sa propre faute : crim.29/1/1921, S.,
1922, I, 185. Dans un autre de ses arrêts, la Cour de cassation a refusé le bénéfice de
la contrainte à un automobiliste qui a eu un malaise au volant, blessant de fait, son
passager et les occupants de la voiture qu’il a percutée. La Cour a considéré que ayant
été auparavant victime de malaises en raison de la maladie d’épilepsie dont il était
atteint, il aurait du prendre des précautions ou ne pas conduire (Ch. crim. 12 février
1976).

Ces différentes conditions s’apprécient in concreto, selon l’art. 109 alinéa 2 qui dispose que la
contrainte est appréciée en tenant compte de la nature de l’infraction et de sa gravité eu égard à
la situation existante entre l’auteur et la victime en raison de leur âge, de leur sexe et des rapports
de force ou de dépendance existant entre eux.

SECTION III- LES IMMUNITES FAMILIALES

En principe, lorsque les organes de poursuites compétents, notamment, le Ministère public a


connaissance d’une infraction, il doit déclencher contre son auteur l’action pénale. Toutefois,
la mise en mouvement de l’action publique par le ministère public peut se heurter à des
obstacles juridiques Il s’agit particulièrement des immunités.

Il existe plusieurs types d’immunités : diplomatique, consulaire et politiques (parlementaire,


présidentielle). Les immunités diplomatiques ayant été examinées dans le chapitre consacré à
l’application de la loi pénale dans l’espace, les immunités politiques (abordées dans le cours de
droit constitutionnel), on s’attachera ici aux immunités familiales encadrées à l’article article
106 CP.

§1 – le domaine de l’immunité familiale

Le champ d’application de l’immunité familiale est limité aux infractions contre la propriété et
à certaines infractions spécifiques.

A/ les atteintes à la propriété


L’immunité familiale constitue un obstacle à la répression des infractions contre la
propriété telles que le vol, l’abus de confiance, le détournement d’objets, le chantage,
l’escroquerie, l’abus de confiance, l’extorsion etc.

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Les aggravations des infractions ci-dessus sont également visées par l’immunité sauf si, la
circonstance aggravante accompagnant l’infraction constitue en elle-même une infraction
distincte non couverte par l'immunité. Par exemple, le vol avec violence ayant entraîné la mort,
commis par le fils sur son père ; le vol est couvert par l’immunité, mais, les poursuites possibles
pour le fils pour les faits de violences volontaires ayant entraîné la mort.
Trois catégories de personnes bénéficiaires de l’immunité familiale sont énumérées à l’article
106 CP :

1) les ascendants et descendants :

 Ascendants : l'immunité s'applique aux enfants pour les infractions précitées commises
au préjudice de leurs père, mère, grands-parents, aïeuls, quel que soit le degré.

 Descendants : les infractions précitées commises par un parent au préjudice de ses


enfants, petits-enfants ou arrières petits-enfants est couvert par l'immunité.

L'immunité n'est pas limitée à la seule famille légitime. Elle s'applique également à la famille
adoptive, toutefois en cas d’adoption simple, l'immunité se limite aux rapports entre l'adopté et
l'adoptant.

Pour les enfants naturels, l'immunité ne joue, pour tous les ascendants, que lorsque la filiation
est juridiquement établie.

2) Les conjoints :

Indépendamment du choix du régime matrimonial, le principe dominant est qu’il n’y a pas
d’infraction contre la propriété entre conjoints pendant la durée légale du mariage, c’est-à-dire,
tant que les époux ne sont pas divorcés ou séparés de corps.

Ainsi, l'immunité s'apprécie-t-elle au jour de l'infraction, de même que l’existence du lien


conjugal.

L’immunité est également garantie au veuf ou à la veuve qui commet une soustraction sur les
biens ayant appartenu à l'époux décédé.

3) Les alliés

Les infractions à la propriété commises par des alliés aux mêmes degrés sont couvertes par
l’immunité. L’alliance est le lien juridique qui existe entre un époux et les parents de son
conjoint. Par exemple, n’est pas punissable, le gendre qui vole sa belle-mère, pareillement,
n’est pas punissable le second mari d'une femme qui commet un vol au préjudice des enfants
du premier lit de cette dernière.

L’immunité entre alliés n’opère que pendant la durée du mariage, et en dehors d’une période
pendant laquelle les époux ont été autorisés à vivre séparément.
Les collatéraux, frères et sœurs, oncles et neveux, cousins germains sont exclus du bénéfice de
l'immunité familiale.

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B/ les infractions spécifiques visées par l’immunité familiale
Dans ces hypothèses, le bénéfice de l’immunité familiale exprime la solidarité morale entre
membres d’une famille.

Sont ainsi spécifiquement couvertes par l’immunité familiale, la non-dénonciation de crimes


(art. 279 CP), le recel de criminels (art. 188 CP) et l’omission de témoigner en faveur d’un
innocent (art. 280 CP).

Le code pénal a une notion extensive de l’immunité pour ces infractions. Sont ainsi visés, d’une
part, les parents et leurs conjoints, frères et sœurs et leurs conjoints, de l’auteur ou du complice
et, d’autre part, le conjoint de l’auteur ou du complice.

§2 – Les effets de l’immunité familiale

Les effets produits par l'immunité familiale varient selon qu'ils bénéficient à l'auteur ou aux
autres protagonistes d'une affaire pénale.

A/ Les effets de l’immunité familiale sur le bénéficiaire


L’article 106 CP indique expressément « Ne peuvent donner lieu qu’à des réparations civiles,
les infractions contre la propriété commises (…) ».
Ainsi, l’immunité familiale fait obstacle à toute poursuite pénale contre les auteurs, complices
ou coauteurs, s’ils sont couverts par l’immunité.
L'immunité n'entraîne que l'impunité de l'auteur sur le plan pénal, elle n'efface pas le caractère
illicite de l'infraction. La victime peut donc intenter un procès civil contre l’auteur pour obtenir
la réparation et, le cas échéant, la restitution des objets détournés ou volés.

B/ Les effets de l’immunité familiale sur les autres participants à l’infraction


Le complice étranger à la famille sont exposés aux conséquences légales de leurs actions : ils
sont pénalement responsables. L’immunité familiale a un caractère personnel, elle ne peut
profiter au complice ou au co-auteur.
Ex : Le vol commis par plusieurs individus dont l'un est le fils de la victime. Seul ce dernier
bénéficiera de l'immunité, les autres seront poursuivis pour vol.

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