Vous êtes sur la page 1sur 38

COURS DE DROIT PENAL SPECIAL

Troisième année de licence (campus principal et campus annexe de Bertoua)

Enseignant: Dr E. R. Awono Nomo

E.mail : rawono@yahoo.fr

Contact (wathsapp): 699.24.52.56

NB: les étudiants peuvent déjà faire parvenir leurs préoccupations éventuelles par le canal
des contacts ci-dessus.

INTRODUCTION GENERALE

A. DEFINITION ET OBJET DU DROIT PENAL SPECIAL


Le droit criminel peut être envisagé comme l’ensemble de normes qui organisent la réaction
de l’Etat face aux atteintes à l’ordre social. Ensemble de règles de fond et de forme, le champ
de cette discipline apparait vaste. Si les règles de forme renvoient essentiellement à la
procédure pénale, les règles de fond quant à elles concernent le droit pénal général qui
s’intéresse aux conditions et conséquences de la responsabilité pénale abordant au passage
des notions tels que la tentative, la complicité, les faits justificatifs etc. Mais ces règles de
fonds concernent tout aussi et peut-être au premier chef le droit pénal spécial, dont s’inspire
le droit pénal général pour dégager les principes généraux applicables à l’ensemble des
infractions et des sanctions pénales. Le droit pénal spécial est cette branche du droit pénal qui
traite des infractions prises isolement et analyse pour chacune d’elles les éléments
constitutifs, les peines et le cas échéant les particularités de la répression. La discipline
constitue la partie analytique du droit criminel. Son objet est l’étude détaillée de chaque
infraction dans ses traits distinctifs.

Historiquement le droit pénal général est fille du droit pénal spécial. Car l’élaboration des
règles générales de la responsabilité pénale a été précédée par la création d’infractions
particulières (cf. code d’Hammourabi). Ce n’est que plus tard que verront le jour, les
constructions abstraites sur lesquelles reposent le droit pénal général. Le droit pénal spécial
constitue le substrat du droit pénal général. Mais en retour, les règles dégagées par le droit
pénal général seront appliquées à d’autres infractions que celles ayant permis leur découverte.
Par exemple, sur le fondement de l’incrimination de recel de chose, la notion d’infraction
continue a pu être élaborée, permettant de faire produire à la répression son plein effet : le
report du point de départ du délai de prescription de l’action publique.

1
B. LES CARACTERES DU DPS
Le DPS est marqué par deux traits caractéristiques.

D’une part on relève le caractère légaliste. Le DPS apparait parmi les disciplines du droit
criminel, le plus dépendant du principe de la légalité prévue à l’art. 17 CPC. Car c’est lui qui
crée les incriminations et en définit les éléments constitutifs.

D’autre part on note le caractère hétérogène. Le DPS est essentiellement casuistique, et la loi
criminelle analyse méticuleusement des hypothèses très variées de conduite humaines qu’elle
interdit et sanctionne. Chaque infraction est traitée selon ses spécificités. Le caractère
hétérogène du DPS se manifeste à deux niveaux. D’abord dans ce que l’on peut nommer le
DPS commun, c’est à dire dans la partie de cette discipline qui a trait aux infractions les plus
courantes, essentiellement contenues dans le code pénal. Ensuite dans ce qu’il est convenu
d’appeler droit pénal artificiel, cadre d’étude de matières spécifiques tels : le droit pénal
fiscal, le droit pénal économique, le droit pénal des assurances etc.

C. LES SOURCES DU DPS


Ces sources sont constituées essentiellement de la loi et de la jurisprudence. Elles peuvent
être nationales ou supra nationales.

Les sources nationales sont principalement constituées par le code pénal, notamment son
livre II consacré aux crimes, délit et contraventions. Mais certaines lois pénales spéciales
créent également des incriminations et en prévoient la sanction. C’est le cas du code général
des impôts qui édicte des infractions fiscales ou du code de procédure pénale qui prévoit
certaines hypothèses d’arrestation et séquestration.

Le DPS possède également des sources supranationales. Il en est ainsi du règlement CEMAC
relatif à la prévention et à la répression du blanchiment des capitaux et du financement du
terrorisme, des actes uniformes OHADA, de la convention des NU relative à lutte contre la
corruption etc.

D. PLAN
Le code pénal camerounais à lui seul consacre près de 270 articles au DPS. Le contexte du
présent enseignement n’est par conséquent pas propice à une analyse exhaustive des
infractions prévues par les lois pénales applicables au Cameroun. A partir d’une méthode
d’échantillonnage, il pourra être envisagé un regroupement des infractions en fonction de
leurs résultats. Car le résultat constitue la notion centrale de l’infraction, celle par rapport à
laquelle se définissent l’intention, le moment de la consommation et parfois la mesure de la
sanction. Ces considérations conduisent à étudier d’une part les infractions contre la personne
(P1.) et d’autre part les infractions contre les biens (P2.).

2
PREMIERE PARTIE. LES ATTEINTES AUX PERSONNES

Par opposition aux systèmes pénaux autoritaristes, la marque des systèmes pénaux libéraux
est l’érection de la personne humaine au centre de toutes préoccupations de la réaction sociale
contre les atteintes à l’ordre établi. En tant que telle, leur mission première est la protection
de la personne humaine contre toute atteinte à sa vie, à son corps, à sa liberté, à sa dignité, à
son environnement, à sa sureté etc. mises à part les infractions internationales, on relève
parmi ces atteintes celles relatives à l’intégrité physique au sens large (T1.) et celles relatives
à l’intégrité morales (T2).

TITRE PREMIER. LA PROTECTION DE L’INTEGRITE PHYSIQUE

Protéger l’intégrité physique de la personne c’est assurer le caractère intangible de son corps
et garantir sa liberté physique1.

CHAPITRE PREMIER. LA PROTECTION DE L’INTEGRITE CORPORELLE

Le droit pénal sanctionne toute atteinte au corps d’une personne et au premier chef les
atteintes à sa vie.

Section 1. La protection de la vie

Paragraphe 1. Le meurtre

Terme générique désignant le fait de donner volontairement la mort à autrui, l’infraction de


meurtre est prévue à l’article 275 CPC2. Au terme de ses dispositions, est puni d’un
emprisonnement à vie, celui qui cause la mort à autrui.

A. L’incrimination du meurtre

1. L’élément matériel du meurtre

Le meurtre est un acte qui cause la mort à autrui. Ainsi, du point de vue matériel, l’infraction
suppose un comportement, l’acte d’homicide et un résultat, la mort de la victime. Le
comportement auquel renvoie le meurtre est un acte de commission. En effet, depuis la
célèbre affaire de la séquestrée de Poitiers (Poitiers, 20 nov. 1901, D. 1902, 2.81., note Le
Poittevin), il est établi que le meurtre constitue une infraction de commission. Les abstentions
ayant entrainées la mort ne peuvent être retenues qu’à titre d’élément constitutifs d’autres
infractions. Par voie de conséquence, la tentative de meurtre est concevable, au même titre
que la complicité de meurtre. Quant à la nature des moyens employés pour donner la mort, ils
sont indifférents. Ce qui importe est qu’il s’agisse d’un acte positif. Peu importe également
que les coups aient été portés directement ou par l’intermédiaire d’un instrument. L’infraction
est consommée que la mort survienne à la suite d’un coup unique ou plutôt d’actes successifs.

1
Conte (Ph.), droit pénal spécial, 2è éd., Litec, 2005.
2
L’abréviation « CPC » désigne le Code pénal camerounais.

3
S’agissant de la victime de l’homicide, si sa qualité est sans incidence sur la qualification de
l’infraction en droit comparé français, en droit camerounais, le fait est susceptible de changer
de qualification, selon que la victime est encore en gestation (avortement, art. 337 CPC),
qu’elle a un âge inférieur ou égal à un mois (infanticide, art. 340 CPC), ou qu’elle se trouve
être le père, la mère ou tout autre ascendant légitime de l’auteur des faits (violence sur
ascendant, art. 351 CPC). Bien entendu, la mort doit porter sur autrui et non sur soi-même.
Cela exclut du champ de la répression le suicide, sa tentative ainsi que sa complicité.

2. l’élément moral

L’intention constitue l’élément essentiel du meurtre. Car il le distingue des homicide


involontaire (art.289 CPC), des coups mortels (art. 278 CPC) et autre infraction de torture
(art. 277-3 CPC). Le caractère d’infraction volontaire du meurtre découle non seulement de
l’article 74 CP qui fait de l’exigence de l’intention, la condition sine qua non de toute
infraction, mais aussi de l’intitulé de la section sous laquelle est traité le meurtre (« homicides
et blessures volontaires »). Ainsi, pour qu’il y ait meurtre, l’agent doit avoir voulu le résultat
incriminé, c’est à dire la mort de la victime. Il convient de rappeler qu’au terme de l’article
284 CPC, l’erreur sur la victime ne supprime pas le caractère volontaire de l’acte d’homicide.
La charge de prouver l’intention, qui peut être induite des circonstances de commission de
l’acte incombe au ministère public. Mais in fine, il appartient au juge de les interpréter
librement (crim. 02 oct. 1996. Bull. crim. n°342.). Il s’agira d’établir d’une part que le
meurtrier avait conscience que son acte était susceptible de tuer (conscience infractionnelle)
et mais qu’il s’est malgré tout résolu à l’accomplir (volonté infractionnelle).

B. la répression du meurtre

1. les sanctions

En plus des mesures de suretés qui peuvent être prises quelle que soit la nature de
l’infraction, le meurtrier encourt l’une des sanctions les plus graves en droit pénal :
l’emprisonnement à vie. Si l’art. 275 ne prévoit pas une fourchette qui puisse donner au juge
une marge de manœuvre, l’admission de circonstances atténuante par le juge reste possible.
Ainsi, au terme des articles 90 et s. CPC, le juge dispose de la possibilité de ramener la peine
à un minimum de 5 ans d’emprisonnement. L’amende n’est pas prévue et les peines
alternatives qui ne sont prévues que pour les infractions puni d’un emprisonnement inférieur
ou égal à 2 ans ne sont pas admissibles. Le meurtre est un crime. Cela justifie que la
prescription de sa peine ne s’opère que par l’écoulement d’un délai de 20 ans.

2. la procédure

En tant que crime, le meurtre relève de la compétence du TGI et le délai de prescription de


l’action publique est de 10 ans. Il est à mentionner que le meurtre relève de la compétence du
tribunal militaire lorsqu’i est commis à l’aide d’une arme à feu. Par ailleurs, l’affaire doit
obligatoirement faire l’objet d’une instruction préparatoire. Cela implique l’exclusion de la
saisine du juge de jugement au moyen d’une citation directe.

4
Paragraphe 2. L’assassinat

A. L’incrimination de l’assassinat
De manière générale, l’assassinat désigne un meurtre commis avec préméditation. A juste
titre, en droit comparé il est souvent considéré et traité comme un meurtre avec circonstance
aggravante. Mais en droit pénal camerounais, il s’agit d’une infraction autonome prévue à
l’article 276 CPC. Au terme cet article, est puni de mort, le meurtre commis soit avec
préméditation, soit par empoisonnement, soit pour procéder au trafic des organes de la
victime, soit encore pour préparer, faciliter ou exécuter un crime ou un délit ; ou pour faciliter
la fuite ou assurer l’impunité des auteurs ou complices de ce crime ou délit.

1. Les éléments matériels


Du point de vue matériel, l’assassinat se caractérise par les mêmes aspects que le meurtre. Le
résultat interdit est le même et les modalités de l’acte de commission sont les mêmes puisque
l’assassinat se trouve en réalité être un meurtre commis dans des circonstances particulières.

Ces circonstances sont dans un premier temps de la préméditation. C’est à dire, le dessein
formé avant l’action, de commettre le crime. La préméditation tient compte d’un triple aspect
psychologique, temporel et matériel. Du point de vue psychologique, l’agent ne doit pas avoir
agi sous le coup d’une impulsion telle la colère ou la peur, mais doit avoir muri son projet
criminel. Du point de vue temporel, l’assassinat ne peut par conséquent pas se produire de
façon spontanée. Car cette maturation du projet suppose qu’un laps de temps plus ou moins
long se soit écoulé entre la préméditation de ce crime et le passage à l’acte criminel. Du point
de vue matériel, la préméditation suppose des actes préparatoires tel qu’un guet-apens, même
s’il n’est pas nécessaire que la victime soit déterminée à l’avance (art.276-2 CPC).

Dans un second temps, la circonstance aggravante peut se trouver être le moyen par lequel la
mort est procurée à la victime. Notamment lorsque la mort est procurée par un moyen
quelconque, le meurtre est simple. Or toute les fois que la mort aura été procurée à autrui au
moyen d’un empoisonnement, l’homicide est un assassinat. Reste à savoir à quelle réalité
sociologique renvoie la notion d’empoisonnement. Le vocabulaire juridique général
l’appréhende comme un attentat à la vie d’une personne par l’emploi ou l’administration de
substances propre à entrainer la mort3. Qualitativement il importe peu que la substance soit
d’origine animale, végétale ou minérale. Il suffit qu’elle soit mortifère. Il est cependant
nécessaire que la substance ait été administrée peu importe qu’au final la mort survienne ou
pas. Sinon, il n’y a pas empoisonnement. Enfin, l’empoisonnement suppose une intention
coupable de l’empoisonneur. Celui-ci doit avoir connu le caractère nocif de la substance et
malgré cela s’être déterminé à l’administrer.

Il y a également assassinat lorsque le meurtre est commis soit pour procéder au trafic des
organes de la victime, soit encore pour préparer, faciliter ou exécuter un crime ou un délit ;
ou pour faciliter la fuite ou assurer l’impunité des auteurs ou complices de ce crime ou délit.

3
Cornu (G), vocabulaire juridique.

5
2. L’élément moral
Dans l’assassinat, l’élément moral du meurtre se dédouble de l’intention requise pour la prise
en considération de la circonstance aggravante. Il en est ainsi de l’intention de préparer un
guet-apens pour la préméditation, de l’intention d’administrer la substance toxique pour
l’empoisonnement, et de l’intention de soumettre les organes à un trafic illicite ou de
l’intention de préparer, de faciliter ou d’exécuter un crime, d’en faciliter la fuite ou d’assurer
l’impunité de l’auteur.

B. la répression de l’assassinat

1. la sanction

Au terme de l’article 276 CPC, l’assassinat est puni de la peine la plus grave du code : la
peine de mort. Cela traduit la réalité selon laquelle l’assassinat constitue sans aucun doute
avec des infractions telle que le terrorisme et autres atteintes à la sureté de l’état, l’une des
infractions les plus graves en l’état actuels des mœurs au Cameroun. Dans tous les cas,
l’assassin ne peut être exécuté tant que le Président de la République n’a pas statué sur son
droit de grâce. De plus, s’il s’agit d’une femme enceinte, celle-ci ne pourra être exécutée
qu’après son accouchement. L’exécution est publique et est faite par fusillade ou par
pendaison (art. 22 et S. CPC). L’admission des circonstances atténuantes est possible et peut
abaisser la sanction à une peine privative de liberté dont le minimum ne saurait cependant
être inférieur à 10 ans.

2. la procédure

La procédure de répression de l’assassinat ne présente pas de véritable particularité en


l’absence de circonstances spéciales. En tant que crime, la prescription de l’action publique
est de 10 ans et l’infraction ressortit de la compétence du TGI. La phase d’instruction est
obligatoire.

Section 2. La protection du corps

Le droit pénal accorde une garantie maximale à l’intégrité corporelle.

Paragraphe 1. La répression de la mise en danger des personnes : le délaissement


d’incapables

A. L’incrimination du délaissement d’incapable


Au terme de l’article 282 CPC, est puni d’un emprisonnement de 1 à 3 ans, et d’une amende
5.000 à 25.000 FCFA celui qui déplace pour l’abandonner, une personne incapable de se
protéger en raison de son état physique ou mental.

1. L’élément matériel
Le comportement interdit dans le délaissement consiste en l’abandon d’une personne
incapable de se protéger elle-même. L’infraction est consommée par le simple fait de mettre
en danger une personne. Le résultat importe donc peu. Car il s’agit en réalité d’une infraction

6
obstacle. L’existence de cette infraction est conditionnée par deux éléments. D’une part la
question se pose au sujet de l’acte de délaissement. Contrairement au délaissement de l’article
223-3 CP français, l’élément matériel ne consiste pas en une abstention. Le délaissement
suppose un déplacement de la victime en vue de l’abandonner. Il s’agit bien d’une infraction
de commission, d’où la répression de sa tentative et de sa complicité. Le délaissement
suppose l’exposition à un danger. Ce qui fait référence prioritairement à une menace sur la
vie ou sur le corps de la victime qui se trouve diminuée par hypothèse.

Du point de vue de la qualité de la victime, l’incapacité à laquelle renvoie l’infraction ne doit


pas porter à confusion. Il ne s’agit pas de l’incapacité juridique en tant que telle, mais d’une
incapacité physique ou mentale, même si l’incapacité mentale peut très souvent
s’accompagner d’une incapacité juridique. En effet, la victime protégée est la personne qui se
trouve dans une situation de faiblesse physique ou d’infirmité mentale telle qu’elle ne puisse
s’assurer à elle-même une défense face à un danger.

2. L’élément moral
L’infraction suppose une intention coupable de l’agent. Elle admet un dol général. L’agent
doit avoir connaissance de l’inaptitude de la victime à se protéger elle-même. Il doit avoir
connaissance de ce que son acte est susceptible d’exposer la victime à un danger. Il doit en
plus être conscient du caractère dangereux du lieu où la victime est abandonnée, pour que la
conscience infractionnelle soit établie. Mais surtout il doit malgré la connaissance de cette
situation de fait s’engager non seulement à déplacer la victime pour un lieu donné, mais en
plus à l’y abandonner. Ces éléments suffisent à établir le dol général qui n’est toutefois pas
suffisant pour que l’infraction soit constituée. Car à ce dol général doit s’ajouter un dol
spécial consistant dans le déplacement avec pour but d’abandonner la victime, une sorte de
préméditation de l’acte de délaissement. L’initiative d’abandonner n’est donc pas spontané,
mais bien existant dès le début des manouvres de déplacement de la victime. Il appartient au
ministère public de prouver l’existence du dol général et le dol spécial.

B. la répression du délaissement d’incapable

1. la sanction

Le délaissement d’incapable est sanctionné d’une peine privative de liberté d’1 an à trois ans
et d’une amende de 5.000 à 25.000. Il s’agit d’un délit qui reste punissable tant qu’un délai de
3 ans ne s’est pas écoulé depuis la commission des faits. La compétence est celle du TPI.

2. Les circonstances aggravantes

Certaines circonstances peuvent aggraver la sanction en cas de délassement.

C’est le cas lorsque la victime est abandonnée dans un lieu solitaire. Dans cette hypothèse, le
minimum de la peine est de 5 ans et le maximum de 10 ans.

7
C’est aussi le cas, lorsque l’auteur est un ascendant de la victime, une personne ayant autorité
sur l’incapable ou une personne en ayant la garde. Dans cette hypothèse, la sanction est
encore doublée. Le minimum passe à 10 ans alors que le maximum est désormais un
emprisonnement de 20 ans.

Paragraphe 2. La répression des atteintes effectives à l’intégrité corporelle : les coups


avec blessures graves

A. L’incrimination des coups avec blessures graves


Prévus à l’article 279 CPC, les coups avec blessures graves se matérialisent par un certain
nombre de traits que doit accompagner une intention criminelle.

1. L’élément matériel
Définis à l’article 279 CPC, les coup et blessures graves renvoient matériellement à des
violences ou voies de faits voulus ayant pour conséquences, de causer à autrui une privation
permanente de l’usage d’un membre, d’un organe ou d’un sens, en tout ou partie.
Matériellement l’infraction pour être constituée suppose d’abord le recours à certains
moyens : les violences ou les voies de fait. Théoriquement, la violence fait référence à une
contrainte illicite, à un acte de force dont le caractère illégitime tient à la brutalité du procédé
employé ou par effet d’intimidation, à la peur inspirée. Mais la violence dont il est question
est d’ordre physique et non morale. Car l’infraction constitue une atteinte à l’intégrité
corporelle comme l’indique le chapitre du code pénal sous lequel l’infraction est traitée.
Quant à la voie de fait, elle renvoie à une forme particulière de violence ne constituant ni une
blessure ni un coup. Ex : le fait de cracher à la figure d’une personne ou de la saisir au corps.

Ensuite l’infraction suppose un résultat déterminé : la privation permanente de l’usage d’un


membre, d’un organe ou d’un sens. Elle ne sera dite consommée qu’à partir de l’atteinte de
l’un de ces résultats. Par conséquent c’est à partir du lendemain de la réalisation de ce résultat
que le délai de prescription pourra commencer à courir.

2. L’élément moral
Les coups et blessures graves sont développés dans la section réservée aux homicides et
blessures volontaires. Il s’agit donc d’une infraction volontaire. Il en aurait d’ailleurs toujours
été ainsi en l’absence de toute précision sur le caractère volontaire ou non de la violence ou
de la voie de fait. Car le principe établi par l’article 74 CPC est que toute infraction pour
exister suppose que l’acte ait été omis avec une intention criminelle. Ainsi, la connaissance
infractionnelle doit être établie, c’est-à-dire que l’auteur des violences a bien perçu la
situation de fait telle que décrite par la loi. Notamment, il est nécessaire d’établir que l’auteur
des faits a bien perçu qu’il assenait des coups ; qu’il portait ces coups à un individu et que ces
coups présentaient un caractère manifestement dangereux pour un être humain ordinaire. Il
est ensuite important d’établir la volonté criminelle, c’est à dire l’acharnement, la
détermination à porter des coups.

B. La répression des coups et blessures graves

8
1. La sanction

Les coups et blessures graves sont punis d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et s’il y a lieu
d’une amende de 5.000 à 500.000. Il s’agit d’un délit. Commis dans de circonstances
ordinaires, le délai de prescription de l’action publique à son égard est de 3 ans à partir de la
privation de l’usage du membre, de l’organe ou du sens. Le tribunal compétent se trouve être
le TPI sauf si les violences sont causées à l’aide d’une arme à feu ou dans un établissement
militaire. Dans ce cas c’est le tribunal militaire qui est compétent. La phase d’instruction
n’est pas obligatoire à son égard.

2.Les circonstances aggravantes

L’infraction admet une circonstance aggravante en raison de l’usage de certains moyens par
l’auteur. C’est le cas lorsqu’il est fait usage d’une arme à feu, d’une substance explosive,
corrosive ou toxique, d’un poison, ou d’un procédé de sorcellerie, de magie ou de divination
(art. 279-2 CPC). Dans ces cas, le minimum de la peine est de 06 ans et le maximum est de
15 ans. Dans tous les cas, la peine peut être ramenée à 01 an par l’effet des circonstances
atténuantes (art.91-1 CPC).

CHAPITRE 2. LA PROTECTION DE LA LIBERTE PHYSIQUE

9
Cette protection couvre principalement les atteintes à la liberté de déplacement et les atteintes
à la liberté de déplacement.

Section 1. Les atteintes à la liberté de déplacement

Paragraphe 1. Les atteintes générales à la liberté de déplacement : l’infraction


d’arrestation et séquestration

A. L’incrimination
Dans son acception juridique courante, l’arrestation désigne l’action d’appréhender
physiquement au nom de la loi. Quant à la séquestration, il s’agit d’une privation illégale de
la liberté. Mais cette différence sensible au sens courant est transcendée en droit pénal où
l’article 291 CPC réprime simplement toute privation sans droit de la liberté d’autrui.

1. L’élément matériel
Il convient d’analyser d’une part le résultat prohibé c’est-à-dire la privation de liberté et
d’autre part les moyens de cette privation.

Il faut dire s’agissant d’abord du résultat prohibé que la privation doit être réelle. Autrement
dit, l’atteinte à la liberté d’aller et venir doit s’être faite sans consentement de la victime. Le
lieu de la privation n’influe pas sur la consommation de l’infraction. Il en est de même de la
durée qui cependant peut constituer une circonstance aggravante, lorsque la privation est
maintenue au-delà d’un mois.

S’agissant cette fois des procédés de privation de la liberté, le texte d’incrimination ne fait
aucune précision quant à leur nature. L’infraction est consommée tant du fait de
l’appréhension physique d’une personne que du fait de son maintien dans un local contre son
gré4. Contrairement au droit français, l’infraction en droit camerounais est consommée, que
l’infraction ait été commise par un dépositaire de l’autorité publique qui attente
arbitrairement à la liberté d’autrui ou par un particulier.

2. L’élément moral
L’infraction requiert un agissement volontaire de l’auteur des faits. Celui-ci, conscient de
l’effet de son acte sur la liberté de déplacement de la victime, doit avoir manifesté une
volonté de le réaliser malgré tout. Ceci exclut du champ de la répression le cas où l’auteur des
faits ignorait la présence de la victime dans la pièce qu’il a barricadée.

B. La répression
1. La sanction
La sanction prévue par l’article 291 du code pénal est un emprisonnement de 5 à 10 ans. Et
une amende de 20. 000.fcfa à 1.000.000. FCFA. Il s’agit donc d’un délit. Par conséquent, en
4
Crim. 30 novembre 1993, Dr. Pénal 1994. Comm.78

10
cas d’admission de circonstances atténuantes le minimum de cette peine peut descendre à
cinq jours d’emprisonnement5 et/ou un franc symbolique d’amende.

2. Les circonstances aggravantes


La sanction normalement prévue pour l’infraction d’arrestation et séquestration peut être
aggravée dans certains cas.

Il en est d’abord ainsi lorsque la privation de liberté dure plus d’un mois.

Il en est également ainsi lorsque des sévices corporels ou moraux sont infligés à la victime.
Ex : infliction de coups de matraque pour extorquer des aveux à la victime.

Il y a enfin circonstance aggravante si l’arrestation est effectuée soit au vue d’un faux ordre
de l’autorité publique, soit avec port illégale d’uniforme, soit enfin sous une fausse qualité.

Dans tous ces cas, le minimum de la peine n’est plus de 5ans, mais de 10 ans. Le maximum
quant à lui passe de 10 à 20 ans d’emprisonnement. La peine d’amende est elle aussi
doublée6.

Paragraphe 2. Les atteintes à la liberté de déplacement propres aux mineurs

A. L’enlèvement de mineur simple


1. L’incrimination
Dans son sens courant, l’expression enlèvement fait renvoie à un rapt d’individu, un
kidnapping. Le droit pénal va bien au-delà. Notamment au terme de l’article 352 CPC, il
s’agit non seulement de l’enlèvement de la victime au sens courant, mais aussi de
l’entrainement et du détournement de celle-ci.

Matériellement, deux éléments caractérisent l’infraction.

D’abord la victime. Celle-ci doit être pénalement mineure. C’est-à-dire âgée de moins de 18
ans. Ensuite du point de vue des modalités de commission de l’acte infractionnelle, il
convient de relever que l’infraction est consommée de la même façon que celle d’arrestation,
et séquestration. Il s’agit d’abord d’une soustraction physique du mineur. Mais il s’agit aussi
de l’entrainement et du détournement. La loi ne définit ni l’entrainement, ni le détournement
dans un tel contexte. Mais les termes font manifestement référence à une canalisation des
comportements du mineur par des procédés subtils de tromperie différents de la violence. La
durée et le lieu de réalisation des faits importe peu. Cependant, il n’est pas nécessaire que
l’auteur fasse usage de moyen frauduleux (faux mandat, port illégal d’uniforme). L’illégalité
de l’acte tient au seul fait de l’absence de consentement de celui qui assure la garde du
mineur.

Du point de vue de l’élément moral, l’auteur des faits doit avoir été conscient de la qualité de
mineur de la victime ainsi que de l’effet de son agissement sur la liberté dudit mineur. Il doit
5
Art. 92 et s. CPC
6
Article 291(2) CPC.

11
aussi avoir manifesté sa détermination à priver ce mineur de sa liberté de se mouvoir.
L’erreur sur l’âge de la victime est une cause exonératoire de responsabilité, à condition d’en
apporter la preuve.

2. La répression
L’article 352 CPC prévoit une peine d’emprisonnement d’1 à 5 ans et une peine d’amende de
20.000 à 200.000. FCFA. Le délit relève de la compétence du TPI. En raison de l’implication
d’un mineur au procès, le huis clos de l’audience de jugement peut être autorisé.

L’infraction admet trois cas d’aggravation de la peine. Tel est d’abord le cas si la victime est
âgée de moins de 13 ans. Il en est de même lorsque le but de l’enlèvement est de se faire
payer une rançon. Enfin il y a circonstance aggravante lorsque de l’enlèvement, survient la
mort du mineur, même âgé de plus de 13 ans. Dans les deux premiers cas, la peine est un
emprisonnement à vie. Dans la dernière hypothèse par contre, la sanction est la peine de
mort7.

B. L’enlèvement de mineur avec fraude ou violence


1. L’incrimination
L’infraction est prévue à l’article 353 CPC. Pour qu’elle soit matériellement constituée, un
résultat doit être atteint par l’usage de moyens bien spécifiés.

Le résultat se réalise par la privation de la liberté. Les précisions faites au sujet de


l’enlèvement sans violence sont également applicables ici8.

Contrairement à l’article 352, les moyens de réalisation d l’infraction sont bien spécifiés dans
le cadre de cette infraction. Il qu’il y ait soit emploi de la violence, soit emploi de la fraude.
Le consentement des personnes en ayant la garde rend par conséquent tout sanction
inapplicable.

Une précision doit être apportée au sujet de l’âge. Le mineur ici est entendu comme toute
personne âgée de moins de 21 ans comme en droit civil. L’agent doit être de mauvaise foi.
Celle-ci se présume des moyens employés. Aussi, contrairement à l’enlèvement sans violence
ni fraude, l’erreur matérielle sur l’âge de la victime n’exonère pas l’auteur des faits.

2. La répression
La sanction est une peine de 5 à 10 ans d’emprisonnement cumulée à une amende de 20.000 à
400.000 FCFA. Le délit admet les mêmes circonstances aggravantes que l’enlèvement de
mineur sans fraude.

Section 2. La répression des atteintes à la liberté de comportement


7
Art. 354 CPC
8
Cf. supra

12
Paragraphe 1. Le viol

Le viol peut être défini comme tout acte de pénétration à caractère sexuel commis sur la
personne d’autrui par violence , contrainte, menace ou surprise9. En droit camerounais cette
infraction est prévue à l’article 296 CPC.

A. L’incrimination du viol
1. L’élément matériel
Du point de vue de la nature de l’acte, le viol se réalise, toute les fois qu’il y a pénétration
sexuelles sans consentement. A contrario, il n’y a pas de viol sans pénétration 10. Le
rattachement du comportement de l’auteur à la sexualité peut résulter de la matérialité du fait
en question. Il en est d’abord ainsi dès lors qu’il s’agit d’une pénétration par le sexe du
violeur (ex : sodomie, fellation). Il en est de même si la pénétration a lieu dans le sexe de la
victime (ex : introduction d’un doigt ou d’un objet) 11 . A fortiori, l’infraction est-elle
consommée en cas de d’introduction du sexe du violeur dans celui de la victime. Le sexe du
violeur ou de la victime est indifférent. Un individu de sexe masculin peut commettre un viol
sur une personne de sexe féminin. L’inverse est aussi concevable. De même le viol peut être
commis sur une personne de même sexe. La confusion doit cependant être évitée avec
l’infraction d’homosexualité qui elle, suppose un rapport consentant. L’absence de
consentement découle quant lui du recours à la contrainte physique ou morale.

2. L’élément moral
Le viol est une infraction volontaire. Le violeur doit avoir perçu le défaut de consentement de
la victime et malgré tout, passer à l’acte sexuel. Il y a absence de consentement non
seulement lorsque la victime refuse d’entretenir le rapport, mais aussi lorsque sans avoir eu la
possibilité de refoulé l’auteur, la victime n’a pas acquiescé. (Ex : la victime était endormie).

B. La répression du viol
Le violeur encourt une peine privative de liberté de 5 à 10 ans. Le délit admet des
circonstances aggravantes. Ainsi si la qualité de la victime n’influe pas sur la sanction, celle
de l’auteur au contraire est prise en compte par le législateur et a pour effet de doubler la
peine.

Il y a d’abord circonstance garante lorsque le viol est commis par une personne ayant autorité
sur la victime ou en ayant la garde légale ou coutumière.

Il y aussi circonstance aggravante lorsque le viol est commis par un fonctionnaire ou par un
ministre du culte.

Enfin la peine est aggravée lorsque le viol est commis en coaction12.

9
Cf. vocabulaire juridique, Gérard cornu.
10
Crim, 21 octobre 1998.
11
Crim, 5 set. 1990.
12
Cf. art 298 CPC.

13
L’infraction porte atteinte aux mœurs ainsi qu’à la dignité de la victime. Le huis clos de
l’audience est par conséquent envisageable.

Paragraphe 2. Le mariage forcé


A. L’incrimination
Prévu à l’article 356 CPC, le mariage forcé est le fait de contraindre une personne à se
marier.

1. L’élément matériel
La contrainte dont il est question ici peut être physique ou morale. La contrainte morale fait
référence aux menaces provenant par exemple de parents. Celle-ci doit porter atteinte à un
droit légitime.

S’agissant du résultat prohibé, le mariage se conçoit au sens juridique. Il peut être légal ou
coutumier. Mais de simples fiançailles ne sont pas considérés comme étant un mariage.

Pour ce qui est de la victime, elle peut être mineure ou majeure. Toutefois, la contrainte est
présumée du simple fait de donner en mariage un garçon mineur de 16 ans ou une fille
mineure de 14 ans. De même aucune qualité n’est requise de l’infracteur pour que le délit soit
consommé. Il peut s’agir d’un parent de la victime ou d’un tiers.

2. L’élément moral
La mauvaise foi de l’auteur se déduit des éléments de fait. L’agent doit avoir conscience de la
contrainte exercer sur la victime, mais s’y employer tout de même. Il faut à ce niveau relever
l’existence d’un dol spécial : la contrainte exercée doit avoir pour finalité de faire contracter à
la victime le mariage. On peut enfin rappeler qu’au-delà de la réalisation de l’infraction, le
mariage forcé encourt la nullité fondée sur l’absence de consentement de la victime.

B. La répression du mariage forcé


L’auteur du mariage forcé et ses complices sont passibles d’une peine d’emprisonnement de
5 à 10 ans et d’une amende de 25.000 à 1.000.000 FCFA. Il existe une circonstance
particulière tenant à l’âge de la victime qui n’a d’effet que sur les circonstances atténuantes.
Ainsi, lorsque la victime est mineure de 18 ans, l’admissions des circonstances atténuantes ne
peut faire descendre la peine à moins de 2 ans d’emprisonnement, quoiqu’il s’agisse d’un
délit.

14
TITRE 2. LA PROTECTION DE L’INTEGRITE MORALE

CHAPITRE 1. LES ATTEINTES A L’INTIMITE ET A LA VIE PRIVEE

Section 1. La protection du domicile

Paragraphe 1. La violation de domicile

A. L’incrimination
La violation de domicile s’entend de celui qui s’introduit ou se maintient dans le domicile
d’autrui sans consentement du propriétaire. L’infraction est prévue à l’article 299 CPC.

15
1. L’élément matériel

Deux éléments permettent de déduire de la matérialité de l’infraction de violation de


domicile. La présence illicite dans le domicile et la nature des actes par lesquels se manifeste
cette présence.

D’une part la présence illicite dans le domicile d’autrui appelle à deux observations. D’abord
la notion de domicile doit être précisée. En droit civil, le domicile est défini comme le lieu du
principal établissement d’une personne. Il est différent de la résidence ou de la simple
habitation. Il est non seulement nécessaire, mais fixe et unique. En droit pénal, la notion
renvoie à une réalité bien plus large. Elle désigne le lieu où une personne a le droit de se dire
chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation ou l’affectation donnée aux
locaux13. Le domicile est ainsi au premier chef, une habitation quelconque y compris ses
dépendances (terrasse, jardin, cour etc.). Une simple résidence, une chambre d’hôtel et même
un camping-car peuvent pareillement constituer des domiciles au sens pénal. Il faut
davantage voir dans la notion, l’idée d’un lieu aménagé aux fins d’habitation de la victime. Il
importe peu que cette habitation soit effective. La protection de l’intimité est due à tout
occupant du domicile, serait-il sans droit (propriétaire, locataire). Elle est due au locataire,
même si le bail est expiré et même si l’expulsion est ordonnée 14. Cependant le fugitif ne peut
considérer son lieu de refuge comme étant son domicile, y compris avec l’accord des
occupants légitimes15.

Quant à elle, l’illicéité renvoie au défaut de droit ou d’autorisation à être présent dans un
domicile donné. Elle se réalise par le simple fait du défaut de consentement de la victime.

Pour ce qui des actes par lesquels l’assaillant manifeste sa présence indésirable dans le
domicile d’autrui, le législateur en énumère deux : l’introduction et le maintien. Le juge
sanctionne ainsi tout procédé permettant de s’introduire dans le domicile d’autrui sans
consentement du propriétaire16 (ex : escalade, usage illicite des clefs de l’occupant,
changement des serrures du local etc.)17.

2. L’élément moral
L’article 299 CPC sanctionne un délit intentionnelle commis par celui qui a conscience de
n’avoir aucun droit d’entrée ou de maintien dans les lieux violés, mais qui s’y est tout de
même introduit. Le mobil qui a animé l’auteur des faits est indifférent à la réalisation de
l’infraction. Mais ce mobil doit être distingué des faits justificatifs tels que les autorisations
légales accordées à certaines autorités pour effectuer des perquisitions.

B. La répression

13
Crim. 26 fév. 1963, bull. crim. N°92.
14
Crim. 22 janvier 1957, bull. crim. N°68.
15
Crim. 30 mars 1971, bull crim. N°113.
16
Cass. Crim. 28 fév. 1994, Drt. Pén. 1994, comm. 129.
17
Cass. Crim. 9 nov. 1971, gaz. Pal. 1972, I. 373.

16
1. La sanction
Le délit de l’article 299 est puni d’un emprisonnement de 10 jours à 1 an et d’une amende de
5.000 à 50.000. FCFA ou de l’une de ces deux peines seulement. La simple tentative est
punissable. Le déclenchement des poursuites est toutefois subordonné à la plainte préalable
de la victime. Une fois déclenché, le retrait de la plainte n’a aucun effet sur le déroulement du
procès. Contrairement aux infractions telles que la diffamation ou l’adultère.

2. Les circonstances aggravantes


Le texte d’incrimination admet deux circonstances aggravantes.

La première tient au moment de la commission de faits. Ainsi, les peines sont doublées
lorsque la violation est commise de nuit.

La deuxième circonstance aggravante tient au procédé employés. En effet, lorsque l’auteur a


fait usage de menaces, de la violence ou des voies de faits (ex : coups, bousculade), les peines
sont également doublées.

Paragraphe 2. L’abus de fonction

A. L’incrimination
1. L’élément matériel
L’abus de fonction constitue une infraction commise par le fonctionnaire dans l’exercice de
ses fonctions et portant atteinte aux intérêts des particuliers. Il en est par exemple ainsi de la
violation de domicile ou de coups portés par un fonctionnaire de police sans droit. Le délit
est sanctionné par l’article 140 CPC.

Du point de vue matériel, certains éléments doivent être réunis pour que l’infraction soit
constituée. S’agissant d’abord des personnes susceptibles de commettre l’infraction. Il s’agit
de manière global de tout agent public camerounais ou étranger. S’agissant ensuite du résultat
prohibé, la loi réprime toute atteinte à un droit quelconque. Ainsi en est-il du droit à
l’inviolabilité du domicile. Quant aux moyens employés, le texte n’opère aucune restriction.
Il peut donc s’agir comme pour l’article 299 CPC, de l’introduction dans un domicile privé en
dehors du cadre légal. (Ex : perquisition effectuée entre 18h et 6h du matin ; perquisition sans
mandat et sans consentement du maitre des lieux). Le fait que le citoyen n’est opposé aucune
résistance n’influe pas sur la consommation de l’infraction.

2. L’élément moral
L’abus de fonction est un délit intentionnel. Cette intention coupable se déduit dans le cadre
de la violation de domicile, de la parfaite connaissance du défaut de droit d’accès au domicile
en cause, mais de la persistance à s’y introduire ou à s’y maintenir. La méprise sur l’étendue
des pouvoirs conférés par la fonction est sans effet sur la responsabilité conformément
l’article 75 CPC. De même le mobile qui a conduit le fonctionnaire à violer le domicile est
sans effet sur la responsabilité pénale. La crainte que la victime de l’abus de droit n’efface les
preuves d’une infraction par elle commise n’exonère pas l’auteur de l’abus de fonction.

17
B. La répression
1. La sanction
L’article 140 CPC prévoit un emprisonnement de 1 à 3 ans et une amende de 5.000 à 50.000.
FCFA.

2. Les circonstances aggravantes


Deux circonstances aggravantes sont prévues par la loi.

D’une part, si le crime commis est celui-là même que l’agent public était chargé de prévenir
ou de réprimer, sa qualité de fonctionnaire constitue une circonstance aggravante,
conformément à l’article 89 CPC. Ex : le fonctionnaire de police chargé d’assurer la sécurité
d’un domicile qui vient lui-même à effectuer une perquisition sans mandat.

D’autre part, au terme de l’article 140 (2) CPC, si l’infraction est commise dans le but de
procurer un avantage quelconque à autrui ou à soi-même, la peine d’emprisonnement est de 2
à 10 ans et l’amende de 50.000. FCFA à 1.000. 000. FCFA.

Section 2. La protection de la vie privée

Paragraphe 1. La violation de correspondance


A. L’incrimination
La correspondance fait l’objet d’une protection particulière en droit camerounais. Au terme
de l’article 300 CPC, engage pénalement sa responsabilité, celui qui sans autorisation du
destinataire, ouvre ou supprime la correspondance d’autrui.

1. L’élément matériel
L’infraction appelle à quelques observations d’une part au sujet de la correspondance violée,
d’autre part au sujet de l’acte de violation.

S’agissant de la correspondance violée, le texte d’incrimination vise toute forme de


correspondance. Les plis fermés sont protégés au même titre que les plis ouverts. La
protection couvre entre autres, les imprimés, les journaux, les paquets confiés ou non à un
professionnel de l’acheminement de colis. La correspondance électronique est également
protégée18. Il importe peu que la correspondance soit privée ou d’ordre professionnel. La
protection couvre aussi bien les correspondances non encore ouvertes que les
correspondances déjà ouvertes et lues par le destinataire.

Concernant l’acte de violation, il constitue le résultat légalement prohibé, et le point de départ


du délai de prescription de l’action publique. La violation résulte en premier lieu de
l’ouverture de la correspondance d’autrui quel qu’en soit le moyen. Elle peut résulter en
second lieu de la suppression de la correspondance. Cette suppression est prise en compte,
qu’elle soit définitive ou temporaire19. Il en est ainsi de la destruction d’une lettre, de sa
simple rétention ou du retard à son acheminement. La violation peut aussi résulter du

18
CA paris, 17 déc. 2001.
19
Crim. 9 fév. 1965, bull. crim, n°39.

18
détournement de correspondance. C’est le cas de celui qui ayant pris connaissance de la
correspondance pour un usage déterminé, se sert des informations y issues à d’autres fins.
Ex : le salarié qui communique des informations sur son employeur à un concurrent.

2. L’intention
L’intention suppose la pleine conscience que la correspondance est destinée à un tiers et la
volonté manifestée de la violer20. L’erreur de fait est exonératoire.

B. La répression
1. La sanction
La sanction prévue à l’article 300 est un emprisonnement de 15 jours à 1 an et une amende de
5.000 à 100.000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement. Le travail d’intérêt général et
la sanction réparation peuvent être prononcées en lieu et place de la peine d’emprisonnement.

2. Les immunités
L’infraction de violation de correspondance ne peut être retenue contre le conjoint qui a
ouvert ou détruit la correspondance de l’autre époux sans son consentement. La solution est
fondée sur la protection du lien conjugal. De même, au terme de l’article 300 (2), les père,
mère, tuteur ou responsables coutumiers qui ouvrent ou détruisent la correspondance de leur
enfant mineur de 21 ans et non émancipé ne peuvent être poursuivis pour violation de
correspondance.

Paragraphe 2. La violation du secret professionnel

A. L’incrimination
Le secret professionnel fait lui aussi l’objet d’une attention particulière en droit pénal
camerounais. L’article 310 CPC punit en effet toute personne qui révèle sans l’autorisation
de celui auquel il appartient, un fait confidentiel qu’elle n’a connu qu’en raison de sa
profession ou de sa fonction.

1. L’élément matériel
Le secret dont la violation est sanctionnée se caractérise par deux éléments essentiels. D’une
part, l’idée même de secret évoque le caractère confidentiel de l’information. Il doit s’agir
d’une confidence et non d’une information connue de tous ou d’un fait appelé à devenir
public. Ex : des faits devant faire l’objet d’une publicité légale. D’autre part l’intéressé doit
l’avoir révélé à un professionnel dans l’exercice de ladite profession ; professionnel qui va
donc commettre l’indélicatesse de divulguer l’information. Le secret n’est protégé que dans
la mesure où l’atteinte qui lui a été portée suppose une confiance trahie. Ainsi, l’infraction
n’est concevable que si le fait est commis par une personne tenue par le secret professionnel.
Ex : médecin, avocat, magistrat, fonctionnaire etc. mais il ne suffit pas que le dépositaire de
20
Crim. 15 mai 1990, bull. crim. 196.

19
l’information soit tenu au secret, ce secret doit encore être en rapport avec sa profession.
L’infraction est instantanée et se réitère à chaque révélation du secret.

2. L’élément moral
La révélation doit être intentionnelle. Elle n’est pas punissable si elle résulte d’une
imprudence.

B. La répression
1. La sanction
L’article 300 prévoit un emprisonnement de 3 mois à 3 ans et/ou une amende de 20.000 à
100.000 FCFA. Le juge peut aussi prononcer les déchéances de l’article 30 CPC (destitution
de la fonction, interdiction de servir dans les forces armées, d’exercer certaines professions
etc.).

2. Les permissions légales


Une révélation normalement constitutive d’infraction perd son caractère illicite lorsque le
professionnel dépositaire d’une information sur un fait susceptible de constituer une
infraction la porte à la connaissance des autorités judiciaires ou de police21.

Il en est de même des réponses en justice à quelque demande que ce soit.

21
Art. 310 (2) CPC.

20
CHAPITRE 2. LES ATTEINTES AUX SENTIMENTS

Section 1. Les atteintes au sens moral et à l’honneur

Paragraphe 1. Les atteintes au sens moral : la corruption de jeunesse

A. L’incrimination
L’incitation des mineurs à la débauche est réprimée en droit camerounais à l’article 344 CPC.

1. L’élément matériel
L’infraction protège essentiellement les personnes mineures. La minorité ici est celle civile.
En d’autres termes, la victime doit avoir moins de 21 ans, contrairement à l’infraction
d’enlèvement de mineur où la victime doit être âgée de moins de 18 ans. Le sexe de la
victime importe peu. Tout comme l’âge et le sexe de l’auteur des faits. Un mineur peut
corrompre un autre mineur. Une femme peut corrompre un jeune garçon.

Le résultat prohibé est l’aplanissement au mineur de la voie de la débauche. Il s’agit


d’irriguer, de drainer le mineur vers la dépravation. Il n’est pas nécessaire que les manœuvre
de l’infracteur aient finalement été efficaces. L’auteur est coupable même lorsqu’il n’a pas
été suivi par le mineur. Le terme corruption, synonyme ici de détérioration, désigne
l’altération du sens moral du mineur sur le plan sexuel. L’effectivité de l’acte sexuel n’est pas
une condition de réalisation de l’infraction22. Le rôle de la victime est aussi sans incidence.
La simple assistance du mineur à la commission de l’acte sexuel peut-être corruptrice. Ex :
projection d’un film pornographique. Dans tous les cas chaque fois que l’attitude de l’auteur
peut s’analyser en une incitation, une facilitation ou une favorisation, l’infraction est
consommée. Il faut entendre par incitation, la suscitation de l’envie sexuel chez le mineur.

22
Crim, 16 janv. 1992, Drt. Pén. 1992, n] 170.

21
Dans la pratique, la frontière entre la facilitation et la favorisation reste floue. Les deux
termes renvoyant généralement à l’idée d’aide à la débauche.

Les moyens de la corruption ne sont pas limités par le législateur. Le simple fait de soumettre
le mineur à un spectacle obscène est pénalement réprimé.

2. L’élément moral
Le corrupteur doit avoir agi en connaissance de cause. Il doit par exemple avoir conscience
de la présence du mineur dans la pièce. Cela étant, il faut que le corrupteur se soit résolu à
poser l’acte qui a pour effet de susciter chez le mineur des pulsions sexuelles. La
jurisprudence tend à ignorer l’erreur de fait portant sur l’âge23.

B. La répression
1. La sanction
L’infraction est un délit punissable d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de
20.000 à 1.000.000. FCFA cumulativement. Le législateur habilite par ailleurs le juge à
prononcer les déchéances de l’article 30 CPC. Ainsi le fonctionnaire qui incite à la débauche
encourt une exclusion à son emploi. Le parent peut se voir priver de la garde de l’enfant.

2. Les circonstances aggravantes


L’article 344(2) CPC prévoit une circonstance aggravante spéciale tenant à l’âge du mineur.
En effet, lorsque celui-ci est âgé de moins de 16 ans, le corrupteur encourt le double de la
peine normalement prévue.

Paragraphe 2. La protection contre les atteintes à l’honneur


A. La diffamation
1. L’incrimination
La diffamation constitue une forme de calomnie et de médisance en général publique. Elle est
prévue en droit camerounais à l’article 305 CPC.

S’agissant d’abord de la personne du diffamateur, toute personne peut diffamer.

S’agissant ensuite de l’acte diffamatoire, l’infraction est réalisée au terme de l’article 305 par
la conjonction de 3 éléments. Le premier réside dans l’existence d’une allégation ou une
imputation de faits. L’allégation consiste à reprendre, répéter ou conduire des propos ou des
écrits attribuer à un tiers et comportant l’imputation d’un faits à une personne 24. Quant à
l’imputation, elle s’entend de l’affirmation personnelle d’un fait dont son auteur assume la
responsabilité. Le deuxième élément est un fait. L’allégation ou l’imputation doit porter sur
un fait contrairement à l’injure qui ne renferme aucun fait. Un fait est une réalité de la vie
ayant eu lieu à un moment donné, dans un espace donné et susceptible d’être prouvé 25. Le
23
Crim, 4 janv. 1902.
24
Crim, 5 janv 1950, Bull. Crim, II.
25
Crim, 3 mai 1989, Drt. Pén. 1990.

22
troisième élément est l’atteinte à l’honneur ou à la considération. Selon la cour de cassation
française, la diffamation est réalisée chaque fois que sont imputés des faits généralement
réprouvés dans une société donnée. L’opinion personnelle de la victime est indifférente26.

Le moyen de la diffamation est soit un geste, soit une parole, soit un cri, soit encore tout autre
procédé. Il suffit que le procédé soit destiné à atteindre le public et qu’il ait été employé dans
un lieu simplement ouvert au public, même si le lieu n’est pas public en lui-même. Ex :
publication par voie de presse. Il faut cependant préciser que même si elle est moins
gravement sanctionnée, la diffamation dans un lieu privé est pénalement réprimée27.

Du point de vue de l’élément moral, les faits doivent avoir été commis de mauvaise foi. Mais
selon une jurisprudence ancienne et constante, cette mauvaise foi est présumée. C’est la
bonne foi qui doit être prouvée28. L’infraction admet des exceptions29.

2. La répression
La sanction est un emprisonnement de 6 jours à 6 mois et une amende de 5000 à 2.000.000
FCFA ou l’une de ces deux peines seulement, lorsque la diffamation est publique.
Lorsqu’elle est faite en un lieu non ouvert au public, la peine est un emprisonnement de 3
jours à 3 mois et l’amende de 2.500 à 1.000.000 FCFA. Par contre la diffamation faite dans
l’anonymat constitue une circonstance aggravante qui double la peine.

Sur le plan procédural, une spécificité est d’abord à noter au sujet de la charge de la preuve.
Celle-ci incombe à l’accusé et non à l’accusateur. Ensuite, tout déclenchement de l’action
publique est subordonné à une plainte préalable de la victime. Cette action peut d’ailleurs être
arrêtée à tout moment en cas de retrait de la plainte par la victime. Enfin, la prescription de
l’action publique pour ce délit n’est pas triennale mais de 4 mois seulement à partir de la
commission du délit.

B. L’injure
1. L’incrimination
Proche de la diffamation, le délit d’injure est prévu à l’article 307 CPC. Comme la
diffamation, l’injure doit être proférée dans les mêmes conditions de publicité 30. Il n’y pas
d’injure privée. Mais l’injure diffère de la diffamation en ce qu’elle ne renferme l’imputation
d’aucun fait. Il s’agit de blesser la victime à travers l’usage de proférations grossières ou
outrageantes31. Le ton employé, les circonstances, le niveau d’évolution des mœurs sont pris
en considération pour la caractérisation de l’injure. Au terme de l’article 307 CPC, l’injure
peut être commise par les moyens suivants : une expression outrageante, un geste de mépris,
un terme de mépris ou une invective. L’injure doit cependant viser avec précision une
personne ou un groupe de personnes.

26
Crim, 2 juillet 1975, Gaz. Pal.1975, II, p.666.
27
Cf. art. 305(7) CPC.
28
Crim, 20 fév. 1990, Drt. Pén, 1990, comm.250.
29
Cf. art 306 CPC.
30
Cf. art. 152 CPC
31
Crim, 8 fév. 1972, bull n° 48.

23
La provocation faite par la victime constitue une excuse absolutoire pour l’auteur des faits, du
moment où un laps de temps trop long ne s’écoule pas entre le moment de la provocation et le
moment de l’injure.

Du point de vue de l’élément moral, la mauvaise foi est présumée come dans la diffamation32.

2. La répression
L’injure est punie d’une peine privative de liberté de 5 jours à 3 mois et d’une amende de
5.000 à 100. 000.fcfa ou de l’une de ces deux peines. La poursuite ne peut être engagée que
sur plainte préalable de la victime. Le retrait de la plainte arrête l’action publique. Le délai de
prescription de l’action publique est de 4 mois33.

Section 2. Les atteintes à la dignité et la sureté morale

Paragaraphe1. Les atteintes à la dignité : l’infraction de trafic et traite des personnes

A. L’incrimination
Le trafic et la traite des personnes sont définis à l’article 342-1 CPC. Aucune précision n’est
faite au sujet des personnes de l’auteur et de la victime de l’infraction. Quant à lui, le résultat
prohibé présente plusieurs aspects. Ainsi, le recrutement de personnes (en tant
qu’employeur), est d’abord interdit. Il en est de même du transport d’individus, de leur
transfert, de leur hébergement ou de leur accueil.

Le second élément, peut-être le plus déterminant est le but du recrutement, du transfert ou de


l’hébergement. Ceux-ci ne sont punissable qu’en considération de l’intention de l’auteur des
faits. Les faits doivent avoir été commis dans l’intention de mettre les victimes à la
disposition du véritable bourreau. Il s’agit en réalité d’une infraction obstacle à d’autres
infractions tels que l’esclavage ou le proxénétisme.

Enfin, cette tierce personne doit elle-même avoir des visées criminelles à l’égard des
personnes sur lesquelles portent la traite ou le trafic.

Les moyens de l’infraction ne sont pas restreints par le législateur. Il s’agit de tout moyen, du
moment où il contribue à la réalisation de l’infraction.

Le trafiquant doit être conscient de la finalité ultime de l’opération et procéder malgré cela
audit acte de trafic.

B. La répression
La peine est un emprisonnement de 10 à 20 ans, et une amende de 50.000 à 1.000.000 FCFA.

La peine est aggravée dans les circonstance suivantes :


32
Crim. 4 déc. 1973.
33
Cf. art 307(3) CPC.

24
- Si l’infraction est commise sur un mineur de 15 ans ;
- Si l’auteur de l’infraction est un ascendant d e la victime ;
- Si l’auteur des faits possède une autorité sur la victime etc.
Le juge peut prononcer les déchéances de l’article 30 CPC.

Paragraphe 2. La protection de la sureté morale : la menace

A. L’incrimination
La menace est un acte d’intimidation consistant pour une personne à inspirer à une autre la
crainte d’un mal contre sa personne, ses proches ou ses biens34. En tant que telle, elle porte
atteinte à la tranquillité, à la sérénité des personnes. Car elle suscite chez la victime un
sentiment de peur. Prévue à l’article 301 CPC, l’infraction est exclue lorsque les propos sont
dénués de toute menace sérieuse. La menace doit être adressée à un individu ou à un groupe
d’individus précisément. Elle doit être parvenue à la victime. Ainsi, une lettre de menace
égarée n’a pas pu parvenir au destinataire qui n’a donc pas pu éprouver de peur. Il n’y a par
conséquent pas infraction. Le mal promis doit lui-même être pénalement réprimé. Ex :
homicide, blessure.

Le moyen de la menace peut être un écrit (ex : une lettre), un image (ex : photographie d’une
tête de mort, de taches de sang), un geste (ex : imitation d’un acte d’étranglement) ou une
parole.

L’auteur de la menace doit être de mauvaise foi.

B. La répression
La peine est un emprisonnement d 10 jours à 3 ans et une amende de 5.000 à 150.000 FCFA).

34
Vocabulaire G. Cornu.

25
DEUXIEME PARTIE. LES ATTEINTES AUX BIENS

TITRE PREMIER. LES ATTEINTES AUX BIENS DES PARTICULIERS

CHAPITRE 1. LES ATTEINTES JURIDIQUES AUX BIENS

Distinctes des atteintes matérielles qui détériorent éventuellement le corps du bien, les
atteintes juridiques constituent un préjudice aux droits attachés à ce bien. Le droit de
propriété en constitue l’un des plus essentiels.

Section 1. Les atteintes au droit de propriété par soustraction : le vol

Paragraphe 1. L’incrimination du vol

L’infraction de vol est prévue en droit camerounais à l’article 318 (1) -a CPC qui punit toute
soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.

A. L’élément matériel
1. L’acte de soustraction
L’acte de soustraction dans le vol pose deux problèmes principaux : celui du contenu de la
notion et celui du moment de la soustraction.

En effet, la notion de soustraction dans sa conception traditionnelle renvoie à un déplacement


matériel de la chose. On parle encore de soustraction matérielle. Ainsi, la remise de la chose
par le propriétaire écarte tout idée de vol, même si la remise est faite par erreur. Il en est ainsi
de celui qui conserve un surplus de monnaie rendu par erreur 35. Mais la remise ne doit pas
être fait sous la menace d’un préjudice. La soustraction est retenue même lorsqu’elle est faite
par l’intermédiaire d’un tiers inconscient (ex : un enfant en bas âge) ou d’un animal dressé.
Dans une conception plus récente, la soustraction fait référence à l’usurpation par
possession36 de l’objet. La soustraction juridique consiste pour le bénéficiaire d’une remise
volontaire, qui se sachant simple détenteur du bien, décide de se comporter comme en étant
possesseur. Ex : dans la vente au comptant, l’acheteur qui ayant bénéficié d’une remise
volontaire de la chose par le vendeur, échappe à la vigilance de celui-ci sans en avoir payé le
prix. Quid du moment de la soustraction ?

Le vol est une infraction instantanée. Le délit est consommé dès le moment de la
soustraction. Ainsi celui qui emprunte le véhicule d’autrui à l’insu du propriétaire ou contre
son gré et qui en fait usage a commis un vol, même s’il le restitue plus tard.

35
Crim, 24 nov. 1983, D. 1984, 465.
36
On distingue en droit des bien la propriété, la détention et la possession. Le détenteur n’a la main mise sur la
chose qu’à titre précaire et n’entend à aucun moment se considérer comme en étant propriétaire. Ex : le
transporteur d’une marchandise, le loueur d’une chose. Le possesseur a également une mainmise sur la chose.
Mais à la différence du détenteur, il envisage de bonne foi (l’acheteur de bonne foi d’une chose volée) ou de
mauvaise foi (le voleur), jouir de cette chose en qualité de propriétaire.

26
2. La chose soustraite
Le terme « chose » dont fait usage l’article 318 (1) –a, ne va pas sans susciter un certain
nombre de préoccupations. On qualifie par exemple de vol d’usage, le fait pour un salarié à
qui le patron confie un document à reproduire, de prendre connaissance du contenu
frauduleusement. Au même moment, on hésite à retenir le vol lorsque le salarié surprend des
informations en écoutant aux portes ou en regardant par-dessus le mur. La notion de chose en
droit camerounais renvoie aux chose corporelles (et non incorporelles) meubles (à l’exclusion
des immeubles)37. Mais la catégorisation en droit civil n’est pas admise avec la même rigueur
en droit pénal. Ainsi le vol est retenu au sujet des immeubles par destination 38. La chose doit
être une propriété d’autrui. La soustraction d’une chose commune ne constitue donc pas un
vol. (Ex : eau courante). Il en est de même des choses sans maître (ex : poissons d’une
rivière) et des choses abandonnées (ex : objet déposé dans une décharge publique). Il n’est
pas nécessaire que le bien appartienne à celui entre les mains de qui elle a été soustraite. Un
voleur peut être volé.

B. L’intention
L’infraction n’est réalisée que si le voleur savait que la chose volée ne lui appartenait pas et
qu’il a eu malgré tout l’intention de s’en comporter comme propriétaire. Ainsi, l’erreur de fait
supprime l’intention. L’intention est retenue, qu’elle soit définitive ou temporaire 39. Il faut se
placer au moment de la soustraction pour apprécier l’intention, les évènements postérieurs
étant sans incidence. Ainsi, celui qui appréhende un objet égaré pour le pour le porter au
poste de police mais qui change d’avis en chemin et décide de le conserver, ne commet pas
un vol. au contraire, celui qui appréhende un objet dans un supermarché avec l’intention de
s’en approprier frauduleusement, mais qui se sentant observé décide de s’en débarrasser en le
rangeant sur une autre étagère a bien commis un vol.

Paragraphe 2. La répression du vol

A. La sanction prévue
1. La sanction du vol simple
Le vol simple est puni d’un emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 100.000 à
1.000.000 FCFA.

2. L’aggravation
Le vol est dit aggravé et puni du double de la peine normalement prévue lorsqu’il est commis
dans certaines circonstances.

Il en est d’abord ainsi, du vol commis à l’aide de violence. Il en est de même du vol commis
avec effraction extérieure, par escalade ou à l’aide d’une fausse clé. Il en est également ainsi
du vol commis à l’aide d’un véhicule automobile. Il convient de noter que lorsque le vol
commis avec violence entraine la mort ou des blessures graves sur autrui, la sanction est la
peine de mort40. Le juge peut prononcer les déchéances de l’article 30 CPC.
37
Il existe cependant des hypothèses de vols spéciaux. Cf art. 319 CPC.
38
CA Bordeaux, 13 fév. 1986, Revue Sc. Crim. 1987, p.435).
39
Crim, 19 fév. 1959, D.1959,. 331.
40
Cf. art. 320 CPC

27
B. Les immunités
L’infraction de vol ne peut être retenue à l’égard de certaines personnes. Ces immunités
prévues à l’article 323 CPC n’opèrent pas en cas de vol aggravé. Ainsi, il n’y a pas de vol
entre époux. Entre ascendants et descendants légitimes ou adoptifs, sans considération de
degré, l’infraction de vol ne peut être retenue. Mais entre ascendant et descendant naturels,
l’immunité est valable seulement jusqu’au deuxième degré ; encore faut-il que l’enfant soit
reconnu et que l’auteur et la victime vivent sous le même toit. En d’autres termes, un enfant
naturel peut impunément soustraire un bien de ses parents ou de ses grands-parents et vice-
versa. Au-delà, il y a infraction. Enfin, l’infraction ne peut être retenue contre le conjoint
survivant qui soustrait les biens de première nécessité ayant appartenu au conjoint décédé
tant que le partage de la succession n’a pas eu lieu. Cette immunité opère in personam et non
in rem.

Section 2. Les atteintes au droit de propriété par détournement : l’abus de


confiance
Le cadre de réalisation de l’abus de de confiance est une relation contractuelle entre l’auteur
et la victime, au terme de laquelle la victime remet elle-même sa chose au délinquant, à
charge pour ce dernier d’en faire un usage déterminé. Le contrat peut être écrit ou oral. Il
suffit qu’il opère remise précaire de la chose (ex : contrat de louage, contrat de dépôt). Mais
la chose remise doit être susceptible de soustraction comme dans le vol. L’abus de confiance
est le fait pour tout détenteur à titre précaire de détourner ou dissiper la chose à lui confiée 41.
Il est prévu à l’article 318 (1) -b CPC.

Paragraphe 1. Eléments constitutifs

A. l’élément matériel

Par l’effet du contrat, le débiteur malhonnête détient déjà par devers lui la chose dont l’usage
va être détourné. Pour que l’infraction d’abus de confiance soit matériellement constituée, un
acte de détournement ou de destruction doit être commis par un détenteur à titre précaire. Cet
acte doit lui-même causer un préjudice à la fortune d’autrui.

1. L’acte de détournement de destruction ou de dissipation


Le détournement se réalise par l’emploi de la chose à une fin non conforme aux clauses
contractuelles. Il peut s’agir d’une omission de se conformer à une clause du contrat ou au
contraire d’une action s’écartant des clauses contractuelles. Il peut s’agir de l’usage abusif de
la chose reçue, du retard dans la restitution ou du refus de restituer.

La destruction est une altération de la chose, son anéantissement ou sa détérioration


matérielle.

41
Cf. vocabulaire juridique Gérard cornu.

28
Quant à la dissipation, elle renvoie au fait de faire disparaitre de la chose. Elle peut d’abord
être matérielle. Elle peut aussi prendre la forme d’un acte juridique. Ex : la vente de la chose
reçue.

2. Le préjudice
Il réside dans la privation à la victime de son droit sur la chose détournée. Le préjudice peut
être actuel ou simplement éventuel. Le propriétaire, le possesseur ou le simple détenteur
peuvent être victimes d’abus de confiance. Il suffit qu’ils aient subi un préjudice dans leurs
droits respectifs.

B.L’élément moral
Fondamentalement, le détournement procède d’un changement d’état d’esprit chez le
délinquant, si bien que l’élément matériel et l’élément moral sont étroitement liés.
L’accusation doit établir la connaissance du caractère précaire de la remise dont bénéficiait
le délinquant et la conscience d’agir en marge des obligations contractuelles.

Paragraphe 2. La répression

A. La sanction
1. La sanction de l’abus de confiance simple
Elle est la même que celle du vol. (renvoi. Supra).

2. La sanction de l’abus de confiance aggravée


Les circonstances aggravantes tiennent principalement à la personne du délinquant. La
peine est doublée lorsque l’abus de confiance est commis par un notaire, un
commissaire-priseur, un huissier, un agent d’exécution ou d’affaire. Elles sont aussi
doublées lorsque l’infraction est commise par un employé au préjudice de son employeur
et inversement. Il en est de même lorsque l’infraction est commise par une personne
faisant appel au public ou ayant fait appel au public.

B. Les immunités
Les immunités sont les mêmes qu’en cas de vol. Elles n’opèrent pas en cas d’abus de
confiance aggravé.

Section 3. Les atteintes au droit de propriété par provocation à la remise :


l’escroquerie

L’escroquerie peut être définie comme le fait de porter atteinte à la fortune d’autrui à la
suite d’une tromperie caractérisée. Elle est prévue à l’article 318 (1) -c CPC.
Paragraphe 1. Eléments constitutifs
A. L’élément matériel
A la différence du vol, l’escroquerie ne se réalise pas par soustraction ni à la suite d’une
remise provoquée par violence. La victime remet elle-même consciemment la chose à la
victime. Mais contrairement à l’abus de confiance, cette remise n’intervient pas dans le cadre
d’une relation contractuelle existante entre la victime et le délinquant. Elle est provoquée par
la ruse de l’escroc.
29
1. Les procédés de tromperie
L’article 318(1) -c évoque quelques procédés.

-
L’emploi de manœuvres. Ce sont des actes positifs posés dans le but de tromper la
vigilance de la victime42. Un simple mensonge écrit ou verbal ne suffit cependant
pas. Il n’y a manœuvre que si le mensonge est conforté par d’autres éléments
extérieurs destinés à lui donner force et crédit. Ex : la production d’écrits au
soutien de l’allégation ; accompagnement par une mise en scène ; intervention
d’un tiers qui vient corroborer les dires de l’escroc (c’est le « tiers certificateur »).
- L’affirmation d’un fait (faux) ou la dissimulation d’un fait (vrai). Dans cette
hypothèse, le simple recours au mensonge est suffisant pour que l’infraction soit
constituée. Le mensonge doit porter sur un fait. Ex : celui qui vend un immeuble
en affirmant sa qualité de propriétaire commet une escroquerie. L’usage d’un faux
nom ou d’une fausse qualité est aussi retenu par a jurisprudence. L’abus d’une
qualité vrai est assimilé à la fausse qualité.
2. Le but de la tromperie
Les procédés utilisés doivent avoir pour finalité de déterminer la victime à remettre un
élément de son patrimoine. La chose remise peut être tout bien, à l’exclusion des immeubles.
Il peut s’agir de fonds ou d’une obligation conventionnelle. Ex : reconnaissance de dette.

La remise doit intervenir postérieurement à l’emploi des procédés frauduleux.

Pour ce qui est du résultat de la remise, celle-ci doit causer un préjudice au patrimoine de la
victime. Le préjudice est souvent présumé. Il n’est pas nécessaire que l’escroc se soit enrichi
lui-même. L’escroquerie peut bénéficier à une tierce personne.

B. L’élément moral
L’intention suppose d’une part la connaissance du caractère frauduleux des moyens employés
ainsi que du préjudice causé à la victime. Cette intention se présume souvent de la nature des
moyens employés.

Paragraphe 2. La répression de l’escroquerie


A. La sanction
1. La sanction de l’escroquerie simple
Renvoi sanction du vol (mêmes peines).

2. La sanction de l’escroquerie aggravée


Renvoi abus de confiance aggravé (mêmes peines).

B. Immunités
Renvoi immunités relatives au vol. (art 323 CPC). Il n’y a pas d’immunité en cas
d’escroquerie aggravée.

42
Crim. 2 oct. 1978. D.79 I.R 116.

30
CHAPITRE 2. LES ATTEINTES MATERIELLES AUX BIENS.

Section 1. Les atteintes matérielles sans danger pour la personne d’autrui :


la destruction

Paragraphe 1. L’incrimination de la destruction

La destruction d’un bien est l’anéantissement de celui-ci, sa détérioration matérielle. En droit


camerounais, c’est l’article 316 CPC a qui sanctionne toute destruction de bien appartenant à
autrui ou grevé d’une charge en faveur d’autrui.

A. Elément matériel
Le bien dont il est question peut être meuble ou immeuble. La destruction constitue une
atteinte matérielle au bien. Cela exclut naturellement du champ de la répression, les biens
incorporels. A l’instar du vol et de l’escroquerie, il s’agit d’une atteinte à la fortune d’autrui.
Par conséquent, le bien doit appartenir à un tiers et non au délinquant lui-même. Du moins, ce

31
tiers doit avoir un droit sur le bien. Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un droit de
propriété. Ainsi, l’action du créancier gagiste ou du titulaire d’une hypothèque est retenue par
le juge, même si le bien appartient en réalité au destructeur. A fortiori en est-il des héritiers
co-indivisaires.

Les procédés de destruction ne sont pas limités par le texte d’incrimination. Mais en
application de la règle « le spécial déroge au général », l’incrimination d’une destruction faite
par un moyen bien déterminé dans un autre texte d’incrimination exclut ce fait du champ de
l’article 316 CPC. Tel est le cas de la détérioration du bien au moyen d’un feu 43 ou encore de
la destruction de bornes44.Mais la destruction de construction est réprimée sous l’article 316 45.
Il en est de même de la destruction de véhicule, ou d’un bien d’usage courant.

B. L’intention
La destruction doit être intentionnelle. Il doit donc être prouvé non seulement que le prévenu
avait conscience que le bien appartenait à autrui, mais qu’il a agi sciemment pour le
détériorer.

Paragraphe 2. La répression

A. La sanction
L’article 316 prévoit un emprisonnement de 15 jours à 3 ans et une amende de 5.000 à
100.000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement. Aucune observation particulière n’est
à faire.

B. Les circonstances aggravantes


Le texte prévoit des circonstances aggravantes tenant à la chose détruite. Il en est ainsi
lorsque la destruction porte sur un édifice. Il y’ également aggravation de la peine en cas
destruction d’un ouvrage, d’un navire ou d’une installation. Dans tous ces cas, la peine est un
emprisonnement de 2 à 10 ans et d’une amende de 10.000 à 500.000 FCFA ou l’une de ces
deux peines au choix du juge.

Section 2. Les atteintes créant un danger pour la personne d’autrui :


l’infraction d’incendie et destruction

Paragraphe 1. L’incrimination
L’infraction est prévue à l’article 227-1 CPC. Elle sanctionne toute personne qui met le feu à
un lieu habité ou simplement fréquenté.

A. Les aspects matériels de l’infraction


Aucune précision n’est à faire du point de vue de la qualité des auteurs et victimes. Au sujet
du résultat prohibé, c’est la consumation du bien qui est réprimée par le législateur. Il importe
43
Art 227 CPC
44
Art. 317 CPC
45
Crim, 30 oct. 1984.

32
peu qu’elle soit seulement partielle. L’incendie peut être un fait direct de l’auteur (ex : le fait
d’un pyromane). Mais le résultat peut aussi être atteint de manière indirecte (ex : le
débordement d’un feu de brousse).

Du point de vue de l’objet incendié, il faut dire que la nature du bien est susceptible d’influer
sur la qualification. Il peut certes s’agir d’un meuble ou immeuble. Mais de tous ces biens,
seuls trois types doivent être détruits pour que l’infraction soit constituée : un lieu servant
d’habitation définitif ou temporaire (ex : maison d’habitation, camping-car) ; tout véhicule
occupé (avion, voiture, bateau) ; les mines et leurs dépendances. Ladite mine doit cependant
être en cours d’exploitation. Le fait que le bien incendié appartienne à l’auteur de l’incendie
importe peu. Les faits sont réprimés dès lors que le bien est détruit sous l’effet des flammes.

La destruction accomplie dans les même conditions, même en dehors de tout effet de
flammes est réprimée comme l’incendie lui-même46.

B. L’intention
L’intention se réalise ici par la conjonction de deux élément :la conscience que le lieu
incendié est susceptible d’abriter une présence humaine et la volonté délibérée de mettre le
feu au lieu.

Paragraphe 2. La répression

L’infraction d’incendie et destruction est punie d’une peine d’emprisonnement de 3 à 10 ans


et d’une amende de 5.000 à 1.000.000 FCFA. Aucune circonstance aggravante ni particularité
procédurale n’est à signaler.

46
Art. 227 (2) CPC.

33
TITRE 2. LES ATTEINTES AUX BIENS PUBLICS

CHAPITRE UNIQUE : LES ATTEINTES JURIDIQUES A LA FORTUNE


PUBLIQUE

Section 1. Le détournement de biens publics

Au terme de l’art 184 CPC, le détournement est le fait de celui qui obtient ou retient
frauduleusement un bien appartenant, destiné ou confié à l’Etat, à une coopérative,
collectivité ou établissement public ou soumis à la tutelle administrative de l’Etat, ou dont
l’Etat détient la majorité du capital. L’infraction est abordée dans un titre réservé aux
entraves à l’exercice de service public. Mais il ne s’agit pas moins d’une atteinte aux biens
publics.

Paragraphe 1. Eléments constitutifs

A. L’auteur du détournement

34
Le détournement de bien public constitue une entrave à l’exercice des services publics.
L’infraction concerne de façon large toute personne susceptible d’être impliquée directement
ou indirectement à l’exercice d’un tel service. Il s’agit au premier chef d’agents publics
indépendamment de leur fonction à l’instar de fonctionnaires et assimilés. Cette catégorie
constitue d’ailleurs l’essentiel de l’effectif des personnes mises en cause dans le cadre de
l’opération d’assainissement de la gestion des biens publics. Il s’agit ensuite d’agents privés,
susceptibles d’exécuter pour le compte de l’Etat des missions d’intérêt général ou liés à l’Etat
par une relation de nature contractuelle et qui peuvent recevoir de celui-ci des fonds ou du
matériel pour lesdites fins. Il s’agit également de personnes exerçant des professions libérales
auxquelles l’Etat peut faire recours en raison de leurs compétences.

B. L’acte de détournement
Le détournement fait en lui-même référence à une affectation à des fins autres que celles
légalement prévues. Il suppose comme tout détournement préalablement une remise
volontaire de la chose par la personne publique ou par une personne investie d’un tel pouvoir.
Il suppose par la suite un usage frauduleux de ladite chose. Le texte d’incrimination fait
référence à l’obtention et la rétention frauduleuses. L’acte de détournement consiste donc
prioritairement à une acquisition ou un usage du bien public par des moyens illégaux. Ex :
appropriation de véhicule de l’état. L’acquisition peut être temporaire ou définitive.

C. Le bien détourné
La nature du bien importe peu. Il est juste nécessaire que le bien soit susceptible de
détournement. Il peut donc bien s’agir d’un bien matériel ou immatériel. Le terme englobe les
sommes d’argent. Le déplacement peut consister en déplacement matériel du bien. Mais il
peut également s’agir d’un détournement de l’usage de ce bien.

Paragraphe 2. La répression de DDP

A. La peine
Les sanctions sont particulièrement sévères. Il s’agit de l’emprisonnement à vie lorsque la
valeur des biens détournés dépasse 500.000 francs. L’emprisonnement est de 15 à 20 ans
lorsque la valeur des biens détournés est comprise entre 100.000 et 500.000 francs CFA. La
peine est un emprisonnement de 5 à 10 ans et une amende de 50.000 à 500.000 lorsque la
valeur des biens détournés est égale ou inférieure à 100.000 francs CFA.

Le pouvoir d’individualisation de la sanction par le juge est ici très encadré. Cela s’observe
notamment à travers :

- La fixation des peines minimales en cas d’admission des circonstances


atténuantes ou d’excuses atténuantes de minorité.
- L’interdiction au juge d’accorder une peine assortie de sursis.
- L’obligation de prononcer la confiscation des biens.

35
- L’obligation d’ordonner la publication de la décision rendue47.

B. La procédure
Du point de vue de la compétence, on note la création d’un TCS lorsque la valeur du bien
détourné est supérieure ou égale à 50.000.000fcfa. En deçà, les tribunaux de droit commun
sont compétents.

Quant au particularisme procédural, on peut relever la possibilité d’arrêt de poursuite en cas


de restitution du corpus délicti prévue par l’art 18 de la loi de 2011 portant création d’un TCS
telle que modifiée par la loi du 16 juil. 2012. L’enquête est menée par un corps spécialisé
d’OPJ48.

Section 2. Le blanchiment de capitaux

Le blanchiment est, de manière générale, le fait de faciliter, par tout moyen, la justification
mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant
procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également une opération de
blanchiment, le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou
de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit. Le blanchiment des
capitaux est régi par le règlement CEMAC N º 1 / 03 /CEMAC / UMAC / CM du 04 avril
2003 portant prévention et répression du blanchiment et du financement du terrorisme en
Afrique Centrale révisé par le Règlement n° 02/10 du 02 octobre 2010 et plus récemment
encore par un règlement CEMAC de 2016

Paragraphe 1. Eléments constitutifs

A. L’élément matériel
La législation fait référence à plusieurs agissements qu’elle énumère. Il s’agit notamment
de la conversion ou le transfert de biens provenant d’un crime ou d’un délit, la
dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine ou de la disposition de biens
provenant d’un crime ou même l’acquisition, la détention ou l’utilisation des biens
provenant d’un crime ou d’un délit.

B. L’élément moral
Des lors, l’auteur doit avoir conscience que son activité contribue à la réalisation de
l’infraction

Paragraphe 2. La répression

A. Les peines
Aux termes de l’article 46 du règlement, l’emprisonnement est de 5 à 10 ans et l’amende
peut aller jusqu'à 5 fois le montant des sommes blanchies sans être inférieure à 10
millions de francs CFA. Les personnes morales sont directement punissables mais, ne
s’exposent qu’aux amendes pendant que les dirigeants sociaux encourent à la fois les
amendes et l’emprisonnement.
47
Cf. art.184 CPC.
48
Art 7-3 loi/TCS

36
Le blanchiment est dit aggravé aux termes de l’article 47 et les peines doublées lorsque:

1. - Le blanchiment des capitaux est commis de façon habituelle ou en utilisant les


facilitations que procure l’exercice d’une activité professionnelle;

2. - Le blanchiment est commis en bande organisée ;

3. - Les circonstances prévues par le régime général des circonstances aggravantes sont
établies ».

B. la procédure

Pour rendre efficace la lutte contre le blanchiment d’argent, le règlement a imposé une
obligation de déclaration de soupçon à la charge de certaines catégories de personnes.

Les personnes assujetties à l’obligation de déclaration de soupçon sont des personnes


physiques ou morales qui à l’occasion de leur fonction réalisent, contrôlent ou conseillent les
opérations entrainant des dépôts, des échanges, des placements, des conversions ou tout autre
mouvement de capitaux. La liste de ces personnes est large et inclut notamment les
personnes morales de droit public (trésor public, BEAC, les organismes administratifs dotés
d’une autonomie financière), les personnes morales de droit privé ( article 5 du règlement),
les organismes financiers, les organismes de placement collectif des valeurs mobilières,
les sociétés de transport et transfert de fonds, les agences de voyage , banques,
assurances, professionnels du jeu, professionnels du droit, professionnels de l'immobilier)

Autrement dit, toute société commerciale qui reçoit des paiements, des dépôts, des
placements ou tout autre mouvement d’argent dont l’origine lui parait suspecte. Les
professions libérales, avocats, conseils fiscaux, notaires et autres membres de profession
juridiques indépendantes lorsqu’ils conseillent ou assistent le client ou agissent au nom et
pour le compte du client, par l’achat ou vente des biens, fonds de commerce, manipulation
d’actifs, l’ouverture du compte bancaire, constitution ou la gestion d’une société etc.

Il y a également des personnes physiques qui y sont assujetties. On peut citer les
propriétaires des casinos, changeurs manuels, agents immobiliers, les vendeurs des œuvres
d’art et pierres précieuses.

L’ANIF est l’Agence Nationale d’Investigation Financière. Elle est donc l’organisme
habileté à recevoir la déclaration de soupçon. Autrement dit toute autre personne non citée
par le règlement CEMAC peut faire sa déclaration auprès du procureur de la république.

Il est déclaré à l’ANIF la somme ou tout autre bien susceptible d’être en rapport avec un
crime ou un délit ou s’inscrivant dans le processus de blanchiment d’argent.

37
Fin du cours

38

Vous aimerez peut-être aussi