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En l’espèce, une ressortissante allemande atteinte de troubles mentaux avait été placée

dans différents établissements psychiatriques depuis l’âge de quinze ans, à la demande de son
père. Considérant qu’elle avait été internée contre son gré et que les traitements subis avaient
dégradé sa santé, physique comme mentale, elle a intenté une action en dommages et intérêts
contre l’une des cliniques dans lesquelles elle avait séjourné. Déboutée par toutes les
juridictions allemandes, elle a finalement saisi la Cour européenne des droits de l’Homme
(CEDH) au motif, notamment, qu’elle n’avait pas bénéficié d’une procédure équitable en
droit interne, comme garanti par l’article 6 de la Convention. En outre, elle invoque également
son article 5 consacrant le droit à la liberté et à la sûreté (§ 1) et celui à un recours effectif
pour contester la légalité d’une détention (§ 4), ainsi que l’article 8 relatif au respect de la vie
privée.

Les juges de la Cour ont ainsi dû déterminer si l’internement forcé d’une personne atteinte de
troubles psychiatriques constituait une atteinte au droit à la vie privée, ainsi qu’au droit à la
liberté et la sûreté. Ils ont alors dû rechercher si la responsabilité de l’Etat allemand était bel et
bien engagée, prenant en compte la protection qu’il est censé assurer à ses ressortissants.

Après examen de l’affaire, ils ont finalement condamné l’Allemagne le 16 juin 2005,
considérant que cette protection était insuffisante au regard de la vulnérabilité de la
requérante. La CEDH considère donc que l’Etat défendeur a failli à ses obligations, en ne
permettant pas à cette dernière de faire valoir équitablement ses droits et intérêts vis-à-vis de
son adversaire. Sur le fond, elle caractérise une violation du droit à la vie privée de la
requérante, son internement psychiatrique constituant une ingérence continue dans celle-ci,
ainsi qu’une atteinte à sa liberté. Elle prononce finalement la réparation des préjudices subis
par cette dernière.

I – L’inconventionalité du traitement imposé

A – L’absence de contrôle juridictionnel régulier

L’internement d’une personne atteinte de troubles mentaux n’est pas, en soi, contraire à la
Convention. Il faut néanmoins qu’elle soit expressément justifiée au regard du maintien de
l’ordre public. Or ce qui pose problème ici, c’est justement l’absence de contrôle judiciaire à
cet égard : la détention de la requérante n’a jamais été autorisée par une décision de justice.
La clinique privée en l’espèce a ainsi échappé à toute autorité compétente à examiner si
l’internement et les traitements médicaux qu’elle perpétrait étaient justifiés. En outre, ce type
de contrôle aurait permis à la requérante de disposer de recours effectif pour contester la
légalité des mesures prises par l’établissement. La CEDH admet ainsi qu’il existe un doute
quant à l’existence des garanties procédurales consacrées par l’article 6 de la Convention,
sans pour autant caractériser sa violation.

B – La violation des droits de la personne malade

Si la Cour n’accueille pas tous les moyens invoqués par la requérante, elle retient tout de
même un certain nombre d’atteintes à ses droits et ses libertés. Outre l’aspect objectif de la
privation de liberté, consistant en la détention dans un lieu fermé, la juridiction européenne
identifie l’aspect subjectif lié à la volonté de la personne concernée. En effet, elle constate
que, contrairement à ce qui est allégué par ses adversaires, cette dernière n’avait pas donné
son consentement à séjourner dans l’établissement psychiatrique. Plus encore, elle s’en est
échappée à plusieurs reprises, puis y a été reconduite de force par des agents de police –des
agents de l’Etat donc, ce qui démontre sa participation active à la situation de l’intéressée. En
outre, les juges caractérisent ici une ingérence au droit à la liberté, imputable à l’Allemagne.

II – La condamnation de l’Etat allemand

A – La vulnérabilité de la personne malade

Les juges européens ont finalement condamné l’Etat défendeur au regard de l’insuffisance de
la protection accordée à la requérante. De manière générale, la Cour attache une grande
importance à la sauvegarde de la santé des personnes par leur Etat. Elle avait d’ailleurs
rappelé dans l’arrêt Silmani c/ France, en date du 27 juillet 2004, que le contrôle de cette
protection nécessite une prise en compte rigoureuse de l’état de vulnérabilité propre aux
personnes atteintes de troubles mentaux. À cet égard, elle estime ici que le gouvernement
allemand a failli à son devoir d’exercer une surveillance sur les institutions psychiatriques
privées. Par conséquent, le droit interne tel qu’il a été interprété par les juges nationaux est
incompatible avec l’article 5 de la Convention. La responsabilité de l’Etat défendeur est donc
engagée, en addition à la participation directe des autorités policières à l’enfermement de la
requérante.

B – L’obligation positive découlant de la Convention

Au final, cet arrêt démontre que le respect de la Convention des droits de l’Homme passe
également par des obligations positives, en ce que les Etats doivent non seulement ne pas en
violer les dispositions, mais également agir pour en assurer la bonne application. En l’espèce,
la Cour reproche à l’Allemagne de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour garantir la
protection effective de l’une de ses ressortissantes, notamment contre des atteintes à sa liberté
commises par des personnes privées. Dès lors, sa responsabilité est identifiable par la seule
caractérisation de ces atteintes, en vertu de l’article 5 § 1 de la Convention. L’Etat défendeur
d’ailleurs tenté de contester cet élément, mais s’est vu rappeler à l’ordre par la Cour.

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